Le soleil frappait fort en cette journée. Erethor déambulait dans les rues à la recherche d’une proie à détrousser. De ravissantes femmes tenaient bien souvent les étals des marchands tandis que leurs maris discutaient entre eux, une chope de bière à la main. Voilà le problème des personnes moyennement riches : elles se considéraient comme intouchables et baissaient leurs gardes en confiant toutes les responsabilités à leurs compagnes. Et c’était là qu’il intervenait lui. La séduction était son domaine, l’art de détourner l’attention et de s’attirer la confiance de ses victimes.

Fairy, son minuscule chien blanc, marchait à ses côtés. Les passants ne cessaient de lui jeter des regards curieux, à cause sans aucun doute de sa singulière apparence très peu commune à ce genre de personnes des villes. C’était tout à fait compréhensible en même temps : voir une petite bête avec une tête parfaitement ronde, dénuée d’oreilles et possédant un museau proéminent en forme de carotte jaune provoquait l’étonnement partout. Voilà également l’un des atouts d’Erethor. Si ses victimes étaient émerveillées par Fairy, il pouvait allègrement en profiter pour attraper au vol plusieurs des produits proposés à la vente. De préférence les produits qu’il parviendrait à revendre assez cher ensuite.

Profitant d’un instant d’inattention de la part d’un vendeur de pierres précieuses qui fut totalement obnubilé par son chien, Erethor saisit à la volée une améthyste, un saphir ainsi qu’une grosse pierre semblable à de l’or. Mouvement à la fois souple, rapide, silencieux et terriblement efficace. Personne autour de lui ne semblait avoir remarqué le larcin qui venait de s’effectuer et il repartit de plus belle à travers la foule. Les importantes journées de marché étaient très souvent synonymes de gros profits pour les rodeurs, et celle-ci ne dérogeait pas à la règle.

Passant entre un groupe de personnes, il se résigna à les voler en constatant qu’il ne s’agissait que de pauvres paysans tentant de revendre leur bétail. Il désirait devenir quelqu’un de reconnu, pas un dépouilleur des petites gens ou un assassin. Et il était persuadé qu’en leur volant le maigre fruit de leur travail, cela causerait inévitablement leur mort à tous dans les jours qui suivraient.

- Oyez oyez ! Vous là ! Jeune homme ! Venez découvrir notre large choix de produits de qualité ! De la plus petite aiguille à la plus longue claymore que vous n’ayez jamais vue !

Erethor n’accorda pas même un regard à l’armurier qui le hélait, ne connaissant que trop la sombre réputation que possédaient les équipements guerriers de mauvaise facture. Et cela ne faisait aucun doute que ces armes-ci en étaient. Et puis, de toute façon, il n’avait jamais éprouvé le besoin de changer ses « outils de travail ». Son glaive et sa petite dague lui avaient d’ores et déjà sauvé la vie maintes et maintes fois et ils lui serviraient encore longtemps. De plus, il possédait là un armement de qualité puisque c’était son chevalier de père qui les lui avait offerts. Et nul doute que les forgerons du château des paladins étaient de pieux et respectables artisans maitres de leur art. Ou du moins beaucoup plus performants qu’un vulgaire marchand de ville.

Ce fut alors qu’un homme le bouscula. La seule chose qu’Erethor vit sur son passage fut une longueur de cheveux d’un blanc laiteux ainsi qu’un corps de forte carrure, légèrement plus grand et imposant que le sien. Mais il sentit quelque chose d’autre sur lui. Un infime toucher, presque insoupçonnable et qu’il n’aurait jamais perçu si ses sens n’avaient pas été aiguisés comme ceux de n’importe quel rôdeur. Sa bourse avait disparu de sous son manteau. Immédiatement, il fit volte-face et lança un regard quasiment meurtrier à son voleur.

Celui-ci continuait sa route comme si de rien n’était, avec une démarche qui paraissait à la fois discrète et anodine. Il n’existait guère énormément de personnes capables de voler avec autant de facilité. Cet homme était doué, il n’y avait rien à dire là-dessus. Mais Erethor aussi était capable de bien des choses, surtout quand on lui dérobait une bourse contenant trois pierres précieuses, une quantité d’or et une clé de chambre d’hôtel où il devrait rejoindre une femme ce soir.

En un mouvement rapide et précis, Erethor passa au travers d’une planche de bois qui le séparait de son ennemi en usant de son pouvoir, sortit immédiatement sa dague et la plaça juste devant le visage de son ennemi, lame à quelques millimètres seulement de son nez. Ainsi, il ressemblait à un diable venant juste d’apparaitre devant son ennemi. Personne n’aurait été capable d’esquiver ce genre de mouvements, tant la probabilité qu’une personne sorte d’une planche de bois parfaitement possible était nulle.

- Je crois que vous avez quelque chose qui m’appartient.

Il avait lâché sa voix d’un ton qui ne lui ressemblait pas, mais qui trahissait tout son agacement. S’il le désirait, il pourrait le tuer d’un seul mouvement. Nul doute que son ennemi était apte à se dégager sans trop de difficultés, une agilité apte à voler sans quasiment éveiller l’attention d’un rôdeur était hors normes. Mais il ne comptait pas non plus le tuer, simplement lui prouver qu’il s’était trompé de cible et qu’il aimerait récupérer son dû. De plus, il avait été impressionné par les talents dudit personnage.

- Joli coup. Je dois avouer que vous êtes doués. Mais je possède moi-même disons… Certains talents.