Après tout ce qu'elle avait vécu, et en si peu de temps, Luccia était de retour dans cette forêt qu'elle chérissait. Se reposer n'était pas dans ses habitudes, mais ce n'était désormais plus une option, mais réellement un besoin. Et, après tout ce qu'elle avait affronté, tous les dangers auxquels elle avait été confrontée, elle l'avait bien mérité. Et puis, il y avait ses blessures à soigner. Lors de son passage en terres maléfiques, à la cité interdite plus précisément, elle s'était vue se faire transpercer le pied, et ce, pas dans la demi mesure. Elle avait eu droit aux soins nécessaires à temps, mais il faudrait attendre que tout ceci se cicatrise. Et puis, le dragon ne l'avait pas non plus laissée intacte. Et.... bref, elle prendrait congé, et se ressourcerait auprès des siens, surtout qu'un événement l'attendait.

Elle avait en effet été convoquée par le chef des druides, et ceci était pour elle un honneur. Pourquoi ? Parce qu'elle n'était pas native de ce peuple, parce qu'elle avait été recueillie et sauvée, pour ne pas dire ressuscitée, par ce peuple alors qu'elle était à l'époque une protectrice. Elle leur devait beaucoup, et qu'on la considère pleinement comme l'une des leurs, en le lui prouvant suite à cette convocation lui faisait réellement chaud au cœur. Qu'on veuille bien lui accorder un grade supérieur si elle le méritait était la preuve de la confiance qu'ils lui accordaient. Elle ne les avait jamais trahis, et s'était toujours montrée reconnaissante face à eux. Et, sa gentillesse à leur égard, tout comme la leur, était en quelque sorte récompensée. Même si elle ne réussissait pas les épreuves, elle savait désormais qu'elle avait sa place parmi les leurs.

Luccia était éprise d'un sentiment de déjà vu. Ce test, elle l'avait déjà passé, mais sous une autre bannière, au château. C'est pourquoi ce serait bien différent, et elle espérait être à la hauteur des attentes de ses actuels confrères. Elle leur devait bien ça. C'est pourquoi cette convocation fut une raison de plus à ces quelques jours de repos. Une fois requinquée, elle était donc prête, et en pleine possession de ses moyens, comme rarement. Et cela était surtout dû à la détermination qui siégeait en elle. Elle s'équipa donc de son arc, qui serait certainement son principal ami, mais aussi de sa longue et fine épée d'argent, puis se dirigea vers le lieu de rendez-vous.

Arrivée, elle ne repéra personne, mais n'en fut pas moins paniquée. Elle n'était pas en territoire hostile, et on ne lui fausserait pas compagnie. Elle posa donc un genou au sol, s'inclinant, car on l'observait sûrement déjà.

Rapidement, une toux discrète vint signaler la présence d'un individu derrière elle. L'ancienne Gardienne Sacrée ne prit pas le temps de répondre à la question de l'homme, comprenant qu'elle n'était là que pour lui faire comprendre qu'il ne prêtait pas grande attention aux conventions. Elle se tourna alors et fut surprise de voir un jeune homme à l'air taquin. Son chef n'était pas ainsi, mais cet homme semblait avoir une certaine expérience, lisible dans ses yeux. Un conseiller ? Peut-être.

Déjà, il alla s'asseoir sur un tronc avec lourdeur, comme s'il s'agissait d'un canapé duveteux. Son ton moqueur quand il s'adressa une seconde fois à Luccia ne pouvait être dissimulé à quiconque. Mais la druide avait un certain self contrôle, et se convainquit que cette attitude était voulue, et probablement utilisée pour la tester. C'est pourquoi elle répondit simplement, sur un ton égal :

« C'est ça oui... »

Bon, déjà, lorsqu'elle l'entendit parler de son ancien statut de protecteur, elle comprit qu'il ne s'agissait pas d'un charlatan, mais de quelqu'un qui était renseigné sur elle. Et, l'esprit plus guerrier et expérimenté en terme de guerre des protecteurs avait joué en sa faveur, car elle pouvait être un atout pour le peuple druide, comprenant des personnes auparavant totalement isolées dans leur forêts. Pourtant, il fallait qu'elle épouse son caractère de druide désormais, sans pour autant perdre les capacités et les atouts de ses anciennes castes, mais montrer qu'elle s'était rattachée à la cause des druides. Cela n'avait d'ailleurs pas été très difficile étant donné que même pendant sa période de gardienne sacrée, elle était déjà très attachée à la nature.

Monsieur commença à se curer les ongles, prenant un air hautain et moqueur.

« Tsss... »

Lui prouver qu'elle était bien une druide ? Cela la faisait bien rire. Bien que cet homme ait plus d'aptitudes qu'elle à n'en pas douter, vu son caractère, son animal totem était certainement d'une taille petite à moyenne, et plutôt joueur. Or, à première vue, cela ne faisait pas trop le poids entre celui de Luccia, relevant à la fois ses qualités guerrières suite à la guerre, et sa beauté et un coté distingué. C'est pourquoi, même s'il était plus gradé, elle eut envie de lui montrer de quoi elle était capable suite à ces provocations. Elle lâcha alors un petit «  Hum ! » et attendit qu'il daigne relever les yeux vers elle. Puis, elle mit en place le début de sa transformation animale... Soit, elle laissa visiblement dépasser les seuls crocs imposants de la panthère qu'elle pouvait incarner sur son doux visage, et ajouta :

« Je vous le prouve quand vous voulez. »

Puis, elle se rendit compte que cet homme ne s'était même pas présenté... Elle osa donc, avec un air de défi, comme pour entrer dans son jeu, et demeurer d'égal à égal avec lui, de manière à ce qu'il commence à la considérer comme telle :

« Et vous alors ? »

Après avoir seulement montré ses crocs de panthère à l'homme moqueur, celui ci se montra très persuasif en dévoilant ses crocs à lui, plus long que tout ce qu'elle avait pu voir auparavant. Il montra également son agilité sur son terrain de prédilection. Pour l'impressionner ? C'était raté dans le sens où Luccia ne se comparait pas à cet homme. Il avait forcément plus d'aptitudes et de puissance qu'elle s'il était là à donner les règles du jeu. Lui montrer qu'elle était bien une druide n'était pas lui montrer qu'elle était une druide plus forte que lui, ou c'était perdu d'avance. Simplement, elle voulait lui montrer sa détermination à le lui prouver.

Il commença à lui poser des questions en se déplaçant habilement de branche en branche et de manière féline. Notamment, il cherchait à savoir si elle savait pourquoi elle était ici, et ce qu'elle allait devenir. Concernant la deuxième interrogations, inutile de se mentir, elle ne le savait nullement. Elle se savait seulement convoquée pour être évaluée au sein des druides en quelque sorte. Elle répondit donc simplement :

« Plus ou moins. »

Avant la guerre, Luccia était pacifiste. Pendant la guerre, elle ne pouvait faire autrement que d'accomplir son rôle, et avait donc du sang sur les mains. Maintenant, après la guerre, elle privilégiait encore la diplomatie et le pacifisme, mais se refusait tout bonnement à rester terrée dans les forêts comme la plupart des druides, alors que le chaos régnait à l'extérieur. Alors oui, peut être que l'on pouvait douter de son appartenance à son statut pour cela, mais elle en avait néanmoins les fondements, comme l'amour pour la nature notamment. Et puis, elle assumait ses objectifs, et était persuadée que si les druides pouvaient la comprendre telle qu'elle était, elle pourrait leur apporter... Notamment en les conseillant militairement ou politiquement par exemple, car les druides devraient se rallier un jour ou l'autre à une cause, et devraient certainement mettre les mains à la pâte pour cela... Et peu d'entre eux avaient de l'expérience en terme de guerre, étant des pacifistes isolés.

« Je l'espère. »

Il n'était pas difficile de deviner que l'homme qu'elle avait en face d'elle ne croyait pas en l'hypothèse qu'elle devienne une Pacifiste. Alors, la détermination de Luccia pour le lui prouver n'eut pas d'égal. Et déjà, il lui donna quelques directives... Retrouver un raton laveur probablement contaminé par la rage, qui s'en était déjà pris à trois voyageurs et un druide, et régler cette situation.

Voyant que le félin était reparti se percher ailleurs, elle se douta qu'il ne lui dirait rien de plus. Elle hocha alors simplement la tête, et marcha un peu, pour faire le tri dans son esprit, et s'éloigner de cet homme dont la présence l'aurait déconcentrée. La tâche ne lui parut pas bien difficile aux premiers abords, mais elle constata bien vite qu'elle n'avait aucune idée d'où se trouvait le raton-laveur. Puis un second problème viendrait à se poser... Une fois en sa présence, que faire ? Enfin, déjà, il faudrait aller dans la bonne direction pour le trouver, et ce, en prenant certaines précautions, pour ne pas se faire mordre et risquer d'être contaminée, s'il avait bien la rage.

Deux lieux d'envergure autour du point de rencontre avec l'homme irrespectueux. C'était grand... Trop grand. Elle ne pourrait pas tout fouiller avant que le raton laveur ne s'échappe encore plus loin, et qu'il fasse par ce biais de nouveaux ravages. Non, elle ne pouvait pas prendre le risque de perdre ce temps précieux. Peut-être devrait-elle rechercher les personnes qui ont été contaminées pour savoir où ils ont quitté le raton laveur ? Mais ceci revenait tout bonnement au même problème... Comment les retrouver désormais ? Elles devaient avoir repris leurs vies habituelles, et là, elles ne seraient certainement pas à deux lieux d'ici, mais pouvaient se trouver n'importe où sur Nel Beraid. Une piste vaine donc. Luccia en vint alors à chercher ses atouts, et les avantages qu'elle pouvait avoir pour trouver cet animal.

* Mais oui ! Nous sommes en forêt ! *

Cet endroit était tout de même son lieu de prédilection, et elle avait l'avantage d'être composée principalement de végétation. L'essence végétale faisant parti de son domaine de contrôle, elle pourrait donc évidemment s'en servir. La belle elfe s’accroupit alors, et posa une main au sol. Elle s’imprégna de l'essence végétale, et projeta son esprit à travers ce qui croulait en masse sous ses pieds. Elle parcourut alors les racines et végétaux terrés, cherchant à déceler une anormalité dans le prolongement aérien de ces racines. Toutes les bestioles dont elle ressentait la présence ne l'aidaient pas pour retrouver le raton laveur... Il y en avait tellement qu'elle ne pouvait pas essayer de les identifier une à une. Néanmoins, elle continua sa recherche d'éventuelles anormalités. Bien entendu, elle trouva quelques feuillages arrachés, branches cassées par ci par là par les rôdeurs pour allumer un feu, mais rien de significatif. Elle poursuivit alors sa recherche de longues minutes, prenant soin de réussir à repérer l'endroit de sa projection. Puis, elle tomba sur un endroit, probablement d'une dizaine de mètres de diamètre, où les dégâts infligés aux plantes étaient anormalement importants. Le sève ne circulait pas à de nombreuses reprises, et Luccia en arriva à la conclusion qu'un animal au comportement normal ne pouvait pas être l'auteur de ces dégâts sur les végétaux. Le lieu de l'agression ? C'était une possibilité fort probable. Alors, elle décida de suivre cette piste. En tout cas, elle se dirigerait vers ce lieux dont elle avait pu approximativement situer.

La druide se releva alors doucement, et commença sa route de plus en plus rapidement, reprenant peu à peu ses facultés. En effet, elle avait dû projeter son esprit bien loin, et la concentration qu'elle avait fournie pour ce faire était plus qu'importante. C'est pourquoi marcher lui fit le plus grand bien. Tant que le décor ne changeait pas, elle traçait sa route. Et, après cette plutôt longue marche rapide, elle tomba sur un petit terrain aux dimensions prévisibles, où la végétation avait été arrachée, piétinée, griffée. L'elfe observa attentivement les lieux, voulant s'assurer qu'il s'agissait d'une piste à considérer. En se penchant sur quelques végétaux, elle put constater la trace de petites dents aiguisées. Également, elle repéra une portion de terrain où la végétation avait été écrasée, épousant la forme d'un homme recroquevillé. L'une des agressions s'était donc bien passée ici si l'on en croyait ce que l'on voyait en ce lieu. Et, cela lui fournissait une piste supplémentaire. En effet, le raton laveur étant passé par là, il avait laissé son odeur ici. Le fait d'avoir pour animal totem une panthère était donc une chance pour Luccia, car un des avantages de ce massif félin était son odorat développé.

La druide prit alors la forme de la majestueuse panthère des neiges, et s'approcha d'une des traces de dents. Mais c'en était presque inutile, car elle s'aperçut vite que l'odeur du raton laveur empestait les lieux sur tout le périmètre. Elle imprima donc cette odeur caractéristique, et suivit sa trace. Elle s'enfonça alors dans la forêt...

Au fur et à mesure qu'elle avançait, et donc qu'elle s'approchait de l'animal, elle se montra de plus en plus prudente... ne voulant pas être surprise par cet animal enragé. Néanmoins, il fallait le rattraper, donc elle avançait vite, mais avec une démarche délicate. Encore une fois, elle était ravie d'incarner un félin. Elle s'arrêta alors lorsqu'elle entendit un bruit suspect de fouineur. Elle repéra alors très vite l'animal de dos, penché sur on ne sait quoi. Son regard perçant scrutant l'animal, elle prit soin de se faire oublier pour ne pas prévenir l'animal de son arrivée. Il fallait qu'elle réfléchisse à une manière de le neutraliser sans qu'il ne réussisse à la mordre. Elle avait bien son arc dans son dos, et aurait pu l'éliminer assez facilement s'il restait ainsi immobile, mais tant qu'elle pouvait l'éviter, quitte à rendre la tâche plus difficile, elle n'avait pas l'intention de le tuer. Elle songeait déjà au fait qu'il pourrait être soigné, et qu'il ne méritait pas de mourir à cause d'une maladie qu'il avait eu le malheur d'attraper, si maladie il y avait.

Luccia reprit alors sa forme humaine, mais sa transformation émit quelques bruissement de feuilles sous ses pieds. Le rongeur se mit alors à trottiner dans tous les sens, avec une agilité et une vivacité hors du commun. Il fallait qu'elle agisse vite, au risque de le perdre de vue. Elle pointa donc ses mains vers l'animal, et contrôla des lianes, pour les faire s'enrouler autour de celui-ci. D'un autre geste de la main, elle lui attacha les pattes ensemble, sans trop serrer, juste de manière à l'immobiliser. Il était désormais sur le dos, entouré de végétal. Luccia s'approcha alors doucement...

Luccia s'approcha doucement de l'animal attaché, et s'accroupit délicatement, en prenant certaines précautions... Un animal atteint de la rage pouvait être très imprévisible. Mais après avoir plongé son regard dans celui de l'animal pendant de longues secondes, la druide ne put croire une seule seconde que la bête était atteinte d'une quelconque folie. Elle voyait plutôt dans celui ci un mélange de désespoir et de colère... Un certain appel à l'aide aussi. Ceci était déjà une première intuition. De plus, malgré une agressivité bien présente, il ne bavait pas, et, si Luccia avait eu accès à un plan d'eau, elle se doutait qu'il garderait un comportement normal. Il s'agissait donc là d'une agressivité « saine » d'après elle. Il n'était donc pas question de tuer cette pauvre bête, mais il fallait plutôt chercher à comprendre la raison de cette agressivité, de manière à essayer de résoudre le problème, et de faire cesser les attaques par ce bais.

Même si, pour la druide, les yeux du raton laveur parlaient beaucoup plus que tout ce qu'elle pourrait trouver, elle chercha des indices, notamment sur le corps de l'animal. Mais avant, elle leva les yeux, pensive, et se souvint de l'odeur intense qu'elle avait sentie sur un périmètre bien précis, le territoire où avaient eu lieu les attaques. Elle avait ensuite suivi une faible odeur pour tomber sur le raton laveur. Cela signifiait donc que l'animal avait passé bien plus de temps sur ce territoire, unique lieu où il avait attaqué les trois voyageurs et le druide. Si ce raton était si territorial, c'était sûrement parce qu'il défendait quelque chose. Dans sa tanière ? Probablement, car Luccia avait repéré lors de son exploration quelques tanières d'animaux en ce même périmètre dévasté, mais elle n'en avait pas prêté grande attention, trop préoccupée par les dégâts causés aux plantes. Pourtant, cette constatation avait certainement un rapport avec l'agressivité de l'animal.

La druide baissa de nouveau les yeux sur le raton laveur, et découvrit en position ventrale des mamelles bien remplies. Il s'agissait donc d'une femelle qui, manifestement, allaitait ses petits. Il ne fallut que peu de temps pour que Luccia fasse le rapprochement entre son agressivité et cette observation. L'instinct maternel... Cette femelle défendait sans doute son territoire car il y avait ses petits. Cependant il devait s'être passé quelque chose pour qu'il y ait eu toutes ces agressions... Quelque chose qui ne lui avait pas plu, certainement en rapport avec ses petits, et un humain pour seul responsable.

Luccia se pencha doucement et sentit sur le pelage de la demoiselle une odeur étrange, mais non annonciatrice d'une très bonne nouvelle. Il s'agissait d'une odeur nauséabonde, que l'ancienne gardienne sacrée avait déjà sentie... La mort... La décomposition des corps pourrissants... Pour que cette odeur soit directement sur son pelage c'est qu'il s'agissait d'êtres proches de l'animal... Ses petits... Luccia détenait là certainement la raison de son agressivité envers les hommes. Instinctivement, elle fut prise d'un élan d'affection pour la bête qui n'était qu'une pauvre mère qui avait perdu au moins un petit. Et cela était la chose la plus cruelle qu'il pouvait lui arriver. L'elfe n'avait pas d'enfants, mais la comprenait tellement... Et ce regard... Elle adopta alors un regard doux et apaisant, et posa sa main sur la tête de la femelle, la caressant délicatement.

« Ne t'inquiètes pas, je vais t'aider... »

Étant donné que le raton laveur avait désormais une haine indéfinissable envers les bipèdes, la druide pourrait être une proie également à cette colère. C'est pourquoi elle prit de longues minutes à rester là, à la mettre en confiance, à la rassurer, persuadée que ce n'était pas du temps perdu. Elle adopta même un instant sa forme animale, et lui offrit de belles léchouilles bienfaitrices. Progressivement, elle détachait en partie les liens qui tenaient ses pattes. Et, à mesure que le regard apeuré et pourtant agressif de l'animal s'adoucissait, elle le libérait, et le déposa délicatement sur ses pattes. Cette attention apportée avec patience pendant une bonne heure eut pour effet de créer un lien de confiance entre les deux êtres vivants. Luccia comprenait sa douleur, et avait peut-être bien réussi à lui faire comprendre qu'elle ne voulait que l'aider. Instinctivement, une fois au sol, la ratonne se dirigea vers le lieu des attaques, et donc certainement vers sa tanière et ses petits. Mais, ce n'était pas un sentiment de fuite que la druide ressentait, car elle put la suivre sans grande difficulté jusqu'à l'endroit propice.

L'animal passa à travers les feuillages, et laissa découvrir à Luccia cinq petits ratons qui ne devaient avoir que quelques jours. Ils avaient encore les yeux fermés, et étaient recroquevillés. La mère les lécha, et la druide observa alors ce bien triste spectacle. En effet, en s'approchant davantage, elle put s'apercevoir qu'un des bébés était mort, et que deux autres étaient blessés. Vu leur âge et leur fragilité, il ne leur resterait pas longtemps à vivre ainsi. A coté d'elle, elle repéra également une sorte de bâton pointu. L'arme du crime ? Certainement vu qu'à son bout il y avait des gouttes de sang. Cette constatation ne manqua pas d'énerver l'elfe qui brisa rageusement le bâton en deux. Néanmoins, elle garda la pointe et la mis dans son « réservoir » à flèches, histoire que d'autres personnes ne tombent pas dessus, et qui ne leur prenne pas cette envie d'aller trifouiller dans ces tanières pleines de vie une nouvelle fois.

Luccia approcha doucement et avec précautions sa main dans la tanière... D'abord vers la mère, comme pour avoir son accord, puis vers les petits. Elle les attrapa délicatement, et les fourra dans un berceau artisanal créé avec le drapé de sa robe blanche. Avec le plus grand soin, elle les plaça de manière à ce qu'ils supportent le voyage, car oui, elle comptait les emmener chez les druides, où elle trouverait un guérisseur... Elle ne pouvait rien faire d'autre pour eux, n'en ayant pas les capacités. Mais elle trouverait certainement bien mieux là bas. Puis, après avec laissé un instant à la mère le temps de faire ses adieux au défunt, elle l'attrapa, et l'installa près de ses petits, enroulée elle aussi dans les pans de la robe, ceci pour, encore une fois, bien lui montrer qu'elle ne lui enlevait pas ses ratons... Il faudrait de toute manière trouver à cette famille un endroit plus adapté, pour qu'il n'y ait plus d'accidents de ce genre. Mais avant, l'urgence était de sauver les petits, les soigner avant qu'il ne soit trop tard...

Luccia fit donc le voyage avec la petite famille dans les bras, mais pas trop rapidement non plus, pour préserver ces petits êtres frêles. Une fois arrivée en terre druide par excellence, elle se dirigea vers un large tronc, fendu en guise d'entrée. A l'intérieur siégeait Amakadeus, une vieux guérisseur par dessus tout protecteur de la nature. Luccia avait déjà eu l'occasion de le côtoyer, et était persuadée qu'il comprendrait l'urgence de la situation. Assis sur un vieux fauteuil de bois, il la vit arriver les bras chargés. Une fois à sa hauteur, Luccia se baissa, et le laissa constater qu'elle avait avec elle une famille de ratons laveurs...

« Amakadeus... J'ai besoin de vos services. »

« Approche mon enfant. »

La sagesse de cet homme n'avait pas d'égal, et il était inutile de lui faire un dessin pour qu'il comprenne ce qu'il lui restait à faire. Luccia n'eut qu'à lui tendre les deux petits blessés, et il se mit à l’œuvre. Pendant ce temps, la druide remarqua que le cœur de la femelle battait puissamment. Elle était stressée en présence de cet inconnu, et avait encore du mal à se faire à la compagnie des Hommes, ce qui était tout à fait compréhensible. L'elfe asséna donc à cet animal sauvage une caresse apaisante pour la calmer.

Les plaies se refermaient sous les yeux de Luccia, qui avait déjà vue ce genre de magie sortir de ses propres mains. Cela lui manquait. Mais, à l'époque où elle s'exerçait ainsi, elle n'avait ni l'expérience, ni la délicatesse du guérisseur. Celui-ci lui rappelait plutôt la manière de procéder de l'ancien chef des mages blancs, Doukas. Enfin, le principal était finalement que les blessures étaient refermées, et presque pleinement cicatrisées. La belle récupéra les petits, et essuya le sang dont ils étaient encore imbibés, puis les déposa près de la mère. Celle-ci les sentit et les lécha avec grâce. Luccia observa la scène avec une émotion qu'elle ne put cacher. Puis, elle leva les yeux vers le guérisseur, et s'inclina :

« Merci. Merci pour elle. »

Une fois sortie, elle décida qu'elle ne pouvait pas les ramener dans leur ancienne tanière, c'était trop dangereux... Et puis, elle s'était attachée à cette petite famille mine de rien, et surtout à cette mère courageuse qui avait vécu de bien tristes choses... Elle s’empara alors d'une pelle et partit donc en direction opposée, non loin du territoire druide, et chercha un endroit tranquille à l'abri des regards. Elle s'isola un maximum à travers les feuillages, et choisit le cadre qu'elle imaginait. Là, elle déposa la famille, qui restait immobile, à la regarder curieusement. Luccia commença à creuser un peu... Histoire de faire une première marque. La ratonne se chargerait de la finition, sachant bien mieux faire, et pour adapter son habitat. Ce que Luccia fit surtout, ce fut de diriger la végétation vers la nouvelle demeure. Pour ce faire, elle utilisa sa magie, et forma une sorte d'abri sur le trou précédemment creusé. Elle modifia également légèrement les lieux pour que d'éventuels visiteurs ne soient pas amenés à visiter cet endroit, rendant l'endroit inaccessible pour les humains. Puis, elle indiqua à la ratonne de se rendre à l'intérieur de son nouvel abri, et l'aida à y pousser les petits. Satisfaite, elle se releva, et observa le travail. Elle eut un pincement au cœur de devoir laisser cette famille, mais ils n'avaient, maintenant, plus besoin d'elle. Néanmoins, elle ne manquerait pas de repasser, plus tard, pour voir s'ils se seraient habitués à leur nouvel habitat. Elle fit alors demi tour et retourna sur le territoire druide, où elle trouverait certainement l'homme qui lui avait confié cette mission, une mission qui lui avait beaucoup apporté. Et, même si elle ne le trouvait pas, même si elle n'avait pas fait ce qu'il attendait, même si elle ne devenait pas une Pacifiste, elle était ravie de ce qu'elle venait d'accomplir, et rien que cela la comblait de bonheur.

Luccia continua sa route vers la clairière, où elle aperçut l'homme qui n'avait pas bougé, mais qui désormais avait changé son sourire auparavant moqueur en un sourire satisfait, et respectueux de surcroît. La druide était satisfaite que le problème avait pu être réglé de la sorte, et hocha donc la tête. Finalement, elle constata que c'était ce que cet individu attendait d'elle. Puis, en plus d'avoir accompli une bonne action, elle était ravie, intérieurement, d'avoir pu lui montrer qu'elle était digne de son rang.

Elle rattrapa ensuite l'objet qu'il lui lança, et le vit partir avec une rapidité inégalable. Puis, il précisa qu'ils allaient interroger le premier homme attaqué par la femelle raton laveur. Luccia eut encore une fois un sourire de satisfaction.

« Merci. »

Puis, elle fut cette fois-ci entièrement seule. Elle ouvrit alors la main et découvrit une pierre bleue, brillante, qui émanait une lumière pure et intense. Puis, instantanément, elle sentit un frisson parcourir son corps de haut en bas. Même ses cheveux se mirent à onduler anormalement. Elle ressentit alors une sensation très agréable, apaisante, et pleine d’énergie. Mais avant tout, il s'agissait d'une sensation familière. Elle ferma les yeux, et se sentit en capacité de pouvoir aider, arranger les choses, et même sauver des vies... Guérir. Ses paumes brillaient d'une lueur bienfaitrice au premier contact de la pierre, comme pour lui rappeler comment ça faisait avant, et comment elle pouvait mettre ses talents à profit. Mais maintenant, elle s'en rappelait. Et, si elle avait encore du mal à retrouver ces sensations pour les quelques jours à venir lorsqu'elle en aurait besoin, ce saphir était là pour les lui rappeler. Mais déjà, elle ne s'attendait pas à être si heureuse de retrouver le sentiment qui parcourait son corps en cet instant, et elle le savoura donc encore un peu avant d'enfin mettre la pierre dans sa poche et de quitter la clairière.

Cette journée avait été déterminante dans cette seconde vie qui s'offrait à elle, et elle savait au plus profond d'elle même qu'une toute nouvelle ère commençait pour son existence...