Une journée d'hiver, un combat acharné s'était déroulé à Bénécius, combat de deux amants, combat d'orgueil et de détermination. Deux êtres qui voulaient faire leurs preuves, prouver qu'ils étaient dignes de se côtoyer, de marcher l'un à côté de l'autre sans jamais pour autant se tenir la main en public. Il n'y avait que lorsque les regards étaient tournés, lorsque l'intimité leur était offerte, qu'ils avaient le droit de partager leurs vrais sentiments. Et encore, ce partage n'est jamais réellement sincère puisque pleins de fierté qu'ils étaient, ils ne pouvaient jamais se résoudre à prononcer des mots, tellement doux qu'ils écorcheraient leurs lèvres en sortant de leurs bouches.

Les clameurs étaient étonnantes. Une femme marquée par le sceau de la noirceur avait combattu un chevalier à armes égales. En apparence, ce combat était mené pour que justice soit faite et qu'à tout jamais, le mal soit scellé dans un cachot. En réalité, il signifiait tout autre chose pour ceux qui avaient mis leurs vies en jeu, parce qu'il ne s'était pas s'agit de faire un petit spectacle de rue, loin de là. Avec l'envie de tuer dans le corps, la fermeté de la tenue de l'épée, le chevalier avait dévoilé l'étendu de son potentiel face à celle à qui il avait le plus à prouver. Chacun reçut quelque chose en retour. Pour lui, ce fut un blessure au côté, une lame qui se glisse dans sa chair tandis qu'il concentrait toute sa force pour briser le bouclier de la femme, jusqu'à le faire éclater et à briser un os de son bras. Lorsque le genou de Morgane tomba à terre, les yeux du chevalier reprirent leur couleur d'origine. Leurs regards se croisaient, il était satisfait de ce combat et ne voyait pas la défaite de la femme comme une faiblesse parce qu'elle avait été sincère avec lui du début à la fin, elle avait répondu à sa propre sincérité qu'il lui avait offerte.

"Par les droits qui me sont conférés, vous êtes désormais prisonnière des chevaliers de Bénécius. Toute résistance supplémentaire, entrainera une sentence proportionnelle à la peine que nous nous donnerons pour vous neutraliser."

Toutes les forces du chevalier s'échappaient de son corps, comme à chaque utilisation de ce pouvoir mystérieux qui provenait du mystérieux rubis serti dans son arme blanche. Malgré tout, il tenait encore debout, victorieux sous les clameurs. Aubin appela rapidement un régiment spécial pour escorter le mage noir jusqu'à bon port. Orpheus, malgré son état peu glorieux et la peine qu'il avait à marcher, insista pour la mener lui-même au château en leur compagnie, il voulait s'assurer que rien n'arrive à la prisonnière sur le chemin ou plutôt, que rien n'arrive aux chevaliers si ils n'étaient pas aux aguets. Au fond de lui, l'éclair sauvage ne gagnait rien à l'emprisonner mais dans son rôle, il ne devait pas montrer signe de faiblesse ou d'hésitation. Il avait vaincu en combat singulier un mage des plus puissants, bien que dans un combat à mort, il ne serait peut-être plus debout. Ce haut fait allait lui valoir quelques petites compensations et redorer quelque peu le nom de sa famille déjà trop dépouillé de ce qu'il possédait auparavant à l'époque du chevalier blanc.

On lui donna donc une corde pour attacher solidement les poignets de la femme, sans se soucier du fait que ses os étaient brisés. Des premiers soins avaient été accordés à la plaie d'Orpheus mais cette dernière ne cessait malgré tout de saigner c'est pourquoi il devait constamment appuyer un tissu rapidement trouvé dessus. Tout le chemin jusqu'au château, il se força à avancer, sentant son corps se vider doucement de son liquide vital. Face à une des hautes têtes de la chevalerie, le jeune homme tomba malgré tout dans l'inconscience. Rapidement expédié à l'infirmerie, une attention toute particulière fut accordée à la prisonnière mise dans une prison lugubre, les mains enchainées aux murs froids. Il y eut surement des interrogatoires également, des coups portés à sa personne sans prendre en compte le fait qu'elle était une dame.

Et ainsi, une semaine s'écoula avant qu' Orpheus ne reprenne conscience. Le premier réflexe en se réveillant fut de demander où avait été placée Morgane. Dans le fond des cachots, dans un cachot spécial, une salle circulaire fermée d'une porte blindée de métal dans laquelle on pouvait jeter un coup d'oeil par le biais d'une petite languette coulissante sur la porte. Sans réellement d'autorisation, le chevalier se rendit sur place, mentant aux gardes de service en leur disant qu'il avait la permission en temps que "héros du jour", de voir sa prisonnière. Lorsqu'il poussa la porte du cachot et la referma derrière lui et qu'il vit la femme à la lueur d'une petite bougie, le chevalier resta de marbre en la regardant droit dans les yeux.

Etre amenée attachée jusqu'au château des chevaliers avait quelque chose d'humiliant. Les villageois ne cachaient pas leur mépris lorsqu'ils me croisaient ainsi défaites. Aucun ne se souciait de mon état alors que mon bras me faisait atrocement mal et que du sang coagulé était présent sur mon visage. Par contre, on était au petit soin avec Orpheus. Voilà la différence entre nous.... Voilà la ligne qui nous séparait. Nous ne faisions pas partis du même monde... Je l'avais toujours su mais j'en fus frappée avec force à cet instant précis. Je n'éprouvais aucune rancoeur à son égard. Il avait utilisé toute son énergie pour m'abattre. Je lui avais donc donné autant de fil à retordre qu'il l'avait espéré. J'aurais pu faire plus... mais je ne voulais pas le tuer... La revanche serait par contre bien plus difficile car mon égo blessé agirait avant mes sentiments...

Le chemin jusqu'au château fut long. Aubin s'amusait à tirer par moment sur mes liens pour me faire déraper... il espérait plus mais j'avais plus d'équilibre qu'il n'en paraissait même dans cette position à moins que cela soit lui l'incompétent dans cette histoire? Allez savoir. En tout cas, ma haine à son égard ne cessa de s'accroitre. Quand je serais libre, je lui arracherais le coeur... Mon paladin préféré ne pourrait pas m'en empêcher... On ne rend pas une agneau une louve... De toute façon, le voudrait-il vraiment? J'en doutais. Je perdrais une grande partie de mon charme.

On m'emmena sans ménagement jusqu'à ma cellule. On me sépara de mon amant. Viendrait-il me voir? Je l'espérais sous peine que je doive lui arracher les yeux à nos prochains retrouvailles. Sans soin, on m'attacha mon bras blessé à un mur glacé. Je crachais au visage de mon bourreau et je reçus une gifle en retour. D'une voix froide, je répondis :

"Voilà donc votre magnificence? Vous attachez et frappez une femme sans défense... Quelle gloire!"

On me retira ma dague et mes fils d'acier mais pas mon bracelet magique qu'on jugea être un simple ornement... Grave erreur... Mes poignets étaient enlacés par des menottes faites en fer et non en corde. Bien, ils me prenaient au moins au sérieux. Mon coude ne me faisait plus souffrir, l'articulation était devenue gourde... un mage blanc me soignerait un jour... et alors je pourrais l'utiliser de nouveau... même handicapée... ma sortie sera fabuleuse.

On me laissa dans le noir... Mon dos me fit mal... On m'apporta à manger deux fois par jour... On me détacha les mains pour que je puisse manger... mais on surveillait de très près (une dague était présente sur ma carotide au cas où j'aurais un mouvement trop vif). On ne rattachait aussitôt finie. La nourriture était infecte. Mon repos était immonde... On me posa plein de questions mais ils n'eurent aucune réponse. Mon visage était tuméfiée de diverses couleurs à cause des coups subits... chacun engendrait une réplique... mais pour le moment, ils étaient si fiers de me malmener ainsi...

Le temps n'avait plus d'emprise... Je ne pleurais pas... Je ne parlais pas... Mon regard s'était fait vide... Mon esprit était bien loin... Orpheus ne me rendait pas visite... Une rancoeur naquit malgré moi dans mon coeur à ce sujet. Je ne pouvais pas savoir que j'étais responsable de son absence... Il avait tiré trop sur la corde... trop fier pour admettre que j'aurais du lui échapper...

Alors que les jours s'enchainaient, un changement eut lieu. Je n'ouvris pas les paupières quand il fit son apparition. Je ne l'attendais plus. Je commencais déjà à maigrir... J'étais sale... et surtout blessée... Un paladin avait décidé d'enfoncer son épée dans ma cuisse droite, ouvrant un peu plus ma robe qui était rose de base, pour voir si je réagirais... Il eut juste un coup de pied dans le thorax en retour qui lui brisa deux cotes... Oh je reçus une volée de coups en retour mais il ne s'approcherait plus de moi.

"Quelle torture allez-vous m'infliger aujourd'hui? Vous êtes aussi laid que l'ordre auquel j'appartiens et vous ne le comprenez pas... J'ai les mains salies du sang de mes victimes... mais au vu des marques que j'ai sur le corps actuellement... vous êtes pire que moi... Vous n'obtiendrez rien de ma part... Ce qui se passe à Malificium reste à Malificium..."

J'ouvris les yeux et la lueur de la bougie donna un aspect empoisonné à mon regard. Les cernes creusaient mon visage. Je ne sentais plus mes poignets... mais je gardais un sourire méprisant sur les lèvres... De la surprise se lut sur mon visage lorsque je reconnus mon geolier... Un sourcil se haussa d'interrogation.

"Tu es venu observer le chef d'oeuvre de tes partenaires... ou tu t'es enfin décidé à me libérer? Je pensais que tu m'avais oublié... Que notre combat t'avait rendu amnésique... Tu as fêté ta victoire je présume?"

Une semaine entière pour se remettre d'un combat, la conscience endormie du chevalier hurlait au scandale. Jamais il ne devait montrer signe de faiblesse et le voilà en convalescence pendant plus de temps que nécessaire. Le temps qu'il se réveille, le monde aurait peut-être changé autour de lui qui sait. Les regards sur sa famille et sur sa personne, comment cette victoire allait-elle changer les choses? En tout cas, la nouvelle se répandrait rapidement et les ennuis entre les chevaliers et les mages noirs pourraient prendre de l'ampleur si jamais la femme restait trop longtemps emprisonnée.

En plus de cela, l'inquiétude voilée qu'il portait en lui ne faisait que s'accroitre à chaque instant. Il n'avait pas prévu de laisser Morgane aux bourreaux pendant une si longue période, il avait l'intention de la voir régulièrement pour qu'elle ne s'imagine pas qu'elle n'était qu'un trophée dans sa liste. Et pourtant, une semaine sans nouvelle, de quoi allait-il avoir l'air. D'autant plus que certains échos qui lui parvenaient n'avaient rien d'encourageant. La femme ne semblait pas dans le meilleur des états. Elle avait subi des tortures violentes sans jamais cracher le morceau, se contentant la plupart du temps soit du silence, soit de répliquer, recevant un juste retour. Alors qu'il quittait son lit d'infirmerie, Orpheus entendait des murmures, des regards posés sur lui. On accourait pour lui demander de se reposer encore et lui remerciait les infirmières qui s'étaient occupées de lui.

"J'ai déjà perdu trop de temps."

Le plus rapidement possible, il passa dans une salle d'eau pour se purger de toutes les saletés qu'il avait accumulé pendant la semaine, puis passa à sa chambre pour enfiler des habits un peu plus descents que ceux qu'il portait et qui respiraient le malade. Le jeune homme avait un mal de crâne atroce mais il s'efforçait d'écourter le plus possible le moindre de ses gestes pour pouvoir aller au donjon. Morgane l'y attendait et même si il avait du retard, il se devait de la voir pour s'assurer qu'elle n'en mourrait pas. Oh, il ne se faisait pas d'illusion, elle était solide, cependant, toute femme forte qu'elle était, la drow n'était pas immortelle. Avant que le pire ne se produise, il se devait de passer tous les gardes, pour atteindre sa cellule. En tant que grand gagnant de ce duel, il n'avait aucun mal à prétexter vouloir s'enquérir de l'état de sa prisonnière.

Ce qu'il vit en face de lui ne lui plut pas plus que ça. Une semaine pour faire ce sale boulot. La cellule ne sentait pas la rose. mais surtout, la femme qui était face à lui était méconnaissable. Les cheveux blancs de Morgane tombaient désordonnés devant son visage, un visage marqué par des coups, des hématomes divers et puis tout le sang coagulé sur son corps n'arrangeait en rien l'ensemble du tableau. L'accueil qui lui fut accordé, fut comme prévu assez cinglant, ce qui était justifié. Elle avait perdu du poids et lui en avait tout autant perdu, mis à part le fait qu'il était plus propre et qu'il sortait d'un sommeil d'une semaine. Sans prononcer un mot, le chevalier s'avança pour mieux observer la femme. Du bout de ses gants, il tourna sa tête à droite et à gauche pour inspecter son visage précautionneusement.

"Du travail de porc comme d'habitude…"

Ignorant tout simplement la provocation de la femme, le chevalier ressortit de la cellule pour revenir une dizaine de minutes plus tard avec une bassine d'eau chaude et une serviette. Il la trempa pour l'humidifier puis l'essora avant de venir vers Morgane pour tapoter son visage avec une extrême prudence pour retirer la poussière et le sang mais pas appuyer sur les zones douloureuses.

"Oh, pour avoir fêté cette victoire, ça a été une sacré fête, je peux te l'assurer."

Le chevalier n'en disait pas plus que nécessaire, il n'avouait pas avoir été terrassé si longtemps à cause du combat, il n'avouait rien qui ne marque une quelconque faiblesse en lui. Cependant, son regard n'était pas celui d'un homme satisfait par la vision qu'il avait. C'était au départ leur jeu, ils se battaient, il la capturait puis éventuellement, il se débrouillait pour la faire sortir. Mais dans cet état, les choses seraient bien plus ardues. Orpheus avait pressenti avec le regard d'Aubin, que ce dernier n'irait pas par quatre chemins avant d'offrir un peu de souffrance à cette jolie protégée. Si seulement il s'était réveillé avant… Orpheus poussa un soupir de frustration en se penchant sur la cuisse de Morgane qui avait enflé sans traitement.

"Je ne suis pas mage blanc comment est-ce que je suis censé soigner ça…"

Après une petite toilette, il jeta le tissu imbibé de sang dans la bassine d'eau et regarda la femme droit dans les yeux. Est-ce qu'elle voyait qu'il n'avait pas eu l'intention de la laisser pourrir ici? Est-ce qu'elle comprenait que des imprévus avaient pris les devant ou bien est-ce que de la haine s'était développée à son égard? Il ne s'excuserait pas, ils étaient au courant de ce qui allaient se produire si jamais elle était mise dans le donjon du château.

"Tu vas pouvoir tenir encore une journée? Je ne te laisse pas passer une nuit de plus dans ce luxueux palace."

Orpheus n'avait pas le traitre morceau de plan en tête mais ce qui était certain, c'était qu'il ne la laisserait pas pourrir ici plus longtemps. Déjà, elle était restée plus que nécessaire. De jour, il ne pouvait rien tenter mais de nuit, la garde était renforcée. Son salut se jouerait sur la chance et là, il risquait gros. Son grade, le nom de sa famille, sa place au sein de la chevalerie, tout cela pour le compte d'une femme qui devrait être son ennemie. Avait-il le choix? Malgré son indifférence apparente, il tenait à ce que cette personne soit en vie parce qu'elle représentait quelque chose à ses yeux, la seule qui ne représente quoique ce soit à dire vrai. Revenant à elle, il posa ses lèvres sur la joue de la drow et se retourna aussitôt pour qu'elle ne lise pas dans ses yeux, il détestait qu'on voit en lui comme dans un livre ouvert. Posant la main sur la poignée, il tira sa révérence.

"Ne meurs pas d'ici ce soir."

Et sur ce, il quitta la salle. Ce qu'il n'avait pas prévu, c'était que la bassine d'eau qu'il avait oublié sur la table allait attirer bien des ennuis supplémentaires à Morgane ainsi qu'au niveau de toute la sécurité. Un traitre était au sein de la chevalerie, et ils se débrouilleraient pour l'attraper. Les geoliers allaient concocter un plan pour attraper l'individu, juste sous les yeux de Morgane sans qu'elle ne puisse avertir le chevalier qui faisait ses préparatifs pour le soir...

Je le laissais m'observer. Je ne pouvais pas faire autrement. J'étais dans un état pitoyable et peu désirable mais dans mon regard, on pouvait lire toute ma fureur et mon envie de raser le château. Mon esprit était resté intact. Il ne pouvait avoir aucune crainte à ce sujet. Il semblait un peu inquiet par ce qui s'était passé. Mais avec la faible lueur et mon état, je ne pouvais pas en être certaine. En tout cas, il ne semblait pas super heureux du travail de ses collègues.

"En se comportant comme des animaux, le travail s'en ressent. En tout cas, je peux t'assurer qu'Aubin n'a pas fini d'entendre parler de moi."

Ma voix était grondante d'une haine palpable alors que ma gorge était sèche, l'eau étant une denrée rare depuis que j'avais pénétré ce lieu. Il m'abandonna... Mon coeur se serra et une envie de pleurer se fit sentir mais je résistais. Il revint avec du matériel dont je n'arrivais pas à voir la nature exacte. J'aurais préféré qu'il revienne avec les clés de mes menottes mais ce n'était pas grave. Je le lui pardonnais lorsqu'il passa le linge humide sur mon visage. Cela me fit le plus grand bien. Des larmes se mélèrent discrètement au tissu mais il ne put s'en apercevoir. Je ne le haissais pas. Je ne comprenais juste pas pourquoi il avait mis autant de temps avant de venir me rendre visite.

"Dommage que je l'ai loupé. Elle aurait été d'autant mieux si j'avais été là."

J'étais très sarcastique. J'espérais qu'il se soit ennuyé à mourir. Si j'apprenais qu'il avait fêté sa victoire dans les bras d'une autre femme, je l'émasculerai dès que je serais de nouveau libre. Je souris doucement. Il s'occupa de ma cuisse. Je soupirai doucement. Je ne pouvais pas voir l'étendue de la blessure.

"Tu remercierais Messire Roquet pour cela. Mais rassures toi, deux cotes ont disparu de sa cage thoracique suite à cela... Par contre, je suis plus inquiète pour mon coude. Tu n'y as pas été de mains mortes... et la position où je suis va me rendre handicapée à ce niveau... Il faudrait que tu me fasses rencontrer une guérisseuse quand je serais sortie d'ici."

Je doutais qu'elle accepte de m'aider mais j'étais certaine que le paladin se montrerait convaincant... Il me devait bien cela non? Il ne voudrait pas que je me venge aussi sur lui, non? Nos regards se captèrent et se dirent bien plus que les mots qu'on aurait pu prononcer. Je baissais les yeux à ses dires une fraction de seconde et raillera :

"S'ils ne m'empoisonnent pas à mon prochain repas, cela devrait se faire. Je t'ai promis quelque chose, non?"

Je ne mourrais pas... Il était hors de question que je décède dans ce taudis. Pas de baiser d'adieu... Juste un baiser chaste sur la joue. Il avait intérêt de se rattraper cette nuit! Orpheus s'éclipsa me laissant seule pendant quelques heures pendant lesquelles, je fis une petite sieste. J'eus de la visite. On venait de me frapper au visage pour me réveiller brusquement. On m'invectivais...

"De quoi vous parler? Je n'ai que vous comme admirateurs!"

"De ça!"

On me montra sous les yeux la cuvette et le linge sale de mon sang... Et merde... Mon amant avait merdé à ce sujet! Il faudrait que je lui apprenne quelques trucs sur la discrétion!

"Vous avez dû l'oublier lorsque vous m'avez ramené le repas hier..."

On appuya sur ma blessure à la cuisse. Un cri animal sortit de mes lèvres. Des larmes coulèrent le long de mes joues sans que je les contrôle. La plaie s'était réouverte et se vidait sur ma chair. On me frappa au visage. Ma tête tapa violemment le mur derrière moi. A moitié sonnée, j'écoutais les dires des chevaliers sur le traitre... le plan était clair... Je ne serais pas seule... La bougie s'éteignit et par précaution, on me baillonna... ainsi quand mon partenaire arriverait... Je ne pourrais rien faire... C'est ce qu'ils croyaient bien sûr... Une Evans est toujours pleine de ressource... Discrètement, je fis glisser mon poignet de ma menotte. Je ne pouvais pas l'enlever ainsi mais avec ma maigreur, la menotte me serrait beaucoup moins. Je fermais les yeux et pensais au regard de mon amant alors que je me déboitais le pouce pour pouvoir libérer ma main...

Un certain Steve était mon geolier... Il respirait bruyamment et me regardait par moment avec envie... Lorsqu'Orpheus entrera, j'enverrais une boule de feu en direction de son collègue ainsi il comprendrait qu'un piège était présent. Je ne pouvais pas savoir la place des autres... mais celui-ci ne pourrait pas l'atteindre... La vengeance est un plat qui se mange glacé... et encore plus lorsqu'il est servi par une femme de mon gabarit qui plus est quand l'homme pour qui j'ai des sentiments est visé... J'étais plus faible à cause des différents traitements subits... Mais il ne faut pas me sous-estimer...

Malgré l'indifférence du chevalier, toutes ses actions montraient qu'il ne se fichait pas tant que ça de Morgane. Il la lava de la saleté, lui redonnant à peine un peu de dignité alors qu'elle était toujours enchainée. Son bras avait un mauvais angle, une sale couleur et devait lui faire un mal de chien. Son regard était le pire, elle en voulait aux chevaliers, elle allait faire un malheur si il la relâchait. Quelque part, heureusement qu'elle était épuisée car sinon, Orpheus n'imaginait pas les dégâts. Comme prévu, Aubin serait la cible prioritaire. D'un autre côté, vu qu'elle avait détruit sa famille, le chevalier avait bien le droit de lui en vouloir personnellement. Orpheus n'irait pas prendre parti pour qui que ce soit, ni dire qui avait raison ou tord.

"Réserve lui ça lorsque tu seras en pleine forme."

La fête, il en parlait comme si elle avait été fantastique alors qu'il l'avait passé au lit. Aubin avait dû raconter des histoires à dormir debout, embellir son combat ou bien le rendre pitoyable en disant qu'au final, lui avait fait tout le boulot et Orpheus avait récolté les dernières miettes de la femme. Les autres étaient de toute façon témoin, le blond chevalier avait combattu comme un diable, déployant le plus profond de ses forces dans l'arrestation de ce mage noir. Morgane était donc forcément cynique en imaginant qu'il avait fait la fête tandis qu'elle était restée en prison. Un jour il lui dirait… peut-être. Le Neiphereum continuait de constater de l'étendu des dégâts, assez mécontent car la fuite allait s'avérer particulièrement compliquée si Morgane ne pouvait même pas courir avec cette jambe. Par contre, pour son coude, il sourit en coin en repensant à l'attaque de brute qui avait sonné la fin du combat.

"J'ai tendance à m'emporter et à ne plus rien contrôler lorsque je veux vraiment gagner."

Elle devait savoir de quoi il parlait, du rubis bien entendu, ou plutôt de ce pouvoir mystérieux qui le mettait dans une rage folle. N'avait-elle pas été étonnée de le voir encore debout après avoir utilisé ce pouvoir? Ne se rappelait-elle pas qu'il était tombé suite à son arrivée au château? Il ne poserait pas la question trop occupé à se demander qui accepterait de l'aider à soigner cette femme. La seule réponse qui lui vint immédiatement: sa famille. Sa famille était droite certes, mais ils pensaient comme des Neiphereum à savoir qu'ils savaient prendre des risques, quand bien même cela signifiait s'attirer les pires des ennuis. Qu'il ramène la fille d'Halloween Steel ne serait même pas une surprise, ils le prendraient tous comme une chose normale très probablement.

"Oui… Tu tiendras le coup car sinon, je devrais aller te sortir du trou de la mort pour t'obliger à retourner ici."

Ah, il était mignon… Le chevalier s'en alla, omettant de retirer la bassine et en réfléchissant à un plan, il retourna tranquillement à sa chambre. Au moins, lorsque les chevaliers arrivèrent, le garde avait changé c'est pourquoi personne ne sut qu'Orpheus avait rendu visite à la prisonnière. Les chevaliers étaient hors d'eux mais ils étaient prêts à en découdre avec le traitre. Ignorant tout de ce que vivait de nouveau Morgane, le Neiphereum fit parvenir un message à sa mère qui était une bonne guérisseuse d'ailleurs. C'était la première fois qu'il sollicitait son aide, elle comprendrait que ce n'était pas une vulgaire situation. Voilà, tout était prêt… Il attendrait la nuit, enverrait promener le garde en le faisant boire comme un trou à bière puis une fois bourré, il ferait échapper Morgane par… les remparts. Sauter des remparts pour se jeter dans les douves et espérer qu'ils s'en sortent. Ce n'était pas comme si ils avaient déjà fait une chute mortelle de toute façon!

La nuit arrivée et le repas passé, Orpheus alla donc accomplir son méfait en saoulant complètement le garde de service qui aurait un beau trou noir le lendemain. A pas de loup, il descendit les cachots avec en main le trousseau de clé. Il fit lentement tourner la clé dans la porte et poussa le battant. Immédiatement, une boule de feu éclata sur un homme sur le côté. Par réflexe, le chevalier avait sa lame blanche dans la main. Morgane était bâillonnée au mur et des têtes ébahies étaient en train de l'observer, dont Aubin qui semblait ravi.

"Orpheus, voyez-vous ça? Tu as pris pitié de notre pauvre prisonnière et tu es venu lui faire une petite toilette dans l'espoir de te la faire par la suite? Je ne t'ai jamais aimé Neiphereum et ce soir, tu es fini, hahaha!

Triomphe? Le descendant du chevalier blanc n'avait pas attendu pour lancer un couteau dans la gorge de Aubin qui s'effondra tout bonnement. Les deux autres chevaliers avaient dégainé leurs épées. Orpheus referma la porte derrière lui pour que le bruit ne s'étende pas. Son regard exprimait le regret. Il ne voulait pas avoir du sang de chevalier sur lui, mais c'était inévitable… Tandis que le geôlier était en train d'éteindre le feu qui était sur lui, la lame blanche fondit sur ceux qui étaient censé être ses frères d'arme. Rapidité, précision, le bretteur avait bien pris de son ancêtre, cette capacité à combattre de manière si gracieuse et si mortelle. Un ballet de mort qui laisse s'entrechoquer des lames entre elles. Le fourreau dans une main, l'épée dans l'autre, Orpheus parait et attaquait en même temps, dans le petit espace disponible dans la cellule, tranchant les deux gorges après quelques échanges malhabiles de leur part et meurtrier de la sienne.

Le souffle court, il rengaina son arme et courut vers Morgane pour libérer ses poignets. Bien sûr, il remarqua qu'elle avait repris des coups et la soutint aussitôt que le poids de son corps tomba en avant. Elle était tellement maigre dans ses bras, tellement fragile en apparence. Le geôlier choisit ce moment pour assener à deux mains un coup monumental sur le crâne blond du chevalier qui tituba en lâchant la femme, complètement sonné. Au moins, il pensait pouvoir se faire les deux seul et n'appelait pas la garde, cet idiot de Steve.

"Toi… espèce d'idiot…"

Le feu avait brulé ses bras et son torse qui était d'ailleurs nu depuis. De forte corpulence, l'individu ne tombait pas aussi facilement hélas. Orpheus se fit de nouveau soulevé, et enserré dans les bras de la brute. Ses os étaient en train de craquer, à leur limite, il les sentait tous frémir alors que la douleur commençait à naitre dans tous son corps. Mourir contre une force brute de la sorte, il en était hors de question. Un coup de boule, sa tête vint heurter celle de Steve, lui faisant un mal de chien. Au moins, le geôlier avait lâché le chevalier qui tomba à genou devant lui, le corps encore frémissant.

"Et si tu nous remontrais un peu de ton feu Morgane?"

Je souris à ses dires. Je me gardai de dire que je préférais être dans son lit qu'ici s'il devait me ramener d'entre les morts. La situation n'était pas adaptée. Il n'eut juste en retour qu'un sourire rempli de tendresse malgré la fatigue qu'il pouvait aussi entrapercevoir sur mes lèvres.

La suite ne fut guère agréable. Je commencais en avoir pas mal ma claque des interrogatoires. J'étais une fille de terrain, pas un gratte papier... Ils semblaient l'oublier... Mais je devais avouer que j'étais assez époustouflée par leur engagement. Ils ne semblaient vouloir abandonner sous aucun prétexte. Auraient-ils si peur de mon ordre? Ou alors était-ce du à mon rang si spécial à cause de mes liens de parenté? Tout était possible. Quoi qu'il en était, ils m'agaçaient.

Je ne pouvais pas les empêcher de formenter contre mon amant. Mais il était hors de question que je sois qu'une simple spectatrice. C'était pour cela que malgré la douleur et la blessure volontaire que je venais de m'infliger, je serais à compter dans l'action. Orpheus fit son apparition. Il ne prit pas la parole avant de pénétrer dans ma cellule, ainsi il ne révéla pas notre lien. C'était déjà une bonne chose en soit. Une fois qu'il fut à l'intérieur, j'usais de ma magie pour mettre hors d'état de nuire un premier paladin. Peut-être que mon partenaire m'en voudrait mais si je n'avais rien fait, il aurait eu encore plus d'ennuis.

Le discours d'Aubin montra que je n'étais pas la seule sur la liste de ses ennemis. Je me sentis quelque part encore plus proche du paladin à ce moment précis. Le combat s'en suivit. Je ne pouvais pas bouger sous peine de m'effondrer au sol et d'être impossible de me relever. Le combat montra la supériorité de mon amant face à ses collègues. J'éprouvai du dégout pour la clique d'Aubin. Aucune pitié ne m'envahit. Ils avaient bien mérités leurs sorts.

Orpheus me libéra. Je tombai lourdement contre lui. Je remarquai à cet instant que j'étais vraiment en mauvais état. Ma vengeance alors s'en retrouvé affectée à coup sur. Je devais faire attention à ne pas tomber inconsciente. Je remerciai d'un regard mon tendre compagnon. Nos retrouvailles furent de courte durée. Il me fut arraché mais je me rattrapai au mur. On venait de l'attaquer par derrière... De la rage naquit en moi et me permit de me redresser.

Mon partenaire était en difficultés malgré les dégats que j'avais déjà infligé à mon bourreau. Je devais attendre qu'il soit loin de lui pour attaquer. Je ne souhaitais pas blesser mon amant même si j'avais quelques reproches à lui faire. Cela se réglerait plus tard. Je souris à sa demande et murmurai d'une voix grondante de haine et d'une soif sanguinaire :

"Restes loin de lui... J'ai bien mieux que mon feu."

Je posai ma main sur mon bracelet rapidement afin d'activer son sort et je positionnai ma main droite, mon coude gauche m'empêchant de faire quoi que ce soit de ce côté là, devant moi. D'une voix rageuse alors qu'il se dirigeait vers le paladin :

"Crèves!"

Un puissant arc électrique apparut entre mes doigts et vint le frapper au thorax. Le corps de Steve se mit à trembler dans tous les sens, ses yeux se révulsèrent. Une odeur de crâmé se propagea dans l'air. Son coeur ne résista pas bien longtemps à une telle décharge rappelant en apparence la foudre. Il tomba au sol définitivement inerte. Je marchais difficilement en direction d'Orpheus. Je déchirais tant bien que mal un morceau de ma robe salie pour me faire un garrot à la cuisse et prononçai sur un ton autoritaire :

"Sors moi de là! Mais n'oublions pas mes armes!"

J'aurais besoin de son aide mais je savais que nous nous en sortirons. On avait connu pire dans les montagnes, non? Je posais ma main sur sa joue le temps d'une douce mais brève caresse et murmurai :

"Je suis désolée que tu ais dû te débarrasser de ces cloportes... S'il y avait pas eu la bassine... tout ceci... viens! J'ai grave envie de manger quelque chose de sain et de gouter à du satin!"

Le sauvetage de Morgane n'était pas en train de se dérouler selon le plan initial d'Orpheus. Il savait qu'il risquait gros en lui donnant un coup de main mais ne s'attendait pas à devoir combattre jusqu'à des chevaliers, pire, les tuer. Tout écart de conduite était réprimandée, celle-ci ressemblait d'avantage à une trahison pure et dure. Si jamais on le surprenait, il n'aurait plus sa place et on le traquerait partout où il irait. Plus que jamais, le chevalier était donc en train de rager contre le fait qu'il possédait un coeur et des sentiments, ces mêmes sentiments qui allaient le conduire à sa perte. Mis à part ces détails, sa manière de combattre restait toujours aussi précise, aucune hésitation lorsqu'il tua Aubin, ni les deux autres alors qu'ils étaient de braves gens qui avaient un avenir radieux devant eux. Leur présence ce soir, ils ne pouvaient que se blâmer d'avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, voilà tout.

Sans avoir besoin de l'explication de Morgane, les yeux bleus du jeune homme tombèrent sur la bassine qu'il avait oublié par mégarde en sortant de la cellule précédemment. A vouloir aider la femme, il lui avait attiré encore d'avantages d'ennuis! Au moins, un poids lui était retiré en sachant que la drow était de nouveau libre de ses mouvements, du moins, avec le peu de force qu'elle possédait encore en elle. Orpheus ne remarqua pas son doigt déboité puisqu'il fut obligé de la lâcher à cause d'un bourreau qui n'était pas encore au tapis. Ce dernier s'était contenté de bruler dans son coin tandis qu'Orpheus neutralisait ce qu'il pouvait. Maintenant qu'il était de nouveau apte à frapper, l'abruti ne s'était pas gêné pour tenter de briser le descendant du chevalier blanc en deux. De peu, il allait réussir son coup si l'éclair sauvage n'avait une envie de vivre aussi fulgurante. Ce n'était pas un secret, Orpheus avait peur de la mort, il refusait de mourir bêtement, dans des situations pitoyables comme celle-ci. Comme tout être humain, dans les moments critiques, ses capacités sont décuplées, l'instinct de survie qui donne des ailes à certains, ou encore la force de s'échapper d'une étreinte mortelle.

Suivant les conseils de la femme, le chevalier roula de côté en la voyant activer un pouvoir qui lui était inconnu. Une longue décharge électrique traversa le corps de la victime pendant plusieurs secondes avant de laisser son corps fumant retomber, définitivement dépossédé de toute vie. La femme faisait la petite chef en lui donnant des ordres. Ah, c'est qu'elle devait être impatiente de visiter le reste du château. Orpheus passa le bras autour de ses hanches pour la soutenir et prit une grande inspiration avant de sortir avec le poids de la femme contre lui.

"Tes armes sont avec les autres des prisonniers, à l'étage d'au-dessus. Je me suis occupé du garde en question."

Pour preuve, en montant à l'étage, ils le trouvaient encore endormi. Ainsi en fouillant dans le coffre, on retrouva tous les instruments de Morgane, depuis ses fils jusqu'à sa dague. L'alerte n'avait heureusement pas été donné alors il suffirait de sortir sans éveiller les soupçons des sentinelles et tout irait bien. Puisqu'il n'était pas un suspect, le chevalier sortit de la pièce pour s'assurer que personne n'était sur le chemin de ronde.

"Viens, dépêchons-nous. Il n'y a personne, il va falloir en profiter."

La femme était pied nu, elle était sale et sa robe était déchirée. Tout laissait à penser qu'elle n'était pas une servante, surtout vu toutes les marques qu'elle avait au visage et au corps. La prisonnière serait la source principale de soupçon. Et en même temps qu'ils fuyaient à un rythme soutenu, Orpheus montrait diverses salles importantes du château histoire que le passage ne soit pas vain et que la visite ne se résume pas qu'au donjon.

"Orpheus? Qu'est-ce que…"
"Mince… mince, mince! Pourquoi toi..."

La lame blanche se teinta de nouveau de rouge, arrachant un juron au chevalier qui venait d'abattre un de ses congénères, un de plus sur la longue liste de meurtres perpétrés cette nuit. C'était d'autant plus rageant que celui-ci était sympathique, un fidèle individu qui serait resté droit, quelqu'un dont on aurait eu besoin et qui était promis à de belles positions… Orpheus n'était plus aussi serein qu'au départ. Il ne voulait pas en tuer d'avantage car chaque mort supplémentaire était une mort injustifiée juste pour sauver les beaux yeux de Morgane. Grimpant toujours plus haut, Orpheus réussit à atteindre les remparts sans d'avantage de morts sur la conscience. La sécurité était amoindrie de nuit, tous avaient envie de dormir alors plus loin, il y avait un casqué endormi et c'était tout. Le souffle rapide, le jeune homme jetait un oeil aux alentours du dessous. Les douves étaient assez profondes pour qu'ils sautent sans se tuer, cette partie du plan fonctionnerait.

"… J'espère que tu n'as pas été traumatisée de notre voyage en montagne car nous voilà obligés de faire un nouveau petit saut depuis les hauteurs."

[Tiens cet avatar ne m'est pas inconnu, désolée du léger retard chou]

Lorsqu'il passa son bras autour de mes hanches, je ne pus m'empêcher de frissonner de plaisir. Son contact m'avait manqué. J'étais dans un piteux état mais je restais néanmoins son amante. D'ailleurs, il était dommage qu'on doit s'enfuir comme des voleurs de ce merveilleux endroit... je ne verrais donc pas sa fameuse chambre... mais au vu des cellules, je doutais qu'elle soit si vraiment exceptionnelle... quoi qu'elle doit avoir moins d'humidité que les souterrains où nous nous trouvions.

Je notais l'information et hochai juste la tête. Nous risquions de rencontrer d'autres paladins en cours de route vu que nous grimpions d'un étage. J'espérais qu'il ne flanchirait pas au pire je pouvais encore utiliser mon bracelet. D'ailleurs, il ne m'avait pas dit ce qu'il en pensait... et dire qu'en m'enlevant mes armes, ses confrères avaient pensé que j'étais devenue inoffensive... Ah les imbéciles...

Nous avancâmes dans les couloirs. Je fus surprise de sa décontraction et de la voix presque enjouée avec laquelle il me racontait les divers endroits parmi lesquels nous passions. J'aurais bien aimé plus approfondir la visite mais mon corps hurlait de douleurs actuellement... donc pas le choix. Nous finimes par croiser du monde. La mâchoire de mon partenaire se contracta. J'eus de la peine pour lui. Tuer les siens n'était jamais un vrai plaisir... c'était en partie pour cela que je n'étais pas proche des miens... au moins, cela ne me dérangerait pas de les affronter... même Sven.

La course semblait interminable. Ma cuisse s'était remise à saigner. Parfois, ma vue se brouillait complètement et mon poids s'appuyait alors un peu plus contre Orpheus. Je me rendais compte que sans lui, je ne pourrais pas sortir d'ici... et j'en étais quelque peu agacée car je n'aimais pas être dépendante... mais bon... c'était le juste retour des choses... s'il n'avait pas été là au marché... je ne serais pas ici... car les autres auraient été incapables de me rattraper.

Nous arrivâmes aux remparts. J'eus la nausée. Il voulait vraiment qu'on saute? Sérieusement? Il a perdu la raison? Je jetais un regard à mon corps... Non... mais il voulait ma mort c'était certain... Je le fixais pendant de longues secondes. Je passais ma main sur son visage et murmurai :

"J'en garde un bon souvenir... j'espère juste que cela ne sera pas mon dernier."

Tout le monde dormait actuellement... On n'avait donc pas de soucis... et les morts n'avaient pas encore été trouvés... Je jetai un oeil vers le bas. De la sueur se colla dans mon dos salissant un peu plus ma robe. Je passais une main nerveuse dans mes cheveux... mon pouce était dans un sale état.

"Il n'y a pas des cordes pas loin? L'escalade serait plus sécurisante... mais nous devons faire vite."

Je passais donc mes jambes le long du rempart pour les laisser basculer dans le vide, seul mes fesses si joliment galbées reposaient contre le rempart. Je lui souris et murmurai :

"Le premier arrivé n'est pas une poule mouillée?"

Une lueur espiègle apparut dans mon regard. Je me fis tomber dans le vide... Orpheus n'entendit aucun bruit... signe que je ne m'étais pas écrasée lamentablement... J'avais atterri dans les bras d'un de mes sbires. Je le contrôlais donc il ne tenta pas de me mordre. Je descendis doucement lui arrachant quelques éclats de cubitus au passage. Je regardais mon beau paladin et annonçai :

"Sers toi en comme comité d'accueil. Je te jure qu'il ne te fera aucun mal."

Me faisait-il suffisamment confiance? Mon zombie avait les bras attendus... de la terre était présente en dessous et j'étais prête à agir dessus afin de baisser l'impact en cas de besoin...

D'habitude, il fuyait seul lorsqu'il le devait mais c'était une première que de devoir sortir de son propre chez lui sans se faire repérer et surtout, l'arme à la main. Ce coup-ci, il était en train de faire fuir une détenue importante, cela faisait de lui à moitié un fugitif. Cependant, personne ne savait encore ce qu'il faisait et sans preuve, personne ne saurait jamais ce qu'il avait fait. Tout témoin devait être mis hors d'état de nuire. Ce constat était affligeant. Lui qui se pensait détaché des chevaliers, complètement inébranlable et intouchable à ce sujet, il se sentit soudain pris d'un certain remord à avoir commis les gestes précédent. Le dernier qu'il avait abattu n'était vraiment pas destiné à mourir. Il le ressentait dans son bras, dans son regard. Un moment, son épée avait presque hésité à l'abattre mais le coup de la mort s'était abattu. Lorsqu'il voyait Morgane mal en point à ses côtés, Orpheus se disait qu'il devait de toutes les manières la sortir de là quel qu'en soit le prix. Si il devait être banni de la chevalerie et bien il aurait des ennuis jusqu'au cou mais ce sont les risques du métier comme on peut dire.

Sur les remparts, la solution n'était pas simple à envisager. Sauter de là sans se rompre le cou serait un beau défi. Mais quoi, c'était ça ou sortir par la porte principale qui était gardée, ou bien partir par les catacombes. Voyant Morgane dans un état pitoyable, le voyage des catacombes serait peut-être trop douloureux à supporter c'est pourquoi il avait opté pour une solution, pas des plus aisée cela va de soit. Pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire compliquer? Orpheus ne répondit rien au murmure de la femme, ils comprenaient parfaitement ce que cette chute signifiait.

"Tu crois vraiment qu'on va laisser des cordes pendues histoire que n'importe qui puisse entrer tranquillement dans le château aussi?"

Ils étaient chevaliers en armure, pas toujours malin pour certains mais pas idiots non plus. Le chevalier voyait parfaitement la silhouette de Morgane à côté de lui sous ce clair de lune. Il devait l'amener chez lui très vite et la faire soigner. Dépourvu de réelle autre solution, la drow s'asseyait sur le rempart en le défiant alors qu'elle savait parfaitement qu'il allait rester là-haut à surveiller ses arrières pour l'instant. La chute était rapide, elle ne se brisa rien de plus qu'elle n'avait déjà de brisé et c'était tant mieux. Maintenant, c'était à son tour de sauter? Le chevalier se pencha au-dessus du vide en regardant le corps plus bas. Délicieux, vraiment délicieux. Il devait espérer se faire attraper par ce truc. Comment dire… la scène se voyait de loin. Le chevalier tombe, les bras du corps se détachent de son corps et lui se brise la nuque au bout du compte.

Avec ces images en tête, Orpheus sauta simplement en priant n'importe quelle divinité pour qu'elle le protège. La chute dura plusieurs minutes en apparence, que deux secondes en réalité et il arriva sain et sauf que la terre ferme, encore impressionné de n'avoir passé l'arme à gauche sur ce coup là. Là, il demanda à Morgane d'aller se cacher vers les arbres plus loin tandis qu'il arrivait vers le château pour saluer les gardes. Personne n'était choqué de le voir à l'extérieur alors qu'il était censé être à l'intérieur. Le Neiphereum se contenta de prendre un cheval, les gens étaient habitués à ce qu'il se fasse des petites courses nocturnes. Quelques galops suffisaient à arriver au niveau de la dame à qui il donna la main pour qu'elle grimpe devant lui, qu'il puisse la garder dans ses bras sans qu'elle ne risque de tomber.

"Vous n'y verrez aucun inconvénient, je vous conduis maintenant chez moi pour vous faire soigner. "

Il s'était retenu de faire une blague sur sa "belle famille", sachant qu'ils avaient été capable de s'entretuer en public. Cette relation ne serait jamais approuvée officiellement, cela lui faisait une belle jambe, aucun ne cherchait de toute façon, à s'installer. Ils étaient jeunes et dynamiques, ils pouvaient galoper de nuit sans être effrayé. Le domaine Neiphereum se trouvait à peine plus loin. Arrivé à la maison, bordée par un jardin luxuriant, le chevalier laissa le cheval aux écuries en aidant Morgane à entrer dans le luxueux manoir. Immédiatement, on était aux petits soins. La dame Neiphereum actuelle descendait les escaliers d'une démarche posée, dans une robe humble et avec un regard bon.

"Ainsi tu nous amènes ce genre d'ennuis avec toi ce soir? Allons mademoiselle, venez avec moi tout de suite, nous allons vous remettre sur pieds sur le champ! Plus vite que ça! Et vous, allez lui préparer un bain!"

Le ton autoritaire de la mère d'Orpheus lui empêchait toute réplique. Deux servantes se dirigeaient vers une salle d'eau pour s'exécuter. Il lâcha Morgane pour la laisser aux mains de sa mère tandis qu'il allait dans sa chambre pour se changer et se reposer un peu de ce petit voyage mouvementé. De tout coeur, il espérait que les pistes ne remonteraient jamais sur lui et que cette évasion serait comme celle d'un mage abile…

"Je t'avouerais qu'après le traitement barbare que j'ai subi par Aubin et sa clique... Tout est possible..."

Je souris doucement à mon compagnon. Oui, des cordes sur leurs facades auraient quelque chose de stupides en plus d'être imprudents. Mais pourquoi pas après tout? Je ne connaissais pas les bonnes pratiques de ce lieu. Niveau paladin, je ne connaissais qu'Edalion et Orpheus. Les deux étaient tellement opposés que je ne pouvais pas savoir qui entre deux calquaient plus avec le modèle de leur ordre... Mais je supposais que mon amant adoré était loin d'être un élève modèle... et j'adorais cela!

Je finis par sauter en bas du rempart malgré mon état. J'étais une tête brûlée. Je venais d'en donner une nouvelle preuve à mon partenaire. Mais je n'étais pas complètement suicidaire, j'avais préparé mon coup discrètement et j'atterris calmement. Je descendis à terre et j'appelai mon sauveur. Un sourire légèrement espiègle était présent sur mes lèvres. J'étais lasse et fourbue de douleurs mais je jouais les braves pour ne pas trop le secouer. Je ne voulais pas qu'il soit épris d'une peur folle à mon sujet.

Il finit par sauter et comme je l'avais indiqué, mon zombie ne lui fit rien. Je fis disparaitre mon revenant et allai me cacher dans les arbres comme me le demandait si gentiment mon partenaire. Je me demandai bien ce qu'il souhaitait faire. Mes entrailles se serrèrent d'inquiétude lorsqu'il s'éloigna. Si un paladin l'attrapait? Si un paladin venait vers moi...

Mais ceci n'arriva pas. Il vint à cheval jusqu'à moi. Je ne fis aucun commentaire. J'étais ravie de ne plus marcher. Je lui pris la main et habilement, je me posai devant lui. Mon dos reposait contre son torse, je frissonnai de bonheur à son contact. Je me sentais en sécurité. Je souris à ses dires et murmurai :

"Mais je croyais justement que j'y étais chez toi... Me cacherais-tu des choses?"

Je m'endormis le temps du parcours. Il me réveilla doucement et j'aperçus une femme. La ressemblance était flagrante... Je venais d'atterrir au sein des Neiphereum. De la peur et de la joie naquirent en moi. Est-ce que ma mère avait rencontré par le passé les parents d'Integral? Je ne saurais le dire. En tout cas, j'étais ravie qu'elle puisse m'aider.

Je la suivis sans broncher. Le manoir était magnifique. L'hôtesse en imposait. Je jetais un regard vers mon amant. Lut-il de la gratitude? de la peur? Ou bien un mélange des deux? Une fois au centre d'une chambre, ma "belle-mère" me demanda de me déshabiller... voyant mon coude affreusement malade, elle jura et m'aida à enlever le reste de ma robe rose. Elle ne me posait aucune question. Elle agissait calmement et efficacement. J'étais rassurée entre ses mains. Elle m'emmena jusqu'à une salle d'eau. Cela me fit le plus grand bien. Lavée et parfumée, elle me badigeonna alors de pommades et autres onguents.

"Vous êtes vraiment dans un sale état! Vous n'avez pas intérêt de gâcher mon travail!"

Elle appuya ses mains sur mon coude et ma cuisse. Je me retins d'hurler de douleurs et elle se mit à incanter. La magie entra dans mes chairs et fit des miracles. J'étais épuisée. Je dormais debout. Lorsque les soins furent finis, elle me quitta. Avant de partir, je lui demandai :

"Pouvez-vous demander à Orpheus de venir?"

Fuir pour la vie d'une amante, pour qu'elle ne périsse pas sur un bucher pour ses méfaits. Voilà bien l'une des plus belle bêtise à faire de nos jours, Orpheus n'y croyait toujours pas ses yeux. A quoi jouait-il? Morgane était spéciale mais on en trouve toujours des plus spéciales non? Il se mettait en danger, il mettait en danger le nom de sa famille pour une prisonnière qu'il avait lui-même ramené au château, en voilà de bien belles. Pourtant, à chaque fois qu'il la regardait, malgré son piteux état, elle faisait naitre une flamme au fond de lui qui le poussait à avancer tout en la soutenant et en priant pour qu'aucun chevalier ne le croise. La lame blanche en avait déjà coupé certains, heureusement qu'il n'y avait pas d'étude qui puisse déterminer la marque que pouvait infliger une arme. Au pire, ils penseraient que le mage noir avait réussi à fausser compagnie à ses bourreaux et en avait tué plus d'un en volant une épée. Dans son état, ce cas de figure était tout sauf probable, enfin, ceux au courant de l'état de Morgane étaient déjà tous morts de toutes les façons.

Sauter dans les bras d'un zombie était tout sauf rassurant, d'autant plus que le chevalier avait toujours dit et le penserait toujours: ces corps lui inspiraient le dégout le plus profond. En les regardant, une envie le tiraillait de les réduire en charpie. Le temps était compté. Se saisir d'un destrier pour prétexter qu'il voulait rentrer chez lui, puis prendre Morgane au passage pour la mettre en sureté. Cette chevauchée resterait gravée dans sa mémoire, la chevauchée durant laquelle il possédait la vie d'une femme dans ses mains. Il pouvait rebrousser chemin vers le château en faisant mine de l'avoir attrapée en train de fuir mais tout son être voulait la sauver.

"Il y a bien des choses que tu ne sais pas sur moi et que tu ne sauras peut-être jamais."

Ce n'était qu'en dernier recours que le rejeton Neiphereum faisait appel à sa mère de cette façon. Cette dernière, habituée à cette famille de fous dégénérés qui n'en font qu'à leur tête, ne posa même pas de questions sur la provenance de Morgane, ni pourquoi elle était en si sale état. La mère imposait le respect, même au blondinet qui ne trouva rien à dire et laissa son amante à la belle maman que voilà. Ils étaient amants, ils étaient ennemis, il était en partie la cause de sa douleur et de ses blessures. Au moins maintenant, il ne s'inquiétait plus sur l'état de Morgane. Elle était entre de bonnes mains. Orpheus en profita pour passer voir quelques membres de la famille qui étaient présents dans le manoir et qui n'étaient pas couchés. Il avait une bien grande famille qu'il ne voyait quasiment jamais. D'ailleurs, il n'avait pas grand chose à leur dire à part qu'il était présent ce soir. Ses pensées vagabondaient malgré tout vers Morgane.

"Je ne sais pas qui vous êtes pour lui, mais c'est la première fois qu'Orpheus ramène une femme à la maison. Ne me dites pas que c'est après vous avoir violenté qu'il s'est décidé à me donner tout ce boulot?!"

Tout en parlant, lady Neiphereum inspectait le corps de l'inconnue qu'elle avait face à elle, aucunement choquée par sa saleté ni sa nudité, d'avantages inquiètes des blessures qu'elle pouvait avoir. La cuisse du mage noir était dans un sale état, elle enflait et prenait des couleurs peu engageantes, son coude et son pouce n'étaient pas mieux. Pour ne pas rajouter des infections, elle finit par amener l'invitée dans la salle préparée pour elle par les servantes.

"Ma pauvre fille, où avez-vous bien pu trainer… C'est cette andouille qui a dû vous proposer une de ses folies."

Malgré tous les petits noms affectueux qu'elle utilisait pour désigner Orpheus, la mère ne semblait aucunement fâchée, elle était d'avantage inquiète de ce que faisait son petit blond qui était pourtant si gentil lorsqu'il était petit garçon. Voyant que l'invitée n'avait aucune force, la femme retroussa les manches de sa robe et s'occupa de la laver entièrement comme si il s'agissait de sa propre fille. Une fois toute la saleté et la poussière de la route débarrassée, lady Neiphereum s'attacha à revitaliser cette peau et surtout, à soigner ses blessures. La magie était efficace mais pas dépourvue de douleur. Pour survivre, il fallait en payer le prix! Elle ne se montra aucunement douce car les meilleurs remèdes sont les plus mauvais. Morgane, debout au milieu de la salle d'eau était chancelante lorsque le sort s'acheva. De son oeil critique, la mère de chevalier vérifia une dernière fois le corps de cette protégée, puis soupira longuement.

"Je vais vous le chercher… mais ménagez-vous pour ce soir, votre corps a besoin de repos."

Lady Neiphereum trouva ainsi Orpheus assis dans le salon en train d'observer les flammes de la cheminée danser dans l'âtre. Le voyant aussi pensif et soucieux, elle devinait que cette femme ne représentait pas rien pour son fils. C'était bien la prochaine fois qu'elle le voyait s'inquiéter réellement pour quelqu'un, même si il prétendrait le contraire si jamais on en parlait. Il avait trop de fierté pour s'avouer pouvoir s'attacher à quelqu'un, surtout une femme. Pourtant au fond, c'était un garçon sensible qui se cache dans une coquille durcie par le temps et par la rancoeur envers son ancêtre.

"Elle t'attend. Tu devrais rentrer plus souvent diner avec nous tu sais..."

En disant cela, elle tendait à Orpheus deux robes à l'adresse de Morgane. Ce dernier les récupéra et adressa un petit sourire à sa mère avant de prendre congé sans avoir prononcé un seul mot. Il savait parfaitement où la trouver. La salle d'eau était au rez-de-chaussée dans un des couloirs. Il n'y alla pas par quatre chemins et entra. Ce n'était pas la première fois qu'il l'observait nue mais c'était bien la première fois qu'il la voyait aussi exténuée.

"Comment te sens-tu?"

A son tour, il était celui qui donnait la robe à celle à qui elle était destinée, une robe de nuit, ravissante et discrète, contrastant avec l'autre robe noire que sa mère avait laissé pour la journée. Noire… Avait-elle déjà deviné? Ce n'était pas impossible, cette femme qu'il avait pour mère avait l'oeil pour tout. Morgane était en train de s'endormir sur place, le regard du chevalier s'adoucit en la regardant. Il était temps de lui laisser le repos qu'elle n'avait eu pendant une semaine entière. Lui prenant la main, il la guida dans la demeure qu'il connaissait comme sa poche, jusque sa chambre, parfaitement rangée, lavée tous les jours par les servantes bien qu'il ne rentrait jamais chez lui. Au centre, un lit en baldaquin trônait, attendant le retour de son possesseur depuis des mois. Les lèvres du chevalier effleurèrent le front de la drow en lâchant enfin sa main.

"Bien plus luxueux que la chambre du château, je te l'accorde. Au moins ici, tu dormiras sur tes deux oreilles."

J'éclatais de rire doucement. Oh le combat contre lui n'avait pas été de tout repos mais il n'était pas responsable de mon état actuel... juste de quelques bleus et d'égratignures restantes... mais c'était si rien en comparé de ce que m'avait fait subir Aubin. Je répondis solennellement :

"Rassurez-vous, votre fils est quelqu'un de très bien et ce n'est pas lui qui m'a traité ainsi mais un de ses confrères qui a beaucoup moins d'honneur."

Je n'avais pas donné d'indications sur notre relation. J'étais son amante et bien plus mais nous ne voulions pas nous l'avouer donc je n'allais pas le faire auprès de ma belle mère. J'étais ravie et impressionnée de la rencontrer. Elle dégageait tant d'énergie et d'autorité. Ma mère semblait bien douce en comparaison même si elle avait eu une poigne de fer quand il le fallait.

Par chance, je n'étais pas pudique sinon je me serais surement mise à rougir devant l'inspection de mon hôtesse. Je me savais belle donc je n'avais pas à avoir honte de mon apparence même si actuellement, je n'étais plus la déesse de Sade mais bien une crasseuse couverte de blessures infectées. Je soupirais en apercevant ma cuisse. Certes, mon bourreau était décédé mais j'avais le sentiment d'avoir été une martyre plus qu'autre chose, un simple exécutoire de leur haine de mon ordre. Je n'avais jamais demandé à Orpheus ce qu'il pensait des mages noirs... D'ailleurs, je me demandais aussi ce qu'en pensait ma soigneuse. Je gardais néanmoins le silence... peut-être par peur... Allez savoir...

"Juste dans des endroits que j'aurais préféré éviter et votre fils aussi."

Je n'en dirais pas plus. Je ne voulais pas causer de soucis à mon amant par actes collatéraux. Cela serait notre secret voilà tout. Je me laissais faire et parfois gémissais de douleur quand elle appuyait sur des zones à vif mais je savais que cela serait pour mon bien. Elle usa de sa magie blanche. Je me sentais protégée et fouillée de l'intérieur. C'était la première fois qu'une magie bénéfique se posait sur moi... la sensation était étrange et quelque peu désagréable... J'étais épuisée... je chancelais sur place. Orpheus me manquait. Je m'inquiétais à son sujet. Je demandais donc sa présence.

Je souris à ses dires et hochai la tête. Je me brossai les cheveux calmement alors que j'étais nue comme un ver mes vêtements étant dans un état néfaste. Mon partenaire arriva. Je souris et murmurai espièglement :

"J'ai jamais été aussi en forme. une vraie guerrière des temps modernes!"

J'avais des cernes monstrueuses, mes traits étaient tirés, ma peau blafarde et j'avais maigri mais mon esprit restait intact. J'aurais pu devenir folle au vu des tortures que j'avais subi... mais je n'étais pas n'importe qui et ma force mentale n'avait pas été atteinte malgré tous les efforts d'Aubin. J'enfilais la robe qu'il me passa. J'avais meilleure allure ainsi. Je me laissais guider dans sa demeure. J'émis un sifflement admiratif et appréciateur lorsque je pénétrais sa chambre. Je frissonnai au contact de ses lèvres. Je me blottis contre lui et posai mes yeux dans les siens tout en murmurant :

"Si je suis avec toi, oui. La compagnie des rats était très peu agréable ces derniers jours. D'ailleurs, je ne pensais pas qu'un château pouvait autant en être infesté. Vous devriez faire attention."

Je passais ma main sur sa joue et mes lèvres vinrent embrasser les siens dans une extrême douceur. J'étais épuisée mais je voulais juste rester avec lui.

"Merci. Je te suis redevable. Tu m'as sauvé la vie donc ta récompense en sera d'autant importante. Une petite idée?"

La discussion entre la belle mère et la belle fille était paisible. Il n'y avait pas trop de sous-entendu et Morgane prenant naturellement la défense d'Orpheus en tout point. les informations qu'elle dissimulait étaient ainsi d'autant plus faciles à deviner même si l'intention était contraire. Ces deux là, ne devaient pas être de simples amis, ce devait être un sixième sens chez la dame Neiphereum, à moins que ce ne soit un instinct maternel qui voyait au-delà de n'importe quelle entourloupe. La femme répondit quand même avec un air désolé.

"Tous les chevaliers ne sont pas aussi tendres que ceux de chez nous ma pauvre fille.."

Et ça, elle le disait en ignorant qu'Orpheus était bien l'un des chevaliers les plus brutaux qui soient. Naturellement, elle se demandait pourquoi cette drow avait été la cible de chevaliers. Avait-elle mérité un tel sort? Les yeux de la mère traversaient la femme, elle l'observait longuement avant de prendre congé, après avoir lu dans son âme. Savait-elle toute la vérité sans que cette dernière soit révélée? Les nouvelles arriveraient bien vite à la demeure et à ce moment là, Orpheus serait déjà parti bien loin. Il avait fait échapper une prisonnière, quelle trahison! De plus, il y avait eu mort d'hommes. Définitivement, toutes ses pensées ne le quittaient pas dans le salon. L'arrivée de sa mère était un petit soulagement, indiquant que Morgane était hors de danger. Ensuite, il ne chercha pas à discuter longuement avec elle sur les origines de la mage noire. Depuis longtemps, ils avaient arrêté de parler, le chevalier s'était détaché de sa famille et n'y revenait que lorsque le cas était urgent. La dernière fois était le décès d'un grand oncle qu'il n'avait jamais connu, sa présence s'était fait fictive.

En arrivant, il soupira en l'entendant faire sa fausse brave. Elle avait une manie de murmurer qui l'énervait parce que c'était une manière tentatrice de parler, ces petits mots secrets et doux qui se dissimulent dans les coins de couloir, ces baisers volés derrière un buisson juste à côté des parents, cela faisait le même effet. Malgré le piteux état de Morgane, il ne la ménagea pas. Simplement, il n'accéléra pas trop le pas pour la guider dans son soi-disant chez lui. Une fois la chambre atteinte et tout danger de se faire remarqué écarté, il laissa la passion l'envahir une brève seconde, le temps d'un échange sensuel. Qu'est-ce qu'elle venait lui parler de rats? Il venait de lui montrer sa chambre et elle lui parlait de vermines du château.

"Ce ne sont pas mes affaires à vrai dire, je ne suis pas celui qui est chargé de la propreté au château."

Et elle le voyait, chasseur de rat? Pas tellement, il serait trop vite agacé de courir après ces bestioles et foutrait simplement le feu à tous les trous de souris qu'il trouverait sur son passage. L'étreinte s'allongea quelque peu et il voyait déjà où elle voulait en venir. A ce moment là, il ne trouvait pas l'idée déplaisante. La dernière fois qu'ils avaient partagé une couche remontait à des lustres. Cependant, il y avait une différence entre bon temps et prudence. Morgane était tout, sauf en état de… Bref, le chevalier se dégagea tranquillement d'elle et lui tourna le dos en retirant ses gants et son gilet.

"Tu ferais mieux de te reposer pour l'instant."

Il n'avait pas besoin qu'on lui soit redevable. Le choix qu'il avait fait était le sien, il avait choisi de lui sauver la vie plutôt que de la laisser à la mort alors elle n'avait pas à le remercier avec une quelconque récompense. Ce qu'il veut, il l'a lorsqu'il en a envie. Des richesses, des femmes, le seul qui lui échappait était le pouvoir. Le chevalier enchaina en retirant son pantalon pour le remplacer par un bas plus agréable pour dormir. Par-dessus son épaule, il lança:

"Le lit n'attend que toi, au lieu de rester debout jusqu'à épuisement."

Lorsqu'il aurait fini de se changer, il aurait tout le loisir de la rejoindre, tout en sachant que la nuit serait courte car déjà bien avancée. Ils devaient partir tôt le matin pour couvrir le plus de distance possible, le plus loin du château possible pour que les recherches n'aboutissent jamais.

Ah qu'il était bon de regouter à ses lèvres. J'avais l'impression que cela faisait des années que je n'avais pas pu apprécier celles-ci. Le baiser finit trop vite à mon gout mais on aurait le temps de se rattraper à ce sujet.

Je lui fis part de mes anciennes compagnons de route et il ne sembla pas super emballé par le sujet. Pourtant, les rats m'avaient empêché de finir folle... Sans un bruit, dans le noir, j'aurais surement perdu la raison. Au moins, entendre des rongeurs faire leur bout de vie m'avait permis de me rendre compte des jours qui s'écoulaient et surtout de leur parler mentalement... même s'ils ne me comprenaient pas... ils avaient été quelque part le témoin de ma solitude... Je souris à ses dires et prononçai sarcastiquement :

"Je retournerais au château pour aller voir celui qui s'en occupe, cela ne me dérange pas et je suis sûre qu'ils seront ravis de me revoir... Quoi que non, je leur écrirais, cela m'évitera un voyage pour rien."

J'esquissai un sourire. Je ne comptais pas revenir là bas. J'étais vaccinée à vie des pierres de cet édifice ainsi que de leurs pièces. Je rendrais visite à mon amant autrement. Je passais une main sur sa joue. Il me refroidit. Je soupirai et répondis sur un ton boudeur :

"Tu es quelqu'un de très raisonnable."

Il avait parfaitement raison mais j'avais aussi besoin de chaleur humaine... enfin surtout de la sienne car il m'avait ardemment manqué. Je croisais les doigts sur ma poitrine et l'observais entrain de se déshabiller. Je me souvenais encore de son corps parfait. Sans un mot, j'allai jusqu'au lit et entrai à l'intérieur. Je n'avais pas l'habitude de dormir dans une telle tenue mais il fallait mieux ne pas trop le tenter.

"C'est fait, chef!"

Lorsqu'il me rejoignit, je m'approchais de lui et le pris dans mes bras. Je vins l'embrasser avec douceur. Je plongeais dans son regard et lui souris doucement :

"Où allons-nous demain? Tu as une planque secrète? Ou doit-on aller nous réfugier dans Malificium?"

J'étais une fugitive comme ma mère et ma grand mère l'avaient été... J'étais une vraie Steel... Je baillais doucement. Mon corps appréciait le confort du lit qu'il venait de m'offrir. Je l'embrassais de nouveau, jamais lasse de cet acte.

"En tout cas, ta mère a été adorable."

Repos, ils y avaient enfin le droit après cette folle course de nuit. Cela ressemblait à une escapade amoureuse, deux jeunes fous qui veulent tout fuir pour pouvoir vivre leur idylle ensemble, juste tous les deux. Sauf que ces amants sont capables de se combattre, que l'un d'entre eux était emprisonné et que l'autre l'a fait fuir tout en tuant sur le passage. Ce n'est pas pour rien qu'Orpheus ne semblait pas dans son assiette. Il n'était pas de ceux qui se reprochent d'avoir tué quelqu'un qui le mérite. Mais dans le cas présent, les chevaliers ne le méritaient pas, il avait vraiment agi pour son propre compte, pour ses intérêts personnels. Jamais de sa vie, il n'avait porté la main sur les chevaliers au point de les tuer. Certes, il avait déjà eu des différents, des échanges à l'épée, des yeux au beurre noir. Ainsi, le blondinet n'avait pas tellement l'âme à rire devant les remarques du mage noir qui parlait encore des rats alors que lui essayait de réfléchir à la suite des évènements.

De la même manière, il refroidit la femme en déclinant ses avances de manière posée et autoritaire. Qu'elle soit mécontente ne lui faisait ni chaud ni froid, il se changeait en prenant son temps en la laissant libre de voir sa chambre en attendant, bien qu'il n'y avait surement rien d'intéressant à voir. Une vie qui n'était pas la sienne. Sa vie se résumait à la lame blanche qu'il avait à sa ceinture et qu'il déposait à côté du lit avant de rejoindre la chaleur des draps propres.

"Bien, au moins je n'ai pas eu à t'y trainer de force ce qui est déjà une bonne chose."

Trainée de force, elle aurait encore invoqué un de ces corps pour l'en empêcher. Le blondinet se laissa entrainer à elle sans l'en empêcher, laisser un baiser se faire et la regarder longuement en réalisant qu'elle représentait énormément à ses yeux et qu'il n'aurait jamais les mots pour le faire savoir. Le chevalier passa tranquillement la main dans son dos en réfléchissant à sa question. Rester à Bénécius était suicidaire, ils auraient trop de mal à la dissimuler alors ils devraient quitter le plus vite possible au matin. Son absence au château ne serait pas remarquée, il n'y restait jamais bien longtemps, quand bien même il venait de sortir d'un long sommeil le matin même. Son esprit aussi était fatigué, pas aussi usé que celui de Morgane mais tout de même.

"Je te ramène à Maléficium, ils n'iront jamais jusqu'à pousser les recherches là-bas."

Simplement parce que ce serait trop de travail et que perdre des chevaliers pour une seule femme était réellement un gros gâchis. Cette femme n'était pourtant pas n'importe qui, elle ne serait pas dans son lit sinon. Forcé par les circonstances, la drow avait d'ailleurs fini par rencontrer sa mère. Sans hésitation, Orpheus fit remarquer.

"Elle a surement deviné pour nous à l'heure qu'il est. Et il est possible qu'elle ait deviné ce que tu es également. Rien ne lui échappe. Tu as dû le sentir, ce regard qui semble traverser ton âme et t'observer de l'intérieur. C'est en parti pour ça que je suis rapidement parti. Je ne supportais plus cette capacité à noter le moindre détail, le moindre trouble."

Lui qui n'exprimait jamais ses sentiments, être compris par quelqu'un était juste une phobie. Une mère qui comprend tout alors qu'on est dans la période dans laquelle, on veut être compris de tous sauf des géniteurs. Orpheus l'aimait tout de même, elle restait sa mère mais il ne pouvait plus lui parler longtemps comme lorsqu'il était gosse. Continuer à parler d'elle, l'amener chez lui pour qu'elle en sache encore un peu. A quoi jouait-il sérieusement? Morgane, il la regardait longuement puis finit par céder à la tentation du baiser puis de la chair.

La nuit s'en retrouva ainsi particulièrement écourtée. Au première lueur de l'aube, le chevalier était déjà prêt, frais et doté de jolies cernes noires sous les yeux. Sa mère l'attendait à l'entrée avec deux chevaux scellés et bichonnés pour la route. Le blondinet passa la main sur la sienne, la seule marque affective depuis des mois alors qu'il regardait les yeux bleus dont il avait hérité.

"Faites attention à vous et ramène là en lieu sûr."
"Je n'ai pas besoin que tu me le dises pour le faire mère."

Le jeune homme entendit à ce moment là les pas de Morgane qui avait terminé de se préparer et qui descendait de l'escalier, venant de sa chambre.

Je ne dis mot réfléchissant à ce que serait une invasion de chevaliers à Malificium... un vrai carnage... des têtes coupées plantées sur des piques à l'entrer de la ville pour que d'autres ne reviennent pas... du sang versé sur les dalles de la place principale car ils n'iraient pas bien loin... Des villageois broyés par dommages collatéraux... Oui... Cela ne serait pas bon... Je répondis juste :

"S'ils viennent sur nos terres, nous prendrons cela pour une violation du traité de paix. Jamais les miens ne me donneront. Oh certains mages noirs auront l'idée d'essayer mais ne le feront pas. De plus, mon père étant l'ancien conseiller du chef des aigrefins, je serais protégée par ceux-ci. Donc oui, il faut mieux qu'une fois entrés dans mes terres, ils nous suivent pas."

Kessler Evans... Ce père dont je n'avais connu pas grand chose... disparu après la guerre... Lame Rouge de Sammius, le parrain de ma mère mais aussi l'ancien amant de ma grand mère... Mordekaiser en fait également parti et semble relié aussi à moi par notre passé commun mais obscurci... Oui... Les aigrefins me suivraient... et au besoin, quelques pièces seraient échangées pour m'assurer leurs fidélités... Ces barbares sanguinaires étaient bien plus rompus au combat que les paladins même si Orpheus semblait pas loin de leurs niveaux... Je n'avais pas envie de creuser un peu plus le fossé qui risquait de nous séparer peut-être définitivement cette fois-ci... Il fallait mieux que chacun reste chez soi.

Nous changeâmes de sujet et nous parlâmes de sa mère. Je souris doucement tout en me remémorant la scène de la salle de bain. Oui, elle m'avait scruté entre deux phrases... Je ne m'étais pas sentie au danger car j'avais pu sentir l'amour qu'elle portait à son fils par ce procédé. Je me souvenais de la robe noire qu'il m'avait rapporté... Oh oui, elle savait surement tout et peut-être mieux que nous sur les sentiments qui nous reliaient actuellement.

"Je comprends."

Que dire de plus? Nos regards se captèrent et nos corps ne résistèrent pas à la tentation de se redécouvrir, nous nous étions tellement manqués sans nous l'avouer. Le sommeil nous cueillit lorsque la passion finit par disparaitre. Nous restâmes blottis l'un contre l'autre. Lorsque l'aube apparut, je me réveillai et découvris qu'Orpheus s'était déjà levé surement pour préparer les derniers détails de la suite de notre aventure.

Je me levais doucement. J'avais encore quelques courbatures mais sa mère avait fait du très bon travail. Je regardais mon coude et mon doigt, les bougeaient doucement, ils étaient en parfait état de marche. J'enfilais des sous-vêtements propres et la fameuse robe noire. Je passais un rapide coup de peigne dans mes cheveux et un peu d'eau sur mon visage qui avait repris des couleurs saines.

Je quittais la chambre après avoir remis en place mes armes et descendis calmement en direction du hall principal. Je souris aux deux membres des Neiphereum lorsque je les aperçus. Je m'approchai d'Orpheus sans le toucher et m'adressai à sa mère :

"Merci pour tout Madame."

Je n'étais pas du genre à faire de long discours de remerciement. On échangea un regard puis mes yeux se posèrent sur mon paladin préféré et nous montâmes à cheval. Un peu éloignés de la maison, je m'arrêtai et lui exposai mon plan :

"Nous avons plusieurs solutions : les marécages mais depuis le bal, je t'avoue avoir horreur de ce lieu, le cratère, il y a là bas les ruines de mon ancien manoir et personne à part ma famille n'en connait la localisation exacte ou bien la cité interdite. C'est le paradis des morts vivants mais vu que je les domine, nous serons en sécurité... Qu'est ce qui te tente?"

Je fixais la route devant nous et repris :

"Après, si tu veux de l'aventure, il y a toujours quelques artefacts qui peuvent nous séduire sur mes terres... Ou je peux te faire une visite guider de la Tour Sanglante."

Tous idiots qu'ils étaient, les chevaliers ne se risqueraient pas à briser un traité juste pour le plaisir d'attraper une unique femme. A moins que ce ne soit l'occasion rêvée de déclencher une guerre pour un motif tout à fait discutable. Avec ça, ils pourraient toujours embellir l'histoire, en disant par exemple que Morgane avait tué un régiment de chevalier sans crier garde puis s'était enfuie. Les camps adverses ne croiraient jamais les histoires racontées en face et de toute façon, cela fait des millénaires que les tensions existent un peu partout. Les chevaliers étaient censés rester neutre mais ils ont déjà par le passé été obligés de prendre parti pour le bien du monde. Si une nouvelle guerre éclatait, Orpheus savait déjà où il se trouverait. Il n'était pas un saint mais pas non plus assez stupide pour laisser les forces de Maléficium venir s'installer gentiment chez lui. Enfin, pourquoi penser à une guerre alors qu'on n'en était qu'à une simple évasion? Le chevalier n'avait pas beaucoup de temps devant lui c'est pourquoi cette nuit qui leur était accordée n'était qu'un court répit avant un bon voyage. Lorsque la passion l'emporte sur la raison, malgré le corps fatigué de la jeune femme, le temps semble s'interrompre pour leur laisser le temps de s'aimer, même si ce n'était que pour quelques heures.

Aussitôt cet instant passé, les regards étaient plus distants mais pas moins emplis de leurs pensées les plus profondes. Jamais il ne lui dirait qu'il avait quelque chose pour elle tout simplement parce que ce n'était pas lui et que si elle répondait de la même manière, ça ne lui ressemblerait pas non plus. Finalement, si il n'y avait toute cette orgueil chez chacun, les choses pourraient bien être différentes mais au fond c'est ce qui les rendaient d'autant plus passionnantes.

A l'aube alors que les premières têtes se levaient, Orpheus était prêt à partir. Il avait brièvement fait savoir à la femme qu'il était temps qu'elle se lève, sans pour autant la brusquer, allant plutôt faire les préparatifs. Un sac de nourriture, voilà tout ce dont ils auraient besoin parce que la route serait longue. Ils ne pouvaient se permettre de voyager avec un trop grand bagage parce que cela ne ferait que les ralentir. Le jeune homme eut à peine le temps de parler à sa mère que ses yeux se tournaient vers Morgane, belle malgré les évènements de la dernière semaine. Au regard qu'il lui adressait, sa mère n'eut plus de doute quant à ce qu'il éprouvait vraiment pour cette femme qui risquait de le mener à sa perte. Pourtant, à tous ses fils, elle avait laissé le choix de vie qu'il voulait, sans jamais essayer de l'influencer. Celui-ci ne ferait pas exception. Néanmoins, elle n'en demeurait pas moins inquiète à son sujet.

Les séparations se firent rapidement, ils étaient en route sur les chevaux et s'arrêtaient un peu plus loin pour décider de la destination à venir.

"Vu l'accueil qui t'as été réservé ici, je préfère éviter d'aller voir ta tour. Par contre, rien ne nous empêche d'aller voir les ruines de ce qu'a été le fameux manoir Steel?"

Ce ne serait pas une promenade de santé mais il avait bien envie d'aller voir l'endroit où avait vécu la mère de Morgane, et peut-être même Morgane, après tout, il ne savait que très peu de choses d'elle. D'apparence, elle avait le même âge que lui, et en réalité? Idem pour l'endroit où elle avait vécu étant petite. Derrière cette petite visite, ils pourraient peut-être même trouver des choses intéressantes et qui sait, éventuellement un indice qu'Integral aurait laissé à sa meilleure amie avant de disparaitre?

"En tout cas, ce n'est pas le moment de trainer. En avant mauvaise troupe!"

Sur ce, le chevalier donna un peu de ses talons sur les flancs du cheval pour le faire avancer et partir dans un petit galop, les cheveux aux vents. Cette fois-ci, ils ne s'étaient pas séparés après leur rencontre, ils avaient passé une nuit ensemble et continuaient de prendre le même chemin. Ces instants bien que court étaient probablement les plus heureux de sa vie, quand bien même son visage demeurait de marbre, toujours assis fier et droit sur sa selle en fixant l'horizon en face de lui.