Cette fois-ci, il n'y aura pas l'excuse d'une mission, ni d'une promenade. En quoi les chevaliers auraient un quelconque intérêt à l'envoyer dans le canyon, on se le demande bien. Non, il faut savoir qu'Orpheus dans son temps libre, et dieu sait combien de responsabilité il esquivait pour s'en procurer, marchait sur les traces d'un ancêtre lointain, le chevalier blanc. Véritable icône de la période qui avait précédé et suivi la guerre qui s'était déroulée deux siècles auparavant, son nom s'était perpétué avec les générations. Cependant arrivé à Orpheus, les choses changeaient. Sa génération était celle qui ferait la différence. Alors que les Neiphereum n'avaient que peu de poids dans la société, le blondinet que voilà désirait redorer le nom de sa maison et en plus de cela, connaitre la raison de la disparition du chevalier blanc. C'est ainsi que parcourant les terres, il recherchait des indices bien cachés, n'ayant pour l'instant rien trouvé qui ne puisse réellement l'avancer. Sa recherche désespérée finit par le conduire bien loin de Bénécius, là où la blancheur est synonyme de proie.

La descente du canyon fut compliquée. Le plateau le surplombant n'admettant aucun défaut, Orpheus avait dû pousser la recherche longtemps, avant d'apercevoir enfin un chemin rescapé et en pente, donnant vers le fond. Allez savoir pourquoi son petit doigt lui disait de descendre, les réactions du chevalier n'étaient pas toujours logiques. Une vraie tête de mule lorsqu'il le voulait, le blondinet allait toujours jusqu'au bout de ses recherches. Qui sait, la chance lui sourirait peut-être un jour où l'autre par un de ces coups de tête.

La solidité de ses bottes fut mise à rude épreuve tout au long de la descente, les caillasses faisant tous les efforts possibles pour écorcher ses semelles résistantes. La poussière de la route avait déjà considérablement recouverte le bas de son corps et continuait à s'ajouter à son plus grand regret. La cape ouverte et les manches retroussées, l'individu qui ne portait pas d'armure malgré son ordre, tradition familiale oblige, arborait une expression blasée sur le visage. La difficulté ne lui faisait pas peur, ce n'est pas pour autant qu'il aimait avoir sans arrêt des obstacles sur sa route.

Déjà en traversant la forêt, il s'était égaré, quand bien même il faisait ce trajet soit pour aller de Bénécius à Naturalia, soit depuis Bénécius à Maléficium, et ce depuis sa plus tendre enfance. La végétation, les oiseaux, la faune et la flore, ce n'était pas sa tasse de thé. Qu'est-ce qu'il l'était vraiment? A dire vrai, pas grand chose à part le combat. Il n'y a rien de plus grisant que la fièvre de la bataille qui s'empare de notre corps et qui le pousse dans ses retranchements, aux limites des forces humaines. Le potentiel qui pouvant être tiré de là, est infini. Et cela correspondait parfaitement au chevalier que voici. Têtu comme il l'était, n'admettant quasiment jamais une défaite, il était celui qui s'épuisait pour ses principes, quitte à s'effondrer au bout du compte après avoir consommé jusqu'à la dernière goutte son énergie vitale. Il était un homme de parole, peu amical, détestable, orgueilleux mais qui avait malgré lui un bon fond.

Une fois le fond atteint par on ne sait quel miracle, le temps de la visite arrive. Un paysage rocailleux, pourvu d'une infime quantité de vie. A cet instant précis, Orpheus ignorait encore qu'il était en train de fouler le sommet d'un tombeau d'aigrefins, oublié depuis des lustres dans ce canyon et recouvert de plusieurs couches laissées par le temps. Son avancée hasardeuse ne se faisait pas au détriment de la prudence. Dans les lieux les plus reculés, les plus éloignés de la civilisation, des entités endormies sommeillent et il suffit qu'un intrus ordinaire mette le pied au mauvais endroit, pour réveiller la pire des terreurs. L'arme à la main, le chevalier ajustait la cape rouge foncée qu'il portait vérifiant le sol et les alentours d'un regard alerte.

Etait-il seul dans ce milieu isolé du monde, ou bien des entités étaient-elles en train de l'observer? Orpheus ne tarderait pas à tomber sur un autre être vivant plus vite qu'il ne se l'imaginerait...

Elle n'aurait pas du… Mais même maintenant, elle ne regrettait pas. Son arrivée à la Tour Naturelle avait été plus que remarquée. Robe rouge, chaussures rouges, cheveux rouges et peau rouge. La totale… Mine de rien elle avait eu un certain succès auprès des petits jeunes, des nouvelles recrues qui commençaient leur apprentissage. Par contre, leurs maîtres avaient beaucoup, beaucoup moins apprécié. Elle s'était fait remonter les bretelles en beauté sur sa conception de la loyauté envers l'ordre et de toutes sortes de choses qu'elle avait rapidement cessé d'écouter. bien droite, mains dans le dos, elle s'était contentée de réfléchir à la prochaine étape dans l'utilisation de ses potions de teintes, elle ne brancha à nouveau son cerveau que pour prendre connaissance de la sentence. Parce qu'elle se doutait bien qu'elle allait devoir payer sa fantaisie… Et le verdict fut sans appel, puisqu'elle se croyait aussi maligne, elle allait faire comme des mages confirmés, elle allait chercher des plantes dans certains territoires difficiles. Vers Malificium par exemple. Dans le canyon même…

L'elfe n'avait pas bronché, se contentant de hausser des épaules comme elle avait pu déjà le faire les autres fois où elle avait été de corvée… Elle s'était permis quelques minutes de stress une fois dans l'intimité de sa chambre en se disant que, quand même, là, elle avait vraiment du faire fort pour être envoyée là-bas. Et autant dire qu'elle n'en menait pas large sur le coup. Si les maîtres voulaient lui faire peur et lui faire ravaler sa fierté c'était presque réussi. Presque seulement… Parce que passées les premières minutes de stress, la mage avait commencé à se dire que cela pouvait être l'occasion de découvrir de nouvelles plantes et de taquiner deux trois emmerdeurs au passage. Cela allait juste demander plus de préparation que d'ordinaire… Dans, dans sa chambre, elle avait commencé à soigneusement préparer son départ, sachant pertinemment qu'elle n'aurait pas le temps de préparer la moindre potion si elle était en plein mouvement. Elle abandonna ses habituelles potions de teintes pour des choses plus pragmatiques. Son baume de cicatrisation par exemple… Mais aussi un lot de fumigène et de lacrymo. Ces dernières demandaient peut-être encore un peu de manipulation au moment où on voulait s'en servir, le tout n'était pas encore assez stable pour un stockage longue durée une fois finie, mais se révélaient toujours très pratique. Elle empocha ses protections au passage, quelques fioles de poison, sa sarbacane et sa petite lame… Une bonne cape sur sa tenue de cuir et c'était parti… 

Depuis… Et bien c'était un peu plus mi-figue mi-raisin. Lili avait bien eu l'occasion de faire quelques découvertes, de s'amuser pas mal aussi. Mais maintenant elle s'amusait beaucoup moins. Déjà, elle était bien contente d'être un peu plus rapide que la moyenne parce qu'elle ne devait la vie qu'à cela. Mais ce "truc" était presque aussi rapide qu'elle. Et bien plus fort et résistant… Du coup, elle ne pouvait que courir droit devant elle en essayant de se trouver une planque suffisamment étroite pour que le varan géant ne puisse l'atteindre. Lorsqu'elle vit l'entrée du canyon, elle vit presque son salut proche, sans chercher à ralentir, elle se précipita vers le bas. De son coté, Orpheus, à moins d'être sourd, entendit un soudain éboulis un peu en avant de lui, là où la pente abrupte était formée par des couches de roche terriblement plus friables, offrant ainsi une espèce de chose glissante et instable. 

Lili se précipita dans cette pente sans même ralentir, se servant même de sa vitesse pour ne pas tomber. En somme une sorte de chute en avant qui lui permettait de rester en mouvement et de glisser de façon plus ou moins contrôlée. C'était plus que précipité et brouillon et elle fit plus d'un roulé boulé dans sa descente. D'autant plus que cet imbécile de varan géant venait de lui emboîter le pas, provoquant une mini avalanche. Vint un moment où la ligne d'horizon de la jeune femme changea, elle aperçut alors une sorte de tache rouge sombre vers laquelle, instinctivement, parce que l'instinct peut-être très bête, elle se dirigea en courant. La mage ne réalisa que quelques secondes plus tard qu'elle se dirigeait droit sur un pauvre inconnu qui n'avait certainement rien demandé à personne. Encore moins à un varan…

-Planquez-vous !!!

Elle fit des grands gestes pour lui signaler de dégager le passage, sans pour autant changer de direction. Elle avait remarqué que la parois, bien des mètres derrière lui, serait suffisamment escarpée pour que son poursuivant ne puisse la suivre si elle l'escaladait…

Avancer sans but, avancer en restant aux aguets, cela n'empêchait pas les éléments environnants de se retourner contre lui. Jusqu'à présent, Orpheus avait réussi à ne réveiller aucun prédateur, il avait été parfaitement sage, respectueux de la nature et espérait que cette dernière lui retournerait cette faveur. Le plus silencieusement possible, il évoluait parmi les rochers et le terrain accidenté, observant ce que les parois de ce labyrinthe géant allaient lui réserver. Pourtant, malgré toute sa prudence, le chevalier ne fut pas récompensé pour sa bonne conduite.

En observant cette scène, jamais on aurait été aussi proche d'une des aventures de son ancêtre le chevalier blanc, à la différence prêt que le chevalier blanc, serait à la place de la femme en train de courir à une vitesse ahurissante dans sa direction. L'éboulement qui la poursuivait était malsain et peu naturel, Orpheus flairait l'anguille sous roche. Tout ce boucan allait réveiller les morts enterrés dans le coin si il y en avait et réveiller ceux qui sommeillaient. Avant d'apercevoir le varan géant, le blondinet était déjà prêt à attraper la femme au vol en lui intimant d'être plus silencieuse. Mais où elle se croyait? D'accord, il devait bien l'admettre, elle n'avait pas l'air de contrôler la situation, ni responsable de ce dans quoi elle s'était fourrée. Par contre…

"Elle était vraiment obligée de me ramener "ça" ?"

Enfin, son regard bleuté avait vu plus loin que la jolie créature qui venait à lui en courant. Non, ce n'était pas son charme désarmant qui était en train de l'aimanté, plutôt une chose qu'elle tentait de fuir par tous les moyens. Comme n'importe quel idiot, Orpheus se trouvait sur l'unique chemin alors emporté par la masse, il était forcément obligé de se mettre à courir dans le sens inverse. Malgré la mise en garde qui était venue trop tard, le chevalier était finalement en train de détaler comme un lapin, victime devenue proie malgré lui. De la chance, il avait toujours beaucoup de chance! Résultat, Orpheus se retrouvait à grimper la paroi qu'il venait tout juste de glisser quelques minutes auparavant, et ce, en courant, pour apercevoir avec effroi à quel point il avait été fou de glisser ce truc qui semblait presque vertical vu d'en bas.

Rien à faire, il ne se ferait pas attraper, poussant sur ses jambes pour remonter à toute allure, parce que lui aussi possédait ce pouvoir. Au moment ou physiquement le corps ne pouvait plus grimper, le chevalier laissa se former dans son esprit l'image d'un plancher solide. Autour de lui, la terre se modela à ses souhaits pour former un par-terre, une petite plateforme assez en hauteur de laquelle il voyait le trajet qu'avait emprunté la femme avant d'arriver jusque là. Sur leur passage, la poussière s'était levée, un véritable brouillard de guerre qui nécessiterait du temps pour s'abaisser. Alors que ce genre d'exercice lui était tout à fait habituel, l'esprit d'Orpheus lui joua des siennes en perdant sa concentration. La plateforme disparue aussitôt et le voilà en train de glisser sur les fesses en direction de la gueule de la bête. Sur le passage il croisa probablement la femme en lui criant un "soyez maudite!". Le prédateur quant à lui tentait tant bien que mal que suivre jusqu'au bout le morceau d'elfe qui allait lui servir de quatre heures. En retour, les deux bottes du chevalier sur son nez, à toute vitesse, faisant d'ailleurs criser les os des tibias du blondinet. Le jeune homme fut projeté un peu plus loin derrière lui et atterrit à deux centimètres au-dessus du sol, les yeux fermés.

"… Qué?"

Son corps heurta mollement le sol à ce moment là, achevant de le couvrir de poussière. Sa chaine avait vraiment un pouvoir bizarre qui s'activait n'importe quand. Au moins pour cette fois ce n'était pas plus mal. Derrière lui, les grattements du varan indiquaient qu'il n'avait pas encore lâché l'affaire pour la montée, malgré le choc soudain qu'il venait de se prendre, à moins que ce ne soit qu'une chatouille pour lui? En tout cas, il ne faisait pas plus attention au chevalier. Quelle chance que celle qui lui apportait les ennuis avait fait succomber son poursuivant!

En tout cas, le chevalier doutait qu'elle puisse réussir la prouesse à laquelle il s'était essayé sans succès. Finalement, ce passage du canyon était un aller simple et non un allez-retour possible. Soupirant longuement, il se levait en ouvrant sa cape, respirant lentement en tirant la lame blanche de son fourreau. En tant qu'être pourvu d'un minimum de conscience, il ne pouvait se résoudre à partir en la laissant là, quand bien même l'envie était en train de le démanger mortellement.

Comment allait-elle faire? Sa vitesse compensait tout juste la taille de l'animal qui lui permettait d'avancer plus vite que la moyenne. Ou de lui courir après avec plus d'efficacité sans la moindre préoccupation pour les obstacles que lui offraient le terrain. La preuve, avec une créature plus conventionnelle, la descente dans ce foutu canyon aurait été un peu plus calculée, anticipée, prévue... Là c’était juste la bérézina. C'était un exploit que le varan ne soit pas tombé sur Bellinda et que cette dernière n'ait pas été emportée par tous les éboulis qui étaient emportés par son poids colossal. Bref, c'était une fuite en avant où elle ne parvenait à anticiper que les trente prochaines secondes, le temps de voir où mettre les pieds en quelque sorte... Encore moins d'éviter les victimes innocentes...

C'était idiot mais humain, la présence d'une autre personne l'avait fait bifurquer inconsciemment vers elle, ou lui dans le cas présent. Bien entendu elle avait bien vu la parois escarpée et avait bien l'espoir de réussir à l'escalader suffisamment pour pourvoir se tenir hors de portées du varan mais elle ne serait probablement pas allée juste par là si son regard n'avait pas été accroché par le rouge d'une cape... Peut-être espérait-elle, sans le penser ou le savoir vraiment, qu'elle allait croiser un quelconque monstre mythique de puissance qui trancherait le varan en deux sur son passage. Sauf que l'inconnu semblait aussi humain qu'elle et partit en courant à son tour, comme elle venait de lui crier. Bon, à sa place elle aurait essayé de bifurquer histoire de ne pas se retrouver sur la même trajectoire mais bon. Dans le feu de l'action, difficile d'élaborer une stratégie complexe. Puis il n'y avait pas masse d'autres choix...

Pendant quelques secondes, elle se dit qu'il faudrait qu'elle s'excuse auprès de lui quand même. Mais pour l'instant, elle trouvait qu'il courrait drôlement vite lui aussi! En tous cas bien assez pour qu'il la devance largement pour escalader la parois. Enfin, escalader... Même si son cerveau était plutôt focalisé sur la course, elle comprit qu'il y avait un problème. Il mettait trop de temps pour monter... Et ensuite il était juché sur une espèce de plateforme rocheuse qu'elle était presque certaine ne pas avoir vu auparavant. Enfin, de ce qu'elle discernait bon grès mal grès. Il y eut un nouveau bruit d'éboulis et il lui sembla distinguer une masse rouge se diriger vers elle dans la poussière et les décombres... Elle entendit même un espèce de « soyaudiiiiiite !! » provenant de la masse passant dans ses environs mais elle était trop pressée pour y prêter véritablement attention.

Lili fut soudain en contact avec la parois, essayant de profiter de son élan pour sauter le plus haut possible, là où elle espérait trouver de bonnes prises pour se hisser un peu plus haut. Sauf de prises... Il n'y en avait pas... Elle se retrouver à glisser sur la roche après de multiples bonds comme un insecte coincé dans un bocal de verre bien lisse. Passé quelques secondes où son esprit refusait de se retrouver aussi bêtement bloquée, elle fit finalement volte face pour voir, au moins, sa fin arriver en face. Tout ce que la jeune femme arrivait à penser était une succession de « merde merde merde merde » qui persistaient à tourner en boucle alors qu'elle cherchait désespérément une solution...

Quand elle fut persuadée qu'il était trop tard son coté tête brûlée prit définitivement le dessus... Et elle courut droit sur le varan, essayant de prendre un maximum d'élan pour que son plan bête puisse aboutir. La créature, bien trop lourde et grande, fut surprise par ce soudain revirement de situation et continua tout droit en essayant de la gober au passage. Sauf qu'au dernier moment, l'elfe se laissa glisser au sol, comme si elle essayait de voler une base située de l'autre coté de l'immense corps. Dans un glissement poussiéreux, elle parvint à passer sous le ventre, chose uniquement rendue possible par la taille de l'animal. Dans un ultime roulé boulé provoqué par un chaos du terrain qu'elle n'avait pas anticipé, elle retrouva le ciel après le ventre écailleux. Au loin elle entendait le varan grattant la paroi, essayant probablement de se retourner vivement...

Lili ne chercha pas plus loin et après un démarrage chaotique plus ou moins à quatre pattes, elle se remit à courir en sens inverse. Pour réaliser que la personne qu'elle avait vu était toujours un vie, déjà, et elle aussi de l'autre coté du varan. Le bon, celui qui leur donnait une chance de s'en débarrasser... Son cerveau lui souffla qu'il devait être à l'origine du cri bizarre qu'elle avait entendu à un moment donné mais elle ne poussa pas le raisonnement plus loin. Elle vit par contre qu'il était armé de quelque chose de certainement plus efficace que ses propres armes. Ce qui pouvait lui offrir un créneau des plus intéressants... Sauf que, quand même, elle n'avait pas non plus envie d'avoir sa mort sur la conscience...

-Vous pouvez l'occuper quelques instants?

Orpheus n'aimait pas ne pas avoir le contrôle de la situation. En temps normal, il essaie de toujours l'avoir. Ce n'est pas pour rien qu'il préférait le travail solitaire au travail en groupe. Au moins, sans personne dans les pattes, la marge d'erreur diminuait lui permettant ainsi un succès quasi certain. Sûr de ses capacités, le chevalier ne connaissait pas réellement la peur et il faudrait surement qu'un jour, il se frotte à vraiment plus fort que lui, pour comprendre enfin la signification du mot "humilité".

Pour l'instant, il était en train de définir le sens du mot "abrutie", en bref, cette femme en était une, elle était en train de lui amener ses ennuis alors qu'il ne lui avait rien demandé. Sa main se retenait d'effectuer un geste sec pour l'enfermer et la laisser se faire bouffer. Non, non, ce n'était pas des chevaliers dignes d'un chevalier. De toute façon, il n'en était qu'un demi, sachant que les croyances de son ordre représentaient des fourmis sous terre, à savoir des choses insignifiantes, plus dérangeantes qu'autre chose. Si il était chevalier s'était que depuis le chevalier blanc, tous dans sa famille ont été chevaliers. Ils s'étaient mariés, avaient eu des enfants, et même certaines filles l'avaient été. Tu parles d'une famille. Oh, il n'en avait pas honte, mais aucun sentiment de fierté n'était à en tirer non plus.

A ce moment, il avait surement d'autres pensées plus urgentes comme sa survie. Agile comme un guépard, il avait réussi à largement distancer les deux poursuivants et pourtant, malgré son avantage, Orpheus avait fini par transformer tout cela en désavantage, se propulsant tout droit sur la source de tous les problèmes en insultant la femme sur le passage. Au moins, cette dernière parvenait à monter mais c'est avec un grand amusement qu'elle remarquerait que ce n'était pas possible d'aller plus loin. Tandis que le chevalier effectuait son vol plané en bonne et due forme, l'inconnue était en train de retourner dans sa direction. Fatalement, le varan toujours affamé, se tournait dans cette direction. Ce genre de bête têtue était vraiment insupportable.

Le calme semblait retombé malgré la colère intérieure qui était en train de bouillir, le chevalier se tenait prêt à cogner le lézard géant. Sa lame ne s'émècherait pas sur ses écailles, dans le pire des cas, elle se ferait repousser. Alors que la femme lui demandait si il pouvait occuper un peu l'intéressé, le blondinet à la cape rouge partait à l'assaut de la bête en lâchant un "compte là-dessus" qui se traduisit surement par un "contasu!". A force, elle allait finir par penser qu'il parlait un autre dialecte. Un coup de patte qui venait de la droite fut esquivé à une vitesse hallucinante, sans être ébranlé une seconde alors qu'il se baissait précipitamment avant d'atteindre la chose à la mâchoire.

*TCHING*

Ecailles solides, l'épée qui est déviée. Au moins il était fixé, le point faible n'était pas la tête. Plutôt que de jouer les têtes brulées, Orpheus effectua plusieurs bonds en arrière histoire de se mettre dans un périmètre de sécurité. Le bon dans cette petite chatouille qu'il avait faite, c'était que le varan s'était calmé dans sa course, plutôt en train de les observer à travers ses yeux pervertis par le chaos ou la faim. Bref, il était en phase d'observation, ils l'étaient tout autant.

"Vous avez amené ce truc jusqu'à moi alors j'espère de tout coeur que vous avez un plan de génie! Non mais il vous a pris quoi?"

N'attendant pas qu'ils aient terminés de définir la manière la plus efficace de le tuer, le varan bondit en avant, la dentition bien mise en évidence pour montrer qu'il n'avait pas besoin de voir un dentiste. Cette fois-ci, le chevalier matérialisa un mur juste devant eux, mur dont le centre éclata à sa plus grande stupéfaction. Les mâchoires d'un varan enragé étaient vraiment impressionnantes! Là, il avait un sourire mi-figue, mi-raisin. Qu'elle se décide vite car dans le pire des cas, ce serait rebelotte et course effrénée! A cet instant là, combien il aurait souhaiter avoir un bon magicien à ses côtés, n'importe quelle sorte de magie du moment que cette dernière leur donne un avantage.

Avec insistance celui qui les dévorait du regard frappait contre le mur fin qui se réduisait en miette à chaque contact. D'accord, il pouvait l'avouer, Orpheus n'avait pas mis spécialement d'effort dans cette protection insignifiante. Il n'avait pas encore jaugé la puissance du corps de la bête. Maintenant que c'était fait, ils pourraient continuer de s'amuser gaiement tous les trois!

Ah c'était bien ça, le drôle de bruit qu'elle avait entendu tut à l'heure c'était bien la voix du chevalier puisqu'il venait de produire le même son. Là encore son esprit ne chercha pas à interpréter exactement es paroles, de toute façon regarder suffisait à traduire. Vu comme il chargeait le varan, il allait s'en occuper. Dune façon ou d'une autre. Ne sachant trop si elle était tombée sur un quelconque cador du combat, elle préférait prévoir un petit plus qui leur permettrait de se débarrasser de cette saleté de reptile géante et baveuse. Lui laissant la partie technique et dégageant le passage, il fallait vraiment qu'elle s'excuse platement s'ils s'en sortaient tous les deux, elle fouilla frénétiquement dans sa besace. Ses années d'expérience dans l'herboristerie lui avaient permis d'élever à un rang d'art sa façon de transporter les fioles pour qu'elles ne se brisent pas dès le premier choc et elle fut soulagée de ne sentir aucun éclat de verre sous ses doigts…

-Fiole rouge, fiole rouge !!

Elle chantonnait cela comme si cela pouvait faire office d'incantation et l'aider à trouver ce qu'elle cherchait. Passées quelques trop longues secondes à son goût elle extirpa enfin une petite bouteille pansue dont le goulot avait été décoré à l'aide d'un ruban rouge. Une fois cette dernière en main, elle se remit à fouiller frénétiquement sa sacoche à la recherche du dernier ingrédient dont elle avait besoin. Lorsqu'elle sortit ses trois baies, elle enleva le bouchon avec les dents avant de légèrement les écraser et de les mettre dans la bouteille. L'elfe la reboucha précipitamment en s'assurant de son étanchéité avant de la secouer vigoureusement. Pour 'instant elle tait obligée de faire comme ça… Mais elle ne perdait pas espoir de pouvoir, un jour, automatiser tout ça. Livrer une fiole déjà toute prête à l'emploi et qui ne nécessiterait pas de perdre des minutes précieuse en mélange… Le pouce crispé sur le bouchon, elle attendait de sentir ce dernier prêt à sauter pour savoir que c'était bon…

-'sais pas? J'essayais d'rester en vie peut-être? Je vous ai vu qu'au dernier moment et y'avait pas trente-six mille routes possibles j'vous signale.

Oula, d'accord, elle les avait un peu mis dans la merde mais c'était pas une excuse pour être pas aimable dès le début… Elle secoua la fiole avec encore plus de vigueur, suffisamment énervée pour être encore plus motivée  à balancer sa potion. Elle descendit ses protections de cuir et de verre sur ses yeux avant de remonter son foulard sur le bas de son visage pour protéger son nez et sa gorge. Le montage était terriblement sommaire et, à voir, elle perdait le peu de crédibilité qu'elle avait pu avoir à un moment donné. Mais c'était peut-être sommaire mais suffisamment efficace pour qu'elle ne souffre pas trop elle-même des effets néfastes de ce qu'elle avait entre les mains. La flacon était assez instable et connaître le bon moment pour le lancer était tout aussi délicat. Assez pour qu'elle ait déjà expérimenté elle-même les effets de sa potion.

-Tenez-vous prêt à vous reculer !! Faudra pas vous laisser atteindre par la fumée !

Elle sentait que le bouchon était à deux doigts de sauter. Bon, vu qu'il savait visiblement utiliser la pierre pour se protéger, elle allait estimer qu'il saurait se protéger. De son coté, elle avait un peu du mal avec l'air dans le canyon… C'était un terrain qu'elle ne connaissait pas encore très bien et cela faisait un petit moment qu'elle ne s'était pas exercée à faire des tourbillons. Pas des tornades, le but n'était pas d'emporter leur adversaire, mais des tourbillons, pour permettre à ses effets de fumées de rester bien localisés où elle voulait. Enfin, si ça ne marchait pas dès le début… Ou qu'elle ratait son lancé….

-Attention !!

La mage courut rapidement vers le varan qui ouvrit la gueule vers elle… Sauf qu'elle freina des quatre fers un peu avant et balança d'un geste sec sa fiole droit vers le fond de sa gorge. Elle entendit un bruit de verre cassé alors qu'elle faisait demi-tour et qu'elle s'éloignait en courant… Une sorte de fumée lourde et opaque, vaguement jaunâtre, commença à s'élever de la gueule du varan, un peu comme s'il se mettait à souffler de la fumée avant de cracher du feu. La créature se mit à cracher et se griffer la tête, comme si elle essayait de se débarrasser de quelque chose de très désagréable. Ignorant désormais le chevalier et la mage, il se débattait contre le nuage de fumée et les résidus qui coulaient au fond de sa gorge… Il valait mieux ne pas rester dans le coin. D'un parce que le varan pouvait les piétiner sans faire gaffe, de deux parce qu'elle était peut-être vaguement protégée contre le produit mais pas Orpheus…

On ne sait pas ce qu'Orpheus entendait faire en fonçant sur le varan, on ne le sait pas plus que lui qui n'avait pour plan que de tâter un peu le terrain, au risque de se faire broyer au passage. Le chevalier vivait dangereusement mais c'était sa manière de faire. Se prendre des baffes, se relever pour s'en reprendre, puis terminer avec brio d'un coup d'épée bien placé. Entre temps, il y avait bien sûr des petites broutilles, des petits imprévus comme une couverture un peu plus résistante qu'elle en avait l'air. Orpheus avait beau avoir la rapidité, son épée ne tranchait pas toutes les matières, malgré toute la force et le poids qu'il pouvait mettre à n'importe lequel de ses impacts. D'ailleurs, il se faisait plus de mal que de mal, cela revenait à taper sur un mur comme un force-né en espérant l'ébrécher.

Sans le savoir, le jeune homme avait quand même laissé un peu de temps à la femme pour s'occuper de ses préparations. Déjà, il devait se replier car l'avant-gout de l'adversaire ne lui avait pas plu, pas plus que d'être enfoncé dans ce bourbier à cause d'une imprudente qui s'était on ne sait comment attirée les foudres de ce gros tas sur patte. Avec toute autant de vivacité, la femme lui répondait précipitamment en lui faisant bien soulignée qu'elle n'avait pas eu le choix. Ce qui n'empêche que leurs vies n'avaient pas besoin d'être liées à ce point, sincèrement…

"Oh et puis à quoi bon..."

Oui, à quoi bon se disputer alors que le mal était fait. Sa vie était à nouveau sur le tapis, ce n'était ni la première, ni la dernière qui allait en voir des vertes et des pas mûres. Et puis quoi, elle ne s'attendait quand même pas à ce qu'il la remercie avec un grand sourire d'avoir apporté un obstacle sur son chemin? C'était vraiment trop, il ne fallait pas! Tandis que la varan s'attachait à détruire la faible barrière de terre dressée, la femme était en train de se préparer à quelque chose de très mauvais. Déjà, elle couvrait son visage de manière à signifier que ce qui allait suivre risquait d'être particulièrement dangereux.

"Ola tout doux, à quoi vous jouez là?"

De la fumée? Cette fiole dans sa main? Quand on dit que deux hommes en cuisine c'est dangereux, on pourrait tout autant dire qu'une femme tenant une fiole à la couleur douteuse et avec une protection sur le visage représentait un danger public. Pas vraiment du genre à discutailler lorsqu'on lui proposait de faire gaffe, le chevalier capitula très vite en se mettant en retrait. La suite n'aurait rien de bon, c'était une évidence, rien de bon pour la varan vu qu'il venait d'avaler la fiole comme un abruti. Le spectacle qui leur fut donné, et bien Orpheus ne s'y attendait pas vraiment. L'inconnue avait fait preuve d'énormément de courage et d'adresse pour s'approcher et lancer parfaitement son projectile nocif. Ce contenu ne semblait pas au gout du gros mangeur, il en crachait déjà une fumée qui ne devait pas être agréable à inhaler.

"Il a l'air d'apprécier ce qu'il a bu, c'est bon signe!"

La créature se frappait toute seule, elle se cognait contre les parois du canyon en provoquant des tremblements inquiétants. Un long râle de souffrance sortait de sa gueule béante comme si il essayait de recracher l'objet ingurgité, sans grand succès. Histoire d'assurer ses arrières, Orpheus dressa une barrière épaisse pour gagner un peu d'avance. Ce côté du canyon, il n'y avait jamais mis les pieds. A dire vrai, il ne connaissait que l'entrée qui était derrière. Au fur et à mesure, les sons et les grondements rageux s'éloignaient. Le premier danger des environs venait d'être écarté, laissant le chevalier quelque peu haletant qui imposa après plusieurs bifurcations, une pause pour reprendre son souffle. Contre toute attente, la femme avait suivi relativement bien, quand bien même il avait utilisé ses pouvoirs de rapidité. D'un revers de main, le blondinet essuyait la sueur qui perlait de son front.

"Maintenant qu'on est en sécurité, qu'est-ce qui se serait passé si jamais j'avais inhalé de cette fumée? Je serai devenu débile? En tout cas… joli lancé!"

Le chevalier arborait un sourire moqueur à l'adresse de la femme. Contre toute attente, cet évènement l'avait plus amusé qu'autre chose, malgré les remarques désagréables qu'il était obligé de sortir parce qu'il était toujours désagréable avec tout le monde. C'était un peu sa marque de fabrique, sa signature et sa touche personnelle.

"Et dire que je pensais être le seul à me promener dans un trou aussi paumé. Il faut croire que ce n'est pas assez isolé pour dissuader les bonnes femmes de venir s'y aventurer?"

Sans le chevalier elle n'y serait certainement jamais arrivée. Il était parvenu à tenir occupé le varan pendant qu'elle préparé son petit cocktail surprise… Franchement, sans son mur de pierre, elle ne serait jamais parvenue à avoir les quelques secondes de répit pour fouiller sa sacoche et en extirper la fiole et ses baies. Ni à mélanger les deux… Sur ce coup là, elle avait de la chance. Même si lui ne devait pas s'estimer chanceux sur le coup. La prochaine fois elle avait vraiment intérêt à trouver autre chose. Enfin… La prochaine fois elle regardait mieux où elle allait et éviterait de croiser le territoire de ce genre de grosse bête acariâtre. Et reptilienne… 

Elle aimait bien cette potion, quand elle ne lui pétait pas à la figure cela dit. Mais là, dans l'instant, elle était quand même pas mal fière du résultat. Affublée de ses protection, elle admirait son travail avec un petit sourie en coin soigneusement camouflé par son foulard. Ouais… Elle était vraiment chouette cette potion quand elle fonctionnait bien. Par contre elle avait intérêt à bouger… La jeune femme brandit un pouce victorieux en direction du chevalier en réponse à sa remarque, avec le boucan que faisait leur adversaire et le foulard sur sa bouche, inutile de chercher à vocaliser… Dans un sursaut rageur, le varan écrasa sa queue un peu trop près, la faisant sursauter. Le nuage de poussière soulevé suffit à lui rappeler qu'il n'était peut-être pas très sage de rester à admirer les effets de ses décoctions et elle emboîta donc le pas au chevalier…

C'est qu'il était rapide le bougre ! Quand il s'arrêta enfin, la mage se plia légèrement, mains sur les cuisses pour reprendre son souffle. Elle avait rabaissé son foulard durant leur course, ne restaient que les étranges lunettes de protection qu'elle avait extirpé de son sac un peu plus tôt. Maintenant qu'elle était en relative sécurité son corps lui rappelait qu'elle venait de sprinter sur une sacrée distance… Elle s'adossa donc à l'une des parois, résistant à la furieuse tentation de se laisser glisser au sol. L'elfe savait que si elle se laissait aller elle aurait les jambes coupées et qu'elle ne pourrait plus se relever… Et le canyon n'était pas assez hospitalier pour qu'elle se laisse ainsi aller…

-Merci…

Difficile de dire si elle le remerciait pour le "compliment" ou pour son aide… Elle reprit quatre ou cinq longues goulées d'air avant de remonter ses lunettes sur sa tête et de se redresser un peu. Elle entendait bien l'ironie dans les propos du chevalier mais elle avait décidé de rester calme. Il était dans son droit après tout. Il l'avait aidée… Et n'avait probablement jamais demandé à rencontrer de varan géant…

-Oh… Aussi proche… Pas débile non… Ca brûle juste…

Elle désigna son visage avec son index, faisant un mouvement circulaire pour signifier l'ensemble. Les yeux, le nez et la gorge… Normalement avec une fiole on en avait pour plusieurs heures à larmoyer abondamment et à avoir l'impression de respirer de l'air en provenance directe du volcan… Elle inspira et expira à nouveau profondément, contrôlant peu à peu son essoufflement. La mage en profita d'ailleurs pour un peu mieux observer son "sauveur". Globalement, l'un comme l'autre était couvert de poussière, cela n'aidait pas beaucoup pour identifier quelqu'un. En tous cas, Orpheus ne faisait pas partie des gardes qu'elle avait eu à taquiner. Et elle n'avait pas encore vu de trace de la rose noire donc, pour l'instant, il n'était pas clairement identifié comme aigrefin. C'était toujours ça de pris…

-Le détour par le canyon n'était pas vraiment prévu dans mon voyage.

L'elfe entreprit de s'épousseter un peu, dévoilant une peau claire et des cheveux blancs. Par contre il ne devait pas s'attendre à trouver une indice sur son ordre dans sa tenue, elle ne portait sa robe rouge qu'à la Tour, là où s'empêtrer les pieds ne provoquait qu'un peu de perte de dignité… Par contre, avec deux sous de jugeote sa dernière action avec le varan suffisait à la trahir.

-Je ne pensais pas non plus croiser quelqu'un ici… D'ailleurs je crois que ma réflexion n'est pas allé jusque là !

Elle eut un petit rire…

-J'avais jamais été aussi solidaire du lapin coursé par le renard… Désolée de vous avoir embarqué au passage… Moi c'est Lili…

La jeune femme désigna le reste du canyon d'un mouvement de menton.

-Vous étiez en quête de solitude ou de défis en escalade?

A deux reprises, Orpheus avait été forcé de dresser des murs pour ralentir la progression du prédateur. Ce genre d'effort lui aurait été bien plus éprouvant auparavant. Ce n'est que maintenant qu'Orpheus remarquait l'évolution par laquelle il était passé pour en arriver là. Les changements sont minimes mais quotidien et à force d'entrainement, les capacités se développent et se créent sans qu'on ne s'en aperçoive. Finalement, il aurait pu passer sa journée à bloquer tout ce boyau du canyon, bien que l'intérêt aurait été tout à fait discutable. A la place, il s'adonnait à l'activité préférée de tous les Neiphereum depuis deux siècles: la fuite. Alors certes, il était d'avantage de ceux qui ont tendance à se retourner et à frapper comme un bourrin mais lorsque l'adversaire est déjà affaibli à cause d'on ne sait quelle concoction et que cette dernière peut s'avérer nocive pour soit, on a vite fait de choisir la facilité. Ce sprint à l'unisson que les deux bipèdes effectuaient, achevait de mettre une distance avec le varan qui était encore en train de se cogner et de cogner les alentours à cause de la sensation désagréable qui s'emparait de son être. Après s'être enquit des effets de la potion, le chevalier était soulagé de n'être pas resté à inhaler l'haleine du lézard géant plus longtemps.

"Juste… c'est donc pour ça tout cet… équipement."

Elle n'en était pas à son premier essai. Ce ne serait d'ailleurs pas trop s'avancer que d'imaginer le nombre de fois que les fioles lui ont sautées au visage pendant ses premiers essais. Tant qu'il n'était pas la cible de toute façon, il ne craindrait rien. Le chevalier s'attacha à s'épousseter quelque peu, un geste bien futile sachant que le voyage ne s'interrompait pas ici, pas tant qu'on pourrait entendre les grondements au loin. La sécurité avant tout, le repos en second lieu. Pas spécialement intéressé, le blondinet n'alla pas se demander ce que la femme faisait dans la vie, si elle appartenait à un quelconque statut ou bien si elle n'était qu'une citoyenne lambda en quête de sensations fortes. Néanmoins, aux vues de ces capacités, il était fort à parier qu'elle était bien plus qu'une simple femme sans aucune prétention. Sur lui, il n'y avait que le fourreau de son épée qui pourrait indiquer son statut. la lame d'origine était cassée depuis longtemps, à la place, il conservait la lame blanche de son ancêtre, dans le fourreau des épées de chevalier, orné d'une rose rouge, quoique salie avec la poussière ce qui aurait pu prêter à confusion. En tout cas, tant qu'il serait dissimulé sous sa cape, la femme n'aurait aucun soupçon.

"Il vous a suivi sur une grosse distance?"

Le souffle récupéré, le chevalier s'attacha à redresser un nouveau mur juste devant eux pour s'isoler de l'autre boyau tout en ayant la possibilité de continuer à avancer de ce côté. En effet, un simple geste de main sans grand effort permettait de modeler la terre et la roche à sa volonté. Quel pouvoir pratique! Enfin, Orpheus se permit un sourire supplémentaire tout en écoutant la femme dont le physique était relativement agréable à l'oeil. Les compagnons d'infortune pouvaient prendre le temps de se connaitre à l'abri du danger précédent, mais pas forcément des suivants.

"Ce qui est fait est fait… La prochaine fois laissez-moi tranquille je vous en conjure."

Et en disant ça, il venait à elle adossée au mur pour lui tendre une main partiellement amicale, partiellement parce que la confiance venait à la longue, pas du premier coup d'oeil, cela ne marchait pas comme les coups de foudre ou autre bêtise de ce genre.

"Appelez-moi Orpheus. Je suis en quête de… réponses."

Aussitôt, sa mine s'assombrissait et il tournait son visage vers le nouveau chemin qui leur était offert d'explorer. En quête de réponses, sans piste, sans indice, à quoi il jouait à être descendu ici? Par moment, il ne se comprenait pas lui-même. Le but même de son existence était une énigme. Mais alors, qu'est-ce qui le faisait encore avancer? Son ambition idiote était de retrouver les traces de son ancêtre. Et ensuite une fois que ce serait fait, qu'est-ce que cela lui apporterait vraiment? Rien du tout, il serait vide, il n'aurait plus de nécessité, plus de priorité et puisqu'il ne savait que se battre, il se retrouverait à sillonner les terres à la recherche des adversaires les plus puissants qui soient. Bien triste constat qu'il se faisait souvent. Le beau lunatique qu'il était, passa finalement du soulagement à une frustration froide.

"Je ne sais pas ce qui vous a fait venir ici, en tout cas de mon côté, j'avance."

Sur ce, le blondinet tourna les talons et effectua quelques pas en avant. Un, deux, trois… *CRAC*. Sans aucune raison visible, le sol se fissura brusquement sous ses pieds en le faisant chuter de deux ou trois mètres dans un couloir obscur. Cette fois-ci, sa chaine ne se donna pas la peine de lui amortir la chute et même, il tomba sur le dos avec ses maillons en travers, histoire d'ajouter une douleur supplémentaire et d'imprimer la forme dans sa peau. Sonné suite à cette chute, le chevalier était en train de grogner au fond de son trou, les bras en croix alors que ses yeux voyaient au loin, le trou d'où il venait. Fichues anciennes civilisations, toujours à construire là où il ne faut pas!

L’elfe acquiesça au sujet de son équipement. Elle avait eu suffisamment de mauvaises surprises pour développer ces petites astuces. Le foulard n'avait pas demandé beaucoup d’efforts. Elle avait eu plus de mal avec les lunettes en fait... A bien y réfléchir c'était grâce à l'un de ses maîtres de la tour qu'elle était parvenue à ses fins. Il était affublé de petits lorgnons à la monture en bois... Il lui avait suffit de remonter la piste pour découvrir son fournisseur. Et commander quelque chose d'adapté. Le bonhomme, loin de la prendre pour une folle, avait écouté ses besoins et avait finalement livré cette drôle d'assemblage de cuir et de verre qui se révélait diablement efficace quand elle devait protéger ses yeux d'une mauvaise expérience. Elle avait peut-être l'air d'une hurluberlu mais elle ne passait plus près de 48h dans le noir complet à larmoyer sans cesse et à devoir appliquer des compresses d'eau froide sur ses pauvres yeux brûlés...

Le varan continuait à manifester son désagrément au loin... Le bruit qui en résultait était assez inquiétant, même si elle avait confiance en les obstacles que le chevalier s'était évertué à dresser entre eux et lui... C'était d'ailleurs pour cela qu'elle restait debout, même si elle avait les jambes en capilotade. Malgré le coté très spartiate et inconfortable de sa chambre à la Tour Naturelle elle aurait véritablement apprécié d'y être, juste pour pouvoir se jeter tête la première sur son lit et y prendre un vrai repos. En sécurité... La question d'Orpheus nécessita quelques instants de réflexion chez la mage rouge... Le varan, elle l'avait malencontreusement « croisé » alors qu'elle était en train de ramasser une espèce de mousse aux vertus apaisantes sur les brûlures. Elle avait bien noté les signes d'occupation des lieux par un animal probablement très grand mais elle n'avait rien vu d'autre. L'elfe avait alors estimé qu'elle aurait le temps de bouger si l'occupant arrivait, en le voyant de loin... Sauf qu'elle avait manqué de chance et s'était retrouvée nez à nez avec lui au détour d'un amas rocheux. Le gros lézard dormait et sa couleur s'était confondue avec le paysage, surtout en restant immobile. Bref, elle avait été l'archétype de la bleusaille et avait du prendre ses jambes à son cou. Pas bien glorieux tout ça...

-Alors ça... Je crois... Je sais plus trop, j'ai juste couru en cherchant un coin où il aurait du mal à bouger.

La jeune femme haussa les épaules. Elle avait la capacité de courir très vite, vraiment très vite et, étrangement, la motivation de plusieurs quintaux de lézard baveux et affamé à ses trousses l'avait poussée à dépasser ses propres limites. Il n'était pas impossible qu'ils aient avalé une certaine distance sans qu'elle ne s'en rende compte, focalisée comme elle l'était sur un simple détail du paysage.

-La seule chose dont je suis certaine c'est que cette saleté n'est pas endémique au canyon. On devrait pas avoir à se coltiner sa soeur...

La jeune femme n'avait plus les poumons en feu, son souffle était normal... Ne restait que la fatigue naturelle du lapin qui venait d’échapper à son prédateur. Mais elle ne devait pas s'arrêter complètement sous peine de ne plus être efficace si jamais ils se retrouvaient à nouveau dans une situation à risque. Elle serra la main tendue par le chevalier sans la moindre hésitation, lui offrant une poigne ferme mais non destinée à lui briser quelques phalanges.

-C'est une promesse. La prochaine fois que je suis coursée par un varan géant et affamé, j'irai chercher quelqu'un d'autre. Moi c'est Lili. Je suis juste en quête d'ingrédients.

Se servant de la main qu'elle ne lui avait pas rendu, elle se décolla enfin de la parois. Avec une certaine souplesse, elle plia ses jambes, une à une bien entendu, en attrapant son pied. Elle cherchait à assouplir un peu ses muscles endoloris histoire de ne pas devenir raide comme la justice. Ses petits mouvements de gymnastique pouvaient paraître incongrus mais elle savait qu'ils étaient un mauvais moment nécessaire. Au passage ça lui offrait quelques instants de réflexion. Le chevalier lui paraissait assez bizarre. Il devait parfois manier l'humour noir, ou le sarcasme, elle l'avait senti, mais par moment il était sérieux comme un pape. Et drôlement sombre... Il ne devait pas s'amuser bien souvent quand même !

-Oh, si ça vous dérange pas j'vais faire un petit bout de chemin avec vous.

Disant cela il y eut un fracas plus fort que d'habitude accompagné du cri bien reconnaissable du varan. Elle estima que cela valait bien toute l'argumentation du monde... Le canyon était modelé par le temps de telle manière qu'il n'y avait pas vraiment un grand choix de route. Soit elle continuait tout droit, donc suivait le chevalier, soit elle retournait sur ses pas, donc recommencer une petite séance de footing varanisée. Son choix était vite fait... Orpheus commençait à avancer elle lui aurait bien demandé quelles étaient les questions qui attendaient les réponses qu'il cherchait mais elle n'en eut pas vraiment le temps. L'instant d'avant il était là, celui d'après il avait brusquement disparu dans un petit nuage de poussière...

-Orpheus?

Avisant le trou elle se précipita à son bord, voyant que le pauvre homme venait de trouver une entrée à des ruines d'une façon un peu musclée. Bras en croix, il lui semblait bien l'entendre grogner au fond de son trou... La jeune femme avisa un rebord pas trop fissuré et descendit par là, se laissant pendre avant de tout lâcher. Non sans s'assurer qu'il n'était pas sous elle. Elle limita ainsi la casse , évitant de se casser quoi que ce soit. Penchée sur lui, elle mit sa main naturellement sur son torse comme si elle cherchait à l'empêcher de se relever. Ce qui n'était pas loin de la vérité puisqu'il valait mieux évaluer les dégâts avant...

-Ca va? Vous êtes conscient?

Pas besoin de lui demander s'il avait mal quelque part, à moins qu'il soit en fer, il avait probablement mal partout... Mais de ce qu'elle voyait aucun de ses membres n'avait pris une orientation étrange ou peu naturelle. Avec un peu de chance, il ne s'était rien brisé. Normalement...

Non pas que la varan était incroyablement surprenant, il y avait juste qu'Orpheus préférait pouvoir faire ses inspections en paix. Ensuite, la peur en elle-même, il ne l'avait pas ressenti, bien plus occupé à éviter le combat qu'il n'avait pas cherché. Comme prévu, le chevalier exigea quelques explications, tout à fait légitime aux vues des évènements précédents et comme prévu la réponse fut très développée et lui apporta toutes les réponses possibles. Cette réponse était du même type que celles données par son ancêtre à savoir une explication complètement tirée par les cheveux. En gros, elle avait réussi à rameuter une bête qui n'était même pas originaire du canyon et l'avait laissé se promener à l'intérieur. Qui sait, elle ne pourrait peut-être jamais en sortir et sa "soeur" viendrait l'y rejoindre. Ensuite ils pourraient pondre des oeufs et le canyon finirait infesté par les varans. Ainsi, par une poursuite anodine, tout un écosystème venait d'être chamboulé, avec cela, des conséquences désastreuses pour l'environnement et pour l'avenir de Maléficium.

"Oh, j'aurais surement fait pareil."

C'était bien prévisible, toute l'analyse précédente, Orpheus n'en avait cure. Elle avait sauvé sa vie comme elle le pouvait et n'importe qui aurait fait la même chose. La seule tâche sur ce tableau était qu'elle avait attiré quelqu'un, alias lui, dans ses propres embrouilles. Certes au bout du compte, cette course poursuite avait été plutôt amusante alors il passait l'éponge et ne s'attardait pas à crier sur la femme. Au lieu de ça, il avait donné son nom après en avoir eu un en face. Une femme qui recherche des ingrédients…

"Vous êtes cuisinière? Ou herboriste peut-être?"

Suite à quoi Orpheus sombra dans sa propre contemplation de soi et la suite, on la connait déjà. Qu'elle le suive, tant qu'elle ne lui mettait pas de bâtons dans les roues. Au pire, cela ferait bien de la compagnie, bien que la solitude était déjà sa plus fidèle amie. Que le varan tente de s'approcher encore, il continuerait de l'accueillir comme il se doit. C'est bien pour cela qu'il se permettait de tourner le dos à son mur, tourner le dos sans se retourner pour voir si la femme suivait vraiment, parce qu'il n'était pas un homme qui avait des regrets et qui regardait sans cesse en arrière. Aller de l'avant, toujours, sans s'arrêter, voilà la ligne de conduite qu'il n'avait jusqu'à présent jamais abandonné. Ce qui ne l'empêchait pas de commettre des erreurs, de tomber sur des imprévus ou dans des imprévus comme ce trou et ainsi, après avoir affiché une image froide, se ridiculiser lamentablement une minute après.

Cette chute n'était pas spécialement impressionnante. Toutefois, lorsqu'on y est pas préparé, les dégâts sont bien plus important. La douleur s'était répandue tout le long de son corps. Par chance, ce n'était qu'une douleur temporaire suite au choc et non un membre cassé. Néanmoins, l'arrière de sa tête avait cogné un peu rudement la pierre taillée sous lui c'est pourquoi il n'avait pas encore toute sa conscience. Ses yeux vagabondaient sans réel but, tout en sentant la présence de "Lili" se rapprocher. La femme était déjà au-dessus de lui en train de constater des dégâts, voir si il était mort ou pas très probablement. Il tentait de se redresser mais sa main ferme l'en empêchait. Clignant plusieurs fois des yeux pour essayer d'éclaircir son esprit, le jeune homme finit par articuler:

"Oui, je crois bien, je suis juste un peu sonné, rien de… grave je pense."

Soulagement général, plus de peur que de mal, une chance! Dans sa chute, son fourreau s'était un peu décalé et tandis qu'il était en train de se relever, la femme remarqua peut-être une rose foncée, de la par la poussière et l'obscurité sur son fourreau. Bref, il était en train de rouler des bras et de plier les jambes pour finir son examen de santé. Tout était en ordre, tout, sauf le plafond qui s'était effondré. En réfléchissant longuement, Orpheus tenta de retrouver dans sa mémoire, une histoire quelconque sur le canyon. Sans grand succès.

"Ce couloir semble être abandonné depuis des lustres… Vous savez qui aurait été susceptible de s'installer dans un trou aussi éloigné?"

Les chances étaient très faibles qu'elle lui donne une réponse affirmative mais ne sait-on jamais. Et puis qu'ils étaient là, il serait fort dommage de remonter à la surface alors qu'une construction archaïque venait de leur ouvrir ses portes. La fièvre de l'aventure le prenait tout aussi subitement que la colère froide s'endormait en lui. L'unique problème serait d'évoluer sous terre sans source de lumière. Il n'avait pas de quoi faire une torche sur lui, pas plus qu'il ne possédait un quelconque pouvoir lumineux. Encore une fois, le chevalier se tournait vers Lili et remarquait à quel point il se reposait sur elle alors que juste avant, il se fichait royalement de l'avoir avec lui ou non pour cette promenade.

"Est-ce qu'il existe une potion qui produit de la lumière ou qui permettrait de voir dans le noir?"

C'est qu'il lui avait fait peur à disparaître comme ça… Elle ne savait pas qu'il y avait de tels structures sous le canyon, après tout cette région restait encore assez méconnue à ses yeux. Mais elle ne put s'empêcher de penser au varan et à ce que son poids aurait pu provoquer ici si celui du chevalier, infiniment plus léger en comparaison, avait suffit à faire céder le toit… Pour l'instant ils n'étaient pas coincés. Il suffisait que 'un fasse la courte échelle à l'autre pour pouvoir s'en sortir. S'ils décidaient d'explorer ce souterrain ils disposaient donc d'une sortie de secours tout ce qu'il y avait de plus convenable… 

Constatant qu'il était conscient, même s'il était encore un peu embrouillé, elle se décala légèrement, le laissant vérifier s'il n'avait rien de cassé, ni de muscle froissé. D'où elle était, son corps semblait correctement répondre… Il était juste bon pour se découvrir une magnifique constellation de bleus lorsqu'il irait se coucher ce soir. Alors qu'il gesticulait consciencieusement, son regard finit par tomber sur la rose dessinée sur le fourreau. Une rose un peu sombre à son goût… Allons bon, était-il un aigrefin finalement? L'elfe se demanda si ce n'était pas justement l'occasion de prendre deux routes bien différents. Lui sous terre si cela l'amusait, elle à la surface pour retrouver sa route… Elle n'aurait probablement pas d'autres occasions de ce genre.

D'un autre coté Orpheus ne s'était pas montré "désagréable" jusqu'à maintenant. Bon, un peu incisif peut-être, mais pas vraiment menaçant. Elle n'avait pas ressenti le besoin instinctif de garder une potion prête dans son sac au cas où elle aurait besoin de s'éclipser vitesse. Il aurait très bien profiter de sa fatigue tout à l'heure plutôt que de se présenter et lui dire ne plus lui adresser de varan géant… Pour le coup, elle était peut-être un peu mal à l'aise, gardant à l'esprit qu'il faudrait qu'elle soit un peu plus prudente, mais elle décida qu'il méritait le bénéfice du doute. Et puis il lui était difficile  de passer à coté de ce genre de découvertes sans y mettre son nez. Sa curiosité aurait probablement sa peau un jour ou l'autre…

-Je sais pas non… Des gens qui n'avaient pas peur de la difficulté et qui n'avaient vraiment pas envie d'être dérangé je suppose…

Elle n'avait vraiment pas prévu de venir dans le Canyon initialement, sinon elle se serait un peu plus renseignée, au moins sur la faune locale. Du coup le souterrain lui était complètement inconnu. Elle pouvait juste dire que ce n'était pas une construction naine. Que même si c'était vieux et fatigué, le travail avait été vraiment soigné… Mais les gens fabriquaient rarement des maisons enterrées sans bonne raison. Et même si elle était peu renseignée, elle n'avait jamais entendu parler d'une ville ou de toute autre construction suffisamment complexe pour nécessiter ce genre de couloir. Parce qu'avant qu'il ne tombe dans son trou, elle avait bien remarqué que hormis les parois du ravin, il n'y avait aucune trace de construction élaborée… 

Lili observa le chevalier quelques instants… Visiblement il pensait que son sac était un sac sans fond contenant toute une herboristerie. Elle aurait bien aimé, mais ce n'était pas le cas. Profitant de la lumière dont ils disposaient encore, la jeune femme ouvrit en grand son sac pour essayer de voir un peu mieux ce qu'il contenait. Elle avait soigneusement préparé son paquetage avant de partir mais elle avait ramassé d'autres plantes depuis, certaines pouvaient se révéler utiles… Et, au besoin, elle avait une solution de substitution qui pourrait convenir le temps de trouver mieux…

-Il existe une potion pour pouvoir voir dans le noir mais ses ingrédients sont un peu difficiles d'accès. Et je n'en ai pas sur moi…

Sans compter qu'elle avait oublié son alambic chez elle… A force de recherche, elle finit par tomber sur ce qu'elle voulait… La mousse, passablement séchée, qu'elle extirpa de son sac n'avait vraiment pas belle allure. On aurait pu penser qu'elle était parfaite pour allumer un feu mais l mage avait d'autres ambitions pour elle. Elle la réserva de coté et sortit une petite bouteille de verre contenant un liquide incolore. Elle la déboucha pour en renifle le contenu avec une pointe de regret, se permettant même d'en avaler une gorgée. Elle n'en  avait pas beaucoup des comme ça, encore deux… Et elles coûtaient les yeux de la tête en plus…

-Dès qu'on croise des torches, on les utilise…

Elle mit la mousse dans la bouteille avec un soupir de regret, faisant flotter une odeur d'alcool fort dans l'air, referma le tout et secoua vigoureusement. Il sembla qu'il fallut quelques longues secondes avant que la mousse ne commence à redevenir verte. Voit vert clair. Voir vert fluorescent en fait… Elle l'avait découverte un peu par hasard alors qu'elle bivouaquait. Et qu'il faisait froid, suffisamment pour que ses doigts gourds fassent tomber son verre. La mousse s'en étai gorgée pour émettre de la lumière. Phénomène amusant, parfois utile mais ruineux en alcools… Au moins ils ne manqueraient pas d'eau puisque c'est ce que laissait la mousse derrière elle…

-Allons-y, ça va pas durer la vie des rats non plus…

Se faire avoir comme un bleu par le premier sol instable, Orpheus avait vraiment des gênes communs au chevalier blanc. Ce dernier était toujours le premier à déclencher les pièges en marchant sur le mécanisme, à trouver ce genre de passage en tombant la tête la première et ainsi de suite. Il faut croire que malgré les générations qui les séparaient, le blondinet était douloureusement rattrapé par ses origines. Car cette chute n'avait été une partie de plaisir, bien loin de la sensation d'un massage du dos. La brutalité de la pierre, la violence de ces éléments qu'il utilisait pour combattre, vraiment… Alors d'accord, il s'en remettrait comme pour n'importe quoi, il se remettait toujours de n'importe quelle situation mais sur le moment, quel choc! Et tandis qu'il était en train de naviguer entre le monde de la conscience et celui des rêves, la femme avait tout le loisir d'apercevoir des indices de son ordre, qui s'avéraient d'ailleurs fausses à cause de la poussière, et puis elle pouvait également voir qu'il allait très bien, capable de se lever, de gesticuler comme un benêt. Solide gaillard que voilà en effet.

Comme prévu, Lili ne put pas lui apporter plus d'informations sur ces souterrains sortis de nulle part. Le chevalier toucha les murs du bout de ses gants. Il n'était pas connaisseur mais les gens touchaient toujours les murs comme si ces derniers pouvaient donner des réponses. Apparemment, cela ne marchait pas avec lui. Aucune fresque fantastique, aucun message caché, rien qu'un simple mur de pierre qui laissait supposer que cet endroit avait été soigneusement construit tout de même. Ce n'était pas une installation rapide avec de simples poutres en bois pour soutenir le plafond, mais bien toute une construction en ruine qui avait cédée avec l'usure du temps.

"Pour sûr, sous terre personne n'irait les chercher à part un aventurier assez lourd pour faire céder le plafond. Ca en est presque vexant en fait."

Oh, mais était-il en train de faire de l'humour? Le moment devait être gravé dans la mémoire de toute personne car cela n'arrivait pas tous les jours. Comptant grandement sur les capacités de la femme, le chevalier continuait de la questionner de diverses manières. Une lumière? Peut-être une idée d'où ils étaient? Un plan? Les questions fusaient, les résultats ne venaient pas avec la même vitesse. Déjà, une première déception. Ils ne pourraient pas voir dans le noir comme en plein jour. La seule solution avec ça, serait que leurs yeux s'habituent à la pénombre pour espérer y voir quelque chose. Cependant, Lili s'avéra plus utile qu'elle ne l'affirmait. Elle semblait avoir trouvé une réponse en buvant une gorgée du contenu d'une bouteille. Un breuvage magique? Une potion spéciale? Non, elle y ajoutait finalement une substance bizarre tandis que la flagrance de l'alcool faisait réagir à retardement le chevalier qui en aurait bien pris une petite lampée.

Mais déjà, une petite lumière naissait dans le fond de la bouteille, une lumière verte, assez forte pour éclairer le couloir, mais qui ne serait pas éternelle. Dans l'alchimie, les réactions s'interrompent une fois qu'un des deux réactifs s'est entièrement consumé. Par déduction, lorsqu'ils n'auraient plus de mousse, ils l'auraient profond.

"D'accord, on va se dépêcher alors."

Dépêcher de faire quoi? Orpheus n'avait pas idée de ce qu'il faisait, d'où il était, d'où il allait, de ce qu'il voulait chercher, alors il allait faire quoi? Ce qui était amusant dans cette affaire, c'était que Lili le suivait dans cette mascarade. Tous deux bons étaient bons à être cloitrés, bande de fous. Tout fou qu'il était, Orpheus assumait sa position et allait déjà de l'avant, affronter l'inconnu de ses yeux ébahis et sombrer lentement dans la contemplation. Cette construction, il ne s'agissait pas là d'une habitation. En avança, ils se retrouvaient devant une issue bloquée par un éboulement et en se retournant, le chevalier remarqua enfin des mots gravés dans la roche.

"Ci-git, Hullmat le juge… Vous le connaissez?"

Le signe de la rose peinte juste en-dessous de ces mots aurait pu lui mettre la puce à l'oreille si il n'était déjà en train de rebrousser chemin. Ainsi, de ce côté, ils n'étaient qu'à l'entrée d'un tombeau. En repassant par le couloir avec le trou au plafond et en continuant dans l'autre sens, ils rencontreraient probablement les obstacles mis en travers de la route de personnes comme eux. A quoi bon faire une tombe si c'est pour y mettre des pièges? Ils ne pouvaient pas simplement le poser quelque part non? Les gens font toujours plus compliqués que nécessaire de toute façon…

"J'espère que votre lumière tiendra encore un peu parce que nous ne sommes pas prêt d'en être ressorti, ça je vous le garantie."

Serait-ce de l'humour ? Mais oui ! Il lui semblait bien ! La jeune femme eut un sourire en coin. Si cela avait elle qui était passée au travers du « toit », cela aurait été une autre histoire ! Malheureusement pour Orpheus, elle ne le connaissait pas encore suffisamment pour réaliser à quel point le phénomène auquel elle venait d’assister était d'une rareté extrême. Sans cela elle aurait peut-être pris soin de graver l'instant dans sa mémoire de façon beaucoup plus efficace pour reporter les faits. Et ruiner une réputation de taciturne pour quelques temps...

En entendant, ils avaient plus intéressant à faire... Ce souterrain n'était pas apparut par l'opération du saint esprit il y avait certainement quelques secrets bien croustillants à déterrer là... Même si elle ne connaissait pas énormément Orpheus et qu'elle ne sentait pas encore assez confiante pour lui tourner le dos sans une petite pointe d'appréhension, l'attrait de l'aventure était bien assez fort pour qu'elle décide de faire un peu d'exploration à ses cotés. Et cette fois-ci, s'il avait des ennuis, il ne pourrait pas l'accuser de les lui avoir mis dans les pattes sans son consentement. Ils allaient être deux à farfouiller ici et elle ne doutait pas qu'ils auraient leur lot de mauvaises surprises. Ce genre d'endroit n'étaient-ils pas réputés pour les pièges dont ils regorgeaient? De ce coté là, la mage n'était pas vraiment réputée d'une prudence excessive... Elle était d'un naturel méfiant, n'accordait sa pleine confiance que très rarement même si elle se montrait alors chaleureuse et ouverte... En fait, elle pouvait se donner une apparence très sociable alors qu'elle ne l'était plus vraiment depuis des années...

C'était un peu la même chose avec sa curiosité et sa propension à s'attirer les ennuis. Elle pouvait très bien prendre son temps pour élaborer un plan d'action lorsqu'il devenait nécessaire d'agir de façon concertée. De même, elle savait très bien évaluer ou jauger une situation de crise... Mais, au final, elle fonçait. Un peu comme si elle cherchait ces ennuis qui lui tombaient régulièrement sur le coin du nez. Un peu comme si elle cherchait finalement à vivre aussi dangereusement que possible. Parce qu'elle n'avait probablement pas grand chose à perdre. Elle se savait parfaitement remplaçable, elle avait déjà passablement déçu sa famille. Bref, le jour où elle ne rentrerait pas de l'une de ses escapades il n'y aurait probablement personne pour s'en inquiéter avant un bon moment. Sauf si la commande était urgente peut-être mais certainement pas parce qu'elle était potentiellement en danger... Alors explorer un souterrain ancien, dont on ne connaissait rien au sujet des origines, avec un parfait inconnu qu'elle avait rencontré quelques instants plus tpot et qui pouvait fort bien être un aigrefin... Ma foi, comment résister?

Bouteille brandie, non sans avoir vérifié qu'elle était parfaitement fermée, elle dispensait donc juste assez de lumière pour qu'ils puissent voir où ils mettaient leurs pieds. Ou lire ce qu'il y avait d'inscrit sur une parois par exemple, en se se rapprochant suffisamment... Déjà, ils jouaient de malchance. Entre les deux cotés possibles, celui qu'ils avaient, enfin Orpheus puisqu'il ouvrait la marche, choisi se révéla rapidement bloqué. Mais pas dénué d'intérêt pour autant ! A son tour elle lu l'inscription gravée dans la roche, ne pouvant s'empêcher de passer un doigt dessus, comme si elle avait besoin d’attester sa réalité. Hullmat... Le nom ne lui disait rien mais elle n'aimait pas la sonorité. Ça faisait vieux ronchon à la musculature impressionnante. Voilà, ça faisait un peu vieux barbare en fait...

-Je crois pas non. Mais j'aime pas son titre. « Le Juge »... C'est pas la même chose que « Le Juste ». Puis son nom fait vieux barbare en plus...

Ca faisait un peu pinailleur mais sa remarque sur son titre n'était pas dénuée de réflexion. Il y avait une différence entre qualifier quelqu'un de « juge » et de « juste ». Quelqu'un de juste... Et bien, il faisait en sorte de l'être, d'appliquer un certain équilibre, faire en sorte que la loi soit suivie par exemple. Comme un chevalier… Mais quelqu'un qui juge... Et bien c'est forcément par rapport à certains critères et rien ne dit qu'ils soient « justes ». Ce Hullmat était peut-être du genre à appliquer sa propre justice au détriment du reste et du bon sens. Et puis vue la région, ça allait bien dans le sens de quelqu'un de peu recommandable. Elle voyait mal un chevalier ou un mage blanc se faire enterrer aussi proches de Malificium...

Alors qu'Orpheus s'essayait avec l'autre coté du tunnel, la jeune femme observa un petit peu mieux l'inscription. Il lui avait bien semblé avoir senti autre chose sous ses doigts mais elle n'était pas parvenue à déterminer quoi exactement. Elle gratta un peu la pierre, faisant tomber un peu de poussières et de légères concrétions, révélant la dernière partie de l'inscription. Un dessin gravé pour être plus exacte... Une rose... Elle rapprocha encore la bouteille pour essayer de voir au mieux les détails... Difficile d'avoir une couleur dans de la roche gravée, l'artiste avait donc probablement pris soin de laisser des détails qui permettrait de faire une différenciation. Chevalier ou aigfrefin...?

-Dite? Vous voyez quoi là?

Elle voulait l'avis d'Orpheus... Ou sa réaction aussi... Pour elle, c'était forcément la tombe d'un aigrefin, parce qu'elle voyait pas un bénéfique venir se faire enterrer ici. Du moins pas de façon volontaire. Parce qu'il avait bien fallu prévoir le coup en construisant ce souterrain quand même, ce n'était pas une tombe de fortune pour quelqu'un de mort sur place là...

Etre dans la peau d'un Orpheus ne devait pas être facile tous les jours. N'importe quel être vivant dans ce monde est tellement incompétent comparé à lui et de plus, ils passent leur temps à le ralentir. Oui, lui qui est tellement parfait et qui a toujours raison, au risque de se faire ennemi de toute personne qui se retrouve face à lui. Nombreux étaient ceux qui passaient leur chemin après les premières minutes. Seulement voilà, il existait un autre genre qui, malgré l'insupportable individu, continuaient de marcher avec lui, que ce soit par besoin ou par réelle envie. Ce dernier cas de figure étant peu probable, nous pouvons donc mettre Lili dans la première catégorie, à savoir de ceux qui le font pour l'instant par nécessité. Il n'était pas exclu que suite à une telle aventure, une amitié ou une haine farouche se crée. Néanmoins, laissons le temps à ces deux là de décider de ce qu'ils feraient. Après tout, quand on est Orpheus Neiphereum, personne ne nous dictes notre ligne de conduite.

Ce serait quand même mentir que de dire qu'il était indifférent à ce que Bellinda soit là. Qu'une personne, même inconnue, s'inquiète pour sa santé, qu'elle se demande si il était mort ou était blessé, cela faisait toujours plaisir. Même les plus grands solitaires finalement, ont besoin de leur lot relationnel. Derrière des caractères nerveux et asociables se cachent de profond malaise. Parler fait du bien, mais cela revient à avouer qu'on est mal et on revient à la même problématique de départ à savoir que le blond chevalier que voici avait de très grosses chevilles. Heureusement qu'il savait se tenir pour ne pas réagir de manière abusée car sinon il aurait bien été capable d'accuser Lili d'être la cause de sa chute. Le choc à la tête avait probablement évité une scène de ménage entre les deux protagonistes qui avaient des choses plus importantes à faire que de se crêper le chignon pour un oui ou pour un non.

Par exemple, il y avait un souterrain à explorer, des réponses à trouver à travers l'exploration de ce dernier et quoi de mieux qu'une lumière verdâtre pour s'y atteler? Marcher avec uniquement cette source lumineuse n'était pas pratique, surtout qu'il menait la marche et que la femme marchait en retrait par rapport à lui. D'un autre côté, elle savait manipuler sa lumière et lui non. Qui sait, si le chevalier posait la main dessus, la fiole exploserait peut-être? Une magie pouvait provoquer la réaction des éléments manipulés avec soin. Tant de possibilités et tellement peu d'envie de tergiverser à ce sujet que finalement, le chevalier préférait forcer sur ses yeux au risque de devenir aveugle très tôt dans sa vieillesse.

Tomber sur un cul de sac ne lui faisait pas plaisir. Très peu patient, on pourrait même dire que cela l'aurait terriblement agacé, si il n'y avait eu cette petite indication qui au moins leur faisait savoir qu'ils étaient chez Hullmat. Qui il était? Qu'est-ce qu'il faisait là? Pas la moindre idée mais depuis quand a t-on de la logique dans ce monde de toute façon?

"Donc nous serions tombés sur la tombe d'un rustre qui aimait se faire appeler le Juge. Enterré dans un tel coin, il ne devait pas délivrer des verdicts très aimables… Cela ne nous apprend donc rien, parfait!"

Jugeant qu'il n'y avait déjà plus rien à voir par ici, Orpheus repartait dans l'autre direction, sans même noter que Lili était restée en retirait à observer les écritures. Sans lumière, le chevalier se contentait de rebrousser chemin, aller voir de l'autre côté si il y était et constater que l'éboulement avait simplement coupé ce tunnel du reste de la tombe. Il était d'ailleurs fort à parier que leur précédent affrontement y était pour quelque chose. La poussière était encore en suspension dans l'air, provocant quelques éternuements doublés par des jurons. Saleté de varan, si il n'avait été là ils ne seraient pas bloqués! Vous n'avez pas oublié la tendance à accuser les autres n'est-ce pas? D'ailleurs, c'est à cause de Bellinda qu'était venu le varan mais le chevalier avait décidé dans sa grande bonté de ne pas l'associer pour cette fois aux conséquences physiques du combat.

Bref, c'est un chevalier penaud qui retournait de l'autre côté, troisième fois qu'il passait par ici, le chemin lui était bien familier sachant qu'il ne constituait qu'une vulgaire ligne droite. Etonnament, l'elfe était restée à observer le nom d'Hullmat. Etait-il si beau au point d'être hypnotisant? A sa question, le chevalier se pencha sur les inscriptions pour essayer de distinguer quelque chose. Pour un souci de lisibilité, il passa simplement le doigt sur la surface de la pierre pour retirer toute la terre et la poussière qui s'était déposée dessus. Pourquoi ne faisait-il pas de même pour ses vêtements? Pour la bonne et simple raison qu'il n'y avait jamais pensé. Clairement, une rose était maintenant visible. Cette dernière avait été peinte et il s'avérait clair qu'elle n'était pas peinte de rouge. La noirceur de l'âme, la noirceur de la rose des aigrefins. Lentement et surement, ils avançaient dans leur enquête!

"Tiens donc? Monsieur Hullmat le juge aigrefin, enchanté."

Et en terminant de "nettoyer" magiquement la surface de la rose, le doigt du chevalier la poussa, un déplacement imperceptible mais qu'il avait ressenti au dernier moment. Un mécanisme clairement audible s'enclencha brutalement. Le réflexe logique aurait été de sauter de côté de fuir mais le chevalier n'eut pas cette réaction. Au contraire, il observait les murs à croire qu'il pouvait voir à travers, il observait et tendait l'oreille en se demandant ce qui allait se produire. Et quand le sol se déroba sous leurs jambes, il pouvait se dire que rester là comme un idiot avait été l'un des choix les plus débiles qu'il ait pu faire dans son existence. Une série de jurons put accompagner la petite chute dans l'eau d'une fontaine se dressant en profondeur. Le chevalier s'en extirpa le plus vite possible, trempé jusqu'aux os et en grelottant à cause du vent frais qui traversait l'endroit. La fontaine était taillée de manière originale. Un homme debout tenant un marteau levé qui les aurait brisé si jamais ils étaient tombés dessus, et l'eau qui sortait de son… Bref, Orpheus détournait le regard de l'engin pour se rapprocher de Bellinda, s'assurer qu'elle ne s'était pas cognée quant à elle.

"Ca va aller?"

Non, il ne s'inquiétait pas pour elle, c'était une réaction tout à fait naturelle que de s'enquérir de l'état d'autrui venant de subir un préjudice à proximité. Ensuite qu'elle lui dise qu'elle s'était cassée le bras ou la jambe, le blondinet ne serait d'aucune aide à part en faisant une attelle en terre, une matière parfaitement adaptée à la chose cela va de soi. Au passage avec la chute il avait pu se purger de toute la saleté du voyage, un mal pour un bien.Mettant sous silence l'erreur qu'il venait de commettre parce qu'avec toute cette chute, on en oublierait presque que c'était de sa faute qu'ils venaient de se rapprocher du centre de la terre, Orpheus se contenta de dire:

"En espérant qu'on ne tombera pas plus bas… Allons donc piller la tombe de cet individu pour m'avoir causé autant de tord depuis que je suis arrivé là!"

Deux chutes à la suite, cela commençait à bien faire, vraiment. La question du "comment ressortir" ne se posait même pas car ce serait une source de problème pour la suite. Pour l'instant, ils pouvaient bien se permettre de choisir entre les trois couloirs qui s'offraient à eux. Quelque chose lui disait de toute façon que quelque soit le choix, ils allaient le regretter.

Quand même, surtout avec un nom pareil, il y avait peu de doutes possibles. A tous les coups ils avaient atterri dans le tombeau d'un aigrefin… Et si un aigrefin se faisait appeler le "Juge" il y avait fort à parier qu'il devait être pas mal partial. Du genre de personne qu'il valait mieux ne pas trop contrarier sous peine de se retrouver désigné coupable d'on ne sait quel crime ridicule mais suffisant pour provoquer une mort. Le nom ne lui disait peut-être rien mais elle ne doutait pas qu'il avait eu son petit temps de gloire du temps de sa vie… Une gloire certainement née de la violence et du sang versé. Et de ce qu'elle savait d'eux, ils pouvaient se montrer aussi vicieux dans la mort que de leur vivant. Ce monsieur Hullmat restai donc potentiellement dangereux, même si pieds sous terre depuis des éons. A tous les coups il avait du préparer sa dernière demeure en rigolant sur le sort futur des hypothétiques pilleurs de tombe qui auraient l'outrecuidance de venir farfouiller par chez lui. Ou les aventuriers malchanceux mais trop curieux qui passaient au travers de son plafond…

Un peu nerveuse, la jeune femme regardait plus autour d'elle que la rose que le chevalier était en train de nettoyer avec un peu trop de vigueur pour le mécanisme caché derrière. Du coup, elle ne vit ni n'entendit rien… Elle remarqua juste l'absence de mouvements de la part d'Orpheus, ce qui l'intrigua plus que le reste. Elle se rapprocha de lui, fixant à son tour l'inscription à la recherche de ce qu'il venait de voir de tellement passionnant qu'elle n'avait pas vu… La rose lui semblait plus propre, plus visible, mais elle ne voyait rien de nouveau par rapport à tout à l'heure… Il venait de peut-être de se rappeler quelque chose de précis et s'était figé sous le choc?

-Qu'est ce qu…

Bellinda n'eut pas spécialement le temps de finir sa question, le sol se déroba brusquement sous ses pieds. Rien n'est pire qu'une chute dans le noir, par surprise, sans que l'on sache de combien on allait tomber. La jeune femme n'eut que le temps de se préparer à un atterrissage musclé, au cas où, en priant très fort pour que ce ne soit pas trop bas et qu'elle ne se casse rien… Et puis il y avait ses fioles aussi, surtout celle qui leur prodiguait sa chiche lumière ! Au final elle se mit dans une position qui ne serait pas très confortable quand elle toucherait le sol mais qui épargnerait le contenu de sa sacoche. Au final, lorsque le chevalier vint vérifier dans quel état elle était, elle se trouvait à moitié roulée en boule autour de sa sacoche et avant un bras tendu haut au-dessus d'elle avec la bouteille lumineuse… Pas bien glorieux mais efficace. La mage n'eut aucune fiole de brisée. Par contre…

-On va faire…

En répondant dans un grognement, elle lui fourra la bouteille lumineuse d'office dans la main. Il suffisait juste de la tenir, elle était certaine que le chevalier en était capable… Puis, une fois les mains libres, elle essaya de sauver le reste de son sac… Parce que si elle avait réussi à amorti la chute en donnant de sa personne, elle n'avait pas prévu de se retrouver mouillée. Certains de ses ingrédients n'allaient pas du tout apprécier ce bain improvisé. Et elle n'avait pas apprécié non plus visiblement. Elle finit par s'extirper de la fontaine, laissant sur son sillage de longues dégoulinures d'eau et de jurons bien sentis. Bizarrement, pour une créature aussi frêle et "potentiellement" délicate, si on faisait abstraction des effets ravageurs que pouvaient avoir ses potions, le vocabulaire qu'elle employait à cet instant pour parler de l'aigrefin décédé aurait probablement fait blêmir le plus rustre des coupeurs de gorge sans éducation…

Mais d'un autre coté, il y avait de quoi !! Si elle n'avait rien de cassé ou de tordu son coccyx lui faisait un mal de chien. La moitié de ses ingrédients séchés avaient pris l'eau, elle ne pourrait plus faire qu'une seconde bouteille au lieu de deux de plus, sans compter les autres ingrédients qui la pénaliseraient par leur humidité. Si lors de leur arrivée "impromptue" ils avaient encore la possibilité de ressortir par où ils étaient venus ce n'était maintenant plus du tout à l'ordre du jour. D'une simple exploration curieuse on venait de passer à un "marche ou crève". Et puis elle était mouillée en plein courant d'air glacial…

-Arrête !

Le nez dans sa sacoche elle avait grogné avec mécontentement. Non pas après le chevalier mais, plutôt après le courant d'air qui ne faisait qu'empirer la situation… Comme s'il comprenait le message, celui-ci se détourna juste suffisamment d'elle pour lui éviter d'attraper la mort en baissant de trop de degrés sa température corporelle… Sa présence avait au moins un élément de rassurant, il signifiait la présence d'une seconde sortie. Mais en attendant, ce que disait le chevalier faisait bien plus échos à ce qu'elle avait envie de faire. Hullmat l'avait suffisamment gonflé sur le coup pour qu'elle ait envie de retourner son tombeau…

-Et il a intérêt à avoir des trucs bien dans sa tombe vu ce qu'il nous fait subir…

Sauf qu'ils avaient trois couloirs devant eux… Lequel choisir…? A bien y regarder, en précipitant un peu sa future cécité sénile, il lui semblait bien que celui de gauche offrait une faible lueur au bout du tunnel… Ce n'était certainement pas celui du jour mais l'état de sa mousse suffisait à la pousser dans cette direction.

-Je crois que y'a de la lumière par là…

Sans trop attendre l'avis du chevalier, sa dernière action les ayant précipité dans l'eau froide d'une fontaine au goût discutable, elle ouvrit la marche dans ce tunnel. Taillé à même la roche, les bâtisseurs s'étaient contentaient de lisser les parois sans apporter d'autres fioritures. Ils n'eurent pas besoin de marcher, surtout qu'ils descendaient légèrement, bien longtemps et la jeune femme avait bien raison. Il y avait bien une lumière au bout du tunnel… Celle dispensée par un champ de champignons géants et bioluminescents. Le tout dans une immense salle au plafond juste assez haut pour contenir les fongifomes…

Au moins tous deux étaient d'accord sur un point des plus important dans leur aventure: le nom de cet homme ne leur disait rien qui vaille. Alors là, pour être d'accord, ils l'étaient parfaitement. Ainsi, ils pouvaient se projeter dans l'imaginaire en se demandant ce que cet homme aurait pu faire pour obtenir ce titre, si il avait été vraiment un "juge" ou bien un parfait psychopathe d'aigrefins. Ils pouvaient même imaginer si ils le désiraient, ce qu'il aimait manger, comment il préférait ses côtes de boeuf, saignant ou à point. Autant est-il que le résultat était strictement le même. L'immobilité d'Orpheus aurait dû mettre la puce à l'oreille de Bellinda mais cette dernière, malgré ses origines elfes, ne semblait pas avoir saisi ce cliquetis mécanique et répété qui indiquait qu'ils allaient tôt ou tard ressentir des effets imprévus avec leurs corps. Des pointes auraient pu les embrocher du plafond ou des murs, le chevalier qui s'attachait comme un force-né à la vie aurait dû bouger. Peut-être qu'un énième sens lui soufflait que ce serait une bonne surprise, une petite frayeur pour une bonne raison. En tout cas, ils étaient déjà en train de tomber, de se mouiller, d'expirer soudainement lorsque leurs corps s'immergeaient dans l'eau froide.

Par chance, Orpheus n'avait rien de précieux alors il s'extirpait de là avec les cheveux plaqués sur le crâne et une démarche qui montrait clairement que la température n'était pas à son gout. Pour l'état de Bellinda, aucun souci. Elle semblait avoir mis la vie de son sac avant la sienne, le protégeant jalousement de son corps. Finalement, ça avait été la paonne réaction car elle avait pu préserver l'intégralité de ses possessions intactes. Sans ménagement, la femme lui fourrait la fiole lumineuse dans la main, accueillie d'une moitié de sursaut. Aucune recommandation, elle devait être moins dangereuse qu'il ne se l'imaginait. Toute aussi heureuse que lui d'être tombée là, Bellinda montrait enfin ses vraies couleurs.

De petits jurons semblables à ceux du chevalier, les voici sur un pied d'égalité et avec un même état d'esprit! Nerveusement, elle lui criait même "d'arrêter" sans qu'il ne sache quoi faire c'est pourquoi il s'efforçait de trembler le moins possible puisqu'il pensait qu'il s'agissait de ce qui la dérangeait. Après mure réflexion, qu'est-ce qu'il s'en fichait qu'elle était agacée par sa réaction naturelle? Finalement, le chevalier se remettait à trembler en tenant la fiole, constatant malgré tout un petit changement dans l'air.

Toujours enthousiaste, le chevalier en redemandait. La suite du spectacle! D'autres coups dans la figure! Il était complètement maso, il aimait souffrir et ressentir les quatre éléments à travers son être! L'attitude ronchonne de la femme était un écho à la remarque du jeune homme. Ils étaient tous deux dans un piteux état, mais ce n'était que physique. Aucune souffrance réelle ne leur avait été infligée et ils n'étaient que mouillés! Ce n'est pas ça qui allait rompre l'élan qu'ils avaient pris en descendant là de manière un peu forcée!

"Je sortirai son cadavre de sa tombe et je vous laisserai le cogner un peu si ça peut vous soulager."

Encore? Mais quel beau plaisantin cet Orpheus, cela se voyait qu'il avait fait l'école du rire avant d'être chevalier. Ignorant la lumière qui se faisait plus insignifiante dans la fiole qu'il tenait, le blondinet entama l'avancée en suivant les recommandations de Lili.Vers la lumière, qu'elle soit naturelle ou artificielle, ils auraient toujours plus de chance de parvenir à quelque chose. Le couloir monotone qui précéda la salle ne fut que sujet à quelques courants d'air, rien de bien nouveau. Ils étaient résistants, durs comme de la pierre, ils vaincraient l'adversité qu'importe les obstacles! Même un champ de champignons de les stopperait pas! Tous dégageaient une lueur mystérieuse ressemblant fortement à celle de la fiole et ce, avec diverses couleurs et formes pour obtenir un décor pittoresque et énigmatique. Cette plantation était-elle désirée? Aux vues d'un mur effondré, la nature avait surement pris le dessus sur les humains, ce qui signifiait que la tombe était abandonnée depuis bien plus longtemps qu'il ne l'aurait pensé. La poussée s'était adaptée à la forme de la salle, s'arrêtant au plafond sans le pousser d'avantage de leurs chapeaux mous. Des champignons et des particules flottants dans l'air.

"Et bien! Le mort devait être exigeant au niveau de la décoration…"

Tout au bout de la salle, il y avait bien une ouverture sur un autre couloir, cependant, de là où ils étaient, les deux n'avaient comme paysage qu'une succession de champignons. Loin d'être mycologue, Orpheus n'en reconnaissait aucun, surement parce d'ailleurs, parce qu'un n'était mangeable. Il ne remarquait pas non plus cette araignée géante aux pattes longues et fines qui se déplaçait de champignon en champignon, se fondant parfaitement dans ce paysage irréel. Le chevalier fronça soudain les sourcils en rendant la fiole à Lili. Une légère nausée s'était emparée de lui. Cette réaction n'était pas naturelle, beaucoup trop soudaine pour être une simple coïncidence.

Orpheus ne réalisa que trop tard que cette salle en elle-même était un piège naturel. La nature avait détruit les mécaniques pour les remplacer par des organismes pouvant tout autant nuire aux humains. Sans préparation, sans connaissance des plantes, Orpheus n'était que la parfaite victime des pollens et de tous les rejets de ces bolets géants. En plus d'altérer tout l'équilibre du jeune homme, les pollens s'imprégnaient bien plus profondément dans son organisme, allant même jusqu'à créer de premières hallucinations. Il y a dans ce monde, des substances qu'il aurait été préférable de ne jamais toucher. Cette salle en était remplie.

Tournant les yeux vers l'elfe, le chevalier ne voyait déjà en face de lui plus qu'un autre de ces fongiformes. A ses yeux, Lili était devenue un fongiforme. Son regard bleuté était fuyant soudain effrayé par ce monde oppressant. Où avait-il vu la beauté dans ces colonnes géantes? Ils étaient en train de se rapprocher, de l'écraser. Le chevalier se recroquevillait sur lui-même dans un malaise palpable Et comme à chaque fois qu'il faisait un malaise, son arme répondait à sa place, fendant le vide alors que par sa vision, il était en train de défendre chèrement sa vie.

"Ne m'approchez pas, sales déchets!"

Les créatures bulbeuses étaient en train de l'entourer et il continuait de mouliner dans le vide aux yeux de Lili, à moins qu'elle aussi n'ait été prise par les pièges de la salle dans quel cas l'avenir de ces deux aventuriers risquait d'être bien terne en compagnie du prédateur qui achevait d'observer avec satisfaction sa première victime s'épuiser toute seule pour pouvoir mieux la cueillir une fois épuisée.

Orpheus n'était pas de ceux qui cherchaient une explication logique à toute chose. Avec son vécu, il avait appris que dans ce monde de dégénéré, la logique n'avait pas toujours sa place. Alors des champignons qui dansent le tango tout en fumant la pipe, il n'y avait rien de plus naturel à observer. Ce monde s'était changé en véritable enfer en un clin d'oeil. L'esprit embrumé par les spores démoniaques, le chevalier n'avait même pas la vivacité d'esprit de se dire qu'il s'agissait là d'un piège, qu'il était probablement toujours dans la même pièce et que tous ces ingrédients potentiels à une potion de Lili, en étaient la cause. Lorsque tout s'écroule, il ne demeurait qu'une unique réponse: les armes. Sa vie avait été une succession de combat et de violence. Lui-même était brutal, allant même jusqu'à torturer lorsque cela lui permet d'obtenir ce qu'il voulait. Dans ce monde de brute, il est impossible de survivre sans un mécanisme naturel de défense. Et sans être un champignon, l'humain savait manipuler son esprit inconsciemment, pour obtenir la réponse adéquate le moment venu.

Maintenant qu'il était entouré de tous ces champignons armés jusqu'aux dents, il n'était plus question de reculer. Tous avaient vu des visages naître, des bras et des jambes pour compléter le tableau improbable. Ces créatures sortaient tous droits des songes d'enfant, d'un conte de fée si bien, que le chevalier s'enfonçait d'avantage dans les méandres de la folie. Plus il s'activait, plus il inhalait les spores. Plus il inhalait les spores, moins ça irait.

Le prédateur toisait ses proies de haut. L'une d'entre elle était entrée dans un état de rage folle tandis que l'autre avait des réactions bien moins poussées, ne ressentant pas moins les effets secondaires du milieu. Lui été né dans une des fissures. Il y avait vu s'allonger ses longues pattes, il avait appris à gambader parmi ces chapeaux multicolores et à chasser les rares insectes qui venaient s'aventurer là. Deux humains qui arrivent, il s'agissait d'une première. Ces derniers avaient l'air appétissant mais aussi très dangereux. Et puisque la prudence est une réaction commune à toute espèce, lui préférait observer avant d'agir. Très vite, il perdait de vue la femme, ayant fixé ses multiples yeux sur le chevalier qui menait une danse endiablée avec des êtres imaginaires. Ce petit homme ne voyait rien des alentours, il ne saisirait jamais la beauté de l'habitat du prédateur alors plutôt que de le laisser souffrir le martyr, ne serait-ce pas mieux de lui arracher la vie et de lui offrir un monde meilleur? Toutes ces pensées, l'araignée les avait, avec certaines nuances. Son esprit n'était pas aussi développé que celui des humains mais c'est ce qu'il ressentait probablement sur les grandes lignes. Des intrus sur son territoire, deux morts à ajouter à sa liste.

Ce qui était affolant, c'était que le blondinet avait beau trancher autour de lui, il voyait les armées se redresser toujours plus nombreuses, à croire qu'ils se multipliaient à chaque "mort". Lorsque même son arme se métamorphosa en serpent, il finit par la lâcher dans un sursaut, pris d'une migraine tenace et brutale. Titubant les mains sur la tête, le chevalier avait les yeux exorbités en fixant le sol. Sa respiration était lourde, il ne voyait rien de censé…

Le courant d'air qui traversait doucement la salle en emportant les dangers avec lui, l'air pur qui atteignait ses poumons, doucement, la migraine s'apaisait et sa respiration ralentissait. Quelle folie venait de le prendre, il se le demandait bien. Le monde coloré s'effaça progressivement devant ses yeux, alors qu'il essuyait de la manche son front trempé de sueur. Ses mains étaient prises de tremblement convulsifs et il les serrait pour essayer de contenir cette nervosité. Et quand son regard retrouva son éclat limpide, le chevalier faisait face à une bestiole peu amicale. Les deux pattes avant levées comme des lances s'abattaient sèchement vers lui.

"Ola! Tout doux!"

Son corps était comme anesthésié. Les réponses arrivaient à retardement. Lorsqu'il se disait "saute!", Orpheus se contentait de tomber mollement sur le côté, évitant de justesse de ressembler à une de ces brochettes qu'il s'était mangée récemment. Son épée était au sol non loin de Lili qu'il voyait recroquevillée. A quoi jouait-elle? Il était là, sur le point de devenir de la nourriture pour insecte et elle était immobile… Encore une fois, se débrouiller tout seul. Les autres étaient toujours des poids supplémentaires, il l'avait toujours su. Si seulement le blondinet savait qu'elle était celle qui avait sauvé son esprit de la folie, il n'aurait pas le même discours intérieur. Bravant donc les pluies de pattes tombant du ciel et campant comme un combattant dans des tranchées, le chevalier était en train de se trainer jusqu'à la lame blanche. Esquivant tantôt par des roulades qui achevaient de maculer ses vêtements de terre et de poussière, tantôt par de simples coups de chance, son objectif se rapprochait lentement, beaucoup trop lentement.

"Eh Oh! Lili!? Ca vous dirait de…"

Peine perdue, elle était dans son monde et lui était passé à deux doigts d'avoir un trou à la place du visage. L'araignée était en train de perdre patience. Il était petit mais rapide cet humain. Comment parvenait-il à esquiver tous ses assauts? A plusieurs reprises, ses pattes avaient brièvement écorché ses jambes ou ses bras mais ce n'étaient que des blessures superficielles, de simples coupures qu'il accueillait d'un juron ainsi que d'une petite accélération supplémentaire. Le temps passé à atteindre son arme ressemblait à des siècles et une fois la main posée sur la garde de son allié de toujours, enfin le chevalier se sentait complet. Voir un adversaire imposant en face, lui faisait repenser au varan. Tout à l'heure, c'était Lili qui avait fait tout le boulot, lui n'avait servi que d'amuse-gueule. Qu'importe ce qui était en train d'arriver à la femme finalement, il était le seul à pouvoir éviter leur mort commune. Se relever était un calvaire, faire face à un ennemi grand uniquement à cause de ses pattes, un peu comme les femmes et leurs talons, il était prêt, les tremblements s'étaient atténués.

En regardant bien, les araignées géantes étaient des créatures faciles à combattre. Par exemple, lorsqu'elle levait les pattes, Orpheus était prêt à bondir de côté, juste assez pour l'éviter, juste assez pour rester à porter pour la tranchée d'une tranche horizontale. Une fois l'esprit clair, il n'avait plus rien à craindre. Déjà, le prédateur sentait qu'il s'était frotté à une chose dangereuse. Avec une partie de patte en moins, il se sentait beaucoup moins sûr mais pas moins déterminé à obtenir son repas. Si seulement il agissait autrement pour attaquer, ses chances auraient été plus nombreuses. Finalement, le chevalier se précipita sous l'abdomen de l'araignée, dans son angle mort, là où elle ne pouvait pas l'atteindre et sur tout le long de sa course, laissa trainer son arme en l'air, découpant la chair et vidant la chose du liquide verdâtre qu'elle contenait en elle. Finalement, sans les bêtises hallucinogènes, elle n'était qu'une inoffensive petite créature qui s'effondrait. Le boulot achevé, Orpheus alla retrouver sa partenaire en s'agenouillant devant elle. Ses yeux l'observaient avec le plus grand sérieux du monde.

"Lili, vous m'entendez? C'est moi, Orpheus."

Avant de lui donner une bonne claque pour qu'elle retrouve plus rapidement ses esprits. Qui sait, elle était peut-être déjà consciente et ce geste n'était pas forcément nécessaire mais quand on est Orpheus on ne fait pas dans la dentelle n'est-ce pas? Ce n'est finalement qu'en levant le bras que le chevalier remarqua que son bras gauche était en sang. Une coupure plus profonde qu'il ne l'avait imaginé et le sang qui refusait de se coaguler à cause d'une substance présente sur les pattes de l'araignée. La quantité perdue depuis le début? Pas la moindre idée. En tout cas, le chevalier s'effondra contre la femme prostrée sans d'avantage de cérémonie.

Pour un fier combattant, il n'y avait rien de pire que les attaques mentales. Lorsqu'un ennemi invisible contre lequel on ne peut rien par l'épée se met en face, à part si il a de nombreuses ressources en réserve, immanquablement, il se fait dépasser par les évènements. La première danse du descendant d'Integral contre les ennemis imaginaires témoignait de son mental profondément altéré par l'environnement hostile et qui ne cessait d'empirer au fur et à mesure qu'il inhalait les doses d'hallucinogènes. Si il n'y avait eu Bellinda pour le couvrir, jamais Orpheus n'aurait pu faire face à l'araignée avec toute sa tête. C'est néanmoins avec de lentes réactions qu'il dut lui faire face, l'elfe étant prise par ses démons intérieurs. L'instinct de survie tenait le chevalier éveillé et lui permettait d'éviter de devenir une brochette au bout d'une des pattes de l'arachnide agacée et affamée. Se faire mettre en difficulté par si peu, le jeune homme avait de quoi être profondément frustré mais aucun temps mort ne lui était donné, si bien qu'il n'eut pas le temps de trop manifester son impuissance, concentrant toute son énergie à la récupération de son arme et à l'élimination du danger.

Ce dernier finit par s'écrouler avec bien des difficultés et non pas sans avoir laissé un petit cadeau de départ au chevalier qui ne le remarqua que quelques minutes plus tard, en essayant "d'aider" Lili à retrouver ses esprits. Le chevalier n'y allait pas mollo sur elle parce qu'elle était une femme, au contraire, la considérant comme son égal, il pouvait bien rougir un peu ses joues si au final le résultat y était. Cependant, avant de pouvoir profiter pleinement de son oeuvre, sa perte de sang de plus en plus sévère avait eu raison du fier destrier qui s'était dressé contre l'adversité malgré la différence de taille. Dans ce monde, celui qui désirait le plus survivre était vainqueur. Il n'y avait pas question de force ou de gabarit, bien que ces facteurs peuvent altérer les résultats. L'esprit des humains, leur manière de vivre leur vie, leur permettait de se dépasser constamment, d'utiliser les pourcentages de leur cerveau qui n'étaient pas utilisés en temps normal pour produire de véritable miracle. Bon pour cette fois, on ne va pas dire que la mort d'une araignée était un miracle mais l'idée d'ensemble est la même.

Dans l'inconscience, Orpheus avait laissé choir son corps lourdement contre celui de l'elfe qui le lui rendait bien sans qu'il ne sente de douleur. Tous les efforts qu'elle déployait pour l'éloigner des hallucinogènes, tous les outils qu'elle employait pour essayer de le nettoyer, il n'en avait pas idée, préférant jouer le grand rêveur. Après tout, dans le monde des songes, on s'amuse bien plus à gambader dans un champ ou à se prélasser dans un pré dans le plus tendre des ignorances, loin de tous dangers. Quand par contre la boisson venait altérer le rêve, le transformant doucement en paysage cauchemardesque, on a vite fait de se décider à se réveiller. L'orage qui s'abattait sur Orpheus tranquillement allongé dans son pré, les torrents qui se déversaient brusquement en le précipitant sous terre et la tasse qu'il prenait mentalement eurent pour effet de lui rendre la vue, se redressant brutalement en crachant ce qu'il pouvait du liquide ingurgité, la respiration haletante, le poux rapide et le regard hagard.

Qu'est-ce qu'il fichait là? Proche de lui, si proche de lui, il la sentait, cette femme qui lui avait attiré des ennuis mais qui avait produit tant d'efforts pour essayer de le remettre sur pied. En voyant son bras bandé, le chevalier comprenait par déduction qu'elle s'était occupée de ses blessures pendant qu'il se prélassait les pieds en éventail. Son corps était tellement faible, il ne réagissait pas comme il le désirait. Pour être honnête, être contre Lili et lui être redevable n'était pas des plus amusant pour le chevalier, lui qui n'aimait pas parler de dette et autre. Ce n'est pas pour autant qu'il ne respectait pas ceux qui l'aidaient c'est pourquoi il tenta de rouler lamentablement sur le côté en toussotant à cause du liquide qui passait de travers dans ses poumons et au gout discutable et améliorable.

"Bon sang! Je me sens patraque… Vous m'avez fait boire quoi là?! Je vous préviens, si ce truc me fait pousser un bras supplémentaire on risque de..."

Au premier abord, Orpheus était agacé de n'avoir reçu son aide pendant l'affrontement. Néanmoins, tandis qu'il combattait l'araignée, le chevalier avait fait de sorte que cette dernière ne remarque pas à un seul moment la silhouette recroquevillée de la femme, si bien qu'il avait une nouvelle marque de guerre à ramener ainsi. Protéger la femme, ce n'était qu'un geste inconscient tout de même preuve, qu'il y avait un bon fond sous les couches cyniques et détestables. En tout cas, si il était en vie, cela signifiait que les dangers d'en face étaient momentanément écartés. Néanmoins qu'on lui fasse boire des boissons sans son consentement n'était pas vraiment ce qu'il appréciait le plus, quand bien même le breuvage était vital pour lui sauver la vie. Avant que la colère n'aille bouillir un peu plus, le blondinet contrôla ses sauts d'humeur, de plus en plus espacés dernièrement mais qui le rendaient toujours aussi amical vis-à-vis des autres. Se sentant subitement un peu mieux, Orpheus n'avait d'ailleurs plus de raison valable de penser qu'un bras lui pousserait sur le ventre à la place du nombril.

"… je suis censé vous remercier n'est-ce pas?"

Une question qui était en elle-même un remerciement parce que le chevalier ne prononça pas de "merci" clairement, par entêtement ou par dignité on n'en sait rien. Ce n'est d'ailleurs pas parce qu'on est fier qu'on a besoin de se priver de petits signes de reconnaissance envers les autres mais faire la morale à Orpheus, c'était hurler dans l'oreille d'un sourd… Son regard passait de Lili à la salle. Il faudrait surement repasser par là et cette fois, ils seraient préparés pour toutes les éventualités possibles. Le chevalier se traina jusqu'au mur du couloir pour s'y adosser avec difficulté.

"Doit bien y avoir un moyen de traverser cette salle non?"

Courir comme des lapins, ils savaient bien le faire tous deux comme ils l'avaient fait lorsque le varan était à leurs trousses. Ensuite avec un petit tissu mouillé sur le visage cela devrait passer encore mieux. Le temps de retrouver ses forces et tous ses esprits, Orpheus serait opérationnel pour une petite course. Déjà, malgré la perte de sang conséquente, son corps réagissait bien mieux qu'il ne le devrait normalement, signe clair et évident que Bellinda ne lui avait pas fait ingurgiter une potion de charlatan à base de sueur de dessous de bras! Quelque chose de surprenant se produit soudain, un véritable miracle dans les profondeurs de la terre.

"… et vous Lili… est-ce que ça va mieux?"

Orpheus qui s'intéressait à l'état de la femme. Il faut croire qu'entre dix remarques désagréables, une sympathique pouvait filtrer par respect de quota.

Elle sentit qu'il était à deux doigts de se réveiller quand il commença à crachoter et toussoter. Cela lui laissa tout juste le temps d'éloigner la fiole pour qu'il ne la renverse pas et redresser la tête afin que son menton n'entre pas violemment en contact avec son crâne lorsqu'il se redressa brusquement. Positionnée comme elle l'était, le mouvement lui fit perdre l'équilibre et elle dut se rattraper à la parois en se freinant à l'aide de son coude. Elle serait quitte pour un bon bleu mais elle ne serait pas allongée de tout son long au sol… Le moindre élément positif était à prendre… Un rapide coup d'œil à la fiole lui apprit qu'elle n'était parvenue qu'à lui faire avaler que deux malheureuses gorgées. Ce ne serait pas suffisant, enfin… Elle préférait qu'il boive tout pour être certaine qu'il ne s'effondre pas après une fausse rémission. 

La mage rouge ne fut en rien offusquée de la sortie à laquelle elle avait droit dès son réveil. Elle était bien trop soulagée de constater qu'il était assez en forme pour râler pour faire la moindre remarque. L'elfe se dégagea plutôt, laissant le chevalier cracher tout son saoul alors qu'elle se relevait. Lorsqu'il aurait pleinement repris ses esprits et qu'il serait en état de l'écouter raisonnablement, elle lui ferait prendre la fin de sa médication, aussi désagréable fut-elle en goût. La jeune femme en profita pour jeter un œil vers la salle pleine de champignons… Visiblement l'araignée avait bien eu une vie solitaire puisqu'aucun nouveau danger ne semblait venir. Mais cela ne l'empêchait pas de rester vigilante.

Lorsque Orpheus lui sembla plus enclin à écouter, il venait de lui faire ce qui se rapprochait beaucoup à des remerciements, elle s'accroupit à ses cotés, vérifiant qu'il n'avait pas endommagé son bandage en roulant sur le coté. Pour l'instant il avait l'air de tenir bon et elle décida de le laisser en place. Il aurait probablement fallut qu'elle recouse mais elle n'avait pas spécialement envie de provoquer une nouvelle hémorragie en décompressant la plaie… La jeune femme lui tendit la fiole avec un sourire contrit. Même si elle avait un goût exécrable, elle était efficace. Il fallait vraiment la boire en entier…

-Vous êtes patraque parce que vous avez perdu beaucoup de sang. Faute de mieux je vous ai fait boire une potion destinée à vous renforcer, pour contrebalancer la faiblesse due à l'hémorragie et au poison de l'araignée. Ca revient à booster votre organisme pour qu'il se soigne seul. Mais pour que ce soit vraiment efficace il faut la finir et rester un peu tranquille histoire de pas dilapider ce surplus d'énergie pour des choses futiles comme tenir debout…

Ordre du médecin. Même si elle savait qu'elle ne ferait jamais le poids contre lui, elle était prête à s'asseoir sur lui pour s'assurer qu'il prenne suffisamment de temps pour pouvoir être sur pieds. De toute façon, ce n'était pas comme s'ils étaient pressés. Ils avaient de la lumière et de l'eau à proximité, ils pouvaient bien se poser quelques minutes non? Elle observa le chevalier avec l'œil critique d'une personne essayant de voir dans quel état se trouvait une autre avant de reporter son attention sur le champ de champignon responsable de pas mal de leurs soucis. La mage rouge aurait bien aimé pouvoir prélever de leurs spores… Elle était presque sure qu'associés à ses fumigènes, ils pourraient donner quelque chose de vraiment intéressant. Mais elle n'avait rien sur elle qui puisse les contenir sans qu'ils ne courent le risque de subir un nouveau bad trip… En cas elle ferait en sorte de revenir mieux équipée avec quelques collègues intéressés. Si elle en trouvait…

-En se protégeant le visage et en faisant vite, ça devrait pouvoir se faire.

La jeune femme avait déjà son foulard, il suffisait d'un simple morceau de tissu pour le chevalier. Elle irait bien les mouiller à la fontaine… Quand au reste, ils auraient juste à soigneusement s'épousseter lorsqu'ils auraient passé la salle pour s'assurer qu'ils ne rapportaient pas des spores à leur insu qu'ils pourraient inhaler lorsque leurs vêtements seraient secs… Elle sortit sa dague et coupa une bonne bande de tissu dans sa cape… L'elfe pourrait toujours en changer une fois revenue en ville, ce n'était pas le genre de détails qui pouvaient la traumatiser. Elle était déjà en train de se redresser pour aller vers la fontaine lorsqu'il s'enquit finalement de son état. Quels que soient les efforts qu'il déployait pour cela, il n'était pas complètement un mufle. La jeune femme eut un sourire en coin.

-Ca va mieux oui, grâce à vous parce que je n'aurai jamais réussi à vaincre une araignée géante moi…

Elle resta silencieuse quelques instants. Mine de rien il lui pesait de ne pas avoir pu l'aider… Et elle avait un peu l'impression que c'était sa faute s'il était blessé. Elle aurait du le prévenir avant pour les spores…

-En attendant reposez vous, je retourne à la fontaine et je reviens vite…

La bouteille de mousse avait heureusement roulé vers l'entrée dans la précipitation et elle put la ramasser sans avoir à s'exposer à nouveau aux spores. Cela lui permettrait de ne pas y aller complètement en aveugle… Elle la remua un peu pour raviver une dernière fois la lueur avant de s'avancer dans le tunnel, laissant le chevalier derrière elle. Même si elle sentit qu'elle remontait, ce trajet lui parut moins long que la première fois, probablement parce qu'elle savait à quoi s'attendre. cela ne l'empêcha pas de vérifier rapidement si elle était seule avant de se diriger vers la fontaine. Vu qu'une araignée avait élu domicile dans le champ des champignons, rien ne disait que les autres couloirs étaient bien vides…

Bellinda rinça soigneusement son foulard et le morceau de cape dans l'eau avant de les ressortir, dégoulinants. Les gardant  à bout de bras, elle refit le chemin inverse rapidement. Se retrouver seule dans ces tunnels, tout en sachant qu'elle avait laissé quelqu'un de blessé derrière elle, n'avait rien pour la rassurer. Elle ne pouvait s'empêcher d'imaginer des monstres tapis derrière chaque ombre et elle en vint à presser le pas sans même s'en rendre compte. Elle eut même l'impression d'être suivie, se retournant plusieurs fois pour constater que ce ne devait être que le fruit de son imagination galopante. Au final, elle revint auprès du chevalier en petites foulées, soulagée de retrouver la lumière verdâtre des champignons…

Le meilleur moyen de fermer la bouche d'un râleur est de le laisser parler sans lui donner aucune réponse, et donc par la même occasion, aucun raison valable au bout d'un certain temps de continuer à incendier la personne la plus proche sans nécessairement lui en vouloir. Lorsqu'on fait un excès de n'importe quoi, cette chose perd de sa valeur. Ainsi, les plaintes d'Orpheus n'étaient pas plus légitimes que la forêt l'était aux elfes. La femme ne semblait même pas s'offusquer face à ce déluge d'échardes de paroles à croire qu'en l'espace de quelques heures, elle avait déjà réussi à s'habituer à la présence du chevalier, assez pour vivre ses petites frénésies comme un décor ou une réaction parfaitement naturelle venant du blondinet. Heureusement que l'entêtement d'Orpheus ne le poussa pas à s'éloigner de Lili, ça aurait été un drame incommensurable. Seul, sans force, dans les profondeurs du canyon, il se serait fait croquer par le prochain prédateur. Ce qui le surprenait, c'était qu'au lieu de le réprimander, l'elfe était plutôt allée à l'essentiel, voir comment il allait nonobstant son caractère de cochon. Ils ne se connaissaient pas et elle faisait pourtant tellement d'effort. C'est surtout cette réaction qui l'avait freiné dans ses ardeurs et qui l'avait très vite remis à sa place. Orpheus esquissa une grimace de dégout face à la fiole.

"Ce gout répugnant colle encore à ma langue et vous voulez que je termine ce truc?"

Le regard de la femme ne lui laissait pas le choix, le genre de regard qui tue qu'on emploie pour signifier silencieusement qu'on le ferait avaler de gré ou de force. De mauvaise grâce, le grand garçon se saisit du médicament en tentant une approche olfactive qui s'avéra désastreuse. Finalement, l'avaler d'une traite était la meilleure solution. De l'eau, il aurait fallut beaucoup d'eau pour faire passer le gout exécrable qui était à nouveau en train de s'emparer de ses papilles. Tandis que la femme regrettait de ne pouvoir obtenir de cette poudre hallucinogène, le chevalier se remettait de sa blessure qui ne guérissait pas forcément plus vite. La potion avait eu le mérite de lui redonner un peu de patate, un effet temporaire qui lui retomberait surement dessus tôt ou tard. En attendant, pouvoir bouger comme bon lui semble alors qu'il s'était vidé de son sang était une chance qu'il saisissait volontiers. Cependant, le temps que le breuvage fasse vraiment tout son effet, il fallait être patient et ne pas trop user d'énergie pour rien. Par ordre d médecin, Orpheus était cloué au sol en attendant d'avoir un accord des autorités supérieures pour lever enfin son royal derrière.

"Prenez un bout de ma cape pendant que vous y êtes."

Avant qu'elle ne s'en aille, le jeune homme enquêta sur la situation de l'elfe tout de même pour voir si il allait avancer avec une autre estropiée ou non. Tandis que la femme allait donc s'occuper de leur futur passage en territoire hostile, le chevalier pouvait s'adonner à diverses expériences comme par exemple bouger son bras pour connaitre les limites qu'imposeraient la douleur. En général, Orpheus poussait le vice jusqu'à pousser un peu plus loin que la douleur, ce qui s'appelle repousser les limites humaines ou bien être idiot au choix. Son inspection s'écourta avec l'envie de se remettre sur pied. Très prudemment, le chevalier se redresser à l'aide de prises au mur, tenir debout et ne pas s'écrouler. Tout son corps fut traversé d'une vague de fatigue. C'était donc de ça qu'ils parlaient précédemment… La potion n'était qu'une manière d'éviter qu'il ne crève immédiatement. En aucun cas, il n'y avait de remède miracle et seul le temps lui permettrait de se rafistoler convenablement. Du temps, il voulait en passer ailleurs que dans les fonds d'un tombeau alors autant terminer rapidement. Son corps glissa lamentablement contre le mur, juste avant que Bellinda ne revienne histoire de faire comme si de rien était. Elle était pleine d'énergie, toute aussi furieuse que lui d'être autant malmené par quelqu'un censé être mort mais dont la dernière demeure laissait à désirer.

"En priant pour que l'autre côté de la pièce ne soit pas un cul-de-sac."

Chacun avait le tissu humecté sur le visage, chacun était prêt pour cette course au sein du danger. Orpheus ne se sentait pas si bien. Un peu plus de repos n'aurait pas été de refus. Mais le voilà en train de courir, de petites foulées parce que son souffle était bien plus court que d'habitude. Son corps d'humain refaisait surface, il lui faisait savoir qu'il n'était qu'un vulgaire mortel et que tôt ou tard, il succomberait à la faucheuse. Pas aujourd'hui, ni demain, ni après-demain, le chevalier était un effronté qui repoussait sans arrêt la grande faux. La preuve, il ne ralentissait pas une seconde, les yeux ancrés vers son objectif. A la fois arriver au bout, tout en restant auprès de Lili. Sans elle, il serait mort et aurait perdu connaissance au milieu des champignons, voué à la folie éternelle. Sans elle, il serait en train de se vider de son sang à côté de la carcasse d'araignée. Et puis, elle n'était pas si mal comme compagnie, même si elle lui avait ramené le varan. En somme, une femme pleine de ressources, capable de concocter des explosifs avec ses plantes et un Orpheus nombriliste et doué au combat, ils faisaient une belle paire.

"On y est arrivé! Pfiou!"

Arrachant précipitamment de son visage le bout de cape découpé, le jeune homme s'épousseta énergiquement avant de prendre appui contre le mur, l'air de prendre la pause alors qu'en réalité, il était encore épuisé à se retenir de cracher ses poumons. Avec toutes ces émotions, Orpheus était loin de se douter ni de sentir que quelque chose les suivait. Ils avaient simplement à avancer toujours vers les profondeurs, en espérant revoir très prochainement la lumière du jour, tombant à intervalle régulier sur des couloirs écroulés, des passages à peine praticable et encore, il fallait vraiment le chercher pour insister. Au bout du compte, aucun problème ne survint momentanément, leur permettant de prendre un peu de repos d'esprit jusqu'à la prochaine rencontre douloureuse.

"Des aigrefins qui s'amusent à creuser sous le canyon une tombe aussi grande. Ce juge devait vraiment avoir quelque chose de précieux ou bien ils voulaient vraiment qu'ils restent dix pieds sous terre à tout jamais."

Ce qui l'inquiétait le plus, c'était qu'à tout moment, les effets de la potion pourraient s'estomper et là, toute sa superbe vigueur deviendrait une espèce de mousse amorphe incapable de tenir sur ses deux jambes. Cet état, il voulait l'éviter si possible devant Bellinda, déjà qu'il avait obtenu son aide juste avant…
Une pression sur son épaule gauche le fit se retourner pour se retrouver nez à nez avec… rien. Bellinda se trouvait à sa droite et il était persuadé avoir senti quelque chose le frôler. Au bout d'un moment, ce phénomène se répéta à plusieurs reprises sur plusieurs parties de son anatomie, achevant de le mettre plus que mal à l'aise. Personne ne les suivait, rien ne les suivait, alors quelle était cette présence invisible et impossible à ressentir? Immédiatement, il se mit à presser le pas en faisant par tout bas de sa détresse. De toute façon, toute parole devait être audible par cette autre "chose" ou personne.

"Quelque chose ne tourne pas rond ici et je ne sais pas si ce sont encore des spores ou autre chose."

Malgré sa réputation désastreuse à la Tour Naturelle, elle ne s'emportait pas pour un rien… Le sortie que lui avait fait le chevalier n'était pas quelque chose de choquant à ses yeux. C'était peut-être un poil injustifié mais elle ne connaissait personne qui se réveille de bonne humeur d'une blessure avec en plus, le goût suspect d'une potion en bouche. Puis elle était suffisamment pragmatique pour savoir qu'il tait inutile de se prendre le bec avec un blessé alors qu'on est coincé en milieu clairement hostile et que la seule réelle force de frappe dont on dispose est le blessé en question… 

Lorsqu'elle revint vers lui, chargée des deux tissus imbibés d'eau, elle espérait qu'il s'était reposé. Vraiment… Elle n'était pas certaine qu'ils pourraient s'arrêter au calme les prochaines fois et elle ne connaissait pas les limites d'effet de la potion. C'était un paris qu'elle avait du faire, faute de mieux, et elle espérait vraiment qu'il attendrait qu'ils soient sortis d'ici avant de s'effondrer. Parce qu'à la surface, elle pourrait toujours se dépatouiller pour l'aider alors que coincée en sous-sol, ses possibilités d'action étaient dramatiquement réduites. Elle lui donna le bout de cape imbibé, surveillant qu'il l'appliquait bien sur son visage alors qu'elle même repositionnait son foulard. Elle remit même ses lunettes pour faire bonne mesure, elle avait déjà goûté aux spores de champignons et n'avait pas spécialement envie d'en refaire l'expérience… Il faudrait tout de même qu'elle fasse en sorte de revenir pour en prélever…

Ils traversèrent le champ fluorescent en petites foulées, restant alertes en ayant le souvenir encore vivace de la présence de l'araignée. Personnellement, Lili n'avait que très peu envie de voir un spécimen vivant de l'insecte et se contenterait du cadavre aux pattes repliées qu'elle avait croisé pour faire des cauchemars durant ses prochaines nuits. Mais plus que les dangers potentiels c'était le chevalier qu'elle gardait à l'œil. Leur course n'avait pas un rythme vraiment soutenu et le terrain n'était pas spécialement accidenté mais cela restait tout de même un effort physique important alors qu'il avait perdu beaucoup de sang. Ce qu'elle lui avait donné était destiné à doper son organisme pour qu'il puisse aller mieux, reproduire plus de sang en un court laps de temps mais ce n'était pas non plus un produit miracle. S'il en faisait trop il s'effondrerait comme une vieille chaussette… 

Lorsqu'ils parvinrent à atteindre l'autre coté, la jeune femme s'empressa de s'épousseter avant d'enlever foulard et lunettes, attendant quelques instants pour tout de même s'assurer qu'elle n'allait pas se mettre à voir ou entendre des choses étranges. Tout avait l'air normal et elle se permit un sourire… Peut-être se serait-elle abstenu si elle avait été plus attentive au champ de champignon et aux ombres qui le peuplaient. Notamment une qui semblait se diriger discrètement vers eux… Mais toute focalisée vers l'avancée de leur exploration, la jeune femme ne pouvait se douter que le potentiel danger viendrait de l'arrière…

-J'espère surtout qu'on aura pas à repasser par là pour ressortir…

La jeune femme prit quelques instants pour renouveler leur source de lumière. Le tunnel n'était pas spécialement droit et ils ne tarderaient pas à ne plus bénéficier de la luminosité naturelle de la salle. Avec cette nouvelle bouteille ils devraient pouvoir encore tenir quelques temps. Suffisamment pour trouver une flambeau… Avec un peu de chance… L'état d'Orpheus l'inquiétait un peu quand même. Il avait beau soigneusement dissimuler ce qu'il ressentait, l'œil de la mage rouge ne manquait pas de noter son teint encore un peu trop cendreux et gris à son goût. Si jamais ils croisaient des vampires ou des morts-vivants le chevalier avait une petite chance d'en réchapper en se faisant passer pour l'un des leurs… Sans compter que se perdre toujours plus profondément dans ce dédale n'arrangeait pas le morale de l'elfe. A chaque virage ou intersection qu'ils prenaient, elle essayait de laisser une trace distincte. Certaines des baies qu'elle transportait se révélèrent très utiles une fois écrasées… Cela lui permit de dessiner quelques croix et flèches au cas où ils auraient à revenir sur leurs pas…

-Ou alors ils aiment naturellement faire ch**r leur monde et ce sont dit que les pilleurs de tombes qui viendraient là auraient fier allure en se perdant dans leurs couloirs…

La mage commençait en avoir marre. Elle n'aimait pas être coincée sous terre comme ça. La jeune femme aurait probablement moins râle si elle ne s'était pas inquiétée pour le chevalier en fait, mais là, elle avait un peu l'impression d'avoir charge d'âme et elle n'avait pas envie de voir mourir Orpheus, tout désagréable avait-il pu être au tout début. A force de le surveiller du coin de l'œil, elle nota bien qu'il semblait mal à l'aise, il se tortillait, se retournait sans cesse… Mais la jeune femme ne sentait absolument rien. Si quelqu'un s'amusait à les frôler ce n'était bien qu'avec lui, laissant Bellinda parfaitement tranquille. Et elle non plus ne remarquait rien lorsqu'elle se retournait…

-Si c'est autre chose je ne vois rien…

A nouveau le chevalier put se sentir frôlé sans qu'il ne puisse apercevoir quoi que ce soit. Pas plus que la mage qui pourtant restait elle aussi sur ses gardes. Cela commençait à devenir oppressant de se savoir ainsi suivi sans pouvoir voir de qui ou de quoi il s'agissait… Et leu lumière bien que suffisante pour ne pas se prendre les pieds dans les aspérités du terrain ne permettaient pas de voir assez loin pour surprendre quelqu'un. Passé un temps la jeune femme décida de s'arrêter et de faire volte face pour voir si quelque chose arrivait… Rien… Quoi que… Il lui sembla déceler une ombre, quelque chose de fin se déplaçant très vite et qui l'esquiva. C'était tellement fugace que la jeune femme doutait de ce qu'elle avait pu voir…

-Hi hi hi !

La mage sursauta essayant de voir à qui appartenait ce rire, croisant au passage le regard du chevalier. Serait-il en état de se défendre s'ils étaient attaquer? En tous cas, quoi que cela fut, cela avait une voix et un rire. On devait bien pouvoir discuter avec non? Orpheus se sentit à nouveau frôler… De façon peut-être un peu plus insistante que les autres… Au niveau de son auguste derrière. C'était bien ça… Le fier chevalier était en train de se faire peloter par une main invisible.

-Mais tu es mignon même de là !!

La voi semblait provenir de juste derrière lui mais rien n'était visible ou palpable. Bellinda lança un regard circonspect au chevalier, ne comprenant pas de quoi la voix parlait.

-Montrez-vous à la fin !!

La réserve de Bellinda avait eu raison de l'humeur massacrante (pour changer) du chevalier qui avait préféré s'abstenir de s'éterniser sur le fait qu'elle lui avait sauvé la vie avec un breuvage douteux. Avec la suite, il avait eu tout le loisir de constater à quel point ce n'était pas une potion de charlatan et qu'elle ne l'avait pas embobiné avec de douces paroles. Les effets étaient présents mais il n'existait aucun miracle dans ce monde, aucune potion qui ne puisse donner d'un coup une brusque explosion d'énergie, du moins, pas aussi facilement. Pour obtenir toute chose, il y a un prix et ce prix qu'il payerait, serait une très grande fatigue une fois les effets dissipés, voire bien pire. Mais pourquoi penser à l'état déplorable dans lequel il serait dans quelques heures alors qu'il pouvait marcher le sourire sur le visage au milieu de champignons hallucinogènes qui pouvaient à tout instant le faire se retourner contre la femme qui était à côté de lui? Franchement, qu'est-ce qu'ils s'amusaient, on ne voyait vraiment plus le temps passer! A moins que ce soit tout le contraire…?

Le danger était encore vivace dans leurs esprits, un danger frais ce qui était d'autant plus un choc. Redoubler de prudence en revenant dans ce champ et ne pas s'y éterniser, voilà leur sage décision. Si la femme souriait à l'arrivée, lui ne trouvait même pas la force à lever le coin de ses lèvres. Tirer la tronche, c'est ce qui fatiguait le moins et ce qu'il faisait le mieux, bien qu'à force, on finissait par pouvoir lire sur son visage comme sur un livre ouvert, malgré la ressemblance frappante de la plupart de ses expressions faciales. La majorité étant des rictus, des moqueries, des colères ou des masques inexpressifs, on venait par contre se demander quand est-ce qu'il s'amusait concrètement.

"Je vous préviens, je préfère encore creuser un tunnel vers la surface avec une petite cuillère plutôt que de repasser au milieu d'un champ de champignons hallucinogènes!"

Faire semblant de déborder d'énergie était encore plus épuisant que de rester immobile. Pour ne pas trop montrer son embarras, Orpheus se remettait en route à contre coeur, vraiment. Une minute ou deux de plus contre le mur aurait été un paradis, mais cela signifierait qu'il devenait le poids de l'équipe qu'ils formaient, le boulet qui les ralentiraient. Hors de question, il serait à ce moment là mieux qu'elle l'abandonne plutôt que de lui faire subir l'affront de le voir comme tel. A plusieurs reprises, le mage rouge dessina des flèches sur les murs en espérant qu'ils retrouvent ces marques au retour si le chemin était le même. Le chevalier ne préféra pas faire de remarque à ce propos, au fond, ce n'était pas une mauvaise idée, bien que la majorité des sorties étaient souvent des courses contre la montre qui empêchait à tout aventurier de remarquer les marques qu'il aurait posé au préalable mais pourquoi pas? Cela ne mangeait pas de pain.

Comme il était soulagé de constater qu'elle pensait la même chose que lui. Tous deux, en avaient gros contre les aigrefins et leurs tombes et si il y en avait eu à portée, ils auraient vraiment ressenti ce qu'était la douleur avec un grand D. Par contre, à force de se faire tripoter à répétition, le chevalier se mettait à gesticuler de plus en plus fréquemment. Ne pas ennuyer un homme fatigué, fourbu par le voyage et les circonstances. Il en avait gros et n'avait pas besoin d'être taquiné en plus. Ce n'est pas pour autant que la présence étrangère se privaient finalement de le frôler de toute part. Cela en devenait presque outrageant à force, si seulement il avait eu une preuve physique devant lui. Au final, à force de se retourner et de gesticuler à droite à gauche, rien dans le collimateur. Si il s'agissait de Lili, ce serait une très mauvaise blague et il doutait qu'elle ait un tel humour. Et en même temps que Lili, le coeur du chevalier sembla s'arrêter une seconde avant de repartir au triple galop dans sa poitrine. Ce soudain rire qui provenait de nulle part et pour atteindre l'apogée, une main qui vient se poser sur son séant sans autorisation préalable.

"Bon sang, c'est assez agaçant de se faire tripoter le popotin par une inconnue…"

A côté d'une personne invisible, il aurait préféré que ce soit Lili qui fasse un tel geste. Au moins, il aurait une personne physique à gifler. Pour l'instant, il devait se contenter de l'autre qui les narguait sans encore dévoiler ses véritables intentions. Là pour s'amuser? C'est ce que prétendaient toutes personnes qui voulaient leur nuire à tous les coups pour les faire passer pour les méchants. "Oh j'étais juste là pour m'amuser et vous êtes venus me tuer, ce n'est vraiment pas aimable!", ce genre de discours lorsqu'ils faisaient encore les malins avant de s'apercevoir qu'ils avaient vraiment de quoi craindre pour leur derrière. Son derrière à lui était sollicité, mais ensuite, alors qu'il pressait le pas, il rencontra un obstacle physique. Le couloir était encore long et pourtant, il avait bien "quelque chose" contre lui. Des bras qui l'enlacent, un souffle sur sa joue et un petit rire cristallin.

"Combien de temps est-ce que vous avez encore l'intention de vous payer de ma tête…"

Soudain, alors que son visage n'annonçait rien, le chevalier tira un de ses couteaux en le tenant la lame vers le bas, tel le poignard qui s'abat pour donner la mort, contre ce corps invisible dont il était pourtant certain de l'existence. A dire vrai, ce qu'il rencontra acheva de le décontenancer. Rien, il n'y avait vraiment rien et pourtant, le contact était encore sur lui.

"Que t'arrive t-il mon mignon? Tu es fâché? Je ne suis pas assez bien pour toi? A moins que ce ne soit à cause d'elle, cette vieille sans aucun charme!"

Tout en disant cela, un coup de vent et il était à nouveau libre de ses mouvements, tandis que des mains invisibles étaient en train de soulever les longs cheveux de Bellinda avec mépris en l'observant de ses yeux invisibles.

"Tu es ignoble, immonde qui me vole mes jouets! Sale sorcière aux potions. Tu crois que je ne t'ai pas vu lui faire boire de ce poison lent? Il a l'air de se sentir mal depuis tout à l'heure non? Il y a bien une raison à cela."

Orpheus était de nature méfiante et la moindre possibilité, il l'avait déjà soulevée depuis longtemps. Cependant, en Lili il voulait avoir confiance, il espérait ne pas faire un mauvais choix en faisant cela et au pire, il la maudirait jusqu'à la fin des temps, rien que ça. En attendant, ils se retrouvaient dans une impasse et jusqu'à ce qu'ils puissent capter le vrai corps, si il y en avait un, il faudrait bien jouer le jeu. D'un regard, le chevalier essayait de faire comprendre à Lili qu'il ne la soupçonnait pas mais que juste pour la suite, il allait faire semblant. Et quand Orpheus fait semblant, il ne ménage pas ses mots.

"Ca ne m'étonne même pas. Cette garce qui déboule de nulle part et qui miraculeusement me fait tomber dans des champignons mortels en me laissant me battre seul contre une araignée géante. J'ai vu clair dans votre jeu depuis le début."
"C'est ça, ce n'est qu'une manipulatrice! Débarrasse toi d'elle! Si tu le fais, je t'amènerai voir celui que tu cherches depuis que tu es entré ici…"