Une lune pour réfléchir... Une lune pour faire le point avant d'aller enquêter sur le livre... Mais une lune pour vivre, aussi, d'autres expériences plus enrichissantes les unes que les autres. Enfin, la druide demeurait plutôt prête. Elle avait fait le tri sur le peu d'information dont elle disposait, pour ne pas se rendre à la bibliothèque à l'aveugle. Et, de ce qu'elle se souvenait, les indices étaient les suivants : une dispute entre deux hommes au sujet de quelque chose qui aurait disparu dans une bibliothèque... Pas de visages, seulement quelques images d'une vieille bicoque qui brûle dans la forêt tirée d'un passé lointain. Peut être que parmi ces informations, certaines seraient inutiles pour cette dite enquête, mais pour le peu qu'il y avait, il faudrait s'y appuyer. Cela faisait déjà un point de départ... Ensuite, peut être que la chroniqueuse qui, techniquement, devrait attendre Luccia le jour J à la bibliothèque, pourrait mettre de nouveau ses talents à profit pour déceler d'autres mystères.

Bref, le cerveau posé, et les idées claires, l'elfe prit tout son attirail de combat, sait on jamais, et s'habilla de blanc comme à son habitude. Et, dans ce genre de situation, il était d'ailleurs davantage recommandé d'avoir un air pacifiste pour réussir à récupérer des informations pertinentes...

Parée donc, le bouquin soigneusement enveloppé dans une petite pochette marron, elle partit en direction de la bibliothèque. Celle-ci en vue après deux bonnes heures de trajet, la druide n'eut aucune difficulté à repérer la jolie chroniqueuse à l'entrée. Se dirigeant vers elle, elle lui offrit un ravissant sourire, puis l'enlaça amicalement.
« Bonjour Ilaria, je suis ravie de te revoir ! J'espère que tu es en pleine forme ? »

En effet, mieux valait il être au sommet de ses capacités au cas où il y aurait altercation... Ce qui était probable en plus, puisque les premières visions de la chroniqueuse à propos du livre avaient été plutôt sombres...

« Rentrons, il fait certainement meilleur à l'intérieur. »

L'ancienne gardienne sacrée était soulagée d'accomplir cette ''mission'' à l'intérieur vu la météo du jour. Mais, une mauvaise nouvelle l'attendait déjà. Elle ressentit, une fois entrée dans cette immense bibliothèque, lui rappelant tant de souvenirs par son ancienneté, un grand vide en son intérieur... Il s'agissait de ses pouvoirs. Ils demeuraient inutilisables en cet endroit. Elle serait donc forcée d'être pacifiste... C'était finalement une bonne chose pour les livres présents ici, à préserver à tout prix. Et puis, à priori, elles ne devraient pas courir de danger ici... Enfin, il fallait l'espérer. Luccia se tourna vers la chroniqueuse, et lui demanda :

« Te souviens-tu des maigres indices dont nous disposons, ou il est nécessaire que je les récapitule ? »

Avant d'aller parler aux personnes concernées, elle préférait que le plan soit clair entre elle et Ilaria.

Ah si la druide avait retrouvé son pouvoir de guérison, elle aurait certainement pu identifier les maux du chaton. Et ce qui l’énervait, c'était qu'elle sentait qu'elle retrouverait ces sensations d'antant, et ce don qu'elle avait eu, et ce, d'ici peu. Mais comment expliquer cela à la chroniqueuse ? Ce n'était que des intuitions, mais elle y croyait dur comme fer, alors elle annonça simplement, sans détailler l'inexplicable :

« Je ne peux rien faire pour lui pour le moment... Mais si le problème persiste dans quelques jours, viens me voir en forêt, je devrais pouvoir faire quelque chose. »

Il ne pleuvra pas à l'intérieur... Quelle idée ! Luccia retrouvait bien là l'étoile qu'elle avait rencontrée pour la première fois à Bénécius, ce qui la fit rire elle aussi. Autant se détendre avant d'aborder l'enquête sérieusement après tout. Bon... manifestement, il était inutile de récapituler les faits et, de ce fait, de perdre du temps. Luccia attendit que la chroniqueuse se remette de ses émotions devant l'immensité de la bibliothèque qui, même pour quelqu'un qui avait déjà eu l'occasion d'y venir auparavant, était toujours impressionnante. Puis elle entendit Ilaria, énoncer le phénomène étrange qui se produisait sur elle. Rapidement, elle l'éclaira sur la situation.

« Nous ne pouvons pas utiliser la magie dans la bibliothèque. Espérons que nous n'en aurons pas besoin. »

Et, en y réfléchissant plus promptement, Luccia fut déçue par cette constatation. En effet, le pouvoir de Parandar d'Ilaria aurait pu être utile. Bon, rien ne les empêchait de sortir pour l'utiliser mais, ici, on ne pouvait tout de même pas s’emparer des livres comme bon nous semblait... Donc ce n'était pas gagné.

Quoi de mieux pour commencer l'enquête que de s'adresser à la bibliothécaire en personne, cette femme qui passait ses journées ici ? Néanmoins, Luccia ne lui montrerait le livre qu'en dernier recours, de peur qu'on lui reprenne, et qu'on l'accuse si celui-ci avait de la valeur... Sait-on jamais. Elle avait déjà assez de problèmes comme ça. Après s'être attirée la foudre des chevaliers, elle ne voulait pas être recherchée par les antiquaires et les Anciens de ce monde.

« Allons - y. »

L'ancienne gardienne sacrée fit signe à Ilaria de la suivre, se dirigeant vers la bibliothécaire sans âge. Une fois à son niveau, elle se rendit compte qu'il faudrait à cette femme une mémoire monumentale pour pouvoir répondre à une question si vague et floue. Néanmoins, rien ne lui coûtait d'essayer, alors elle articula :

« Bonjour Madame. Nous recherchons... hum... des indices pour résoudre un problème. Avez-vous le souvenir d'une chose disparue auparavant ? Je ne peux malheureusement pas vous donner de repères temporels, mais ce peut être il y a quelques années, comme il y a un siècle. »

Elle fit une mine gênée devant l'imprécision de sa question, et poursuivit :

«  Ou avez-vous le souvenir d'une dispute ici même entre deux hommes ? Encore une fois, je ne sais quand celle-ci a eu lieu, mais elle fut bien réelle. »

Luccia essaya de ne pas se décourager quant à la réponse de la bibliothécaire. Pourtant, avec celle-ci, la mission semblait bien plus ardue... puisqu'il n'y avait pas d'autres preuves vivantes en ces lieux. Et, pour ce qui était des preuves mortes, matérielles, on ne pouvait rien en tirer car Ilaria ne pouvait pas se servir du pouvoir de Parandar dans la bibliothèque. Vraiment, les deux enquêtrices n'étaient, pour le coup, pas bien aidées. L'espoir de trouver le ou les propriétaires de ce bouquin probablement de valeur était très mince, et s'envolait doucement, surtout avec la réponse de la bibliothécaire malgré les tentatives de la chroniqueuse.

« Même si vous êtes pleines de bonnes volontés, des disputes, il y en a eu pas mal... Je ne pourrais pas vous faire un listing de tout cela. »

Néanmoins, elle rajouta un détail que l'ancienne Gardienne Sacrée garderait dans un coin de sa tête, même s'il était peut être insignifiant :

« Il y en a bien une qui était plus violente que les autres, entre un vieil homme à la barbe poivre sel, et un jeunot aux cheveux noirs ébouriffés. Celui-ci m'avait marqué, car j'eus cru déceler le symbole des aigrefins, la rose noire, sous une cape qui avait tout de naturel. Ainsi, je n'ai pas hésité à les téléporter d'ici ces deux là. Mhh... Il avait pas l'air méchant pourtant... Enfin, j'pense pas que ceci va vous aider. Désolé mesdemoiselles. »

Et si le livre avait encore plus de valeur qu'il n'y paraissait ? Au point qu'un aigrefin vienne s'introduire ni vu ni connu dans un lieu bénéfique pour le piquer à un vieil antiquaire ? C'était une piste à ne pas écarter, même si les chances de retrouver cet homme étaient minimes sans indices. Et, peut être qu'en le retrouvant, elles se mettraient dans un pétrin monstrueux... Luccia demanda tout de même sans grand espoir à Ilaria, après avoir remercié la bibliothécaire pour ses services :

« Ton pouvoir de Parendar... Est ce qu'il est aléatoire ? Est ce que quand tu visites le passé d'un objet, tu vois toujours la même chose ? »

Et là, c'était soit elles pouvaient accéder à un autre indice, car il y avait peu de chance qu'elles en trouvent davantage ici, soit il ne faudrait pas chercher plus loin, et détourner quelque peu l'enquête. Pour ceci, l'elfe demanda tout de même à la bibliothécaire :

« Ah, une dernière chose... Connaissez vous quelqu'un capable de traduire des langues anciennes ? »

Luccia avait cru entendre dire que cette bibliothécaire, avec l'expérience, connaissait bien des choses... Il serait donc tout à fait probable qu'elle-même puisse s'en charger. Et cette question l'inciterait à l'affirmer au besoin...

Malgré les futures tentatives de la chroniqueuse pour tirer toutes les informations possibles de la bibliothécaire, pour lui soutirer des souvenirs dont elle n'aurait nullement songé depuis longtemps, rien de plus ne vint. C'était compréhensible bien entendu, déjà qu'elle connaissait ses livres par cœur... Si en plus il fallait s’intéresser à des choses qui ne la passionnaient pas...

Un point positif, c'était que l'hypothèse que le pouvoir de Parendar d'Ilaria puisse révéler d'autres choses n'était pas écartée. Elles pourrait donc faire une tentative si besoin. Mais, celle-ci ne serait finalement peut-être pas nécessaire... En effet, la bibliothécaire avoua aux deux femmes que son mari connaissaient des langues anciennes. Une lueur de satisfaction brilla dans les yeux de la druide qui s'exclama :

« Voici une très bonne nouvelle ! Merci beaucoup, nous y allons de ce pas. »

Puis, alors que Luccia se dirigeait vers l'escalier, elle s'adressa à la chroniqueuse :

«  Si on arrive à décrypter ce livre, peut-être qu'il sera préférable de s'arrêter là. Ce n'est pas que je ne vais pas au bout des choses que j’entreprends, mais comme a dit la bibliothécaire, cela appartient à un passé lointain... Et, j'ai du mal à croire que des gens comme eux, qui semblaient être pris dans des engrenages conflictuels, soient encore de ce monde aujourd'hui... A vrai dire, j'ai bien peur que ce soit une cause perdue que de vouloir les retrouver. »

Ainsi, elle arrivèrent à l'étage et virent un vieil homme à la barbe touffue feuilleter un bouquin avec attention et passion. Elle s'approchèrent donc, et Luccia demanda avec politesse :

« Excusez moi de vous déranger... Votre femme nous a dit que vous connaissiez deux langues anciennes. Pouvez vous nous aider à traduire ce qui se dit dans cet ouvrage ? »

Elle sortit alors le vieux livre et le tendit à l'homme. Ce dernier le scruta de toutes parts. Il semblait assez émerveillé. Voyant que le vieux bouquin contenait beaucoup d'informations, il invita les deux femmes à s'asseoir à sa table en attendant qu'il étudie le traité. Luccia fit preuve de patience, car elle ne voulait pas déranger l'individu. C'est ainsi qu'après une longue attente, le vieil homme leur conta l'histoire d'un objet ancien, perdu dans un certain lieu. C'était très intriguant, et l'idée de le retrouver était dans un coin de la tête de l'elfe. Bien que ce pouvait être une fausse piste, l'ancienne Gardienne Sacrée ne doutait pas de la plausibilité de cette histoire contenue dans ce précieux recueil. Une fois qu'il eut terminé sa tirade sur cet objet sous l'oreille attentive de Luccia, l'homme feuilleta les pages sans un mot. Enfin, il s'adressa à elles :

« Je passerais des jours et des nuits à vous traduire tout ça... Repassez quand vous voudrez découvrir quelques pages supplémentaires. »

Et finalement, ce n'était pas plus mal... Elle ne pourrait pas tout retenir d'un coup. Mais, une fois qu'elle se serait penché sur ce fameux objet, elle ne manquerait pas de lui demander une traduction supplémentaire. Elle tenait désormais entre ses mains un véritable recueil à trésor.

Luccia hocha la tête en voyant que la chroniqueuse était d'accord sur l'idée d'en rester là s'ils pouvaient déchiffrer ce qui se disait dans le livre. Et, comme le mari de la bibliothécaire avait réussi à traduire la langue ancienne (partiellement pour le moment), c'était une bonne chose. Finalement, la question était maintenant de savoir s'il était intéressant de se lancer dans la quête de cet objet. Aux yeux de Luccia, ça l'était, car déjà, la curiosité l'envahissait. Et, cette aventure semblait intriguer et donc intéresser aussi Ilaria qui demanda au vieil homme s'il pensait que cet objet existait. Et, ce dernier était plutôt optimiste sur la question. Et puis, la druide voyait mal pourquoi ceux qui auraient écrit ceci en langue ancienne auraient menti. Et, un autre fait prouvait que cet objet était bien réel. Elle en fit d'ailleurs part à Ilaria.

« Et, les deux hommes se battaient pour avoir ce livre, ce qui veut dire que son contenu n'est pas fictif... »

Elle lui adressa un sourire accompagné d'un clin d’œil en poursuivant :

« Et je ne sais pas toi mais j'ai bien envie d'aller le vérifier... »

Elle remercia alors le vieil homme qui replongea dans ses livres, pensifs sur ce qu'il venait de lire tout de même. Puis, l'elfe fit signe à la chroniqueuse de la suivre vers la sortie de la bibliothèque. Une fois dehors, elle remarqua que la météo était encore bien maussade. Naturalia était bien triste. La belle retrouverait volontiers sa forêt abritée au plus vite. De toute manière, si elle souhaitait se lancer dans la recherche de l'objet, il ne faudrait pas partir en cette fin de journée, mais de bonne heure, car l'aventure s'annonçait longue et périlleuse. Une fois prêtes, elles n'auraient qu'à se contacter. Quoiqu'en fait, Luccia, elle, était prête et avait hâte. Il lui faudrait juste faire le plein d’énergie, et peut-être de provisions... Une telle aventure ne s'improvisait pas comme cela... Il suffirait donc à la chroniqueuse de lui donner un lieu et une date.

« Bon... Je dois t'avouer que j'ai bien l'intention de retrouver cet objet. Si tu en as toi aussi envie, envoie moi une missive dans le QG des druides quand tu désires te lancer. »

Elle lui adressa alors un large sourire, posa sa main sur son épaule et lâcha un « A bientôt ! »

avant de s'éloigner en direction de la forêt.