Cela faisait à présent quelques jours que la jeune elfe avait quitté Bénécius pour se rendre sur Naturalia. Sa dernière discutions avec le mage rouge qu’elle avait rencontré dans les jardins paradisiaques avait fini par lui donner envie de voir un peu autre chose. Et puis, il n’est pas bon de rester trop longtemps au même endroit, sans compter que si elle souhaitait vraiment assouvir cette curiosité qui l’avait poussée sur les routes, il allait bien falloir qu’elle explore un peu plus loin que le premier endroit qu’elle visiterait. Et puis, elle avait entendu quelques rumeurs et ragots en tendant l’oreille et un mot ne cessait de revenir sans cesse hanté son esprit depuis.

Bibliothèque. Il y en avait une immense et très ancienne sur Naturalia. Ce simple argument aurait suffit à lui traverser des continents entiers. Si elle aimait la nature et en était très proche de part son éducation et son statut, elle adorait les livres. Depuis toujours, elle avait la passion des vieux ouvrages et de tous les échos qu’elle avait récoltée, elle ne doutait pas de trouver son bonheur là-bas. Aussi se mit-elle en quête de l’imposante bâtisse qui ne fut pas très ardue à trouver. Les deux lions de marbre blanc trônant à l’entrée imposaient au moins autant le respect que la longévité même du bâtiment. Et dire qu’il avait traversé toutes les guerres sans sembler en souffrir. Même la terre en avait plus pâtit que ces murs de pierre. Une révérence silencieuse s’imposa à la jeune elfe avant qu’enfin, elle ne pénètre enfin dans le bâtiment.

A l’intérieur, la température était fraiche mais pas froide, il n’y avait aucune humidité résiduelle risquant d’abimer les précieux trésors gardés en ces lieux. Les yeux de la jeune druide s’habituèrent très rapidement à la luminosité légèrement tamisée des lieux avant de se retrouver devant une vieille femme sans âge qui la fixait sans mot dire. D’abord intimidée par son apparence, Myrrh finit par lui demander où elle pourrait trouver des livres traitant des plantes et de leurs diverses utilisations mais également s’ils possédaient des ouvrages traitant des gardiens sacrés. Une lueur sembla s’allumer dans les yeux de la vieille bibliothécaire avant que cette dernière ne lui indique avec précisions où elle pourrait trouver le but de ses recherches.

Par chance, les deux thèmes se trouvaient sur le même niveau. Enfin, chance, c’était vite dit. Lorsque Myrrh découvrit l’étendue du troisième étage, elle se frotta les yeux pour s’assurer que sa vision ne lui jouait pas de tours. Mais non. Les rayons semblaient s’étendre à l’infini et étaient chargés d’ouvrages tous plus imposants les uns que les autres. Avec de grands émerveillés, la jeune femme commença à suivre les rayons, laissant ses doigts glisser sur les couvertures plus ou moins récentes. Ty’ee se tenait plus sage qu’il ne l’avait jamais été, sans doute impressionné par les lieux. En tout cas, il se contentait de rester jucher sur l’épaule de sa maitresse, le regard aux aguets, sans oser émettre le moindre son.

Avec avoir traversée de longues étendus de livres de tous âges, Myrrh finit par repérer la section que lui avait indiqué la bibliothécaire. Alors qu’elle feuilletait une encyclopédie sur les plantes venimeuses et leurs anti-poisons, son cher primate décida soudain de lui fausser compagnie. Avec un haussement d’épaules, la jeune femme se lança en silence à sa poursuite et ne tarda pas à le retrouver cacher entre deux livres, à espionner des personnes discutant dans l’allée parallèles. Elle allait rappeler gentiment à l’ordre son petit compagnon, lorsqu’elle capta quelques mots de la conversation se déroulant dans l’autre rayon.

- … Et puis, tout ça, c’est rien de plus que des histoires de bonnes femmes. Comme si un collier pouvait être magique. La Roxyra, elle essayait juste de se faire mousser.

- J’en suis pas si sûr que toi. Un ami du frère de l’oncle à ma sœur m’a dit que...

Les voix allaient en s’atténuant avant de finir par disparaître. Mais les paroles avaient éveillées la curiosités de la jeune druide. C’était quoi cette soi-disant légende à propos d’un collier magique? Peut-être qu’elle pourrait trouver des informations là-dessus dans l’un des ouvrages de la bibliothèque. Elle fit un clin d’œil complice à son petit singe avant de revenir vers l’allée principale.

La bibliothèque. Erethor avait toujours adoré s’abreuver de manuscrits, de parchemins et d’histoires. Voilà d’où il tirait cette énergie qui lui était si caractéristique : son désir de vivre des aventures semblables à celles de ses héros. Fairy était caché dans son sac et reniflait les quelques vivres qui y étaient amassés, sans cependant en manger. Cela semblait faire une éternité que les deux compagnons voyageaient à travers tout Naturalia, passant de divers endroits à d’autres, avec pour unique objectif de réaliser des exploits personnels.

Ainsi hier Erethor avait traversé toute une forêt poursuivi par des animaux sauvages, était parvenu à récupérer Fairy qui s’était fait attraper par un monstre marin et enfin avait passé la soirée aux côtés d’une femme au physique splendide qui s’était levée au petit matin totalement dépouillée de ses bijoux. A côté de lui, la bibliothécaire ramenait deux nouveaux grimoires qu’elle déposa ensuite sur sa table.

-Vous avez ici la Quête de Sire Hoder Able et là le tome deux du Récit du Cavalier Solitaire.

Erethor la remercia d’un hochement de tête puis d’un sourire et se jeta à corps perdu dans l’un des deux ouvrages à sa portée. Quelle délectation ! Intimement, il savait qu’un jour lui aussi aurait droit à un récit à sa gloire. S’il agissait de cette façon, cumulant les aventures, palliant aux difficultés et fonçant droit dans les problèmes, ce n’était au final dirigé que dans un seul et même but : la gloire.

Il en rêvait, devenir l’un des héros extraordinaires de sa contrée, faire partie de l’élite, des grands de ce monde. Il agissait en ce sens et uniquement en ce sens. Repousser ses limites et s’améliorer. C’était également l’une des raisons de sa présence ici, la bibliothèque regorgeait de légendes, et plus particulièrement dans la salle éponyme. Depuis quelques temps, il cherchait lui aussi tout cela, avoir à réaliser une aventure et en ressortir plus puissant encore, plus grand. Et plus proche de son rêve. C’était pourquoi il épluchait les centaines de contes qui se trouvaient dans les étalages et prenait une histoire au hasard, avant de partir vérifier par lui-même si ce qu’elle proposait était véridique ou non.

Evidemment, la plupart du temps, cela se résumait à une œuvre fictionnelle sans intérêt aucun dans la réalité. Mais il avait bon espoir de trouver un jour une légende qui ne soit pas que légendaire et qui lui permettrait de pouvoir enfin s’affirmer comme le héros qu’il était réellement.

Las de toutes ces recherches vaines, Erethor décida de prendre le taureau par les cornes et sortit du rez-de-chaussée. S’il désirait réellement trouver une histoire qui en vaille la peine, il n’existait qu’un seul endroit dans tout ce batiment qui l’y aiderait. Il reposa les livres dans les étagères prévues à cet effet et gravit les marches d’escalier jusqu’à atteindre une porte qu’il ne connaissait que de réputation. Sur cette-dernière étaient inscrits en lettres d’or les mots : « Salle des Légendes ». Jamais il n’avait passé cette entrée. Quelques instants plus tard, le rôdeur qu’il était et ses sens surdéveloppés perçurent des bruits de pas en approche. Au vu de la cadence de déplacement, de la tonalité des pas et même de la respiration de la personne, il ne pouvait s'agir d'un homme. Ce n'était pas non plus la bibliothécaire qui possédait une démarche un peu plus lourde. La personne en approche devait donc être une femme assez fine. Il se tourna en leur direction, avide de savoir de qui il s’agissait.

Tout en revenant sur ces pas dans le but de retourner voir la bibliothécaire afin de lui demander si elle pouvait la renseigner au sujet de cette étrange légende, la jeune elfe cherchait encore à savoir si elle ne pouvait pas glaner quelques mots en plus de la conversation qu’elle avait déjà interceptée. Tout en suivant le rayonnage, elle tendit l’oreille avant de finir par entendre à nouveau les voix. Cette fois, la discussion semblait un peu plus enflammée, chacun des deux compères souhaitant faire agréer l’autre à son avis, sans aucun succès apparent. S’approchant encore de quelques pas, les mots devinrent audibles bien qu’un peu hachés. Heureusement qu’ils avaient légèrement élevés le ton de leur chuchotements.

- Mais puisque je te dis que c’est vrai ! Il y en a qui l’ont vu.

- Encore des soudards qui voulaient simplement capter l’attention. T’es vraiment trop naïf mon pauvre petit père.

- Arrête de me prendre pour un demeuré. Le fantôme en est la preuve. Si elle avait rien à cacher, elle hanterait pas sa propre maison. C’est hyper louche.

- Et même si c’était vrai, c’est quoi le pouvoir de ce soi disant collier, Hein ? T’en sais rien, comme les autres. Car il y a rien à savoir. Alors maintenant…

Les voix disparurent soudainement. Comme si les deux hommes s’étaient envolés par magie. Pourtant, cela paraissait complètement impossible. Pourtant, le petit singe ne put que confirmer son impression après s’être glissé entre deux volumes pour vérifier leur présence. Rien. Peut-être comme que la conversation commençait à dégénérer, la bibliothèque les avait d’elle-même mis dehors. La Bibliothécaire lui avait vaguement parlé de ce phénomène et bien que dubitative, elle était maintenant bien obligée d’y croire.

Laissant ce demi-mystère de côté, la jeune femme se remit en route, avançant lentement et perdue dans ses pensées. De nouveaux éléments s’ajoutaient à ce qu’elle avait déjà glané et ne cessait de rendre les choses plus intéressantes. Elle partageait l’avis du deuxième homme. S’il y avait un fantôme quelque part, c’est qu’il avait quelque chose à gardé. Un trésor. En l’occurrence, pourquoi pas un collier ? Même si elle ne savait au final pas grand-chose de cette histoire, sa curiosité était définitivement attisée et elle espérait bien éclaircir cette histoire. Et puis, si en plus elle venait à mettre la main sur un collier magique, cela ne pourrait qu’être bénéfique pour elle.

Ainsi plongée dans ses pensées, la jeune druide ne faisait absolument plus attention où elle marchait. Aussi, qu’elle ne fut pas sa surprise en relevant la tête lorsque Ty’ee se mit à tirer sur sa capuche de se retrouver juste devant un homme de stature plutôt imposante qui lui semblait l’avoir vu venir depuis un moment. Heureusement qu’elle était sorti de ces réflexions à temps. Ou plutôt que son compagnon avait gardé les yeux bien ouverts à sa place.

- Oh, excusez-moi. Je ne vous avais pas vu, j’étais complètement absorbé dans mes pensées.

Par réflexe, elle porta sa main sur le dos du petit singe, le caressant doucement, afin de s’assurer qu’il reste calme mais aussi pour sentir sa réaction. En général, Ty’ee était bien plus doué qu’elle pour se rendre compte de qui pourrait leur vouloir du mal ou non et elle préférait ne pas négliger son avis.