La frustration se valait à l'angoisse chez elle. Ne pas pouvoir voir qui était en train de leur tourner autour était une épreuve vraiment désagréable. Enfin, soyons précis, cette chose ou personne tournait plutôt autour du chevalier qu'elle semblait trouver à son goût… Avaient-ils affaire à un esprit qui avait trop longtemps souffert de la solitude et qui voulait qu'Orpheus face office de nouveau compagnon de jeu? Difficile à savoir, elle avait toujours pensé qu'il fallait être shaman pour voir, entendre ou toucher un esprit…Ou alors c'était un vieux reste des champignons hallucinogène peut-être? Mais elle en doutait, ils n'auraient pas eu le même délire… Ou du moins pas de façon aussi précise.

Dans d'autres circonstances Lili aurait certainement trouvé la situation très drôle. Après tout ce n'était pas tous les jours que l'on se faisait tripoter, et complimenter, par quelqu'un d'invisible… Surtout que pour une fois on inversé les rôles et c'était l'homme qui était ainsi attaqué. Sauf qu'ils n'avaient pas vraiment le loisir de goûter à l'ironie de la chose. De son coté, la mage rouge surveillait régulièrement son compagnon de galère, espérant qu'il ne s'effondrerait pas avant d'avoir atteint la sortie. Elle voyait bien qu'il avait un gros contrecoup mais ce ne serait rien quand la potion cesserait de faire effet. Or elle n'était pas de sa composition et elle était peu habituée à l'utiliser. Elle n'avait donc aucune idée de combien de temps elle serait active sur l'organisme du chevalier. Et elle ne se faisait pas trop d'illusions sur ses propres capacités… Elle ne parviendrait jamais à les sortir de là seule si il tournait de l'œil. Ses capacités de combat étaient fort limitées et elle ne parlait même pas de sa force musculaire… La seule chose qu'elle pouvait faire c'était ses potions. Mais même là, elle partait perdante à cause de son passage dans la fontaine… 

Bref, autant dire qu'elle n'en menait pas large face à cette entité invisible qui semblait en avoir après Orpheus. La seule chose positive qu'elle constatait c'était que cette personne invisible, quelle qu'elle soit, ne semblait pas en avoir après la vie du chevalier. C'était toujours ça de gagné car elle n'était pas certaine qu'il résisterait à un nouveau mauvais coups… Elle n'avait peut-être rien à lui reprocher mais ce n'était pas son cas à elle visiblement. Se faire tripoter les cheveux ne fut pas une expérience très agréable. Elle avait bien vu Orpheus essayer de l'attaquer tout à l'heure, sans le moindre signe de réussite. A ce stade, l'elfe ne pouvait que subir ce soudain assaut de curiosité.

-L'immonde vieille sorcière aux potions t'emm*rde…

Lili avait soufflé cela au travers de ses dents serrées, clairement agacée par l'espère d'esprit désincarné mais écervelé qui s'amusait à les faire tourner en bourrique. C'était du pur agacement face à ce nouvel obstacle sur leur progression vers la sortie. Il en fallait beaucoup pour vexer quelqu'un qui ne se considérait pas féminin et qui pouvait passer des heures dans la boue pour ramasser des ingrédients. Si elle pensait faire face à une rivale, elle était mal tombée. Mais cela ne l'empêchait pas d'avoir envie de lui en coller une, juste par principe, pour le dérangement. Et aussi pour le plaisir. Elle était quasi certaine que cela lui ferait un bien fou ! Elle n'avait même pas relevé l'attaque directe contre ses bonnes intentions tant elles lui avaient paru grosses. Même s'il avait râlé en buvant sa médication le chevalier savait bien que c'était quelque chose destiné à l'aider, faute de le soigner. Si elle avait vraiment voulu l'éliminer il lui aurait suffit de l'observer saigner à mort, cela lui aurait fait l'économie d'ingrédients et d'énergie. Il devait bien en avoir conscience quand même… 

Sauf qu'il n'en fut rien. Du moins de son point de vue puisqu'elle avait loupé le regard "complice" qu'Orpheus avait essayé de lui transmettre. Elle en resta quelques instants interdite, la bouche ouverte sur le coup de la surprise. Et malheureusement, elle était un peu comme lui, elle pouvait partir au quart de tour. Car si elle pouvait laisser passer les roumégades d'un patient désorienté et qui avait mal, il n'en allait pas de même avec la mauvaise foi flagrante. Le chevalier put presque voir le sang lui monter aux tempes pour pulser de façon furieuse. S'il avait voulu être réaliste dans son attaque, il avait vraiment fait mouche. Et l'engueulade qui allait suivre allait être plus criante de vérité que ce qu'il aurait pu espérer…

-Ouais ben j'aurai du te laisser au fond de ton trou finalement !

Sauf que quand elle était en colère, Lili n'était jamais vraiment agressive. Elle agissait de façon irraisonnée, comme 90% de la population mais n'attaquait jamais la personne source de sa colère. Du moins pas physiquement. Il préférait la croqueuse d'hommes invisibles? Et bien qu'il reste avec elle !

-T'es peut-être doué au combat mais t'es 'une mauvaise foi désolante ! Et je parle même pas de ton caractère détestable ! Je te souhaite bien du bonheur avec ta nouvelle copine ! Je t'épargne la peine de trop te fatiguer, j'me barre !
-Elle ment! Elle reviendra quand tu auras le dos tourné pour t'achever ! Débarrasse toi d'elle maintenant !!
-Toi la blonde décérébrée invisible, ferme la !!

Elle avait brandi un doigt menaçant vers la zone, approximative, d'où provenait la voix. Et sur ce dernier coup de gueule, l'elfe tourna les talons et commença à partir d'un pas décidé, râlant dans sa barbe inexistante. Ses flèches allaient lui servir finalement… Bon, elle allait devoir repasser par le champ de champignons mais, à ce stade, cela ne la dérangeait même plus. Il y avait deux autres couloirs qu'ils n'avaient pas exploré à leur arrivée, elle était certaine qu'elle finirait bien par trouver une sortie par là. C'était complètement idiot mais elle était trop en colère et outrée pour réfléchir posément. Cela lui reviendrait peut-être avant de passer les champignons avec un peu de chance…

Maintenant c'était officiel! Il était en train de se faire harceler par une forme invisible. Un homme qui se fait harceler sexuellement, on aurait vraiment tout vu, surtout qu'il le vivait très mal et que sa patience avait des limites rikiki si l'on peut dire. Alors déjà qu'une fois ne passe pas, alors deux! Si jamais un fraction de seconde, cette personne prenait une forme physique, il l'étranglerait, l'étriperait et ferait plein d'autres violences qu'on ne réserve en général pas aux femmes. Il n'était pas fou quoiqu'on aurait pu le penser vu que Lili n'avait rien senti. Néanmoins, tous deux avaient bel et bien entendu la voix et à partir de ce moment là, les relations entre humain commençaient à se dégrader tranquillement. Orpheus était d'autant plus d'une humeur de chien qu'il était exténué. Il voulait le cacher mais Bellinda n'était pas dupe. D'ailleurs, grand observateur qu'il était, il ne notait pas l'attention particulière qu'elle lui portait depuis qu'il s'était levé, comme un docteur qui suit son patient pour s'assurer de sa sécurité.

Et l'autre pipette continuait de parler sans s'arrêter une seule seconde. Elle faisait du charme au blondinet, louait sa beauté et sa virilité tandis que pour Bellinda, ce n'était que moquerie, insulte et autre. La chose spectrale passa momentanément à la mage rouge, au grand soulagement du chevalier et à la plus grand frustration probable de Lili. Elle comprendrait ce que c'était de se faire toucher par des mains fantomatiques et à quel point c'est rageant de ne pouvoir remettre quelqu'un à sa place alors qu'il est à portée de main. C'est à ce moment là que le chevalier tenta un petit signe discret, tellement discret de peur de se faire remarquer qu'il n'arriva pas à bon port. Mais lorsqu'on est aux aguets, on a l'impression que les réponses viennent de partout. Ce clignement de cil de Bellinda signifiait qu'elle avait compris son plan n'est-ce pas? Alors il allait le mettre à exécution sans plus attendre. Tel un bel empoté ingrat, le chevalier relançait au visage de l'elfe tout ce qu'il avait faussement sur le coeur, bien qu'une toute partie était vraie pour la première course poursuite. Pour la suite, il n'en pensait pas un mot mais la réaction de son interlocutrice se fit bien plus explosive qu'il ne l'aurait imaginé.

Son visage rougit, elle ressemblait un peu moins à la femme à peu près amicale qu'il avait connu l'espace de quelques heures. Franchement, elle jouait merveilleusement bien la comédie! Se mettre si facilement dans le rôle de celle qui est trahie par le chevalier! Sincèrement, elle devrait faire du théâtre en ressortant de ce canyon! Les attaques qu'elle lui porta le vexèrent quelque peu mais il savait que ce n'était pas pensé, enfin, il pensait que ce n'était pas le cas…

"Parfait! Retourne faire des potions et jouer avec tes chaudrons, moi aussi je me tire!"

Chacun se tourna vers une direction opposée, Orpheus, certain que le plan fonctionnait à la perfection alors qu'il était complètement à l'eau depuis la première seconde. Maintenant, il faudrait supporter la présence de plus en plus envahissante de l'esprit, un peu déçu que Bellinda soit encore en vie mais ravie tout de même que le chevalier l'ait choisi. Elle ne s'arrêta pas de parler. De quoi? Orpheus ne l'écoutait déjà pas, se contentant de tourner lorsqu'on le lui disait et ainsi de suite. Qu'est-ce qu'il en avait à cirer d'une histoire de suivante préférée enterrée avec le juge? Elle n'avait pas eu de chance voilà tout, en quoi ça le regardait? A intervalle régulier, le chevalier jetait des regards par dessus son épaule pour vérifier si Bellinda les suivait. Une forme sombre au coin du couloir lui disait que oui, alors qu'il ne s'agissait que d'une ombre. Dans l'histoire, il était celui qui avait endossé le rôle le plus éprouvant au possible! Quel sacrifice il faisait là en laissant les paroles du spectre lui ravager l'esprit!

"Sinon, cet Hullmat, à quoi il ressemble? Pas physiquement, je me doute bien que ce n'est que des os mais… psychologiquement?"
"C'est une parfaite brute et la plupart de ses jugements sont des bains de sang. Pourtant, il a un bon fond que seul moi ait eu le plaisir de découvrir. Au lit il me faisait de ces choses…"

Et aussitôt que le flot d'information inutile revenait, Orpheus mettait son esprit en veilleuse. C'était fou comme il était pratique de pouvoir faire abstraction de son entourage lorsqu'on en a envie! Lui n'était pas mécontent d'avoir passé des années à s'entrainer à cette compétence fort utile. Très vite, ils arrivèrent dans la salle mortuaire, éclairée par des flammes qui auraient dû être éteintes depuis des siècles. Sur un piédestal, un cercueil représentant un aigrefin très probablement. Sur le côté, une superbe femme richement habillée qui venait d'une démarche de tentatrice vers le chevalier en lui flattant la joue.

"Et maintenant mon beau, tu vas pouvoir me tenir compagnie… pour l'éternité."

Pour changer, le poignard du chevalier s'enfonça dans du vide lorsqu'il tenta de lui percer le rein. Ne cachant pas sa frustration, le blondinet nota par contre, la mine bien moins humaine de la femme qui fronçait les sourcils.

"Pourquoi? Pourquoi ne veux-tu pas rester à mes côtés? Pourquoi essaies-tu de me faire du mal? Tu es… comme tous les autres qui ont tenté d'atteindre Hullmat. Personne n'est à sa hauteur, PERSONNE!"

"Les morts devraient connaitre leur place, voilà tout."

Et cette peau si brillante se ternissait. Un coup de vent lui arracha toute consistante et face à lui, il n'y avait ni plus ni moins que le squelette d'une concubine, en train de s'agiter furieusement. Lui par contre, se sentait défaillir. Son couteau de lancer heurta le sol alors qu'il perdait l'équilibre également. Diable, c'est que Bellinda prenait vraiment beaucoup de temps pour arriver...

Non mais c'est vrai quoi! Pour qui se prenait-il après tout? Elle l'avait aidé du mieux qu'elle le pouvait, supportant es remarques incessantes. Elle avait fait amande honorable non? D'accord, elle avait déboulé dans le canyon avec des ennuis de la taille d'une petite montagne… Mais elle s'était rachetée! Et ce n'était pas sa faute si le sol s'était effondré sous ses pas, ils n'étaient même plus poursuivis par le varan à ce moment… Alors qu'elle s'éloignait en marchant à grands pas énervés, suivant les flèches qu'elle avait initialement tracé, elle ne cessait de râler à voix basse. Pas sûr qu'un monstre quelconque aurait osé se mettre sur sa route, elle aurait été capable de le piétiner sans s'en rendre compte en continuant de râler dans sa barbe. Zut quoi! Depuis quand une simple voix désincarnée pouvait provoquer comme ça la zizanie. C'était bien qu'un faible homme pour se laisser mener comme ça par le bout du nez… Alors même qu'il ne pouvait pas voir ou tâter la marchandise en plus !!

Au détours d'un couloir elle se mit à ralentir pour se donner trente secondes de réflexion. Sa dernière pensée était parvenue à traverser le voile de colère qui l'aveuglait jusqu'à maintenant. C'est vrai ça… Depuis quand un homme se faisait mener par le bout du nez par une simple voix. Sans voir ni minois, ni corps… Sourcils froncés, la jeune femme se retourna, comme si elle pouvait observer le manège d'Orpheus qui était maintenant trop loin pour être vu… Quand même… Il semblait bien avoir un caractère difficile à vivre au jour le jour mais il ne lui avait pas semblé complètement demeuré non plus. Il avait suffisamment de sens pratique tout de même… Bon, elle ne le connaissait pas depuis bien longtemps et la situation n'avait pas vraiment permis de longs échanges ni de grandes confidences. Mais quand même… Il lui semblait peut-être un peu cynique mais justement armé d'un solide sens pratique. Du coup, retourner sa veste aussi vite… Ce n'était peut-être pas normal..? Et puis qu'avait dit cette pimbêche déjà? Un truc comme quoi si il l'éliminait, elle lui montrerait quelque chose…

La jeune femme resta quelques instants ainsi à peser le pour et le contre… D'un coté il était parvenu à vraiment l'énerver mais d'un autre elle commençait vraiment à se demander si ce n'avait pas été qu'un stratagème. Et puis, elle avait beau vite monter dans les comptes tours, elle gardait un bon fond. Du coup, elle ne pouvait pas faire abstraction du fait que le chevalier était toujours blessé et qu'elle ne savait pas combien de temps la potion ferait encore effet…  Mine de rien elle s'inquiétait pour le "jeune" ronchon. Encore plus si il avait essayé de feinter l'esprit en l'éloignant. Peut-être même qu'il comptait sur elle pour se montrer au bon moment? L'elfe jura d'une façon fort peu féminine. Peste des plans alambiqués et des hommes. Tout le monde devrait être télépathe ou lire dans les pensées. C'était franchement plus pratique !!

Toute aussi agacée mais, en plus, inquiète, la jeune femme fit donc demi-tour. A tous les coups il n'avait même pas eu l'idée de marquer son chemin pour faciliter sa filature en plus !! Encore un peu et on aurait pu voir la fumée sortir de ses oreilles… Et quand elle arriva là où ils s'étaient séparés, les lieux étaient  déserts et aucune trace ne lui permettait de savoir de quel coté il était parti. Elle était à deux doigts de le maudire sur plusieurs générations lorsqu'elle se figea. L'intérêt d'avoir du sang elfique, hormis de pouvoir jouer aux cougars sans s'inquiéter des apparences, c'était d'avoir des sens un peu plus efficaces que la moyenne. Et là, il lui semblait bien d'entendre des voix. Enfin, plutôt une voix agaçante qui était très rarement entrecoupée par un vague murmure grave… Lili ferma les yeux pour se focaliser pleinement sur les sons, essayant de les localiser au mieux. Ce qui se révélait difficile à cause de la configuration des lieux…

Mais petit à petit, elle parvint à les suivre. D'intersections en intersections, elle déterminait où tourner grâce à leurs voix, essayant de les rattraper lorsqu'il y avait des chemins évidents en pressant le pas. Cela lui faisait rattraper son retard mais elle resterait trop en arrière pour être remarquée par l'esprit. elle dut même rebrousser chemin une paire de fois lorsqu'elle s'était trompée de route… Bon grès mal grès, elle parvenait tout de même à les filer. Les murmures se transformèrent même en mots intelligibles, même si elle s'en serait agréablement passée tant le babillage de l'autre blondasse, obligé qu'elle soit comme ça, était d'une insipidité crasse… Malheureusement, elle se trouvait encore trop loin, elle aurait voulu établir un contact visuel au moins. Si jamais Orpheus avait un soucis elle arriverait forcément trop tard…

Et ce fut d'ailleurs le cas puisque lorsqu'elle parvint enfin à atteindre la salle où reposait l'aigrefin et sa servante nymphomane, le chevalier avait perdu l'équilibre et faisait face à une espèce de squelette à l'air acariâtre. Autant qu'un tas d'os pouvait avoir cet air là… Autant le mort-vivant était assez limité en expressions faciales, autant elle n'avait pas besoin de cela pour estimer qu'il était menaçant. Normalement ça ne bougeait pas. Si ça bougeait c'était pas normal donc dangereux. La mage rouge ne chercha pas à théoriser plus loin, agissant par réflexes et ans la précipitation… 

Elle se baissa, attrapa le chevalier par le col, et le traîna à sa suite alors qu'elle se précipitait pour atteindre la sécurité du couloir. Au moins derrière le mur histoire d'avoir quelque chose entre le squelette et eux. En même temps elle se servit de l'air qui circulait dans le mausolée pour créer un courant plutôt agressif. Un violent couran d'air jaillit donc dans la pièce en même temps qu'elle alors qu'elle chopait le chevalier par le col. C'était assez difficile à gérer car elle devait faire en sorte de pouvoir sortir avant qu'il ne cherche à en faire de même. C'est à ce moment là qu'elle constata qu'il n'y avait pas de retour… Donc une autre sortie possible dans la pièce! Classant l'information dans "utile pour plus tard", elle lâcha le chevalier derrière le mur et entreprit de le réveiller de façon un peu moins délicate que la première fois. Il aurait peut-être les joues rouges mais elle ne pouvait pas tout faire en même temps. Car même si sa technique était habituellement efficace, un squelette étant plein de "trous", cela n'allait pas marche éternellement…

-Me dites pas que vous êtes mort ou je vous achève !!

Seul sans le savoir, Orpheus se jetait à corps perdu dans le coeur du danger alors qu'il pensait avoir une personne pour assurer ses arrières. Cette dernière, réellement vexée de ses précédentes paroles, avait fait demi-tour en le laissant seul en tête à tête avec la concubine fantomatique qui avait réussi on ne sait comment à survivre même après la mort de son corps. Un esprit tourmenté qui refuse de quitter le monde des vivants est toujours compliqué à renvoyer. En tout cas, elle demeurait toute aussi bavarde qu'elle aurait pu l'être de son vivant et le chevalier était certain que si il l'avait rencontré plus tôt, il l'aurait quitté ou poignardé de la même manière qu'il avait essayé précédemment. Et ce n'était pas faute de multiplier les tentatives hostiles à son égard. Cependant, la personne semblait ravie qu'il l'ait choisi elle plutôt que Lili et finalement, cette écervelée ne songea même pas à un piège. Être si certain de sa beauté et de son charme, elle avait vraiment des soucis. Depuis quand un homme se laissait charmer juste par des paroles sans le physique qui allait avec? Heureusement que ce détail mit la puce à l'oreille du mage rouge car sinon, le blondinet aurait passé un sacré quart d'heure seul à seul avec un squelette.

Ce fut un peu le cas au début, alors qu'elle s'apercevait que le jeunôt que voici n'avait pas l'intention de rester avec une antiquité. Il préférait plutôt les vivants, question de gout. En soi, ils étaient plus chauds, puaient moins dans certains cas et puis, il n'y a rien de bien ragoutant à toucher des os en permanence. L'effronté ne chercha même pas à cacher son rejet. Ce qui en résulta était un squelette aux bijoux sonnant qui avançait vers lui d'une allure menaçante, prête à en découdre avec le vivant. Faible, il était de nouveau à terre, une habitude qu'il ne devrait pas trop prendre si il tenait à la vie. Malgré les supplications, son corps ne répondait pas et chaque seconde le rapprochait de la seconde fatale. Bellinda prenait trop de temps à réagir, est-ce qu'elle s'était endormie? Lui sombrait presque alors qu'il se faisait brusquement tirer en arrière. Et bah dit donc, ce n'était pas trop tôt la réaction quand même. Toujours aussi efficace, cette coéquipière le tirait d'un mauvais pas en entravant les mouvements approximatifs de l'être fait de calcium. Un peu sonné, le chevalier reçut une bonne paire de gifle qui lui permirent de retrouver très vite ses esprits.

"C'est bon je suis pas mort! Tout doux espèce de brute! Vous en avez mis du temps pour réagir quand même. Je suis sûr que vous vous êtes endormies pendant que je faisais mon boulot d'appât."

Au moins, ses intentions précédentes étaient claires et Lili pourrait s'apercevoir de l'erreur qu'elle avait commise. Ensuite si des excuses viendraient, on s'en contrefichait. Orpheus n'était au courant de rien et n'avait pas la tête à ça. Là, tout ce qu'il voulait, c'était la force de se lever, la force de vivre et de combattre pour émettre le vrai jugement. Les joues en feu, le chevalier n'espérait pas des miracles. Rien ne le remettrait immédiatement sur pied et ce ne sont pas les bandages qui allaient accélérer le processus de régénération de son corps. Le temps, le repos seuls pourraient lui permettre de guérir. Ces ressources, il n'en disposait pas. Le squelette bravait la tempête, pas aussi influencé qu'un être de chair et de sang aurait pu l'être. On l'entendait glousser, ricaner et crier comme une hystérique. En somme rien de bien dangereux, il ne s'agissait que d'un cadavre parmi tant d'autres. Des coups bien placés et les os se sépareraient comme ils auraient dû il y a des années et puis basta. Le chevalier se disait par contre, que c'était trop facile La concubine ne pouvait être seule à protéger un tel tombeau. En général, les personnes elles-même, pleines d'orgueil, se relèvent pour protéger jalousement les possessions qu'ils avaient de leur vivant. Le grand marteau que tenait la gravure, Orpheus n'avait pas manqué de le remarquer.

"A par être bruyante, elle n'a rien de bien dangereux. Ce n'est qu'un vulgaire squelette après tout. Aidez-moi à me lever."

Si il demandait de l'aide, c'était qu'il était désormais certain qu'il serait impossible de se débrouiller seul. Mentalement, il voulait se la jouer solo. Physiquement, son corps criait au scandale. Accepter la présence de Bellinda, accepter et reconnaitre ses compétences et lui faire confiance, voilà ce qu'il faisait pour arriver au bout de cette folle expérience.

"Les morts n'ont qu'à bien se tenir. Si vous savez contrôler le vent, moi je sais manipuler la terre. Il est bien connu que lorsque deux éléments opposés s'entrechoquent, des miracles se produisent n'est-ce pas?"

Il était râleur, impossible à vivre, mais lorsqu'il acceptait quelqu'un ou qu'il unissait ses forces aux siennes, Orpheus ne le faisait pas à moitié. Utiliser la magie ne le faisait pas s'agiter dans tous les sens comme si il manipulait l'épée. Il suffisait de puiser au fond de lui dans une autre ressource et il s'avère qu'il n'y avait pas fait appel depuis qu'il était descendu dans les profondeurs. A l'arrivée du squelette fraichement sorti de la salle avec bien du mal, le chevalier tira de tous petits morceaux de terre du sol qui se levèrent à son commandement en lévitation et d'un geste brusque, ces projectiles entrèrent brutalement en contact en détruisant les os qui persistaient à se mouvoir malgré la mort qui était censée les immobiliser. Le crâne était toujours en train de s'agiter et de discuter mais la personne semblait dans un autre monde, si bien qu'ils pouvaient la laisser dans son coin pour l'éternité sans qu'elle ne soit une grande menace.

"Mince, on vient lui rendre visite mais on a pas de cadeau… Par contre, je lui prendrais bien son marteau à cet Hullmat!"

Arrivés à l'entrée de la salle au moment où ces dernières paroles étaient prononcées, des tremblements brusques agitèrent les lieux, sinistres, inquiétant de par ces structures fort peu solides et enclines à s'effondrer à la moindre seconde. Le chevalier voyait un esprit se lever de son cercueil en soulevant le marteau du juge. Hullmat en personne qui vient les accueillir.

"Le procès est clos. Je vous déclare coupable!"

Boulot d’appât? C'est bien ce que la jeune femme avait finit par soupçonner... Orpheus avait manigancer tout cela pour que l'esprit le guide jusqu'à la tombe de ce foutu aigrefin à la noix. Il fallait vraiment qu'il pense à retravailler son sens de la communication parce que, sur le moment, la mage rouge n'avait franchement pas comprit. Il aurait eu l'air malin si elle n’avait pas eu un doute et si elle n'était pas revenue sur ses pas pour s'assurer qu'il n'avait pas eu des ennuis avec sa nouvelle amie immatérielle... Mais elle n'allait pas non plus lui dire qu'elle n'avait strictement rien comprit. A chacun son honneur et elle était à peu près certaine que cela n'allait pas arranger ses relations avec le chevalier s'il apprenait qu'elle n'était là que par « hasard » finalement... Il était bien capable de lui faire toute une vie à ce sujet. Alors la mage rouge garda son aplomb habituel de sale gosse, n'oublions pas qu'elle est officiellement la « mauvaise élève » de la Tour Naturelle, et mentit avec un naturel plus que déconcertant.

- C'était un peu plus compliqué que prévu.

Et le tout sans même sourciller puisqu'il s'agissait d'une demi-vérité, les mensonges les plus efficaces à faire passer. Enfin, même si elle l'avait trouvé au sol, il avait l'air en pleine possession de ses moyens, mentaux tout du moins. Elle était à peu près certaine que s'il devait courir le cent mètre haies, il allait s'effondrer dès le premier bond. Lui dire de se ménager n'était certainement pas la solution adéquate, leur survie était plutôt en tête de leurs priorités. Et les occupants de la salle d'à coté avaient le potentiel de les garder six pieds sous terre... Au moins, pour l'instant, la jeune femme sentait clairement la présence de différents courants d'air, ce qui lui permettrait d'utiliser un peu ses pouvoirs, mais elle n'avait pas spécialement l'habitude de se battre contre des morts-vivants, dans des espaces aussi restreints. Même si cela l'agaçait, elle se sentait terriblement tributaire des talents du chevalier. Ce qui était fort frustrant lorsque l'on cherchait à être pleinement autonome...

A sa demande elle lui tendit la main pour l'aider à se hisser sur ses deux jambes. C'était plutôt mauvais signe qu'il lui demande ainsi son aide puisque, jusqu'à maintenant, il lui avait parut plutôt fier. Voir imbu... Il ne fallait surtout pas qu'il se retrouve au contact d'un quelconque ennemie... Et bizarrement elle avait comme l'impression, elle aussi, que tout cela était trop facile. Franchement, même si l'autre hystérique était difficile à vivre, elle pouvait être facilement éliminée. Or, elle n'était qu'une servante. Ils étaient dans le tombeau d'un aigrefin et elle était sûre que ce dernier était suffisamment emmerdant pour avoir décidé qu'il garderait les lieux jusqu'au bout. Mais Orpheus semblait avoir plus d'une corde à son arc et elle avait bien envie de lui faire encore une fois confiance...

- Ca, je suis preneuse d'un miracle justement...

Restant à portée pour qu'il puisse s'appuyer sur elle si le besoin s'en faisait sentir, elle se tourna vers l'entrée de la salle. Le squelette était finalement parvenu à les atteindre, non sans lutter constamment contre le vent que Bellinda avait levé. Cette dernière était d'ailleurs un peu déçue de constater qu'il ne lui manquait même pas une cote... Sa maîtrise laissait à désirer maintenant, même si les lieux ne se prêtaient pas aux tempêtes phénoménales. Elle faisait avec ce qu'elle avait... Voyant que le chevalier était en train de faire usage de son contrôle de la terre, la jeune femme fit en sorte qu'il n'ait pas à lutter contre le vent pour pouvoir extraire ses projectiles, elle les accompagna même lorsqu'il les lança contre le squelette, éprouvant une secrète satisfaction de le voir s'effondrer, le crâne roulant dans un coin alors qu'il continuait à caqueter sans cesse. Ce fut plus fort qu'elle, elle n'eut qu'à faire un rapide pas de coté pour se retrouver au niveau de sa tête... Le coup de pied fut magnifique, le crâne faisant un très bel arc de cercle alors qu'il traversait la salle et allait percuter le mur de l'autre coté du sarcophage.

Pendant quelques secondes, elle crut vraiment que c'était son passage de nerfs sur le crâne qui avait provoqué ce tremblement de terre. Vraiment... Elle se précipita vers Orpheus, tant pour faire front contre ce qui était en train de s'annoncer que pour le retenir si ses jambes se dérobaient sous lui. Elle vit avec stupeur l'aigrefin se relever de son dernier repos, marteau en main et humeur massacrante en prime, à moins qu'il n'ait déjà été ainsi de son vivant. Mince, elle savait que ce genre de personne avait tendance à rester jusqu'au bout pour protéger ses biens mais elle avait secrètement espéré qu'elle s'imaginait des choses... La sentence prononcée de sa grosse voix fit naître une pellicule de sueur froide dans le dos de la mage rouge... Elle avait comme l'impression que celui-là ne serait pas aussi facile à vaincre que sa concubine nymphomane...

- Coupables, coupables... Il nous a même pas dit de quoi...

Si elle pouvait pérorer, elle était encore en moyen de résister à une attaque. Si les morts-vivants n'étaient pas trop difficiles à combattre puisque possédant un corps fait de chaire et de sang, même putréfiés, elle n'y connaissait pas grand chose coté esprits. Déjà, même s’il brandissait son marteau qui avait vraiment l'air menaçant vu d'ici, elle était quasiment certaine que n'importe quelle attaque physique basique passerait au travers lui sans lui faire le moindre dommage... Mais la nature étant bien faite, en général, il y avait toujours un point faible quelque part...

- Tu crois que si on s'en prend à son corps physique, on se débarrasse de lui?

Elle avait chuchoté rapidement sa question à Orpheus alors qu'elle les faisait doucement reculer tous les deux. Pas besoin d'aller se coller à l'aigrefin, elle savait qu'il allait venir à leur rencontre tôt ou tard. Probablement trop tôt à son goût d'ailleurs... Si brûler ou endommager sa dépouille pouvait être la solution, il allait aussi falloir détourner l'attention du « juge » pour pouvoir agir. Et comme Orpheus n'était pas au mieux de sa forme, elle allait devoir se montrer très agile et très agaçante... Le chevalier n'aurait certainement pas besoin d'un dessin pour comprendre qu'elle ferait l'appât cette fois-ci. Enfin, elle espérait que leur communication silencieuse serait plus efficace que la dernière fois...

Ah, quelle tête il aurait fait si jamais il apprenait que Lili n'était là que par pur hasard! Le plan était parfait, il l'avait concocté en cinq secondes et ne s'était pas assuré que l'autre l'avait compris et il n'était même pas télépathe. histoire que personne ne les soupçonne, il l'avait même insulté, repoussé et ce, de manière parfaitement convaincante qui allait parfaitement avec son personnage. Ce jeu d'acteur était tellement bon, qu'il avait berné celle qui était censée jouer un rôle également. Enfin, tout est bien qui finit bien, puisqu'au bout du compte, ils étaient réunis pour le meilleur et pour le pire. Pour l'instant, il y avait d'avantage de pire dans l'air car il ne tenait pas debout tout seul et qu'ils devaient gérer des morts à la pelle.

A la pelle pour Orpheus, c'était deux, car au bout du compte, il s'agissait d'ennuis, d'obstacles à son avancée, des imbéciles qui ne voulaient pas rester à leur place et qui venaient importuner les vivants. Hélas, ils étaient revenus face à celui qui était le moins à même de les écouter. Autant son ancêtre était un poltron fini, qu'à l'apparition d'esprits, de revenants, il repartait dans l'autre sens la queue entre les jambes, autant la nouvelle génération que représentait Orpheus, déchirait tout sur son passage, tant qu'il s'agissait d'ennemis. Dans la vie, il n'y a pas à réfléchir bien longtemps. Il y a ceux qui sont avec nous, et ceux qui sont contre nous. La neutralité n'est qu'une façade pour ceux qui se mentent à eux-même, ainsi étaient donc les chevaliers, tous des menteurs pleins de contradictions.

Lui était bien au-dessus de ça, parce qu'il était si parfait et si fort. Lui réalisait sa propre justice, il ne prenait pas le parti des autres, ce sont les autres qui prenaient son parti. Bref, les chevilles toujours proches de l'explosion, Orpheus pouvait se tenir fièrement debout, à moitié avachi contre la femme qui le soutenait, pour voir se relever celui qui aurait vraiment dû rester allonger car celui-ci, ne présageait rien de bon. Est-ce que c'était son corps immatériel, sa voix caverneuse, son marteau gigantesque ou son jugement complètement irrationnel qui était le plus effrayant? Autant est-il, que le chevalier eut la même réaction que celle qui était à ses côtés, avec un autre langage:

"Tu vas voir où je vais te l'enfoncer cette culpabilité…"

Quelle audace! Quel sacripant! Parler de la sorte à un grand juge de l'ancien temps! La jeunesse de nos jours n'a aucun respect pour les ancêtres. Orpheus en avait bien d'autres à lui relancer dans la figure mais le temps était limité alors il fallait choisir: continuer d'insulter le juge ou bien se trouver une façon de s'en sortir en un seul morceau de préférence. Heureusement que Bellinda était présente pour l'empêcher de continuer les provocations. Sa question était tout à fait pertinente et après une réflexion d'une fraction de seconde, il lui murmura sereinement:

"On verra bien si ça marche! Occupe toi s'en, moi, j'ai deux mots à dire à ce bâtard."

Orpheus adorait jouer avec le feu et c'est peu dire car son rôle serait réellement de jouer avec le feu pour cramer le corps de l'aigrefin. Alors que sa faiblesse physique crevait les globes oculaires, le chevalier se détacha soudain de la femme pour brandir son épée, une arme que son bras peinait à tenir tant il ressentait une impression de lourdeur atroce, et faire face à Hullmat en continuant de péter plus haut que son cul. Du regard, il le défiait, des yeux, il le transperçait et du corps, il perdait l'équilibre et se rattrapait au mur en réalisant que finalement, il ne se battrait peut-être pas face au marteau qui s'était écrasé à un mètre de lui et qui avait provoqué des vibrations menaçant de détruire le tombeau lui-même.

"D'accord… Alors je m'occupe du corps de l'esprit et toi, tu l'occupes avec ton corps, ça me parait pas mal."

Dans l'action, ils étaient tous deux passés au tutoiement sans réellement y prêter attention. Ce n'était plus un "vous" qui allait faire la différence désormais car en tant que "vous" ou "tu", ils seraient dans le même état de mortalité si ils ne faisaient aucun effort. Prenant une grande inspiration, le chevalier se saisit d'une torche et s'affala par terre en se trainant lamentablement derrière une urne tandis que le juge.. il faisait quoi au juste?

Après avoir frappé le sol une fois, Hullmat s'était "redressé" de son corps volatile, et s'était mis à sonder les deux intrus et condamnés à mort qui étaient devant ses yeux chaotiques. Des deux, la femme semblait être dans le meilleur état alors il s'était décidé à écraser l'homme complètement fou qui essayait de lui tenir tête. Seulement, son esprit qui était resté ancré dans le monde des vivants, n'était pas aussi vif qu'à son âge d'or, c'est pourquoi ses décisions étaient aussi changeantes qu'une girouette sous l'emprise du vent. Le chevalier écroulé derrière l'urne, la femme était la seule réellement visible et du coup, elle devenait sa partenaire de jeu attitrée.

Ce grand garnement d'Hullmat était tellement heureux de trouver une amie de jeu, qu'il faisait tournoyer son marteau qui s'enveloppa d'électricité au fur et à mesure. Si jamais il frappait le sol, les foudres de la rédemption s'abattraient sur les deux vivants, les grillant jusqu'à la moelle, tel était leur châtiment pour avoir profané son tombeau. Et en attendant, Orpheus continuait de se trainer très lentement en luttant contre le sommeil qui semblait bien plus attirant qu'une femme nue sur le coup.

En un sens ils étaient plus ou moins sur la même longueur d'onde. Plus car le chevalier venait de valider son ébauche de plan, ce qui était toujours mieux que rien puisqu'elle ne savait vraiment pas quoi faire d'autre. Moins parce qu'il la chargea d'enflammer la dépouille pendant qu'il s'occupait du fantôme de l'aigrefin. Elle n'eut pas même le temps de protester qu'il se dirigeait déjà vers son adversaire... L'elfe était bien incapable de dire ce qu'il se passait exactement dans l'esprit d'Orpheus. Peut-être se voyait-il fièrement dressé face à son adversaire, lame au clair avec une petite aura de détermination le rendant plus puissant encore? En tous cas, de son coté, elle le vit chanceler pathétiquement vers lui, se trainant presque pour se mettre à portée de coup. Cela donnait un effet cataclysmique d'un mourant essayant d'abattre un chêne vigoureux armé d'une simple cuillère à café, émoussée de surcroit. Son geste était tellement incompréhensible à ses yeux qu'elle resta coite et immobile, regardant le chevalier courir vers une mort certaine... Et elle était presque sûre que l'aigrefin avait du se poser la même question... Sans cela Orpheus n'aurait certainement pas eut la chance de chanceler avant d'être toucher, son mouvement pouvant difficilement être qualifié d'esquive.

Cela n'empêcha pas la mage rouge de sursauter, ce qui eut le mérite de la sortir de sa léthargie médusée. Heureusement, elle n'eut pas à le tirer à nouveau par le col, pour le faire revenir à la raison cette fois-ci, puisqu'il comprit fort bien tout seul que tout ce qu'il parviendrait à faire dans son état serait probablement de retapisser une partie des murs... Elle ne fit pas de commentaire, n'ayant que quelque chose de cinglant aux lèvres, mais le laissa tanguer vers son nouvel objectif... De toute façon, elle avait désormais mieux à faire. L'aigrefin dardait maintenant vers elle ses petits yeux mauvais, la trouvant certainement plus stimulante à juger que le chevalier. La jeune femme ne put s'empêcher de déglutir en se disant que non seulement elle le faisait en moitié en largeur et en hauteur, même s'il n'était plus qu'un esprit, mais qu'en plus, elle n'avait que ses jambes pour se sortir d'affaire...

-Miséricorde...

Maintenant face à face avec un adversaire dont elle se serait agréablement passée, la jeune femme était en train de se dire qu'elle ne valait guère mieux que le chevalier chancelant. Surtout en voyant le fameux Hullmat en train de faire tournoyer son marteau avec un air de joie mauvaise sur ses traits désincarnés. Aucune des potions qu'elle affectionnait tant ne parviendrait à l'ébranler, il n'avait plus de poumons à enfumer, plus d'yeux à faire pleurer. Bref, rien à solliciter... Son seul espoir était de tenir le temps qu'Orpheus fasse la seule chose susceptible de mettre définitivement à mal le repos de leur adversaire. Malheureusement le chevalier ne laissait plus voir deux lui que deux bottes derrière une urne. Ces dernières remuaient bien faiblement mais elle n'était même pas capable de savoir si le bonhomme était encore conscient. Déjà, cela ne sentait pas le cochon grillé suite à sa chute avec la torche, c'était toujours ça de gagné... Pour l'instant...

-Par contre vite hein? Parce que je suis pas sure que mon corps l'occupe suffisamment longtemps...

Elle eut un sourire idiot à l'intention de l'aigrefin qui pouvait parfaitement entendre ce qu'ils se disaient, même s'il n'avait pas l'air d'avoir briller pour son intelligence de son vivant. Et que cela n'avait pas l'air de s'être arrangé depuis son décès... En attendant, le marteau u juge continuait à tournoyer et se charger en électricité, ce qui n'arrangeait pas son affaire. Dans un geste désespéré, la jeune femme attrapa une petite urne abandonnée là pour la lancer sur l'esprit... Le traversant de part en part sans lui faire le moindre dommage. Consternant... Sauf pour le Juge qui se mit à rire de sa grosse voix sinistre. Piquée au vif, la jeune femme se promit de lui faire correctement mordre la poussière, ne serait-ce que pour calmer sa frustration...

L'aigrefin avait un avantage certain sur eux. Il suffisait qu'il abatte son marteau au sol pour les griller tous les deux sans avoir à froisser un bout de linceul. Et rien ne pouvait le détourner de sa tâche... Alors si elle voulait que le chevalier ait le temps de brûler son cadavre desséché, fallait qu'elle empêche ce foutu marteau de heurter le sol. Facile ben voyons non? L'elfe eut un rire amer alors qu'elle s'empressait de vider le contenu de sa sacoche en cuir dans un coin de la pièce. Il fallait vraiment qu'elle prenne l'habitude de prendre une bonne corde bien solide, quitte à en acheter une elfique et de se ruiner sur deux générations... Armée de sa fier sacoche de cuir vide, elle essaya de rassembler tout ce qu'il lui restait de courage et adressa une petite prière au dieu de la chance...

Misant sur sa rapidité et sa dextérité, et surtout sur la surprise de l'aigrefin qui ne s'attendrait certainement pas à ce qu'elle agisse aussi stupidement, elle se jeta presque sur lui à pleine vitesse. Presque seulement car son but était en fait la tête du marteau autour duquel elle fit passer la sangle de sa sacoche afin d'avoir prise sur lui. Puis elle essaya de tirer de tout son poids en arrière, alors qu'elle partait dans son dos. Il y eut deux points qui se réalisèrent admirablement dans son plan. Le marteau arrêté en plein tourbillon se retrouva temporairement « déchargé » avant d'avoir touché le sol. Ensuite sa sacoche se révéla être d'excellente qualité puisqu'elle résista à la pression sans qu'une couture ne craque... Par contre elle aurait dut savoir que son poids plume ne serait pas compensé par sa vitesse.

L'esprit s'accrocha à son marteau et entreprit de faire lâcher prise à la folle furieuse qui s'y était accrochée à l'aide de son sac et qui l'empêchait obstinément de l'abattre au sol lorsqu'il essayait. Et comme il étai plus grand et plus fort qu'elle, et que son marteau possédait un long manche, il ne mit pas si longtemps que cela à trouver comment faire... Il commença à l'envoyer vers le mur, bien décidé à broyer suffisamment les os de la demoiselle pour lui faire lâcher son fichu sac. A chaque mouvement, elle avait beau freiner, elle se retrouvait projeter contre le mur, le percutant violemment...

-Orphéus !! BOUM ! Si tu BOUM ! pouvais BOUM ! accélérer BOUM !! la cadence !! BOUM !!!!

Il est fort probable que dans son état de faiblesse, Orpheus soit par la même occasion dans une espèce d'état d'ébriété ce qui expliquerait de nombreuses réactions venant de sa part. Se dresser mollement devant le juge qui était bien plus vigoureux que son corps ramolli était bien une des plus belles idioties possible et heureusement que le ridicule ne tue pas encore d'ailleurs. Le corps du chevalier le ramena vite à l'ordre, fort heureusement. Du coup, il tomba sur le côté en donnant à Bellinda la lourde tâche de jouer les appâts. Et ce n'était pas une mince affaire avec cet esprit qui manipulait le marteau comme si il s'agissait d'une brindille. La puissance destructrice de l'arme n'était plus à prouver. Mieux valait rester éloigné plutôt que de s'y coller de trop près.

Alors que faisait Orpheus dans son coin. Sa botte ne bougeait pas tant que ça, il était allongé avec sa torche et c'est finalement la main dans la flamme qui la ramena très vite dans le monde des vivants. S'endormir dans cet endroit quelle idée. Probablement un effet secondaire de la potion ingurgitée! La tête blonde dépassa un peu pour voir comment s'en sortait la femme. Pour ainsi dire, ce n'était pas très glorieux à voir. Malgré tout, la femme tenait fièrement tête et était même parvenue à stopper les décharges qui les auraient grillé et terrassé à tout jamais dans ce tombeau hideux. Ils auraient rejoint les autres cadavres qui jonchaient la salle, d'autres valeureux guerriers qui s'en étaient sortis avec un bras en moins lors de leur passage à côté des champignons. L'esprit de nouveau bien en place, le blondinet reprenait son avancée.

Les vers constituent un groupe très hétérogène d'animaux invertébrés qui partagent une caractéristique commune, à savoir un corps mou, flexible, de forme allongée et ne comportant aucune partie dure. Leur morphologie, adaptée autant à la vie parasitaire qu’à des modes de vies autonomes et libres, leur permet de coloniser une large gamme d’environnements terrestres et aquatiques. Il s'avère que ces derniers peuvent à de rares occasions prendre la forme d'humains, à moins que ce ne soit l'humain qui ne devient le ver. En tout cas, on avait le droit à un magnifique spectacle d'une créature à la touffe blonde sur la tête en train de se trainer dans la poussière avec une torche tenue devant lui. Les bruits qui résonnaient ne lui disaient rien de bon. Fort heureusement, la voix de la femme indiquait qu'elle était toujours en vie.

Régulièrement, Orpheus relevait la tête pour voir où ils en étaient. Faute était de constater que son alliée était mise à mal et que le temps finirait par manquer si il ne se bougeait pas l'arrière train. Elle remplissait parfaitement sa part du marché, alors il devait être digne de sa mission également! Puisant dans ses dernières ressources, les plus lointaines et profondes de son corps, le blondinet continua de jouer l'asticot, mais cette fois-ci, l'asticot énervé qui s'agitait de manière frénétique.

Les murs qui tremblaient le corps de la femme qui s'écrase juste au-dessus de lui entrainée par le marteau, la fin approchait et si ce n'était pas celle du juge, ce serait celle de l'elfe, puis la sienne. Sa dernière volonté le poussa en avant, levant la main pour atteindre le cercueil de pierre, se hissant avec difficulté. Le juge était en train de réaliser sa propre justice, levant son marteau bien au-dessus de sa tête dans le but cette fois-ci d'écraser une bonne fois pour toute la vermine qui s'était collée à son arme divine. A ce moment là, le chevalier lui cria un petit quelque chose qui détourna son attention, le stoppant momentanément dans son geste au plus grand soulagement du mage rouge.

"Chaud devant!"

Le feu prenait lentement le corps et il soufflait dessus pour l'animer d'avantage. L'esprit affolé revenait en détresse vers son habitacle pour essayer de tapoter dessus. C'est à ce moment là qu'Orpheus comprit, qu'il n'avait rien de matériel. Seul sa pensée soulevait le marteau. Finalement, un mort reste toujours à sa place peu importe les circonstances. Hullmat, les yeux exorbités, était en train de proférer les pires des injures, les malédictions s'étendant sur le reste des générations qui viendraient des deux présents dans la salle, et ainsi de suite. Sa mine se décomposait au fur et à mesure que ses restes disparaissaient à tout jamais. Orpheus se traina plus loin pour ne pas avoir à sentir toute la fumée et les odeurs pestilentielles qui se dégageaient maintenant du foyer des flammes. Dans un mouvement de désespoir, Hullmat reprit le marteau pour l'abattre sur les deux jeunes gens qui étaient regroupés, mais ne trouva finalement pas la force de continuer son geste. La garde de l'arme traversa ses doigts immatériels alors que son esprit se désagrégeait dans un long hurlement de souffrance.

"Passe le bonjour là où tu vas."

Ne se souciant plus de l'état de sa personne et de ses vêtements, le blondinet était en train de reculer sur le dos jusqu'à la position de Lili. Tout ce qu'elle avait dû endurer si fièrement n'avait pas été en vain, elle en avait vraiment dans le ventre et ce n'était pas donné à n'importe qui. Maintenant, il ne savait pas si elle avait tous les os de son corps brisés, si elle était en parfaite santé ou bien mourante dans un coin.

"Lili? Est-ce que ça va? Enfin je veux dire, est-ce que t'es toujours en vie, ce serait déjà pas mal..."

Jusqu'à maintenant Lili n'avait jamais fait de rodéo de sa vie. Et bien elle était quand même à peu près certaine que les sensations devaient être à peu près identiques. Ne pas être maître de ses mouvements, ne pas savoir où on allait et se prendre toute une collections de chocs à même de vous briser les os. Le tout à cause d'un animal stupide... Oui, elle en était certaine, cela devait à peu près ressembler à ce qu'elle était en train de subir. L'aigrefin avait clairement l'air mécontent qu'elle se soit ainsi interposée dans son attaque qui aurait eu le mérite de rapidement résoudre ses soucis avec un minimum d'énergie. Au lieu de cela, il se retrouvait avec un poids d'une cinquantaine de kilos qui gesticulait et se démenait comme un démon pour que la tête de son marteau n'entre pas en contact avec le sol. La technique était simple et rudimentaire mais efficace. Même si cela demandait pas mal d'efforts et de douleurs de la part de la mage. Systématiquement, dès qu'elle sentait l'amorce du mouvement pour l'abattre, elle faisait en sorte d'exercer une force contraire. Au final le coup était dévié...

Passé un moment, le juge avait comprit qu'il devait se débarrasser de ce singe avant tout. Et comme elle était assez maligne pour ne jamais se retrouver en contact avec la tête du marteau, histoire de ne pas lui faciliter les choses, il était obligé de se servir de la force d'inertie, en laissant faire son élan. En gros il frappait dans tous les sens, vers les murs, et laissait la jeune femme s'y écraser lamentablement, dans l'espoir qu'elle lâche prise ou qu'elle soit assez sonnée pour le laisser porter son coup final. Sauf que l'elfe était telle une moule particulièrement têtue accrochée à son rocher, elle ne lâchait pas et tenait bon. Hormis les tentatives de l'esprit pour écraser son marteau au sol, elle n'avait conscience d'absolument rien d'autre autour d'elle. Sauf des obstacles qu'elle venait régulièrement embrasser contre sa volonté. Une partie d'elle espérait vraiment que le chevalier n'était finalement pas mort dans son coin et que tous ses efforts n'étaient pas vains... Ce qui ne devaient être qu'une poignée de minute lui semblait être un jour entier... C'était une véritable torture...

-Scramalafaf !!

En plus, à être secouée comme ça, elle ne parvenait même pas à lui dire le fond de sa pensée, un mélange de mots doux et de noms d'oiseaux exotiques, le tout associé à la prétendue vertu de la mère du juge. Le principale c'était qu'elle visualisait bien la chose dans sa tête, sa soulageait tout autant que de s'époumoner... Mais contrairement à l'esprit, Lili n'avait pas un corps immatériel, ni la force surhumaine des chevaliers noirs. Elle sentait qu'elle lâchait prise et sa vision était de plus en plus difficile à force de coups. Son crâne n'était plus qu'un immense gong qui raisonnait douloureusement, ses épaules lui semblaient criblés d'aiguilles chauffées à blanc. Bref elle sentait qu'elle n'allait pas tarder à lâcher. Un dernier mouvement plus rude encore que les autres lui fit décoller les pieds de terre et elle se sentit voler pendant un court instant. Grisant comme sensation. Moins celui de l’atterrissage... Elle ne parvint même pas à atténuer le choc, percutant le mur de plein fouet avec un craquement sinistre.

L'elfe fut particulièrement surprise d'être encore en vie, et consciente surtout, lorsqu'elle glissa lamentablement au sol. Sol qui lui parut étonnement doux, frais et confortable. Son bras gauche pendait d'une façon plutôt alarmante, innovant totalement en terme d'angles et elle comprit qu'elle avait du mal à voir son adversaire parce que l'un de ses yeux refusait désormais de s'ouvrir. Le goût métallique qu'elle avait en bouche fut rapidement identifié comme du sang mais ses rapides coups de langue lui indiquèrent qu'aucune ratoune ne manquait à l'appel. Elle avait juste l'impression d'être un gros vase ming venant de chuter du haut d'une armoire et avait autant de force qu'un poulet noyé... Elle avait conscience qu'il fallait qu'elle bouge, surtout avec l'ombre menaçante de l'aigrefin dressé au-dessus d'elle, son marteau armé, avec toujours son sac qui pendouillait, mais elle n'avait même plus la volonté de ramper dans un coin.

Elle entendit alors Orpheus puis vit une grande lumière indistincte. Son adversaire sembla trouver ce spectacle plus important que d'achever de l'écrabouiller consciencieusement. Grande dame, Lili ne lui en tint pas rigueur... Elle avait juste un peu de mal à remettre ses yeux en face des trous et à tirer les conclusions logiques de ce qu'elle observait tant bien que mal. Le chevalier était finalement parvenu à embraser le corps du juge qui se révéla un combustible tout à fait efficace au grand désarroi de son propriétaire. L'idée finit tout de même par faire son chemin et la jeune femme ricana au travers de ses lèvres fendues. Il pouvait bien les maudire sur toutes les générations qu'il voulait, au moins, il n'allait plus rester de lui qu'un petit tas de cendre bien propret. Bien fait pour lui !!

Un mouvement finit par attirer son attention, à peu près à la même hauteur qu'elle. En plissant les yeux, même si cela faisait mal, elle parvint à identifier Orpheus de son oeil valide. Regroupons les troupes... Ce n'était finalement pas si mal que cela qu'ils soient au sol, ils étaient ainsi dispensés de la fumée âcre du brasier. Heureusement il n'y avait rien d'autre dans la pièce qui puisse bruler, ça leur éviterait de finir rôtis... L'effort de concentration pour comprendre les sons qui sortaient de la bouche du chevalier lui parurent vraiment titanesques. Et en plus elle n'avait pas envie de bouger pour voir dans quel état elle était...

-Toujours là !!

Enfin c'était pas vraiment ça qui sortit de sa bouche, les lettres étant déformées à cause de ses lèvres tuméfiées. Elle parvint tout de même à faire un sourire et à pointer le pouce en l'air . Ca aurait put être vraiment très classe. Sauf qu'Orpheus put voir que tous ses doigts étaient écorchés, l'un des ongles pendait d'ailleurs de façon étrange, son oeil droit était complètement gonflé, ne s'ouvrant plus et prenant une teinte noire, ses lèvres étaient tuméfiées et son sourire sanguinolent. En plus ses cheveux blancs étaient poisseux de sang, même si ce n'était que des coupures mineures du cuir chevelu. Quant à son bras gauche... Un simple coup d'oeil à son angle suffisait à provoquer un frisson d'horreur d'anticipation... Mais elle était en vie! Elle avait juste envie d'une petite sieste là !

Au moment où la vie ne tenait plus qu'à un fil, où tout se jouait, les humains étaient de ceux qui réussissaient à puiser dans une source de force insoupçonnée. Cette volonté qui pouvait tout autant être fragile, pouvait se tourner en force. Ce n'est pas pour rien qu'Orpheus possédait le bouclier de la volonté, ce bracelet pouvant matérialisant une belle protection éthérée, tant que sa détermination demeure sans faille. Encore fallait-il pouvoir tenir debout pour s'en servir. A l'état d'asticot, le blondinet devait se démener pour remplir sa part du contrat et une autre faisait les frais de sa lenteur juste à côté de lui. Elle pouvait bien le croire mort au vue de son silence au bout d'un certain temps mais il était toujours en train d'avancer, plus lentement qu'un escargot, récupérant chaque centimètre comme une victoire personnelle.

Au bout du compte, le flambeau tomba sur le corps, le consumant avec lenteur tandis que les victorieux, savouraient enfin le calme. Plus aucun idiot en train de mouliner dans tous les sens avec son marteau. Ce dernier était retombé lourdement, fissurant le sol à l'endroit de sa chute. Pendant ce temps, le jeune homme se trainait en direction de l'elfe allongée. Ils avaient vraiment bonne mine, Lili encore plus resplendissante que jamais. Le chevalier réussit à se rapprocher proche d'elle à quatre pattes pour s'apercevoir de l'état de ce corps dans son intégralité. Cette victoire le mettait de belle humeur, comme quoi il n'était pas toujours grincheux non plus.

"Je dois bien admettre que tu en as dans le ventre!"

Avoir le courage de risquer sa vie de la sorte, essuyer ces blessures et parvenir à être encore conscient, il l'applaudirait bien si il n'était pas occupé à essayer de garder l'équilibre. Finalement, elle était en bien plus piteux état, il n'avait absolument pas à se plaindre avec sa petite blessure d'araignée. Le bras de Lili, ses ongles, son corps, son visage, tout respirait la souffrance et pourtant elle souriait. Ses dernières forces usées, le chevalier s'écroula face contre terre juste à côté de l'elfe, parvenant à une conclusion certaine.

"Peut-être que je vais me reposer… Un tout petit peu… Un tout petit petit peu…"

Et ainsi, le marchand de sable l'étouffa sous ses poussières magiques pour que le corps et l'esprit usés puissent commencer à se régénérer. Une heure ou deux, ou trois passèrent, en tout cas, pas assez pour que tout se soigne miraculeusement. Lorsqu'il ouvrit les yeux, Orpheus jetait un coup d'oeil hagard autour de lui. Lili était encore assoupie. Du bout des doigts, il s'assura qu'elle respirait encore pour pas avoir un corps sur les bras. Ce qui attira particulièrement son attention, c'était ce marteau géant qu'il n'aurait pas la force de soulever actuellement. Pourtant, il avait bien envie de l'emporter en guise de trophée. Du bout des doigts, il effleura cette masse lourde qui avait fracassé l'elfe. Si solide, si peu fin… Cela ressemblait bien à un aigrefin. En continuant à le toucher, la chose se mit soudain en mouvement, en suspension dans l'air comme si elle était dépourvue de poids. Maintenant il s'en rappelait, le pouvoir de la chaine qu'il avait obtenu au terme de cette entrevue au château, ce pouvoir mystérieux qui l'avait fait flotter à plusieurs reprises, il s'agissait de la gravité même. Et sous cet optique, même un gringalet d'apparence comme lui, comparé au massif aigrefin, pouvait se servir d'une telle arme.

Souriant, le chevalier remarqua un trou assez conséquent dans un des coins de la salle, le genre de trou qu'on ne manque pourtant pas mais qui était dans un angle qui ne facilite pas non plus le repérage. Sans perdre de temps, son esprit faisait le lien entre les autres squelettes qui jonchaient le sol et celui-ci. Le chemin qu'ils avaient emprunté pour descendre était tout neuf. Il s'était ouvert sous ses pieds ce qui signifiait probablement que les pilleurs de tombe étaient passés par un autre chemin non? Ce n'était plus le moment de partir à l'aventure et tomber sur pire, surtout lorsqu'on est deux bras cassés, enfin, une bras cassée.

Avec grand difficulté Orpheus donna de petites tapes sur les joues de Lili, rien à voir avec les frappes de brute dont il s'était servi la première fois pour essayer de lui faire retrouver ses esprits.

"Hey, folle de potions, on devrait sortir de là. Si tu m'entends, fait moi un signe ou sinon je serai obligé de te porter."

Il aurait également pu la laisser là mais cela ne semblait pas… juste en quelques sortes. Du coup, Orpheus cherchait une solution pour retrouver la surface dans tous les cas, puis une ville, n'importe laquelle pour penser toutes ces blessures convenablement. Lili allait ressembler à une momie si on venait à tout soigner, ce serait amusant à constater.

Elle en avait peut-être dans le ventre mais elle était bien contente de ne pas être un garçon... Si elle parvenait à réfléchir trente secondes, il lui semblait bien avoir prit quelques coups vers une certaine zone qui auraient pu se révéler bien désagréables alors. Ah, pour ça, ils faisaient une belle équipe. Lui à moitié exsangue et franchement roussi et elle au sortir d'un match de boxe contre un troll. Heureusement que personne d'autre ne sortait de ce sarcophage, elle se demandait bien comment ils auraient pu se défendre... En leur saignant dessus peut-être...? Franchement, elle était même trop fatiguée pour bouger. Le sol inégale était presque plus confortable qu'un lit moelleux à ses yeux. C'était pour dire !

Quant au chevalier, elle n'eut pas la force de lui dire le fond de sa pensée. Quand même, la prochaine fois qu'il avait en tête d'explorer un tombeau inconnu et faussement abandonné, il valait mieux qu'il empêche la mage rouge de le suivre, déjà, et ensuite qu'il fasse en sorte d'être un peu mieux équipé et accompagné... Mais ils étaient vainqueurs, c'était bien là le principal non? Et pour l'instant ils étaient encore en vie. Lorsque le chevalier s'effondra face contre terre à coté d'elle, elle parvint à lever un sourcil. C'est que ça avait du faire mal... Elle se serrait bien approcher pour voir si, justement, cela n'avait pas été trop douloureux mais à peine eut-elle l'idée que son corps l'informa d'une façon fort courtoise que, non, vraiment, bouger était une très mauvaise idée.

Alors en guise de réponse, elle eut une vague moue accompagnée d'un mouvement de la tête et d'un clignement d'yeux. Ce qui se traduirait grosso modo par « mais bien sûr très cher ami, je rejoins parfaitement votre idée que je trouve particulièrement éclairée. Commencez donc, je ne vais pas tarder à en faire de même »... Orpheus piqua donc du nez avant Bellinda, quoi que le cerveau de la jeune femme était suffisamment en stand by pour qu'on puisse estimer qu'elle était déjà pas mal endormie. D'ailleurs elle ne se sentit même pas partir, les choses devinrent juste encore plus floues et son corps d'autant plus insensible. Et au final, elle se laissa complètement aller contre le sol...

On ne peut pas vraiment dire que le somme lui fit du bien... Bon, coté énergie, on pourrait la considérer comme un peu plus vaillante qu'avant. Mais comme toute son adrénaline était tarie, son corps l'informait allègrement de tous les endroits où il avait mal. Faisons simple, il lui semblait bien ne pas avoir mal au petit orteil de son pied gauche. C'est tout. Le reste n'était que bleus, bosses, fractures ou plaies et tout délicat fut le chevalier en lui tapotant les joues pour la réveiller, il n'arrangea pas son état général... Elle finit par le repousser avec délicatesse, puisqu'elle n'avait pas la force de le pousser plus fort...

-La vache... Pourquoi j'ai l'impression qu'un troupeau de rhinocéros m'a piétinée...?

Question rhétorique... Elle essaya de se redresser mais la douleur qui irradia de son épaule fut telle qu'elle vit trente-six chandelles. Cela la laissa un peu essoufflée, le front couvert de sueur. Elle avait tous ses os des jambes intactes et pouvait donc marcher mais elle allait devoir prendre quelque chose si elle voulait pouvoir faire plus d'un mètre sans s'effondrer pour pleurer dans un coin comme une fillette. Du regard elle essaya d'un peu mieux se localiser dans la pièce étant donné qu'elle n'avait plus grands souvenirs de comment elle avait atterri là précisément... Et un sourire vint se dessiner sur ses lèvres douloureuses lorsqu'elle avisa le petit tas de potions et composants qu'elle avait fait avant de se jeter sur le marteau... Il n'était qu'à quelques mètres d'elle.

Serrant les dents, et son bras meurtri contre elle, elle se redressa en s'adossant au mur. Cela ne devait pas être bien agréable car elle pâlit à vue d'oeil mais elle parvint à tenir sur ses deux jambes. Une fois cela fait elle se traina lamentablement jusqu'au petits flacons qu'elle observa de longues secondes. Elle avait repéré celui qui l'intéressait depuis le début mais son cerveau avait besoin de se préparer à l'action de se baisser et de l'attraper de sa main valide. Ce qui ne fut pas une mince affaire. A croire qu'elle avait 80 ans et qu'elle était percluse de rhumatismes. Une fois la bouteille en main elle fit sauter le bouchon à l'aide de son pouce et la vida entièrement en trois longues gorgées. Cela avait un goût atroce mais ça ferait bien l'affaire...

Quelques instants plus tard Orpheus put noter un net changement corporel chez la jeune femme. Elle paraissait complètement détendue et presque ragaillardie. De mauvaises langues pourraient même préciser « complètement pétée »... La demoiselle ne ressentait plus la moindre douleur. Elle n'était absolument pas guérie mais tous ses nerfs étaient endormis. Ce qui allait certainement faciliter leur sortie... Au bout de quelques instants elle laissa retomber son bras cassé et le fit vaguement « onduler » avant d'avoir un petit rire idiot. C'est que ça bougeait de façon rigolote un bras complètement cassé !

En se tournant un peu vivement son bras parti comme un foulard en plein vent. C'était flippant. Ou ridicule. En tous cas la Lili était sur un petit nuage, on aurait pu la cribler de flèches, qu'elle n'aurait rien senti. C'était atrocement dangereux mais bon, il fallait bien sortir et elle n'allait pas laisser le chevalier la porter.

-Je vais avoir besoin d'aide pour récupérer tout ça. Dans mon sac. Ca va?

Tout est bien qui fini bien enfin, qui est presque fini. Orpheus s'imaginait déjà devoir trainer sa carcasse en plus de celle de Lili à travers ces ruines en essayant d'entre-apercevoir des éventuelles flèches sur les murs trop en hauteur si jamais il était en train de ramper. Tous les cas de figure qui impliquaient une sortie réussie, impliquaient également beaucoup de contre-temps. Il n'avait pas eu de chance d'être tombé là. Si il n'y avait eu le marteau pour compenser toute cette descente, il se serait acharné sur le cercueil de pierre lui-même, quand bien même le cadavre n'était plus que cendre. Sacré juge, même dans sa mort il avait réussi à émettre un dernier jugement et ce, sur une pauvre femme. De son vivant, il devait être de ceux qui écrasait n'importe qui du moment que cette personne l'importunait. Au moins, il avait raté son coup, bien qu'elle était brisée à plusieurs endroits. Mais du moment qu'elle pouvait parler et rouspéter c'était bon signe.

"Peut-être parce que des rhinocéros sont passés pendant qu'on dormait?"

Répondre ça avec le plus grand sérieux du monde, comme si il y croyait dur comme fer, voilà bien une scène qui méritait d'être immortalisée. Hélas, il n'y avait aucune magie qui ne puisse saisir ce moment à cet instant c'est pourquoi cette discussion se perdrait avec la légende du chevalier et du mage rouge qui avaient dépossédé Hullmat le juge de son marteau en lui cramant le corps.

Roulant sur le côté, le blondinet regarda du coin de l'oeil les petites tentatives de redressement de Lili, non sans cacher son amusement car lui aussi avait du mal à bouger. Enfin, ce n'est pas comme si il s'était fait écraser par un marteau à plusieurs reprises, lui ne s'était contenté que de se faire déchirer par une araignée géante. D'ailleurs, il pouvait s'estimer presque heureux de ressortir qu'avec une cicatrice au bout du compte. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, la femme se redressa et marcha comme une éclopée vers ses potions. A la vie à la mort, les potions d'abord? Ah, mais c'est qu'elle devait avoir de quoi les requinquer vite fait bien fait!

Après avoir bu un de ses breuvages, elle semblait… tranquille, presque toute molle même et son bras ne faisait que renforcer ce tableau de mollassonne. Cette fois-ci, elle n'avait pas bu une potion d'adrénaline comme il en avait pris mais plutôt quelque chose qui devait s'apparenter à de l'alcool? D'ailleurs, il ne serait pas étonnant d'en voir dans la composition. Enfin, du moment qu'elle pouvait marcher sans grimacer à chaque seconde, c'était une bonne chose. Par contre, il faudrait réellement faire quelque chose pour le bras qui avait tendance à prendre des angles un peu trop imprévisibles. Pour le guérir, ce ne serait pas une partie de plaisir.

"J'arrive, laisse moi cinq secondes le temps que je me rappelle comment on bouge son corps."

Pénible était cette levée de corps. Ce qui était d'autant plus pénible, c'était de marcher, de rester en équilibre. Au bout du compte, il se répétait intérieurement qu'il n'avait pas à se plaindre, qu'il n'avait pas un bras cassé et un visage à faire fuir des gosses. Il n'avait rien de mortel, vu que son sang était déjà sorti de son corps. Alors courage! Tout aussi vieillard que Lili lorsqu'elle s'était redressé, le chevalier rassembla les potions du bout des doigts et les rangea dans le sac en se demandant comment il allait faire pour se redresser si jamais son dos se bloquait dans cette position. Oui, une fois le combat terminé, on a de nombreuses petites questions inintéressantes à se poser.

"Bon, bon, bon. J'ai rien oublié? On peut peut-être y aller? Non pas que ça devient étouffant dans le coin… Et tu n'aurais pas un truc pour moi d'ailleurs? Je me sens un peu… faible."

Son instinct lui disait de prendre le trou creusé dans le mur, son corps lui hurlait "STOP!". Bien entendu, Orpheus n'écoute jamais le corps est reste têtu jusqu'au bout alors il se força à se mettre en marche, suivi par la femme élastique à qui il avait fait une écharpe avec bout de sa cape pour maintenir le bras dans une position presque normale. La guérison serait très douloureuse et il ne voudrait pas être le médecin qui aurait à tout réparer chez elle. Pour fermer la marche, le marteau les suivait bien sagement, gravitant en accord avec la chaine qui dépassait de la manche déchirée de sa tenue légère.

"Un petit souvenir pour tout le mal qu'on s'est donné."

Comme ça, il pourrait raconter à… à personne en fait, il n'avait personne qui serait intéressé par une histoire de pilleur de tombe, de marteau et de revenant aigrefin. Sur plusieurs mètres, ou kilomètres, ils marchèrent, que ce soit en montée ou en descente, la marche était pénible et si il n'y avait la fatigue pour diluer tous ses sens, le chevalier serait en train de grogner inlassablement. Au lieu de ça, il avançait comme un possédé ou bien un simple d'esprit, allant simplement où le chemin le mène, que ce soit dans un précipice ou un ravin, il avançait jusqu'à ce que la lumière lui soit rendue.

"C'est quoi la ville la plus proche déjà? Il va falloir y faire une petite escale je pense."

La jeune femme regarda la salle pendant quelques instants, sourcils froncés, sa concentration sérieusement mise à mal par les effets secondaires de la potion anti-douleur… En fait, elle était bel et bien à la recherche des traces des supposés rhinocéros. C'est ainsi que son regard finit par tomber sur le marteau du juge qui "flottait", plus ou moins, grâce à une chaîne qui semblait se perdre dans la manche du chevalier. Elle le considéra quelques instants, un frisson secouant son échine mais s'abstint de commenter la prise d'Orpheus. C'était son droit… Même si elle ne pourrait probablement plus voir ce genre d'arme sans que de vieilles douleurs ne se réveillent… Et puis… Elle aussi avait donné de sa personne, ça l'ennuyait un peu de partir les mains vides. Mais bon, elle serait bien incapable de soulever le marteau, elle n'allait pas le revendiquer non plus. Puis c'était pas son style…

Et puis lui aussi s'était pas mal donné… Ca se sentait bien dans sa façon de se traîner vers elle. Dans le brouillard vaseux de sa réflexion, elle se demanda si e chevalier serait en état de rejoindre la civilisation. Ils avaient tous les deux besoin de soin et, surtout, de repos. Elle envisageait de faire la sieste la plus longue de sa vie… Et ce avec une certaine délectation. Que ses vieux maîtres qui attendaient ses plantes aillent voir ailleurs si elle y était, elle comptait bien s'offrir quelques jours de repos. De toute façon, avec un bras comme ça, elle n'était bonne à rien… Autant rester alitée à potasser, ça ferait des vacances à tout le monde. 

Lili observa le sol en se concentrant pour voir si rien n'avait été oublié, le laissant nouer le bout de cape qu'il venait d'improviser en écharpe. C'était pas mal comme idée, cela évitait à son bras de se promener partout et en tous sens, défiant les règles élémentaires de l'anatomie. que lui restait-il en stock coté soins? Un baume cicatrisant destiné aux petites plaies et bosses, un autre destiné à apaiser les brûlures… Un autre anti-douleur… Le reste était plutôt offensif. D'un mouvement du menton, elle désigna son sac encore ouvert dont on voyait dépasser quelques bouchons.

-La petite bouteille bleue avec le bouchon en liège clair. C'est un anti-douleur… Mais gaffe, ça donne la gueule de bois après. Puis on sent plus rien du tout…

C'était donc à double tranchant… Mais si ça pouvait l'aider, ça la dérangeait pas qu'il s'en jette un derrière la cravate. Elle n'avait rien de mieux à lui proposer… La potion qu'elle avait utilisé pour le booster avant était très chère et compliquée à réaliser, c'est pour cela qu'elle n'en possédait qu'une bouteille… Il devrait donc faire sans, en espérant qu'il tienne le coup... De toute façon, elle comptait bien passer par le trou dans le mur, il était hors de question qu'ils rebroussent chemin dans l'état dans lequel ils se trouvaient tous les deux, autant creuser leur propre tombeau…

-La ville la plus proche…?

C'est vrai qu'ils avaient besoin de gens compétents pour les soigner… Son esprit fatigué essaya de se représenter la carte de Nel qu'elle avait tant de fois observer à la bibliothèque. Même si elle ne pouvait pas localiser précisément le tombeau, elle savait à peu près où ils se trouvaient. Et quelle était la ville la plus proche. La jeune femme pâlit brusquement, faisant ressortir le camaïeu de bleus qui ornaient de son visage…

-C'est Malificium… Tu comptes vraiment aller au mouroir?

Jusqu'à maintenant, elle ne connaissait les lieux que de réputation… Mais quelle réputation !!! Elle préférait rentrer dans son état, à genoux, jusqu'à Bénécius et son auspice plutôt que de tenter sa chance avec ces malades. Ils étaient bien capables de s'amuser avec eux et qui pouvait savoir dans quel état ils finiraient par sortir de l'établissement de soins. S'ils en sortaient… En tous cas le chemin qu'ils suivaient maintenant ressemblait à un tunnel grossièrement taillé, elle n'avait pas trop à se pencher, ce qui était pas mal… Des pilleurs de tombe avaient du localiser l'aigrefin et creuser en ligne droite jusqu'à la chambre mortuaire. Avec un peu de chance, la sortie serait intacte… D'ailleurs, les courants d'air lui indiquaient qu'il y avait bien une ouverture, ça laissait place aux espoirs les plus fous !

-Comment tu vas faire pour le marteau, il a l'air rudement lourd…

Elle voyait bien qu'il l'avait déjà avec lui mais elle avait du mal à visualiser comment il allait faire avec sa chaîne pour le manipuler librement…

Pour sortir de là, il faudrait avoir recours au moindre petit coup de pouce, que ce soit une potion au gout exécrable ou autre, Orpheus ne crachait sur rien, en partie parce qu'il avait la gorge tellement sèche qu'il n'aurait pas eu de salive à cracher. C'était donc avec un grand soulagement qu'il apprenait qu'il détenait actuellement un breuvage permettant d'atténuer la douleur, ou plutôt réduire sa sensibilité à néant. Pratique lorsque le moindre mouvement est un calvaire. Alors les effets secondaires, il pouvait bien les mettre au second plan: mieux valait être vivant et vivre plutôt que mort et sobre.

Après avoir procédé à toutes les préparations à savoir la mise en place de l'écharpe pour Bellinda, l'ingurgitation de la potion pour le chevalier, les voilà partis par un trou, un total jet de dé qui pouvait tout aussi bien les conduire dans les profondeurs de la terre. Au point où ils en étaient, rien ne pouvait réellement les effrayer, surtout que le blondinet arborait un sourire rêveur, marchant en tanguant comme si il était sur le pont d'un bateau.

"Boarf, Malificium, il suffit de trouver la bonne enseigne, ou bien d'avoir le courage d'offrir un rein en échange d'un bon soin."

Il disait ça comme ça mais la ville ne lui inspirait rien qui vaille. Cependant, traverser les plaines dévastées, traverser la forêt pour atteindre n'importe quel autre territoire, le chemin risquait de les tuer à l'usure tandis que la mort serait plus brève à la ville noire n'est-ce pas? Mais au point où ils en étaient, il ne faudrait tout de même pas pousser la chance trop loin. Orpheus avait tout le loisir de réfléchir à la décision à prendre en marchant à l'aveuglette. A un moment donné, le marteau se coinça dans la paroi un peu plus étroite, faisant tomber mollement le chevalier qui se redressa après plusieurs minutes pour se mettre à la tâche la plus ardue qu'il ait eu à faire dans cet état: décoincer l'objet en question qui pesait deux fois son poids mais qu'il s'entêtait à trainer avec lui parce qu'"Hullmat le lui devait bien".

"Je me débrouillerai avec ma chaine vu qu'elle a l'air de bien s'entendre avec."

Et tant qu'elle serait active car il n'avait pas la moindre idée de la manière dont elle marchait et soupçonnait d'ailleurs que cette magie continuait de puiser dans les maigres ressources qu'il possédait. En tout cas, il ne le lâcherait pas, question de principe. L'ouverture tant attendue s'offrit bientôt à eux après une longue marche, les voilà enfin à l'air libre, toujours au fond du canyon tant qu'à faire mais au moins, ils savaient qu'ils ne mourraient pas enfermés dans les fonds de la planète. L'air frais irritait presque le visage poussiéreux du blondinet et il inspira longuement pour se détendre.

"Enfin libre! Ce stupide juge pensait vraiment nous avoir à lui tout seul? Hahaha."

Son rire fut suivi d'une quinte de toux. Une fois calmé, le chevalier décida de se reposer sur le jugement de Bellinda pour la suite. Si elle ne sentait vraiment pas le mouroir, alors il irait avec elle, à genou ou sur le dos, jusqu'à une ville plus sure au niveau des soins. Qui sait, ils tomberaient peut-être sur la maison d'un ermite sur le chemin. Encore fallait-il parvenir à sortir du canyon sans se casser une jambe. Les pentes abruptes étaient praticables en bonne santé, pas lorsqu'on est des cadavres ambulants. Sans s'en apercevoir, l'asociable chevalier avait mis cette Lili dans la catégorie des personnes sur qui il pouvait compter dans des situations de crise comme précédemment. Des nerfs solides, des tripes dans le ventre, elle était typiquement le genre qui se faisait rare de nos jours et c'est bien pour ça qu'il réussissait à sourire ou à se détendre auprès d'elle. Vivre des situations critiques peut créer des liens, aussi infimes qui soient. Car il était certain qu'une fois rétabli, il redeviendrait le chevalier désagréable, mais comme on dit, on ne change pas une équipe qui gagne.