Trinquons à la digne héritière des Steel [PV Morgane]

[Précédemment]

Mordekaiser n'avait pas répondu à la question de Morgane. Il s'était contenté de se lever en silence en faisant comme s'il n'avait pas entendu. Bien sûr, il n'avait rien contre Kessler Evans. Du moins, rien de personnel. Selon toute vraisemblance, il lui devait sa force mais rien ne pouvait l'empêcher de penser que cet homme était responsable de la tragique injustice dont il avait été victime dix ans plus tôt. L'Aigrefin espérait lever le voile sur ce mystère mais pour l'heure, il était impuissant. Simplement, ses confrères se raillaient de lui depuis son arrivée au château car il avait eu la maladresse de prétendre appartenir à la famille Evans. Voilà pourquoi on ne lui parlait pas de l'illustre bras droit de Sammius.

Les deux aventuriers avaient quitté le mouroir pour se rendre à la taverne. Ils avaient choisi la même taverne de laquelle ils étaient partis la veille : Le Piment de l'Outre-Tombe. Au moment de leur départ, rien n'assurait leur retour. Quel plus bel endroit pour fêter leur victoire malgré leurs blessures ?

En galant homme, Mordekaiser avait tenu la porte à Morgane alors que le jour commençait un peu à décliner pour la laisser entrer la première. Cet Aigrefin avait les mêmes étranges manies que son aïeul à adopter presque sans s'en rendre compte un comportement propre à mettre les dames en avant.

A leur arrivée, les guerriers attirèrent les regards indiscrets. L'odeur habituelle des lieux brûlant les narines ne s'était pas adoucie avec la journée passée.

"Je n'aurais jamais cru dire ça, mais ça me fait presque plaisir d'être ici. Laisse-moi t'inviter." Fit l'homme, enthousiaste comme rarement.

Quitter le mouroir engendrait un plaisir certain dans nos corps. On avait de nouveau échappé à la mort. Combien de fois cela nous étaient-ils arrivés? Je n'en savais rien pour Mordekaiser mais pour moi, j'avais l'impression que cela était au moins la centième fois que cela arrivait. Depuis ma tendre enfance, j'avais appris à me battre... à fuir ou à tuer selon les conditions qui me faisaient face... Je ne regrettais pas mon enfance. Cela m'avait rendu forte et surtout cela m'avait donné une envie folle de vivre.

J'étais une nécromancienne mais j'aimais autant la mort que la vie. Je voulais juste ne pas m'en faire une amante trop tôt... les bras des hommes, et surtout ceux d'Orpheus, étaient bien plus agréables... plus chauds...

Le chemin fut rapide. Nous le connaissions par coeur après tout. Tous les maléfiques qui se respectent sont habitués à fêter leurs blessures de guerre. C'était un rituel. Nous n'étions pas alcooliques pour autant. Nous rentrons calmement. J'appréciais sa galanterie. Retourner ici après notre aventure dans le temple bouclait l'histoire.

La taverne était bondée comme d'habitude. Je ne fis pas attention aux regards posés sur nous. Je n'étais pas aussi belle que d'ordinaire mais je gardais mon charme incendiaire. Certains devaient croire que je cherchais à lancer une nouvelle mode ou alors que j'étais pas loin de la mort... Qu'ils essayent de m'atteindre, ils risquaient d'être surpris.

Nous nous installâmes à une table un peu isolée. Un serveur mauribond à la tenue crasseuse vint nous demander ce que nous souhaitions. L'aigrefin était mon hôte.

"Je prendrais une liqueur de poire volcanique."

Une fois que mon partenaire fit son choix, nous nous retrouvâmes de nouveau seuls. Je passais une main dans mes cheveux et lançais la conversation doucement :

"Les guerres s'enchainent mais ce lieu reste toujours présent... Oh il y a bien des bagarres... mais quoi qu'ils arrivent, la taverne reste... Je me demande si elle est protégée par la magie... J'aurais bien aimé qu'il en soit de même pour mon manoir... Tu es déjà allé au volcan?"

Les deux aventuriers s'installèrent à une table choisie par Morgane. Après tout, elle avait finalement rempli l'un de ses objectifs : Prouver sa valeur à ses prédécesseurs. Ce jour là, elle avait montré non seulement à la redoutable et redoutée Garvera mais aussi et surtout à elle-même qu'elle était la digne héritière des Steel. Il était légitime de lui consacrer cette soirée.

Lorsque les serveur vint les aborder, la Mage Noire choisit une liqueur de poire volcanique. Mordekaiser ne put s'empêcher de froncer les sourcils. Il n'avait jamais entendu parler d'une telle boisson et rien que son nom faisait froid dans le dos. Il désirait vérifier si ce breuvage méritait son appellation.

"Deux." Fit-il simplement.

La jeune femme entama alors la conversation autour du lieu et du volcan. L'Aigrefin haussa les épaules aux dires de son alliée.

"Je ne sais pas. Je suis rarement venu. En fait, je ne suis pas d'ici. Je suppose que le meilleur moyen de vérifier serait de lancer un sort assez puissant pour détruire l'édifice mais on va s'en abstenir, qu'en penses-tu ?" Répondit-il premièrement sur un ton humoristique.

"Le volcan ? Non, jamais. A vrai dire, je ne vois pas très bien ce que j'aurais pu avoir à faire là-bas. Mes supérieurs n'ont jamais tenu à m'y envoyer, j'ai donc préféré m'en tenir à l'écart ; peut-être à raison. Mais peut-être pourrais tu me montrer, tu as l'air de connaître l'endroit. D'abord la liqueur, maintenant tu m'en parles. Pourquoi cette question ? Qu'y a t-il de si extraordinaire là-bas ?" Demanda t-il ensuite.

Mordekaiser appréciait l'adresse verbale de la nécromancienne. Elle commençait par parler d'un sujet à priori anodin pour emmener son interlocuteur à s'intéresser à autre chose d'infiniment plus important ou grave. Morgane était déjà parvenue à user de cette méthode sur lui à deux reprises, cela ne l'étonnerait pas qu'elle parvienne à le faire une troisième fois. Amusé, il sourit. Il la laisserait faire, trop curieux de savoir où elle voulait en venir.

Le serveur apporta ensuite les commandes à ses clients et demanda son paiement. L'Aigrefin paya pour Morgane et lui-même avant que le garçon ne disparaisse comme il était apparut.
Le guerrier leva ensuite son verre à l'attention de la Mage Noire.

"A ta victoire."

"Je n'ai pas spécialement envie de dormir en prison... Leurs draps grattent c'est immonde! Donc oui, on va s'en abstenir."

Un sort assez puissant... Ma grand-mère avait anéanti les thermes il y a quelques années à cause d'un échangiste... Celui-ci lui avait volé sa magie noire et n'avait pas su la maitriser... on ne s'improvise pas nécromancienne après tout. Du coup, le lieu avait été saccagé pendant des mois... La taverne subissait souvent des bagarres et j'étais quasi certaine qu'il y avait déjà eu des incendies déclenchées suite à celles-ci... mais le lieu restait...

"Le volcan a souvent fait fuir nombreux aventuriers... Il faut être fou pour être là bas."

Je souris sarcastiquement. Oh oui, il fallait être vraiment cinglée pour s'installer aussi près d'un lieu instable... mais c'était bien cette protection qu'avait cherché ma famille il y a plusieurs centaines d'années en batissant le manoir car les ombres avaient bien trop peurs des éruptions pour tenter un vol. Mais c'était bien à cause de l'une d'elles conjugués à l'attaque des anges et la mort de l'enchanteresse que cette demeure avait disparu... Et j'en souffrais encore aujourd'hui.

"J'y ai vécu pendant de nombreuses années. C'est mon chez moi là bas, aucune pierre volcanique n'a de secret pour moi... mais ma maison n'est plus que ruines... J'ai par contre quelques objets de Kessler Evans là bas... des reliques familiales rien d'importants pour ton ordre mais chéris pour moi."

Une épée... un brassard et une cotte de maille... Rien de bien luxueux mais ma mère ne s'en était jamais débarrassé... Je ne la comprenais pas au début... mais je la comprenais mieux maintenant... vu qu'il y avait aussi là bas plein d'artefacts de ma mère et de ma grand mère... Et des émeraudes spéciales contenant de précieux souvenirs. Il y avait aussi là bas des sources merveilleuses...

"La boisson est un pêché mignon. Garvera te dirait que cette liqueur est faite pour les famellettes... mais je l'adore... Car elle est spéciale... tu verras..."

Un sourire mystérieux étira mes lèvres. Mon regard s'instillait. Le serveur nous servit. Je lui souris et trinquai calmement. Oui, j'avais gagné... J'avais encore du mal à y croire. Je bus une gorgée... doux et chaud avec cet arrière gout de piment caché par une poire voluptueuse... c'était parfait.

"Quel est ton jardin secret?"

Morgane expliqua à l'Aigrefin son lien avec le volcan. Il était difficile de croire que quelqu'un ait pu habiter là-bas, pourtant rien n'était impossible avec les Steel et depuis que Mordekaiser avait rencontré la Mage Noire, il avait entrepris de donner une nouvelle définition aux mots "surprise" et "impossible". L'homme avait d'ailleurs discrètement tiqué lorsque la demoiselle lui avait parlé d'objets ayant appartenu à Kessler Evans. Cette simple évocation avait suffi à éveiller un intérêt plus profond encore aux yeux du guerrier de la Rose Noire. Il désirait voire ces objets. S'en emparer était bien entendu exclu puisqu'ils semblaient avoir une valeur spécifique pour Morgane, mais Mordekaiser ne pouvait s'empêcher de se demander s'il aurait des révélations à leur contact.

Les commandes furent apportées et à cause de la remarque de la nécromancienne, l'homme ne se priva pas d'en tirer premièrement une large gorgée afin de s’imprégner du goût de la boisson. Afin d'évacuer les premières vapeurs, l'Aigrefin laissa s'échapper son souffle chaud, alcoolisé et parfumé embaumant Morgane.

"En effet, c'est spécial. J'en reprendrai avec plaisir la prochaine fois que je viendrai ici." Commenta le colosse avant que la jeune femme ne lui pose une question qu'il trouva quelque peu dérangeante.

Il hésita un long moment, perdant son regard dans le vague. Nul part Mordekaiser ne se sentait chez lui. Il visualisa alors tous les endroits où il avait passé du temps : le château où il avait grandit, le quartier général des Aigrefins... Au bout d'un moment, il releva la tête et parla d'une voix grave. Son léger sourire s'était effacé.

"Et bien... il y a un endroit. Je ne sais pas si on peut parler de jardin secret, mais j'aimerais te le montrer après que tu m'aies fait visiter ton manoir au volcan bien entendu. Ce sera ma contrepartie. Qu'en dis-tu ?"

Il s'agissait des ruines du château de Naturalia où il avait été emprisonné dix ans durant. Cet endroit était celui qui le semblait le plus familier ou plutôt le moins inconnu.

C'est à ce moment là qu'un groupe de ménestrels entra dans l'établissement. Les musiciens adressèrent quelques mots au gérant, suivis par le regard curieux de Mordekaiser. A l'évidence, leur arrivée était prévue car l'homme ne sembla pas surpris.

Après s'être installé à un bout de la salle où place avait été faite, les ménestrels chantèrent les louanges d'un Aigrefin qui avait connu une vie passionnante remplie d'aventures, de dangers et de femmes pour finalement être décapité pour ne pas avoir su que la dernière d'entre-elles était la femme de son supérieur. Si quelques clients riaient, le guerrier, d'humeur soudain moins joyeuse, remuait la tête d'un air consterné.

"Quelle connerie." Soupira t-il sans se rendre compte que Morgane l'avait entendu.

Remarquant que l'enthousiasme de la salle se tassait rapidement, les musiciens entamèrent un air populaire raillant Bénécius en demandant aux courageux de se lever. Le peuple de Malificium voulait danser.

"Tu me vois ravie d'avoir fait un nouvel adepte à ma boisson chérie!"

Je bus avec plus de soin ma première gorgée. La chaleur prit part de ma gorge et j'en fus divinement satisfaite. Il était fou de voir comment l'alcool pouvait parfois faire du bien, comme un bon bain chaud, celle-ci pouvait effacer votre fatigue ainsi que vos ennuis. Je n'étais pas alcoolique, je préférais largement m'enivrer par le sang ou bien un amant hors pair. Néanmoins, des fois, la boisson avait à mes yeux un gout aussi merveilleux qu'un baiser sensuel.

"Tu m'intrigues mais je pense que c'est un bon compromis. J'espère que tu n'es pas intolérant à la chaleur car là bas, il est loin de faire aussi frais que dans le temple."

Oh oui, j'étais intriguée, vilaine curieuse que j'étais à son égard. Je me sentais liée à lui mais d'un point de vue amical presque fraternel donc je me demandais bien où il voudra m'emmener après une expédition dans mon manoir. En tout cas, si c'était au château des aigrefins, je serais quelque part déçue car je le connaissais même si cela faisait des années que je n'y étais pas allée.

"Tu n'aimes pas leur chant ou bien est-ce parce que c'est à la gloire d'une femme et non de ton confrère?"

Je le taquinais. Je n'avais même pas jeté un oeil aux ménestrels. Pour moi, ils n'étaient que de la chair à canon, des morceaux de barbaque à tester pour vérifier mes nouvelles techniques de torture. Par le passé, un ordre se rapprochait d'eux : les disciples d'hélios. Je ne les avais jamais rencontré mais au vu du peu d'estime que ma grand mère avait pour eux, je jugeais que les "chanteurs" actuels devaient bien leur ressembler. Je me levais subitement et m'approchai de l'aigrefin. Je lui tendis la main et murmurai doucement :

"Accepteriez-vous de danser afin de fêter notre réussite?"

Je n'étais pas une précieuse adepte de la danse mais je me débrouillais et j'espérais que cela le ramènerais à moi car je sentais bien que quelque chose clochait dans son attitude. Pour le taquiner, je lui lançai une boutade :

"Morphée te manque?"

Mordekaiser ne répondit aux légères railleries de son alliée que par de discrets sourires en coin laissés à son attention. Sa seule réponse audible se fit entendre lorsque la jeune femme avait commenté la chanson des ménestrels.

"Rien de tout ça. Je suis juste surpris que des itinérants osent tourner la Rose Noire en dérision devant le peuple et que celui-ci en rie. Je suppose qu'il y a de cela quelques décennies, les choses auraient été différentes." Avait-il expliqué avant de se lever.

A contrecœur à l'origine, l'Aigrefin accepta la danse proposée par Morgane. Il n'aimait pas se mêler à la plèbe et partager ses activités mais force était d'admettre que lorsqu'une Dame aussi séduisante que la nécromancienne demandait une danse à un Chevalier fut-il noir ou non, il n'était pas de bonne augure de la lui refuser non seulement pour ne pas la vexer mais également pour ne pas laisser filer l'occasion d'éprouver un tel plaisir fugace et éphémère.

Adoptant le même rythme que sa cavalière, Mordekaiser révéla à cette dernière quoique timidement un de ses talents cachés. Non pas qu'il était animé d'une quelconque passion pour la danse, il avait appris quelques rudiments de cet art subtil si maîtrisé auprès de ses anciens confrères Chevaliers ; autrefois soucieux de son habileté à plaire aux Dames d'élégance comme le faisaient les gens de bien.

"J'avais à nouveau presque réussi à l'oublier. J'espère qu'il a réussi à se perdre dans la foule. Mais ne te détrompe pas, je l'apprécie même si je le trouve étrange. Je n'avais encore jamais vu de chat parlant. Comprends que j'aie besoin d'un petit temps d'adaptation." Avait-il répondu à la question de Morgane avec un humour du même ton.

N'écoutant plus que machinalement le rythme de la musique plutôt que ses sonorités, l'Aigrefin était concentré à suivre les pas de sa cavalière liant une main à la sienne et apposant l'autre juste au dessus de sa hanche. Les yeux plongés dans ceux de la Mage Noire, il ne put s'empêcher de penser que cette expression était autrement plus familière que celles des demoiselles qu'il avait fait danser dans les bals lorsqu'il était plus jeune. La facilité avec laquelle leurs pas se synchronisaient naturellement était également de nature à éveiller la curiosité du maudit.

"Nous sommes nous déjà rencontrés avant aujourd'hui ?" Demanda t-il aussi intrigué que sincère.

"J'en suis certaine. Mais comme mon ordre fut décrié par le passé après l'explosion de notre tour, c'est à présent le tour de ton ordre. Vous vous faites trop discrets... Après... Ils ont pu être payés par vos ennemis afin de vous taquiner... Tout est possible à Malificium."

Mon père les aurait pendu haut et court ou découpé en petits morceaux. Il était si fier de son ordre tout comme l'avait été Sammius... Mais on ne les voyait plus aussi souvent que par le passé ou bien ils étaient moins terrifiants... Faut dire que jamais par exemple on avait vu leur chef ici afin de casser du petit jeune et régner le chaos comme l'avait fait régulièrement Sammius...

"Mais ceci est rattrapable. Il en faut peu pour raviver quelques souvenirs. On peut réparer cela si tu veux."

Je n'étais jamais contre un peu d'actions. Mordekaiser le savait et puis, cela faisait si longtemps que je n'avais pas déclenché un incendie... Cet endroit rempli d'alcool pourrait faire un joli bucher. En tout cas, je l'invitais pour le moment à danser. Nous verrons la suite après. Je lui souris et me mis à danser. Mon partenaire était excellent, cela faisait plaisir à voir et dans la foule, cela engendra quelques jalousies.

"Oh, on s'y habitue à la longue. J'ai vu tellement de choses procrées par la magie qu'un chat qui parle ce n'est rien... Par contre une vache qui vole... Là... Oui, c'est écoeurant."

J'haussai les épaules et fis un tour sur moi même. La danse engendrait un état de plaisir instantané et délassait les muscles. Garvera Steel était une très brillante danseuse, je n'arrivais pas à sa cheville mais j'étais néanmoins sensuelle à chaque mouvement. Nous formions un couple parfait. Aucun défaut, pas de pieds écrasés, pas de pas ratés, c'était parfait. Je fus surprise de sa question. Je réfléchis de longues secondes et demandai :

"Depuis quand es-tu chez les aigrefins? Combien d'années? Tu as pu me croiser très jeune avec mon père... A moins que tu as été prisonnier de la tour?"

Non... Son visage me disait quelque chose sans pourtant m'être complètement familier... C'était étrange comme sensation. J'avais l'impression de l'avoir toujours connu et pourtant, de grosses parts d'ombre étaient présentes entre nous.

"Serais-je un fantôme de ton passé? Ou tu me confonds avec ma mère peut-être? Ou une de tes amantes? On dit souvent que je ressemble à un mirage. J'ai peut-être mis de la drogue dans ton verre et tu as une hallucination"

Ceci était faux mais je continuais à le taquiner. Mes lèvres exprimaient un rictus d'amusement.

Les remarques de Morgane firent sourire l'Aigrefin qui dansait avec elle d'une manière tout à fait naturelle sans pourtant être machinale ou monotone. La jeune femme avait hérité du sang chaud de son père, c'était chose sûre ; a moins qu'il ne s'agisse de celui de sa mère, qui savait ? Mordekaiser savait également se montrer impulsif à ses heures mais au vu de leur état, il se mit rapidement à douter de leurs chances de survie s'ils venaient à s'attirer les foudres des autochtones et des gardes. Après avoir fait une brève comparaison entre les avantages et les risques que présentait une entreprise, le guerrier secoua doucement la tête.

"Ce n'est que partie remise. Profitons de la soirée et amusons nous." Dit-il simplement en espérant tasser l'enthousiasme sanguinaire de sa comparse.

Visiblement de bonne humeur, la nécromancienne avait même plaisanté sur les observations de Mordekaiser.

"Élégant." S'était-il contenté de répondre en riant, de répugnantes images en tête.

"Impossible. Je ne suis un Aigrefin que depuis moins d'un an. J'ai eu peu de conquêtes et pour autant que je m'en souvienne, aucune n'avait tes charmes ni ne s'en approchait. En ce qui concerne la drogue tu en es bien capable mais tu n'as pas besoin de ça pour me séduire et tu le sais." Répondit-il en souriant discrètement, continuant de taquiner Morgane tout en flattant son égaux de manière sincère.

Les dernières notes mourraient, s'écrasant sur le parquet de la taverne au rythme des pas des danseurs. Les ménestrels décrétèrent une pause d'une petite dizaine de minutes sans en préciser la nature à la grande déception de l'assemblée qui poussa un râle de frustration.

"Le luth de l'humain est désaccordé." Glissa Mordekaiser à sa partenaire avant d'interpeler une serveuse qui se trouvait non loin, prête à prendre de nouvelles commandes pour faire patienter les clients.

L'Aigrefin avait commandé une autre tournée de la boisson que lui avait fait découvrir la Mage Noire en désignant leur table.

"Ceux là sont pour moi. Disons que c'est ma façon de te remercier pour cette danse." Fit-il une fois qu'il eut rejoint Morgane.

Etrange... Si nous nous n'étions pas rencontrés dans le chateau des aigrefins alors pourquoi avions-nous l'impression l'un et l'autre de déjà nous connaitre bien avant notre rencontre dans le cimetière? Cela m'intriguait et aussi m'excitait l'imagination je devais bien l'avouer. Je lui souris et murmurai :

"Tu es donc qu'un jeune aigrefin. Je suis déçue! Moi qui pensais que tu étais un combattant émérite, un héros légendaire! Je comprends encore mieux la farce que tu pensais que je te jouais dans le cimetière! Vous avez besoin de moi pour prendre du galon! C'est indéniable!"

Je le taquinais mais j'étais aussi très sincère. Je venais par ces quelques mots lui expliquer que je comptais bien rester dans sa vie pour une durée indéterminée. Je ne savais pas quelle place j'aurais exactement ni la sienne mais je savais que nous étions liés. En tout cas, mon égo avait trouvé charmant ses compliments.

"Je ne drogue jamais les gens. Je suis bien trop belle pour m'abaisser à un tel acte."

Oh j'avais déjà empoisonné bien sûr mais jamais utilisé de filtre d'amour. Ce n'était pas nécessaire. J'avais suffisamment de charme et des atouts indéniables pour jouer avec les hommes sans artifices. Je lui souris et rejoins la table d'un pas sensuel. Je n'étais pas fatiguée mais un peu d'alcool ne pouvait pas me faire de mal.

"T'aurais-je rendu accro?"

Je bus une gorgée de mon nouveau verre et lui souris. Je réfléchissais pendant quelques secondes puis repris d'un ton doux :

"As-tu des attaches? Je me dis qu'on a peut-être un ami en commun. Je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe entre nous. J'ai l'impression que je te connais depuis des années, que tu as toujours été à mes côtés... mais c'est surement du à l'alcool..."

Malgré tous les efforts de sincérité que Mordekaiser déployait pour contenter Morgane et calmer ses railleries à son égard, la jeune femme continuait de jouer allègrement avec les nerfs de l'Aigrefin. C'était là comme un genre de jeu qui s'était instauré entre eux depuis leur rencontre. Non mécontent de l'avoir enfin compris, le guerrier ne s'offusqua pas bien au contraire il se surprit même à rire.

"Déçue ? Ne me prend pas à la légère je ne me débrouille pas trop comme une bleusaille figure toi. J'espère qu'un jour j'aurai droit à une revanche, à moins que tu ne me craignes. Enfin, je suppose qu'une grande fille comme toi n'a peur de rien n'est-ce pas ? Qu'as tu fais pour ton ordre ? Tu t'es présentée comme une rebelle mais je suis sûr que tu en as déjà fait un peu plus que ça." Répliqua t-il en rejoignant le ton décalé de sa comparse.

Ensuite, la jeune femme rejoignit leur table où leurs verres les attendaient. D'un œil bien avisé quoiqu'un peu indiscret, Mordekaiser profita sans trop de gêne de l'agréable mouvement que lui avait gracieusement offert la nécromancienne.

"Accro, je n'irai sans doute pas jusque là mais j'admets que tu m'as fait découvrir quelque chose. Et puis, comme tu as l'air d'aimer ça je ne risque pas de faire de faux pas en t'en offrant un autre verre." Avait répondu l'Aigrefin.

La suite de leur discussion se recentra sur un sujet qui se prêtait bien moins aisément à la plaisanterie. Si la Steel avait hésité avant de parler, l'héritier maudit se montra quant à lui plus vif et assuré.

"Je n'ai ni attache, ni ami, ni famille. Cette impression est réciproque mais je n'ai pas de réponse pour l'instant. Peut-être en trouverons-nous une plus tard, ou peut-être pas. Tu n'as pas encore assez bu pour que l'alcool t'influence à moins que tu ne le tiennes pas... Je te prie de bien vouloir m'excuser un instant." Dit Mordekaiser avant de se diriger vers les sanitaires de l'établissement.

Sur son chemin il rencontra l'un des musiciens et inévitablement, leurs regards se croisèrent. Le Drow vint s'adresser à lui d'un air un peu trop naturel et familier au goût de l'Aigrefin.

"La chanson vous a plut ? Le prenez pas mal hein, c'est pas contre vous." Avait-il dit avec un sourire plein d'arrogance.

"Cette corde de "mi" va mieux au moins ?" Répliqua l'homme en changeant de sujet.

"Plutôt la corde de "fa", mais bien essayé." Répondit le Drow en tapant presque amicalement sur l'épaule du guerrier, juste à l'endroit où l'éclair de Garvera Steel l'avait brûlé le plus sévèrement.

Mordekaiser tiqua en grimaçant avant que son interlocuteur ne voit en cela une nouvelle occasion de se jouer de lui.

"Pas très solide on dirait."

Sur ce, il sortit laissant l'homme à son affaire. L'idée de la Mage Noire commençait à lui plaire mais il ne pouvait pas régler son compte au ménestrel juste avant qu'il ne retourne faire le paon devant les clients.

Une fois qu'il eut retrouvé Morgane, le guerrier prit un grand trait de boisson sans prendre garde à son caractère. Il secoua ensuite sèchement la tête pour détendre sa mâchoire.

"Où en étions-nous ?" Demanda t-il à la demoiselle en masquant son agacement.

« Te craindre ? »

J'éclatais de rire joyeusement. Oh bien sûr avec sa force surhumaine, il serait complètement suicidaire de ma part de l'affronter... mais j'aime le risque et jusqu'à dire que j'avais peur de lui, il y avait un monde. Je n'ai peur de rien ou presque et j'ai appris à comprendre les aigrefins et donc à savoir me servir d'eux en toute circonstance. Je lui souris ironiquement. C'était plutôt lui qui devait me craindre car j'étais prête à utiliser tous les coups pour réussir.

« Je ne serais pas une Steel si j'avais peur de tout. »

Je pris quelques secondes de réflexion pour la suite de son interrogatoire. Qu'est ce que j'avais fais pour mon ordre ? Je bus une gorgée de ma boisson et répondis sereinement :

« J'ai tué quelques bleusailles qui avaient choisi la robe noire parce que c'était trop la classe et non par réelle conviction... J'ai combattu un dragon en compagnie de druides et de mage rouge pour le bon vouloir de mon chef. Je tisse des relations pour qu'un jour, si je deviens chef, je ne sois pas seule et tout un tas d'autres choses qui te ferait rougir donc je vais les garder sous silence. »

Je le taquinais de nouveau mais j'étais sérieuse. Il n'avait pas besoin de tout savoir sur moi. Cela lui serait trop dangereux et on risquait de vouloir le tuer pour m'atteindre. Le combat contre le dragon n'était pas anodin et pas courant mais j'avais agi comme si j'avais combattu un lapin garou.

« Tout à fait. »

J'aimais d'autres alcools mais il y en avait tellement que je n'aimais pas du tout... Il avait bien fait même si ce n'était pas très courageux de sa part. Je souris à sa remarque. J'allais lui répondre mais il s'absenta. Pendant ce court laps de temps, je regardais calmement les musiciens restant ainsi que les autres clients. Certains semblaient ne pas être très contents de ma présence mais ce n'était rien tant qu'ils n'approchaient pas. Mordekaiser revint vite. Je lui souris et repris :

« Tu te demandais si notre relation était dûe à l'alcool ou non. Je suis désolée de te l'apprendre mais j'ai toute ma tête. Par conséquent, nous pouvons éliminer cette cause. »

Le musicien était revenu. La troupe pouvait donc reprendre. Echange de piecettes entre clients saouls et les ménestrels et cela reprit. Aussitôt mon visage se figea. Ils étaient entrain de chanter une ritournelle sur les mages noirs nous traitant au passage de crapauds estropiés et d'effarouchés.

« Que dirais-tu de manger un bout ? Il paraît que la langue de musiciens est très bonne accompagnée d'un plat de patates. »

Je me levais de mon siège et me mis à incanter. Un zombie apparut devant le moqueur qui devint plus blême que la mort...

Peu après le retour de Mordekaiser, les musiciens étaient remontés sur leur estrade pour jouer un nouveau morceau. Le guerrier n'y fit aucunement attention en premier lieu, concentré sur sa discussion avec la Mage Noire. Soudain, la jeune femme changea brusquement de sujet en demandant à son acolyte s'il désirait manger quelque chose. Quelque peu surpris, l'Aigrefin fronça les sourcils.

"Ma foi pourquoi pas si tu v... Mais qu'est-ce que tu fais ?" Demanda t-il lorsqu'il vit Morgane se détourner de lui pour incanter en direction des ménestrels.

Un mort-vivant apparut alors devant l'un des chanteurs et Mordekaiser comprit le geste de son acolyte. Après la Rose, les inconséquents avaient sans doute du s'en prendre à la Robe Noire. Dans un premier temps, l'Aigrefin tacha de calmer le jeu en posant une main rassurante sur l'épaule de Morgane.

"Tu ne devrais peut-être pas faire ça, tu sais ?" Lui souffla t-il.

Avant même que la jeune femme n'eut le temps de donner un ordre à son invocation, un homme qui l'avait repéré avait émané de la foule armé d'une bouteille et se précipitait sur la nécromancienne. Réactif, l'héritier maudit eut le réflexe de protéger la Mage Noire en toute chose comme si cela eut été un comportement familier. Il s'interposa donc entre l'agresseur et elle, bloquant le bras armé d'une main ferme. Sa vitesse et ses réflexes s'étaient révélés tout à fait impressionnants y compris pour lui-même. En réalité, Mordekaiser n'avait même pas le souvenir de s'être déplacé. C'était un peu comme si quelqu'un d'autre avait agi pour lui, quelqu'un de bien plus adroit que lui en tout cas.

"Avise toi encore de l'attaquer et je t'arracherai le bras pour te tabasser avec. Compris ?" Lança l'Aigrefin à l'homme aussi sèchement qu'il le put.

Devant la mine répugnante de l'individu déformée par son sursaut de bravoure mêlé de stupidité, le guerrier ne put résister à l'envie de le saisir par la gorge à l'aide de sa main libre et d'user de sa force surhumaine pour le soulever de terre et le plaquer aussitôt au sol avec une brutalité inouïe, faisant craqueler les planches de bois sur lesquelles ils se trouvaient.

Je lancais un regard orageux à Mordekaiser. Oserait-il me dicter ce que je devais faire ou non? Il était fou? Personne ne me dictait ma conduite et encore moins un aigrefin. Ma famille avait oeuvré pour cet ordre mais il ne fallait pas non plus oublié que j'étais libre de faire ce que je veux. D'une voix froide comme la mort, je lui répondis :

"Insulter mon nom et mon ordre est un pêché mortel. Tout le monde le sait. Si je ne fais rien, j'ouvre la voie à des immondices. Donc que la sentence soit donnée!"

Mais je n'eus pas le temps de me venger. On venait de m'agresser. Grave erreur... Ma colère n'en sera que plus noire. Je tremblais légèrement signe que je contenais de moins en moins mes émotions. Je m'étais relevée suite à la bousculade tintée de protection de mon partenaire. Il avait été vif... très vif... Je lui étais bénéfique assurément. Il tua l'assassin d'un soir. J'eus un sourire satisfait.

Mon zombie avait griffé le ménestrel mais je le contrôlais. Il ne le tuerait pas d'un coup. Je le fis pousser l'homme. Il recula de plusieurs pas et tomba sur ses instruments. Pathétique. Mon zombie en profita pour le mordre à la cheville et à le rogner doucement mais surement. Les cris du musicien était la plus belle symphonie. Je me dirigeais vers lui.

Un autre assistant vint à son secours. J'incantais et un mur de terre vint me protéger puis se transformer en une main de terre autour de sa gorge. Je l'avais à peine regardée. J'étais faite pour donner la mort. Si quelqu'un avait eu un doute à ce sujet dans cette taverne, celui-ci venait de voler en éclat. Je fis disparaitre ma magie et une dague vint trancher la carotide de l'imprudent. Il tomba au sol. Je continuais ma marche.

"Osez profaner les morts est punissable surtout s'il s'agit d'un membre de ma famille. Osez s'en prendre à moi est un pêché capital. Tu as cru drôle de te jouer de moi... Mais te voilà puni..."

Des mains de terre vinrent lui enserrer les bras de part et d'autres. Mon zombie continuait son travail de sappe et était à présent au niveau de sa cuisse. Le sang affluait sur le sol à grandes doses tout comme quelques morceaux de nerfs et de tissus. C'était ragoutant à souhait et certains clients vomissaient leurs tripes non loin de là. Je m'approchais de sa tête et posais mon talon aiguille sur son front.

"Un mot pour te soulager la conscience?"

"Crèves!"

"Sentence acceptée."

Je retirais mon pied et un pic de terre lui transperça la gorge de part en part le tuant sur le coup. Je laissais mon zombie finir son repas. Je fixais la foule. Il y avait eu certains opposants et mon aigrefin préféré avait assuré le cordon de sécurité.

"Je suis Morgane Evans, archimage maudit, fille de la dernière chef des ombres et de l'ancien conseiller de Sammius. Ma grand mère fut la Sadique. Un volontaire pour dire quelque chose contre cela?"

Instoppable, la Mage Noire avait choisi d'ignorer le conseil de son allié et l'avait même réprimandé pour cela. Mordekaiser avait baissé la tête. Il ne s'en voulait pas d'avoir tenté d'arrêter Morgane, simplement il regrettait que les ménestrels aient eu l'audace de la mettre dans un tel état. L'Aigrefin ne s'opposerait pas à elle. La jeune femme était devenue suffisamment importante à ses yeux et attisait tant de curiosité en lui qu'il n'aurait su rien faire pour lui être désagréable.

Inexorablement, la nécromancienne se rapprochait de sa victime et Mordekaiser s'était attelé à repousser violemment quiconque tentait d'entraver sa progression à l'aide de ses poings d'acier. A mesure que la cruauté et la brutalité s'accentuaient, des cris d'angoisse de plus en plus pressants émanaient de la foule. Certains clients paniqués fuirent l'établissement à raison.

Bientôt, Morgane atteignit l'estrade et mit un terme à l'existence du ménestrel. Mordekaiser quant à lui s'était placé devant l'estrade. Deux cercles vides et imbriqués s'étaient alors formés : un autour du mastodonte, l'autre, plus vaste, autour de la Mage Noire. La jeune femme en profita alors pour se tourner vers l'assemblée et décliner son identité complète. Un long silence s'en suivit. L'héritier maudit prit alors la peine de la scruter. Elle était cruelle, bien plus encore qu'elle n'avait su le montrer à Mordekaiser jusqu'alors ; mais par la même occasion bien plus belle aussi.

Soudain, la porte de la taverne s'ouvrit brusquement. Alertés par les fuyards, des gardes s'étaient empressés d'aller contrôler la situation et éventuellement arrêter les fauteurs de trouble. Lorsqu'ils comprirent que la jeune femme qu'ils étaient venus sanctionner n'était autre que Morgane Steel Evans, leur enthousiasme se tassa subitement. Ils marquèrent alors un temps d'hésitation et Mordekaiser en tira profit, montant sur l'estrade pour murmurer à son alliée.

"Prête à cavaler ma belle ?"

Les gardes étaient pour l'instant présents en petit nombre mais ils afflueraient bientôt lorsque l'information concernant la gravité de la situation serait parvenue à leur tour d'affectation. Pour l'heure, ils n'avaient toujours pas cherché à attaquer les deux malfrats mais leurs obligations les rappelleraient bientôt à d'avantage de virulence. Aussi efficace que fut le duo des deux maudits, ni l'un ni l'autre ne possédait encore la puissance nécessaire pour faire face à une telle opposition.

Ils allaient donc devoir se frayer un chemin dans les rues de Malificium et semer les gardes. Pour l'heure, la seule échappatoire qui s'offrait à eux était de passer en force par la porte principale et pour ce faire, ils disposaient d'un atout de choix.

Mordekaiser tira sa grande épée de son emplacement dans son dos et chargea les gardes près de la porte dans un hurlement barbare. Instinctivement, l'assemblée s'éclipsa du mieux qu'elle le put devant l'Aigrefin qui se ruait vers eux ou plutôt à travers eux comme s'il eut été catapulté.

A quelques mètres des gardes jaillit une bête faire de ténèbres. L'héritier maudit avait beau être un colosse, il serait stoppé net par les lances des gardes s'ils venaient à le toucher. Le large monstre, à défaut de blesser les hommes casqués, s'étendit autour d'eux pour obstruer leur vision.

Une fois à portée, Mordekaiser tourna sur lui même tout en avançant, chassant brutalement les trois gardes de sa lame puissante dans une effusion de sang. Pour un observateur extérieur, il aurait été presque amusant de constater qu'un véritable couloir humain s'était formé entre Morgane et la porte de l'établissement.

Ce que je n'avais pas prévu : c'était l'arrivée aussi rapide des gardes. Cela m'agaça et je laissais filer entre mes lèvres un juron drow. Ils étaient toujours là quand j'avais pas besoin d'eux alors que l'inverse, cela ne se passait jamais. Nous n'étions pas en très bon terme. Oh je n'avais pas gouté à la prison des milles pêchés... J'avais connu bien une prison mais elle se situait dans les soubassements du château des paladins.

Juste que les gardes avaient plusieurs fois participer à empêcher mes vengeances et quelques achats au marché des esclaves. De plus, j'étais une Steel et rien que pour cela, ils me haissaient alors que ma grand mère s'était sacrifiée pour leur sauver la vie contre les anges... Puff... Ingrats! Ils m'associaient toujours aux ombres alors que ce peuple avait disparu à mon grand désarroi. Je venais d'une famille sulfureuse et j'en étais une digne héritière. Que voulez-vous? Ils étaient un peu les dommages collatéraux de ma gloire.

Je m'approchai de Mordekaiser alors qu'il venait de me rejoindre. En bonne actrice, il était temps que je tire ma révérence. J'avais vengé mon nom. Je pouvais donc partir. Ils nous observaient et n'osaient pas agir tant qu'ils n'étaient pas en nombre suffisant. Je me dirigeais vers notre table et finis mon verre. Il fallait pas gacher un si bon cru.

Je regardais avec plaisir mon aigrefin préféré m'ouvrir le passage. Un vrai gentilhomme à mon service. Je souris et me mis à courir dans sa direction. Afin de m'assurer que personne n'oserait agir, j'avais crée des murs de terre entre nous et les gardes. Nous fumes rapidement dehors. Aucun client n'avait osé nous empêcher de fuir.

"Viens."

Je savais où aller sans qu'on ait le moindre souci. Nous courûmes le plus vite possible en empruntant deux rues sur la gauche. Nous dumes à un moment assommer un garde qui venait rejoindre la taverne mais ses jours seraient sauf. Dans la pénombre, il nous m'avait à peine reconnu... C'était l'essentiel.

Au bout de dix minutes de course effrénée, je me stoppais devant une grille. Celle-ci semblait menée devant nulle part vu qu'elle semblait passablement rouillée. C'était volontaire. Je l'ouvris dans un léger grincement. Mordekaiser devait me faire confiance. Je refermais la grille et nous empruntâmes ce qui ressemblait à un tunnel. C'était en fait une bouche d'égout.

"Ici, ils n'oseront pas rentrer. Ils ont peur des rats, des fantômes ou zombies qui y seraient. Mais rassures toi, des rats il y en a bien mais après... pour le reste, tu verras bien."

Je lui souris malicieusement et nous pénétrâmes dans les égouts, les catacombes de Malificium. Nous avançâmes pendant de longues minutes dans une pénombre relative et où une odeur d'humidité était présente. Nous finimes par prendre un chemin sur la droite et nous arrivâmes après encore quelques pas et quelques rats rencontrés dans une sorte de "clairière" d'égout, une immense place qui avait vécu des jours meilleurs.

"Bienvenue chez les ombres. J'ai passé mon enfance ici. Tu veux que je te fasse le tour du propriétaire? Nous sommes ici dans l'avant-garde."

Sans poser de question, l'Aigrefin suivit Morgane dans les détours des rues de la ville qu'elle connaissait si bien. Le malheureux homme armé qui avait croisé leur route avait fait les frais de sa rencontre, mais il son sort demeurait bien plus enviable que celui de ses trois collègues au Piment de l'Outre-Tombe. A travers la nuit noire, les deux jeunes gens arrivèrent bientôt devant une grille que la nécromancienne sut ouvrir avec astuce non sans dévoiler une certaine habitude du geste.

En fronçant les sourcils, le guerrier suivit la demoiselle dans les égouts. A vrai dire, il ne comprenait pas vraiment pourquoi elle l'avait amené ici alors qu'ils auraient facilement pu s'éclipser en passant par les rues. Il y avait-il autre chose qu'elle désirait montrer à l'Aigrefin dans les souterrains ?

Peu familier à l'endroit, à son obscurité, humidité et lot d'obstacles, Mordekaiser progressait d'avantage en fixant le dos de Morgane qu'en s'orientant par lui-même. La présence de rats rappela inévitablement à l'héritier maudit son séjour de dix années dans les ruines du château de Naturalia. L'homme fit cependant du mieux qu'il put pour dissiper son malaise et chasser ses noires pensées.

Après quelques instants passés à explorer les égouts et ses nombreux embranchements, les deux aventuriers arrivèrent à un lieu que la Mage Noire connaissait bien. Un peu de repos n'était pas de refus après leur course effrénée dans les rue de Malificium. Aux dires de Morgane, l'Aigrefin eut un rire amusé.

"Tu m'avais caché ça. Je pensais que tu avais vécu près du volcan." Avait-il dit en tournant sur lui-même, le regard glissant sur chaque paroi.

Cette partie des égouts semblait abandonnée mais les commodités laissait à penser qu'elle avait autrefois été habitée. Comme l'avait supposé Morgane, il s'agissait de l'ancien quartier général des Ombres, caste dirigée par Halloween Steel la mère de Morgane, et dissoute il y avait bien des années de cela.

"Je ne suis pas contre une petite visite, tu es ici chez toi après tout. J'apprécierais également un autre verre si tu gardes de quoi boire quelque part. Il y avait longtemps que je n'avais pas autant couru." Avait répondu l'Aigrefin en reportant ses yeux sur la jeune femme.

Morgane était décidément une jeune femme étonnante. Elle ne manquait pas une occasion de surprendre Mordekaiser par quelque chose d'inattendu. Qu'avait-elle pu bien vivre ces deux derniers siècles ?

"Mon manoir est bien près du volcan mais en tant que fille de la chef des ombres, j'ai forcément cotoyé leur QG donc la maison des plaisirs et les égouts n'ont aucun secret pour moi. Dommage, que ce lieu soit abandonné et que la maison des plaisirs ait été détruit lors de la dernière guerre. Je compte d'ailleurs la reconstruire. Tu y seras évidemment le bienvenu."

Je lui souris malicieusement. Avait-il entendu parlé de la rumeur sulfureuse de cette demeure? Aurait-il le courage d'y venir si j'en faisais de nouveau un lieu de séduction et de stupre? Allez savoir. En tout cas, les ombres me manquaient, c'était indiscutable. Oh j'avais bien rencontré dernièrement l'une d'entre elles mais elle était devenue une rodeuse et elle n'était pas des plus agréables.

Je fixais avec affection les murs des égouts. L'endroit n'était plus aussi "propreret" que par le passé mais il restait en relative bon état si on oubliait les éboulis à certains endroits et la présence de quelques SDF. Dans un avenir proche, j'y retournerais à la demande de mon dirigeant... Je n'y passerais pas un très bon moment en compagnie de ma famille mais n'y pensons pas encore.

"Viens. Je te garantis pas un max de choix mais il n'y a ce qu'il faut."

Nous empruntâmes de nombreux couloirs. Sans moi, l'aigrefin ne pourrait pas en ressortir. C'était un labyrinthe et cela avait été d'une grande protection par le passé aux ombres. Sans les anges, ils vivraient toujours sur les terres de Nelberaid. Mon coeur se serra, je chassais la larme qui monta à mes yeux rapidement.

Au bout d'une vingtaine de minutes, nous arrivâmes dans une voie sans issue. Faisant confiance à Mordekaiser et ce lieu étant de toute façon protégé par ma famille, j'activais un passage secret pour faire apparaitre une pièce confortable aux tentures bleutées et composée d'une table, d'une armoire et deux chaises. J'ouvris l'armoire et en ressortis une bouteille légèrement poussiéreuse.

"De la liqueur de rose, le péché mignon de ma mère. Qu'aimaient tes parents?"

Je déposais deux verres et les remplis calmement. Puis, je m'assis en face de lui un léger sourire sur les lèvres.

"Ta vie ne sera pas un long fleuve tranquille si tu continues à me fréquenter."

Pour répondre à la question de Mordekaiser, la jeune Steel lui de la maison des plaisirs. Si ce lieu n'avait pas été très fréquenté (ou tout du moins pas officiellement) par les Chevaliers, sa réputation dépassait les frontières des cités. Ainsi, l'Aigrefin se permit d'éclater en un rire amusé à l'invitation de sa comparse car même s'il connaissait les plaisirs de la chair et n'était tenu par aucun engagement auprès d'une Dame, le guerrier ne s'y adonnait pas n'importe comment et avec n'importe qui.

"Je vais y réfléchir." Avait-il d'ailleurs simplement répondu pour laisser un espoir à Morgane de l'y voir.

Ensuite, la demoiselle emmena Mordekaiser dans les profondeurs des égouts. Ils marchèrent pendant de longues minutes au détour de couloirs insoupçonnés et l'Aigrefin qui avait presque fini par trouver le temps long s'étonna de voir la nécromancienne révéler un passage secret conduisant à un bien coquet salon pour les souterrains de Malificum.

"Décidément, tu ne manques pas de ressources." Observa l'homme en laissant son regard se balader à son gré sur la décoration.

Pendant que la Mage Noire servait le colosse qui s'était tranquillement remis de sa course en armure, celui-ci avait pris place dans l'un des fauteuils bordant la table au centre de la pièce.

"Et le tien aussi apparemment." Souligna t-il en détaillant de ses prunelles les faits et gestes de la jeune femme.

La question qu'elle lui avait posé avait pendant un temps laissé Mordekaiser de marbre. Il n'avait jamais connu sa mère et à ce titre se contenta de se remémorer les moments vécus avec son père. Il en savait peu sur lui mais il se rappela en priorité des bons moments jusqu'à ce que ne puisse plus le quitter le souvenir du regard haineux qu'il lui avait lancé le jour où il ne s'était pas opposé à ce qu'on jette son fils dans le plus profond et obscure des trous à rats de Naturalia.

"Je n'ai jamais connu ma mère. Quant à mon père, il n'aimait pas grand chose. Et surtout pas moi." Répondit l'homme grave.

"Ma vie n'est plus un long fleuve tranquille depuis un bon moment déjà. Je n'ai pas peur que le fait de fréquenter une Mage Noire issue d'une lignée aussi éminente que la tienne m'attire de nouveaux problèmes. Après tout nous devons tous deux faire face à beaucoup de dangers tous les jours et puis... J'ai survécu à un sort de ta grand-mère, je vois mal ce qui pourrait m'arriver de pire." Ajouta Mordekaiser de manière bien plus légère.

Le guerrier se saisit ensuite du verre qui avait été laissé à son intention et goûta son contenu. Immédiatement, il fut surpris par le paradoxe de douceur et de force du liquide qui avait eu le temps de prendre de l'âge.

"C'est un autre style que ce que tu m'avais proposé à la taverne. Un peu comme toi, et ce que nous avons fait là-bas. Est-ce pour cela que tu viens de dire que je n'aurais plus de repos avec toi ? Tu massacres souvent des musiciens un peu trop moqueurs ou est-ce pour autre chose ?" Demanda t-il enfin.

"Ma famille est reliée à un bon nombre de trahisons et d'attentats. Par conséquent, nous devions toujours avoir les cartes dominantes dans les mains pour éviter de succomber à une tentative d'assassinat qui était plus que quotidienne par moment donc nous devons nous protéger. Jouer les passe-muraille et avec les zones cachées fut donc un de nos atouts."

Je deviendrais prochainement une passe-muraille en bonne et due forme comme ma mère en devenant démoniste mais je ne le savais pas encore. J'avais toujours eu une fascination pour ce pouvoir et il avait été si utile par le passé à ma mère... même si au final, elle finit quand même par mourir mais à cause d'un coeur brisé et non à une perte de sa magie. Etre dans ses lieux me rappelait tant de souvenirs d'elle... tant d'éclats de rire... tant de baisers volés avec mon père ou tant de joie avec Sammius et Integral... mais à présent, ils étaient tous des fantômes... Mon coeur se serra et je revins vers Mordekaiser.

"Je préfère la poire sulfureuse mais j'aime beaucoup cette liqueur. J'en bois depuis tellement longtemps... Il y en avait à chaque buffet qu'on faisait... Cela me parait si loin."

Mon dernier banquet avait été le bal costumé des marécages où j'avais été conviée ainsi que nombreux nelberiens... et on avait subi quelques désagréments. D'ailleurs, je n'avais toujours pas vu Arselianne pour m'en plaindre. Il fallait vraiment que je parle à mon amie la shamane de son manque d'hospitalité! Je m'assis calmement et souris à l'aigrefin.

"Je suis désolée."

J'oubliais souvent que j'avais eu une chance folle d'être aimée par mes parents. Je n'avais pas manqué d'amour et même de la part de ma grand mère même si celui-ci était plus rude que celui de mes parents. J'étais l'héritière et par conséquent, la prunelle de leurs vies... J'eus un sourire contrit.

"As-tu frère ou soeur?"

J'aurais adoré en avoir mais mon père avait disparu trop tôt. Si je savais une seule seconde que l'homme devant moi possédait le même sang que moi, je serais comblée à cette idée mais en serait-il le cas également pour le jeune homme? J'hochais la tête à ses dires et ne pus réprimer un petit rire amusé.

"Ma grand mère était quelqu'un de volcanique. Elle oublie souvent qu'elle est morte d'où son mauvais caractère. Ma mère est plus douce. Peut-être viendront-elles nous faire un petit coucou dans ce lieu si chargé de leurs présences. Mais oui, lui survivre est une grande preuve de caractère."

Je bus une nouvelle gorgée de la liqueur et souris à ses dires. Des musiciens?

"Il fut un temps où ma grand mère pourchassait les disciples d'hélios. Tu as entendu parlé d'eux? Mais sinon, non, les musiciens ne sont que de la patée pour chat et non du caviar à savourer. Je ne supporte juste pas qu'on me manque de respect. J'ai une réputation d'être très susceptible. Il faut que je la gardes intacte."

Je le fixais quelques secondes et repris :

"La mort a pris possession de mon âme dès ma naissance. Si tu restes à mes côtés, tu verras qu'on tente régulièrement de me tuer. Je ne fais que répliquer. Je me demande juste si j'avais le trône en main, s'ils agiraient toujours ainsi... Qu'en penses-tu? Est-ce ma beauté? Mon nom? Ou juste mon sang qui les attirent autant?"

A nouveau, la jeune femme désirait en savoir un peu plus sur Mordekaiser. L'homme sourit vaguement. En réalité, il n'était pas certain de pouvoir en apprendre d'avantage à la nécromancienne sans dévoiler son plus noir secret. Ainsi il se contenta de répondre.

"A vrai dire je n'en sais rien mais ce n'est pas impossible. Je connaissais trop mal mon père pour le savoir."

En écoutant la Mage Noire, le guerrier but quelques gorgée de liqueur. Cela lui faisait du bien même s'il sentait que sa tête commençait à tourner et sa vue à lui faire défaut à cause de l'alcool. Il était humain après tout, son corps ne pouvait tolérer les mêmes substances et en égales proportions que ceux d'autres races.

"Le disciples d'Hélios, oui, vaguement. Ils ont réinventé la musique mais honnêtement, je n'ai pas le souvenir qu'ils aient servi à quoi que ce soit d'autre. Pourquoi les pourchasser ? Leurs quelques cordes et leurs gribouillages représentaient-ils une menace pour vous ?" Demanda t-il avec une pointe de sarcasme envers les élus du Soleil.

La suite de la discussion était une invitation adressée à Mordekaiser par Morgane à se pencher un peu plus sur son cas. Le guerrier eut un sourire franc. Il se demanda alors si le monde le poursuivrait lui aussi s'il était au courant de ses origines : A Malificium pour son passé de Chevalier, à Bénécius et Naturalia pour son sang. Somme toute, il était préférable que personne n'en sache d'avantage sur lui. Jusqu'alors Mordekaiser n'avait jamais compris le proverbe qui disait que silence était mère de sureté. Depuis qu'il avait rencontré la Mage Noire, ces quelques mots avaient pris tout leur sens.

"Peut-être est-ce pour toutes ces raisons à la fois. Tous ces traits attirent bien des intentions, bonnes comme nuisibles d'ailleurs. Je sais que tu n'as pas besoin d'aide, mais t'entourer un peu ne te ferait pas de mal. Que dirais tu d'un garde du corps ? Je me porte volontaire." Avait-il ensuite plaisanté en noyant son sourire joueur dans son verre d'alcool, le regard plongé dans celui de la jeune femme.

Je pris quelques temps pour lui répondre. Pourquoi ma grand mère détestait ce peuple? Je devais me souvenir de conversation au pied du volcan pour trouver les mots justes. Une fois récupérées, je donnais les informations calmement :

"Ils faisaient des choses prodigieuses. Ils pensaient à quelque chose et celles-ci apparaissaient d'après ce que j'en pensais. Pourquoi la grande Garvera les haissait? Parce que l'un d'entre eux, un certain Kyrias... Kyros... ou un truc dans le genre a voulu une alliance avec nous. Ils se sont combattus et elle l'a plus ou moins accepté... mais il ne fut pas autant malléable qu'elle le crut... et par conséquent, la trahison gronda aux pieds de notre porte... la haine n'en fut que plus primaire à leur égard mais ce n'est rien comparé aux mages rouges... évidemment..."

Je lui souris doucement me souvenant de ma grand mère. Si vivante quand elle était en colère, même morte, elle gardait à chaque fois cette lueur insolente dans les iris qui vous donnait l'impression de n'être rien qu'un insecte et pourtant, j'avais bien progressé depuis sa mort. Mais sera t'il suffisant un jour? Aura t'elle un jour confiance en moi au point de m'admirer? Je n'en savais strictement rien et je devais continuer à avancer tant bien que mal. Je bus une gorgée de mon verre.

"Proposition acceptée! Mais attention, si tu lèves un jour la main contre moi, tu perdras celle-ci."

M'entourer... Avoir une sorte d'armée interne pour éviter que quoi que ce soit m'arrive. Je tentais bien d'y arriver mais il n'était pas si facile que cela. Je n'avais rencontré que peu de mages noirs... et je ne comptais pas m'associer à d'autres chevaliers qu'Orpheus. Quant aux rôdeurs... Impossible vraiment à savoir si un jour ils auront mon estime.

"En tout cas, cela me permet de rester en vie... et de tester mes nouveaux poisons. Faudra juste que tu gagnes un peu plus de force afin que je m'inquiète pas pour toi!"

Je lui souris doucement un brin taquine même si j'étais sincère dans mes paroles. Je préférais le savoir hors de portée qu'au début de son apprentissage ainsi je pourrais mieux m'appuyer sur lui et vice versa. Une question me vint :

"As-tu déjà entendu parlé d'un certain Duscisio Balbe?"

Avec une attention relative, Mordekaiser écouta le récit de la nécromancienne. Plus jeune, il ne s'était intéressé aux enjeux géopolitiques de Malificium qu'à titre purement informatif. En tant que jeune Chevalier, il aurait été le dernier en mesure de donner des conseils diplomatiques ou stratégiques aux gradés de son Ordre. Il devait à présent s'y intéresser d'avantage car il apprendrait peut-être quelque chose qui pourrait lui permettre de mener ses plans à bien.

L'avertissement de Morgane quant au fait qu'il ne devait jamais essayer de la frapper le fit sourire sincèrement. Il secoua la tête et se dit que la Mage Noire avait encore bien des choses à apprendre à son sujet.

"Je ne frappe pas les femmes à moins d'y être contraint ou si elles représentent une menace. Autant que possible, j'évite. Je ne me fais pas de souci pour ma main." Informa t-il avec un trait d'humour qui correspondait à la situation.

Mordekaiser ramassa ensuite son épée lourde qu'il avait posé contre le fauteuil, pointe vers le sol juste à côté de lui. Un moment, il plongea son regard dans sa lame et y vit son reflet. Il savait que ce n'était ni ses armes ni son physique qui faisait de lui quelqu'un de relativement fort et qui était appelé à l'être d'avantage encore mais bien son esprit. Les guerriers n'étaient ni nés ni même entraînés, ils étaient forgés dans le feu et les flammes. L'Aigrefin avait fait beaucoup de chemin pour arriver là où il était déjà arrivé, mais il était conscient que le plus dure restait à faire.

Buvant une autre gorgée du breuvage et sentant l'alcool monter à la tête du à la constitution moyenne du corps humain par rapport à celui d'autres races, le guerrier n'en fut pas moins attentif à la question de la jeune femme.
Il prit un instant pour réfléchir, plongé dans ses pensées. Il avait entendu beaucoup de nom sans jamais les retenir, faute d'intérêt pour les personnes qu'ils pouvaient désigner. Parmi tous ceux qui lui étaient inconnu, celui-ci tenait une place de choix.

"Jamais entendu parler. Enfin je crois. Un ami à toi ?" Demanda t-il ironiquement.

"Je ne suis pas une femme... Enfin... je suis avant tout une guerrière et une nécromancienne de haut niveau. La menace est une de mes amantes. Ne l'oublie pas."

J'avais prononcé cela sur un ton badin alors que mes yeux verts s'étaient illuminés d'un drôle d'éclat. Celui du sang? Allez savoir ce qui peut bien se tramer dans ma tête quand je songe au fait que je pourrais le rendre manchot. J'aime la torture et les aigrefins sont des êtres résistants par nature non? Cela devrait donc être des plus intéressants que de jouer avec lui sur une des tables souillées de Malificium.

Mais je ne le tuerais pas. Mordekaiser était un allié de choix. Je ne pouvais pas m'en passer. Je souris doucement et bus une gorgée de mon verre. La conversation dériva sur une personne que je souhaitais voir morte... Comme beaucoup d'autres vous allez me dire. Il était vrai que ma liste de noms à abattre ne faisait que s'accroitre depuis des mois allant du simple commercant à mon dirigeant. Mais à ce sujet, chut, ne le dites pas à personne sinon, je risquais de me retrouver privée de ma jolie tête.

J'éclatais de rire joyeusement. Duscisio Balbe... un ami à moi... Il était drolement inacceptable de pouvoir penser cette chose probable. Je bus une nouvelle gorgée commencant à sentir mes joues s'enflammer et je répondis :

"Si vouloir la tête de cet homme remplie de pustules, équivaut à être mon ami... alors oui, il doit s'en rapprocher."

J'esquissais un sourire sadique et plongeais quelques secondes mon regard dans mon verre. Je repris :

"Il s'agit, selon la rumeur, de l'apprenti d'Ambrosia Mayfair. Il s'occupe de son magasin. Mais ce n'est pas là son crime. Son ancêtre a tenté de tuer ma mère alors qu'elle n'avait que trois ans... tout cela parce que Mamie n'a pas voulu l'aider..."

Je me souvenais parfaitement du ton de la grande Garvera grondant d'une fureur sans bornes lorsqu'on lui en parlait. Même les Mochdilym n'avaient jamais réussi à attirer autant sa haine, ni le disciple d'hélios...

"Le sang se paye par le sang. Je dois donc le tuer... Je ne vais jamais à Naturalia... Mais tu l'as peut-être croisé?"

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