Il ne faut pas sous-estimer l’utilité des léchouilles de votre animal de compagnie. En effet, celles-ci peuvent parfois vous permettre de vous réveiller, alors que vous vous êtes endormis ou bien, dans ce cas-ci, que vous avez été assommé, par une quelconque chose. L’elfe l’avait compris dès son réveil, il lui était arrivé quelque chose. Le seul problème, c’est qu’il ne s’en rappelait plus. Avant de se torturer l’esprit et réfléchir à ce qu’il avait bien pu faire pour se retrouver là, dans cette espèce de galerie vide et froide où les sons résonnent à l’infini, Maëglin tâcha de remercier son compagnon de route, Brose, qui l’avait gentiment retiré des bras de Morphée.

En se relevant, non sans peine, il fut prit d’un terrible mal de tête. Le choc avait sans doute été important. Mais d’où avait-il bien pu tomber ? Il regarda précipitamment autour de lui puis au-dessus, au plafond, si on pouvait l’appeler ainsi. L’elfe aperçut un trou percé de manière naturelle, semble-t-il, dans la terre, soutenue par des roches ici et là. Le parcours aura certainement été très dur. Mais une autre question se posa alors. D’où était-il tombé dans ce trou ? Puis un souvenir, assez flou, lui revint. Un coin inexploré de la forêt, une marche joyeuse sans aucune inquiétude puis pouf, dans le trou.

- Si je mets la main sur l’abruti qui a fait ce trou, je le massacre ! ronchonna-t-il entre ses dents, le poing levé.

La colère s’apaisa assez rapidement, lorsqu’il aperçut un tunnel juste devant lui. Comment avait-il fait pour ne pas y faire attention depuis son réveil ? Il n’en avait pas la moindre idée. Mais peu importe, cela n’empêcha pas l’aventurier de s’engouffrer dans le corridor, accompagné de son ami cerf. Après tout, il n’avait pas d’autres choix.

Une fois avoir parcouru une courte distance, assez pénible néanmoins, Phan et l’animal se retrouvèrent dans une nouvelle galerie, d’un aspect toujours aussi froid. Néanmoins, l’architecture des lieux était ici assez impressionnante. Devant eux descendaient de superbes escaliers, fait d’une roche semblable au cristal tellement ceux-ci étincelaient la pièce. En mi-chemin, on retrouvait deux gigantesques statues, dressées de par et d’autres de ce qui permettrait au druide et à son compagnon de rejoindre la galerie inférieure.

Pris d’une terrible envie de bouger, l’elfe se précipita devant les premières marches. Il devint étrangement excité et esquissa un sourire malicieux sur son visage. La beauté de la pièce le fascinait tellement qu’il en voulait plus. S’émerveiller devant une telle architecture était rare, c’est pourquoi il n’hésita pas une seconde.

Une marche après l’autre, le druide suivait le chemin tout tracé. Il était comme envoûté, tiré vers ces endroits inconnus et mystérieux. Il atterrit ensuite dans une autre galerie, immense cette fois-ci. On pouvait y voir au loin plusieurs maisonnettes, avec un style propre à tout ce qu’il avait déjà vu, et d’autres plus proches, avec la même architecture. Une de ces maisons se trouvait à quelques mètres de lui. Tout autour, une barrière rocheuse. Pouvait-il au moins sortir de cet emplacement ? Il n’en était pas sûr.

Alors qu’il s’apprêtait à visiter un peu l’endroit, il sursauta de peur. Brose venait de faire une chute magistrale du haut des escaliers. C’était un peu la faute de Phan qui, trop centré sur tout ce plaisir que la place lui offrait, en a finit par oublier son compagnon. Mais à peine remis de sa stupéfaction, un autre bruit se fit entendre au loin. L’écho de la galerie laissait entendre un son ouvert, « Oooo » peut-être. Un son qui suffit à lui seul pour voir le visage si joyeux de Phan retrouvé sa forme originale ; lassitude et consternation.

- Je ne serais donc jamais tranquille ma parole !

Il avança un peu, bien décidé à faire fuir l’intru ou intruse qui s’était aventuré sur le lieu dont il avait déjà fait nom. Puis il aperçut une demoiselle. Quelque chose chez elle attira son attention, mais il ne savait dire quoi. Peut-être était-ce une globalité. Une impression de grâce qui se dégageait d’elle ? Ou ce petit quelque chose qu’on a l’impression de connaître.

- Que… -raclement de gorge-. Vous cherchez quelqu’un ?

Tandis que Brose cherchait une tige d’herbe, la plus petite que ce soit, Phan restait immobile, le visage neutre et le regard expressif. Celui-ci montrait tout le questionnement et l’inquiétude présent en cet instant.

Tout avait mal commencé, Phan savait que cette malédiction ne finirait pas d’un seul coup de baguette magique. Après la chute impressionnante qu’il avait fait avant d’en arriver dans ces souterrains d’une beauté extraordinaire mais aussi d’un silence à vous glacer le sang, le voilà qu’il se retrouvait devant une personne. C’était une femme. Dangereuse ou inoffensive, l’elfe n’en savait vraiment rien. Il avait beau se creuser l’esprit et se baser sur ses précédentes rencontres pour catégoriser la jeune demoiselle, rien ne pouvait l’aider. Il faut dire aussi que le style de cette dame était quelque peu étrange et original. Finalement, peut-être qu’il ne s’agissait tout simplement que d’une habitante des lieux. Mais si tel était le cas, il pouvait faire une croix sur son futur et un retour éventuelle à la terre ferme ! Il mourrait dans d’atroces souffrances, arrachés de force à son seul ami, Brose, qui le suivrait aussi quelques secondes après… Oui, Phan était horriblement pessimiste. La nuance, il ne connaissait pas. Ainsi, soit cette demoiselle devant elle, qui paraissait assez angoissée face à l’elfe, était du côté du bien et elle lui laisserait la vie, soit elle était du côté du mal et elle le tuerait.

Malgré cette envie de disparaître dans sa robe en tissu brune, il restait immobile et attendait la réponse à sa question. Cette dame cherchait-elle quelqu’un ? Mais voyant qu’elle aussi était surprise de voir un autre individu en ces lieux, le druide comprit qu’il n’aurait pas de réponse.
Un raclement de gorge fort prononcé, puis une question de la part de la jeune femme. Apparemment, elle ne cherchait pas la guerre ou le combat. C’est déjà ça. Phan commençait à croire qu’il ne finirait pas ses jours ici. Cette rencontre démarrait donc sur une simple conversation.

- Je m’app…

Alors qu’il était en train de répondre à son interlocutrice, une bêbête l’interrompit et le fit presque sursauter. D’une part, par son apparition soudaine, de l’autre, par le fait que cette bête, qui avait tout l’air d’un singe, était capable de parler.
L’elfe eut un petit geste de retrait avec ses bras et fut à nouveau consterné face à la scène qui s’offrait à lui. Une conversation entre le singe et l’individu.

* Mais bon sang, où suis-je tombé !? *

Son cœur battait à cent à l’heure. Quand il entendit l’inconnue sermonner l’animal, les battements de son cœur ralentirent d’une traite. Il n’avait rien à craindre. Quelque chose le lui faisait penser.

L’elfe se releva alors, réajusta un peu sa tunique, jeta un œil sur Brose qui laissait penser qu’il n’était présent que physiquement et pas mentalement, puis regarda à nouveau la jeune fille.

- Un mage noir ? Pour qui me prenez-vous ? Bien sûr que je ne suis pas un mage noir !

Il était assez étonné, c’était bien la première fois que quelqu’un le prenait pour ce genre de nécromancien aux pratiques plus que douteuses.

- Je suis druide et je m’appelle Phan, si vous voulez tout savoir, dit-il en se frottant le corps pour faire partir les dernières traces de terres encore visibles. Et vous, je peux savoir qui vous êtes ?