ça alors ! une étoile ! Millénaire ! cette petite ! Ce n'était pas étonnant qu'elle soit si envoûtante. Une étoile à ses côtés ! Quelle classe !

« Oh, une étoile. Ouais, je vois le truc. Pas de quoi se vanter, c'est courant ici. »

L'air détaché, il entreprit de laver le linge. Comme il avait l'habitude de laver son propre linge assez souvent, il s'en sortait très bien, malgré ses airs de macho. Comme elle protestait sur sa taille :

« Toi, pas si petite ? »

Il posa un instant son ouvrage et la regarda en riant. Puis il posa sa main sur la tête d'Ilaria tout en se relevant, pour comparer les tailles.

« Mais t'es une naine oui ! »

Mince, le voilà qui commençait à gaffer. Il recommença à laver. Elle venait à peine de l'accepter, c'était pas le moment de faire n'importe quoi. Et puis d'abord, il n'était pas si taquin avec les femmes d'habitude. Il aimait rire avec elles, car "femme qui rit à moitié dans son lit" -et qu'on se le dise, ça marchait !-, mais il les taquinait rarement. Et encore moins de manière insistante. Qu'avait-il avec celle-là ? Peut-être était-ce le fait qu'elle avait l'air forte, une femme indépendante, et qu'il aimait bien que les femmes soient plus dociles, ou dépendantes de lui ? Peut-être était-ce le fait qu'elle lui résistait. Rares étaient celles qui lui résistaient, s'il en avait déjà rencontré. Cela l'intriguait, l'agaçait un peu.
D'ailleurs, maintenant qu'il y pensait, toutes les femmes dont il aurait pu faire ses conquêtes allaient penser qu'il était avec. Elles allaient être jalouses, et il ne pourrait plus les avoir. Il allait devoir leur expliquer cette histoire ridicule... Quoique le coup de la petite soeur, ce n'était pas si bête après tout. Si elles croyaient que c'était sa soeur... Mais non, Ilaria démentirait tout de suite ce propos. Il aurait pu mettre ça sur le compte d'une éventuelle crise d'adolescence de sa prétendue soeur, mais ce genre de mensonges à rallonge, ce n'était jamais une bonne idée.

« D'ailleurs, tu fais quoi de ta vie à part laver du linge et te faire attaquer ? », lança-t-il, cherchant encore à la faire réagir.

Alors que Mirilann se débattait avec Ilaria dans l'eau, son coeur était empli de joie.
La complicité, il ne l'avait pas vraiment connue avec d'autres gens que ses amis d'enfance (désormais perdus de vue) ou sa famille qui était au ciel. Et là, qui plus est, c'était avec une femme. Car malgré tout ce qu'il disait pour l'embêter, Ilaria représentait de plus en plus une femme à ses yeux, attirante et forte.
Habituellement, les femmes n'étaient que des proies pour lui. Elles ne lui résistaient jamais, et il les enchaînait à des fins sexuelles, sans jamais s'attacher. C'est pourquoi il ne voulait jamais les revoir trop de fois.

En ayant assez de se battre, épuisé, il saisit le poignet de la jeune chroniqueuse et se pencha vers elle.

« Assez, ton grand frère est fatigué. », lui chuchota-t-il au creux de l'oreille, de manière volontairement aguicheuse.

Il voulait la voir rougir comme une tomate, pour se venger d'avoir été gêné par son corps mouillé dévoilé à travers sa robe. Et puis, secrètement, il voulait qu'elle le désire...
Sortant de l'eau, trempé, il secoua la tête pour chasser cette dernière pensée.
Ilaria ne devait être qu'une femme de plus dans son lit, parmi les nombreuses autres. Rien de plus.
Il ne devait pas s'attacher.
Il ne voulait pas avoir quoi que ce soit qui le retienne, qui l'oblige à avoir des repères.
C'était du moins ce qu'il avait décidé après la mort des siens à cause de son père.
Aucune attache, aucune souffrance. Surtout en amour ! Il n'avait jamais aimé, sinon sa famille et son animal. Il avait consumé des feux de passion au lit, mais jamais il n'avait réellement aimé, et il ne le voulait pas. Aimer, c'était souffrir, il ne le savait que trop. Et il ne voulait plus perdre quelqu'un qui lui était cher.

Il essora ses cheveux verts comme il put.
Bon sang, il s'attachait vraiment à cette petite. Et il ne pouvait pas reculer, c'était sa promesse.
Soit il fuyait comme un lâche devant sa promesse et il ne pourrait plus jamais se regarder dans un miroir, mais il ne s'attacherait pas, soit il restait et s'attachait encore plus jusqu'à aimer l'étoile, et finirait par souffrir.
N'y avait-il donc aucun moyen d'empêcher l'amour ? De tous temps, les gens avaient cherché des philtres d'amour pour que leur bien-aimé les aime en retour, mais qui avait déjà cherché un philtre permettant de ne pas tomber amoureux ? Il ne voulait pas la détester, il voulait juste ne pas l'aimer... si seulement ils avaient pu être de simples amis...
Bah, de toute façon, elle ne s'intéressait pas à lui, c'était certain. Elle le dédaignait. Alors ce n'était pas la peine de se prendre la tête, cet amour serait impossible, et il finirait par ne plus rien ressentir qu'une envie fraternelle de la protéger.

Oui, tout se passerait ainsi, sans égratignures.

Il fallait dire qu’Ilaria s’amusait beaucoup, elle aussi. Et à vrai dire, cela faisait bien longtemps que ça ne lui était bien arrivé. Oui, très longtemps, si bien qu’elle ne souvenait même plus de quand datait la dernière fois, c’est dire. Elle venait à peine de rencontrer son chef, et d’atteindre un niveau supérieur en tant que Chroniqueuse, de nouvelles responsabilités s’ouvraient donc à elle. Preuve en était, Ishesar lui avait bien dit qu’ils se reverraient bientôt. Qu’est-ce qui l’attendait, elle n’en savait rien, mais elle devait se préparer à faire quoi que ce soit qu’il lui demande ... Dans la limite du réalisable bien sûr.

Soudain, Mirilann s’était arrêté. Perdue dans ses pensées, elle ne s’était même pas rendue compte qu’il s’était approché autant d’elle. Que cherchait-il à faire, en disant cela de cette façon ? La troubler ? Eh bien, il y avait réussi ! Ce Shaman la perturbait décidément un peu trop, elle n’avait pas l’habitude de réagir comme cela à la présence d’un homme. Elle baissa la tête pour ne pas avoir à croiser son regard ... Et cacher maladroitement la rougeur qui venait d’apparaître sur ses joues ! Lorsqu’il lui avait parlé, elle avait osé penser qu’elle pourrait le fatiguer autrement ... Si vous voyez ce que je veux dire ! Et ça, ça ne lui était jamais arrivé auparavant. Pour garder une contenance, elle s’éloigna et lui tourna le dos. Bon sang, comment allait-elle faire ? Elle était loin de se douter qu’il pensait au même genre de choses.

« Pour un grand frère, t’es pas bien costaud tu sais »

La fête était terminée, maintenant, ils allaient devoir reprendre un peu leur sérieux. Elle avait été stupide de le balancer à l’eau. Forcément qu’il allait en faire de même ! Et maintenant, il étaient tous les deux trempés jusqu’aux os, leurs vêtements leurs collaient à la peau, et de surcroît, ils n’avaient absolument rien pour se changer, et des vêtements gorgés d’eau, c’est plus lourd ! Ils allaient sans doute devoir repartir comme cela, elle ne voyait pas comment elle pourrait faire autrement.

Cela ne l’empêcha cependant pas de se mettre à rire soudainement en le voyant essayer de se débrouiller pour sécher ses cheveux tout emmêlés. C’est vrai que trempés, ses cheveux verts lui faisaient penser à un gros tas d’algues sur la tête. Il fallait dire qu’elle n’avait pas l’habitude de voir des cheveux d’une telle couleur, ce n’était absolument pas courant. Encore moins que ses propres cheveux blancs. Ilaria rassembla ses cheveux et essora les siens. Tant pis si ça coulait partout, de toute façon, trempée ou trempée, c’était exactement la même chose.

« Mirilann, il va falloir qu’on finisse d’occuper de ce linge, ça va qu’il ne reste plus grand-chose au final. On le fera sécher directement chez sa propriétaire de toute manière. Mais la question que je me pose, c’est comment nous sécher, nous. Tout est mouillé même si nous n’avons pas tout lavé ! »