(Suite de ce rp)

J'ai suivi la ruelle indiquée par le marchand, bien qu'elle ne m'inspire pas du tout confiance, mais je n'avais plus le choix ; je commençais à ployer sous le poids de Calliopé. Elle est étonnamment lourde, pour un si petit gabarit ; il y a sûrement de la magie là-dessous. Tout en marchant – en titubant serait plus juste – je m'amuse – on fait ce qu'on peut – à tenter de deviner quels sont ses pouvoirs. Il ne fait aucun doute pour moi qu'elle est une mage noire, bien qu'elle n'ait fait montre d'aucune capacité magique ; peut-être qu'on se reconnaît ? Ou peut-être que j'ai appris à déceler cette élégance ennuyée, ce mépris à peine voilé pour ses semblables des mages noirs, tels Cal... Ou peut-être est-ce leur ressemblance physique qui m'a fait penser en ce sens. Une sueur froide me parcourt soudain : et si elle était de sa famille ? Après tout, pour ce que j'en sais, Cal possède un manoir, et une fortune familiale conséquente... pourquoi les Grey et les Keran ne serait-ils pas apparentés ?

Ces troublantes pensées me font manquer l'entrée du Mouroir, et je me rends compte de mon erreur lorsque des cris attirent mon attention. Je lève les yeux, et découvre ce qui ressemble à une immense grange quelque peu délabrée, faisant plus penser à un abattoir qu'à un hôpital. Je réprime un frisson de dégoût, jette un regard à la petite chose de plus en plus pâle avachie dans mes bras, soupire et me résous à passer la porte.

À l'intérieur, je retrouve l'agitation habituelle à un lieu destiné à soigner des malades, ainsi que son cortège de cris et d'odeurs qui soulèvent le cœur. Une foule de gens, malades, amis (?), personnel soignant (??), apothicaires à l'air chafouin, se presse entre des boxes séparés par des rideaux d'une propreté douteuse. Je regarde autour de moi, cherchant parmi ces visages fermés et antipathiques pour la plupart qui serait apte à prendre soin d'une mademoiselle Calliopé Grey ; mais je ne trouve personne paraissant digne de confiance, et puis personne ne fait attention à moi. Je me dirige donc vers un box vide, pose mon paquet sur le lit, et tire sèchement le rideau sur nous deux. Ensuite je respire, m'assois un instant et contemple le visage affaibli de ma petite tueuse. Je me surprends à effleurer sa joue enfantine de mes doigts, que je retire comme si je m'étais brûlée, et je commence à fouiller dans mon sac à la recherche de ma potion de soin que j'avais emportée avec moi au cas où j'en aurais besoin – je n'imaginais pas que ce serait pour venir au secours d'une mage noire...

Potion de soins, ok. Bandages de fortune... Je jette un œil morne à ma cape et mon écharpe en lambeaux, soupire. Ok. De quoi nettoyer la plaie...
Je me retourne pour scruter la pièce, à la recherche d'une hypothétique cuvette, ou quelque chose d'approchant, quand j'aperçois la pupille bleu vif de la demoiselle Grey qui me fixe. Je me disais bien que j'avais entendu des grognements... mais dans ce lieu plus que perturbant, je ne me fie plus guère qu'à mon instinct.
(Encore que vu là où il m'a mené, je crois que nous devons avoir une sérieuse discussion, lui et moi.)
Je me rapproche donc aussitôt de ma sombre gisante, estime son taux d'anémie à la pâleur de son visage et aux cernes qui se creusent sous ses yeux – par tous les dieux, comment peut-elle parler ? - et mon cerveau étourdi d'émotions précipitées finit par intégrer les paroles de ma petite aristocrate. Je réalise alors pourquoi je n'ai pas réagi immédiatement : elle s'exprime soudain dans un langage moins que châtié, très surprenant, et surtout particulièrement violent. La faiblesse de son état, sans doute...

Je vais bien, ne vous en faites pas. Et vous ? Comment vous vous sentez ? Capable de vous asseoir ?

Se mettre debout me paraît quelque peu surestimé. J'hésite un instant, puis lui tends ma fiole que j'avais posée sur la tablette bordant le lit. Elle contient un liquide ambré, assez épais, heureusement inodore.

Buvez ça, vous vous sentirez mieux.

Tout en priant pour qu'elle obtempère sans rechigner, j'analyse ses propos. Un frère, une sœur, tous mages noirs visiblement, et apparemment très portés sur la torture physique. Hirk. Je réprime un frisson de dégoût, et tente d'avoir l'air d'un assassin professionnel. Quoi de plus normal pour un tueur en série de métier d'avoir de quoi se soigner sur lui ? Hein ?
Non mais, répondez-moi !
Je n'en sais fichtrement rien !!!
Bon, concentrons-nous. Cette plaie... je me penche vers Calliopé, approche mes mains. Il faut qu'elle me laisse la toucher si je veux lui éviter la mort ; cette perspective m'émeut étrangement, un peu comme lorsque j'ai compris que Cal et moi serions amants. Non, bien sûr, je n'éprouve rien de comparable pour miss Grey ; mais tout de même, cette sensation de transgresser un interdit fondamental, qui serre la gorge et fait battre le cœur un peu plus vite. Après tout, ce que je m'apprête à faire est somme toute contre nature : soigner un mage noir, alors que je suis mage rouge ! Oui, en fait, cette relation, aussi ponctuelle soit-elle (je me surprends à souhaiter qu'elle ne le soit pas), est pareillement anormale que celle que j'entretiens avec mon mage noir adoré.
Qui m'étriperait vive s'il me voyait.
Ou sourirait simplement de mon outrecuidance ? (oh le joli mot)

Et en parlant d'outrecuidance, mademoiselle Calliopé Grey m'autorisera-t-elle à prendre soin de sa personne ?

[HRP: désolée du retard!!!!!! ]

Pourquoi était-ce tout le temps sur elle que ça tombait ? De toute sa famille elle était sans doute celle qui avait le moins de chance et qui se farcissait toujours les missions bizarre, qui rencontrait toujours des personnes étranges, qui se retrouvait dans les situations les plus embarrassantes ou angoissantes… Il faut dire qu’elle avait commencé sa carrière plus tôt que la plupart des autres membres de la dynastie Grey, elle était donc plus jeune et peut être plus « fragile » ce qui faisait qu’elle accumulait toujours galère sur galère… Quel manque de bol ! Non, parce que cette journée aurait sans doute pu être parfaite… mais elle avait du remplacer un clampin qui avait décidé de crever avant l’heure, faire monter la pression entr elle et cette Beth qui s’était révélée être d’une nature plutôt amicale pour finir par embrocher le collègue de l’autre clampin. Bon ; certes en y réfléchissant ce n’était pas si mauvais, mais elle aurait vraiment préféré éviter de se faire ouvrir comme un poisson que éviscère. Parce que c’était très désagréable comme sensation ! Y avait pas à dire, elle avait mal : et même bien mal. Mais on lui avait appris que montrer sa douleur c’était un signe de faiblesse… Donc elle ne le montrait pas. Elle se contentait de maudire intérieurement toutes les personnes qui pouvaient être un tant soit peu responsable de son état depuis ce pauvre bougre qui avait rejoint ses ancêtres prématurément, jusqu’au chef des aigrefins qui fut l’objet des pires sévices dans son cerveau échauffé.

La voix de sa compagne d’infortune la rassura quelque peu. Savoir qu’elle allait bien aurait pu être le cadet de ses soucis -c’est fort rare que Calliopé s’intéresse à la santé d’autrui- mais pour le coup cela lui semblait important de savoir que cette demoiselle pétait la forme, car après tout vu l’état de la petite mage noire, s’il y avait un pépin elle ne pourrait compter que sur cette Beth pour l’aider. Comment ça égoïste ? Eh oui, c’est l’époque et l’endroit qui veut ça. Malificium est une industrie à fabriquer des petits êtres égocentrique, égoïste et hargneux.

- Ravie d’apprendre que ça va bien de votre coté, marmonna Calliopé d’une voix de plus en plus… éteinte ? Personnellement j’ai vu des jours meilleurs… Quant à m’asseoir, je l’espère bien. Manquerait plus que je doive rester coucher…

Pourtant quand elle essaya de se redresser elle le regretta assez vite en se laissant retomber sur l’espèce de lit. Non, mauvaise idée. Soit elle avait tenté de se lever trop vite soit elle était tout simplement trop faible. Et miiince ! C’était bien quelque chose qu’elle ne supportait pas, mais alors pas du tout ! Ne pas pouvoir avoir le monopole de ses mouvements… Elle allait réessayer mais cette fois plus doucement quand sa sauveteuse du jour lui ordonna presque de boire quelque chose. Evidemment ce n’était pas un véritable ordre mais plus un conseil pressant, pourtant Calliopé n’appréciait pas que quelqu’un qui n’avait aucun lien avec une quelconque hierrachie lui donne des ordres et elle était prête à la renvoyer dans les cordres à l’aide d’une bonne réplique cinglante quand elle sentit une nouvelle fois la douleur s’amplifier… Mauvaise, très mauvaise idée… Elle ferait mieux pour une fois (ou pour la deuxième fois ? en fait elle ne comptait plus le nombre de fois que ça avait du lui arriver ces derniers temps) de mettre son orgueil de coté histoire de survivre. Doucement Calliopé s’empara de la fiole qu’on lui tendait et but le liquide d’une traite avec la facilité d’une fille qui a l’habitude de s’enfiler des verres chaque soir. Quant au goût… Elle n’aurait pas su dire, en réalité elle avait légèrement trop mal pour faire attention à des détails annexes.

- Merci… fit-elle encore plus doucement qu’auparavant.

Elle ne savait pas ce que c’était, elle n’avait même pas vérifier si c’était du poison alors que c’était pourtant la base élémentaire de toute chose, elle s’était contenté de boire. De toute manière pourquoi l’empoisonner maintenant ? Il suffirait que Beth lui assène un nouveau coup au niveau d’un des deux poumons ou du cœur et l’histoire serait réglée… Non, pour le coup elle faisait relativement confiance à cette personne. Relativement ; elle n’allait pas non plus lui passer la bague au doigt. Pourtant elle se laissa « examiner », mais au bout d’un bref moment elle écarta doucement la demoiselle du bras, tendit la main en avant, agrippa un des bras de Beth et s’en servit comme appui pour pouvoir se redresser et s’adosser contre le mur pour se maintenir en position assise. L’effort que ça lui demanda lui rendit la respiration encore plus courte qu’avant. Mais elle ne pouvait pas supporter le fait d’être couchée. Elle ferma un instant les yeux.

- Pouvez-vous… ouvrir mon sac s’il vous plaît ? murmura-t-elle en tendant vers la demoiselle son petit sac qu’elle avait toujours sur elle. Je ne pense pas… pouvoir le faire moi-même… Dedans vous y trouverez… une coquille rouge. Pouvez-vous la sortir et me la donnez ? S’il vous plaît ?

Ses doigts étaient plutôt froids, elle savait qu’elle n’aurait pas la force ni assez d’habileté pour pouvoir fouiller à l’intérieur de son sac pour y retrouver cette coquille. Elle préférait utiliser quelqu’un d’autre. Non, le terme était incorrect ; elle préférait demander de l’aide. Mais où allait le monde ? Une Grey demander de l’aide ? Elle pria les dieux pour que personne de sa connaissance ne débarque en ce moment précis dans le coin parce que sinon sa réputation était fichue.

- Ne prenez pas garde au bazar… Ni à la poupée que vous y trouverez… Juste la coquille. Elle est assez grosse… Ne vous offusquez pas si d’aventure vous entendez… des insultes.

Richard IV roupillait dans son sac depuis le début de la journée, il était dans sa journée de grande sieste, mais peut être que si on le touchait il se réveillerait. Etrangement, Calliopé sentait qu’elle avait besoin de lui, il pouvait être d’une imbécilité à toute épreuve mais il ne fallait pas oublier que c’était un cerveau parmi le peuple escargot (un cerveau démoniaque certes, mais un cerveau quand même), il pourrait peut être être d’une certaine aide.