Le matin se lève à peine sur Malificium. À cette heure, ce qui reste de terrifiant a presque disparut pour qui habite Malificium. Certes, la cité n'est pas plus douce et calme en plein jour, mais comme partout ailleurs, la nuit est toujours plus terrifiante que le jour. Et ici, terrifiante prend tout son sens. Rien n'est plus effrayant que Malificium. Évidemment, si la ville est nettement plus glauque que Naturalia et encore plus que Bénécius, ce n'est pas la ville en elle-même qui est terrifiante. Non, ce qui est terrifiant à Malificium, ce n'est pas le décorum, mais la population. La population en général est effrayante. Et pire, certaines personnes de cette même population sont considérées terrifiantes par cette population même qui est terrifiante aux yeux des autres populations.

Encore une nuit d'insomnie pour Arselianne. Pour passer le temps, elle est sortie. Elle ne porte que sa cape de laine et une délicate robe de nuit. Elle est pieds nus, évidemment. Elle est toujours pieds nus. Une vraie manie chez elle. Algie sur les talons, elle arpente la ville à la recherche de quelque chose qui pourrait l'ennuyer au point qu'elle s'endorme ou, au contraire, quelque chose qui pourrait la distraire au point de lui faire passer le temps. Et quand l'aube blanchit l'horizon, elle n'a rien trouvé. Rien pour l'endormir, rien pour la distraire. Elle en vient à se dire que Malificium est une ville de ringards. Elle a vu tellement de choses que même L'Antre du Diable est devenu banal. Oui, bon, en bande, c'est bien, mais seule, en pleine nuit, c'est ennuyant à mourir. Ça pourrait presque régler son problème d'insomnie, mais elle aurait trop peur de ne plus jamais se réveiller si elle s'endort là-dedans. Ce serait dommage de mourir si jeune. Non, mieux vaut s'occuper autrement.

Ses pas la mènent vers les Portes Démoniaques et elle s'y arrête un moment. Elle a toujours ces portes très jolies. Les sculptures sont si soignées, bien que plusieurs soient abîmées. Puisqu'elle n'a rien à faire, elle escalade les sculptures, s'assoit sur les genoux d'une gargouille et regarde le soleil se lever. Ça n'a rien de stimulant. Ça n'a rien non plus de soporifique. C'est à peine divertissant. Elle pousse un soupir à fendre l'âme et baisse les yeux sur les bruits de pas qu'elle vient d'entendre. Elle se redresse et se penche un peu en avant, pour mieux voir.

- Ah, une tortue géante, laisse-t-elle échapper d'une voix profondément provocatrice.

Sans savoir pourquoi, elle l'imagine avec la peau verte et un bandeau rouge sur les yeux.

La tortue géante s'arrête et le cherche. Il regarde autour, cherchant la provenance de la voix. Oui, il a vraiment l'air d'une tortue sous son bouclier. Une tortue qui se déplace lentement, pesamment. Une tortue qui se fiche du monde entier, mais qui cherche qui ose l'interpeller de cette manière. après de longues secondes, il finit par lever les yeux. C'est vrai qu'une tortue ça ne lève pas souvent la tête vers le ciel. Ça lève les yeux juste au dernier moment. Du haut de sa gargouille, Arselianne adresse un sourire ravi à la tortue. Il ne lui répond pas, il ne lui dit rien. Il ne fait que la dévisager un moment. elle se demande s'il n'est pas zombifié. Pourquoi pas, un aigrefin zombifié, ça pourrait être utile. En fait, elle est presque convaincue que c'est ça lorsqu'il lui parle dans sa tête. Probablement qu'elle en aurait été effrayée si elle n'avait pas été shaman. Des tas de gens morts parlaient directement dans sa tête. Mais elle ne le sentait pas de la même manière rebondir contre les parois de son crâne. Ce type là parlait dans sa tête de manière différente.

Elle se redresse un peu, s'appuyant sur la cuisse de la gargouille pour mieux le voir. Non, il n'est pas mort. Elle lui sourit une autre fois et se pointe. Elle, une gamine ? Elle s'attirer des ennuis ? Elle glousse comme une jeune fille et entreprend de descendre de son piédestal. Elle connait bien cette gargouille, elle y grimpe souvent. Elle se rappelle que très jeune, elle avait beaucoup de place sur la gargouille. Elle a grandit, semble-t-il. Elle remarque durant sa descente que la tortue s'en va. Quelle impolitesse ! Il part sans dire au revoir.

- Moi ? M'attirer des ennuis ? Elle saute sur le sol et entreprend de se glisser dans les pas de la tortue. Heureusement, une tortue, ça n'avance jamais vite. Du moins à comparé à elle. Je suis les ennuis ! Et je ne suis pas un moineau, je suis une plaie, informe-t-elle en dépassant le bouclier et en se plantant devant la tortue géante, les mains sur les hanches.

Effectivement, c'est vraiment une tortue géante. Elle doit lever la tête pour lui voir le visage. Mais ça ne semble pas l'effrayer outre mesure. Elle connait bien les aigrefins. Enfin, les aigrefins Siedera. Et ils sont tous très grands. Contrairement à elle qui est toute petite, toute délicate. Enfin, elle en a l'air. Si elle a la peau claire, les cheveux blonds et les oreilles rondes, le reste de sa physionomie est celle des drow. Sa musculature reste invisible, parce que de toute façon, elle est beaucoup plus tout en nerf qu'en muscle et le tout recouvert de chair bien soyeuse. Pieds nus, elle porte une robe qui a visiblement connu des jours meilleurs, mais qui semble de bonne facture. Défraîchie, mais solide, puisqu'elle n'a aucune déchirure ni un seul accroc. Sa robe roule autour de ses chevilles et ses cheveux blonds autour de ses épaules. Elle ne s'émeut pas face à un colosse. Elle habite visiblement Malificium. Ici, à Malificium souvent ce qui peut arrivé de pire arrive, personne ne s'étonne donc de rien. Elle le dévisage sans même s'en cacher et elle pince les lèvres.

- T'es pas mort, toi. Non, il a l'air bel et bien en vie. Ce n'est donc pas un esprit qui a parlé dans sa tête. Enfin, si, un esprit, mais vivant... enfin, ce genre de truc est difficile à expliquer, mais c'est comme ça. T'es un télépathe ? Tu voulais me faire tourner en bourrique en me faisant croire que j'entends des voix ? Eh bien ne te fatigue pas, parce que j'entends effectivement des voix, avoue-t-elle snas la moindre honte.

Oui, Arselianne Siderea entend des voix. Et c'est tout à fait normal.

Elle a décidément fière allure, avec sa robe mauve pastel, dont la taille est ceinte d'une ceinture arborant neuf pierres différentes.

Arselianne ne s'en fait pas avec la manoeuvre d'évitement que la colossale tortue amorce. Elle préfère d'ailleurs qu'il l'évite qu'il lui rentre dedans, c'est plus courtois. Un homme courtois à Malificium ? Ou alors peut-être était-ce seulement qu'il n'a aucune envie de foncer dans une femme. Ça arrive à certains homes de ne pas vouloir foncer dans une femme. La plupart ne se gênent pas,. il en profitent, mais d'autres non. Toujours est-il qu'aussitôt que le colosse dépasse Arselianne, elle fait demi tour et lui emboîte le pas, avant de le rattraper et de marcher à côté de lui, gambadant allègrement sur ses pieds nus sur le pavés.

- C'est un possibilité, mais je ne gagerais pas ma solde sur cette idée, lance-t-elle de son ton chantant.

La plupart des plaies les plus dangereuses commencent comme ça. Des petits boutons auxquels on ne porte pas attention, mais qui petit à petit, dévorent la peau autour, jusqu'à gangrener le membre au complet et parfois entraîner la mort. Tout ça est si amusant ! elle continue de sautiller et tourner autour de la tortue d,un pas dansant. Ne s'épuise-t-elle jamais ? Rarement, elle est d'une physionomie particulière malgré son apparence de gamine très mignonne, mais humaine. Ses pieds nus ne semble pas la gêner dans ses déplacements, malgré les petits cailloux sur les pavés. Le délais de réponse de la tortue et l'intense réflexion de celle-ci lui font penser qu'effectivement, les tortues ne sont pas très rapides, pas plus à la marche qu'en réflexion. Ce type ne semble pas bête, mais il réfléchit longuement.

- Quel intérêt ? Pourquoi avoir un intérêt ? Tu es à Malificium ici, l'intérêt des gens se borne à faire ce qu'ils ont envie. Le simple plaisir de faire croire à quelqu'un qu'il est dingue suffit à les divertir. Peu d'entre eux on ton talent pour parler dans la tête des gens. Tu préfère ne pas faire entendre ta voix ou n'en as-tu pas ? J'ai déjà arrêté de parler durant des semaines pour contrarier les gens. Ce fut une expérience très enrichissante ! Les mains croisées dans le dos, elle gambade près de la tortue, sa robe roulant autour de ses chevilles à chacun de ses pas. Tu as l'air d’être très fort, mais tu avance à pas de tortue et tu es aussi carapacé qu'une tortue. Si tu avais une arme, je dirais que tu es un aigrefin. Tu as les muscles pour, mais je crois que tu es trop lent pour être un aigrefin.

Elle lui sourit. Un sourire de pure innocence. serait-elle la seule créature innocente de tout Malificium. Probablement pas.

Arselianne gambade toujours autour de la tortue géante. Elle ne se fatigue donc jamais de sauter d'un pied à l'autre avec grâce et souplesse ? Par la droite vient soudainement un chien, qui vient tourner autour d'Arselianne qui tourne autour de la tortue. Elle écoute pourtant attentivement Arzak et ne manque pas un mot de ce qu'il raconte. Heureusement, elle ne chante pas en même temps qu'elle gravite autour d'Arzak, ça pourrait être très étourdissant. Et la jeune demoiselle pourrait chanter le genre de chansons que non seulement elle ne se tannera pas de chantonner, mais qui en plus reste des heures et ds heures en tête. Heureusement pour le colosse tortue, elle n'est pas en humeur de jouer à ça. Évidemment, c'est un jeu à sens unique où elle est la seule à s'amuser.

- Oh ! Tu n'as pas de voix ! Vraiment pas de voix ? Tu en a déjà eu une ? Comment tu l'as perdue ? interroge-t-elle sans retenue, faisant tourner sa mantille autour d'elle et s'en drapant comme une princesse.

Ce n'est pas tous les jours qu'elle peut bavarder avec quelqu'un de vivant sans entendre sa voix avec ses oreilles. C'est reposant. En fait, c'est pas tout à fait vrai. Elle entend bien sa voix. Ou alors elle imagine bien quelle genre de voix il peut avoir. Elle se demande s'il entend sa voix, comme lorsqu'on parle ou s'il sait juste qu'il dit quelque chose.

- Tu as une jolie voix, tu sais. Elle est grave et posée. Sans cesser de marcher, elle cesse pourtant de tourner autour de lui. Il a serré les poings, ce genre de signe ne ment pas. Il faut flatter un peu la tortue dnas le sens des écailles. Elle est un peu caverneuse et elle résonne dans mon crâne, dit-elle en posant les mains de chaque côté de sa tête. Si j'avais la tête plus grosse, j'entendrais peut-être un écho. Ou alors comme un grondement de tonnerre au loin. Tu entend ta voix, toi ?

Elle se remet à danser autour de lui. Un petit groupe de malins passe près d'eux et regardent l'étrange trio qui se balade, mais ils reconnaissent rapidement la jeune... enfin, celle qui a l'air si jeune, Siderea et esquissent un sourire et poursuivent leur chemin. Pauvre gus quand même.

- T'es vraiment un aigrefin ? Ah ben ça alors ! J'l'aurais presque pas cru ! Enfin, t'en a l'air, mais les aigrefins sont si énergique ! Ils sont tendus et solide, toi t'as du muscles, mais t'es tout mou, tout zen, dit-elle en lui tapotant l'avant bras.

Avait-elle réussit à s'approcher tant que ça l'air de rien. Oui, oui, elle était tout juste à côté de l'aigrefin et elle lui tapotait les muscles du bras.

- Et puis, faut pas se leurrer, les tortues, si elles ne sont pas rapides, c'est pas qu'elle ne sont pas pressées. C'est seulement que leur carapace les protège, plus efficacement que si elles doivent fuir en vitesse. Mais c'est vrai qu'elles sont plus rapides dans leur élément. Je suis certaine que comme les tortues, tu ne marche pas vite, mais tu dois frapper très fort.

Son ton est nettement moins moqueur depuis quelques minutes. Depuis qu'il a affirmé qu'il est aigrefin en fait. Elle apprécie visiblement les aigrefins, semble-t-il.