Un nouveau départ [PV Miranda]

"Trois chambres, une salle d'eau, un salon et une cuisine si vous avez."
"Dans le centre-ville?"
"Si possible oui, sinon je connait assez bien Bénécius pour me repérer."
"Très bien nous allons voir ce qu'on peux vous proposer."

Gill venait tout juste de quitter la Tour Céleste qu'il était déjà entrain de chercher une nouvelle demeure à habiter au sein de la capitale. A vrai dire ça n'allait pas être chose facile selon ce que venait de lui ire l'intendant, plus d'une personne vient chercher la quiétude à l'intérieur de ces murs. Des trois grandes Cités, Bénécius est surement celle où il fait le plus bon vivre après Naturalia. Bien que certaines idées soient encore assez arrêtés concernant quelques castes, le brassage de population citadine n'as pas arrêté d'augmenter depuis ces vingt dernière années. Déjà quand il n'était qu'un simple mage blanc tout juste âgé de vingt ans, se trouver des appartements ne serait-ce que sous les toits était une vraie épopée. Il avait dut s'en remettre à l'aide de la notoriété de sa mère à l'époque.

Si tant est qu'on puisse appeler ça un magasin, l'échoppe de l'intendant de la ville se tenait à quelques mètres des grands jardins de la Tour Céleste, ornant l'angle d'une des grandes artères de la ville à la voie pavée. L'homme qui l'avait reçu lui semblait familier mais n'avait pas l'air de reconnaitre l'Emissaire Bienfaisant d'antan, grand bien lui en fasse. Gill apparaissait donc comme un modeste père de famille qui cherchait à s'installer en ville maintenant que ses ainés étaient partis du domicile familiale.
Globalement peu de choses avaient changés dans les commerces de coin et il recroisait encore quelques têtes familières qu'il n'avait pas vue depuis presque dix ans. C'est marrant de voir à quel point le monde continue de tourner alors que pour certain il s'est définitivement arrêté en un point. Le senior soupira en se grattant l'arrière du crâne, détacha son catogan et le renoua en rabattant quelques mèches rebelles. Vêtu avec simplicité, venu les mains dans les poches, il n'avait qu'un sac de voyage pendant contre son flanc droit dans lequel se tenait ses affaires de Mage Blanc ayant reprit du service. C'était d'ailleurs la raison de sa venue dans la Capitale, récupérer ses affaires qu'il avait raccroché il y à de ça six ans, ses quartiers n'avaient pas bougés depuis le temps mais il confia a Eärondel qu'il ne tenait pas à reprendre son ancienne office. Du moins pas pour le moment.

"Vous exercez quelle activité?"
"Je suis Mage Blanc."
"Ah, cela change tout. Nous devons vous loger en priorités sur les voyageurs afin de garantir un meilleur accès à la Tour Céleste. Vous êtes..."
"Un nouveau dans l'Ordre."

L'homme tiqua en voyant l'âge avancé de son interlocuteur. Il est vrai qu'être nouveau et presque quinquagénaire avait de quoi en étonner plus d'un mais allons bon il ne s'arrêterais pas à ce genre de détail. L'homme nota ces quelques renseignements sur une fiche de papier épais au grain marqué puis intima Gill à patienter quelques minutes le temps qu'il aille demander plus amples renseignements à ses supérieures. Profitant de ce laps de temps de repos, l'ancien sortit dehors et bourra une pipe de tabac aromatisé au cognac. L'allure fier et alambiqué du bois aux tons foncés laissa échapper quelques nuages de fumée qui embauma très vite l'air d'une douce odeur sucré de tabac raffiné.
Peu de temps après un autre homme sorti de l'échoppe, un nouveau visage familier qui ne reconnut pas Gill sur l'instant lui non plus.

"Désolé de vous déranger monsieur mais avez vous des dossiers qui attestes de votre appartenance aux Mages Blancs?"

Gill serra sa pipe entre ses dents et détacha les cordelettes de cuir de son sac pour en extirper sa robe d'émissaire. Le nouvel homme tiqua devant cette robe atypique puis:

"Vous vous nommez?"
"Hüngren Gill."

Soudainement la mémoire sembla le traverser tel un javelot lancé à pleine puissance. Les yeux de l'intendant, car au vue de son écusson porté au poitrail il devait bien s'agir de lui, s'écarquillèrent de surprise et il resta bouche bée durant quelques secondes. A découvert, Gill souria avec amusement et modestie, de ce sourire chaleureux qu'il arbore si souvent.

"Vous... vous êtes l'Emissaire Bienfaisant de la Tour Céleste? Je suis navré Mr Hüngren nous ignorions ce détail, des appartements vont vous êtres trouvés dans le quart d'heure! Encore désolé!" se précipita l'intendant en se répandant en excuse.
"Ancien Emissaire Bienfaisant, cela fait presque dix ans que je n'ai pas pratiqué. Ne vous hâtez pas, je n'ai pas la notoriété que vous m'attribuez." répondit le Mage avec un ton bienveillant et apaisant.

L'homme hocha de la tête et rentra avec un pas mesuré dans son échoppe pour retourner analyser les registres du cours mobilier de la Cité. Dans son coin, Gill souria une nouvelle fois avec un amusement plus marqué, ses épaules sautillant d'un petit rire discret. C'est dingue qu'on l'assimile encore aujourd'hui à ce qu'il était avant... avant tout ça.
Chassant ces sombres pensées d'un revers de main, il se tourna vers la Tour Céleste en soupirant avec plaisir partagé. Puis vers l'artère où les badauds passaient ça et là pour chiner dans quelques grands magasins de la ville. Et c'est au milieu de tout ces visages qu'il sembla reconnaitre une personne bien particulière...

*Miranda?*

Miranda ne s'offrait que très rarement des moments à elle, juste pour elle. De rares instants où elle se donnait le droit d'être égoïste. Elle ne cherchait à aider personne et ne s'occupait que d'elle. Dans un monde idéal… Elle savait qu'un imprévu ne manquait jamais de se présenter à elle et qu'elle cédait systématiquement. Avant elle pouvait se réfugier aux thermes mais depuis une petite mésaventure qui avait manqué lui coûter la vie, elle évitait les lieux avec une application de jeune écolière désireuse de finir première de la classe. Elle avait donc du trouver un placebo efficace en terme de "moment où l'on se chouchoute" et avait jeté son dévolu sur quelques tailleurs de Bénécius. Elle prenait donc son temps pour choisir les meilleures étoffes, aussi résistantes qu'agréables à la vue et au toucher avant de passer la journée à voir naître sa prochaine robe. C'était une occupation très futile mais terriblement relaxante pour elle, loin des questions existentielles de la vie. Ou de la mort d'ailleurs…

Et les deux journées qu'elle s'était déjà octroyées avaient été satisfaisantes. C'était vraiment efficace. Très… Jusqu'à aujourd'hui… Elle avait bien senti sa présence flotter autour du marchand d'étoffe mais elle avait pris soin de l'ignorer, de réfréner au possible son pouvoir afin que personne ne puisse sentir sa présence. Qu'aucun mort ne soit naturellement attiré vers elle… Lorsqu'il lui avait présenté les premiers rouleaux, tout s'était bien passé. L'esprit était en demi-teinte, se cantonnant à l'arrière-boutique. Elle sentait juste une sorte de colère rentrée, quelque chose de très discret qui n'était pas tourné vers elle. Probablement vers le marchand plutôt…

Cela avait commencé à se gâter à la seconde série d'étoffes. La sidhe avait alors demandé quelque chose de plus délicat et de fin, sous-entendant qu'elle serait parfaitement à même d'en payer le prix. Il lui avait alors montré des rouleaux d'un tissu très agréable au toucher, et d'une couleur chatouillante bien agréable, mais dont le prix commençait à frôler l'indécence. lorsqu'elle avait demandé confirmation du prix à voie haute, elle avait senti la colère de l'esprit grimper subitement en flèche, au point de la surprendre et de lui faire imperceptiblement tourner la tête dans sa direction. Mais l'esprit n'avait même pas remarqué sa réaction… Il avait bien mieux à faire…

-Et tu peux pas t'en empêcher hein? Dès que le client semble avoir un peu d'argent t'essayes de lui refourguer ta camelote là. T'as pas encore comprit? Il est trop cher ton tissu! Tu les fais tous fuir comme un benêt comme ça! Combien de fois je te l'ai dit! C'est pas parce que ça a de l'argent que ça connaît pas la valeur des choses morbleu !! Elle le voit bien que c'est trop cher pour ce que c'est ! Tu crois qu'elle va faire quoi hein? Au mieux elle devrait te le laisser sur les bras et partir! Comme j'aurai du le faire y'a déjà dix ans! Ma mère avait raison !! Jamais je n'aurai du épouser un imbécile pareil…

Miranda reprit brusquement sa respiration en faisant tomber son sac au sol. Ramasser ses affaires lui permit de reprendre un minimum de contenance alors que l'esprit continuait de vociférer après son mari qui n'avait pas conscience de sa présence. Elle eut un sourire d'excuse à l'égard du marchand alors qu'elle se redressait en prenant soin de ne pas regarder en direction de sa femme…

-Et si je vous prend un certain métrage du premier tissu que vous m'avez montré, seriez-vous disposé à me faire un prix avec celui-là?
-Elle est bien naïve la ptite dame hein? Et tu vas en profiter hein? Comme si je te connaissais pas! Suffirait qu'elle te fasse les yeux doux tu me dirais! Tu crois que je voyais pas quand tu fricotais avec les clientes?
-Je pourrai peut-être vous le faire à moitié prix selon le métrage…
-Moitié prix? Et pourquoi tu lui donnes pas aussi tant que tu es y ? Tu vois? Il a suffit qu'elle fasse sa bouche en cœur pour que tu marches! T'es pas foutu de vendre les choses à leur juste prix ! Tu n'es qu'un…

Le monologue s'étira en longueur, gagnant en volume et en adjectifs fleuris. Non sans difficultés, la shaman parvint à passer sa commande, faisant en sorte qu'elle se fasse livrer directement chez le tailleur. Lorsqu'elle sortit enfin de l'échoppe, les odeurs de la ville lui apparurent comme une véritable bouffée d'air frais. Les vociférations de l'esprit s'entendaient toujours mais elles étaient devenues plus supportables… Il devait être habitué de la chose tant il ne semblait pas gêné par l'ambiance tendue de sa boutique, à supposer que c'était déjà ainsi de son vivant… Elle reviendrait peut-être plus tard pour remédier à cela. Mais pas aujourd'hui !

La jeune femme prit prudemment ses distances avec la boutique de tissu, jetant son dévolu vers un petit artisan joaillier qui se trouvait à quelques mètres de là. Elle remontait donc la rue en se massant doucement les tempes pour faire disparaître les signes avant coureur de la migraine lorsqu'elle eut une sensation bizarre. Celle d'être observée… Elle fronça les sourcils, ne sentant pourtant aucun esprit autre que la femme qui était toujours en train d'enguirlander son veuf. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre que ce qui lui faisait bizarre était tout simplement la normalité. Quelqu'un l'avait remarquée, l'observait, mais ce quelqu'un était parfaitement normal et vivant! Et elle n'y était pas du tout habituée… Et il lui fallut d'autant plus de temps pour faire le lien avec l'homme aux cheveux blonds attachés par un catogan. Instinctivement elle commença à fendre la foule pour le rejoindre, essayant de comprendre. Ce visage lui disait quelque chose… Mais elle ne parvenait pas vraiment à le remettre. E ne fut qu'une fois quasiment sous son nez qu'elle eut la révélation…

-Messire Hüngren !?!

La shaman semblait heureuse de le revoir et comprenait mieux pourquoi elle avait eu du mal à le reconnaître. Par rapport à eu dernière rencontre il semblait bien plus "lumineux". Serein ou apaisé peut-être…

Le visage qu'il aperçut au loin lui semblait bel et bien familier et ce à raison: il s'agissait de la fille adoptive de sa camarade Elyane Tolmed, Miranda, qu'il avait aidé à soigner lorsque celle ci fut recueilli grièvement blessée. Une histoire aussi triste que mystérieuse, les origines de cette jeune femme restaient une énigme pour tous, y compris la concernée de cette histoire. Gill avait déjà perdu ses pouvoirs suite au décès de Rosa lorsque Elyane manda son aide avec insistance, ce n'est que lors de l'aide apportée à Miranda que ces derniers revinrent enfin à lui. Comme quoi une cause juste reste source du bien et c'est au sein de ce désir d'aider autrui que ses capacités malheureusement perdues lui retournèrent à lui.
Mais l'histoire ne s'arrêta pas là pour Gill et Miranda. L'inconnue devenue fille adoptive de son amie détenait ce bien curieux pouvoir de converser avec les défunts. Gill vue enfin une occasion de retrouver Rosa et ses vieux fantômes l'assaillirent sans merci, le poussant quelques mois plus tard à retourner voir Miranda pour mander une "audience" auprès de sa femme. Malgré les appels de la jeune Shaman, l'esprit de Rosa Hüngren ne se manifesta pas, comme si cette dernière avait déjà trouvé le repos dans l'au-delà. Une incompréhension qui tortura Gill des mois durant mais il ne pouvait se résigner à se laissé tomber dans ce cercle vicieux: ses enfants n'avaient plus que lui et il devait être à la hauteur de ses charges de père.
Voila maintenant deux-trois ans qu'ils ne s'étaient vue avec Miranda, la croiser ainsi au beau milieu des rues marchandes de Bénécius tenait une fois encore du miracle. A son habitude elle brillait de milles feux, dotée de cette beauté caractéristique qui ne saurait laissé indifférent. La voyant comme un père regarde une fille, Gill souria en entendant l'exclamation tout aussi étonnée de la Shaman qui semblait avoir bien grandi depuis leur dernière rencontre.

"Et bien, le monde est petit n'est-ce pas?"

Lui aussi avait changé depuis ces dernières années a vrai dire. Il n'y à pas d'âge pour ces choses là et la vie continue son court jusqu'à son dernier souffle. Et quoiqu'il en pense, l'heure de Gill Hüngren n'était pas encore prête d'arriver pour le faucher au monde des vivants.

"Comment vas tu depuis tout ce temps Miranda? Tu es encore plus belle que dans mes souvenirs."

Gill tira une bouffée de sa pipe et recracha modestement la fumée sur le côté pour ne pas importuner sa convive des fragrances du tabac. Malgré son apparence de femme plus que de simple jeune fille, il gardait cette image de Miranda comme l'une de ses propres filles. Avec une différence d'âge surement moins marqué mais tout de même présente aux yeux d'un père de famille de trois enfants.

Cela faisait plaisir de le voir ainsi, souriant et détendu. Les souvenirs les plus vivaces qu'elle avait de lui remontaient à leur dernière rencontre, lorsqu'il était venu la trouver pour essayer d'entrer en contact avec sa femme décédée... Il avait bien été présent à son chevet, aidant sa tante à la remettre sur pieds. Les souvenirs de cette période étaient enveloppés dans une sorte de brouillard où se mêlait peur, douleur et désorientation. Elle n'avait vraiment apprit à le connaître qu'après, sachant qu'elle lui devait en partie la vie. Et l’image qu'elle avait eu de lui à l'époque était celle d'un homme en grande partie brisée par la perte de celle qu'il aimait. La sidhe venait tout juste de découvrir ses capacités et à les maîtrisait tout juste suffisamment pour appeler un esprit en particulier. En voyant ce que son échec avait provoqué chez le mage blanc, elle s'en était voulue de ne pas être assez efficace. Aujourd'hui elle savait qu'elle n'aurait pu lui en dire plus. Sa femme avait passé la frontière. Elle savait maintenant que certaines personnes estimaient qu'elles n'avaient vraiment plus rien à faire ici et faisaient pleinement confiance aux vivants pour continuer leur route. Si cela semblait évident aux esprits, cela l'était parfois nettement moins pour ceux qui restaient. Si c'était avec Gill qu'elle avait eu sa première expérience avec ce genre de personnes, elle en avait croisé bien plus depuis...

C'était donc toujours un soulagement lorsqu'elle recroisait ces personnes et qu'elles semblaient être parvenues à continuer, à aller de l'avant... Et c'était le cas de Gill, de ce qu'elle pouvait voir. Cela lui fit d'autant plus plaisir. Par contre, elle le rejoignait sur ce point, le monde était effectivement petit. Même si elle savait qu'il avait été mage blanc et qu'il n'était pas non plus un ermite, elle ne s'était pas attendue à le croiser en pleine rue commerçante à Bénécius. Son compliment la fit sourire, cela lui donnait presque l'impression de revoir un membre de la famille qui lui disait qu'elle avait bien grandit depuis le temps. Ce qui n'était pas exactement le cas... Il était bien la seule personne de qui elle pouvait accepter un tel compliment en l'interprétant ainsi d'ailleurs.

-Très. Cela fait plaisir de vous voir !

La shaman avait beau le connaître, elle ne parvenait jamais à le tutoyer. C'était une forme de respect mais teintée d'affection, comme un enfant bien éduqué vouvoie ses parents. Elyane avait d'ailleurs droit au même traitement... Elle lui aurait bien dit qu'il semblait plus serein qu'avant mais elle n'était pas vraiment certaine de sa réaction. Elle passa d'office son bras sous le sien pour qu'ils puissent avancer de concert, le laissant toutefois aller dans la direction qu'il désirait. Cela leur permettait de se soustraire un peu de la foule et leur permettait de discuter tranquillement sans risquer de se faire bousculer à tout va.

-Ma foi, je vais bien. Mieux que depuis un certain temps... J'ai même le droit d'aller faire des courses toute seule depuis que je n'agresse plus les gens dans la rue pour savoir s'ils me connaissent.

La sidhe eut un petit sourire en coin... Elle avait été un peu "difficile" à son réveil, lorsqu'elle avait réalisé qu'elle ne se souvenait strictement de rien. Et pendant un long moment la première question qu'elle adressait aux nouvelles rencontres était une sorte de "on se connait?" tourné de mille et une façon.

-Et vous? Êtes-vous venu profiter de la foule envahissante des rues de Bénécius?

Paternaliste à son habitude, Gill accueilli l'arrivée de Miranda à bras ouvert. Un plaisir partagé, la fraicheur de Miranda n'avait d'égale que le halo délicat de son teint d'albâtre. Naturellement elle le vouvoya une fois de plus, un détail qui ne fut pas sans faire sourire le Mage Blanc qui avait souvent l'impression de revêtir le manteau des âges dans ces moments là. Mais allons bon il commençait à avoir l'habitude, il n'était plus un fringuant jeune homme de vingt ans qui montre des dents à croquer la fortune.
La belle vint se placer à son bras, se calant aux côtés de Gill telle une fille ainée qui soutient la marche hésitante de son vieux père. Pour les badauds et autres chalands ce devait être là un bien joli portrait de famille venant de la part de deux personnes qui n'ont pourtant pas de réels liens de parentés. Mais un lien affectif tissé par l'âge et l'entraide, d'une toute autre texture mais d'une force aussi grande loin sans faux. Sa voix, légère et distinguée, se laissa aller aux plaisanteries sur ses quelques problèmes de sociabilité lors de son arrivée chez les Tolmed et son départ dans ce monde qui lui semblait bien inconnu. Hochant du chef avec compassion, nostalgie et intérêt, Gill fumait sa pipe d'un air vénérable aux côtés de Miranda.

"Un progrès qui n'est pas négligeable! Tu sembles bien plus reposée ainsi."

Force est de constater que l'ainée adoptive des Tolmed brillait de milles feux au milieu de la foule des rues marchandes. Alors qu'avant les affres de son passé mystérieux ternissaient sa beauté, rendaient cendres le goût de sa vie, la voila désormais plus vigoureuse qu'il ne l'aurait imaginée! Gill se frotta la barbe en regardant ce minois remplis d'une certaine joie de vivre et il y vit une femme qui avait le monde à ses pieds et la vie devant elle pour le parcourir. Nullement envieux de cette épopée qu'est la vie, lui ayant déjà fait un bon bout de route sur son propre parcours, c'était toujours un plaisir de voir la relève dévorer le monde pour profiter de la moindre de ses saveurs.
C'est dans ces moments là qu'il comprenait le moins les Mages Noirs et autres adorateurs de la destruction du monde, ces gens qui consument la vie sans même lui accorder un réel regard et qui rejettent le plaisir comme si il était un poison pour mieux se vautrer dans la perversion. Un choc entre deux mondes et deux cultures distinctes.

Gill prit sa pipe qu'il venait de terminer et tapota le foyer contre la semelle de sa botte afin de laisser les cendres et le tabac calciné tomber dans le caniveaux bordant l'échoppe immobilière, où se déroulait encore le consensus sensé donner suite à son emménagement. Sans indiscrétion aucune Miranda s'enquit de la présence du Mage Blanc dans les rues de Bénécius, une ville qu'il n'avait plus fréquentée depuis le décès de sa femme.

"Pas vraiment non, j'ai toujours préféré les grands espaces aux bains de foules. J'attend là l'intendant de la ville afin de trouver de nouveaux appartements. Nous allons emménager dans le centre-ville avec Anni d'ici quelques semaines je pense."

Détourant le regard, Gill regarda à l'intérieur du magasin à travers la large vitrine faisant la devanture. Il semblait y avoir de l'agitation à l'intérieur mais personne ne sortait encore à sa rencontre pour le tenir au courant de la bonne suite de son affaire.

"Et toi donc?" demanda le Mage en revenant à Miranda "J'espère que ça ne te dérange pas d'attendre un peu, si tu veux on peut se retrouver à la Timbale juste après je comprendrais." termina t-il avec un sourire d'avance compréhensif.

Ce n'était pas désagréable de déambuler ainsi en ville. Cela la changeait en fait... Elle réalisait qu'elle était passée à coté de beaucoup de choses lorsqu'elle s'était focalisée sur son seul passé. En fait, elle redécouvrait chaque jours un peu plus les vivants et leur monde. Et comprenait qu'il n'était pas complètement dénué d'avantages! Sans compter qu'elle était avec Gill. Il avait un coté paternaliste assez rassurant... Elle savait pertinemment qu'elle pouvait se sentir en sécurité à ses cotés. Non pas qu'il serait capable de la défendre face à un dragon, même si elle le soupçonnait d'en avoir eu les capacités nécessaires à une époque aujourd'hui révolue, mais elle n'avait pas à craindre ses possibles arrières-pensées. Que ce soit par rapport à son apparence et son sexe que par rapport à ses capacités de shaman.

La jeune femme répondit à sa remarque par un sourire. Elle aussi devait avoir l'air plus détendue et sereine finalement. Durant le temps où ils ne s'étaient pas vus ils avaient du parvenir à mettre à bas leurs démons intérieurs respectifs. Sans quelques personnes, elle ne serait certainement pas parvenue à comprendre la leçon et serait encore à s'enliser dans ce passé dont elle ne parvenait pas à trouver trace. En fait, à bien y réfléchir, pour la première fois, elle se sentait vraiment libre de construire ce qu'elle voulait durant la vie qui s'offrait à elle. C'était une légèreté dont elle n'avait absolument pas l'habitude et elle se demandait si c'était cela que ressentaient ces jeunes écervelées énamourée... Si c'était bien ça elle avait intérêt à rapidement remettre les pieds sur terre quand même...

Et la nouvelle que Gill lui annonçait était parfaite pour cela. Ainsi le mage blanc revenait dans la grande ville ! Il fallait une sacrément bonne raison pour qu'il sorte de son refuge pour se frotter presque quotidiennement à la foule citadine. Et à voir son visage assez détendu, la raison devait être plutôt positive. Peut-être un retour à la Tour Céleste? Ce serait une bonne chose pour lui. Elle l'avait bien vu lorsqu'il l'avait soignée... C'était quelque chose pour quoi il était fait. L'ordre des mages blancs avaient du perdre beaucoup lorsqu'il s'était retiré...

-Vous revenez en ville?

La sidhe affichait un sourire ravi mais se montra un peu plus réservée avec sa question...

-Vous reprenez vos fonctions à la tour?

La jeune femme eut un sourire en secouant doucement la tête. Lorsqu'elle descendait ainsi en ville elle n'avait pas de plan pré-établie. Pas d'impondérable, pas d'obligations, elle était libre comme l'air et c'était en cela aussi qu'elle prenait un peu de repos. Et si elle faisait une belle rencontre en chemin, elle avait tout loisir de lui consacrer du temps. Le mage blanc appartenait clairement à cette catégorie à ses yeux.

-Je ne faisais que quelques courses pour mon plaisir personnel, je peux très bien vous aider à patienter... Sauf si vous n'avez pas envie de m'entendre babiller comme une jeune écervelée amoureuse...

La sidhe eut un petit rire. Elle pouvait bien être comme ça pour aujourd'hui. C'était son jour de relâche après tout. Demain serait un autre jour où elle remettrait sa pelisse de shaman traitant plus avec les morts qu'avec les vivants...

"Et oui! J'aime ma campagne natale mais revenir à la Capitale sera plus pratique pour la suite."

Il resta évasif sur le sujet mais constata que Miranda avait très bien comprit de quoi il s'agissait. La belle sembla exprimer sa question avec une retenue qui était tout à son honneur mais qui n'avait plus lieux d'être désormais. Effectivement le sujet des Mages Blancs n'était pas des bienvenues il y à de ça quelques années mais les temps changent. Gill ne pus réprimer un petit rire amusé devant l'air réservé de la Shaman, ce genre d'attention lui allait droit au coeur et prouvait bien la bonté qui animait cette jeune femme de l'intérieur. Que les dieux, si ils existent, puissent la bénir pour le reste de ses années!

"Ne t'en fait pas, ce n'est plus un sujet épineux désormais. Je retourne chez les Mages Blancs effectivement, mais pas au même poste qu'avant par contre. Entre mes années d'absence et les raisons qui vont avec, j'ai perdu le clair de ce qui faisait de moi un Emissaire. Même si ça n'as pas été au goût d'Eärondel, je me suis auto-affecté avec les recrues le temps de reprendre du service."

Il termina son petit récit en riant de bon coeur, revoyant le visage étonné du gnome lorsqu'il lui avait annoncé son refus de récupérer son ancien bureaux et ses anciens effets personnels. Un air de surprise qui n'avait qu'empiré lorsque Gill précisa qu'il préférait travailler avec les recrues pour le moment en attendant de voir si il lui restait quelque chose à exploiter malgré son âge avancé. Et quand bien même ces choix n'étaient pas au goût du Bienfaiteur Lothwal, il n'avait pas eu d'autres choix que d'avouer que Gill ferait un très bon instructeur et guide de mission au vue de ses années d'expérience.
Face à quelqu'un comme Miranda il n'avait aucune raison de rester sur la défensive ou de cacher sa joie ou sa peine. C'était pour lui une figure à part entière de sa famille proche et il se sentait bel et bien heureux et vivant aux côtés de ces personnes chères à son coeur. Puis il n'avait plus vraiment grand chose à cacher à la Shaman, elle qui l'avait aidée avec tant de compréhensivité sur ses recherches au sujet du décès de Rosa.

La conversation allant bon train et Miranda n'étant pas contre attendre avec lui quelques minutes de plus, Gill l'invita à s'asseoir sur un banc de pierre qui jouxtait l'échoppe de l'intendant de la ville. Ce n'était pas le grand confort des Jardins ou la quiétude animée de la Timbale Diamantée mais cela aura au moins le mérite d'éviter qu'ils attendent en restant tout deux debout comme des piquets.

"A vrai dire je suis même curieux de savoir ce qui à rendu la "jeune écervelée" amoureuse!" questionna indirectement Gill en se laissant aller à la plaisanterie "Tu as trouvée un homme digne de toi au fil de tes voyages?"

Riant avec douceur et légèreté, le Mage Blanc sembla ressentir un vent frais et vivifiant lui caresser le visage alors que la journée affichait un temps clair et sans perturbation. Cette impression de fraicheur il la connaissait bien, il l'avait déjà ressentie quand son fils parti chez les Chevaliers, quand sa fille alla emménager chez sa tante à Naturalia, quand il avait embrassé Rosa pour la première fois. Ce vent agréable qui donne des ailes et qui semble faire que tout vas bien, l'impression inaltérable de croquer la vie.

Miranda afficha un grand sourire en entendant la bonne nouvelle. C'était signe que Gill allait effectivement de l'avant… Puis les mages blancs gagnaient une recrue sans commune mesure ! Elle ne l'avait pas connu durant son heure de gloire, lorsqu'il était à l'apogée mais elle avait entendu bon nombre d'histoires. Souvent à sa demande, intriguée qu'elle était pas lui… Les personnes comme lui étaient trop rares pour qu'il ne soit pas dommage de les voir s'exiler dans un coin de campagne.

-Mais c'est une excellente nouvelle ! Et je suis curieuse de voir la tête que feront les jeunes recrues en te découvrant dans leurs rangs…

Elle mêla son rire au sien… Cela revenait un peu à se retrouver aux cotés de Doukas lui même qui reprenait du service au plus bas de l'échelle. Certains risquaient de faire effectivement une drôle de tête. Son dirigeant avait déjà du se faire à l'idée que l'un des plus puissants mage blanc revenait avec le grade d'un simple débutant… Ce qu'il n'était pas vraiment. Peut-être que son exil avait mis à mal ses pouvoirs mais cela ne lui enlevait pas la chose la plus précieuse. L'expérience… A choisir entre un jeune archimage étincelant fraîchement promu et Gill avec son grade d'apprenti, elle savait parfaitement vers qui elle se tournerait… Il fallait absolument qu'elle en touche un mot à Elyane lorsqu'elle passerait chez elle. Elle était certaine que sa tante adoptive serait ravie d'apprendre la nouvelle. Et qu'elle ne manquerait pas de le taquiner au sujet de ses choix de "promotion" même si elle les comprendrait…

En entendant la question du mage blanc elle ne put s'empêcher de rougir, même si ce n'était que fugace. Cela l'agaçait un peu cette espèce d'insouciance qu'elle ressentait à chaque fois qu'elle pensait au chevalier, un peu comme si elle craignait de devenir comme une de ces jeunes écervelées… Qui ne retrouvaient jamais leur cervelle et se contentaient de faire un pot e fleur tout ce qu'il y a de plus acceptable. Or elle n'était pas comme ça et ne voulait pas le devenir. D'un parce qu'elle ne souhaitait cela à personne, de deux parce qu'elle estimait aussi qu'il méritait mieux qu'une donzelle qui se contentait de papillonner et de glousser…

-A croire que le hasard fait bien les choses finalement… Quelqu'un, quelque part, a dû penser qu'il était temps que je me fixe définitivement ici et a fait en sorte que ce soit le cas. Mais c'est un moyen loin d'être désagréable !

La jeune femme lissa un peu sa jupe comme si elle cherchait ses mots. Ceux qui étaient proches d'elle avaient rapidement comprit que son amnésie et l'absence totale d'indices sur son passé l'avait poussée à déduire qu'elle était vraiment une étrangère à ce monde. Et qu'elle finirait bien par repartir tôt ou tard. Cela lui avait fait maintenait une certaine distance avec les gens. Du moins jusqu'à maintenant…

-Une amnésique qui rencontre quelqu'un qui gagnerait à oublier son passé… Cela ne pouvait que faire des étincelles… Non?

Après avoir remit ses idées en place, la sidhe se décida enfin à parler, à se livrer un peu sur cette relation qu'elle n'avait pas recherché mais qu'elle avait volontiers accueillit, découvrant ainsi que ce monde pouvait se révéler "attachant" finalement. Elle raconta cette première rencontre bien classique, aux portes de Bénécius, décrivant une personne encore assombrie par un passé tumultueux, blessé, mais qui cherchait à se racheter une conscience qu'il n'avait jamais vraiment perdu. Il désirait racheter des fautes que d'autres avaient commises par son intermédiaire... Elle fit un portrait attendri d'un homme qui se voulait juste, droit, serviable, généreux un vrai chevalier. Mais qui avait aussi de lourdes cicatrices, comme elle. Elle ne s'étendit pas sur le contexte de leur seconde rencontre, l'esclavage pouvant être un sujet apte à assombrir une aussi belle journée, mais il ne fut pas difficile de comprendre que l’adversité leur avait permis d'ouvrir les yeux sur une évidence vieille de plusieurs mois...

Si la tendresse et l'affection qu'elle portait à Edalion s'entendaient clairement dans sa voix, mais se voyaient aussi dans le choix de ses mots, il semblait aussi qu'elle n'était pas juste une jeune femme énamourée. Si le chevalier estimait probablement qu'il était de son devoir de la protéger, la réciproque semblait évidente aux yeux de la sidhe. Elle ne serait pas une simple potiche mais une femme forte à même d'épauler l'homme qu'elle aime. Miranda avait beaucoup évolué depuis qu'elle s'était réveillée chez Elyane...

Elle jeta un regard d'excuse à Gille...

-Je vous ennuie non?

.

Gill haussa les épaules avec légèreté, un sourire toujours inscrit sur son visage. Les réactions des recrues lorsqu'ils verraient arriver un senior dans leurs équipes? Oh il ne se doute pas que pour beaucoup d'entres eux ce genre d'anomalie sera sujette à plusieurs quolibets inventifs mais ce n'est pas deux trois peignes-culs qui l'empêcheront d'aller de l'avant. Après avoir élevé ses enfants, chose toujours d'actualité avec la petite anni, il allait désormais répandre la bonne parole dans les rangs de la relève de Bénécius. Pour sûr il n'allait surement pas être apprécié les premiers jours mais dés qu'Eärondel aura fixé les choses concernant Gill il y a peu de chances que les mouflets reviennent à la charge. De toute manière il est bien placé pour savoir que l'on obtient pas le respect par la force ou par la peur, mais par un échange mutuel d'égal à égal, par des dialogues, de la compréhension et de l'estime réciproque. Et si ces notions semblent passées de temps pour certains, il comptait les remettre au goût du jour à sa manière et ce serais un tort de penser que le vieux Mage Blanc est un pacifiste soumis aux premières turbulences.

Emboitant le pas à son amorce, Miranda commença a s'épancher sur ses rencontres amoureuses en montant un introduction qui arracha un sourire encore plus grand a Gill. Son humour de dame du monde n'avait pas prit une ride et restait toujours aussi frais et agréable pour quiconque prête une oreille avertie à ses propos! Elle avait en elle ce petit brin de cynisme oscillant parfois entre pessimisme et optimisme mais qui ne se laissais jamais abattre et réussissais à trouver le meilleur d'une situation pourtant bien sombre. Quelque part ils se ressemblaient tout les deux, chacun avec son lot d'épreuves qui, après moults efforts, devenaient autant de force pour forger un avenir qu'ils espéraient meilleur.

"Le plus beau des moyens, croit moi. Qui peut porter une vie perdue en véritable havre de paix!"

Et là il parlait en connaissance de cause bien que son dit havre de paix appartienne au passé désormais. Mais il lui restait ses enfants, ses pupilles, chacun tels une pierre précieuse qu'il défendra corps et âme contre les affres de la vie et qu'il portera vers un monde plus chaleureux. Voir leur bonheur c'est vivre le siens et le bien-être de ses mouflets était une de ses préoccupations majeurs en bon père qu'il est.
Miranda continua son récit, Gill hocha affirmativement du chef pour valider sa question oratoire. Une belle coïncidence que voila, surement un signe du destin. Une amnésique avec un repentit, ils s'étaient bien trouvés tout les deux et ce genre de clin d'oeil de la vie aviva d'autant plus l'intérêt que porta Gill à la suite de l'histoire!

Puis il offrit toute son écoute à la description de celui qui avait fait de la vie de Miranda un fleuve où la vie coulait bien plus paisiblement qu'avant. Il n'avait presque pas besoin de la proximité qu'ils entretenaient pour sentir l'amour qui animait les propos de la jeune femme, transformant sa narration en véritable flot de sentiment presque palpable. Ses beaux yeux semblaient revoir les moments qu'elle décrivait, sa voie savourer chaque mots rapportés comme si elle les entendaient pour la première fois, une fois de plus. Et quant à la description de cet Edalion Helioz, désormais chevalier de son état après un passé bien sombre et torturé, elle était si vécue de l'intérieur que Gill eu l'impression de voir le portrait du jeune homme apparaitre devant ses yeux.
Tout senior qu'il soit, il buvait les paroles de Miranda avec l'attention que porte un père au grand amour de sa propre fille. La voir ainsi habitée lui procura un sentiment de joie des plus plaisant, un vent frais qui balaye son âge pour lui remontrer comment était la vie à vingt ans. Instinctivement il posa une main attentionnée sur l'épaule de la sidhe, pour soutenir cette fébrilité du récit qui aurait pus encore durer une bonne heure.
Mais au lieu de ça, la belle s'interrompit comme prise en flagrant délit de bavardage intempestif et regarda Gill d'un air penaud. Sa question eu un effet immédiat sur le Mage Blanc qui ria agréablement devant cette moue gênée qui semblait rajeunir Miranda d'une bonne dizaine d'années.

"Mais pas du tout ma chère, pas du tout! J'ai hâte de découvrir cet homme et j'espère bien le rencontrer un jour en chair et en os. D'ailleurs je devrais aller au Château d'ici quelques jours pour rendre visite à un vieil ami de la Tour, peut-être le croiserais-je au passage."

Gill passa son bras autour de Miranda pour la rassurer sur ce manque de confiance passager et l'inviter à se détendre. Cette vie qui bouillonnait à l'intérieur d'elle était si belle à voir qu'il aurait pus admirer ce spectacle un long moment avant de commencer à s'en lasser.

"C'est un vrai plaisir de te retrouver ainsi, je n'en espérais pas tant lors de notre dernière rencontre."

"Messire Hüngren? Désolé de vous déranger mais nous avons de quoi donner suite à votre demande. Si vous voulez bien me suivre, ou peut-être préférez vous reporter notre rendez-vous à demain?"

L'intendant en personne venait de sortir de son échoppe et il s'avançait presque gêné de briser ce moment d'intimité entre la Shaman et le Mage Blanc. Que devait-il penser encore celui-là? Rompant le contact avec Miranda, Gill s'excusa poliment et se leva du banc en époussetant son pantalon de tissu marron.

"Navré Miranda, je doit allé remplir les papiers pour mes nouveaux appartements." conclua le Mage en se rangeant prêt de l'intendant "Je te rend ta liberté si tu veux. Sinon cela ne devrait pas durer trop longtemps et je ne suis pas contre l'idée de profiter des rues marchandes en ta compagnie bien entendu." plaisanta Gill en riant à demi-mesure.

L'intendant sembla encore plus gêné, ce qui amusa d'autant plus le vieux Mage Blanc qui le dépassait d'une bonne tête. Puis il lui emboita le pas pour rentrer dans son petit magasin, commençant déjà a converser sur les modalités qui allaient accompagner son nouvel emménagement. Le voila donc, ce nouveau départ dans la vie citadine!

Il lui était difficile de ne pas un peu s'enflammer lorsqu'elle parlait d'Edalion… En un sens, c'était un peu normal. La sidhe avait peut-être des centaines d'années, elle ne s'était "éveillée" que depuis cinq années. L'amour, l'affection bien particulière, qu'elle portait à cet homme était une première pour elle. Et elle prenait soin de repousser tous ses questionnements sur son passé. Avait-elle déjà ressenti pareille chose? Quelqu'un comme Edalion l'attendait-il quelque part? C'était un risque. Et elle serait probablement peinée de découvrir que c'était le cas. Mais elle avait forcément changé. Ces cinq années à se reconstruire n'avaient pas pu être transparentes… La jeune femme d'aujourd'hui était heureuse, vraiment heureuse pour la première fois depuis des années. La personne qui avait ravi son cœur était quelqu'un de suffisamment formidable pour qu'elle puisse se sentir à la fois soutenue et protégée mais aussi émulée, poussée à vraiment évoluer dans ce monde…

Même passionnée et amoureuse, elle essayait de dresser un juste portrait de son aimé… Craignant l'exagération inutile, elle choisissait soigneusement ses mots même si l'admiration qu'elle pouvait éprouver pour lui transpirait nettement dans son discours. L'image du chevalier qu'elle cherchait à transmettre ne pouvait qu'être élogieuse. Quelqu'un de courageux, de généreux, de fort… Mais il y avait un petit détail qui semblait légèrement la chagriner. Et pour quelqu'un d'averti comme Gill, ce n'était pas difficile de l'identifier. lorsqu'elle décrivait sa façon d'affronter le danger au mépris de sa propre sécurité pour s'assurer de la survie des autres. C'était une preuve de son abnégation mais elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une pointe d'inquiétude pour lui… Il n'était pas tête brûlée, non, mais un jour, il finirait par recevoir une blessure de trop. Et elle n'avait aucunement envie de le croiser en esprit… Et c'était aussi pour cela qu'elle voulait s'améliorer. Car il méritait bien que quelqu'un veille un peu sur lui aussi !

Les joues de la shaman rosirent légèrement sous l'effet du rire du mage blanc. Ce n'était pas vraiment de la honte… Elle savait pertinemment qu'il ne se permettrait jamais de se moquer d'elle. Encore moins sur ce sujet qui devait, maintenant qu'elle y songeait de façon plus posée, faire échos à certains de ses souvenirs peut-être douloureux… Mais même si elle en était venue à suspecter que d'eux deux c'était probablement elle "l'aînée", elle avait la sensation d'être une jeune fille prise en flagrant délit de babillage amoureux par son propre père. C'était un sentiment assez déconcertant il n'y avait bien qu'avec lui qu'elle pouvait le ressentir… Elle lui sourit, laissant le bonheur simple du moment glisser sur eux. Si l'amnésique avait ouvert son cœur à un "survivant", il était aussi étonnant de constater que tous deux se revoyaient maintenant. Que celle qui n'avait pas eu de vie, et se décidant à en construire une, croise celui qui essayait de reconstruire la sienne, après avoir perdu l'ancienne… Leurs destins respectifs devaient avoir atteint la fin d'un cycle et un nouveau commençait tout juste.

-Je suis certaine que vous lui transmettrez mes "amitiés" si vous le croisez. Et vous n'aurez aucune difficulté à le reconnaître…

Elle avait effectivement tracé une rapide description physique, inévitablement élogieuse, mais véridique puisqu'il se devait d'entretenir une certaine forme après tout… Mais elle avait pris soin de bien spécifier les quelques détails qui le rendaient unique et identifiable entre tous. Son œil blanc, si particulier, ses cicatrices, trop nombreuses à son goût, et son inséparable compagnon. Elle n'avait pas eu beaucoup de temps pour faire la connaissance de l'oiseau, ce dernier ayant vite comprit que son maître avait besoin d'une certaine intimité avec la jeune femme, mais elle avait comprit son importance pour le chevalier…

La sidhe se laissa aller contre l'épaule de Gill. Cet homme avait le don de rassurer et réconforter les gens. Il semblait dégager pour tous ce qu'un père pouvait dégager pour son enfant. Un paternalisme "positif", de celui qui soutient, écoute, comprend et épaule. Pas ce paternalisme moralisateur essayant de forcer les autres à rentrer dans des moules qu'ils ont décidé comme seuls et uniques de valeur… Elle eut un sourire franc, sachant qu'il comprendrait ce qu'elle allait dire…

-Je vous retourne le compliment. Cela fait du bien de vous voir ainsi…

L'arrivée impromptu de l'intendant brisa le moment… Mais l'air gêné de l'homme n'échappa pas à la sidhe. D'un autre coté, étant donnée leur position et l'affection, même "familiale", qu'ils se portaient, un observateur extérieur pouvait fort bien se tromper. Et Gill ne pouvait pas être son père, cela se voyait. Il était juste un peu trop jeune et, bien trop, blond pour cela. Les esprits simples et étriqués pouvaient donc sauter aux conclusions les plus simples. Et en profiter pour estimer, en bien pensants, que le mage blanc était peut-être un poil trop vieux pour la jeune demoiselle.

La shaman laissa donc Gill se lever, ne quittant pas l'intendant de son regard d'un noir profond. Il se tortilla discrètement, gêné, mais ayant assez d'expérience pour ne pas le montrer de façon trop évidente. Il était évident qu'il avait conscience de qui avait pu être Gill du temps de sa splendeur. Cela se sentait dans sa déférence, sa façon de se tenir et de s'adresser à son ami. C'était assez amusant et elle soupçonnait que certaines personnes à la Tour Céleste risquaient de faire de même. Si cela pouvait se révéler utile pour faire bouger les instances administratives, elle soupçonnait que sa patience allait être mise à rude épreuve…

Parce qu'il s'adressa à elle de cette façon. Parce que l'intendant était une proie toute désignée. Parce qu'elle était d'un naturel joueur. Parce qu'elle se sentait heureuse et légère. Et, surtout, parce qu'elle savait que Gill ne se méprendrait pas et, mieux, comprendrait voir jouerait le jeu. Tout cela fit que la sidhe afficha une petite moue de précieuse en papillonnant légèrement, faisant au passage un discret clin d'œil au mage.

-Je comprends. Mais je préfère t'attendre…

Le langage corporel suffisait parfois largement… Et la sidhe savait en jouer même si son naturel était distingué. Elle n'eut aucun mal à faire comprendre ce qui n'était pas dit. Autant pour les rumeurs qui allaient courir ! Mais l'air gêné de l'intendant était une récompense largement à la hauteur. Et elle se garderait bien d'être surprise en flagrant délit d'éclat de rire !!

Acquiescant avec son calme éternel, Gill marcha dans les pas de l'intendant qui semblait de plus en plus gêné par la présente situation. Avant de passer le pas de la porte, il se retourna vers Miranda en lui adressant un regard partagé entre amusement et exaspération. Elle n'avait pus s'empêcher de faire courir l'imagination du pauvre bougre, a peine revenu on allait dire de lui qu'il courrait les jeunettes à chaque coin de rue. Pour un veuf comme lui qui avait jadis eu une notoriété respectable, il devait y avoir une meilleur image à donner pour un retour. Mais allons bon il n'y avait pas mort d'homme et ce ne serait au pire que de simples rumeurs sans fondement. Arrivé au comptoir qu'il avait quitté il y à de ça tout juste une demie heure, il s'installa à son aise en attendant que le responsable vienne le rejoindre aux côté du jeune homme qui avait précédemment noté ses souhaits.

"Très bien. Nous avons donc une offre à vous proposer Messire Hüngren. Une suite spacieuse d'appartement en plein centre avec trois chambres, beaucoup d'espace et lumineux de surcroit."
"Cela me semble tout à fait correct ma foi."
"Bien entendu au vue de votre statut de Mage Blanc nous vous proposons une remise sur le loyer. A moins que vous désirez acheter?"
"Nous allons partir sur une location, je viendrais vous revoir ultérieurement si vente il y à suite à mon déménagement."
"Fort bien, je me charge de sortir les parchemins pour régler tout ça."

La discussion continua bon train entre les trois tandis que les chartres administratives et autres édits étaient signés l'un après l'autre. Le marché de l'immobilier en Bénécius avait toujours eu un cran d'avance par rapport aux autres villes, notamment depuis le dernier siècle à cause de l'affluence de personnes désirant habiter au sein des murs de la Cité Blanche. Et si certains le trouvait passablement rébarbatif et lent à cause des démarches incessantes entre les intendant et la Tour Céleste, il avait le mérite d'offrir stabilité et régulation pour tous.

_________________________________________

Pendant ce temps-là, dans le ciel...

Pourfendant les cieux par la seule présence de son altière silhouette, Mokkori décrivait de large cercle au dessus de la cité de Bénécius en cherchant la présence de son dévoué Maitre. Soudainement son attention fut attiré par la silhouette robuste du Mage Blanc qui se trouvait à l'opposé de la rue où Mokkori venait de se poser. Prenant son envol depuis le rebord de cheminée qui lui servait de perchoir le temps d'une observation, il fondit droit vers son objectif en survolant la foule. Ses yeux vifs aux couleurs de feu furetèrent de dame en dame et de son esprit de hibou il maudit la foule d'être si compact, sans quoi il se serais bien offert un vol en rase-motte histoire de mieux profiter du paysage. Bombant le torse en plein vol, il hulula tant par frustration que pour attirer l'attention sur son royal passage. Il faut dire que pour hibou, c'était un beau hibou.
Etonné de voir un tel rapace volant en plein jours, il se fit pointer du doigt par quelques curieux et autres enfants de bas-âge. Mais ce qui l'intéressait était leurs mères juste à côté et si son organisme aurait été capable de le faire produire des clins d'oeil il s'en serait donné à coeur joie. Distrait par de tant de pensées parasites, il se rendit compte que son vol avait ralenti et qu'entre-temps Gill venait d'entrer dans une échoppe. Hululant d'indignation cette fois il reprit de la hauteur et décrivit quelques cercles pour avoir une meilleur prise de vue sur sa situation.

Puis il remarqua un coin intéressant, il pouvait sentir que la présence de son maitre était là juste avant son arrivée. Et mieux encore, il y avait une ravissante femme esseulée juste à côté qui ne demandait que d'être accompagné au sein de ce grand moment de solitude. Fier chevalier du ciel prêt à défendre surtout la veuve avant l'orphelin, il piqua et passa à toute berzingue devant Miranda pour rouler des mécaniques. Puis il redressa son vol, se calma et se posa sur le dossier du banc juste à côté de la jeune Shaman. Elle avait un air de déjà vue mais quand bien même c'était le cas il était certain de ne l'avoir jamais admirée d'aussi prêt. Surement une volonté de Gill qui devait s'attendre de la suite.
Ses aigrettes vibrèrent de fierté et il se rengorgea à nouveau en bombant le torse et en gonflant son plumage brun-roux au dégradé délicat. Ses yeux se firent perçant et il hulula à nouveau pour démontrer son imposante stature, véritable roi des animaux qu'il s'imaginait être. Sautillant avec grâce et virilité sur le dossier qui lui servait de perchoir, il s'approcha de la dame non sans laisser ses yeux experts fureter sur ses formes rebondies et savamment proportionnées. En voila un morceau qu'il est beau, que dieu soit maudit de ne pas lui avoir donné un corps humain sans quoi il consommerait ce lot de premier choix sans l'once d'un doute! Un nouvel hululement, plus profond et étouffé marqua son appréciation de la chose quand soudain...

"Hahem."

Une onomatopée qui n'en était pas vraiment une a cause de son degré d'exagération le rappela à la réalité. Il releva son regard volcanique vers son détracteur. Et malgré son agacement notoire, il ne pouvait même pas en vouloir à cet homme.

_________________________________________

"Et bien Miranda, je te présente Mokkori. Mon fidèle messager personnel qui ne m'as pas quitté depuis mon départ de la Tour Céleste. Navré si il t'as dérangé, il est un peu... avenant avec les dames."

A leurs petites habitudes, Gill eu un soupir désolé et amusé et le Grand-Duc en gonfla son plumage de plus belle sur le coup de la frustration. Il ne pus s'empêcher de rire devant la tête qu'affichait son impossible compagnon. Ses papiers étaient réglés désormais et il y avait fort à parier que la venu du hibou soit annonciatrice du bon déroulement de son déménagement et de la sécurité d'Anni. Ils pourront ainsi avoir quelques heures devant eux pour continuer à converser au grès de la ville ou tranquillement installés à une table. Il lança un petit sourire à Miranda en allant saisir le message qui pendait à la patte de Mokko et fut effectivement rassuré sur toute la ligne. Les lignes fines de la nourrice assuraient le bien-être de sa fille et le début du voyage jusque Bénécius. Ils allaient devoir passer une ou deux nuits à l'auberge le temps de régler leur nouvelle maison puis ensuite la vie reprendra son cours. Redressant son attention vers Miranda, il rangea la lettre dans son sac et reprit le fil de leur discussion.

"Me voila libéré. Si tu as encore du temps devant toi que dirais tu d'une petite ballade dans les rue du centre? Tu faisais des achats n'est-ce pas?"

Le sourire teinté d'innocence qu'elle adressa à Gill aurait pu la rajeunir de vingt ans. Anni devait lui adresser les mêmes lorsqu'elle était prise en flagrant délit de bêtise. C'était le sourire que chaque fille avait su développer avec soin pour atteindre leurs papas en plein cœur. Celui qui permettait d'être immédiatement pardonnée ou, au moins, qu'on oublie temporairement la bêtise réalisée. La sidhe était certaine que c'était quelque chose d'inné chez les enfants. Il suffisait de voir leur minois lorsqu'on les découvrait le museau plongé dans les pots de confiture de leurs mères… Et ce fut avec un plaisir non feint qu'elle agit ainsi avec le mage blanc qui avait un peu le statut de père adoptif, puisqu'il avait tendance à se comporter comme tel avec elle. Sans compter que son petit air exaspéré face à une gamine turbulente était tout à fait délicieux.

Il y aurait peut-être quelques rumeurs mais Gill ne risquait en fait pas grand chose. Même si l'intendant était terriblement gêné, il faisait partie d'un corps administratif qui brassait énormément d'informations. Il avait donc un certain devoir de réserve… Sans cela bon nombre de garçonnières de nobles ou bourgeois officiellement "rangés" auraient été découvertes… Et puis elle aussi avait mis son honneur en jeu puisqu'elle s'était associée à lui durant un instant, alors qu'elle était déjà en couple. Ou en quelque sorte… Car si c'était bien clair dans leurs esprits, ils n'avaient rien officialisé. Elle savait que le mage blanc avait été marié mais c'était une cérémonie qu'elle n'avait bizarrement jamais envisagé. Même si elle avait évolué et fait des efforts pour s'intégrer dans ce monde, certaines choses lui paraissaient encore étrange. Se lier à une autre personne devant un groupe de personnes sous la coupe d'une quelconque divinité en faisait partie.

Cette idée la dérangeait, un peu comme si brusquement elle se retrouvait marquée au fer rouge et à faire de même avec quelqu'un. Malgré tout l'amour et l'affection qu'elle portait à Edalion, cette privation de liberté n'était pas dans ses habitudes… Peut-être devrait-elle en parler avec son vieil ami. Il était déjà au courant de la situation et avait l'avantage d'avoir déjà été marié. Jusqu'au bout d'ailleurs… De même, bien qu'elle ait fait en quelque sorte le deuil de son passé, certains doutes planaient encore. Rien ne disait qu'elle n'avait pas abandonné une famille derrière elle. Un père, une mère peut-être. Mais surtout un enfant, un mari. Ou une femme? Elle était dans le flou le plus complet… Lorsqu'elle avait un peu abordé la question avec Elyane elle avait supposé que ce n'était pas le cas car elle ne portait aucun bijou l'attestant. Pas d'alliance… Mais son ailleurs avait probablement une culture différente. Rien ne disait qu'elle avait suivi les mêmes coutumes lorsqu'elle s'était liée à quelqu'un… Si elle avait clairement décidé de refaire sa vie, elle avait conscience de l'importance de cette cohorte de symbolisme. Elle n'était pas certaine qu'Edalion apprécie la chose si jamais une telle personne de son passé faisait son retour et revendiquait les mêmes liens que lui.

Alors qu'elle était en pleine réflexion sur l'incidence d'une hypothétique bigamie féminine, Miranda sursauta en voyant un hibou faire un rase motte juste devant elle. Le déplacement d'air eut des velléités à faire s'envoler ses jupons mais elle eut suffisamment de réflexes pour les plaquer in extremis contre ses jambes. Il lui fallut quelques secondes pour vraiment comprendre ce qui venait de passer en vitesse devant elle, d'autant plus que son esprit eut du mal à associer cet animal nocturne à cette journée ensoleillée… Elle l'observait, un peu interdite, alors qu'il arrivait pour se poser sur le dossier de son plan, sautillant jusqu'à elle. Que faisait donc un tel rapace ici à cette heure de la journée? Mais, plus important, était-ce son imagination ou cet oiseau était-il en train de la déshabiller du regard? Elle avait ressentit exactement la même chose lorsqu'elle avait été "serveuse" au piment de l'outre-monde. Mais ces regards venaient alors de bipèdes tout ce qu'il y avait de plus classique… Le fait de se sentir ainsi observée par un "simple oiseau était assez déconcertant… La sidhe en était à se demander si elle devait prendre ses dispositions pour faire en sorte qu'il ne s'approche pas plus ou si elle avait juste besoin de repos lorsque le mage blanc revint, freinant le rapace dans son élan.

-Un peu avenant?

La jeune femme haussa un sourcil sceptique. Avenant n'était pas exactement le terme qui lui était venu immédiatement à l'esprit. Entreprenant était un peu plus exact. La jeune femme était presque certaine que si Mokko avait eu des sourcils mobiles selon sa volonté propre, il aurait été à même de lui lancer un regard de charmeur comme seuls quelques rares coureurs de jupons étaient à même de faire… Maintenant qu'elle savait à qui elle avait à faire et, surtout, qu'elle n'était pas folle, la shaman se détendit et se permit un sourire un peu amusé.

-Et bien voilà un oiseau des plus singulier…

D'un geste spontané, elle caressa le dessous du bec, la zone de la gorge d'un doigt léger et délicat avant de se pencher un peu vers lui. Miranda était à peu près sûre que le hibou recevait plus de projectiles divers et variés avec ses manières que de caresses. Elle avait parfaitement conscience de jouer avec le feu mais cela faisait aussi partie de sa nature… Surtout qu'elle ne risquait pas grand chose hormis un léger harcèlement.

-Enchantée Mokko, c'est un plaisir de rencontrer un oiseau aussi exceptionnel que toi !

La sidhe lui lança un clin d'œil avant de se relever et d'offrir son bras à Gill. C'était un bonne nouvelle si ses affaires étaient en règle, l'administration pouvait être aussi difficile à diriger qu'un mammouth mal luné. De là une action simple pouvait devenir digne dune quête épique, tant au niveau de la durée que de la complexité.

-J'ai tout mon temps. Mais même si tu restes un éminent mage blanc, un Emissaire à la patience infinie, tu ne survivrais pas à une après-midi de léchage de vitrines avec moi. Je m'en voudrai de ruiner ta réputation alors que tu reviens tout juste à la Tour Céleste !

La sidhe eut un sourire passablement malicieux. Elle le traînerait probablement au moins jusqu'à une bijouterie mais elle n'avait pas le cœur à le coincer dans ses envies d'achat et d'essayages…

-Alors? Comment va être ta future maison?

Gill ne pus s'empêcher devant la réaction de Miranda. Il faut dire ce qui est, Mokkori n'est pas le genre de volatile qui passe inaperçu surtout lorsqu'il s'amuse à rejoindre son Maitre en société. Il n'as jamais eu un caractère facile et la relation entre le Hibou et l'humain à de quoi en faire rire plus d'un mais dans le fond ils seraient incapables de se séparer pour de bon. Voila de trop nombreuses années qu'ils passent ensemble et si Mokkori possède ce côté fier et entreprenant, il sais aussi créer des hululements de douceur qui ont sut rappeler à Gill qu'il n'était pas seul. Lorsque la sidhe se baissa pour flatter l'encolure du grand-duc, Gill réitéra un petit soupir exaspéré: ils allaient jouer au chat et à la souris ces deux là! Enfin avec un tel accueil de la part de Miranda, il y à fort à parier que le jour où Gill enverra Mokko' la contacter ce dernier déchirera les cieux de toute sa vitesse pour se loger au plus vite dans ce corset qui attirait tant ses grands yeux de feu. Le tout bien entendu avec un professionnalisme à toute épreuve qu'il serait bien mal-venu de remettre en cause.

Une fois le message lu, Gill put souffler pour de bon. Il n'aura pas besoin de rentrer à la maison ce soir et tout le monde devrait arriver en bonne santé demain dans la matinée. En attendant ces retrouvailles il allait désormais devoir trouver une auberge pour les accpeter une poignée de jours le temps que toute la paperasse s'active à établir son prochain domicile.
Miranda revenue à son bras telle une enfant joueuse ayant encore de l'énergie à revendre, le reste de sa journée s'annonçait des plus agréable. D'ailleurs la belle s'exprima avec cette malice qui la caractérisait désormais si bien et Gill reçu cette réponse avec un sourire posé qui ne le quittait jamais vraiment. De ces sourires qui veulent dire "Oh je vois bien où tu veux en venir, allons bon" si tant est qu'on puisse mettre autant de mot en une expression. Le Mage Blanc allait répondre à la Shaman mais son inspiration fut coupée par un hululement revanchard qui retentit juste à côté.

"Tu t'es fait un nouvel admirateur sur long-terme là..." ne pus s'empêcher de constater Gill devant un Mokko qui semblait proche de l'explosion tant il bombait le torse.

Il claqua deux fois de la langue, petits bruits secs qui eurent leur effet sur le Grand-Duc à la virilité plus qu'affirmée. Mokkori décolla du banc et voleta quelques mètres plus loin pour se poser sur un toit où soudainement il ne savait plus où donner de l'oeil entre Miranda et quelques passantes. Gill rigola dans sa barbe et reprit son intention auprès de la jeune femme là où il venait de l'abandonner.

"Il nous accompagnera de loin, je l'enverrais auprès d'Anni lorsque j'aurais trouvé une auberge où passer la nuit." conclu Gill sur ce sujet. "Et donc je te laisse guider mes pas et mettre ma patience à rude épreuve! Voila un entrainement de choix pour voir si je ne suis pas devenu trop grincheux avec l'âge n'est-ce pas?"

Et il rendit a Miranda ce sourire pétillant de malice qu'elle avait sut si bien lui offrir. Comme dit le dicton, on apprend pas au vieux singe à faire la grimace. Et avec trois enfants à sa charge dont deux qui son presque majeurs et entièrement responsables de leurs actes, il commençait à avoir de l'expérience dans ce domaine. Surtout que ce genre de dialogue taquin avec de la lecture entre les lignes était la spécialité de Rosa et dieu sais que sa patience fut vraiment mise à rude épreuve avec elle! Et deux filles à élever après ça, misère d'être un homme dans ces cas là. Mais pour rien au monde il n'aurait échanger un brin de ce que fut et de ce que sera sa vie, c'est toute ces choses là qui font que Gill à sut s'imposer avec l'expérience comme un homme à l'objectivité immuable et à la patience presque-infinie.
Et en ce jour, Miranda lui rendait une sorte de seconde jeunesse avec cette attitude mutine qui lui allait si bien. Il n'aurait pas pus faire meilleure rencontre qu'elle en ce jour de retour au sein de la Tour Céleste.

Le rire clair et carillonnant de la sidhe emplit l'espace. Non, vraiment, cet oiseau était fascinant tant il était humain dans ses réactions de courtisant. Elle aurait regretté de ne pas pouvoir faire la connaissance de Mokko et Gill devait avoir du mal à le tenir concentré par moments. Il suffisait de le voir pour comprendre qu'une belle demoiselle suffirait à lui faire tourner la tête. D'ailleurs, elle se demandait comment cela se passait avec ses filles. Anni était encore un peu jeune peut-être mais… Cela faisait partie des sueurs froides que pouvait avoir un père supposait-elle.

-Et quel admirateur ! Notre correspondance n'aura jamais été aussi efficace je pense…

Elle ne doutait pas que Mokko serait extrêmement motivé pour venir la voir le jour où le mage blanc aurait besoin de la contacter. L'intérêt du hibou de la dérangeait pas car ce n'était pas bien dangereux, juste un jeu sans conséquences graves dont l'oiseau lui-même devait avoir conscience. Le voir perdu à ne plus savoir où porter le regard la fit sourie. Le contraste entre Gill et lui était vraiment saisissant !

-Vous grincheux?

C'était bien quelque chose qu'elle ne parvenait pas à associer avec le mage blanc. Gill grincheux? C'était un concepteur lui paraissait aussi crédible qu'un mage noir bienveillant. Bon, il était évident qu'il était quelqu'un qui pouvait se montrer dur mais juste… Mais grincheux? Hormis pour taquiner ses filles, elle ne voyait pas cela possible. Il serait certainement grincheux le jour où il serait passablement centenaire et qu'il aurait perdu sa générosité naturelle. D'ici là, elle savait que ce ne serait que du théâtre…

-Je demande à voir ça !

Globalement Miranda avait finit ses propres achats, le reste n'était absolument pas nécessaire ou vital. Ce n'était que caprices de grand enfant habitué à se faire belle… Mais cela ne l'empêchait pas de faire les boutiques pour d'autres personnes. Le retour en ville de Gill et sa famille devait dignement se fêter… La shaman n'avait pas beaucoup connu ses enfants, elle en entendait beaucoup parler mais elle ne les avait quasiment jamais vu. Tout juste avait-elle pu les reconnaître sur une peinture lorsqu'elle était venue voir le mage blanc. La dernière fois. Quand il avait été question de sa femme…

Si les deux plus grands n'avaient que faire d'une sidhe perdue et amnésique qui avait été implicitement adoptée par leur père, elle était bien décidée à chouchouter la petite dernière. Un moyen détourné, indirect, de remercier Gill d'être ce placebo de père lorsqu'elle en avait besoin. C'était une logique toute féminine d'une demoiselle âgée et expérimentée à une autre ne vivant plus qu'avec son père… Et lui avait donc peut-être parfois besoin de quelques conseils que seul un membre du beau sexe pourrait lui fournir. En somme, Miranda avait bien envie de chouchouter cette petite aujourd'hui…

-Dites moi, Anni? Quelle âge a-t-elle aujourd'hui?

La sidhe eut un sourire tout de candeur paré alors qu'elle les guidait vers l'une des bijouterie de la rue. Devant passer devant le magasin de tissu qu'elle avait déjà visité, elle prit soin de faire un large écart. Du coin de l'œil elle pouvait voir l'esprit de la morte surveiller l'étal extérieur, cerbère au visage peu amène qui semblait plus inquiet par les jolies filles que par d'hypothétiques voleurs…

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