La jeune femme était arrivée la veille dans la Tour Naturelle. On était venus la chercher dans son magasin alors qu'elle était en compagnie d'Edalion. On avait eu besoin d'elle. Une très longue réunion avait eu lieu dans les hauts étages de l'établissement. Elle devrait aller prochainement à Malificium pour vérifier deux trois faits qui avaient été mis en lumière. Elle n'en était guère enjouée. La paix était stable depuis l'attaque des anges mais son chef voulait vérifier que le traité n'était pas offensé comme cela avait été le cas à la cascade par un nécromancien. Par chance, elle avait été là ainsi qu'un aigrefin étrange.

Après une brève nuit, elle avait passé deux longues heures à lire des renseignements sur le territoire ennemi et a examiné la carte des environs pour repérer les endroits les plus isolés mais aussi d'éventuelles portes de sortie juste au cas où les choses se passeraient mal. Suite à cela, après avoir noté rapidement quelques noms sur un morceau de papier blanc, elle était montée au cinquième étage pour s'entrainer.

Alors deux heures à suer à corps et à eau contre deux autres mages de rang quatre, la demoiselle Mayfair alla dans la salle des potions pour préparer une potion de sommeil. Elle avait récupéré les ingrédients dans la forêt en compagnie de Neelahn. Elle se souvenait parfaitement de la druidesse. Elle eut un sourire quelque peu affectueux à son sujet mais on vint rapidement la déranger.

"Ambrosia, ta présence est demandée d'urgence dans le niveau 2"

"Que se passe t'il?"

"Un homme refuse d'enlever ses armes alors qu'il a demandé rencontrer un haut rang. Nous le suspectons de vouloir nous causer du tort."

Un pli soucieux apparut sur son front albâtre. L'alchimiste éteignit l'alambic et retira le récipient de la flamme et descendit à toute vitesse en direction du désagrément. C'est une jeune elfe à la chevelure mordorée et aux yeux verts qui fit son apparition. Elle portait son uniforme évidemment, son épée magique était disposée sur sa hanche droite. Les gardes se détendirent à son arrivée. Ils lui faisaient totalement confiance.

"Voici un comportement quelque peu dérangeant de la part d'un visiteur. Pourquoi refuser ce qu'on vous demande? Nous ne tenterons rien contre nous mais les assassinats sont bien trop courants sur Nelberaid ces derniers temps. Il faut donc comprendre notre méfiance. Vous n'irez pas plus loin tant que vous n'aurez pas repris un semblant de raison."

Ambrosia ne savait pas pourquoi il était là, ce n'était pas des plus importants à ses yeux, il avait mis en branle le système d'alarme de l'édifice... Sa présence était donc indispensable. Elle bloquait le passage pour sortir de la pièce. Il ne pourrait donc pas aller plus loin sauf par la force.

- Un silence de mort régnait dans les boyaux faiblement éclairés du second niveau de la Tour. Tout semblait en proie à l'inertie la plus totale, la seule once de mouvement provenait des lueurs dansantes que projetaient les flammes des torches. La tension présente résultait d'un jeu d'intimidation, ni plus, ni moins. L’alchimiste précipitée sur les lieux sera surprise de constater, sans doute, que la 'menace' présentée n'était en fait qu'un juvénile baroudeur ... Aux allures de gentilhomme. Difficile d'attribuer un 'statut' à cet homme, son hâle tout particulier cependant, trahissait des origines Nomades. Il ne portait pas de 'tenue distinctive', juste un long caftan de velours outremer, ces étoffes riches surmontaient une brigandine de cuir et un autre caftan blanc, du lin sans doute. Des braies de cuir souple, des cuissardes. Pour ce qui était de ses 'armes', il n'y avait que son sabre d'apparat, suspendu à son flanc gauche par un baudrier. A l'arrivée de l'Elfe, le Baladin haussa un sourcil, il sut déceler en elle, un certain sens de l'initiative. Il ne loua pas son intellect ou sa subtilité, car il n'avait pas encore matière à porter de jugement, mais il était certain qu'elle serait amenée à faire avancer les choses, en se lançant dans les pourparlers.
Tout comme il l'avait fait pour l'un des Sous-fifres, il détailla l'Alchimiste, il l'évalua et la testa, apposant sur elle un regard des plus défiants. Il entendit ensuite ce "mot" se répercuter inlassablement dans son crâne, ou peut-être étaient-ce les échos qui courraient le long les murs ... "Raison". Un homme de raison, pensa-t-il, ne se serait sans doute pas exposé aux yeux des Robes rouges, il se serait encore moins soumis à leur joug en plaçant sa survie sur la table, pour toute garantie. C'est donc avec une placidité des plus dérangeantes qu'il répondit à l'Inconnue :

" En me parlant des forfaits qui ont étés commis ici, vous me prouvez que vous n'êtes pas capables de vous protéger vous-même. Comment pourriez vous protéger les visiteurs ? A bien connaître les légendes qui circulent autour de votre cité, je crois deviner que si mes intentions étaient mauvaises, elles auraient été percées à jour par vos 'veilleurs de pierre'. Je me serais sans doute confronté à plus d'un obstacle en me rendant jusqu'ici, or votre cohorte a été dans la capacité suivre ma progression depuis des lieues. Si j'avais eu en projet de nuire à votre ordre, soyez certaine que bien des cadavres auraient couvert l'empreinte de mes pas et que l'ombre aurait occulté ma présence. La lame qui est à mon flanc est bien plus qu'une arme, c'est une alliée, une égide, la matérialisation de mon honneur, de ma gloire. Pour aller plus loin encore, c'est le seul leg de mon clan, une Ode à sa mémoire, et je ne laisserais personne souiller ce fer et les valeurs qu'il porte. Pour finir, je vous répondrais que je ne me suis nullement montré hostile, à l'idée de négocier ... Si vous avez besoin de sécurité, j'accepte d'être escorté sous bonne surveillance, c'est ma seule offre. Comprenez bien que je ne tirerais nul profit de votre mort ou de celle de vos, 'confrères', je suis ici par ce que j'ai justement besoin de votre assistance et de vos talents en herboristerie, ma survie en dépend ... "

- L’Épéiste marqua un long moment de silence, il ancra ses iris hazel dans ceux de la Mage. Il eut bien évidemment le sentiment d'en avoir beaucoup trop dit. Son passé, la lourdeur des actes de son père et son 'état' ne pouvaient être exposés aux vues et aux sues de tous. Il lui fallait trouver un contact viable. Étant donné qu'il ne portait pas les 'Écarlates' dans son cœur et qu'il n'avait que très peu confiance en eux, il cherchait une figure impartiale. Cette quête était sans doute bien plus ardue que celle de 'Négocier le port de son arme' envers et contre le règlement. Bien que les Arcanistes de Naturalia ne fussent pas les seuls à posséder des notions d'Herboristerie, il n'avait plus le temps d'arpenter les royaumes de long en large et de baguenauder. Pour l'heure, il attendait simplement que les gardiens de ce 'sanctuaire', daignent s'écarter. Il ne se montrait pas menaçant, il ne marquait pas d'emprise sur son arme, ses mains étaient bien alignées le long de son corps, elles étaient visibles. Il eut cependant un réflexe, celui de repérer les différentes sorties et accès, celui d'évaluer la puissance de ses ennemis et surtout, de lister leur armement visible. Il ne savait guère à quoi s'attendre, et il n'était pas improbable qu'un des hommes présents dans ce couloir, fut un allié de Vahershin. Quelqu'un aux faits de son passé et de sa conception. A nouveau, il se tourna vers l'Elfe, qui lui sembla être, sur le vif, la personne la plus ... 'Digne de confiance'.-

" Je pense cependant que des présentations s'imposent dans ce genre de situations. Kaveh ... " - L'introduction fut des plus modestes. Pas de titre, pas de fioritures verbales.- " J'aimerais être mis en relation avec l'un de vos meilleurs alchimistes, herboristes ou Apothicaires. Il va de soit que ma requête est pressante, je n'ai plus beaucoup de temps ... "

- Il attendit patiemment une approbation de l'Elfe. Les quelques dagues ne s'étaient toujours pas abaissées et il commençait à s'impatienter. La méfiance le poussa même à envisager de sortir son fer, pour l'heure il était désarmé et en position de faiblesse. Il n'aimait guère cela, il ne supportait pas d'être traité comme un criminel d'ailleurs. Mais il se fit violence, il resta figé, après tout, il n'avait guère le luxe de pouvoir choisir.-