Nuit d'enfer ( Miranda)

La jeune femme désespérait de voir le chevalier reprendre ses esprits. Elle avait improvisé, reproduisant des mouvements qu’elle avait pu voir sans savoir s’ils étaient adaptés à la situation. Et en ayant conscience qu’elle n’avait pas assez de talent pour les soins pour pouvoir affirmer qu’Edalion s’en sortirait. De même, elle avait pris un risque en misant sur le contenu de cette gourde sans le connaître. Elle avait fortement espéré qu’il s’agissait d’une quelconque potion de soin mais rien ne disait que ce n’était pas en fait un simple somnifère… Délicatement, elle passa deux doigts un peu en dessous de son nez, fermant quelques instants les yeux pour se concentrer sur l’élément qu’elle cherchait. Elle ne put s’empêcher de sourire en sentant le souffle chaud la chatouiller. Au moins était-il encore en vie. Mais s’il ne se réveillait pas, ils allaient avoir des problèmes…

Elle détourna donc son attention de lui, parcourant les lieux du regard à la recherche de quelque chose qui lui permettrait de déplacer Edalion. Elle n’avait pas beaucoup de force mais avec le bon outil, elle pourrait faire des miracles grâce à sa télékinésie. Focalisée comme elle l’était sur cette recherche, elle ne décela pas les signes avant coureurs du réveil du chevalier. Poussant un petit cri de surprise, elle se retrouva brusquement basculée en arrière, plaquée au sol par son « patient ». Sur l’instant, elle cru qu’il ne l’avait pas reconnu et avait agit instinctivement en cherchant à maîtriser son potentiel agresseur. Mais elle vit ensuite la pluie de flèches s’abattre autour d’eux. Le réflexe du chevalier fut le bon et elle n’eut même pas à dévier les projectiles pour les protéger.

La sidhe ne put s’empêcher d’afficher un grand sourire en constatant qu’Edalion reprenait un peu du poil de la bête. Certes, il était toujours blessé et elle estimait qu’il ne risquait pas de gagner la prochaine course… Mais elle préférait le voir comme ça qu’inconscient en train de baigner dans son sang… Sauf qu’ils n’avaient pas vraiment le temps d’en dire plus. Elle se contenta donc d’acquiescer à sa sage décision de quitter les lieux, même si leurs possibles sorties étaient assez restreintes. La seule chose positive fut qu’elle constata que les tirs de la garde étaient tels que les quelques personnes encore présentent dans la salle avaient été touchées. Les trois esclavagistes et l’une des brutes présentaient des blessures. Quand à celui qu’elle avait envoyé voler, elle soupçonnait que la réception avait eu raison de lui… Ce n’était pas une mauvaise chose s’ils venaient à mourir. Ils représentaient les derniers témoins des événements et permettraient donc à Miranda et Edalion de ne pas être recherchés par la garde de façon « trop » active. Les descriptions des autres témoins seraient probablement trop flous pour que l’on mette un nom sur un visage…

Serrant la main du chevalier, elle le suivi vers les escaliers. Elle restait concentrée, prête à dévier toute flèche qui se dirigerait vers eux. Quant elle put voir les fenêtres, elle fit en sorte que les volets de bois claques et se ferment correctement… Cela les protégerait d’une nouvelle slave et éviterait que les gardes ne puissent voir leurs visages. Mais ce genre de protection ne serait pas éternelle et elle savait qu’ils n’allaient pas tarder à entrer en force dans l’auberge pour les attaquer de front. Leur seule chance était la fuite comme les autres esclaves avaient pu le faire. En passant par les toits… Là encore elle obéit à Edalion, restant soigneusement concentrée. Avec la tombée du jour il n’était pas toujours facile de voir arriver les flèches vers eux mais elle prenait toujours soin de les repousser. Si elle n’avait pas été fatiguée, elle en aurait profité pour soigneusement viser et les renvoyer vers leurs propriétaires mais elle devait se contenter d’un simple effet boomerang. Certains archers furent touchés mais pas assez à son goût…

A sa grande surprise, le chevalier fit apparaître un pont, au prix d’un certain effort… La jeune femme se mordit la lèvre, fixant la chemise encore tâchée du sang du combattant. Elle ne parvenait pas encore à se téléporter avec d’autres personnes… Combien elle le regrettait maintenant ! Cela leur aurait permis de fuir les lieux en économisant de terribles efforts à Edalion. Elle ne savait pas comment il allait exactement mais une telle dépense d’énergie et leur fuite à travers toit ne risquaient pas d’arranger sa blessure… A nouveau elle se laissa rassurer par sa main dans la sienne, le laissant la guider sur le fine passerelle pendant qu’elle continuait à chercher de possibles projectiles… Ils touchaient au but. Plus ils mettraient de distance entre eux, mieux ils s'en sortiraient. Alors qu'elle sentait que les esprits qui veillaient les esclaves n'étaient plus loin, elle constata que le chevalier avait encore un tour dans son sac. La jeune l'observa transformer son pont en arme de destruction qui vint sérieusement ralentir leurs poursuivants. Au delà du geste impressionnant elle s'inquiétait pour sa santé... Les efforts qu'il venait de faire n'étaient pas très sains... Et ils devaient encore descendre. Aussi le surveilla-t-elle de près, prête à intervenir si jamais une complication afin qu'il ne se blesse pas plus qu'il ne l'était déjà.

La phrase du chevalier fit sourire la shaman. Elle aussi aurait préféré le revoir dans des circonstances moins "épiques"... Mais elle restait redevable envers le Destin. Sans lui, elle ne savait pas comment elle aurait pu se sortir de ce mauvais pas. Et elle était à peu près persuadée qu'elle ne serait pas la seule à lui en être reconnaissante, tous les esclaves qui leur faisaient signe depuis la charrette lui devaient leur vie. A nouveau elle regretta de ne pas pouvoir téléporter Edalion avec elle quelques étages plus bas. Bien qu'il soit solide, son saut ne dut rien arranger à ce qu'elle avait essayé de soigner sans grande efficacité. Une fois à ses cotés, dans la rue, elle lui sourit, complice.

-Je suis heureuse de t'avoir revu moi aussi. Je promets de me faire pardonner pour ces retrouvailles tellement "houleuses"...

Elle le laissa prendre la direction des opérations, restant en peu en retrait à l'avant de la charrette. Elle allait avoir besoin de concentration pour ce qu'elle comptait faire... Les cinq esprits présents allaient l'aider à sauver tous ces gens, comme ils avaient déjà essayé de le faire alors qu'elle ne pouvait pas les entendre. Peu à peu ils s'installèrent autour d'eux, formant ainsi un bouclier qui les protègerait temporairement des sorts et des attaques physiques. Cela ne durerait pas éternellement et ils allaient devoir faire vite, mais cela lui permettrait de se focaliser sur d'autres détails. Comme dégager la route en repoussant les obstacles. Sauf que leur course risquait de trop attirer l'attention et, surtout, d'achever les dernières forces de son ami. Elle se plaça donc derrière lui, passant ses bras au niveau de ses épaules et posant ses mains sur les rênes alors qu'il était assit à diriger l'attelage. Cela lui permettait ainsi d'être bien plus stable et de se reposer un peu sur elle.

-Si nous fuyons avec pertes et fracas ils vont se jeter à nos trousses. Ralentis un peu et prends ces venelles. Nous n'attirerons pas beaucoup l'attention et nous pourrons rejoindre des axes parallèles...

C’était vrai, ils ne pouvaient pas rester sur le chemin principal, sinon ils seraient poursuivi jusqu’à Bénécius et sans forcément y arriver indemne. Edalion devait rester concentrer, mais les secousses tapaient sur la blessure du guerrier qui gémit de douleur de temps à autres. Sans parler des douleurs physique et mental du à ses efforts pour s’échapper de l’auberge. Il devait se ménager, mais il se connaissait bien, il ne relâchera pas les bras tant que tout le monde ne sera pas à l’abri. Alors que tout allait de plus en plus mal pour sa santé, il sentit une présence se coller à lui et les mains de Miranda l’aidaient à tenir les rênes. Cette présence, depuis le début, avait pour effet de redonner un coup de fouet à la détermination du chevalier. Alors, il secoua la tête et se concentra sur son objectif actuel. Il n’avait pas de carte, et les rues et chemins lui étaient inconnus, mais lorsqu’il tourna encore et encore, sur des chemins toujours plus petit et où il n’y avait personne, il semblait sûr de lui. Encore une fois, c’était grâce à la vision qu’il avait du ciel à travers Yazariel. De là-haut, il voyait les chemins qui étaient bondés, et il voyait également les poursuivant.

« Tiens, prend les rênes, je dois avertir Bénécius de notre situation, pour qu’ils soient prêt à s’occuper de ce petit monde que nous amenons. Continue tout droit, quand tu verras une grande fontaine sans eau, tu prendras à droite, tu te retrouveras sur un chemin en pavé, et un moment, ça sera de la terre, au bout, il y aura des champs, une fois qu’on les aura traversé, on sera en dehors de cette cité. »

Doucement, tout ne maintenant une de ses mains sur sa blessure qui lui faisait mal, il laissa la place à sa copilote et lui à la sienne. Sauf qu’au lieu de lui maintenir les mains comme elle le faisait, il arracha sa tunique, pour se retrouver totalement torse nue, son armure, il l’avait laissé à l’auberge, elle était éventré et donc plus utile. La tunique bleu lui servit de support et il lui fallait de quoi écrire, d’abord il hésita, mais vu la situation, il ne se posa pas plus de question. Il trempa son index dans sa blessure pour en prélever du sang, bien sûr, il fit une grimace, car ce n’était pas le geste le plus doux qu’il ait fait. Une fois son message écrit, il y avait mis comme quoi, Edalion allait bientôt arriver avec un chariot rempli de gens à soigner. Une fois de plus, il siffla à Yazariel. L’oiseau piqua vers le bas pour se poser à côté du chevalier. Avant d’attacher la tunique, il la déchira pour qu’elle soit le plus léger possible et enfin il l’enroula autour d’une des pattes de l’aigle.

« Va au château, puis à la tour, tu m’attendra la bas. Aller vas ! »

Après une caresse de la part de son ami, le volatile disparut dans le ciel en quelques puissants coups d’ailes. Il était le seul parmi eux à être en pleine forme, il y arrivera sans problème. A peine il fut partie, qu’Edalion manqua de tomber de la voiture, il n’avait pas anticipé le dernier tournant. Par reflexe il avait passé ses bras autour de la taille de Miranda. Ils étaient bientôt arrivés aux champs. Mais le petit problème, c’est que la, ils seront visible et vulnérable. Mais l’avantage, c’est qu’ils seront sur un chemin de terre, et donc Edalion allait pouvoir s’en servir, sans trop de mal. Ici la terre était moins compacte qu’à l’auberge. De plus, les esprits de Miranda leur offraient une excellente défense. Le chevalier avait même songé à faire un leurre. Mener leur poursuivant sur une fausse piste. Alors il commença à se concentrer, il fallait qu’il se ménage, et c’est pour ça qu’il ne souleva que de la poussière, mais assez de poussière pour en faire un brouillard. Devant le chariot, il avait formé comme un tunnel de poussière pour ne pas gêner la conductrice. Petit à petit, deux nuages se formaient. L’un partit avec eux, et l’autre sur un autre chemin qui menait à la grande porte de la cité.

« Encore un petit effort, on est presque sortit de là »

Soudain arriva un danger, un des esclaves partit en arrière et tomba, mais le chevalier, lâcha toute emprise, et bondit de toute ses forces sur l’arrière du chariot pour le rattraper. Il le tenait bien, mais la frayeur de l’ancienne serveuse, qui s’accrochait de tout son poids sur le guerrier le fit basculer au sol. Après quelques rouler boulet, Edalion se retrouva à plat ventre sur la route, et la femme dans l’herbe sur le côté de la route. Tant bien que mal, le chevalier, plus déterminé que jamais de releva. Il boitait, se tenant les endroits douloureux. Miranda allait surement s’arrêter, mais il ne fallait pas les retarder. Même s’ils étaient à moins d’un kilomètre de la frontière. Il récupéra la serveuse, qui n’était qu’égratigné. Elle passa son temps à s’excuser, bien sûr, la fatigue, le stress, le danger, la douleur, voulaient qu’Edalion commence à l’injurier, mais il prit sur lui-même se concentrant sur la route. Miranda devait pas être loin.

Elle ne savait pas comment il faisait mais Edalion parvenait à les guider au travers des ruelles de Malificium avec une facilité déconcertante. Ils se seraient probablement mainte fois perdus s’il n’avait pas pris la tête de leur petite troupe… Il faudrait qu’elle pense à lui demander son secret lorsqu’ils seraient en sécurité. Peut-être était-il régulièrement venu ici pour aider des gens comme ces pauvres diables ? Mais elle en doutait un peu. Il serait certainement activement recherché par la garde s’il avait été si actif dans la région… Elle ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire en coin en se remémorant leur première rencontre et la façon dont ils étaient allés voir Erek pour prouver la bonne foi du futur chevalier. Aujourd’hui elle pourrait témoigner de vive voix qu’il était largement à la hauteur des espérances de l’ordre… Courage, honneur, dévouement, abnégation… Tous les chevaliers n’étaient pas comme lui !

Mais son abnégation risquait bien de lui coûter la vie cette fois-ci. Elle observait avec inquiétude les signes évidents de la douleur… Et avec l’énergie qu’il dépensait sans cesse pour faciliter leur retraite précipitée, il risquait d’empirer encore la situation. La sidhe lui aurait bien demandé de se ménager, mais elle ne se faisait que très peu d’illusions, il n’en ferait probablement qu’à sa tête. Il allait vouloir attendre qu’ils soient tous en sécurité pour se permettre de prendre un peu soin de lui… Même ainsi, alors qu’il lui laissait les rênes, ce n’était pas pour prendre quelques instants, c’était juste pour s’acquitter d’une autre tâche… Elle acquiesça pour lui faire comprendre qu’elle avait comprit la route à suivre et prit place, non sans quelques difficultés à cause de ses jupons déchirés.

-Essaye de te ménager tout de même… Comment pourrai-je tenir ma promesse si tu ne parviens pas à atteindre Bénécius avec nous ?

Elle quitta la route des yeux pendant quelques instants pour lui adresser un petit sourire malicieux. Mais derrière cette « gentille pic », elle surveillait soigneusement le chevalier du coin de l’œil. Même si écrire un message ne devait pas être un exercice trop difficile, malgré sa désapprobation à le voir user de son propre sang, sa position n’était pas vraiment très aisée avec la carriole qui tanguait à cause des modifications du terrain… Voyant l’aigle partir chargé de la précieuse missive, elle plaça ses espoirs en lui. Les mages blancs finiraient bien par envoyer des gens à leur rencontre. Des soigneurs mais, surtout, des personnes qui pourraient protéger tout ce beau monde… A regarder l’oiseau, elle ne remarqua pas le chaos sur la route et la charrette roula bien dessus, faisant tressauter tout le monde. Elle vit alors Edalion partir en arrière et se rapprocha vivement de lui dans l’espoir de le rattraper. Ce fut lui qui eut le réflexe le plus prompt, passant son bras autour de sa taille. La sidhe constata que la position était étonnement agréable… Mais elle se refocalisa rapidement sur la route, essayant de garder à l’esprit qu’il y avait des sujets bien plus urgents.

Et elle fit bien, car la poussière du chemin commença à envahir leur environnement. Elle lança un regard au chevalier et eut la réponse à sa question informulée. Etant donné son niveau de concentration, le phénomène devait être de son fait. C’était finement pensé pour protéger leur fuite et perdre leurs possibles poursuivants… Difficile de savoir si sa remarque était destinée aux anciens esclaves ou à lui-même pour se donner encore un peu de courage. Il donnait beaucoup de lui-même pour leur survie et elle se refit la promesse de chaudement le remercier à leur arrivée. Elle lui lança un sourire encourageant, étant limitée dans ses mouvement pas les rênes. Peut-être était-ce aussi bien ainsi… Si elle avait fait un geste peut-être aurait-elle entravé Edalion dans son action. Peut-être n’aurait-il pas rattraper la jeune fille. Mais peut-être ne serait-il pas tombé de la charrette…

L’action fut presque trop rapide pour elle et il lui fallut quelques instants pour prendre véritablement conscience de ce qu’il venait de se passer. Jetant un regard en arrière, elle constata avec effroi qu’elle avait perdu le chevalier et l’un de ses passagers mais, surtout, qu’elle ne parvenait déjà plus à les voir. Se redressant sur sa position, elle tira de toutes ses forces sur les rênes des chevaux pour les forcer à stopper leur course. L’arrêt de la charrette fut un peu brouillon et brutal, sans compter qu’emportés par leur élan, ils avaient mis une certaine distance entre leurs deux passagers perdus. Elle ne put s’empêcher de se lever et de se retourner, essayant vainement de scruter la poussière pour voir au travers… Elle ne pouvait malheureusement pas s’éloigner trop loin de la charrette. Si on les découvrait, elle devait pouvoir repartir rapidement. Et étant recherchés, elle ne pouvait pas se permettre de les appeler…

-Essayez de voir si vous les voyez…

Ses moyens étant fort limités, elle fit la première chose qui lui vint à l’esprit. Elle siffla… Un sifflement long, haut et clair…Ce n’était pas pour appeler un allié, comme l’aigle par exemple, c’était une façon comme un autre de les aider à se localiser et avait le mérite de rester assez « impersonnel » et discret. Puis, de toute façon, elle ne supportait pas de rester ainsi inactive.

Il respirait doucement mais fort, il boitait mais essayait de garder une allure pas trop lente. Sa blessure lui faisait mal, mais il resserra les bandages. Sa détermination battait de l’aile, mais sa mission le rassurait. Tant qu’il n’était pas sorti de là, il devait penser qu’à sauver ces gens et Miranda. A côté de lui, la femme qui était tombé du cheval, elle disait rien, mais son regard inquiet, passait de devant à derrière en une fraction de seconde régulièrement. Elle n’était pas trop amochée, heureusement pour le chevalier sinon il aurait dû la porter. Devant eux, la poussière retomba lentement, ils pouvaient, petit à petit, distinguer la silhouette du charriot, il n’était pu aussi loin et pas aussi loin qu’il croyait. De plis, il lui avait semblé entendre un sifflement en provenance de devant, c’était surement la shaman qui essayer de se aire localiser, et de cette façon, c’était judicieux. Alors qu’il allait ordonner d’accéléré le pas, voilà que l’ancienne serveuse se mit à crier en regardant derrière. Il se retourna, et vit une flèche arriver sur elle. Et sans attendre, il s’interposa pour se prendre le projectile dans l’épaule par derrière avant de tomber à plat sur le ventre.

« Courez au charriot, et dites leurs d’attendre un peu et si je ne viens pas, qu’ils partent ! »

Apeurait, la femme se mit à cavaler vers Miranda pour l’avertir, même si ceux du chariot devaient aussi les voir en tout petit, mais surtout pour se sauver. Edalion quand à lui se mit d’abord à genou, avec le front par terre, le visage crispait de douleur. Décidément, il faudrait qu’il pense à aller à la tour pour demander à ce qu’on lui retire toutes ces cicatrices, ça commençait à faire beaucoup. Alors qu’il se redressa, il s’attendait à voir tout une armée, mais ne faite, il ne s’agissait que d’un guerrier à cheval, brandissant un arc et une épée dans l’autre main. Pourquoi était-il tout seul ? Etait-il le seul à être passé par la en se disant, « on ne sait jamais ? Pour son adversaire, c’était un défi, bien qu’inégal vu l’état du chevalier. Edalion n’accepte jamais les défis, pour la simple et bonne raison qu’il n’avait rien à prouver et que cela ne servait à rien, ça, il le savait de son séjour dans les arènes. Mais là, la situation était différente, Edalion ne pouvait pas courir, ça lui faisait un pouvoir en moins, l’adversaire le faucherai sans aucun scrupule. Donc l’affrontement était inévitable. De plus, le guerrier noir avait quelques choses qui intéressaient le chevalier, son cheval ! Il s’agissait donc, de ne pas le blesser.

Alors doucement, Edalion se mit face à lui et se mit en garde, même son épée il l’avait perdu, il se retrouva face à un combat à mains nues. Il eut même un sourire car il se disait que ç’était de mieux en mieux. Mais son sourire disparut, lorsqu’il se retourna pour contempler le chariot au loin. Les esclaves qu’il avait libérer, et plus particulièrement Miranda. Il lui avait fait une promesse, il devait la tenir coute que coute. Alors qu’il la fixa, le sol trembla sous la course du cavalier noir. Il avait commencé à charger sans prévenir. Voilà aussi pourquoi Edalion n’aimait pas les duels, il y en a toujours un pour être déloyal. En même temps qu’il se retourna pour faire face à son adversaire, Edalion arracha enfin son bandeau pour découvrir son œil blanc. Son emprise vint non pas sur le cavalier, mais sur les pieds du cheval. Clouant les sabots au sol, le guerrier passa au-dessus du cheval pour tomber sur le dos devant Edalion. Il n’était pas un meurtrier, mais quelqu’un de juste, c’est pourquoi, même si la colère du chevalier voulait le tuer, il écrasa le crâne du guerrier noir à coup de talon pour l’assommer. Peut-être avait-il tort de ne pas tuer les gens d’ici. Sans attendre, il grimpa sur le cheval après avoir récupérer l’arc et l’épée. Le voilà presque comme un vrai chevalier. Un cheval, une épée, sans armure, sans tunique, une allure de blesser de guerre sans parler de la flèche qui était encore logé dans son épaule. Mais au moins, il n’avait plus à marcher. Le cheval partit en courant vers le chariot.

« Désolé du retard, »

Il fit un clin d’œil à Miranda lorsqu’il lui adressa ces mots avant de partir devant et d’ouvrir la marche. Normalement, tout devrai aller maintenant. Il n’y avait plus de poursuivants, enfin, pour le moment, et il était à deux pas de sortir de ce trou. Le voyage jusqu’à Bénécius serait qu’une formalité par rapport à leur chemin ici. Malgré la douleur et la fatigue qui s’accumulait au reste des dégâts, Edalion gardait sa posture droite sur le cheval, mimant quelques grimaces de temps en temps. Comme si pour lui, le mal était derrière lui et que maintenant tout était une question d’endurance. Il se disait même qu’il avait perdu l’habitude de souffrir au combat, depuis ces 3 ans. Son corps était devenu une armure organique très solide, mais il restait néanmoins un humain, et cette fois, il se disait qu’il songeait à se ménager

Malgré les sifflements, elle n’entendait aucun réponse… Et elle ne pouvait empêcher son imagination de partir sur des routes sinistres. Peut-être qu’Edalion, ou la jeune femme, s’était sérieusement blessé en tombant ? Peut-être qu’ils s’étaient retrouvés nez à nez avec la garde ? Peut-être qu’ils ne parvenaient plus à les rejoindre… Si elle avait été seule, elle aurait immédiatement fait demi-tour. Mais pour les pauvres hères qui fixaient eux aussi cette portion de route, elle ne pouvait se permettre de prendre des risques inconsidérés. Ils semblaient tous fatigués et ne redécouvraient leur liberté que maintenant… Certains devaient avoir quelques capacités, comme Edalion et elle, mais des années de servitudes avec ce catalyseur de magie autour du cou leur avait fait oublié ce détail… Ils avaient tout à réapprendre d’une vie normale… Ce qui était regrettable car ils auraient alors pu les aider.

A force de scruter le mur de poussière, elle constata qu’il commençait à devenir clairsemé, permettant de mieux en mieux voir ce qu’il y avait derrière. Il lui sembla discerner deux silhouettes. Edalion et la jeune femme qui était tombée un peu plus tôt probablement… A cette distance, en se concentrant pour maintenir le bouclier activé, la shaman ne put qu’être témoin. Elle vit la haute silhouette sombre du cavalier se dessiner loin derrière eux. Bien qu’elle ne puisse distinguer les détails, elle sentit au plus profond d’elle-même que cet homme juché sur son cheval allait leur causer de nouveau ennuis… Miranda ne vit pas la flèche mais elle vit distinctement le chevalier s’effondrer au sol, sa protégée revenant en courant vers eux. Et l’abandonnant sur place. Pendant une très courte fraction de seconde elle sentit la rancœur monter en elle. La rancœur par rapport au fait qu’elle était bloquée, impuissante ici ainsi que par rapport à cette femme qui abandonnait celui qui l’avait aidée… Mais dans l’état des choses c’était probablement la meilleure chose à faire. Sa raison l’emporta, tempérant ce ressentit alors que l’ancienne esclave atteignait enfin le chariot. Elle lui jeta un rapide coup d’œil avant de refixer l’horizon, priant silencieusement pour qu’Edalion ne se relève avant que le cavalier ne soit sur lui…

-Vous n’avez rien ?

La jeune femme secoua la tête avant de remonter dans le chariot où elle alla sangloter dans les bras de l’un des esclaves le plus âgé. Ce son sembla apaiser la colère de la sidhe… Elle aussi devait se sentir bien impuissante. Il était difficile de voir ce qu’il se passait exactement. Elle pouvait juste dire qu’Edalion s’était relevé, prêt à se défendre. Visiblement, elle s’était inquiétée pour rien car il lui sembla que son adversaire tombait bêtement de son cheval alors que ce dernier pilait devant le chevalier. En quelques secondes l’affaire était réglée, le cavalier sonné au sol et le cheval ayant changé de propriétaire… Elle accueillit son ami au niveau du chariot avec un sourire rassuré avant que ce dernier ne se fige en découvrant l’empennage de la flèche qui dépassait encore de son épaule… Elle s’était bien doutée qu’il avait fallut ce genre d’arme pour le faire tomber un peu plus tôt mais de voir le projectile encore fiché dans sa chaire…

Le cheval prit la tête, ouvrant la marche. Ils réalisèrent qu’une grande partie de leurs efforts avaient payé qu’une fois qu’ils eurent franchi les portes de la ville. Ils ne pouvaient pas encore fêter leur victoire car Bénécius était encore bien loin mais ils savaient qu’ils pourraient bien plus facilement semer leurs hypothétiques poursuivants en étant en pleine nature. La shaman essayait de pousser leurs chevaux à leurs extrémités sans pour autant les tuer. Il lui tardait de ressentir un minimum de sécurité… A moins que les mages blancs ne viennent à leur rencontre et ne fassent en sorte de les téléporter, la route serait tout de même longue et éreintante. Parvenue au niveau d’Edalion, elle garda le silence quelques seconde…

-Il faut nous vous enlevions cette flèche avant de continuer…

Ce n’était ni une question, ni un conseil… Plutôt un injonction. S’il continuait à chevaucher ainsi blessé, il n’allait faire qu’aggraver la situation. Si elle s’était écoutée elle l’aurait forcé à rester allongé dans la charrette… Mais il ne se laisserait certainement jamais faire. Le minimum était donc d’essayer de bander au mieux ses blessures pour qu’il tienne le coup jusqu’à ce que des soigneurs expérimentés puissent le prendre en charge. Après tout ce qu’ils venaient d’endurer, elle n’avait aucune envie d’avoir à rendre hommage à un héros mort au combat. Elle en avait assez autour d’elle pour cela…

Ensuite, une fois que tout le monde se serait posé pour vérifier que personne n’était blessé, ils reprendraient la route… En espérant rencontrer les mages blancs avant d’avoir à frapper à la porte de leur tour. Elle essaierait de tenir jusqu’au bout mais elle savait qu’une fois que les esclaves et Edalion seraient en sécurité, elle s’effondrerait comme une masse. Elle sollicitait beaucoup ses pouvoirs alors qu’elle venait de passer un certain temps à en être complètement privée… Mais elle se promit d’attendre que le chevalier soit entre de bonnes mains !