Nous venions de quitter la demeure familiale d'Orpheus et par conséquent, sa mère qui m'avait sauvé la vie. J'étais remise de mes blessures même si je gardais quelques étirements difficiles à chaque pas au niveau de ma cuisse mais cela se remettrait bien vite. C'était juste la conséquence de la torture que j'avais subi dans les geôles du château.

Je frissonnai à ce souvenir. Le paladin était décédé mais je garderais en mémoire tous les sévices qu'il m'avait fait subir... Mais ne pensez pas que je vais me calmer suite à cela. Ils ont juste un petit peu plus attisé la haine que je ressens pour ce peuple ainsi que tout ce qui touche de près ou de loin à Bénécius.

Je jetais un regard en direction de l'homme qui m'accompagnait. Pourquoi lui je n'arrivais pas à le hair? Pourquoi aux contraires j'éprouvais des sentiments totalement opposés? Je ne voulais pas trop y penser. Je profitais juste de l'instant présent et de ce qu'il m'offrait. Par contre, notre relation allait quelque peu épicée et compliquée mais elle l'était bien déjà de base non? Nous nous rapprochions juste un peu plus de notre famille à ce sujet. Je souris et répondis à ses dires :

"Cela ne sera pas aussi beau que par le passé mais l'endroit regorge de magie. Tu sais que nous avons accueilli là bas l'ancienne Eris, Alayna Blodwyn? C'était une femme extraordinaire mais son peuple et elle ont disparu au moment de la dernière guerre... Ma grand mère en était particulièrement affectée... Tu as entendu parler des érissiens?"

Devenus des némésiens peu de temps avant la grande catastrophe... mais ma famille n'avait jamais fait confiance à ceux qui s'étaient associés aux érissiens... les échangistes... une bonne blague... Je souris à ses dires et à cheval, nous partimes en direction de ce qui restait du volcan et de mon manoir.

Vivre près d'un volcan... Il fallait bien être une Steel pour s'être installée là bas... Mais quelle meilleur protection que la possibilité que la lave barre la route menant à sa maison leur permettant de cueillir leurs ennemis en toute sérénité.

L'air devenait de plus en plus chargés en carbone, chaud dans les poumons. De la cendre était présente et voletait à chacun des pas du cheval. Des milliers de souvenirs me revenaient en tête mais je les gardais pour moi le sourire dans le vague. Des larmes montèrent quand notre manoir apparut... des pierres noires... des gargouilles... tout était recouverts de cendre et de poussière... les murs étaient effondrés... on pouvait voir nettement où le volcan avait sévi... des pilleurs avaient menés leur barque pour l'échec de ma maison... d'ailleurs, on pouvait voir quelques squelettes... Il faut savoir que la demeure était protégée par le passé par un jardin épineux et remplis de serpents venimeux entre autres... Tout avait disparu à part quelques ronces... mais les roses rouges et noirs n'étaient plus là... Nous poussâmes un magnifique portail rouillé en fer forgé où le symbole de ma famille trônait en son centre pour faire la visite des lieux. Je passais une main affectueuse sur notre étendard.

"Sais-tu pourquoi ma famille est représentée par une dague enchevêtrée d'une rose? Une petite idée?"

J'ouvris les bras et repris :

"Bienvenue chez moi. J'ai pensé un jour tout reconstruire... mais j'ai préféré enfermer les biens les plus précieux de mes ascendants dans un endroit particulier que je te montrerais après."

La première fuite d'Orpheus de Bénécius, la première fois qu'il fuyait en espérant ne pas être remarqué, comme un fugitif alors qu'officiellement, il n'était pas encore fiché comme tel. Personne ne serait étonné qu'il ait disparu en se réveillant. On l'aura aperçu lorsqu'il emprunta les chevaux mais les gardes penseront surement qu'il prévoyait de voyager loin simplement. Avec deux chevaux, on parcourait une bien plus grande distance et la gout de l'aventure du chevalier n'était secret pour personne au château. Et peut-être qu'ils s'imagineraient qu'il était parti à la recherche de Morgane Evans après tout. Alors il galopait à côté d'une femme pour qui il avait le sentiment le plus détestable possible malgré lui et il fuyait parce qu'il la voulait en sécurité. C'était une pure folie que d'avoir fait tout cela, d'avoir même tué des chevaliers pour son bien. Pourtant, sa lame n'avait pas hésité car toute blanche qu'elle soit, elle était tranchante et n'apportait que la mort autour de lui. La mort à ses compagnons, la mort à ses ennemis, la mort à tous car il était suivi par cette faucheuse qui lui courait après nuit et jour depuis bien longtemps.

Morgane lui parla finalement de chez elle, elle lui parla d'une femme dont le nom ne lui était pas inconnu, loin de là. Orpheus, plus que quiconque étranger, connaissait la vraie relation de son ancêtre avec l'Eris. Officiellement, personne n'avait jamais su ce qui s'était passé. Est-ce que la mère de Morgane lui avait raconté? Est-ce qu'elle avait été rien qu'au courant?

"L'Eris était une femme dont la beauté était souvent vantée et c'était par-dessus tout une manipulatrice."

Et pour sûr qu'il connaissait les érissiens. Allez savoir pourquoi les Neiphereum avaient cherché à lui apprendre toute l'histoire depuis Integral. Il avait bien été obligé de tout retenir sous peine de n'avoir pas de dessert. En pensant à tout cela et donc avec une mine sombre puisque cela avait un lien avec celui dont il ne fallait pas prononcer le nom, le chevalier continuait d'avancer à côté du mage noir. Aller vers le cratère, un lien complètement fou pour s'installer. Pourtant, c'est ce qu'ils avaient fait et cela les rendait d'autant plus malades, à croire qu'ils aimaient l'idée de se faire exploser par un volcan d'un moment à l'autre. Lui n'aurait jamais pensé venir voir ici parce qu'un cratère n'a rien de touristique ni d'attrayant. Néanmoins, curieux d'en apprendre un peu sur Morgane, il voulait tout de même poser les yeux sur ce qu'elle voulait lui montrer. Suivre la route devenait de plus en plus difficile, en plus de l'air de la pineraie cendrée. Ils n'étaient vraiment plus loin de la destination.

Finalement, à force d'avancer et de pousser pour que les chevaux daignent continuer la montée, ils arrivèrent face aux ruines de ce qu'avait été une demeure riche et dangereuse. Orpheus conserva le silence tandis que sa voisine ravalait ses larmes. Il ne la regarda pas, la laissa à ses sentiments par respect pour elle. Ses yeux bleus balayèrent le paysage en ruine conservant malgré tout une certaine beauté. Finalement, il descendit de son destrier et l'attacha à un arbre en suivant Morgane parmi les premières décombres. Elle lui posa une question à laquelle il n'avait pas de réponse. Il se força simplement de répondre au hasard:

"Parce que vous êtes toutes de jolies roses assassines?"

Il sourit à peine en enjambant un pan de muret. Voir la maison de son enfance en ruine devait être dur. Il imaginait la maison qu'il avait quitté il y a quelques jours et se disait que sa destruction ne lui ferait pas que du bien. Au moins, le bâtiment principal avait concerné un semblant de forme. Depuis, Morgane y était peut-être repassée pour récupérer des biens qui n'avaient pas été détruits ou volés entre temps.

"Il y a quand même pire, je m'installerais bien ici moi!"

Ca, c'était pour lui faire plaisir, la faire sourire parce qu'il sentait qu'elle n'était pas aussi gaie que lorsqu'elle le taquinait d'habitude. Au fond, il était un sombre enfoiré mais avait une petite sensibilité, en particulier pour elle. C'était d'ailleurs pur mensonge puisqu'on a déjà expliqué que la vie sur un volcan n'était pas dans ses projets.

"Allez, fais moi donc visiter Evans, je déteste le suspens."

Sa main gantée se posa brièvement sur son épaule sans qu'il n'ait l'air de la regarder, mais cette présence était bien là, réconfortante avant qu'il n'avance pour la dépasser, l'air de rien, toujours aussi droit et fier, insensible en apparence et secoué de l'intérieur.

"A ton avis pourquoi ma grand mère en a fait sa meilleure amie si elle n'était pas comme tu l'as décrite?"

Je souris doucement. Deux garces associées ensemble, deux croqueuses d'hommes... oui... elles étaient faites pour s'entendre. D'ailleurs, elles avaient partagé le même homme... le parrain de ma mère... Sammius. Vous voyez la complicité était parfaite entre elles.

"Garvera m'a toujours dit qu'Alayna était la deuxième femme la plus belle de Nelberaid, la première étant elle évidemment. Il reste quelques trésors résultant de cette association dans les ruines."

Quoi? Ahahaha! Vous ne m'aurez pas aussi facilement petit coquin! Vous le découvrirez plus tard. Pour le moment, j'étais en route et chacun des pas de mon cheval faisaient serrer un peu plus mon coeur dans ma poitrine. Tant de souvenirs me revenaient... Je gardais tout pour moi, seul mon visage crispé indiquait la tension que je vivais à l'intérieur.

Nous fumes arriver à destination. Le chemin s'était fait mieux que je ne l'aurais imaginé. Je m'étais préparée à le finir à pieds mais les montures furent compliantes jusqu'au bout. Mes poumons me brûlaient. La sueur coulait le long de mon dos. Mon coeur battait à tout rompre mais je tachais de garder mon sang froid. Je devais être une parfaite guide touristique. Après tout, il était venu pour me découvrir quelque part...

Je posai pied à terre et lui posai une première énigme. Je souris à ses dires et posai ma main sur son bras une fraction de secondes, simple caresse d'affection. Je pris mon plus grand air sérieux et répondis :

"Ce n'est pas faux mais ce n'est pas exact. Nous sommes toutes des femmes dangereuses mais nous avons toutes été trahies. Par conséquent, la rose est notre aspect de beauté éternelle et l'arme est pour rappeler aux autres qu'on ne doit jamais nous sous-estimer car la mort est l'un de nos nombreux amants."

J'avais souffler ces derniers mots dans un sourire légèrement sensuel mêlé à du sarcasme. Nous avions déjà parlé de ceci dans les montagnes. Il savait que je lui étais fidèle et vice versa. Je le remerciais du regard et fixais les murs écroulés devant moi. C'était là où ma mère avait sa chambre par le passé. Mon coeur se serra et un flot d'émotions m'envahit que je chassais rapidement.

"Pas de préliminaire? Je suis déçue!"

Je prie une moue boudeuse passagère. Sa présence me faisait du bien. Je lui pris la main et l'emmenai un peu plus dans les ruines jusqu'à m'arrêter dans un endroit dégagé. Des murs effondrés, des ronces, des rosiers fanés recouverts de cendres... bref, l'endroit n'était pas paradisiaque...

"Restes derrière moi."

Je me mis à murmurer... les mots étaient dits dans une langue qui serait surement inconnue à Orpheus vu qu'il s'agissait la langue natale de ma mère... ma nature drow prenait le dessus... Une lumière se mit à scintiller devant nous. Je pris ma dague et m'entailla d'un geste sur et bref ma paume. Une goutte de sang se méla à la lumière et une porte apparut... enfin, il s'agissait plus d'une trappe qu'autre chose.

"Je t'ai dis que je faisais attention aux rôdeurs et encore plus aux mages noirs. Seul un membre de ma famille peut atteindre nos secrets... et comme je suis la dernière en date... Le tri est vite fait. Viens"

Toujours main dans la main, j'avais besoin de ce contact, j'ouvris la trappe et pénétrai à l'intérieur d'un couloir fait de roche, de bois mais aussi de marbre. Où nous étions?

"Ceci est l'ancien sous-sol du manoir. Par le passé, Garvera y enfermait ses apprentis qui la décevaient ainsi que ses ennemis pour se vouer à sa passion : la torture... C'est le seul endroit qui a résisté... Et pour cause, ma grand mère l'avait protégé par une puissante magie. Tu ne crains donc rien. Et dans mes souvenirs, tu n'es pas un trouillard donc tu devrais survivre à ma visite."

J'esquissai un sourire taquin et lâchai sa main. Je mourrais d'envie de gouter à ses lèvres mais je m'efforcai de continuer mon rôle. Nous marchâmes pendant une vingtaine de pas et plusieurs portes apparurent. Elles portaient toutes une glyphe magique de protection. J'ouvris la première sur ma gauche et des tentures rouge bordeaux apparurent, tendues sur les murs. Un miroir, des bibliothèques, un moelleux tapis était également de la partie ainsi que trois coffres.

"Lequel te tentes le plus? Chacun contient un morceau de mon passé."

L'Eris était celle qui détourna Integral du droit chemin. Par sa naïveté, le chevalier avait pensé pouvoir la raisonner, la sauver en quelques sortes et c'est ce qui avait signé sa perte quelque part. Qu'un tel danger soit disparu depuis n'était qu'une bonne nouvelle. Orpheus n'aurait pas fait la même erreur et aurait supprimé le plus vite possible une telle menace venant d'une unique femme. Le jeune blond se garda bien de faire une telle remarque, Morgane était de nouveau en train de vanter l'Eris. L'avait-elle connue? Impossible de le savoir, il ne savait même pas combien de temps le mage noir vivait. Elle avait en apparence son âge, mais ensuite? Dans un tel monde, tout indiquait qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences, et surtout pas aux apparences d'une femme dangereuse comme celle-ci. Orpheus l'approuvait en tant que tel et il est bien connu qu'il est préférable de garder ses amis à portée et ses ennemis sous le coude.

Morgane n'en disait pas plus que nécessaire. Elle était là, en train d'observer les vestiges de sa demeure tout en refoulant ses sentiments devant lui. Il commençait peu à peu à la connaitre et savait quel visage elle avait lorsqu'elle n'était pas dans son état normal. Celui-ci n'était pas le visage détendu qu'il connaissait. En réponse à sa question, elle lui donna une explication supplémentaire sur la signification du blason. Toutes trahies, des femmes vengeresses qui sont capables de prendre les armes pour se venger de la peine qu'elles ont pu ressentir. Avait-elle éprouvé de la haine en voyant qu'il ne venait pas à son chevet lors de son emprisonnement? La nuit passée ensemble n'avait pourtant pas laissé de doute sur leurs attirances. Cependant, elle devait être de celles qui gardent au fond d'elles les tâches d'une rancoeur et qui la relâche puissamment, brutalement.

"Ah, je savais bien qu'il y avait un autre amant!"

Le chevalier conserva un sourire moqueur et provocateur pour ne pas changer de d'habitude puis intima à la femme de se dépêcher de lui montrer les secrets de sa demeure. Ce ne serait pas chose facile il le devinait bien, pour toute chose il faut attendre la bonne heure. Parmi les ruines, il avait l'impression d'être un intrus. Il était en train de marcher sur les terres qui avaient vu grandir son amante mais lui n'avait rien à faire là tandis qu'elle était en train de se remémorer des souvenirs. La suivre était la seule chose qu'il pouvait faire et il ne put s'empêcher de rester pantois lorsqu'elle se mit à incanter quelque chose dans une autre langue pour faire apparaitre une trappe.

"Une entrée secrète. Au moins avec ça vous ne risquiez pas de croiser des intrus."

Il l'avait demandé et était enfin là où il désirait être. Observer l'intérieur, ce sous-sol où du sang avait surement coulé vu la famille qui avait vécu ici. Cet endroit aurait glacé le sang du plus faible. Le blond ne s'ébranla pas plus que ça car il était loin d'être pur et innocent.

"Comme si j'avais une raison de craindre quelque chose. Tu oublies à qui tu t'adresses ma jolie."

Sans la prévenir, il lui administra une petite tape sur la fesse en la devançant de quelques secondes. Morgane s'arrêta cependant devant une porte pour la pousser, révélant un intérieur un peu poussiéreux mais tout de même bien conservé. Le chevalier se permit d'entrer pour observer les diverses décorations.

"Ouvre celui que tu voudras, ça m'est entièrement égal."

La question qui le taraudait actuellement, était celle d'Intégral, pour changer. Ce dernier avait mis les pieds ici une unique fois et il se demandait bien où la scène avait eu lieu. Un pacte réalisé par la grand-mère pour l'empêcher de trahir l'Eris.

"Tu as vécu longtemps dans cette demeure? Le volcan n'a pas implosé récemment alors… quel âge as-tu vraiment?"

J'éclatais de rire doucement. Il réussit à me détendre pendant une fraction de secondes. Je lui souris et murmura sur le même ton taquin :

"Oui et en plus, il est très gourmand."

Mon regard pétillait d'une lueur sanguine. La mort n'avait jamais de repos. Le bras armé que j'étais devait toujours la satisfaire. Je m'obligeais des périodes de pause afin de ne pas perdre la raison. Ma grand mère, elle, n'avait jamais agi ainsi et devait surement me prendre pour une faible d'esprit en voyant mes réalisations. Mais j'aimais la vie aussi étrange que cela puisse paraitre pour une nécromancienne. Surtout depuis que j'avais rencontré un certain paladin... je me devais donc de ne pas trop l'emmener vers les zones interdites... sous peine qu'il perde tout son attrait... Il n'était pas Elzear et je n'étais pas Garvera... Je ferais tout pour que nous ayons une relation différente... plus proche de celle de mes parents...

Je procédai à l'ouverture de la trappe de ma maison. J'appuyais un tissu sur ma plaie pour arrêter le sang de couler. Ce processus permettait une protection hors du commun des restes de ma demeure mais aussi, cela était à double tranchant même si aux yeux d'inculte, tout semblait parfait... La magie noire se nourrit de l'âme de son propriétaire dans cette formule afin de le corrompre... Si une personne non affiliée par le sang à ma famille tentait le rituel... il subirait un tourment sans fin jusqu'à perdre toute son âme...

Nous entrâmes dans un long corridor. Je fus surprise de sa petite tape sur les fesses. Je lui jetai un regard glacial. Non mais oh depuis quand il me traite comme du bétail?

"Je n'oublie pas qui tu es mais n'oublie pas que l'arrogance est un péché mortel."

Qui n'a pas connu la légende de Porte-Cendres et de sa fin tragique à cause de son pêché d'orgueil? A Malificium, personne ne l'avait oublié... mais à Naturalia ou Bénécius... Ceci doit juste faire partie des légendes urbaines... L'avait-il déjà entendu? Je le découvrirais bientot. Nous entrâmes dans la première pièce. Je m'approchai des trois coffres. Je lui souris doucement et murmurai :

"Mon âge t'obsède t'il? As-tu peur de fréquenter une momie?"

Un sourire ironique effleura mes lèvres. J'étais à moitié drow... par conséquent, j'étais plus vieille que je ne le paraissais. Néanmoins, ce n'est pas très galant de demander l'âge à une demoiselle.

"J'ai actuellement 105 ans. Je suis à moitié une elfe noire d'où ma jeunesse actuelle. Je parais une adolescente pour les humains de 18 ans... J'adore cela... J'y ai vécu à peine une dizaine d'années malheureusement."

Je posais une main affectueuse contre la paroi d'un premier coffre et le délaissai pour ouvrir un second. Je l'ouvris avec délicatesse et deux émeraudes apparurent.

"Celle de gauche a été récupérée par Halloween et Poucette dans la cité des grinks... devenue la cité interdite... Tu y es déjà allé? L'autre a été récupéré par Halloween et ton ailleul... Ma mère m'a toujours dis que si tu touchais l'une d'elle un flash du passé m'apparaitrait... Tu veux essayer?"

Simple procédé magique... cadeau d'une chroniqueuse rencontrée par ma mère... mais voudra t'il voir la complicité amicale d'Integral et d'Halloween?

Cet autre amant de Morgane, il le connaissait tout aussi bien, sauf qu'à ses yeux, il s'agissait d'un compagnon plus que d'un amour. Il s'agissait d'un allié qui à tout moment, pouvait se retourner contre lui. Jusqu'à présent, l'allié s'était montré plutôt fidèle mais qui sait si il allait changer d'avis dans peu de temps. Rien n'était plus incertain c'est pourquoi Orpheus faisait toujours attention à ses arrières, même en présence de cette femme qui pourtant avait une partie de sa confiance. Ne jamais la donner entièrement à qui que ce soit, à part à sa mère, sa famille qui, il le savait, ne trahirait jamais un Neiphereum, même le pire des chevaliers qu'il était. La preuve avait été faite, sa mère aurait tout aussi bien pu le dénoncer. Au lieu de ça, elle avait soigné Morgane, elle lui avait offert de quoi voyager, s'assurant de son confort. Est-ce que dans la famille du mage noir la même confiance régnait? Il en doutant grandement.

Dans tous les cas, il était l'invité et devait donc suivre l'hôte qui lui faisait découvrir les lieux qui l'avaient vu grandir. L'intérieur était bien conservé et avait résisté à la ruine que l'ensemble de la maison avait subi. Son regard se promenait d'objet en objet, imaginant tout à fait cette grand-mère se promener en tuant de pauvres innocents. La famille de Morgane était tout sauf pure. Néanmoins, il ne se sentait pas plus gêné que ça dans ce coin habité auparavant par de sombres esprits. Au moment où il la provoqua, la femme ne manqua pas de lui retourner un regard tueur qui le fit sourire d'avantage encore. Qu'elle l'observe comme si elle voulait le tuer, qu'elle vienne dévorer son âme pour se venger de cet affront. Il ne pouvait qu'être excité à cette idée parce qu'il n'était pas tout à fait sain d'esprit en quelques sortes.

"Je suis donc un grand pêcheur et je suis prêt à me repentir lorsque l'heure viendra."

Bientôt, il finissait par lui demander son âge. Ce n'était pas là une question que l'on pose à une dame, cependant, il était d'avis qu'elle était bien plus âgée qu'elle ne le laissait paraitre et qu'il était bien en droit de le savoir. La jolie demoiselle s'avéra avoir une centaine d'années, bien le genre qu'il lui aurait donné. Au moins, la réponse était sincère, il avait eu l'information qu'il voulait.

"Et toi, n'as-tu aucune honte à fréquenter un jeunôt?"

Un jeune effronté oui. Ces moqueries incessantes lorqu'il n'était pas d'humeur massacrante auraient le don d'agacer plus d'une personne. Heureusement que Morgane le connaissait et savait dors et déjà à quoi s'attendre avec lui lorsqu'il la taquinait. Orpheus était un homme spécial à comprendre mais lorsqu'on y parvenait, on se faisait rapidement à ses sauts d'humeur et à son sarcasme. L'humeur du chevalier s'assombrit malgré tout à l'évocation de son ancêtre. Même jusqu'ici il allait donc le poursuivre. Le refus était évident. Pourtant, son regard était captivé par l'émeraude. Il ne voulait pas voir Integral et en même temps… si, il voulait le voir en action. Jamais le chevalier n'avait pu voir son homme en chair et en os, des centaines d'années les séparaient après tout. Après un temps d'hésitation durant lequel l'indécision d'Orpheus était palpable, il lâcha finalement:

"Fais comme tu le sens. Comment est-ce que ça marche?"

D'un côté, il insinuait qu'il s'en fichait et de l'autre, il demandait tout de même la méthode de fonctionnement de l'objet, indiquant que son intérêt n'était pas nul. Morgane savait à quel point il détestait parler d'Integral alors pourquoi avait-elle l'audace de lui demander si il voulait le voir? Integral, sa propre mère… Comment étaient-ils à l'époque...

"Aucunement. Les vieux sont trop ramollos au pieu. Je mérite mieux que cela."

Je lui tirais la langue d'espièglerie. L'âge n'avait aucune importance... Ce n'était qu'un détail... Cela n'enlevait rien à son charme, ni à ses capacités physiques et intellectuelles. Ma mère était sortie avec quelqu'un de plus vieux en apparence mais c'était elle la plus âgée. Quant à ma grand mère, c'était elle la jeunette. Donc dans ma famille, on se moquait des apparences à ce sujet tant que l'association physique était parfaite. Car les apparences sont très importantes pour les Steel, nous sommes si belles après tout.

Je le fixais avec les deux émeraudes dans la main. Poucette ne l'intéresserait surement pas mais il fallait bien que je lui propose. Pourtant, l'érissienne avait marqué l'histoire de Nelberaid par ses poisons et elle avait été très proche de ma mère. Mais voir son ailleul serait surement plus intéressant pour lui surtout qu'il verrait par ce fait la relation avec ma mère. Je serais très émue de la revoir même si les choses s'étaient passées bien avant ma naissance à une époque où Halloween Steel était très insouciante...

J'attendais en silence. Je ne le presserais pas. Un combat intérieur devait se jouer. Ses traits étaient plus tendus donc je ne voulais pas en rajouter. Je souris à son ton. Je m'approchai de lui afin de lui faire face et pris sa main avec délicatesse.

"Tu as juste à toucher l'émeraude et à faire le vide dans ton esprit."

Nous devions poser nos doigts au même instant sinon, nous vivrions les choses en décalé et ce n'était pas le but. Je pris une profonde respiration. Mon visage était d'un sérieux absolu.

"N'aie pas peur. Ce n'est qu'une image du passé. Il ne t'arrivera rien."

Nos mains se posèrent sur l'objet. Nos vues se brouillèrent et des voix nous parvinrent bien distinctes puis ce fut des images :

"Tu es sûre qu'il y a aucun danger?"

La voix d'Integral venait de se faire entendre. Halloween, les cheveux blancs et courts, habillés d'une tunique noire et d'un pantalon beige, haussa les épaules faisant bouger au passage son hallebarde magique.

"Arrêtes! Je suis venue ici et on a tué tous les grinks... enfin, je l'espère... Au pire, cela nous fera un peu d'entrainement... Allez bouge! Tu m'as promis une pierre! Il y en a ici! Ainsi, je ne pourrais jamais t'oublier."

La voix de ma mère était douce et espiègle. Elle le grondait mais dans son regard, on pouvait voir toute l'affection qu'elle lui portait. Il marchait dans un long couloir rocheux insouciant. Ils ne craignaient rien au vu de leurs puissance respectives. Ils n'étaient pas encore chefs. Ils étaient encore libres comme l'air.

"Je ferais sertir l'émeraude. Ainsi, je la porterais à vie contre moi. Cela sera le symbole de notre amitié. Tu devras donc en porter une!"

"Pas besoin de cela pour savoir que je ne te trahirais jamais. D'ailleurs, tu as intérêt de ne pas être sur le champ de bataille devant moi."

"Idem pour toi. De toute façon, je serais aux côtés d'Alayna... ma marraine ou bien Sammius, mon parrain... J'espère que tu ne devras pas affronter ma grand mère... De toute façon, si tu meurs, je vais en enfer et je te ramène à coup de pieds dans le train!"

Il était temps de faire un choix. Voir ce qu'il souhaitait sous peine d'avoir sous les yeux un ancêtre en action, ou bien refuser et visiter le reste de la maison de Morgane. Orpheus avait pourtant déjà pris sa décision. Il n'avait pas l'intention de rester là les bras ballant alors que l'occasion rêvée lui était donnée à cet instant précis. Son fort intérieur mourrait d'envie de voir Integral alors il n'y avait pas à hésiter. La femme savait que ce sujet était délicat c'est pourquoi elle avait gardé le silence suite à cette proposition. Et puis qu'importe, il n'avait qu'à poser les doigts sur l'objet. Après un instant qui parut interminable, un conflit intérieur, l'impatience l'emporta, et la curiosité prit la main en posant les doigts sur l'émeraude. Le chevalier marmonna dans sa barbe avant de s'exécuter:

"Faire le vide dans mon esprit tu parles…"

Son corps se fit happé, du moins était-ce l'impression qu'il ressentait et ainsi commença cette vision du passé bien avant que des évènements malheureux ne commencent à séparer le chevalier de ses amis pour mieux les réunir par la suite. Non pour l'instant, il vivait encore avec une certaine insouciance, avec sa chaine au bras, son rubis dans la main et il n'avait pas à se plaindre de la vie qu'il menait parce qu'il en était pleinement satisfait. Ses préoccupations? Manger, dormir, se battre ou fuir comme il savait si bien le faire. A ce moment là, il n'était même pas encore pariât, pour dire que rien de sérieux n'avait encore bloqué son chemin. A parler de Grinks, ils devaient se trouver proche de la cité interdite. Amusant lorsqu'on pense que par la suite, Orpheus y était également passé pour d'autres raisons.

Parfaitement bien dans sa peau, ce n'était pas pour autant que le chevalier blanc avait l'impression d'être à l'aise dans cet endroit. Aussitôt qu'il était question de revenants, ça n'allait plus. Heureusement que les grinks étaient petits et moches du coup. Ils s'étaient déplacés jusqu'ici pour trouver une pierre pour Halloween. Lui et ses manies à promettre des choses à tout bout de champ. Ca lui apprendrait à parler plus vite que son cerveau ne marchait. Enfin, cela lui faisait toujours plaisir de toute façon, de pouvoir passer du temps avec Halloween. Des personnes en qui il avait confiance, elle était dans les premières positions approximativement. Car ensuite il y avait Alicia, il y avait Nori qui trônait tout en haut parce que les liens de deux frères d'arme sont réellement puissants. Integral était en train de lui courir après parce qu'elle avait pris de l'avance.

"Je ne sais pas si tu as l'impression qu'avec un rubis sur moi j'ai déjà assez en guise de décoration?"

Et puis un homme n'est pas censé porter des bijoux dans tous les sens. Le chevalier ne semblait pourtant pas s'énerver contrairement à un autre du même nom. Non, celui-ci était détendu, il vivait la vie pleinement ce qui rendait malade son spectateur car cette insouciance, cette naïveté idiote était insupportable à regarder. Néanmoins, il ne s'arrêta pas pour autant de regarder, qui sait si il pourrait y avoir quelque chose d'intéressant par la suite.

"Et tu crois que je pourrais mourir aussi facilement? Je suis quelqu'un de très têtu."

Encore une remarque qui se voulait identique à celles du chevalier actuel qui était d'autant plus énervé qu'il commençait à remarquer que de nombreuses ressemblances se retrouvaient entre lui et son aïeul. Au moment où Halloween glissa très légèrement sur un sol glissant, le chevalier bondit en avant pour la soutenir en lui souriant comme si il serait toujours là pour la rattraper en cas de besoin. Ces deux là, étaient-ils deux bons amis ou des amants insoupçonnés? Bref, hors du couloir, comme prévu, la cité Interdite, ou plutôt une toute petite partie.

"Trouver une émeraude dans tout ça. J'espère que tu es toujours un aimant à trésor."

"Ah oui, c'est vrai que tu as ce truc. D'ailleurs... franchement, je ne sais pas comment tu fais pour le supporter... Tout cela à cause de l'autre guérisseuse... Puff... Si je la croise un jour, crois moi que cela va chauffer pour son matricule. J'espère que tu as compris qu'il faut que tu évites le désert à présent?"

Halloween le grondait. Faut dire que cela lui avait fait un choc la première fois où elle avait vu la pierre dans sa chair... Elle l'avait touché... et quelque chose était présent... il n'y avait pas que la chaleur qui s'en dégageait... Mais Integral devait s'en occuper... Donc elle lui faisait confiance.

"Tu en sais plus sur le pourquoi de comment tu ne peux pas l'arracher sans te couper la main?"

Elle manqua de glisser et comme à son habitude, il la rattrapa. Morgane sourit doucement à cette image. Cela lui rappelait un autre homme qui prenait toujours soin d'elle mais elle resta attentive à ce qui se passait. Sa mère avait l'air si libre... et si rieuse...

"Je sais sinon je ne trainerais pas avec toi. N'oublie pas que je n'aime pas les mauviettes et les mous du slip."

Elle lui fit un clin d'oeil complice. Sa descendante ne saurait jamais vraiment le lien qui les unissait. Dans l'avenir, Halloween aura toujours un pincement au coeur et un sourire affectueux aux lèvres quand on lui parlait du chevalier blanc... les choses changeraient bien vites à l'avenir. Elle éclata de rire et répondit :

"Si la malchance ne me frappe pas... Quoi qu'il n'y a pas Syrka avec nous donc cela devrait aller... Tu devrais la rencontrer!"

Des cris se firent entendre alors qu'ils entraient dans une salle remplie d'émeraudes. Elle poussa un soupir désabusé et posa sa main sur le bras du chevalier en murmurant d'un ton faussement désolé :

"Je crois qu'on en a oublié un avec Poucette. Tu me pardonnes?"

Le grink apparut. Le combat allait commencer... Dans les autres coffres, il y avait d'autres fragments... Celui-ci pouvait s'interrompre à tout moment... Halloween venait de détacher son hallebarde. Voir sa mère manipuler une telle arme avec beaucoup de facilité fit siffler sa fille d'admiration... ceci d'autant plus, quand elle disparut littéralement... elle avait user de son fameux sort de traverser des matières pour atterrir derrière le monstre afin que les deux comparses le prennent en sandwich...

Integral lui en avait déjà parlé mais elle avait toujours tendance à oublier que le rubis ne le quittait jamais. Ah, sacré rubis trouvé dans le désert et qui avait décidé de s'incruster dans sa main. Heureusement que leur relation était amicale… Enfin, plus ou moins. Parler avec un rubis, ça avait quelque chose de dérangeant lorsqu'on y réfléchit bien. Qu'Halloween parle de ses autres connaissances comme ça le faisait rire. Elle était comme n'importe quelle ombre ou bien habitante du côté des ombres, méprisant la plus grande majorité des êtres bénéfiques. C'est avec une autre femme qu'il avait récupéré ce rubis, Melianna. Bref, il n'était plus à ça près et maudire autrui ne retirerait pas le bijou de sa main. Ce n'est pas pour rien qu'il portait depuis un gant. Se protéger des rayons du soleil était devenue l'une de ses priorités.

"Je te l'ai dit et redit, je ne peux pas l'enlever parce que mon âme est plus ou moins liée à lui. Si je me coupe la main, je meurs. Ce n'est pas ce que tu veux, je me trompe?"

La bonne ambiance qui régnait entre eux malgré la situation était juste frappante. Ils s'entendaient à merveille. A un moment, Orpheus s'était demandé, si la relation qu'ils entretenaient était réellement celle de deux amis. Cela pouvait devenir ambigüe à force. Heureusement qu'il n'avait pas vu le moment où Halloween avait embrassé Int' parce qu'il aurait regardé Morgane d'une bien autre façon. Si ces deux là s'étaient liés à un moment ou un autre, elle aurait pu être sa demi-soeur ou quelque chose de ce genre! Le blondinet poussa ces possibilités, bien que réalistes, bien loin pour ne pas s'éloigner trop du but premier de cette découverte.

"Ce que tu es bruyante quand même…"

Loin d'être rassuré à l'idée de se promener à l'aveugle dans les environs, le chevalier blanc émettait un doute sur le talent d'Halloween. Il la connaissait trop pour savoir que tout comme lui, elle ne réfléchissait pas forcément lorsqu'ils partaient à la recherche d'un objet en particulier. Foncer à l'aveugle et croiser les doigts pour avoir de la chance… Il n'en avait jamais, il était celui qui apportait la malchance et fuyait le premier. Quelle folie faisait qu'elle était encore en train de trainer non loin de lui. Leur lien s'était formé depuis qu'il l'avait aidé au théâtre, le jour de leur rencontre, la naissance de leur amitié intemporelle, immortelle.

"Je la connais déjà et je ne veux pas qu'on me reparle de cette petite peste. Elle m'a assez pourri ma journée dans la forêt des illusions comme ça…"

Il se plaignait sans pour autant nourrir une quelconque haine contre quoique ce soit. C'était tout lui, le coeur sur la main, pardonnant toujours à ceux qui le demandent. Il était bien plus proche de la bonté que de la neutralité au fond. Avec un long soupir, il dégaina son épée à l'arrivée du grink restant. Bande de tête en l'air que ces femmes. Il fallait toujours que les choses se compliquent lorsqu'elles ont été trop faciles juste avant. A l'unisson, les deux combattants avaient l'arme à l'air, totalement habitués à combattre ensemble. L'ombre se dispersa pour prendre par derrière la bestiole tandis que le chevalier blanc bloquait quelques issues avec la terre sans bouger le petit doigt. Ils étaient tous deux forts, très forts et en équipe, marchaient relativement pas mal. Sans plus tarder, le chevalier entamait une approche virevoltante, de sa démarche légère et agile. Il était dans son élément, le combat était son métier.

"La personne qui le tue donne un gage à l'autre!"

La pointe de l'arme du chevalier visa immédiatement la gorge de la créature qui esquiva de justesse. Dommage, il aurait pu demander à Halloween ce qu'il voulait. Haussant les épaules, il reprit le combat sans aucune prise de tête. Dans sa forme éthérée, Orpheus observait ces individus, il observait la mère de Morgane dont la jeunesse des traits lui rappelait sa fille. Il est vrai que telle mère telle fille, elles demeuraient toutes deux avec un charme certain. Son ancêtre partout, son air désintéressé, sa légèreté de ton qu'importe la situation ainsi que l'aisance qu'il avait à l'épée. Tout cela plongeait le chevalier dans l'incompréhension. Quelqu'un appréciait vraiment son ancêtre malgré le sérieux inexistant chez lui… Quelque chose chez lui, attirait la sympathie des autres. Quelle explication y avait-il à cela?

Halloween s'était figée. Elle resta quelques secondes silencieuse fixant le dos de l'homme qui venait de lui passer devant... Le voir mort était une chose qu'elle n'osait pas penser... Elle faisait en sorte que tout se passe bien entre eux. Ne jamais penser à un éventuel affrontement, ni à une séparation. Halloween ignorait que dans quelques mois c'était un inconnu, l'âme du fameux maudit, qui s'adresserait à elle et que son ami serait dans un pain d'épices. Elle ignorait tant de choses. Elle pouvait parfois être si insouciante... c'était là son charme... Mais celle qui regardait le dos de son meilleur ami était tout à fait sérieuse. Sa fille la comprenait. Elle jeta d'ailleurs un regard à Orpheus. Les mots de sa mère se firent entendre :

"Arrêtes! Ne te portes pas poisse! De toute façon, tu m'as promis d'être toujours là pour moi et comme je ne comptes pas mourir dans les cinq ans à venir, tu as intérêt de te la jouer immortel sinon, je te cherche en enfer et tu souffriras milles maux!"

Puis, elle haussa les épaules et continua son ascension comme si de rien était. C'était là l'image d'Halloween Steel, elle passait d'émotions en émotions sans se préoccuper de l'avenir. Juste l'instant présent...

"Syrka? Elle est adorable! Je compte en faire ma conseillère! Avec elle, je suis sûre de ne pas m'ennuyer. Qu'est ce que tu foutais dans la forêt des illusions? Je croyais que tu fuyais les lieux hantés?"

Le sourire complice échangé était flagrant. La jeune femme l'acceptait comme il était et aimait le taquiner et c'était réciproque. Leurs descendants étaient pareil à ce sujet. Le combat commençait. Rien ne vaut un défi pour animer un peu les choses. Halloween éclata de rire joyeusement et ils affrontèrent le grink.


Je ne sus pas qui avait tué le monstre, ni mon compagnon. En effet, le sort venait de cesser nous laissant bien silencieux sur le moment. Je posais mon regard tendre sur mon chevalier préféré. Je ne savais pas quoi lui dire ce qui était rare chez moi... Il avait vu son ancêtre et il pouvait au moins voir que je ne lui avais pas menti sur la relation amicale de ma mère envers le chevalier blanc. L'acceptait-il mieux? Lui en voulait-il toujours autant? Les secondes s’égrainèrent. Ils y avaient encore d'autres scènes cachées.

"Pas trop nauséeux? Peut-être qu'on aura la suite dans un autre coffre, ca te tente?"

Je ne voulais pas le pousser. Voir ma mère en vie me rappelait oh combien elle me manquait mais j'aimais en apprendre sur elle. Ce que les cristaux contenaient, je ne le savais pas car je n'avais jamais souhaité les observer... Peut-être sentais-je qu'il fallait qu'Orpheus soit là. Je posais ma main sur son bras et le pressa doucement :

"Je suis sûre que c'est ma mère qui a gagné! C'était une Steel après tout!"

Integral n'avait fait que dire la vérité. Sa vie était quasiment entièrement liée au rubis, alors si il s'en débarrassait, ce ne serait vraiment pas beau à voir. Et comme à chaque fois qu'il parlait de mort, Halloween commençait à s'inquiéter, à le menacer de le tirer de l'enfer ou du paradis. En guise de réponse, il n'avait qu'un sourire affectueux à l'égard de l'ombre. Sa meilleure amie depuis leur rencontre, bien loin de ce qu'on pourrait souhaiter à un chevalier. Et pourtant, il s'avère que malgré les différences, les liens peuvent bien se tisser. C'était une preuve, que tous pouvaient cohabiter si ils le voulaient. Hélas, ce n'était pas le cas et les conflits continuaient d'exister pour le bon plaisir de ces êtres vivants, obsédés par le pouvoir et par la volonté d'asseoir leur souveraineté sur tous les territoires. La soif du pouvoir, à quoi servait-elle? Quel plaisir a t-on à posséder plus de terre qu'on en a déjà? Cela, le chevalier blanc le comprenait et le trouvait complètement idiot comme raisonnement.

"Adorable? C'est une petite chipie insupportable, capricieuse qui parle s'en arrêt et… Ca ne te regarde pas!"

Le jeune homme s'était arrêté de parler en repensant à leur sortie de la forêt. Finalement, il avait pris la fille sur ses épaules pour l'amener en lieu sûr. Peut-être qu'elle n'était pas si énervante lorsqu'elle se conduisait comme une fille de son âge… Enfin… Le combat commença, le chevalier préféra lancer un petit défi histoire de corser la chose. Soudain, la vision se coupa, et Orpheus fut de nouveau dans la pièce précédente. Son visage était de marbre. Son ancêtre était la vie, libre comme l'air et il était ami avec la mère de Morgane parce qu'elle était pareille. Tous deux avaient surement vécu plus d'une aventure de ce genre dans ce ton de légèreté. Le voir aussi joyeux et insouciant, le voir réellement en chair et en os avait été troublant. Le blondinet passa la main sur son visage et repoussa doucement Morgane pour aller s'asseoir sur le lit de la chambre, encore plongé dans ses pensées.

"Ils s'entendaient vraiment bien pas vrai? Ce devait être il y a bien longtemps, bien avant qu'il n'ait quoique ce soit comme responsabilité, quoique ce soit comme choix à prendre. Bien avant qu'il n'ait fondé une famille. Je n'ai pas encore vu ce que je voulais."

D'un bond, Orpheus retourna auprès de Morgane et ouvrit lui-même un autre coffre pour en tirer une autre émeraude. Cet exercice était devenu naturel, pas de nausée ou effet secondaire, il était prêt à se replonger dans les souvenirs du passé, auprès de cette femme qui représentait beaucoup pour lui. Elle était présente dans cette épreuve même si il ne lui demanderait jamais ouvertement du soutien, elle se tenait toujours à côté de lui lorsqu'il en avait besoin. Elle devait être folle parce qu'il était la pire des crapules, le caractère le plus lunatique qui soit. Et pourtant, son regard lui était adressé avec la même douceur qu'Halloween avait pour Integral.

"Je te demande de prendre soin d'elle, de faire juste attention à ce qu'elle ne manque de rien, ce n'est pas trop demandé!"

La scène se déroulait de nuit au lac. Integral avait des années en plus ou bien des traits plus tirés. Le jeune homme n'avait pas le même regard qu'avant. Il était déjà revenu de la mort suite à l'échange d'âme avec son rubis, il avait déjà combattu Nori, combattu pendant la guerre. Il s'agissait de la nuit précédent la disparition officielle du Neiphereum. Suite à celle-ci, personne n'avait eu de nouvelles de lui, pas même Halloween auprès de laquelle il était à cet instant pour assurer la sécurité de Moyra, sa démone aux yeux d'or.

"Désolé, je ne peux pas t'expliquer, mais il n'y a qu'à toi que je peux demander ça, il n'y a qu'en toi que j'ai assez confiance pour te confier la vie de ma femme et de l'enfant qu'elle porte."

Il se souciait de sa famille, de ceux qui lui étaient chers. Alors qu'est-ce qu'il y avait de plus important qui l'aurait poussé à quitter le bonheur et à se mettre hors de portée? Orpheus était pendu aux lèvres des deux protagonistes, prêt à capter le moindre indice supplémentaire qui pourrait être donné à cet instant. Sa main dans le monde physique, s'était resserrée sur celle de Morgane alors qu'il était sur le point de capter peut-être une réponse ou une bribe de réponse...

"Oui, à merveille. Quoi qu'il arrivait, ils restaient proches comme deux pièces d'un même puzzle."

Je savais que malgré leurs rôles de chef respectifs, ils étaient restés amis. Certes, ils avaient dû être plus discrets mais le lien qui les unissait n'avait jamais disparu. C'était cela les relations fortes comme l'était celle que j'entretenais avec Orpheus même si c'était sous un autre versant, un autre éclairage même si on ne l'avouait pas.

Avant même que je fis quoi que ce soit, mon amant décida de fouiller un peu plus dans le passé de son ancêtre et par conséquent celui de ma mère car il ne pouvait voir que ce que ma mère avait mis dans les cristaux.

L'un à côté de l'autre, mains dans la main, nous assistâmes à une autre scène. Celle-ci n'avait pas la même fraicheur... pas la même joie... Non... On pouvait sentir qu'un sombre nuage était au dessus de leurs têtes... Leurs visages étaient tirés, presque hagards... Au vu du bandage présent sur le bras gauche de ma mère, j'en conclus que la guerre venait de se terminer... Quelle drame avait vu leurs iris? Mon coeur se serra.

J'écoutai avec soin les dires d'Integral. La confiance en ma mère était palpable entre eux. Je la vis marcher un pas vers lui et poser une main douce sur son visage. Son regard était si sérieux... Je ne l'avais jamais vu ainsi. C'était la chef qui était là, la guerrière et non la femme insouciante. Elle avait muri entre les deux scènes, c'était indéniable... Je restais scotchée à ses lèvres, le souffle court. Je pressais la main de mon compagnon.



"Je préférerais que tu restes près d'elle. Qu'est-ce qui te fait fuir ainsi? Int, parles moi! C'est moi! Regardes moi! Dis moi ce qui s'est passé!"

La voix d'Halloween était faible, on sentait la douleur dans sa voix. Elle sentait au plus profond de son être qu'elle ne reverrait jamais plus Integral après cette nuit et tout son corps le refusait. Elle avait besoin de lui. Il était sa soupape. Elle avait quelque chose à lui dire mais la situation n'était pas possible... Elle se sentait écrasée par un poids qu'elle n'avait pas envie de porter... Mais avait-elle le choix? Elle ne l'avait jamais abandonné et ne le ferait jamais...

Son ordre avait subi de sérieuses pertes. Elle ne savait pas ce qu'était devenu Syrka... La courtisane semblait aussi avoir disparu... Tant de pertes... La maison des plaisirs avait été mise à sac... Elle devait la reconstruire... Kessler lui manquait... Elle voulait le voir... Mais elle voulait surtout garder près d'elle Integral... Ils pourraient aller sur une ile... s'il en restait encore une intacte bien sûr... Le manoir avait explosé... C'était la panique... et il lui arrachait le coeur... Le clapotis du lac l'agaçait royalement... l'empêchant de se concentrer... alors qu'elle en avait le plus besoin.

"Tu vas être papa..."

Elle passa une main douce sur son visage. Elle murmura alors d'une voix qui se voulait solennel. Elle lui faisait un serment éternel :

"Je la protégerais. Je viendrais la voir le plus régulièrement possible. Personne ne lui fera du mal... Je te le promets. Je demanderais à ma mère de la protéger dans la Tour. Au besoin, je peux même faire dépêcher un aigrefin. Je n'ai qu'à demander à Kessler... Morgane aura donc un partenaire de jeux. Elle va en être ravie."

Sa fille était encore bien jeune... bien innocente... Il ne l'avait même pas rencontré... Ils n'en avaient pas eu le temps... Elle était née trop proche de la guerre... D'une petite voix, l'ombre reprit doucement, presque imperceptiblement :

"Int... Tu me fais peur... Tu es sûr qu'il n'y a que cette solution?"

Orpheus avait besoin de réfléchir. Pour la première fois, l'occasion lui avait été donnée de voir son ancêtre, même si ce n'était que pour un court laps de temps. Il l'avait vu bouger, l'avait entendu parler. Cela faisait tout drôle d'avoir en face de ses yeux, la personne même qui était sa cible, celui qu'il cherchait depuis si longtemps. Mais la vision s'interrompait et avec ça, le jeune homme restait dans l'indécision. Continuer de voir ou s'arrêter là. Si il n'y avait eu Morgane, il se serait arrêté et serait parti. Mais la présence de la femme la rassurait quelque peu. Devant elle, il n'avait pas peur de montrer son âme, le véritable homme qu'il était avec ses faiblesses. Loin d'être infaillible, le chevalier avait bien des blessures qui ne s'étaient jamais refermées. Prenant alors son courage à deux mains, le blondinet revenait à la charge pour une toute autre scène, bien plus représentative de ce qui avait été proche de la fin de la légende du chevalier blanc. Ce trouble qui se lisait dans les yeux de chacun, cette douleur palpable…

"Je ne peux pas te le dire! Ce secret là plus que n'importe lequel, je l'amènerai dans ma tombe. Personne ne sera influencé par mes décisions, personne n'aura de fardeau à porter par ma faute, et surtout pas toi."

Le geste de l'ombre, il était exactement identique à celui de sa fille à chaque fois qu'elle posait la main sur la joue d'Orpheus. C'était comme voir un reflet. Mais malgré cette douceur, le chevalier blanc ne cédait pas. Sa chaine était agitée mais n'essayait pas de le remettre à sa place ou de le contredire. Son rubis quant à lui était silencieux. D'ailleurs, il n'était plus sur sa main mais sur la garde de l'épée dont il ne se séparait jamais, la lame blanche qu'Orpheus avait actuellement à la ceinture. Combien de temps avaient-ils sauté entre les deux visions pour que les différences soient aussi flagrantes? La guerre avait fait des ravages, des morts innocentes, des morts de guerre, des trahisons et des souffrances. Le poids qui pesait sur les dirigeants, le poids de toutes ces vies devait être écrasant. Chacun avait cet air fatigué, mais ils tenaient bons parce qu'ils se le devaient, rien de plus.

"Enfin… ça va être le deuxième. Ca aussi je ne te l'ai pas dit oui. Mais est-ce que tu ne crois pas que je préférerais rester avec eux pour les voir grandir? Le môme que je laisse à Moyra n'a qu'un an. Je n'ai absolument aucun choix, pour la sécurité de tout le monde, pour ta sécurité…"

La promesse d'Halloween, l'entendre prononcer ces paroles, cela lui faisait chaud au coeur. Le chevalier blanc dégagea la main de l'ombre pour la serrer dans ses bras. Oui, leurs enfants pourraient grandir ensemble, ils pourraient être amis d'enfance, inséparables qui sait…

"Merci mon amie. Moyra ne le parait pas, mais c'est une femme forte. Même si elle ne le dit pas, elle s'inquiète mais tôt ou tard, elle savait que ça arriverait."

La nécessité de partir, l'appel de l'aventure en même temps. Integral n'avait jamais été capable de rester clouer à un même endroit. D'ailleurs, ils étaient déjà partis plusieurs fois ensembles et c'était lors d'une de ces aventures que le premier enfant avait été conçu très probablement. Lui laisser la charge de leur enseigner les leçons de vie, de les éduquer et de s'occuper d'eux, c'était une lourde tâche. Le chevalier fut pris d'un frisson. Il avait réellement peur de partir parce qu'il ne reverrait plus jamais personne suite à cette aventure qui serait la dernière. Il n'était pas bien vieux et Moyra aurait encore une longue vie en tant que démone devant elle à moins que le chagrin ne finisse par la terrasser un jour ou l'autre.

"C'est un voyage de non retour qui débutera dans les lieux de l'interdit. Maintenant, je vais à nouveau avoir une requête égoïste, Halloween… Ne me cherche jamais. Je sais que ce que je te fais porter est pire que n'importe quel calvaire, être responsable du silence, de l'incertitude, de l'incompréhension. Demain, un nouveau chef de chevaliers s'élèvera, j'ai choisi celui qui portera le mieux ma pensée. Ne lui en veux pas pour les fautes qu'il commettra parce qu'il en fera tout autant que moi…"

Cela ressemblait réellement à des dernières volontés. Le chevalier blanc ne pouvait cesser de donner des conseils à son amie, de s'excuser auprès d'elle parce qu'il savait qu'elle pleurerait, tout autant que Moyra une fois qu'il serait parti. Le contact s'interrompit brutalement alors qu'Orpheus entrait dans une colère noire.

"Alors voilà, encore une fois! Même pour les derniers moments il s'entêtera à tout garder pour lui en donnant des responsabilités supplémentaires à ses amis! Pas le choix, pas le choix, je me demande encore ce qui pourrait être plus important que sa famille, sa femme, ses enfants! Voilà pourquoi je veux trouver cette réponse parce que ce type me rend fou!"

Le blondinet avait saisi Morgane avec brutalité en lui crachant ces paroles au visage. Il ne lui en voulait pas, il s'avérait simplement qu'elle était là au mauvais moment. Aussi vite que ces instants étaient arrivés, le jeune homme la lâcha en levant les mains pour se masser les tempes. Se calmer. Cette énigme le rendait complètement barge, il n'avait pas d'indice et continuait de nager dans l'incompréhension. Une seconde… Les lieux de l'interdit…

"Et si… ces lieux de l'interdit… la cité interdite?"

C'est suite à cette découverte que le descendant du chevalier blanc irait jusque là-bas et croiserait le groupe de Cirdan, Luccia et Raos dans une quête acharnée pour atteindre la réponse du passé. Avant cela, Orpheus se remémora un autre détail qui l'interloquait.

"Finalement, est-ce que tu as grandi avec des Neiphereum? Ta mère avait parlé de toi, ça veut dire que tu as dû connaitre quelques-uns de mes ancêtres?"

Amusant petit détail mais qui n'avait aucune importance puisque ces derniers n'avaient pas de réponses. Sa propre femme n'avait pas eu la raison de son départ mais l'avait accepté venant de lui alors… Le blondinet regarda le troisième coffre et jugea bon de le laisser dans son coin. Il avait déjà assez vu le chevalier blanc pour la journée. Explorer les décembre de la maison de la mage noire avait déjà été riche en découverte sur elle, sur le passé.

"Je peux tout encaisser et tu le sais! Ma famille est la reine des secrets! Les gens auront des questions! Moi la première!"

S'énerver ne servait à rien, Halloween le savait très bien mais elle était tellement affolée par le comportement de son meilleur ami que la colère commençait à prendre le dessus à son grand désespoir. Elle respira profondément. Ils se faisaient confiance. Quelque chose de très grave a dû se dérouler pour qu'il ne puisse pas lui en parler... et elle en était d'autant plus tétanisée. Mais il était têtu, elle lâcha donc les armes pour ne pas gâcher leur dernière entrevue.

"Le deuxième? Int... Je le comprends parfaitement et j'espère ne jamais être dans ta situation. Morgane est ma vie. S'il lui arrivait quelque chose, tu sais que je deviendrais littéralement dingue et dans ce cas, Nelberaid en subirait de graves dommages... Je m'étais toujours dis que tu serais là pour m'arrêter si cela arrivait..."

Elle soupira doucement. Sa fille était touchée par sa douleur. Elle ne lui en avait jamais parlé. Tout se bousculait dans la tête de Morgane. Elle cherchait dans ses souvenirs.

"Ma sécurité, je m'en moque!"

Halloween avait murmuré cela sur un ton boudeur contrastant avec son visage sérieux qui disait l'inverse. Elle soupira doucement. Tant de choses s'étaient passées entre le moment des préparatifs de la guerre, celle-ci et les conséquences qui avaient été engendrées par la suite. Ils se prirent dans les bras l'un de l'autre. L'ombre le serra fort contre elle pour ne pas oublier cette étreinte.

"Si tu l'aimes, c'est pour une bonne raison. Je n'avais jamais douté de celle-ci."

Elle lui sourit tendrement et lui posa un baiser sur sa joue. Le moment de quiétude cessa. Orpheus et Morgane purent lire la douleur dans le regard orangé d'Halloween. Ne jamais le chercher... Non... C'était impossible et pourtant, elle respecterait sa demande.

"Je le déteste déjà."

Oh oui le successeur d'Integral ferait parti de ses ennemis mais pour d'autres raisons que sa mère le supposerait à l'heure actuelle. Elle passa sa main de nouveau sur la joue de son ami et murmura :

"Je ne t'oublierais jamais. Tu me manqueras jour et nuit mais je veillerais sur ta famille jusqu'à mon dernier souffle. Je te le promets."



Tout cessa subitement. Je ne compris pas ce qui s'était passé. La magie avait eu un problème? Et puis, je compris. Je fixais mon amant avec tristesse et douleur. Je comprenais son état actuel et sa rage. Je l'encaissais dignement car elle ne m'était pas dirigée. Il me fit mal à cause de la manière dont il me serrait mais je ne dis rien. J'étais toute aussi frustrée. Ma mère ne m'avait jamais parlé de cette nuit. Elle avait voulu l'oublier en la piégeant dans ce cristal.

"Je ne pense pas. Cela aurait été un trop gros indice pour ma mère... Je penserais plus à un lieu qui n'existe plus à l'heure actuelle comme le portail démoniaque."

La cité interdite... Ma mère y était allée à deux reprises... Integral le savait... Je doutais qu'il s'y soit réfugié... mais après, là aussi, ma mère ne m'avait rien dit... Je lui souris doucement et répondis :

"Je n'ai aucun souvenir de Moyra. Mais oui, j'ai du croiser enfant un de tes ancêtres mais je n'ai pas de souvenir non plus... J'ai vécu une enfance difficile. Mes parents ont du beaucoup fuir et lutter pour me garder en vie... Des tas de visages sont passés devant moi... Je sais juste que lorsqu'elle est morte, ma mère était seule... abandonnée par tous... Ma mère ne lui a pas menti. Elle a tout gardé pour elle. Je ne connaissais rien de cette promesse avant ce soir. Il y a beaucoup de secrets. Je suis moi aussi en quête de beaucoup de choses... mais il est difficile de faire confiance aux maléfiques... Trop de personnes ont essayé de me duper à ce sujet..."

Je fis quelques pas et sortis d'un coffre une vasque et deux verres. Il s'agissait d'un alcool démoniaque que ma grand mère adorait à base de menthe et de champignon.

"Un peu de réconfort?"

L'échange entre Integral et Halloween était déchirant. Les deux amis se faisaient leurs adieux, sans cacher à un seul moment leurs inquiétudes mais également leur affection l'un pour l'autre. Cela, Orpheus le respectait parfaitement. Quand bien même son ancêtre était un couard, au moins, il avait eu la brève impression que sa famille et ses amis représentaient quelque chose. Mais cela ne pouvaient être que les mots d'un hypocrite. Après tout, c'est bien en gardant le silence qu'il les ferait le plus souffrir. Regarder la mère de Morgane se débattre et souffrir autant à cause de cet être le rendait tout autant furieux. Au final, tous ses sentiments étaient dirigés vers Integral. Qu'importe les choix qu'il avait fait et ses raisons, jamais il n'aurait dû abandonner sa famille et ses amis. Ils tenaient tant à lui, voyaient tellement en lui. Dans le regard de l'ombre, il y avait de vrais sentiments à son égard, presque proches de l'amour pour un frère probablement.

De retour dans la réalité, Orpheus s'emporta immédiatement. Il avait rompu le contact, il avait crié au visage de la drow sans qu'elle ne bronche une seule fois. Elle avait tout encaissé sans mot dire, consciente que ce saut d'humeur là, ne s'apaiserait qu'une fois qu'il aurait craché le fond de sa pensée.

"Tu penses? Trop gros indice… Ce n'est pas pour autant que cela l'empêcherait d'y aller… J'irai y jeter un oeil, juste pour en avoir le coeur net. Le portail est inaccessible de toute façon, je n'ai pas tant de choix."

Le chevalier s'enquit par la suite du passé de sa compagne, de son enfance plus précisément. Elle ne lui en avait jamais parlé, surement parce qu'elle avait déjà vécu plus d'un siècle. La femme ne lui apprit rien qui ne soit une révélation frappante, rien que des souvenirs douloureux qui s'ajoutaient à cette journée. Jusqu'au bout, Halloween Steel avait été fidèle à sa parole, à son ami. Avoir quelqu'un d'assez fidèle pour garder un secret jusque dans sa tombe, ce devait être bien… D'un geste évasif le chevalier signala son approbation.

"Au point où on en est, autant se noyer dans la boisson."

Au moins il pourrait s'échapper un petit moment de ce monde de fou. Son esprit était fatigué d'alterner les humeurs, ce qui résultait sur une fatigue physique. La marche pour grimper le cratère n'avait pas été si horrible pourtant mais maintenant il se sentait si lourd. Un effet secondaire des émeraudes peut-être, il n'en savait rien. Bref, du réconfort comme elle le disait, cela leur ferait du bien à tous les deux. A cet instant, il l'aurait surement chercher dans les bras de n'importe qui si il n'avait été présente mais ça, ce n'était pas nécessaire de le préciser à Morgane. Sa promesse avait tenu, aussi étonnant que cela puisse paraitre, peut-être parce qu'il n'avait eu d'occasion, ou peut-être qu'il voulait réellement la tenir. En tout cas, la femme n'avait encore rien à lui reprocher.

"C'est fou comme le passé peut constamment avoir un effet sur le présent. Ces fantômes ne veulent jamais nous laisser en paix…"

Se laissant reposer sur le lit, Orpheus repensait aux derniers évènements. La fuite du château, la fuite de Naturalia, le passé d'Integral… Beaucoup en si peu de temps et c'est justement de temps dont il avait besoin pour mettre de l'ordre dans ses idées. Sans regarder la femme, il lui demanda tout bas:

"Et toi, est-ce que tu te serais opposée à moi de la même façon si je t'annonçais soudain que je disparaitrai? Est-ce que tu garderais en toi jusque dans ta tombe, de lourds secrets juste pour le souvenir d'une personne qui a un jour représenté quelque chose à tes yeux? Je n'ai jamais eu personne à qui confier le fond de mes pensées. Pourquoi toi?"

C'était une question qui n'en était pas une réellement. Pourquoi elle, simplement parce qu'un lien les unissait bien qu'étrange par moment, mais bien existant. Après tout, il n'y avait qu'eux pour se combattre au point d'enfermer l'un des deux. Mais c'est bien cela qui faisait que leur relation était aussi imprévisible.

Il n'avait pas tort mais je ne continuai pas sur cette voie. Je doutais vraiment sérieusement que son ailleul soit allé là bas... et surtout que ma mère n'y soit pas allée le récupérer afin qu'il se cache plutôt dans le manoir des Steel... Mais tout ceci appartenait au passé et je ne pouvais faire que des suppositions.

Ma vie fut au centre de la conversation. Me remémorer mon passé me rendait morose. Je me souvenais trop facilement des morts qui avaient jonché la route de mes parents pour juste me protéger. Je me souvenais aussi des derniers jours de vie de ma mère... Elle était si brisée... C'était en partie pour cela que j'avais rejoint les nécromanciens et non les rôdeurs... Car aussi étrange que cela puisse paraitre pour un non maléfique, je souhaitais ardemment anéantir l'ensemble de ce statut... Je n'avais pas encore découvert que Syrka, ancien bras droit de ma mère, en faisait partie... Ma vengeance serait donc déviée un peu... Car la demoiselle ne craindrait jamais rien de ma part... Serment que j'avais fait à ma mère dans son dernier souffle : retrouver les ombres encore en vie et les protéger... et jusqu'à cette prochaine rencontre, je ne pensais pas cela possible.

"Je préfèrerais me noyer dans autre chose."

Je lui dédiai un sourire espiègle lourd de sous-entendus mais je lui tendis un verre. Je ne le mis pas en garde sur l'alcool, il était suffisamment fort pour l'endurer et puis au moins, cela nous remettrait les idées en place.

"A qui le dis-tu! Nous devons vivre dans leurs ombres alors qu'ils sont éteints... nous les fuyons... mais tout nous ramène à eux... J'ai longtemps pensé cacher mon nom... lors de mon entrée à la Tour je veux dire mais mes traits rappellent ma mère... et je suis fière de ce que je suis. On me l'a fait payé... très chèrement... mais c'est ainsi."

Je bus une gorgée de mon verre songeuse. Je mourrais d'envie de me blottir dans ses bras mais je restais loin de lui. Nous étions si bouleversés quelque part... vidés... Je le regardais rejoindre le lit. Avait-il lu dans mes pensées. Je marchai jusqu'à lui tout en l'écoutant avec soin. Je pris mon temps pour lui répondre tout en m'asseyant puis m'allongeant contre lui.

"Oui. Je deviendrais folle de rage. Aussi étrange que cela puisse paraitre, je tiens énormément à toi. Te perdre me ferait de la peine et je suis plus colérique que ma mère donc oui, tu aurais quelques cris en retour. Mais si tu devais me confier un lourd secret, je le garderais pour moi car je sais à quel point les secrets peuvent anéantir les gens qu'on aime ou qu'on a aimé si on les divulgue... Je ne suis pas une sainte Orpheus mais je n'ai qu'une parole. Je tiens cela particulièrement de mon père et évidemment de ma mère."

Je posai ma main sur son ventre. J'avais parlé tout bas. Nous nous étions jamais dit des choses aussi profondes. Nous étions très proches mais nous étions aussi très fiers. Je repris et murmurai :

"Tu peux tout me dire pour la simple raison que je ne fuirais jamais et tu le sais. Nous nous ressemblons. Nos familles n'ont rien à voir là dedans. Si tu n'avais pas été un Neiphereum, je t'aurais quand même apprécié. Tu es torturé comme je le suis et avec toi, je ne sais jamais à quoi m'attendre... je crois que je suis masochiste... mais j'adore cela... car je suis pareille."

Je lui souris doucement. Ce n'était pas la meilleure déclaration mais j'étais sincère comme jamais.

Au lieu d'apporter des réponses, les visions n'avaient qu'accentuées les questions que se posaient Orpheus. Il avait une piste et encore, cette dernière n'était qu'une vague supposition. C'était loin d'être suffisant pour le satisfaire pleinement. En tout cas, il n'y avait plus rien à tirer de ces émeraudes, il en avait plus qu'assez de voir Integral, voir sa tête, voir ses expressions, sa manière de se battre qui ressemblait tellement à la sienne… A la remarque de Morgane, le chevalier ne réagit pas. A dire vrai, il n'avait pas vraiment la tête à "ça" et ce n'est pas parce qu'elle lui ferait du charme que cela changerait. Il y a des moments où on en avait simplement pas envie n'est-ce pas? Prenant une gorgée, le chevalier soupira. Le passé, encore et toujours le passé qui rattrape le présent. Ils n'étaient jamais à l'abri des conséquences du temps, à cause de divers ancêtres par-ci par-là.

"Ta mère… tu as plus de charme qu'elle à mon avis."

Néanmoins, elle pouvait surement en être fière. Elle avait gardé le secret d'un ami jusqu'à la tombe, elle avait porté de nombreux fardeaux et ne s'était pas enfuie lâchement. Et la manière dont la mage noire en parlait montrait clairement que cette femme du passé, ce chef des ombres, avait représenté quelque chose à ses yeux ce qui n'était pas toujours le cas. De nos jours, les bons parents n'existent pas toujours et il est parfois préférable de naitre orphelin plutôt que dans une famille de fripouille. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, le blondinet posa une question qu'il n'aurait jamais prononcé si il s'était s'agit de quelqu'un d'autre. Jamais il n'aurait dit une telle chose parce que personne ne pouvait le connaitre dans ses faiblesses, ses moments de doute, ses peurs… Personne à part Morgane très probablement parce qu'elle avait trouvé une place qui était bien difficile à prendre. Le chevalier l'avait accepté très vite parce qu'un lien intemporel les unissait sans qu'ils ne le sachent la première fois, le lien qu'entretenaient Halloween et Integral il y a si longtemps.

"Pour sûr, tu as surement un sale caractère mais dans ce domaine, je suis le roi. N'essaie pas de t'approcher de mon trône vile manants."

Il posait la main sur celle qu'elle avait posé sur son ventre. Des confessions intimes sur une couche de la sorte, il n'était pas à l'aise. Il n'aimait pas s'ouvrir mais n'en avait pas moins envie et les dernières paroles de la femme, achevaient de le mettre dans le trouble.

"Bon sang, tu es complètement folle à lier…"

Posant le verre vidé sur le coin de la table de chevet, le chevalier posa délicatement ses lèvres sur celles de la femme qui était bien plus que tout ce qu'il n'aurait pu s'imaginer le jour de sa rencontre, une rencontre qui n'était même pas anodine car ils étaient des êtres vraiment spéciaux. Bref est ce que par la suite il se passa des choses ou bien est-ce qu'ils restèrent simplement lovés l'un contre l'autre sur le lit, on n'en sait rien, on s'en contrefiche car au bout du compte, ils ressortaient dans le couloir de l'ancien manoir des Steel, l'esprit un peu plus détendu qu'à l'arrivée.

"Est-ce que tu as pensé à le rebâtir un jour? Lorsque tu auras du temps et que tu ne seras pas en train de te faire poursuivre par des chevaliers par exemple?"

Au final, les pièces du bas étaient encore intactes car protégées des intrusions. Certes, l'usure du temps se faisait sentir mais ce n'était pas si catastrophique. Et si elle aimait ce volcan, un gout tout à fait discutable, rien ne l'empêchait de reconstruire à partir des centres du manoir pour en faire un d'autant plus resplendissant, faisant pâlir la construction d'antan.

"Merci... Cela me touche. Je te préfère aussi."

C'était la première fois qu'il me faisait un tel compliment. J'en étais sincèrement touchée mais je n'allais pas non plus me déverser dans un torrent de guimauve en lui délivrant plein de compliments ou de déclaration d'affection. Nous n'étions pas ce genre de couple. Mais oui, je le préférais à Integral peut être parce qu'il était plus sombre que lui... Quand j'étais à ses côtés, j'étais comme aimantée... et cela me plaisait grandement. Je le lui montrais autrement que par la parole. Ma mère, elle, était plus démonstrative d'une certaine manière.

Les confidences étaient au rendez-vous. On parlait sereinement, c'était par moment presque uniquement que des chuchotements. On oublierait jamais cette nuit, c'était une évidence. J'éclatais de rire joyeusement. Je fis mine de me rendre et murmurai :

"Je vous le laisse ce trône oh roi grincheux."

De la malice était présente dans mon regard. Ma main sur son ventre était à sa place. Je frissonnai doucement quand il posa la sienne sur celle-ci. Je lui souris et ne répondis que par un baiser sur ses douces lèvres après qu'il ait déposé son verre. Oui, j'étais folle à lier, masochiste mais cela faisait mon charme et il n'était pas non plus blanc comme neige. Ce baiser engendra d'autres choses mais ceci restera gravé en nous à l'abri des regards d'autrui. Dans les ruines de ce manoir, nous étions seuls au monde et c'était tout ce qui comptait. Cet instant n'appartiendrait qu'à nous.

Deux heures plus tard, nous fumes de nouveau dans le couloir. Il restait encore quelques pièces à lui montrer. Deux pour être exacte, une cuisine sans grande intérêt et une pièce... qui me posait problème... Je lui souris et sans un mot l'emmenait à celle-ci. La magie ici était plus faible... Tout du moins la protection avait subi trop d'attaques pour être encore comme au départ.

"Des ennuis avec les gardes, j'en aurais d'autres. Je crois que cela est programmé génétiquement en moi. Mais je compte bien éviter un peu la compagnie de ton ordre, j'avoue j'en garde pas un bon souvenir."

J'ouvris la porte et il put voir une petite pièce aux murs salis de suie, encombrée partiellement par des pierres volcaniques et aussi des trucs mécaniques étranges.

"Les inventeurs ont disparu comme tu le sais... et certaines machines ont atterri ici par hasard et ont abimé une partie des fondations... Si je reconstruis, j'ai peur qu'à cause de ceci, la batisse soit instable... Je pense donc l'établir un peu plus à l'ouest. Mais il me faudra un coup de main... et j'ai peur qu'on nous attaque... qu'on essaye de voler ce que je mettrais en place... J'ai pensé aussi à reprendre la maison des plaisirs, tu en as entendu parlé?"

Mon regard s'était fait triste. Si j'échouais, je ne pourrais pas recommencer. Tant qu'au QG des ombres... après ma discussion avec Syrka, mon envie s'était changée en réel projet mais là aussi, il me faudrait du soutien.

"Et toi? Tu as des projets? A part sauver une nouvelle demoiselle en détresse bien sûr"

Trêve de bavardage, ils en avaient déjà assez dit et découvert pour la journée. Plus que jamais, ils s'étaient rapprochés, manifestant par des paroles détournées leurs attirances ainsi que par des actions qui ne nécessitent pas de paroles par la suite. En tout cas, Orpheus ressortait de cette pièce avec des questionnements supplémentaires mais l'esprit étrangement reposé. Etait-ce parce qu'il savait qu'une personne, autre que sa mère, pourrait garder ses secrets si un jour il aurait à se confier? Savoir que qu'il avait quelqu'un bien plus proche qu'elle ne le devrait être et qu'il n'avait rien contre sa présence à ses côtés?

"Tu vas finir par devenir l'ennemie public numéro un. Faire profil bas quelques temps ne serait pas de trop. On ressort à peine des cachots."

Ce passage avait été douloureux, surtout pour elle physiquement. Mais il y avait également sa trahison pure et dure. Avec le temps, ils auraient compris qu'il y avait un traitre parmi eux, parce qu'il n'y avait aucune raison que la femme manie l'épée aussi bien ou facilement dans son état. Impossible également de fuir sans aide. Sa mère se tairait si on la questionnait, encore faudrait-il qu'ils aient une raison de venir la questionner. Ensuite… un allié extérieur aurait très bien pu s'infiltrer et l'aider à fuir. En retournant au château, il ferait savoir qu'il avait perdu de vue la femme, rendant le vainqueur du combat grand perdant. Du jour au lendemain, les éloges se transformeraient en reproche, rien de bien dramatique.

En suivant son guide, le chevalier tomba nez à nez sur des décombres bien moins en bon état. Ce passage avait été touché plus durement et cela se sentait. Sa question se posa sans arrière-pensée. Jamais il ne s'installerait ici, déjà que le fait de s'installer avec elle ne lui passait même pas par la tête. Le volcan ne lui correspondait pas trop, quand bien même il n'était censé ne représenter plus aucun danger à ce jour. Les éventualités étaient trop nombreuses et avec sa chance, le jour où il aurait pris sa décision, l'ensemble se remettrait à exploser.

"Dans ce cas tu n'as plus qu'une solution. T'installer ailleurs et bâtir quelque chose qui résistera à l'usure du temps, quelque chose d'encore plus grandiose."

Il disait ça comme si il y croyait dur comme fer. Ce n'était peut-être pas le cas mais l'entendre de cette façon donnerait surement de l'espoir à la femme qui semblait tellement effrayée de reconstruire à partir de ces cendres.

"De plus, tu seras bien là pour empêcher qui que ce soit de toucher à ce qui t'appartient. Tu es un femme têtue qui ne lâche jamais prise et qui ne se laisse pas marcher sur les pieds."

La voir s'assombrir ne l'amusait pas alors il termina sur ces belles paroles avec une tape bien gaillarde dans son dos pour la remettre d'aplomb. Cela ne lui ressemblait en rien de déprimer de cette façon. Elle avait toujours le regard haut, le menton bien levé, même face à quelqu'un qui est plus grand qu'elle. Elle était une Steel, pas si fragile que ça. La question qui lui était retournée le mettait tout autant dans le trouble car il se l'était posée de nombreuses fois. Une fois les traces du chevalier blanc retrouvées, qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire de ses journées?

"Après avoir trouvé ce que je cherche… je verrai bien."

Son regard se détourna, n'ayant pas envie de s'attarder à ce propos. Après avoir fait le tour de ce qui restait de visitable, ils ressortirent de là pour retrouver l'air cendré et les chevaux qui les attendaient à l'extérieur. Ce reste de manoir lui avait fait plus baver que prévu. Ces émeraudes qui y reposaient, est-ce qu'elles contenaient d'autres souvenirs? La curiosité le pousserait bien à les retoucher mais sa fierté l'empêcherait de le demander à Morgane de toutes les façons.

"Bien. Maintenant je devrais me hâter de retourner à Bénécius. Mon absence ne se remarquera pas mais je ne veux pas éveiller de soupçons inutiles."

Au pas, ils descendaient les flancs du volcan jusqu'en bas. Là, Orpheus la quitta en lui répétant simplement cette phrase qu'il lui disait à chaque fois et qui signifiait tant de choses.

"Ne meurs pas d'ici la prochaine fois."

Je lui souris doucement. Je ne pouvais pas être quelqu'un de calme, sans ennui. J'étais un aimant à l'action et il le savait mais je me réfugierais quelques temps à Malificium afin de me faire oublier après tout je doutais qu'on aille me chercher là bas. Cela serait pris par mon ordre comme une attaque en bonne et due forme. Il fallait être sot pour prendre ce risque et déclencher une nouvelle guerre.

Je ne souhaitais pas retourner dans les cachots, surtout qu'on aurait peut-être pas autant de chance cette fois-ci mais je ne pouvais me résoudre à prendre ma retraite. J'avais trop de projets pour devenir une gentille et docile épouse. De plus, je doutais que cela lui plairait. Je ferais trop tache ainsi à ses côtés. Je ne dis mot mais mon regard témoignait que je lui obéirais quelques temps... le temps de passer mon test pour devenir archimage uniquement... Son ordre n'apprécierait pas cette montée de niveau mais elle était nécessaire pour moi et quelque part aussi pour lui.

"Où? Quel endroit pourrait m'accueillir avec autant de grandeur? J'ai déjà rayé de la liste les marécages, sache le."

Je frissonnais aux souvenirs désagréables du fameux bal des Siderea. Mais ma question restait dans l'air. Où aller? Le manoir était devenu trop instable et appartenait au passé. M'installer à Malificium serait logique mais je n'étais pas de ce style. Je n'étais pas madame du monde, je devais donc avoir un lieu hors du commun surtout si messire Orpheus comptait me rejoindre régulièrement ce que je souhaitais ardemment.

"Oh oui, la dessus, tu peux me faire confiance. Ce lieu est protégé. Je compte obtenir plus de pouvoirs pour accentuer cette protection et protéger aussi ma future demeure mais cela demandera quelques sacrifices."

Oh oui, je tomberais surement dans les pommes pour arriver à ce que je souhaitais. Il faudrait juste que j'évite de m'épuiser jusqu'au coma mais cela irait. J'étais une Steel après tout. Sa tape me surprit. Je le fustigeai du regard. Je n'étais pas du bétail non mais oh. Je lui donnais un petit coup dans le ventre pour qu'il évite ce genre de comportement rustre à l'avenir. Mais il avait réussi, la tristesse s'était effacée de mon visage.

"Je comprends."

Il n'était pas nécessaire d'en dire plus. Nos routes se recroiseraient c'était certain. Nous quittâmes les ruines du manoir pour rejoindre l'air sirupeux du volcan. J'aimais ce lieu quoi qu'il en était. Je m'y sentais vraiment chez moi. La séparation était annoncée. Je n'aimais pas cela mais nous n'avions pas le choix et les retrouvailles n'en seraient que meilleures. J'hochai la tête et sortis ma dague à toute vitesse pour lui faire une estafilade sur la joue gauche.

"Ainsi, ils verront que tu t'es battu et pas que tu m'as aidé."

Je lui souris doucement et me fis pardonner par un baiser voluptueux sur les lèvres. Je me blottis contre lui et murmurai contre son oreille :

"Promis et épargnes moi un voyage aux enfers pour ramener tes jolies fesses."

Un dernier regard échangé et mon amant préféré prit la route vers les terres bénéfiques. Je retournai dans la manoir. Je comptais dormir ici pour la nuit, je retournerais sur les terres maudites le lendemain.