[Seran, Gen & Letie] Traces sanglantes entre les arbres.

*Elle est passée ici, aucun doute possible...*

J'avance, pas à pas au milieu du carnage. Ici, une femme et un enfant en bas age ont perdu la vie, et leurs corps sont encore étendus sur le sol. L'enfant... Comme j'aimerais être aveugle, parfois... J'ai honte de savoir qui a commit une telle atrocité, un pareil crime gratuit, mais je ne peux l'ignorer plus longtemps, il me faut agir. Si seulement je pouvais. Une fois de plus, elle a disparu sans laisser d'adresse et je n'ai aucun moyen de la retrouver. Hermès est absent, et je ne peux que m'en réjouir même si j'ai peur de la réponse qu'il m'apportera, quelle qu'elle soit. Ou peut être encore reviendra t-il sans un mot, ou pire encore, toujours porteur de ce terrible parchemin que je n'aurais jamais du écrire. Pourtant je ne peux me résoudre à cesser d'espérer.

La femme est couchée sur le dos, les bras brisés en de multiple points pour qu'il dessinent la forme d'un cœur cerclant la tête tranchée de la victime. Scène atroce, d'autant plus que je ne doute pas un instant que les os des bras aient été cassés alors qu'elle était encore en vie. Sa belle robe de soie fine a été découpée au niveau de la taille, laissant sa poitrine nue. Soigneusement lissée, l'étoffe ondule autour de ses jambes inertes... Sur son ventre, le tueur a gravé à la dague une forme de lune rougie par le sang... Le berceau éternel de l'enfant. Il est couché là, sur le ventre de sa mère, la tête sur son sein. Les yeux du nourrisson ne sont plus que deux trous noirs englués de sang. Ses petites mains, plantée au sens propre du terme dans le sein de sa mère semble agripper la pauvre femme en une ultime étreinte. Nu... Nu et aveugle, innocent dans la mort... Est-ce un trait d'humour du funèbre assassin que de lui planter dans le dos deux longues plumes blanche ? Je sais où elle les a trouvé... Je détourne le regard, horrifiée.

Ce ne peut être qu'elle. Pour les plumes, pour les chevaux qui tiraient le carrosse si gentiment libérés, pour ce qu'elle a, par cette œuvre, voulu transcrire. Suis-je la seule à comprendre son message ? Ai-je moi même l'esprit assez égaré ou est-ce vraiment une forme, bien sombre, d'expression ? Le regard exorbitée par la terreur de cette femme fixera à jamais son enfant, et jamais celui ci ne verra les atrocités de ce monde. Mais à quel prix... À quel démon as tu vendu ton âme, Élise ?

Debout, tendue comme un arc devant la mare de sang, je secoue la tête, retenant tant bien que mal ces larmes qui de toute manière ne couleront pas. Les yeux à demi clos, je porte ma main à mes lèvres, puis entortille nerveusement une boucle de mes longs cheveux noirs entre mes doigts. Horreur... Je voudrais quitter ces lieux, mais je ne peux pas. Je dois la retrouver, l'empêcher de continuer sur cette sombre route. Comme il serait tentant, parfois, de l'abandonner simplement à son sort ! Retenant un haut le cœur, je viens finalement m'agenouiller devant la tête tranchée pour lui fermer les paupières d'une main tremblante. Si seulement je pouvais pleurer...

- Vas en paix, pauvre âme. Puisses tu retourner à la terre et renaître entre les bras salvateurs de Dame Nature.

Piètre prière, mais je n'ai pas le courage d'en faire plus. Je me redresse, recule d'un pas. L'enfant... Je ne peux pas... Ses yeux ne sont que néant, je ne peux même pas lui clore les paupières, et encore moins trouver les mots. Il n'avait même pas un an... Comment as tu pu ? Non, Elise, je ne peux pas tout comprendre.

[HRP] Tu écris magistralement bien, tes tournures de phrases sont épatantes et tu joues avec les mots et les phrases d'une manière magique. Wow. [HRP]

Seran était dans un état de transe. Presque à la cime d'un arbre, où il aimait grimper, il était paisible et serein. Un instant, il réfléchissait doucement à ce monde un peu trop vil et cruel pour lui et l'autre, il entendait une femme crier puis le hennissement d'un étalon apeuré. Puis, plus rien...

Douteux de nature, il fit un bond d'un arbre à l'autre sans faire trop de bruits, laissant seulement le mouvement et le frottement des feuilles sur sa longue cape interrompre le silence. Cette nuit, la forêt était étrangement calme, comme trop calme. Si bien que le rôdeur se demandât pourquoi il ne l'avait pas remarqué. Mais ces cris en pleins milieux de ces lieux n'était certainement pas ce qui allait rétablir la vie ici. Elle établissait plutôt la mort.

Arrivant non loin de la scène, il vit ce que l'horreur ne pourrait décrire d'elle-même. Un cadavre presque encore gémissant d'un bambin écrasé sur le corps de sa mère gisant dans son propre sang... Une très triste scène bien que Seran ne s'en voulait pas trop. Jamais il n'aurait laissé une horreur comme celle-ci mais il avait certes tuer quelques personnes sans vraiment le regretter.

Il se rapprocha de la scène et doucement s'agenouilla pour murmurer quelques mots en l'honneur de la défunte, il entendit de doux pas comme si on marchait si doucement mais si rapidement à la fois. Comme quelqu'un qui est habitué au sol des bois et à la discrétion.

Seran comprit rapidement qu'il ne devait pas se trouver en présence d'un cadavre en plein milieu de la nuit et fit quelques pirouettes pour se retrouver quelques branches plus haut et un arbre et demi plus loin pour continuer à avoir une bonne vue sur la scène.

Son illusion était dissipée et on voyait clairement de beaux yeux bleus percants et de longs cheveux blancs éclairés par une faible lueur de la lune.

Cette dame savait ce qui s'était passé ici, c'en était évident tellement elle avait l'air de savoir ce qu'elle faisait. Peut-être y avait-il un lien entre elle et le meurtre sanglant...? En tout cas, elle avait un vague air elfique mais avec des traits plus ternes. Elle s'agenouilla devant la femme et lui ferma les yeux. Elle murmura quelques mots que Seran n'entendit pas mais c'était clairement des mots en honneur de la mort.

Le rôdeur décida de s'approcher s'en vouloir l'effrayer. Il tomba telle une lourde pierre et s'avanca doucement vers elle, laissant à découvert ses mains autant que ces cheveux. Bien que les elfes noirs n'étaient pas connus pour leur sympathie mais plutôt pour leur cruauté, il ne tenait pas à tuer quelqu'un pour rien. Il tenait surtout à comprendre le pourquoi de cette barbarie. Et la mieux placée pour le savoir, c'était la dame placée à quelques mètres de lui.

D'une voix assurée et calme, il s'adressa à Letie.

- N'aie pas peur. Je ne te veux pas de mal. Je viens aussi de découvrir la scène et je trouve fort improbable que quelqu'un d'autre était nonchalamment en train de relaxer alors qu'on tuait une femme et son enfant si près. Et surtout dans la forêt où je séjourne la plupart du temps qui est une forêt très calme. Je me posais simplement la question à savoir pourquoi une telle brutalité et une expression si sévère de la mort...

Il n'en avait rien à faire que Letie soit dans sa forêt simplement voulait-il savoir pourquoi on dérangeait son calme. Et d'une certaine manière, s'il y avait quelqu'un à tuer, peut-être pouvait-il en tirer profit... Son argent n'était toujours sa denrée la plus commune.

[HRP] Si j'en ai trop dit, n'hésite pas à me le faire remarquer, je changerai quelques trucs sans problèmes... J'ai cherché et c'était pas mal la seule facon que je me voyait de faire le post. [HRP]

Quelqu'un... étais-je à ce point plongée dans mes pensées macabres pour ne pas le voir venir ? Je me tourne vers la provenance du son, alarmée, les yeux légèrement écarquillés par la crainte. Un homme qui tombe des arbres comme un fruit trop mure, un étranger qui m'observe. Pourquoi ? Me prend t-il lui aussi pour ma jumelle ? Nous nous ressemblons tant. Ces mêmes cheveux noirs, ces même yeux verts bien que les miens soient ternis par le temps et les souffrances. Cette même peau brune qui nous rapproche de la couleur des arbres, ce même tatouage, visible en partie par l'échancrure de mes vêtements, sur ma nuque. Ma robe... Elle était d'un vert sombre, rappelant si bien les couleurs de la forêt, mais maintenant le bas s'est imbibé de sang. Je regarde autour de moi, quittant l'étranger des yeux. Il y a des environnement auxquels je n'aime pas être assortie.

Sa question me tire une seconde fois de cette bien triste contemplation. J'aurais préféré être seule, mais je comprends qu'il ait besoin de savoir. Je comprends sans pour autant pouvoir l'informer vraiment de la tragédie de ces lieux. Alors je l'observe, m'intéressant enfin véritablement à lui. Une peau noire et des cheveux blancs qui ne crient que trop bien son appartenance au peuple de mes sombres confrères. Il ne semble pas si puissant physiquement, mais je suis bien placée pour savoir que la fragile corpulence d'un elfe peut s'avérer trompeuse, et je ne doute pas que cette règle s'applique également à cet obscure inconnu. Si je venais à devoir m'opposer à lui par les armes, sans doute me vaincrait t-il, mais je ne veux pas en arriver là, pas dans ce charnier. La terre n'est déjà que trop imbibée de sang. Mais comment trouver une réponse suffisante sans trop en dire ? Mentir... Peut être est-ce la solution, mais en serais-je vraiment capable ? Je n'en ai pas envie. Je me résigne enfin à croiser son regard, ses yeux trop noirs. Il a du en voir, des violences, peut être même de bien pires que ce sanglant carnage. Trop calme, je me renfrogne, me referme pour cacher mes peurs et pensées.

- Peut être vaut t-il mieux l'ignorer... Les dessins d'un tueur ne sont jamais beau à voir, pas plus qu'ils ne sont agréables à comprendre. En tous cas, il est partit et on ne peut rien faire pour ces deux victimes si ce n'est les enterrer dignement. La nature se chargera de penser leur douleurs, de les faire renaître dans les troncs des arbres. Nous n'avons pas d'autre choix, même si il était possible de les ramener à la vie, ce serait une erreur après ce qu'ils ont subit.

Pourquoi une femme et un enfant ? Je le sais bien, au fond. Parce que ce sont des cibles faciles pour assouvir tes bas instincts meurtriers. Ne pourrais-tu au moins t'en prendre à des êtres aussi forts que toi ? Ne pourrais-tu au moins leur laissé une chance ? Non, tu tues sans l'once d'un regret, sans raison. Je laisse échapper un soupire et mes yeux se tournent bien malgré moi vers l'enfant torturé. Je pourrais lui expliquer, mais les mots restent coincés dans ma gorge. Je n'en ai pas envie, et à la fois, je voudrais qu'il comprenne. Mais la muraille que j'ai dressé est trop haute, trop solide. Je me suis enfermée seule au cœur de cette forteresse qui s'est transformée en prison. Et pour quoi ? Pour me protéger des horreurs de la vie que cette sœur désaxée s'évertue à reproduire. Que veux tu que je te dise, inconnu ? Qu'elle est folle à lier et qu'il faudrait l'enfermer ? Sans doute, mais elle est ma jumelle et jamais je ne pourrais agir ainsi, même en sachant la vérité. Alors simplement...

- Mieux vaut garder le silence tant que ces deux âmes ne seront pas revenues à la terre. Je vous en prie, ne perturbez pas leur trépas par des questions qui ne doivent pas être posées.

Doucement, je soulève mon bâton du sol et prend une longue inspiration. Mes yeux se ferment, le bois se déforme pour devenir une pelle. Je l'enfonce dans la terre, gardant la tête baissée, comme en prière. Si la fin de leur vie fut un massacre sans nom, au moins auront t-il un enterrement. Mis en terre par la sœur de leur meurtrière, quelle sinistre spectacle. Pourtant, les larmes ne peuvent se résigner à couler, il y a bien longtemps que j'ai perdu la capacité de m'épancher de mes douleurs par les larmes. Puisses tu au moins rester calme pendant que je les couche dans leur dernière demeure, inconnu. Pour cet enfant, pour leurs âmes.

Cette âme avait l'air si perturbée... Si loin, si refermée que Seran n'eut pas le coeur de continuer à la questionner sur le meurtre.

Et si elle connaissait vraiment celui ou celle qui avait fait ca...? Mais cela importait peu pour l'instant... Il devait l'aider. Il devait la soutenir. Mais... Ce n'était simplement qu'un meurtre et elle n'avait pas l'air de connaître les victimes. D'un autre côté, elle avait l'air trop seule pour que Seran la laisse à son sort.

Il s'agenouilla devant les deux victimes et prononca quelques mots: ''Xal dos v'dre wun gre'as'anto, rivvin''. Puis, il aida la jeune femme de ses mains pour creuser les deux tombes. Il ne réfléchissait pas au pourquoi de ce qu'il faisait. Il le faisait simplement. Il n'avait qu'une idée en tête, soulager la souffrance de cet être si frêle et fragile et à la fois si dur comme l'acier. Il ne pourrait jamais décrire ce qu'elle avait vécue mais ca avait l'air au moins aussi difficile que ce que lui avait vécu dans son peuple, il y a de cela bien des années.

Une étrangère d'une beauté indescriptible ternie par le temps et la souffrance; voilà ce qu'elle était. Et c'est ainsi que Seran se mit à l'aider à terminer les tombes.

Au moment de la mise en terre, l'elfe noir prit quatre branches puis les mit en signe de croix et les posa près des tombes nouvellement faites. Il versa quelques larmes en guise de renouveau. Le rôdeur se leva ensuite et aida la jeune dame à se relever, elle qui avait encore l'air si songeuse et si perdue à la fois.

L'elfe noir se posa la question encore une fois mais sans vraiment y répondre à savoir pourquoi il aidait une telle personne, lui qui normalement n'aurait jamais voulu aider sans rien recevoir...

- Vous avez raison, nous ne devrions pas dire mot sur les tombes des morts. Suivez-moi, je vous prie. Je ne vous ferai pas de mal, je vous le jure.

Puis, ca le frappa, il s'était mis à la vouvoyer... En signe de respect... Mais que...? Il resta bouche-bée un instant sur ce fait, sans trop le laisser paraître...

Peu importe pour le moment, il se poserait des questions plus tard. Et il ne voulait pas s'en poser... Il admirait cette femme pour son courage et sa tenacité à tenir sa langue...

Il l'amena non loin, à quelques centaines de mètres pour que l'aura de mort qui baignait le coin de forêt où l'acte avait été commis ne se réflétait plus sur les âmes. Il s'asseya sur une souche pourrie puis invita son interlocutrice à en faire autant. Puis, il prit la parole.

- Je ne vous connais pas et je ne sais pas ce qui est arrivé dans ce coin de forêt mais, à mon grand étonnement, je ne veux que vous aider. Mon nom est Seran Halkien, rôdeur de profession. Je ne suis qu'un novice en matière de civilité et de sympathie considérant ma race mais je vois bien que vous êtes tourmentée et je ne peux me résoudre à ne pas vous offrir mon aide. Si vous n'en voulez pas, je comprendrai mais... Je peux sûrement vous être utile. Et je ne demande rien en échange. Vous avez l'air d'en savoir beaucoup plus que vous ne le laissez paraître mais les détails ne sont pas mes affaires. Laissez moi vous accompagner en ces terres et dès que votre objectif est accompli, je vous laisserai en paix.

Il avait un air serein, très calme et reposé. Mais encore à son grand étonnement, il avait dit tout cela comme si c'était normal... Il n'avait pas réfléchi comme il aurait fait autrement... Cette femme le troublait énormément et il n'avait pas la moindre idée du pourquoi de la chose. Mais bon, c'était dit, c'est comme ca.

Les yeux mi clos, je dépose la femme et son enfant sur leur lit de pierres. Cet homme, de premier abord si curieux, semble avoir compris le devoir de silence que tout humain doit respecter devant une telle mort. Je le laisse refermer la tombe, puis m'agenouille devant la terre fraichement retournée pour poser mes mains sur la sol. Je la sens, cette vie enfouie qui ne demande qu'à éclore... Prostrée sur la tombe, je l'appelle jusqu'à ce que de fines pousses vert pâle ne s'extirpent du sol brunâtre. Je l'appelle, lui donnant mes forces alors que la tombe se couvre d'herbe, puis de minuscules fleurs bleu sombre. Rien de grandiose où de trop voyant, juste ces petites croix de bois que tu poses entre les pousses si pleines de renouveau.

J'accepte la main tendue et m'y appuie bien plus que je ne le voulais pour me relever. La tête me tourne, mes jambes me portent à peine... Mais ce n'est pas la vision de ce carnage qui m'a mit dans un tel état de faiblesse, plutôt les forces que j'ai offert à dame nature pour fleurir cette tombe. Je ne regrette pas, je n'ai rien a prouver, ni à cet homme, ni à personne. La fatigue d'un corps ne fait t-elle partie de la nature ? Rien n'est gratuit, pas même les gestes qui ne rapportent rien, si ce n'est la paix de l'esprit. Appuyée à son bras, je me laisse mener sans même savoir où. Il m'éloigne de la scène, quelle importance ensuite ? Tant que je reste sous le couvert des arbres, je suis chez moi, protégée par la bonté de ma mère forêt. Quant à ce qu'il pourrait vouloir de moi, je n'ai rien à craindre puisqu'il n'y a plus rien à prendre.

Je m'installe sur la souche, posant mes mains jointes sur mes genoux. Une posture plutôt détendue, rappelant quelque peu la méditation. Mes yeux se ferment pendant qu'il parle, restent clos une longue minute après qu'il se taise, puis se tourne enfin vers lui. Je l'observe une fois de plus, cherchant à voir ce qui est derrière ces profonds yeux noirs, cherchant à comprendre pourquoi il a pris la peine de me tendre la main. Il est des gestes que je ne peux comprendre, homme des bois. Il est des sentiments que j'ai oublié. Alors je me contente de hocher la tête et de m'abimer dans la contemplation des feuillages devant moi. M'aider ? En quoi ? Ai-je besoin de son aide ? Ai-je d'ailleurs besoin de l'aide de qui que ce soit ? Sans doute, sans quoi je n'aurais pas envoyé cette lettre. Mais suis-je prête à accepter les mains qu'on me tend ? Même celle de Gen, j'ignore encore si je saurais la prendre. Aucune forteresse n'est plus solide que celle qui a été bâtit sans pont levis, rôdeur, même si la mienne est baignée de solitude. J'attends encore un temps avant de me décider à parler, et quand je m'y résouts, ma voix a pris un timbre plus grave et plus lointain, comme si je m'étais éloignée de la vie elle même.

- Parfois, la paix cesse d'exister, rôdeur, mais j'admire votre persévérance à la trouver. Le tourment fait maintenant partie de ma vie et je crains que vous ne puissiez pas vraiment m'aider. Je n'ai aucun but vers lequel vous pourriez m'escorter, aucun objectif réalisable et je ne sais pas même où aller. Cette forêt est ma mère, si elle est votre domaine, mais même dame nature ne peut me protéger.

Durant toute cette tirade, mon regard reste perdu dans les branches. Je marque un temps, une fois de plus. Il lui faudra bien de la patience si il veut apprivoiser la bête sauvage que je suis devenue. Et pour quoi ? Je n'en veux pas le coup, il n'y a rien a retirer de mon cœur brisé par la vie. Même mon corps en garde les stigmates. Non, si tu cherches une compagne, crois moi, il y a des femmes bien plus belles et bien plus lumineuses que moi. Même Élise, au cœur de sa folie, serait plus attirante. Mais tu attends des mots, alors je te les donne, tournant enfin les yeux vers toi. Un regard dur et froid en apparence, un de ceux qui semble regarder sans vraiment voir, ou en observant ce qui tremble derrière tes yeux noirs.

- Je me nomme Létie, et mon nom n'a plus grande importance. Merci pour votre aide, Seran, et merci pour votre compagnie. Celle des morts pèse bien trop lourd pour qu'on puisse les côtoyer sans cesse et les arbres ne me sont que d'un bien maigre réconfort. Pardonnez mon mutisme, je ne peux m'en défaire sur une simple demande et j'ignore tout de vous.

Un triste sourire effleure mes lèvres, pour disparaitre bien vite sous ma carapace inexpressive. Je sens la nature vibrer autour de moi, et en son sein, je peux bien me permettre d'échanger quelques mots. Il n'est pas druide. Depuis combien de temps n'avais-je pas parler à un être n'appartenant pas à mon clan ? Je me suis réfugiée chez eux comme une gamine apeurée. Au moins n'ont t-ils pas posés trop de question. Peut être est t-il temps que je cesse de prendre racine... Peut être. De toute manière je n'ai pas vraiment la force de me lever et encore moins celle de partir.

Si fragile...

Seran ne pouvait en croire ses yeux. Cette femme, si pleine de bonté, si pleine de bonne volonté s'était adonné à redonner à la terre ses deux cadavres. Et elle s'était tellement grandement affaiblit qu'elle avait de la difficulté à tenir sur ses deux jambes... Le rôdeur ne la lâcha pas et la tint plus fermement, au risque d'envahir son espace. Il voulait l'aider mais il savait bien que pour l'instant, seul le repos y pourrait quelque chose.

L'ayant assise sur la souche, elle avait adoptée une position détendue... Puis, elle avait eu l'air de partir dans ses pensées avant de répondre sur un ton monotone qui irrita un peu l'elfe noir. Mais ca ne le fâcha pas, bien au contraire. Il voulait clairement lui faire comprendre qu'il allait l'aider au risque de se mettre dans le pétrin.

Après son récital, il comprit bien vite que son interlocutrice était une druidesse. Une formidable créature pouvant changer d'apparence et même commander à la nature... Il en avait vu quelques fois dans son périple pour venir vers Naturalia et ses parents avaient une connaissance qui pratiquait cet art perdu.

- La paix ne cesse pas d'exister, druidesse. Bien au contraire, elle ne fait que se transformer. Tout n'est pas réel. Le terme paix n'est qu'un simple mot... Si l'on veut débattre sur ce sujet, il faudra beaucoup de temps et de réflexion. Mais là n'est pas le but de la conversation... Si vous croyez à une paix, elle viendra vers vous et si au contraire, vous n'y croyez plus, n'attendez rien de miraculeux.

Je ne sais point ce que vous désirez ni pourquoi vous avez faite ces choses aux défunts, ni même pourquoi vous êtes ici mais ca ne m'intéresse que si je peux y faire quoi que ce soit. Je sais que l'aide d'un étranger est bien mal venue quand nos problèmes sont compliqués mais je sais que je peux vous aider. Je ne vous demande pas de me faire confiance, ce serais terriblement stupide mais laissez moi vous montrez que je ne veux que vous aider.

Letie repartit dans ses pensées et sa contemplation de la forêt éclairée par la lune autour de nous. Les yeux bleus du rôdeur enveloppait la silhouette de la femme. Il ne pouvait que se demander pourquoi il était si insistant... Les femmes avaient toujours eu un certain effet sur lui mais jamais à ce point... Il devrait être immunisé depuis longtemps à la suprématie féminine instaurée dans sa jeunesse...

Non... Il était certain que ce n'était pas la même chose. Cette fois, il était dans un autre état, complètement différent de celui où il était soumis aux ordres des femmes... Plutôt comme un état de bien-être. Et c'était clairement cet être qui lui procurait. Au fond, il en retirait un bénéfice.

Après le second discours de la dame, le rôdeur eut un sourire terne. Il plongea ses yeux bleus au fond de ceux de la druidesse et prononca quelques mots.

- Enchanté Letie. Mais l'heure n'est pas aux civilités. Je ne peux vous en vouloir pour rien et vous ne me devez rien, comprenez bien cela. Vous avez aussi raison sur le fait que je reste un étranger et si je vous importune, vous n'avez qu'à me le faire savoir et je ferai en sorte que notre conversation et notre rencontre s'écourtent.

Pour l'instant, vous m'avez l'air plus que fatiguée et vous devriez vraiment vous reposer... Laissez-moi vous entraînez non loin d'ici où je réside. Il y a là-bas un feu de camp et quelques provisions. Vous pourrez vous mettre à l'aise, bien vous reposer et si vous le souhaitez, nous discuterons demain. Sinon, je vous laisserai repartir. Mais pour l'instant, je ne veux absolument pas vous laissez dans cet état.

L'elfe se leva et tendit de nouveau une main courtoise à Letie en arborant un air neutre qui se voulait ferme.

Un temps pour me décider à parler, voilà ce qu'il m'offre en réalité. J'ignore encore ses dessins, ou peut être simplement que je refuse de les comprendre, mais il serait injuste que je refuse une main tendu par manque de confiance en l'humanité. Si il voulait me forcer à répondre à ses questions, il n'aurait pas trop de mal en ce moment, ou du moins aurait t-il toutes les raisons de penser pouvoir me faire parler. J'ignore moi même ma réaction si on cherchait à nouveau à me forcer à compter mes secrets, mais je doute fort qu'elle soit douce. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas des réponses qu'il cherche, je pense... J'espère. Je ne pourrais jamais trahir ma sœur pour satisfaire une curiosité déplacée. Si encore la famille des victimes venait me demander des explications, peut être reconsidèrerais-je la question, mais il ne connait certainement pas les deux défunts de ce triste jour, sans quoi sa réaction n'aurait pas été aussi calme et posée.

Ses mots se veulent rassurants, peut être même pourraient t-ils redonner de l'espoir à certains, mais pour moi ce ne sont que les phrases de quelqu'un qui n'a jamais perdu confiance en la vie. Oui, il est toujours possible d'apprendre soit même à vivre en paix, mais comment y forcer un autre ? Élise est trop proche, trop importante à mon cœur pour que je puisse me fermer à son devenir, et une fois que la folie s'est si bien installée, est t-il encore possible de trouver la paix ? Elle ne le souhaite même pas, comment pourrais-je l'y forcer ? Mais je ne peux pas lui en vouloir, il ne peut pas deviner. Et je peux encore moins le lui expliquer. Alors je garde simplement le silence, inutile de gêner ou d'accabler cet homme... Qu'il continue à y croire, qu'il continue à chercher, car lui, a encore une chance de la trouver, cette paix si désirée.

Les yeux dans la vague, j'accepte une fois de plus ta main et me relève tranquillement. Me crois tu donc en danger ici ? Il faudrait être bien fou pour s'en prendre à une druide au cœur même de sa forêt. Si tu as compris ce que je suis, pourquoi me crois tu donc si faible ? Dans les bras de ma mère, je ne risque pas grand chose si ce n'est la solitude qui de toute manière est depuis longtemps ma seule compagne. Élise est si souvent absente... Non, je ne risque rien, rôdeur, mais peut être est-ce toi qui recherche une compagnie. La mienne n'est pas bien joyeuse pourtant... Au moins mangerais-je ce soir autre chose que des fruits des bois ?

- Mon état n'est pas aussi grave que vous semblez le croire. Ma mère est si pleine de ressources, si brillante de vie, que pourrais-je craindre ici ? Mais je serais heureuse de vous suivre si le cœur vous en dit. Seulement, n'espérez pas que je sois d'une bien joyeuse compagnie car cette dernière découverte m'a ôté mes derniers espoirs. Dans un sens, j'aurais dû depuis longtemps me faire à cette idée...

Puisqu'il n'y a plus d'incertitude, je ne peux qu'espérer. Oh, Élise, j'aimerais croire que ce n'est pas toi, j'aimerais croire que ces escapades ne sont que des courses folles dans la forêt, des jeux enfantins et sans gravité, mais ce n'est pas le cas. J'en ai trop vu, trop entendu... Et je le savais déjà. Mais même en en connaissant les raisons, je ne peux pas te pardonner. Mon visage a retrouvé son calme inébranlable, et même intérieurement, mon esprit s'est apaisé. Je ne peux rien faire pour le moment, pas avant que tu reviennes. J'écrirais si Hermès était là, je pense, et je l'enverrais te chercher pour t'arrêter, mais il est déjà partit en quête de secours, alors j'attends. Et une douce compagnie ne me fera pas de mal...

Je suis le rôdeur jusqu'à son campement sans la moindre crainte, sans le moindre doute. Tant qu'il ne m'entraine pas en dehors de la forêt, je n'ai aucune raison de le craindre. Non que je pense qu'il n'ait aucun moyen de me vaincre, plutôt qu'il me semble qu'il n'en ait pas envie et que seule m'importe la proximité de la nature pour traverser cette bien lourde désillusion. Ce n'est pas une surprise, pourtant.

Peu importait à l'elfe s'il elle était faible ou forte... Un sentiment de protection s'était créé contre son gré...

Il marcha quelques minutes, enjambant quelques arbres morts et laissant les rosiers lui écorcher les mollets. Tout autour de lui semblait respirer et vivre avec la distance qui grandissait entre eux et la scène où tout s'était déroulé...

Arrivé à son camp, il fit signe de faire comme chez elle à la druidesse puis s'affaira à allumer un feu pour la réchauffer. Il prit quelques brindilles mortes par terre et utilisa son silex pour faire des flammèches. Cela prit quelques essais mais son feu brulait vivement. Il se couvrit un peu les yeux, la lumière lui brûlant les yeux. Il s'y habitua peu à peu et il pris quelques grosses bûches puis les superposa en cône et les laissa comme tels.

Sans porter un regard à la dame béate, il entra dans sa tente et s'y affaira quelques instants. Il en ressortit avec du pain et de l'eau. Il avait aussi un peu de viande mais il ne savait pas si les druides appréciaient la chair des animaux... Il se fia donc à son instinct et lui tendit sans même la regarder.

Depuis qu'il était revenu à son camp, un sentiment de plus en plus étrange s'était immiscé en son esprit. Ce sentiment de protection... Ce sentiment qu'il avait... Ce besoin d'aider cette druidesse... Peut-être était-il écrit dans son destin que cette femme allait changer quelque chose... Un grand changement... Ou peut-être était-ce simplement qu'il devenait fou. Ca n'avait aucun sens...

Voyant bien que d'une manière ou d'une autre, la druidesse ne voulait pas parler et il avait promis de ne pas l'embêter, il s'apprêtait à entrer dans sa tente pour y réfléchir sans ressentir trop la présence de Letie.

Il se tourna finalement vers elle et le regarda finalement dans son ensemble. Il voulut ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais il n'y arriva pas. Il baissa la tête en signe de bonsoir.

- Si jamais vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à venir me voir. Vous ne me dérangerez pas. Et... La tente est grande... Au cas où...

Puis, faute de mieux, il alla s'installer.

Durant le moment où il fut seul, il se remémora tellement de choses... Cette nuit, où tout changea, où son allié le plus fidèle avait été tué froidement par un des siens... Il ne haïssait pas son peuple dans son ensemble mais jamais il ne se sentirais à sa place avec eux. Il n'était et ne serait jamais un traître. Et par dessus cela, il ne voulait plus avoir affaire à des elfes noirs pour la simple et bonne raison que ceux-ci voulaient maintenant sa mort... C'était une des raisons pourquoi il appréciait son illusion. On ne le remarquait pas trop parmi les paysans... Bien que dans cette forêt, il était un peu plus reclus... Un peu plus vulnérable mais ça ne changeait pas qu'il se sentait plus en sécurité qu'avec son peuple.

Et maintenant, il était là, avec une étrangère dans son camp où normalement, il n'aurait invité personne. Ce petit camp composé simplement de sa petite tente en tissu, de son feu entouré de pierres pour éviter qu'un accident ne se produise et d'un large tronc sur le côté permettant de s'asseoir. C'était simple mais c'était tout de même très confortable.

Il s'installa sur son amas de fourrure pour relaxer et se laissa dériver vers le sommeil.

Mon regard balaye tranquillement le camps observant chaque détail. Ce sont les petites choses laissées ça et là qui en apprennent le plus sur une personne. Les pierres autour du feu, prévoyance. La tente si simple, sans la moindre broderie, discrétion. Le tronc d'arbre qui lui sert de siège, quant à lui, dénotait d'une certaine proximité avec la nature. Je m'y installe, arrangeant rapidement ma robe à la frange ensanglantée autour de mes jambes et quand je relève les yeux, mon bienfaiteur me tend un morceau de pain et un bol de bois remplit d'eau. Un pâle sourire me vient à nouveau aux lèvres alors que j'accepte ce frugal repas. Les druides semblent toujours aussi entourés de mystères, personne ne semble savoir comment les traiter. Ce n'est pourtant pas compliqué : Avec naturel.

Alors qu'il s'affaire, pas une fois son regard ne se tourne vers moi. Comme si il me fuyait, ou qu'il me craignait ? Non, sans doute pas. Il ne me semble pas qu'il m'ait offert l'hospitalité à contre cœur et les miens ne sont pas réputés pour représenter un danger. Du moins, tant qu'on ne s'attaque pas à leur forêt... Je pose la nourriture à coté de moi sur le tronc et observe le dos du rôdeur. Je n'ignore pas que mon regard fixe peut gêner, mais j'ai besoin de comprendre ce qui se trame dans sa tête, besoin de savoir à quoi m'attendre. Enfin, il se décide à me regarder... J'ai toujours le même air neutre, emprunt de calme et de patience. Au jeu des tranquilles observateur, il craquera avant moi, il est déjà en train de céder.

Une invitation à le rejoindre dans sa tente ? Je ne saurais pas me montrer à ce point envahissante. Je n'ai besoin de rein, si ce n'est les feuillages épais de ma mère forêt autour de moi. Rien que les murmure du vent et le chant de la terre. Il y a une éternité que je n'ai plus dormi avec un toit au dessus de la tête, mais cette fois ci je n'aurai pas la force et monter dans un arbre pour m'y coucher. Trop de fatigue, trop de désillusions... Je ne peux me permettre de perdre mes dernières forces pour atteindre la sécurité bien relative des arbres. Je dormirai donc à la belle étoile, sur l'herbe, auprès du feu. Ou pourrais-je rejoindre mon domaine ? Trop loin, j'ai du marcher longtemps pour suivre les traces de ma sœur. Mère forêt me protège...

- Je vous remercie, je n'ai besoin de rien d'autre que le repos que m'offrira cette nuit.

Il disparait dans sa tente et je me décide enfin à vaquer à mes affaires. Laissant le bol d'eau sur le tronc, je quitte la minuscule clairière pour suivre le murmure de l'eau. Une rivière, il y en a forcément une à proximité, sans quoi il ne se serait pas installer ici. Sans eau, la vie est bien trop rude. J’atteins le lit d'un petit torrent après quelques minutes de retire mes chausses de peau pour y tremper les pieds. Mes yeux se ferment quelques instants... J'écoute le chant de l'eau sur les pierres, rien d'autre. Puis, j'ôte mes vêtement pour me tremper dans l'eau. Quelques pouces de saponaire me permettent de laver la poussière et la souillure de cette bien dure journée, ainsi que mes vêtements tâchés. Une fois ma toilette terminée, je me rhabille, bien qu'encore humide, et regagne le camps pour me coucher près de la souche, coté forêt. Il fait un peu froid, mais les maigres fougères qui tapissaient le sol grandissent pour me couvrir d'une cape de feuillage, puis je me laisse aller vers le sommeil.

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Assise sur les limbes, pieds oscillant dans le vide, une petite fille fixe le néant d'un air boudeur. Elle semble avoir une dizaine d'année si on tient compte de ses longues oreilles pointues, soit une apparence humaine de sept huit ans. Elle ne porte aucun vêtement, sans être forcément nue pour autant... Elle porte ce que le rêveur voudra lui mettre sur le dos et ne sera nue que si il la voit ainsi. Mine renfrognée, elle attend que le monde se forme. Ses cheveux ocres ruissellent sur ses maigres épaules et de grands yeux vert grognon lui donne un air un brin accusateur. Une peau plutôt pâle, contrairement à la druide qui dort un peu plus loin. Pourtant, elles ont un incontestable air de famille bien que la couleur de leurs peaux et de leurs cheveux les différencient de manière assez radicale.

Le rêve devrait bientôt venir maintenant que Séran s'est endormit, mais elle était trop impatiente pour attendre. Tant pis, elle y sera depuis le début !

La jeune femme était partie se rafraîchir vers le lac et cela avait secoué une dernière fois Seran avant que celui-ci ne sombre dans ses rêves. Là où tout avait commencé, là où tout avait été créé; dans l'imaginaire...

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Depuis longtemps, il était seul. Du plus loin qu'il ne se souvienne, il avait été seul et sans vraiment personne à qui se confier.

Une grande plaine s'étendait au loin. Presque un désert peuplé de ténèbres. Le rôdeur ne reconnaissait pas ces êtres. Il cherchait où il était mais n'en eut pas la moindre idée. Et aucun arbre, aucun repère. Simplement qu'une souche avec quelques repousses attachées au tronc. L'elfe noir était là, devant une souche aussi immobile qu'inexpressive... Mais celle-ci était vivante. Dans ce monde où tout avait l'air si mort. Dans un monde si noir, une lueur.

Pourquoi avait-il toujours été seul...? À cause de la vie qu'il avait choisi? Non! À cause de la vie qu'on avait choisi pour lui. Son peuple avait toujours été un peuple cruel, sans pitié. Il n'avait jamais eu envie de tuer pour le plaisir. Il voulait simplement être libre de cette tyrannie. Il voulait être libérer des lois non-écrites si destructrices... C'était pourquoi il avait choisi cette voie de rôdeur. Une voie de ténèbres mais une voie de liberté. Oui, c'était sa faute... C'était donc lui qui avait choisi de vivre seul, reclus. Il n'aurait pas voulu d'une autre vie. Mais sa conscience et son désir de vivre voulaient mettre la faute sur quelqu'un d'autre pour le libérer... Enfin le faire voir de quoi il était vraiment capable...

Cette souche reluisait de vie. Seran s'approcha d'elle pour la toucher, la caresser et l'écouter. Ce bois était si doux mais si écailleux à la fois. Comme quelque chose qui laisse croire qu'il ne veut pas être aimer. En contraste avec sa véritable nature, qui n'a qu'un seul besoin: Être accepté....

Mais jamais ce désir de vivre ne réussirait à le faire vivre. Il ne vivait que parce que son orgueil l'empêchait de donner raison à la mort. Jamais il ne pourrait se tuer par solitude ou par ennui, jamais il ne pourrais se faire du mal par rapport à un sentiment. Il n'en avait plus depuis longtemps. Il n'avait maintenant que des impressions. Quelque chose en lui bloquait la voie aux émotions et à l'amour. Ce sentiment n'avait plus jamais été ressenti après celui qui avait été accordé à son père.

Il se releva tranquillement, essayant de voir s'il n'y avait pas d'autre souche quelque part. Il marcha quelques instants mais n'en trouva aucune. Au loin, l'on voyait un soleil de plomb. Un soleil noir, un horizon grisé. Il regarda ses mains, noires comme le charbon. Il était nu, si vulnérable mais si renfermé dans son monde de ténèbres, de solitude.

Il s'était rappelé son père, celui qui lui avait tout montré. Ses techniques de combat, son amabilité. C'étais un des rares qui avaient cru en lui et en ses talents. Un des rares à ne pouvoir tuer pour rire... Un des rares à mourir pour avoir ''trahi'' son peuple... Un geste si négligeable... Un geste si... Il ne voulait plus y penser.

Il revint à la souche et comprit que cette souche était celle d'un renouveau. Ce sentiment qui grandissait en lui. Ce sentiment d'aide envers Letie était ses petits bourgeons qui se formaient sur l'arbre presque mort. Un sentiment de renouveau. il se sentait bien en sa présence et ne voulait plus quitter ses côtés. Il n'avait pas ressenti cela depuis bien longtemps.

Tsss, en plus il la fiche par terre sur le sable ! La petite fille se relève et s'époussette le derrière, encore plus boudeuse qu'avant. Il aurait pu l'assoir la souche au moins ! Mais non, elle est à lui la souche apparemment. Pas juste ! En plus tout est vide ici. Bon, le soleil noir, il est chouette, mais que du sable à perte de vue... Il manque vraiment d'imagination ou alors il est tout vide ce type ! Bon, peut être aussi qu'il se cache sous le sable... Mais elle aime pas qu'on lui voile des secrets, elle veut être dans la confidence ! D'ailleurs pourquoi il ne s'intéresse même pas à elle ? Pour un peu, elle lui ferait pourrir sa souche tient ! Hum... D'ailleurs ce n'est pas une bête idée...

Puis en plus il l'a laissé toute nue... Bon, lui aussi il a pas de vêtements donc peut être que tout est normal en fait. Elle ne se sent pas tellement laissée. Puis dans un rêve, on a pas froid. Sauf si il décide qu'il fait froid bien sûr, mais il a rien décidé du tout. Alors elle trottine vers lui, pieds nus sur le sable clair, et s'arrête à sa hauteur, pas le moins du monde gênée par la nudité. Sur elle d'ailleurs, l'absence de vêtements n'a rien de choquant. Son corps d'enfants n'est pas encore formé, plutôt maigre et sans la moindre pilosité... Une gamine en somme, une fillette aussi peu vêtue que dans les pays chauds. Pas de quoi s'en émouvoir. Ses yeux verts, toujours un peu accusateurs, fixent le rôdeur avec une moue boudeuse. Elle met les mains sur ses haches comme une femme miniature en colère, sauf que l'effet n'est pas le même. Elle a plutôt l'air d'une mioche en plein caprice.

- T'es pas gentil toi ! T'as pas le droit de me voler Létie !

Jalousie, quand tu nous tiens... Ses cheveux si proche de la couleur du sable s'envolent dans un vent imaginaire. Elle l'a décidé, na ! Puis elle fixe le souche d'un air sombre, lèvre inférieure retroussée, et les bourgeons commencent très lentement à se dessécher. Le soleil noir elle sait toujours pas pourquoi il est là mais elle y touche pas parce qu'il lui plait. La souche, non, parce que le rôdeur avait l'air d'y tenir, alors faut la détruire pour pas qu'il se fasse d'illusions. Elle n'agit que pour son bien évidemment... Et parce qu'il essaie de lui voler sa sœur aussi et là, elle est pas d'accord du tout. Si elle pouvait, elle jouerait à lui faire du mal directement, mais elle ne peut pas... Pas encore en tous cas. L'univers de son rêve, elle en fait ce qu'elle veut, mais Seran lui même, elle n'a pas encore assez de volonté pour y toucher. Enfin, faut pas qu'il se croit sauvé pour autant hein, elle a bien d'autres moyens de lui faire expier sa faute !

Elle pourrait aussi se transformer en méchante sorcière des sables ? Oui, ce serait amusant ! Hum, pas tout de suite, si elle essaie maintenant elle va devoir faire de gros efforts pour y arriver. Quand elle sera mieux intégrée au rêve... Là il l'a juste laissé par terre comme une poupée de chiffons abandonner. D'ailleurs, elle n'a pas apprécié. Il ne s'intéresse même pas à elle... Si encore il était gentil avec elle aussi, peut être qu'elle l'autoriserait à voir Létie, mais là il l'a même pas regardé ! Elle relève le menton avec un air de défit.

- Qu'est-ce que tu lui veux d'abord ? !

Toute colère, avec un soleil noir miroitant sur sa peau, elle est vraiment mignonne. Comme une gamine auquel on ébourifferait les cheveux sans prendre un compte le moindre de ses mots. Ce qu'a vécu le rôdeur pour en arriver à rêver avec un tel dénuement, elle n'en sait fichtrement rien et elle s'en moque, elle est juste jalouse. Il est venu perturber sa sœur alors qu'elle essayait de la suivre et tout, qu'elle s'occupait d'elle quoi ! Ce n'est pas juste si elle n'est pas le centre du monde !

Seran n'avait en rien entendu la fillette tomber sur le sable... Parce que quand tu tombes sur le sable, à part le cri de douleur, ca ne fait pas beaucoup de bruits... Il était complêtement absorbé par cette souche qui représentait beaucoup pour lui. Il n'entendit pas les pas légers d'un enfant qui trottinait non loin de lui.

La colère, l'excès, la mort. Des sentiments tellement proches les uns des autres... Son univers, son flot de pensée avait changement drastiquement quand Élise était entré dans son rêve. Ce n'était que ce qu'il pensait, pas encore ce qu'il faisait mais cela restait on ne peut plus réel...

Il entendit une voix et se retourna donc. Il n'était pas gentil? Lui voler Létie...? Il vit une fillette floue ressemblant à Letie mais plus jeune... Pourquoi était-elle là?... Elle avait peut-être le pouvoir de rajeunir. Il ne voulait la voler à personne et celle-ci avait l'air si seule que jamais il n'aurait cru qu'elle appartenait à quelqu'un... Il regarda autour de lui mais ne vit rien de familier. Il était perdu, son seul point de repaire étant cette souche... Si souche... Qui commençait à pourrir et à décrépir...

La tristesse, l'amusement... Deux sentiments si entremêlés dans les esprits tordus. Les sentiments d'un mâle drow typiques... Tout cela mêlé à un sentiment d'infériorité et de recherche de puissance... Quel mélange explosif... Mais ce n'était pas ce qu'il ressentait... Il ressentait une jalousie, une demande d'attention. À un tel point qu'il voulait faire le mal pour être reconnu, pour être vu. Il avait besoin de ce jeu pour se sentir en vie.

La fillette avait les mains sur les hanches comme une mégère qui réprimande un enfant mais cela lui donnait plutôt l'air d'une enfant gâtée. Il remarqua enfin ses oreilles. C'était donc vraiment Letie! Mais pourquoi le sommait-elle de laisser Letie tranquille si c'était elle-même... Pourquoi utilisait-elle la troisième personne?... Et elle avait quelque chose que Letie n'avait pas. Des airs mesquins. Peut-être que c'était parce qu'elle était moins fatiguée. Il décida de lui répondre enfin mais très vaguement par une autre question sur un air plutôt neutre et confus.

- Qui es-tu? Et pourquoi ne veux-tu pas que j'aide Letie, toi qui lui es si semblable?

Qui elle est... Tous le monde lui demande qui elle est ! Pourquoi ils ne demandent pas vraiment ce qu'il veulent savoir ? Ils préfèrent tous poser une question vague... À part la petite fille d'hier, elle elle lui avait posé la bonne question au moins. Celle du rôdeur est trop vague, on peut y répondre trop de choses ! Et bien tant pis pour lui parce qu'elle sait très bien ce qu'il veut savoir et par vengeance, elle ne lui dira pas, na ! En plus il la regarde bizarrement et son rêve il est trop calme pour la gamine impétueuse qu'elle est. Un sourire moqueur lui étire les lèvres, balayant sans scrupule sa mine boudeuse. Il est pas gentil, mais il va quand même jouer avec elle parce qu'il n'a pas le choix !

- Je suis ton pire cauchemar !

Elle rit, amusée de sa mauvaise blague sans consistance. Les gens ne comprennent jamais ce qu'elle veut dire pas là, et la phrase rituelle n'en est que plus amusante. Par contre, il faut lui dire autre chose après, sinon il ne va pas dire grand chose.

- Je m'appelle Élise moi, et toi t'es Seran, je vous ai entendu ! Puis c'est normal que je lui ressemble, c'est ma sœur !

Elle semble réfléchir quelques instant, puis tourne les yeux vers la souche qui commence à grouiller d'insectes. Il y a vraiment quelque chose de bizarre, ce soir... Pourquoi elle n'est pas là ? Le fillette pensait qu'elle viendrait aussitôt pour protéger son copain, mais non, elle ne venait pas. Bon, elle est pas loin, juste à la lisière du rêve, mais pas dedans. Étrange... Ce n'est pas aussi amusant quand il n'y a personne pour l'empêcher de faire des bêtises. Ses grands yeux verts reviennent au rôdeur.

- J'ai pas dit que je veux pas que tu l'aides, je veux pas que tu me la vole, c'est tout. Elle est à moi ! Puis elle est à Gen aussi en plus. Puis t'as pas répondu, tu lui veux quoi ? Pourquoi t'es gentil avec elle ? Elle est bizarre après et c'est ta faute !

Regard fixe, menton en avant, visage à quelques centimètres du rôdeur, Élise le détaille de très près comme si elle lui cherchait un bouton sur le nez. Bon, elle est un peu basse donc elle ne risque pas de le regarder de haut, mais l'idée y est. Non pourtant, à part qu'il est elfe noir, ce qui est bigrement rare, il n'a rien d’hypnotisant au bout du nez... Physiquement, il est pas mal, surtout tout nu, elle peut bien s'en rendre compte, mais depuis quand Létie s'intéresse t-elle à ce genre de choses ? Puis on dirait pas qu'elle s'y intéresse d'abord, et elle l'a pas nu sans vêtements, elle. Na, un bon point pour Élise.

Finalement elle recule d'un pas, plus sereine. Après tout, elle a de quoi être heureuse puisqu'il s'intéresse enfin à elle. Toutes les questions la concernaient ! Au fond, rien n'était bien grave, il n'avait juste pas le droit de s'intéresser à sa sœur sans s'intéresser à elle et pas le droit de détourner l'attention de Létie d'elle, sinon, crise de jalousie. Se redressant de toute sa hauteur comme si elle essayait maladroitement d'être aussi grande que le rôdeur, elle repris son ton inquisiteur.

- Alors, pourquoi ?

HRP//Merci de l'invitation ;)//HRP

Ce soir tu as pu mettre la main sur ce que tu cherchais : une petite faille dans une falaise où tu vas pouvoir dissimuler cette lettre… Tu connais le fonctionnement du monde des rêves. Pour peu que tu la laisse suffisamment longtemps a un endroit elle finira par y être "a sa place" et sera donc présente aussi bien là bas qu’ici…

A ce moment là tu pourra la lire… Mais voilà. Laisser trainer une lette (potentiellement importante puisque cet étrange oiseau avait tout fait pour te la donner, te faisant bien comprendre qu’elle était pour toi. Personnellement.) en pleine nature… N’était probablement pas une bonne idée. Voire une idée franchement mauvaise.

Non. L’endroit devait être a la fois sûr… et a l’abris des intempéries. Pas si simple que ça. D’autant qu’il n’avait franchement pas les moyens de s’offrir une semaine dans une auberge pour laisser le temps au parchemin de se "stabiliser"…

Cette petite fissure sera parfaite…

Satisfait tu te réveille et entreprend d’effectuer (physiquement cette fois) le trajet jusqu’à la falaise… Tu t’étais douté (au chant du vent) qu’il y avait un relief escarpé dans cette direction… Mais tu n’avais pas imaginé qu’il serrait aussi près : environ cent mètres plus loin tes mains se posaient sur la pierre froide… Et fébriles elles se mirent en quête de ce renfoncement qui, non content de t’offrir un abris confortable pour cette nuit allait renfermer ce "trésor" pendant les semaines a venir…

***

Ce qui devait être fait l’avait été… Et a présent il savourait un petit repas bien mérité… Ce n’était rien de fabuleux. Il était rare qu’il mange quoi que ce soit d’autre que du pain, des biscuits de voyages du formage et des provisions séchées…

Pas quand il était seul du moins.

C’était suffisant pour survivre… Et il n’avait pas besoin de plus. Pour peu qu’il puisse dormir tout son saoul il s’estimait heureux… Et s’il n’avait eu une promesse a tenir… Enfin… Cette nuit encore il tenterais (en vain) de s’infiltrer dans les rêves de ses aimées… Cette nuit, encore, il chercherais à en apprendre plus sur elles… Depuis des années il essayait, ainsi, de les retrouver…

Mais le monde était infiniment trop vaste…

***

Elles étaient là. Juste là. Si proches et pourtant si lointaines… Leurs rêves ? Toujours il les voyait lorsqu’il pénétrait en ce monde… Il les devinait même lorsqu’elles étaient éveillées… Il les voyait lorsqu’elles voyageaient (comme lui mais sans pour autant pouvoir aller aussi loin) de rêves en rêves…

Et pourtant… A chaque fois qu’il essayait de les approcher… Un mur. Un mur se dressait devant lui. Infranchissable. Eut-il été dans le monde des rêves qu’il aurait souri en le sentant… D’une pensée il l’aurait "adapté" y aurait fait naitre une porte…

Mais ici… Ici il était aussi impuissant qu’un nouveau né… Rien pour s’appuyer… Ce mur n’était composé de rien… Et il était pourtant bien là.

Régulièrement il en éprouvait la solidité… espérant parvenir à le dépasser… En vain.
Pourtant ce soir quand tu t’approcha il avait quelque chose d’étrange… Etai-ce car elles étaient en train de s’infiltrer dans le rêve de quelqu’un d’autre ? Non… Tu les as déjà vu faire et jamais… Enfin. L’heure n’est pas a se poser des questions inutiles. Tu bande ta volonté comme tu aurais bandé un arc… Et tu te projette contre le mur…

Etendu… Etendu a l’infini tu en ressent la moindre parcelle… Et ce que tu cherchais est là… Minuscule. Mais présent : une fissure. Cette fissure qui t’avais toujours échappé… Qui jamais n’avait été là avant…

Et tout doucement tu t’insinue en elle… lentement d’abord… tu devine que le rêve as déjà commencé… Tu sent que la fissure s’est refermée derrière toi… Mais tu es entré… D’ici peu le rêveur t’intégrera, illustre inconnu, dans son rêve… Il t’y intégrera en te donnant l’apparence que tu souhaite lui voir t’offrir… Car il ignore qui tu es.

Une hésitation. Puis tu te décide… Cette fois tu jouera la carte de la finesse… Et tu te "matérialise" dans le rêve… Tu es encore enfant. Tu as douze ans… Petit elfe… Tes yeux s’ouvrent sur un monde que tu ne connais pas encore.

Une image lointaine, une brise... Comme une fissure à travers un mur qui avait d'un côté un vent très puissant. Puis, plus rien.

Seran regardait toujours Élise d'un air plutôt perdu dans le vague et désinvolte. N'étant toujours pas conscient qu'il rêvait, il ne savait pas trop comment réagir quand celle-ci lui disait des choses n'ayant pas de sens... Le fait qu'elle était son pire cauchemar n'était que très peu orthodoxe... Que voulait-elle dire?... Peu importait, ca ne rendrait que Seran un peu moins confiant envers cette personne. Il avait déjà tué pour moins que ca...

Le monde autour d'eux avait changé. Un nouvel être était entré et la ténébreuse clairière s'éclairait. Un changement drastique et sans grande surprise pour l'elfe noir. Le grand soleil noir se levait de plus en plus brillant, ce qui agacait un peu le rôdeur, n'ayant pas une très bonne visibilité avec une trop grande luminosité.

Seran comprit très vite que la personne devant lui était en fait une personne tierce. La soeur de Létie pour être exacte. Elle avait dit cela sur un ton si ferme et naturel qu'il n'eut aucun mal à la croire. Il comprit donc très vite pourquoi il sentait quelque chose d'anormal en cette fillette.

Le monde changea de nouveau en comprenant ceci. Les questions restés en suspens avaient été répondues ou presque. Le rêve changea du tout au tout. Fre'Lhyk, sa ville natale, un soir plutôt agité. Des drows à perte de vue, de grandes statues érigées en l'honneur de la reine araignée, de grands édifices logant les nobles et un énorme château dominant sur toute la cour où vivait la reine dont il n'avait jamais connu le nom.

Dans tout cet univers, Seran se sentait de nouveau chez soi avec un sentiment de mal. Lui et Létie (Et Gen) avaient retrouvés des vêtements convenables. Pourquoi étaient-ils ici après si longtemps?!... La petite avait-elle un pouvoir de téléportation? Et... Où était donc Létie? Ca n'avait aucun sens. Il était à peine sorti de la tente... Ou...? L'elfe noir ne savait plus trop à quel saint se vouer.

Des elfes noirs aussi bien mâles que femelles les encerclaient, conscients qu'une elfe était présente parmi eux. Ceux-ci n'avaient eu aucun mal à la repérer avec sa peau de couleur brunâtre. Bien qu'il n'avait pas une grande envie d'avoir de la pitié pour quelqu'un qui insunait être son pire cauchemar, il se devait quand même de la sauver. Il se concentra quelques instants et toucha la petite. Tous les autres elfes la virent sauter et se mettre à courir vers une ruelle non loin puis disparaître. Seran se dépêcha et déboutonna sa cape pour lui mettre sur le dos. Il rabattit le capuchon sur sa tête et lui chuchota quelques mots.

- Pourquoi nous avoir amenés ici...? Ceci n'est pas un jeu, tu vas te faire tuer. Et qui plus est, comment connais-tu cet endroit?!

Le rêve et les pensées de l'elfe noir commençaient à se fusionner pour ne faire qu'un. Il intégrait de plus en plus le monde des rêves. Il amena la jeune elfe vers un coin plus reculé, lui donnant l'attention qu'elle désirait tant, la tirant littéralement par le bras, recouvert de sa cape. Il l'assieds sur une boîte contenant probablement de la nourriture ou des déchets à amener pour désintégration.

- Ramène nous à mon camp et nous parlerons là-bas. Je ne vois pas quel est ton but en nous ayant téléporté ici mais je sais que ce n'est pas une bonne idée. Je n'ai aucune envie de rester ici plus longtemps non plus. C'était ca que tu voulais dire par prétendre être mon pire cauchemar?!...

Intrusion ! La fillette se retourne et le monde change d'un seul coup, masquant le nouvel arrivant par une foule de souvenir. Des elfes noirs de partout, mais elle s'en moque ! Elle a sentit quelqu'un passer la "barrière". D'ailleurs, depuis quand ce rêve était t-il fermé ? Depuis toujours sans doute, mais elle ne s'en était jamais aperçu. Ce n'était encore jamais arrivé qu'un autre vagabond des rêves entre au même endroit qu'elle... Les regards de la foule sont hostiles, ce sont les méchants ! Méchants pour elle ou pour le rêveur ? Elle n'a pas le temps de se poser la question qu'un bras l'entraine brutalement à l'écart. Cherchant toujours l'intrus du regard elle se laisse emmener par le rôdeur comme une petite fille suivrait sans père sans s'inquiéter le moins du monde du danger. Elle regarde la foule, maintenant elle a compris. U nouveau sourire s'affiche sur ses lèvres. Elle le tient celui là ! Reste l'affaire de l'intrus... Et le pourquoi Létie n'est toujours pas là. Elle n'est pas loin pourtant, et elle a aussi du entendre l'intrus entrer. Pourquoi ne vient t-elle pas assister à son petit scénario du jour ?

Pleine de joie enfantine et malsaine, Élise fait volte face pour offrir un sourire rayonnant à sa proie. Gentil rôdeur qui vient de lui octroyer le pouvoir de téléportation ! Elle éclate d'un rire aigüe et plein de naturel. Maintenant, elle l'a ce pouvoir, puisqu'il est persuadé qu'elle l'a ! Tout la force des rêves... Il va lui montrer tout ses secrets en pensant qu'en fait elle va elle même les chercher, peut être ! Après, ce sera encore plus facile de se faire passer pour la grande sorcière du désert ! Mais surtout, son intervention signifie qu'il l'a complètement intégré à son monde,e t qu'elle se trouve même au centre puisqu'elle a le "choix" des nouvelles inflexion de son rêve. Bon, en vérité elle ne choisit pas grand chose... Elle n'en sait pas assez pour en avoir le pouvoir. Faudrait pas tout casser alors qu'il lui offre si gentiment des leviers son sa psyché.

- Parce que j'avais envie !

Comme une gamine émerveillée de son déguisement d'Halloween, la jeune elfe fit un tour sur elle même pour faire voler sa nouvelle cape noire à capuche. Trouvant que cet accoutrement lui allait à merveille, elle se mit sur la pointe des pieds et déposa un baisé impromptu sur la joue du rêveur. Signe d'amitié... Qui ne l'empêcherait en rien de prendre plaisir à le faire souffrir. Mais il lui avait offert une belle cape et il essayait de la protéger de lui même alors... Et bien elle n'était plus vraiment jalouse, u un peu moins en tous cas. Il n'y avait plus le soleil noir malheureusement, mais il y avait plein de "méchants" et un intrus dans le rêve. Les visages furieux commencèrent d'ailleurs à apparaitre ça et là, sauf que maintenant ils fixaient bien Séran d'un air mauvais. Un petit teste d'une fillette frivole... Étaient t-ils les méchants pour les amis du rêveur ou pour le rêveur lui même aussi ? Ce serait dommage de ne pas essayer. Les yeux brillants de malice, elle observait les réactions de son ami souffre douleur devant le retour de ses propres créations maléfiques.

- On va rester un peu ici pour trouver l'intrus, avant de partir. Ici, c'est mieux pour jouer à cache cache ! En plus, il y a plein de gens qui te cherchent.

Grand sourire moqueur, puis elle se met sur la pointe des pieds pour chercher celui qui ne devrait pas être ici dans la foule. Il ne doit pas être difficile à repérer... Il est forcément différent des elfes noirs ! Sauf qu'il n'est pas là. Ce n'est pas juste, elle n'a encore jamais eu l'occasion de rencontrer quelqu'un en rêve, mais elle a au moins la satisfaction de me voir apparaitre au milieu de la rue.

Je l'ai senti aussi, cette déchirure, cette faille dans mon mur. J'ignorais jusqu'alors avoir construit des fortifications même dans le royaume des rêves. J'ai conscience d'avoir bien vite refermé cette faille , même si je serais incapable de la rouvrir consciemment quelque chose s'est glissé ici, un être qui ne dépareillera sans doute pas du rêve, que nous n'avons que bien peu de moyens d'identifier. Je ne voulais pas venir, je n'avais aucun désir de violer l'intimité de cet homme qui m'a si simplement proposé son aide. Mais je ne peux laisser ma sœur poursuivre ses jeux. Ici, je ne suis que moi même, bâton dans les mains et longue robe de lin vert feuille. Seules manquent les traces de sang qui en ornait le bas un peu plus tôt, mais là encore, ce n'est que parce que j'ai pris le temps de les laver. Regard terne, plus triste et introverti encore que dans la réalité, je regarde autour de moi non sans une certaine appréhension. En univers si proche du cauchemar, Élise va s'en donner à cœur joie...

- Elise... Quitte ces lieux, ils ne sont pas pour toi...

Elle ne m'écoutera pas bien entendu.

Comme presque toujours le monde a entièrement basculé au moment ou tu as mis les pieds en ces lieux… Le rêve change. Le rêve s’adapte. Un nouvel élément nécessite un nouvel environnement… A moins que les lieux ne soient approprié au débarquement impromptu d’un jeune elfe inconnu… Et pas simplement comme trame, comme décors. Non : comme un élément principal de la trame.

Visiblement ce n’avait pas été le cas ici. Le rêveur observe, circonspect, autour de lui… C’est pas franchement le coin le plus plaisant qu’il lui ai été donné de croiser au cours de sa vie… L’obscurité est celle de la nuit… Mais nulle étoile ne vient égailler ce ciel de pierres…

Il discerne un certain nombre de dangers ça et là… Parfaitement dissimulés… Mais Gen ne s’est jamais attardé a ce genre de détails dans les rêves. Il les devine, latents… Cauchemars prêts a envahir les lieux… L’hôte n’en a, lui même, probablement pas conscience… Mais Gen, lui, pour peu qu’il se concentre un peu… Il pouvait voir au delà du rêve a proprement parler.

Et pour l’heure… Il a été considéré comme un intrus. Un Inconnu. Comme s’il appartenait au rêve sans en faire partie. Etrange sensation… Cela vient sans doute de la présence des jumelles… Où alors simplement du mal qu’il a eu a "traverser" le mur…

Toujours est-il que cette situation un peu bâtarde est une véritable aubaine pour toi… Un étranger est, par définition, quelqu’un d’étrange… Dont on ne sait rien ou presque. Et par là même : surprenant. Tu peux donc donner libre cours a ton imagination…

L’endroit est… Sombre. Terrifiant. Et tes deux jumelles qui y sont… quoi ? Coincées ? Emportées ? Comme toi ? Tu n’as pas la moindre idée de la manière dont elles "voyagent"… Que faire ? Devant toi les portes s’ouvrent… Nombreuses… Infinies…

Tu es presque aussi puissant que tu ne l’aurais été là haut. Libre. Totalement Tu es bien plus puissant que tu ne l’aurais été là haut… Car ici… Ici tu as sous la main, juste en bordure de ta vision, une source d’inspiration… Tu n’as pas besoin de te définir… Tu peux néanmoins le faire… Te brider ? Te fixer ? Mais ainsi t’assurer de ne rien perdre…

Le rêve sourit.

C’est tout l’outre-terre qui semble chamboulée… Le sol pousse… Douce et délicate pelouse… Le plafond s’éclaircit… multitude de petits point terriblement lumineux y apparaissent… le ciel est là. Magnifique. Sublime.

Et Gen ? Il observe les elfes noirs… Il les ressent. Il ne les vois pas pourtant. Il les observe se faire transpercer de toute part par les rayons lumineux… Jusqu’au moment ou ils s’enflamment. Subitement. Violement. Dans un hurlement de douleur alors qu’a l’est point la lueur improbable de l’astre du jours pointant en ces lieux… Sous terre.

Le rêve sourit.

Les lois du monde n’ont nulle raison d’être ici… Le rêveur en a joué… Les a balayé… Et a imposé les siennes propres. Entre les champignons improbable vivant habituellement a ces profondeurs poussent a présent d’immenses champs verdoyants…

Et face a l’hôte de ces lieux. Face au drow se tient a présent un homme… Ou plutôt l’idée d’un homme. Un être éthéré qui n’es autre que Gen… Pareil a un esprit. Un mort ? Un géni ? un dieu ? Qui saurait le dire ? Pas un être de ce monde du moins…

Sa main redescend doucement et le rêve cesse de changer… Ce qu’il a imposé est là. Tout simplement. Les rayons rouges du soleil levant éclairent le plafond…

Le rôdeur entraîna Elise au loin, espérant empêcher ses anciens congénères de lui faire du mal, ne la connaissant pas et ne voulant pas avoir sa mort sur la conscience. Ne sachant que faire, il espèrait qu'elle utilise de nouveau son pouvoir de téléportation non pas pour lui mais bien pour elle. Elle ne survivra pas une minute si les elfes noirs viennent qu'à la prendre dans leurs griffes.

La réaction d'Elise le surprit énormément et c'est là qu'il comprend tout. La soeur de Letie, le massacre dans les bois, les lèvres scellés de la druide... C'est là qu'il comprit tout de ce qui était arrivé aujourd'hui. Il s'arrêta quelques instants de courir, la bouche entrouverte, presque ébahi par cette révélation... Il allait devoir se défendre de cette fillette... Mais surtout de ces autres elfes noirs qui venaient à sa rencontre. Au moins, il ne serait pas seul à être tuer si ça arrivait.

Il dégaina son arme et grogna grandement avant de se lancer dans la foulée. Il avait appris énormément depuis son départ de l'académie ici. Il était devenu de plus en plus puissant et espérait vraiment être à la hauteur de la tâche. Balançant son arme de droite à gauche pour parer le plus d'attaques possibles et lancer le plus d'attaques, il se débrouillait bien. Une lame lui lacéra le torse mais bien étrangement il ne sentit rien d'autre que la pression vague de la lame... Il trouva le fait bizarre mais ne s'y attarda pas, pensant que c'était l'adrénaline. Il abattit deux elfes et reçu un coup sur la tête. Il se retourna et trancha la gorge du troisième sans difficulté. Ce deuxième coup ne lui fit rien d'autre qu'une pression vague encore une fois... Il s'arrêta un instant se demandant ce qui se passait. Il essaya de se pincer plusieurs fois et il comprit qu'il rêvait.

Il eut sa deuxième révélation, comprenant maintenant le reste des choses qui étaient demeurés des mystères.

Subitement, le sol se mit à trembler et à de l'herbe se mit à germer au sol. Le plafond de granite et de pierre s'ouvrait pour devenir un ciel bleu et étincelant, agrémenté d'un soleil chaud, rassurant et presque palpable. L'elfe noir n'en fut étonnamment pas ébloui comme il aurait du l'être. Un inconnu se tenait devant l'elfe noir. Celui-ci était vêtu d'une grande toge bleue. Ou plutôt un reflet du décor derrière lui. Cet être était probablement éthéré.

C'en était beaucoup trop. Il remarqua aussi à l'instant que Letie était apparue non loin d'Elise. Mais que se passait-il?... Il essaya de se réveiller de toutes ses forces mais tant bien que mal, il n'y parvint pas... Regardant autour de lui, il remarqua que les elfes noirs étaient maintenant des tas de cendres et que ceux-ci disparaissaient à vue d'oeil... Quel rêve étrange...

Le soleil se lève et les yeux de la fillette le suive, comme hypnotisés. Ses lèvres s’entrouvrent en un sourire émerveillé comme l'astre se détache sur le plafond de la grotte, bafouant la plus élémentaire logique. Il brille trop, tellement... Peu à peu, il commence à se teinter de noir comme le soleil du désert. Bientôt, une ne sera plus qu'une sphère d'ombre éclairant la pièce d'un bien étrange paradoxe. À moins que ce ne soit la lueur des étoiles qui illumine ces lieux ? L'enfant éclate d'un rire trop aigu en regardant les ses jouets partir en fumée. Même les morts et les blessés se consument sous les feux d'argent sans qu'elle ne s'en offusque. Ce ne sont que des pions, des pantins désarticulés sans âme ni importance. Il est si simple d'en faire apparaître d'autres... Mais pour le moment, elle se contente de tournoyer joyeusement dans sa cape noire de reine du désert alors que la sol couvert d'herbe verte se dessèche à une vitesse alarmante. Puisqu'elle est ici, ce sera son palais, son antre secrète ! Son rire se répercute sur les parois de pierres, emplissant les lieux d’échos de jeux enfantins. Peu à peu, de grosses racines sombres commencent à ramper sur les murs comme du lierre, sauf qu'elle poussent du haut vers le bas. Pas de feuilles, juste ces épaisses veines noires inquiétantes ornées de quelques fines excroissances qui semblent animées d'une vie propre. Sur le sol maintenant entièrement constitué de sable, des cheveux d'ange dansent au grès d'un vent pourtant absent, comme une pairies ondoyant dans le royaume des morts. Les bâtiments sont peu à peu happés par la plante infernale et restent ainsi suspendu, comme des nids, alors qu'une myriade de visages enfantins aux airs facétieux apparaissent aux fenêtres. Elfique, quelque soit leur couleur, ils semblent tous appartenir au même complot, au même grands jeux où tout est permis. Un murmure railleur commence à peupler la caverne... Étrange mélopée ou oraison funèbre.

Entourée de mille regards moqueurs, Élise s'immobilise pour contempler son œuvre. Elle aurait voulu un arbre mort où se balancent quelques pendus, une source ruisselant sur le mur du fond, charriant des diamants ornés des visages des morts, une tempête de sable perpétuelle tournoyant dans son domaine, desséchant tout ce qui se trouve à sa portée et une fontaine de sang au milieu de la place centrale, mais aucune de ces horreurs n'a pu apparaître. Je m'y suis opposée. N'a t-elle donc pas vu qui changeais le rêve avant elle ? Qui a fait apparaître ce soleil ? N'a t-elle donc pas remarqué que nous connaissons toutes deux si bien celui qui comme nous, se joue des rêves ? Yeux mi clos, bras serrés autour de ma poitrine, je tente tant bien que mal de retenir ma sœur pour que tu ne vois pas sa folie. Elle est puissante, bien plus que moi. Et entièrement libre puisque le rêveur n'a d'yeux que pour elle. Au centre de tout, rien ne peux lui résister... Et je suis à peine capable de modérer son macabre palais. Je n'ose moi même pas bouger, je te crains autant que je désire te revoir, et j'ignore même si tu es vraiment celui que j'attendais. Ne pourrais tu être une reconstitution d'un souvenir de Séran ? Sans quoi comment pourrais tu venir ici ? Il a du te rencontrer, un jour, mais alors pourquoi t'as t-il donné une telle importance ?

Elle ne s’embarrasse pas d'autant de questions. Quand les yeux de la fillette impétueuse se tourne vers son concurrent et ami, elle se précipite vers lui, le visage rayonnant. J'ai toujours envié ses yeux brillants pourtant si semblables aux miens... Elle lui saute au cou, laissant son grand capuchon retombé en arrière et reste ainsi suspendu sans s'inquiéter de rien. Il est puissant, mais pas autant qu'elle en ces lieux. Pas depuis qu'elle a décrété qu'il était bien Gen, son ami de toujours, celui qui a quitté la forêt dix ans plus tôt. Il peut bien être aussi éthéré qu'il veut, pour elle il est parfaitement palpable, sinon elle ne pourrait pas l'embrasser ! Un beau baisé sur la joue, un air d'enfant ayant enfin retrouvé son compagnon de jeu... Et autour les murmures railleurs des enfants cachés dans les bâtiments deviennent une ancienne chansonnette elfique que nous entonnions si souvent autour des feux de camps.

- T'es enfin revenu !

Simple parole dans le rêve qui se disloque. Le rôdeur a compris où il était, ce monde onirique ne peut donc persister que si il le désire vraiment et plus rien ne l'empêche de se réveiller. Mais que signifiait ce songe ? Construction incohérente à partir de ses souvenirs ? Rêve prémonitoire ? Fruit d'un esprit perturbé par des émotions inhabituelles ? Comment le savoir ? Quand au réveille tout s'étiole et que le songe passe du présent au souvenir, tout n'est plus aussi clair et il devient ardu de faire la part des choses. À moins qu'il ne décide de poursuivre son rêve tout en ayant conscience de son état endormi ? L'univers n'est pas encore suffisamment cauchemardesque pour qu'il soit forcé de se réveiller. Il lui reste le choix.

Elles sont là ! Enfin ! Jusqu'a présent il avait craint que leur présence n'aient été qu'un reflet dans un rêve... Un reflet dans le rêve de quelqu'un qui les avaient rencontrées... Etrange ça d'ailleurs. Jamais. Jamais jusqu'a présent il n'avait déniché des rêves d'êtres les ayant rencontrées... Pourquoi ?

Le mur qui deumeurait entre elles et lui était probablement a l'origine d'une partie de ce problème... Il était en tout cas la raison pour laquelle il n'avait pas cherché a les retrouver par ce biais... La peur de les voir par les yeux de quelqu'un d'autre également ? Il se souvennait encore avec un frisson comment leur père pouvait les "penser"... Dans ces rêves elles ne sont que des pantins... Pour avoir partagé des nuits avec elles il ne supporte pas de les voir ainsi privées de leur... esprit.

C'est la larme a l'oeil que tu ouvris les bras pour y acceuillir Elise et la serrer farouchement contre toi lorsque, se décidant a bafouer toute cohérence, elle te sauta dessus...

Une enfant ? Et alors ? Tu avais toi-même été le premier a songer te materialiser ici sous l'apparence qui était la tienne vingt ans plus tôt... Non. Même si c'est l'amante autant que l'amie que tu aurais aimé serrer contre ton coeur... ta félicitée n'en est pas moins absolue... Elise... Enfin... Depuis toutes ces années...

Et pour apporter a ton bonheur une touche finale une forme apparut un peu plus loin : Letie... Sans lacher ta chère petite amie tu te laissa glisser vers elle alors qu'autour d'eux le monde se disloque... Le rêveur a pris conscience de son êtat. Ce n'est pas si rare... Mais cela peut mettre fin au rêve... Oh... Globalement ta simple présence en ces lieux devrait stabiliser les choses... Il se souviendra de tout ce qui a pu se dérouler depuis ton arrivée aussi précisément que s'il l'avait réellement vécu...

Tu lève la main pour caresser amoureusement la joue de ton ancienne amante... Si longtemps... Même si quelque chose (tu ne saurais dire quoi) te dérange dans sa présence... Elle n'en reste pas moins une femme magnifique... Elle n'as pas tellement changé depuis votre séparation... C'est l'appanache des votres que d'échapper aux ravages du temps.

Après avoir déposé un rapide (et chaste) baiser sur ses douces lèvres tu leur murmure...

- Pourquoi me tenir au loin ?

Et voilà une vague absurde de puissance qui t'assaille... Ta maîtrise en prend un coup... ton immage oscile malgrés la réalitée qu'Elise t'as offert...

Seran n'avait aucune idée de ce qui se tramait en ce moment dans son esprit. Un rêve, bien sur mais pourquoi n'était-il pas le centre d'attention, bien qu'il n'y aspirait pas le moins du monde. Il trouvait simplement étrange qu'on le laisse à son compte dans son propre rêve.

Ne laissant rien paraître de son désarroi et de son étonnement, il continua d'écouter et de regarder la scène se déroulant devant lui. Cet archange ou être éthéré semblait être une connaissance des deux filles et finalement, Letie et Elise étaient deux personnes distinctes... Il en était maintenant certain.

Autour de lui, le temps semblait s'être arrêté. Rien ne bougeait plus sauf les trois autres occupants de son esprit. Qu'est-ce que ce rêve était censé représenter...? Peut-être que Letie voulait retrouver ces deux êtres. C'était peut-être le pourquoi il avait senti ce besoin de l'aider si prononcé...

L'elfe noir haïssait plus que tout avoir des questions sans réponses sur sa vie. C'était une chose qu'il ne pouvait supporter. Il essaya se concentra sur autre chose mais rien ne bougeait, rien ne respirait autour de lui. Et c'est au même moment que Gen énonça quelque chose qu'il ne comprit pas. ''Le tenir au loin''...? S'il ne faisait pas une chose pareille, c'était que les filles ne voulaient pas le voir finalement... Mais peu importait, ce n'était pas du ressort du rôdeur. Il allait discuter avec Letie sur ce propos dès qu'il serait en mesure de se réveiller.

Il continua de regarder autour de lui pour se rendre compte qu'il n'avait aucun rôle à jouer dans son propre rêve.

Parce que je crains ta présence plus que toute autre, quand bien même je la désir. Cette vérité s’affirme d'elle même, mais je ne peux me résoudre à répondre... Je ne sais pas moi même ce qui m'a poussé à m'enfermer de la sorte. Cette muraille était elle vraiment dirigée contre toi ? Plus j'y pense, plus cette option semble probable. Nul autre ne peut passer mes défenses. Mais toi, cher amant, je t'ai offert mon âme, je t'ai donné le droit de percer mes secrets durant notre enfance, et je ne peux pas reprendre ma parole. Pourtant je crains que tu vois ce que je suis devenue, je n'ai plus rien de l'enfant joyeuse et insouciante que tu as quitté, et plus encore que moi même, je veux te cacher ma sœur. Tu la tiens contre toi sans même t'apercevoir de sa monstruosité... Ami inconscient, je ne voulais pas que tu la revoie tout en sachant que je ne pourrai pas l'empêcher. Il est trop tard maintenant, elle ne te lâchera plus et tu regretteras bientôt d'être revenu.

Car ce ne peut être que toi. Aucune vision d'un autre ne pourrait avoir devant nous une telle réaction. Non, je ne suis pas surprise de te voir ici. N'avons nous pas déjà tant voyagé dans les songes ? Tu as toujours été à la frontière de mes rêves, nous avons depuis toujours partagé certains de nos sommeils même si nous n'en étions pas conscient... Mais ta présence ici m'inquiète pour une tout autre raison. Avons nous vraiment le droit de perturber le rêve de ce rôdeur ? Je me suis toujours battue pour qu’Élise ne cause pas trop de dommage à ceux qu'elle décidait de visiter, et là, nous voici tous trois batifolants dans les pensées d'un homme qui s'est montré si généreux avec moi. Je détourne les yeux pour offrir un regard désolé à l'elfe noir... Il est de mon devoir de mettre fin au rêve, même si il doit par ma faute se réveiller de manière violente. Il en a déjà bien trop vu, plus qu'il ne faudrait. Je ne pourrai plus jamais le regarder en face. Peut être croira t-il que ce n'était qu'un songe, mais j'en doute. Il doit bien sentir, d'une certaine façon, que la situation lui échappe complètement et que son inconscient aurait été incapable de nous créer tous trois. Je laisse échapper un soupire, regrettant déjà ce que je m'apprête à faire presque autant que je m'en veux d'être entré ici sans son consentement. J'y suis pour le protéger, mais ce n'est pas une excuse pour autant.

Quand je croise à nouveau ton regard, rêveur, j'ai laissé tomber mon masque de neutralité, laissant mes craintes et mes sentiments s'afficher librement sur mes traits. Même après toutes ces années de souffrance, ce que je ressens à ton égard n'a pas changé. Dans un élan d'affection, je passe mes bras autour de ton cou, serrant ma jumelle entre nous deux. Tous les trois, nous nous sommes toujours vu ainsi, mais quelque soient nos désirs, cette relation si égale va devoir changer. Élise a perdu pied... Elle n'a pas grandit comme nous, restant en arrière alors que tu es devenu un homme. Sans rien dire, je réponds rapidement à ton baisé avant de me forcer à reculer. Il n'est pas temps de laisser libre court à nos passions. Pas ici, pas maintenant, pas avant que je ne sois prête à t'affronter.

- Pardon, Gen... Je n'ai pas le choix... Je te laisserai entré dès que j'en aurai la force, mais pas ici. Cet homme n'a rien fait pour mériter un traitement aussi brutal. Tu ne comprendras que trop vite pourquoi j'ai battit ces murailles...

Je la regarde un instant, accrochée à ton cou, heureuse. Il ne lui faut pas grand chose au fond, et peut être même sera tu capable de la remettre sur le droit chemin, mais j'en doute. Elle ne fait pas vraiment attention à moi, trop joyeuse de te revoir, et quand elle lève la tête pour t'embrasser une fois que j'ai reculé, je comprends qu'elle n'a jamais voulu d'une autre vie. Elle est comme une enfant incapable de suivre l'évolution physique de son corps, soumise aux pulsions de l’adolescence et incapable de les contrôler... Fait attention à elle, Rêveur... Elle t'aime, cette étincelle brillant dans ses yeux ne laisse personne s'y tromper. Et moi je me détourne, profitant que ma sœur ait l'esprit à ce point accaparé par ta présence.

- J'espère que tu ne m'en voudras pas trop, rôdeur.

Je me concentre, profitant de la perte de contrôle momentanée de ma sœur. Une profonde respiration... Le rêve n'est pas vraiment mon domaine, il est plutôt celui d’Élise et je sais déjà qu'après ce tour de force je tomberai dans les limbes quelques temps. D'un seul coup, la plafond se brise en de gros rochets noirs qui s'écroulent sur nous, suivit de trombes d'eau, comme si un lac entier se trouvait au dessus et, privé de son support, se ruait vers nous pour nous noyer. Je compte sur le réflexe de tout être humain devant le danger de la noyade... Mais je ne connais pas assez ce rôdeur pour savoir si il aura la réaction désirée : la panique pure et simple, celle qui réveille à coup sûr même du plus profond des sommeils. Il y a bien d'autres moyens de se tirer de la mauvaise passe dans laquelle je nous ais tous mis. Encore faudrait t-il qu'un de nous s'en rende compte avant que la terreur nous noue les tripes et pour ma part, je ne ferai rien. Déjà, je me sens choir du rêve vers le noir absolut et mon corps reste à terre, dans la petite clairière ou brûle le feu de camps, inconscient.

Retrouvailles… Le transport qu’il s’était attendu a ressentir était bien là. D’une certaine manière… Mais il n’en restait pas moins… Etrange. Teinté d’un quelque chose qu’il n’aurait su définir. Normal après tout. Ils ne sont pas chez eux.

Et d’ailleurs l’état actuel des choses t’inquiète. Elise et Létie semblent anormalement puissantes… Tout comme toi. Le rêve de l’homme ne supporterait pas longtemps pareil traitement. Trois esprits de rêveurs avertis… trois esprits qui, d’une certaine manière, étaient infiniment plus anciens que lui malgré leur jeunesse… Trois esprits plus vastes… Plus ouverts…

Bientôt il serait brisé. Tu ne pouvais que donner raison a Letie. Alors lorsqu’elle lève les bras pour provoquer l’effondrement du rêve tu te contente de déposer un petit baiser sur les lèvres d’Elise avant de tendre toi aussi ton esprit vers ce même but : en périphérie du rêve tu attrape les terreurs du rodeur. Les chimères que son inconscient garde en son sein comme les croque-mitaines de ses nuits…

Et sans la moindre douceur tu les amène a toi. Tu leur fait traverser le voile de la "réalité"… Tu le déchire. Le lacère alors même que le bleu plafond de ce monde illuminé par le soleil s’effondre sur vous…

Le monde oscille… Des monstres que la conscience ne pourrait appréhender se matérialisent… Cristallisation de la terreur qui suffisent a glacer les sang par leur simple présence… même toi qui sais exactement de quoi il est question tu tremble comme une feuille… Le rodeur lui, se sait la cible de ces monstres…

Tu te reprend (l’espace d’un instant) tu fonce sur Letie (Elise toujours dans tes bras) et vous précipite tous trois hors du rêve…

Le rêveur ne devrait pas pouvoir vous retenir… Pas dans ces conditions… Pas alors que le cauchemar lui même vole en éclat et se fissure… Vos esprits ne sont plus là pour "stabiliser" les choses… Et encore moins pour les graver dans la mémoire du malheureux… Peut-être ne se souviendra-t-il pas en détail de la fin de tout cela… Ce serait sans doute le mieux pour lui. D’expérience Gen sait a quel point la mort est désagréable. Surtout quand on ignore de quoi il retourne réellement et qu’on doit s’en remettre a son instinct.

Vous voilà donc tous trois dans les limbes… Pour toi (ici) vous n’avez pas de corps… Vous n’êtes qu’esprit… Alors tu leur laisse quelques paroles avant que la différence entre vos pouvoirs ne vous sépare a nouveau…

- Venez me rendre visite mes aimées…

Et le voilà qui se dissipe comme une fumée… Il tournoie… Se concentre en un seul point… Et l’étoile de la voie lactée qui avait manqué brille a nouveau… Gen rêve.

Seran suivait toujours le cours des choses et il commencait à comprendre... Il commencait à trop comprendre... Ce nouvel esprit n'était pas une connaissance. C'était son rêve, donc sa tête mais ces trois esprits étaient différents. Seran était pleinement conscient de ce qui se passait. Et cette Elise qui avait voulu le faire souffrir... Il saurait dorénavant ce à quoi elle tenait le plus cher... Gen, comme elles l'appelaient.

Letie l'embrassa puis leva les bras au ciel. Un torrent d'eau, comme une vague si immense vint s'abattre sur eux. L'elfe noir était sur le point de se noyer et des réflexes tentaient de le faire revenir dans le vrai monde. Cela aurait amplement suffit au rôdeur pour se réveiller. Mais il fallait que les occupants de son inconscient en mettent plus. Les terreurs les plus inimaginables s'étaient abattus sur la créature qu'était le rôdeur. Il ne redoutait pas de chimères ou de monstres... Il n'avait pas non plus une seule crainte envers la mort... Bien au contraire... D'un seul coup, tout tomba. Le ciel se fissura et tout éclata.

Tous avaient disparus, le rêve s'était effondré mais Seran était toujours endormi... Seul au fond de son inconscience, se voyant attaché à un autre être... Le visage, la forme n'importait que trop peu... Le rôdeur se sentait attaché, ne pouvant se défaire des ses liens, essayant tant bien que mal. Mais il savait aussi que ses liens n'étaient pas seulement matériaux. Il essaya de se sortir de ses emprises mais plus il essayait, plus il sentait ses liens se resserrer. Ca ne faisait que quelques secondes et il n'en pouvait déjà plus.

Il paniqua. Et c'est ce qui le fit se réveiller.

Un long cri se fit entendre dans la forêt en plein milieu de la nuit. L'elfe noir était revenu dans la réalité après ce qui avait semblé une éternité dans son esprit. Le front mouillé et le corps tout en sueur, il se leva de son confortable lit de camp. Il ne se souvenait que trop clairement ce qui venait de se passer.

Sortant à l'extérieur, il vit clairement Letie, étendue par terre respirant à peine. Il se précipita vers elle et la prit dans ses bras pour la transporter au chaud. Il l'apporta dans sa tente, la fit coucher sur son propre lit et la recouvrit de ses couvertures pour être sur qu'elle serait au chaud.

Il plaça aussi une gourde remplie d'eau fraîche à sa disposition non loin du lit. Puis, il sortit de nouveau à l'extérieur pour aller chasser.

Près d'une heure plus tard, il revint avec deux perdrix et quelques baies pour l'occupante actuelle de la tente. Il remit du bois dans le feu et le repartit pour y faire cuire sa nourriture. Il s'asseya tranquillement puis, mangea en réfléchissant à toute cette histoire complètement sordide.