A l'abri du froid [Neelahn]

Un épais manteau noir venait de recouvrir le continent, engloutissant chaque faisceau lumineux pour engourdir les quelques âmes en peine. Un froid inhabituel et mordant venait lécher le sol des différentes contrées de Nel Beraid, particulièrement Naturalia. Il ne manquerait plus que la neige et nous nous serions presque crus en hiver! J'avais horreur du froid. Déjà que j'étais frileuse rien qu'au printemps, l'hiver pour moi était un vrai supplice. Heureusement que j'avais une grosse boule de poil pour me réchauffer en permanence. Je reportais mon regard sur la dite 'boule de poil' qui ouvrait la marche à travers les venelles dansant à travers la ville de Naturalia, pressée de trouver un coin chauffé et parfumé. Les mains dissimulées sous des gants noirs en velours me permettaient de ne pas finir frigorifiée comme un pic de glace. Des vapeurs de brume s'échappèrent de mes lèvres, telles des danseuses exotiques en quête de liberté. Il était bien trop tard pour que je puisse retourner dans ma demeure sans le moindre encombre, aussi décidais-je de trouver une taverne pour me réfugier du froid ambiant qui embrassait les murs des hautes bâtisses qui s'érigeaient devant moi. Dissimulée sous une cape, je me fondais dans le décor, ôtant toute envie aux scélérats de jouer les fauteurs de trouble.

Vradash s'immobilisa aussitôt, me faisant presque trébucher. Je suivis son regard pour tomber sur les fenêtres éclairées d'une taverne où l'animation ne semblait pas manquer. Il n'y avait juste à espérer qu'elle n'était pas gorgée jusqu'à ses implantations. Je ne tenais pas à être compressée comme un asticot. Après un soupir las, je m'introduisis dans la bâtisse en chaume et en bois, balayant les coins d'un regard qui se voulait minutieux. Ma présence passa inaperçue parmi cette foule agitée, et je pus m'y promener sans encombres. La chaleur du foyer m'enivra instantanément, m'aspergeant d'un profond soulagement. Vradash était sur mes talons, le regard menaçant sur quiconque osait s'approcher d'un poil trop près de son magnifique pelage d'hiver et de sa maîtresse, moi en l'occurrence. Je m'installai à une table libre, peu friande des plaisanteries que braillaient ces vulgaires personnages, et commandai une bière.

Une fois que j'eus la certitude qu'aucun d'eux ne viendrait m'irriter, j'eus tôt fait d'ôter ma cape, savourant avec avidité le confort de cette taverne dans laquelle il m'arrivait souvent de me poser après de longs voyages. En attendant ma bière, je tripotai distraitement les replis de ma longue robe en satin noir, jetant de furtifs coups d'oeil autour de moi. Diable, je ne supportais guère ce tas d'ivrognes bruyants comme des sangliers, et une légère sensation de nausée me fit sentir que je ne resterais pas longtemps sous ces poutres en bois pantelantes. Je fus vite servie, savourant avec une gourmandise non feinte ma bière.

« Excusez-moi, est-ce que je peux me joindre à la partie ?
_ Tu as de quoi parier ? »

On lit rit au nez. Une femme toute frêle qui voulait jouer aux dés… C’était plutôt inattendu !

[ « Oui, j’ai de l’argent !
_ Ah ouais ? Avec les muscles d’asticot que tu as, tu veux nous faire croire que tu as de quoi jouer ? »

L’elfe sortit de sa poche une petite bourse en cuir qui avait l’air bien remplie. En réalité, ce furent les économies qu’elle s’était fait en vendant divers produits au marché de Naturalia. Les druides auraient été probablement furieux en la voyant miser leur argent pour jouer. De plus, ce n’était pas n’importe quel jeu. C’était un pur jeu de hasard ! Il fallait être complètement fou pour vouloir miser son argent sur quelque chose d’aussi aléatoire !

« Merci ! »

D’un coup de coude, Neelahn poussa gentiment un gros lard pour s’asseoir devant la nouvelle partie qui débutait.

« Je commence ! »

A nouveau, les hommes présents à la table de jeu lui rirent au nez. Mais puisqu’elle tenait à jouer, autant la laisser faire ! Ah ! Ce qu’ils avaient hâte de voir la tête qu’elle ferait quand elle n’aurait même plus un vêtement sur elle pour pouvoir payer ses dettes !
Mais à la plus grande surprise de tous, son score obtenu avec les dés fût bien supérieur à celui de son adversaire. Elle remporta la mise. Ils pensèrent tous que c’était la chance du débutant. L’homme assit en face d’elle haussa les épaules et relança les dés. Il n’avait pas encore perdu, puisque la partie se faisait en plusieurs manches.
La deuxième fois, le score de Neelahn fut inférieur à celui de son adversaire. Ce fût la seule fois de toute la partie. Elle remporta le jeu haut la main. L’homme se renfrogna pendant que ses « amis » se moquèrent de lui. Il avait perdu contre une femme. Macho, il demanda – le terme exact aurait été « ordonna » mais il avait tout de même ajouté un « s’il vous plaît » à la fin de sa phrase – à Neelahn de rejouer avec lui. Se disant que le jeu présent ne lui portait pas beaucoup de chance, il décida de changer les règles. La druidesse, trop heureuse de pouvoir jouer, ne vît aucun inconvénient.

« Par la sanglante gorge ! Je ne tolérerai pas les tricheurs ! »

Une nouvelle fois, l’elfe réussit à battre son adversaire à plate couture et cela ne plu pas à ce dernier. Elle lui assura qu’elle n’avait pas enfreint aux règles et qu’elle les avait toutes suivies comme il les lui avait expliqués. Il hurla que ce n’était pas possible, qu’il ne perdait jamais à ce jeu là. Finalement, la partie fût rejouée et on demanda à Neelahn de retrousser ses manches avant de lancer les dés. Encore une fois, elle gagna.

« Que cent diables te sautent au corps ! Misérable sorcière ! »

L’homme se leva et parti prendre une chope de bière pour oublier sa cuisante défaite. Le sourire jusqu’aux oreilles, Neelahn ramassa la mise qu’elle venait de gagner. Elle chercha ensuite quelqu’un d’autre avec qui jouer. Et beaucoup d’hommes répondirent présents…

[Je retourne à la 3ème personne]

Se délectant du goût amer de la bière que ce poltron venait de me servir, elle fut assaillie par des frissons électriques. La froideur de la substance n’était pas à son goût et elle eut tôt fait d’appeler ce poltron de serveur pour lui offrir un verre de lait chaud. Un large sourire moqueur étira ses lèvres gercées, ses pupilles brillaient de sournoiserie. « Alors ma p’tite dame, on ne supporte pas la bière ? » Ce par quoi elle se contenta d’arquer les sourcils, tapotant du bout des doigts la table de bois sur laquelle elle s’était adossée. Elle lui offrit un vent magistral, l’envoyant balader derrière son comptoir, penaud. Elle n’était pas du genre à jouer l’ironie, préférant jouer la touche de la froideur. Il était inutile d’entrer dans son jeu futile qui se serait révélé être une véritable perte de temps. Un fin sourire lécha ses lèvres pulpeuses lorsque ses mains épousèrent la chaleur qui émanait du verre. Le bout de ses doigts rougit lentement, lui offrant une indéniable satisfaction. Elle aimait ce contraste de température, et tandis qu’elle se laissait distraire par tant de futilité, son ouïe fut attirée par les beuglements excessifs de ce qui semblait être un homme, mais soyons réaliste, il avait plus l’allure d’un bœuf qu’autre chose. Ses prunelles chatoyantes dévisagèrent le gros gaillard avant de rejoindre la source de toute cette agitation. Un groupe d’hommes baignés dans un jeu, rien d’anormal sauf si on tenait compte de la présence féminine qui siégeait avec eux. Sa longue crinière de blé attira aussitôt son attention. Il était assez curieux de trouver une créature comme cette jolie muse en ces lieux sordides où vulgarité était le maître mot. Une envie de jouer l’assaillit comme un courant d’air, des picotements vinrent lécher les extrémités de ses doigts, comme un besoin irrésistible. Cela faisait bien longtemps qu’elle ne s’était pas mêlée au commun des mortels pour quelques distractions. Certes, elle n’aimait pas être étouffée par tant de foule, mais la présence de la jeune femme lui suffit à rejoindre cette petite troupe exubérante. Fin stratège et douée de réflexion, Sigrid a toujours privilégié l’esprit à la force.

« Je joue » se contenta-t-elle de dire en s’imposant entre deux gaillards bien bâtis avec qui elle avait déjà eu l’occasion de jouer dans un passé récent. Leur grimace lui laissa supposer qu’ils n’avaient toujours pas digéré leur cuisante défaite. Elle les ignora royalement et posa son regard ambré dans celui de celle qui avait éveillé son intérêt, son verre de lait en main. Quelques ricanements lui parvinrent à l’oreille, mais ils n’étaient qu’une sourde mélodie, et Sigrid ne désirait qu’une chose, jouer avec la jeune femme. Elle n'était pas douée pour les relations sociales, et ne savait jamais comment aborder les gens, aussi se montrait-elle parfois un peu rentre-dedans.

Ohlala ! C’était la première fois qu’elle voyait autant de monde se bousculer pour jouer avec elle ! Décidément, elle était populaire ! Mais alors que ses adversaires se bousculaient, une jeune femme s’imposa. Elle tenait un verre de l’air à la main…

« Honneur aux dames ! »

Évidemment, certains joueurs potentiels se mirent à grogner de mécontentement. Ils trouvaient cela bizarres. Et de manière générale, les gens n’aimaient pas l’étrangeté sauf s’il s’incarnait dans une femme. Et deux femmes qui jouaient ensembles dans une taverne, c’était assez peu commun ! Certes, les femmes aussi jouaient mais en général, elles faisaient cela bien au chaud chez elle, accompagnées de petites douceurs et de ragots.

« Je mise une pièce d’or et dix pièces d’argent. »

Un sourire radieux sur le visage, elle déposa sa mise au centre de la table. Avec les parties qu’elle venait de gagner, elle avait amassé une coquette petite somme, suffisant à la nourrir pendant quelques semaines sans lever le moindre petit doigt. Et puis, pour elle, l’argent ne manquait pas. Dans le désert, elle avait réussi à trouver un trésor. Désormais, elle était riche. Peut-être pas autant qu’un roi ou un noble mais sa fortune était tout de même assez considérable. Et le plus drôle dans l’histoire, ce fut qu’elle n’en était même pas consciente puisqu’elle ne connaissait pas encore réellement la valeur de l’argent…

Tigrou, qui jusqu’à présent était terré sous une table, daigna sortir sa tête. Il s’approcha de Neelahn, visiblement intrigué par sa nouvelle adversaire. D’un pas nonchalant, il vînt s’asseoir à côté de son amie et jaugea l’inconnu du regard.
Pendant ce temps là, l’elfe poussait les dés dans la direction de la jeune femme. Elle se demanda un instant s’il n’aurait pas été plus amusant de faire une partie de cartes. Après tous, lancer des dés, ce n’était pas forcément très passionnant.

« Depuis que je suis à Naturalia, je ne bois plus beaucoup de lait. Mais j’avoue que de vous voir avec un verre, ça me tente. »

Elle demanda alors à l’un des hommes qui l’entourait s’il voulait ien aller lui chercher un verre de lait. Évidemment, elle se reçut un non catégorique dans la figure. Mais au lieu de se vexer, elle se contenta simplement d’hausser les épaules.

« Bon hé bien… jouons ! »

Sigrid ignora superbement les gueux qui sévissaient à ses côtés, préférant ne pas mettre de l'huile sur le feu pour ne pas blesser leur orgueil et leur fierté. C'est qu'elle tenait à retourner chez elle sans avoir semer trop de troubles dans ces esprits d'ivrogne. Ses doigts fleurirent sur le bois usé de la table grossière, et alors qu'elle savourait intérieurement l'idée de jouer avec une jeune femme qui saurait sans aucun doute manier avec plus de finesse et de stratégie les règles du jeu, elle s'offrit une nouvelle gorgée de lait qui n'était plus vraiment chaud, mais tiède. C'était moins agréable, surtout par une soirée fraiche comme celle-ci, mais elle s'en accommoderait. La donzelle qui lui faisait face ne semblait pas irritée par sa présence, et sa bonne humeur eut raison de la mage noire qui trépignait d'impatience. Elle sortit une petite bourse dissimulée sous sa cape et déposa deux pièces d'or et neuf pièces d'argent. Perdre de l'argent ne lui faisait pas peur, elle possédait assez de richesse pour vivre dans le confort pour quelques années, non, c'était au cœur même du jeu qu'elle se sentait vivante, et c'est bien pour ça qu'elle acceptait de jouer en misant des sommes qui pourraient sembler astronomiques pour certains souillons. Elle pouvait entendre des murmures s'élever dans son dos, les hommes étaient ivres de fortune et salivaient à la vue de quelques pièces. Une nouvelle fois, leur protestations muettes ne franchirent pas la barrière de ses tympans, s'évaporant en silence lourd de sous entendus.

« Et voici ce que je mise »

Elle fut attirée par l'arrivée d'un magnifique tigre au pelage d'hiver, celui-ci lui fit instantanément pensé à Vradash, son compagnon de voyage. Vradash était un lion adulte au pelage aussi blanc qu'un voile de flocons de neige. Étrangement, elle se prit de sympathie pour ce félin qu'elle ne connaissait pas, mais sa simple présence suffit à la mettre à l'aise, et un fin sourire énigmatique vint lécher ses lèvres rougies par la chaleur passée de son lait. Néanmoins, la belle muse vint à se demander où se cachait son ami. Elle balaya ses pensées gorgées d'inquiétude pour reporter son attention sur son adversaire. Cette soirée n'était décidément pas comme les autres...

« Vous avez là un charmant compagnon. Quel est son nom? »

La remarque de l'inconnue lui arracha un sourire sincère, rares étaient les Hommes amateurs de lait. Il paraît que c'est réservé aux ringards. Sigrid n'a cure de ces ragots et se contente de satisfaire ses propres plaisirs. Ce qu'elle préférait boire, c'était le lait chaud accompagné d'une cuillère de miel, ce subtil mélange était une pure merveille sur la lange et dans la gorge. Le refus brutal que cracha l'un des hommes au visage de Boucle d'or, c'est ainsi qu'elle allait la surnommer, ne plut guère à la mage noire qui jeta un furtif coup d'œil au serveur qui gisait derrière le comptoir, peu enclin à semer le doute quant à ses idéaux. Néanmoins, le regard menaçant que lui fit la mage noire fit tomber toutes ses barrières, et il apporta hâtivement un verre de lait à Boucle d'Or. Sigrid avait déjà été en confrontation avec ce scélérat, ce dernier a vite compris qu'il valait mieux la caresser dans le sens du poil.

« Je vous l'offre! Rien de tel qu'un bon verre de lait pour commencer une partie. A vous l'honneur! »

Ah ! Voilà une vraie joueuse ! D’habitude, les gens avaient coutumes de miser très peu, comme s’ils savaient qu’ils allaient inéluctablement perdre. Mais alors, dans ce cas, pourquoi jouer ? Quel plaisir y avait-il de lancer les dés si l’on connaissait déjà la fin de l’histoire ? Pour Neelahn, ce qui était amusant, lorsqu’elle jouait, ce fût justement le fait qu’elle ne savait jamais comment allait se dérouler la partie (même si elle gagnait les trois quart du temps).
Un sourire éclairant son visage, l’elfe était ravie de voir que son adversaire avait misée autant qu’elle, voire même un peu plus. La partie s’annonçait très captivante !

« Il s’appelle Tigrou. »

Ce fût l’une des rare fois qu’une personne n’appela pas le tigre par « animal de compagnie ». Rien que pour cela, la jeune femme monta d’un cran de plus que les autres dans l’estime de l’elfe. Elle se demanda alors si cette inconnue vivait dans la forêt car il semblait que les citadins considéraient tous les animaux comme des petites bêtes capables de vous amuser en allant chercher un bâton ou en se laissant caresser au gré d’un ordre émie par une personne. Bref, pour la plupart des gens, les animaux étaient des sous-êtres simplement capable de leur remplir le ventre, de les habiller ou de les distraire. Seuls les enfants semblaient leur montrer un peu plus d’affection et de respect. Mais ce n’était pas toujours le cas.

« Hé bien, je dois avouer que je suis très contente de vous rencontrer ! »

Prenant le verre de lait à deux mains, Neelahn souffla dessus et contempla les volutes de fumée qui s’en dégageaient. Depuis qu’elle était sortie de la forêt, elle avait pu goûter à diverses boissons mais il fallait bien avouer que le lait, c’était ce qu’il y avait de mieux (surtout avec un petit morceau de gâteau ou de tarte).

« D’accord, je commence ! »

D’un geste vif, la chanceuse lança les dés sur la table. Penchant la tête vers l’avant pour regarder son score, elle entendit quelqu’un lancer un « tricheuse ! » derrière son dos. Elle haussa les épaules, se disant que la plupart des gens étaient très mauvais joueurs. Après tous, elle avait tout fait pour prouver aux autres qu’elle n’enfreindrait pas les règles. Elle avait retroussé ses manches, lancer les dés bien comme il fallait pour que tout le monde les voie tomber, … Elle ne voyait pas ce qu’elle aurait pu faire de mieux.

« A vous ! »

Et pendant qu’elle attendait que son adversaire joue, elle reprit son verre de lait. Elle se délecta de la chaleur qui réchauffait ses mains et après avoir humé les effluves, elle se permit de boire une petite gorgée. Elle songea alors à sa petite part de tarte ou son petit morceau de gâteau…

« Il ne manque plus que des chaises rembourrées et une chandelle et les tables de jeu ne seront plus celles que nous aurions connu jadis… lança un plaisantin en regardant Neelahn siroter son verre.
_ Et nous n'aurons plus qu'à nous travestir pour pouvoir jouer. » répondit un autre.

Sigrid observa ledit Tigrou avec une pointe de tendresse. Un nom qui laissait suspecter avoir affaire à un bébé, mais il n’en était rien lorsqu’elle suspecta la maturité du félin. Si elle n’avait pas été entourée par tant de populace, elle se serait volontiers laissée rattraper par ses envies affectives, offrant à cette magnifique créature une affection inconditionnelle. Frustrée par l’absence de Vradash, elle se contenta d’ingurgiter d’un coup le fond de son verre, laissant le liquide blanchâtre s’immiscer jusque dans le fond de sa gorge, lui offrant une sensation de douceur.

Elle réprima un sourire d’autosatisfaction.

« Tigrou, enchanté… Dommage que Vradash n’est pas ici, il se serait sans doute bien entendu avec votre ami. »

Elle promena son regard du tigre sur la jeune femme, lui laissant l’honneur de commencer la partie. A vrai dire, elle détestait être la première à jouer et s’abstenait au mieux de le faire. Ses prunelles sombres détaillèrent minutieusement les moindres gestes de son adversaire, allant même jusqu’à observer les traits de son visage anguleux. C’était une manie qui mettait souvent mal à l’aise les autres joueurs, mais selon elle, c’était une nécessité pour jouer. Combien de fois n’avait-elle pas démasqué les sombres desseins d’un tricheur ?

« Vous m’envoyez ravie. Ce n’est pas tous les jours que j’ai le plaisir de tomber sur une charmante créature comme vous. D’ordinaire, je ne croise le chemin que d’insignifiants vermisseaux prêts à vous duper… »

Finit-elle en jetant un regard noir aux hommes qui les entouraient, ceux-ci comprenant parfaitement l’allusion qu’elle venait de faire. Ils froncèrent les sourcils et ne manquèrent pas de critiquer les deux donzelles, peu enclin à rester silencieux face à cette présence féminine qui semblait être de trop pour leur fierté et leur orgueil.

« Bien, à moi ! »

Elle lança à son tour les dés, ceux-ci dansèrent sur la table de bois, laissant derrière eux quelques échos platoniques. Egalité.

« ça commence bien »

Vradesh… C’était un très joli nom mais Neelahn se demandait s’il s’agissait d’un animal ou d’une personne. Quoi qu’il en soit, c’était la première qu’un non-druide avait l’air de considéré les animaux comme des êtres sachant faire autre chose que de divertir les gens en allant chercher une branche d’arbre ou en se laissant docilement caresser. Évidemment, Neelahn adorait serrer le tigre blanc dans ses bras mais elle ne le traitait pas comme un être inférieur. Souvent, elle lui confiait tous ce qu’elle avait sur le cœur. Tigrou ne répondait pas toujours mais il était là et l’écoutait (ou pas).

L’elfe battit plusieurs fois des paupières lorsque son adversaire la jaugea du regard, comme si elle voulait s’assurer qu’elle ne trichait pas. Elle se sentit mal à l’aise mais laissa la femme la regarder. Ses gestes étaient amples et fluides. Il fallait vraiment être mauvais joueur pour croire que Neelahn trichait. Quoi que. D’une certaine manière, utiliser son pouvoir pour gagner relevait de la tricherie mais pouvait-on en vouloir à quelqu’un qui possédait beaucoup de chance ? Quoi qu’il en soit, la blondinette n’avait toujours pas conscience de sa capacité à appeler quand elle le voulait sa bonne étoile. Donc, même si certains considéraient qu’elle trichait, on ne pouvait cependant pas lui reprocher de le faire exprès…

« Oh ! C’est la première fois que ça m’arrive ! D’habitude, soit je gagnais, soit je perdais. »

Un peu extrême lorsqu’elle jouait, il ne lui était encore jamais arrivé d’être à égalité. Fascinée, Neelahn pencha son nez au-dessus de la table. Certains hommes rirent, pensant qu’elle était en train de recompter les points sur chaque dé car elle n’avait pas apprécié de n’avoir pas gagné.

« Vous jouez vraiment bien. »

Dans un jeu de hasard, pouvait-on vraiment dire qu’une personne jouait bien ? Pour Neelahn, il semblerait bien que oui.
Ramassant à son tour les dés, elle les lança sur la table. Après avoir laissé tout le monde consulter son score, elle les poussa en direction de son adversaire tout en se disant que ça serait amusant si elles faisaient encore égalité.

« Au fait, je crois que nous nous sommes toujours pas présentés ? Moi, c’est Nee…
_ Oh toi, on s’en fiche de comment tu t’appelles, la blonde. Arrête de parler et laisse l’autre jouer.
_ Oh ça va ! C’est pas marrant si on ne peut pas parler.
_ Ah les femmes ! Toutes les mêmes !
_ Hein ? Quoi ? Qu’entendez-vous par là ? »

Étonnée, Neelahn se retourna vers l’importun. Mais de quoi parlait-il ? Qu’est-ce qu’il reprochait aux femmes ?

Son adversaire ne semblait pas avoir l'habitude de tomber ex-æquo, et c'était la même chose pour la mage noire qui observa d'un œil critique le résultat de leur première partie. Bien, la suite des évènements s'annonçait alléchante. Sigrid avait comme l'impression que la jeune femme n'était pas un concurrent à sous-estimer. Enfin un joueur à la hauteur de ses espérances! Un sourire avide et satisfait naquit à la commissure de ses lèvres rougies par la chaleur du lait qu'elle venait d'entamer. Néanmoins, elle espérait remporter la mise, elle n'avait pas pour habitude d'être mauvaise joueuse puisqu'elle gagnait tout le temps...Espérons que sa bonne étoile soit de son côté en cette soirée festive.

« Eh bien nous sommes deux alors! Voilà qui devrait pimenter cette partie! »

Cette dernière la complimenta, chose qui lui soutira quelques brindilles de surprise.

« Je vous renvoie le compliment. C'est rare de trouver des bons joueurs, de nos jours... » lança-t-elle en narguant les gaillards qui observaient de leur petits yeux sournois leur partie. Ils n'étaient pas à la hauteur...tout dans les muscles, et rien dans la tête, pour la majorité d'entre eux.

La belle donzelle joua, et l'elfe prit plaisir à caresser du regard le roulement langoureux des dés, attendant patiemment le résultat. Avec un peu de « chance », elle tomberait exactement sur le même chiffre, de quoi amuser un peu la galerie.

Sigrid s'empara des dés alors que la jolie créature se présentait...Tout du moins, des prémices de présentation. Un bougre d'âne lui coupa brusquement la parole, assoiffé de jeu. Les sourcils froncés, la nécromancienne ne put s'empêcher de montrer subtilement son mécontentement face à ce goujat. Ce dernier ne se priva pas de la fusiller du regard, mais les éclairs qui jaillissaient de ses orbes sombres restaient enfermées dans l'indifférence de la mage qui se plaisait à le mépriser, comme un vulgaire larbin.

« Ne faites pas attention à lui, la politesse ne fait pas partie de ses principes. Je m'appelle Sigrid, et vous? » rétorqua-t-elle avec entrain en jetant les dés avec souplesse. L'ironie du sort fit bien les choses puisqu'elle était à nouveau à égalité avec sa charmante concurrente.

« Eh bien, cela en devient presque amusant! » lâcha-t-elle en souriant. Elle commanda un nouveau verre de lait, assaillie par sa gourmandise légendaire.

Ex-aequo. Encore. C’était comme si chacune des étoiles des joueuses s’étaient réunies autour de cette partie.
Neelahn sourit en entendant la remarque de la femme. Il était certes plus amusant de jouer lorsque la chance ne revenait pas toujours à la même personne. Cependant, il ne fallait pas oublier que ce n’était qu’un pur jeu de hasard, à moins qu’il fût possible de choisir son score en lançant les dés d’une manière précise ?
L’elfe ne dit donc rien lorsqu’elle se fit complimenter. Pouvait-on, aux dés, qualifier quelqu’un de bon ou mauvais joueur ?
Quoi qu’il en soit, la druidesse avait toujours trouvé ce jeu fort amusant, sûrement parce que la règle du jeu était simple et qu’il ne fallait pas trois heures de réflexion avant de lancer les dés.

« Neelahn, enchantée de faire votre connaissance. »

Sigrid… C’était un très joli nom. D’où venait-elle ? Que faisait-elle ?
En la voyant commander un nouveau verre de lait, Neelahn se souvînt du sien qu’elle n’avait toujours pas terminé. Lentement, elle leva donc son verre et se mit à le siroter doucement. Elle songea alors que le lait était vraiment la boisson qu’elle préférait le plus.

Baissant les yeux sur la table, l’elfe constata qu’elle avait encore fait égalité avec Sigrid. Elle commença à trouver cela étrange. Il était si peu commun de faire exactement le même score que son adversaire. Était-ce vraiment une coïncidence ou y avait-il quelque chose ? Pourtant, à bien y regarder, Sigrid semblait jouer tout à fait naturellement et n’avait pas l’air d’utiliser de sort ou autre artifice pour fausser les résultats.
Haussant les épaules face aux chiffres, Neelahn relança ensuite les dés. Double six. Un sourire fleurit sur ses lèvres. C’était le score maximal que l’on pouvait obtenir à ce jeu et elle avait vraiment hâte de voir si son adversaire ferait encore une nouvelle fois le même score qu’elle. D’une certaine manière, il serait assez intéressant de parvenir au même résultat car cela viendrait à conclure que l’une d’entre elle n’était pas normale. Évidemment, l’idée que Sigrid trichait fût totalement réfutée, n’est-ce pas ? Neelahn pensait que la femme n’était pas de ce genre. Elle avait l’air d’avoir trop de dignité et trop de droiture pour ce genre de chose.

« Que faîtes-vous par ici Sigrid ? Vous habitez ici ? »

Du coin de l’œil, Neelahn aperçut le tigre blanc somnoler sur place. Il devait sans doute commencer à s’ennuyer. L’elfe le plaignait un peu. En même temps, il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire. Il faisait froid dehors alors mieux valait rester ici.
Après avoir posé son verre de lait sur la table, la druidesse vînt gratouiller la tête de Tigrou. Elle sonda ensuite son regard, se demandant s’il avait envie de manger. Pour toute réponse face à cette question muette, le félins s’étira et s’allongea nonchalamment à côté d’elle. Pour lui, c’était l’heure de piquer un somme.

» La vengeance est un plat qui se mange froid... (PV Vaykat)
» Terminé (Pv edalion)Du froid, du géle, une grotte et un feu
» Un guide trompeur [Neelahn Screeling]
» Soirée autour du feu de camp... [Pv Neelahn][Terminé]
» Quel bel endroit pour camper [Neelahn] (terminé)

A l'abri du froid [Neelahn]

A l'abri du froid [Neelahn]

Sujets similaires

Sujets similaires