Même si la situation ne s’y prêtait pas, la druidesse riait bien dans son petit coin. Les deux soudards qui se tenaient à quelques mètres d’elle lui paraissaient totalement grotesques. En revanche, elle put s’apercevoir qu’en fin de compte, les aigrefins étaient des êtres comme tant d’autre. Malgré les idées reçues sur cette caste jugée sans vergogne et machiavélique, ces hommes étaient en fin de compte des gens comme les autres. La seule différence qu’ils possédaient avec le commun des mortels était sans doute leur vision du monde… et même si ce n’était que cela, c’en était déjà beaucoup…

Le moment qui amusa le plus la druidesse fut l’instant que choisi Xadr pour faire face aux deux soldats. Sautillant sur le côté, elle regarda le rôdeur assommer les soudards, qui, apparemment, préféraient s’amuser plutôt que de monter la garde. L’elfe se demanda où le rôdeur avait pu réussir à puiser sa force pour assommer ces deux personnes avec une aisance déconcertante. De là où elle se trouvait, cela semblait si facile et pourtant, il ne fallait pas négliger la carrure de ces deux grands colosses.
Sans rien dire, elle laissa le rôdeur cacher les deux corps. Pendant ce temps là, elle décida de venir se poser à côté du sac rempli de Xadr afin d’y jeter un petit coup d’œil. Rien que les odeurs appétissantes qui émanaient de la viande la faisait déjà saliver. Après s’être posée à l’intérieur du sac, elle contempla les saucisses, les viandes séchées, les légumes et les fruits. Intérieurement, elle adressa alors une petite prière à la déesse de la Nature afin que celle-ci ne protège le rôdeur et lui rende la vie facile. Dans quelques instants, Xadr et Neelahn allaient bien manger !

Après être sortie du sac, Neelahn hocha une fois de la tête en direction du rôdeur et, même si elle ne pouvait pas sourire sous sa forme animale, ses yeux trahissaient une éternelle reconnaissance.
Sautillant vers la sortie, elle se demanda comment ils allaient pouvoir sortir du château tous les deux. Pour elle, ce n’était pas un problème. Elle pouvait voler très vite et pourrait facilement éviter les projectiles qu’on lui balancerait. Franchir les remparts de l’enceinte du château ne lui posait aucun problème. En somme, voler était un très grand atout lorsqu’on se trouvait dans des endroits découverts.
En revanche, Neelahn s’inquiétait pour Xadr et se demandait comment il allait s’y prendre. Elle ne le voyait pas combattre les aigrefins un à un. Même s’il arrivait à achever un quart des troupes, il finirait par s’épuiser au bout d’un moment.

« Piou… ? »

Même si elle se rappelait toujours qu’elle était sous sa forme animale, il lui arrivait souvent d’oublier qu’elle était incapable de parler sous son apparence d’oiseau. Et lorsqu’elle s’en rendit compte, pour la énième fois, elle se trouva un peu stupide.
En fait, Neelahn aurait aimé savoir si Xadr avait la capacité de se rendre invisible. Il était rôdeur après tout, n’est-ce pas ? L’elfe ne connaissait pas vraiment cette caste mais elle avait entendu dire qu’elle regroupait les pires voleurs de Nel Beraid. Elle s’était donc si que se rendre invisible devait être l’une des caractéristiques des rôdeurs bien que jusqu’à présent, elle n’avait jamais eu l’occasion de vérifier ce qu’on lui avait raconté.

S’approchant de la sortie, Neelahn finit par jeter un coup d’œil à Xadr et l’interrogea du regard.

La druidesse savait bien que Xadr ne savait pas « parler l’oiseau ». Un peu déconfite de ne pas parvenir à lui faire comprendre ce qu’elle cherchait à lui dire, une de ses patte traça sur le sol des traits invisibles. Tête baissée, elle se dit qu’il allait vraiment avoir du mal à sortir du château abandonné.
Elle fut alors bien surprise lorsque le rôdeur lui proposa d’aller se percher dans un endroit confortable. Prise de curiosité, l’elfe ne se fit pas prier et alla s’installer en hauteur, comme il le lui avait suggéré. Personne ne fit attention au petit oiseau qu’elle était, si bien qu’elle put observer Xadr tranquillement.
Neelahn fut alors impressionner de le voir traverser la porte. Il ne l’avait pas ouvert, ni franchi. Il l’avait traverser. La druidesse aurait bien aimé posséder cette capacité. Cela lui aurait été bien pratique pour éviter de contourner les différents obstacles dans la forêt et marcher en ligne droite.
Elle esquissa ensuite une moue désapprobatrice lorsqu’elle vit le rôdeur tuer un aigrefin. Ce dernier n’avait même pas vu sa dernière heure arrivée qu’il venait déjà de succomber. En revanche, l’elfe s’émerveilla lorsque le rôdeur enflamma l’écurie et qu’elle aperçut tous les chevaux sortir. Très contente pour eux, la druidesse songea que ces pauvres créatures auraient une meilleure vie dehors dans la nature plutôt qu’enfermé avec des gens qui n’avaient que faire de leur bien-être.

« Piou… ! »

Du haut de son perchoir, Neelahn s’amusait bien. Elle se moqua de l’homme en robe de nuit. Elle le voyait vociférer des ordres à ses subalternes et alors qu’elle commençait à trouver l’endroit plaisant, il était déjà l’heure de s’en aller.
Déployant ses ailes, Neelahn prit son envol. Quelques archers la remarquèrent et trouvant qu’il était peu commun de trouver des oiseaux de son espèce dans les environs, ils décochèrent quelques flèches. Malheureusement pour eux, la druidesse volait bien trop vite et trop agile. En peu de temps, elle se retrouva perchée sur le sac à dos de Xadr. Elle le voyait en train de la chercher. Peut-être ne l’avait-il pas vu arriver. Après tout, elle était dans son dos. Décrivant des cercles autour du rôdeur pour signaler sa présence, elle vînt finalement se poser sur son épaule. Epuisée, elle ne se sentait plus réellement capable de voler plus longtemps encore. Il lui fallait s’éloigner de cet endroit et prendre le temps de manger et se reposer correctement afin de récupérer ses forces.

Quant à Tigrou, il n’était pas parti bien loin car elle l’aperçut à l’horizon qui courrait à toute vitesse vers elle. Lorsqu’il apparu nettement dans son champ de vision, elle aperçu sa son pelage blanc tachée de sang. Dans un premier temps, elle cru qu’il était blessé mais fut rassuré lorsque le félin se lécha les babines. Apparemment, ce bon vieux gros ventre avait réussi à trouver quelque chose à se mettre sous la dent et en était ravi.
Après à quelques centimètres de Xadr, le tigre donna un petit coup de tête au rôdeur. Il n’avait visiblement pas envie de s’éterniser près du château abandonné, tout comme Neelahn qui venait de se poser sur la tête du tigre. Le petit duo d’animaux leva les yeux sur le rôdeur en même temps lui demandant ainsi muettement « bon, on s’en va ? » puis le tigre, sans attendre de réponse, fit lentement demi-tour et montra son derrière au château et se mit en route, transportant toujours Neelahn sur sa tête.

Même s’ils venaient de sortir de l’enceinte du château, il aurait été faux de croire qu’ils étaient hors de danger. Quelques aigrefins patrouillaient dehors et Neelahn voyait au loin un cavalier se diriger vers le bâtiment. Pour trouver un endroit en sécurité, ils allaient devoir marcher pendant un petit bout de temps et rien qu’à cette pensée, la druidesse se sentit déjà écroulée de fatigue. Pourtant, après avoir jetée un coup d’œil à Xadr, elle se dit qu’elle n’avait pas le droit de se plaindre. Le rôdeur ne s’était pas reposé un seul instant depuis qu’ils s’étaient revus dans les plaines dévastées. Il s’était donné un mal fou pour leur trouver de quoi faire la route jusqu’à la forêt. Pour qui se prenait-elle à se lamenter sur son pauvre petit sort alors que lui devait être dans un état pire que le sien ?

Ne voulant pas profiter de la générosité de Tigrou, Neelahn prit son envol. Elle savait que son petit poids n’embêterait pas son ami mais par solidarité, elle jugea préférable de marcher comme les autres. De plus, si jamais ils rencontraient des aigrefins sur leur route, il lui serait impossible d’aider Xadr et le tigre si elle restait sous sa forme animale.
Se posant derrière le rôdeur, Neelahn reprit donc sa forme elfique. Elle demanda ensuite au rôdeur de ne pas bouger et plongea la main dans son sac, à la recherche de sa robe. Une fois qu’elle la trouva, elle la passa rapidement au-dessus de sa tête et vînt se placer à côté de lui.

« Voilà, nous pouvons y aller. »

Sans attendre aucune réponse, elle se mit à marcher, jetant de temps à autre un petit coup d’œil à gauche et à droite.
Mais déjà, un aigrefin les avait aperçu et s’était empressé de talonner sa monture. En quelques secondes seulement, il arriva près d’eux et avait sorti son épée. Sachant que Xadr savait bien se battre, elle n’eut aucune inquiétude et permit même de glisser à son ami.

« Prenons sa monture. Ainsi nous nous éloignerons plus rapidement d’ici. »

Elle fit ensuite pousser des ronces afin d’entraver son ennemi. Très vif, celui-ci ne perdit pas une seule seconde et trancha nette les plantes que la druidesse s’échinait à faire grandir à toute vitesse. Voyant alors que ça ne servait à rien, elle fit germer des lianes qui vinrent s’enrouler autour des pattes du cheval. Effrayé, celui-ci tenta de se dégager mais il était déjà trop tard. Les plantes le tenaient fermement sur place. Si l’aigrefin voulait se battre, il allait devoir sauter de sa monture ce qu’il fit dès qu’il comprit la situation.

L’épée brandit, il se rua sur Neelahn qui parvînt à esquiver la lame. Un rictus mauvais sur le visage, il esquissa un geste de la main dans l’air. Aussitôt, les ombres grandirent, plongeant ainsi le rôdeur, le tigre et la druidesse dans le noir absolu. Terrifiée, Neelahn appela Xadr car elle n’y voyait plus rien. Elle voulait se transformer en colibri et sortir de cette couche d’obscurité. Cependant, elle ne pouvait pas se permettre d’abandonner ses amis et c’est pourquoi, elle les appela désespérément. Dans le même temps, elle entendit un bruit métallique s’approcher d’elle…

Prise au piège, Neelahn avait cédé à la panique et n’avait pas pris la peine de réfléchir. Mais Xadr avait raison. Ils étaient plongés dans l’obscurité complète et cela incluait aussi le lanceur de sorts. Même si elle ne savait pas où se situait exactement son ami, elle était tout de même rassurée de le savoir à ses côtés.
Tigrou, vînt s’appuyer contre sa jambe, pour lui indiquer sa présence. Reconnaissante, Neelahn lui caressa la tête et lui murmura de lui montrer le chemin jusqu’à leur adversaire. Le tigre blanc ne pouvait pas voir dans le noir mais son flair lui permettait de compenser cette gêne.
Arrivés à quelques mètres, l’animal s’arrêta. Neelahn aurait été incapable de dire si elle était parvenue à ses côtés ou dans son dos. Par chance, il éleva la voix à ce moment là et l’elfe devina qu’il était devant elle. Des lianes sortirent du sol et s’élevèrent de quelques pieds du sol. Fouettant nerveusement l’air, elles ondulèrent vers le guerrier et l’assenèrent de coups.
L’aigrefin fut alors contraint de faire disparaître son dôme d’ombre pour trancher les plantes qui tentaient de le faire tomber au sol et déterminer la position de ses trois adversaires.

Et pendant qu’il se débattait avec les lianes, Neelahn en profita pour s’emparer de sa monture. Grimpant sur la selle, l’elfe fut satisfaite de voir que l’animal était docile. Après lui avoir flatté l’encolure, Neelahn le fit prendre de l’élan pour foncer sur l’aigrefin. Occupé avec Xadr, il fut incapable d’anticiper l’arrivée de la druidesse. Le cheval renversa l’aigrefin sur le côté et, arrivée près du rôdeur, Neelahn lui tendit la main pour l’aider à grimper sur l’animal.
Pendant ce temps là, l’aigrefin se relevait tant bien que mal. Avec l’armure qu’il portait, on aurait presque pu s’étonner de le voir se relever avec aussi peu de difficulté. Neelahn ne put s’empêcher qu’elle aurait été incapable de se remettre sur ses jambes si elle avait eu sur elle tout ce qu’il portait.

Ne laissant pas le temps à l’aigrefin de remettre ses mains sur eux, Neelahn talonna sa monture qui partit au triple galop. Tigrou, suivait le cheval de près.
La druidesse se risqua à jeter un petit coup d’œil derrière elle. L’aigrefin était en train de pousser des jurons.

« Tu crois qu’ils vont nous poursuivre ? » demanda-t-elle alors à Xadr.

Après tout ce qu’ils venaient de traverser ensemble, elle se disait qu’ils pouvaient très bien se tutoyer. En remarquant cela, Neelahn s’étonna alors d’avoir vouvoyer Xadr aussi longtemps. Mais bref.
Regardant droit devant elle, elle tenta de se faire le plus légère possible sur la monture. Elle se demanda même s’il aurait été préférable qu’elle ne se transforme en colibri. Ainsi, son poids deviendrait négligeable et le cheval n’aurait pas à supporter le poids de deux personnes sur lui. Toutefois, si la monture galopait trop vite, Tigrou risquerait de ne pas réussir à la suivre.

« J’espère qu’ils vont nous laisser tranquilles. Je me sens vraiment à bout de force. A ton avis, on va devoir galoper pendant longtemps ? »

Neelahn se doutait bien qu’ils allaient devoir chevaucher pendant un petit bout de temps avant de trouver un endroit calme où se reposer. Après tout, ils se trouvaient dans les plaines dévastées et il n’y avait presque nul endroit où s’arrêtant. Le paysage était désertique, offrant très peu de cachettes pour ceux qui en cherchaient.

Tout comme Xadr, Neelahn était épuisée au point de penser que la selle sur laquelle elle était assise aurait été parfaite pour se reposer. Pourtant, l’heure de dormir n’était pas encore arrivé et il fallait garder un œil ouvert pour surveiller la direction dans laquelle filait le cheval.
Quant à Xadr, il pouvait très bien s’assoupir s’il le voulait. Après tout, ce n’était pas lui qui tenait les rênes et après tout ce qu’il avait fait, il pouvait très bien fermer les yeux pendant quelques instants. Tigrou les suivait de près et ne manquerait pas de les prévenir s’il sentait un danger approcher.

Pendant combien de temps galopaient-ils ?
Les jambes en compote, Neelahn aurait cru volontiers qu’elle avait chevauché pendant des décennies entières sans jamais s’arrêter. Le soleil pointait à l’horizon et Tigrou peinait à suivre le cheval. D’ailleurs, même celui-ci avait fini par ralentir son pas de course et pendant quelques instants, Neelahn se demanda si elle ne s’était pas assoupie pendant un instant car elle ne se rappelait pas de s’être affalée sur sa crinière…
Tigrou avait sans doute du guider la monture pendant qu’elle dormait. A présent, son ami se trouvait à une dizaine de mètres. Il paraissait éreinté ce qui était tout à fait normal après tout le chemin qu’ils venaient de parcourir.

Tirant sur les rênes, Neelahn arrêta le cheval près d’un grand arbre mort. Au loin, on apercevait les arbres de la forêt de dessiner à l’horizon. Elle était presque de retour chez elle. Cela eu pour effet de la revigorer un peu. Pourtant, lorsqu’elle voulu descendre de sa monture, sa longue chevauchée lui revînt en mémoire et la fît tomber par terre comme un sac à patates. En effet, ses cuisses lui faisaient un mal de chien et de manière générale, l’elfe avait l’impression que ses jambes avaient été réduites en bouillies.

« Xadr ! Debout ! C’est l’heure de manger ! »

Au final, Neelahn n’avait pas su si son ami s’était endormi tout comme elle durant le trajet à cheval mais, après tout ce qu’il avait dû faire, cela ne l’aurait pas étonné d’apprendre qu’il avait fait la sieste.
Après s’être emparée du sac à provisions, Neelahn s’assit devant comme une enfant devant un paquet cadeau. Ce fût également à cet instant que Tigrou arriva auprès d’elle en trainant les pattes. Épuisé, il s’allongea près d’elle mais sa curiosité (ainsi que son ventre vide) ne l’empêcha pas de lorgner le sac de Xadr que l’elfe venait de prendre.
Cependant, le tigre n’avala pas grand-chose et finit rapidement par s’endormir pendant que Neelahn s’extasiait devant tout ce que le rôdeur avait réussi à mettre dans son sac.

« Miam miam… ! On va bien manger… »

Malgré son état de fatigue, Neelahn se sentait de bonne humeur. Après tout, elle venait d’échapper aux mains des aigrefins et était bientôt arrivée chez elle.
Plongeant sa main dans le sac, elle y sortit une pomme et croqua dedans avec appétit. On aurait dit que cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas mangé…

Lorsqu’elle entendit Xadr chuter de son cheval et qu’elle l’aperçut sur le sol comme une tortue retournée sur sa carapace, Neelahn ne put s’empêcher d’éclater de rire, d’autant plus lorsqu’elle entendit sa remarque.

La druidesse attrapa ensuite à deux mains la gourde d’eau que le rôdeur lui tendait, après avoir jeté le trognon de pomme qui importunait ses doigts. Qui sait, peut-être que dans quelques années, un pommier réussirait à pousser dans ces plaines stériles.
Elle prit ensuite le morceau de peau que lui proposait Xadr. Elle avait l’impression de ne pas avoir mangé depuis des jours… ce qui n’était pas tout à fait faux. Depuis qu’elle était sortie du manoir des Siderea, Neelahn s’était nourrie qu’avec des fruits et pouvoir manger du pain était devenu pour elle un grand luxe.
Après avoir fouillé quelques instants dans le sac de Xadr, elle trouva de la viande séchée. Elle en découpa un morceau et l’avala goulument. Lorsqu’elle serait de retour chez elle, elle se ferait une marmite de soupe et se ferait cuir une grosse tourte à la viande.

« Oh j’espère bien. Je meure de faim ! »

Neelahn était en train de se sustenter avec les provisions que le rôdeur avait volé dans le château abandonné mais cela ne l’empêchait pas de saliver à l’idée de tout ce qu’elle pourrait manger une fois qu’elle serait arrivée chez elle.
Cependant, un rapide petit coup d’œil lui permit de voir que Xadr ne regardait pas la forêt. En effet, son regard était tourné vers le château abandonné qui n’était plus qu’un tout petit point à l’horizon. Il était d’ailleurs si petit que Neelahn se demanda s’il s’agissait vraiment du château ou s’il s’agissait d’autre chose. Après tout, l’immense bâtiment ne pouvait pas être aussi proche de la forêt, n’est-ce pas ? Il fallait chevaucher pendant plusieurs heures pour y arriver et les aigrefins n’avaient pas pour habitude de venir faire des promenades au milieu des arbres.

« Tu es sûr de vouloir t’en charger tout seul ? Tu vas y arriver ? »

Il était désormais l’heure de rentrer chez soi. Cependant, soucieux de la sécurité de son amie, Xadr voulait effacer ses traces pour que personne n’aille fouiner dans la forêt.
Neelahn ne pouvait pas refuser car si les aigrefins venaient saccager sa forêt, cela aurait été de sa faute. Elle hocha donc une fois de la tête face à la proposition du rôdeur. Avant tout, elle pensait à tous ses collègues qui vivaient au milieu des arbres. Elle ne pouvait pas se permettre d’ameuter les soudards dans son milieu d’habitat.
Néanmoins, elle se faisait aussi du souci pour son ami. Parviendrait-il vraiment à exécuter ce qu’il avait en tête ? Était-il sûr d’y arriver après toute l’énergie qu’il avait dû dépenser dans le manoir des Siderea et dans le Château Abandonné ? Neelahn n’en était vraiment pas certaine et elle serait bien triste d’apprendre que Xadr avait trouvé la mort en voulant la protéger.

« Si tu veux, je viens avec toi t’aider. Puis maintenant que j’ai mangé, je peux tout à fait rentrer chez moi. Sous ma forme animale, j’y serai très vite arrivé ! Par contre, Tigrou ne tient vraiment plus sur ses pattes, il a vraiment besoin de se reposer, je crois. »

D’un mouvement de la tête, elle désigna le tigre blanc. Il s’était endormi et avait l’air éreinté. Il était certain qu’il ne pourrait pas se relever et marcher avant quelques heures. Toutefois, cela ne dérangeait pas Neelahn de la laissait ici. Après tout, le tigre n’aurait rien à craindre si aucun aigrefin ne passait par ici. Et quand bien même un de ses soudards arriveraient jusqu’ici, que ferait-il d’un félin à la fourrure sale et à la mine fatiguée ? De plus, Tigrou était intelligent et sa puissance physique lui permettrait de s’en sortir facilement.
En réalité, Neelahn projetait même de le laisser roupiller pendant qu’elle rentrerait chez elle. Après tout, ils avaient souvent procédé ainsi. De par lui-même, Tigrou avait plusieurs fois décidé de se reposer dans un coin pendant que son amie se rendait ici ou là.

Parce qu’elle s’inquiétait pour lui, Neelahn aurait bien voulu l’accompagner. Cependant, Xadr semblait déterminé à vouloir se débrouiller seul face aux aigrefins. Il ne savait même pas combien ils étaient à les poursuivre. Que ferait-il devant une horde de vingt personnes ?
Mais soit, elle était consciente que sa présence ne ferait que lui gêner les pattes. Comment pouvait-on accomplir correctement une tâche si l’on était en permanence inquiet de ce que pourrait arriver à l’autre ? Xadr aurait bien mieux l’esprit tranquille s’il savait que Neelahn était en sécurité. Cela ne plaisait pas beaucoup à la druidesse mais elle comprenait la façon de penser du rôdeur. De plus, il fallait se rendre à l’évidence ; elle était bien trop fatiguée pour avoir la force de combattre des aigrefins.

« Si tu es seul sur cette monture, je pense qu’elle tiendra pendant un bon moment. En plus, tu l’as bien nourrie et je crois qu’il t’aime bien. »

La druidesse rit lorsqu’elle aperçu le cheval tenter de mordre le rôdeur puis hocha une fois de la tête suite à ses propos.

« A bientôt, Xadr. Maintenant, tu sais où j’habite. Passe quand tu veux ! »

L’elfe resta ensuite un instant à regarder le rôdeur s’éloigner. Lorsqu’il s’arrêta sur le chemin pour la saluer une dernière fois, Neelahn fit de même et agita une main.
Puis, quand il ne fut plus qu’un tout petit point à l’horizon, elle vînt s’assoir un instant à côté de Tigrou. Caressant sa tête, elle lui murmura qu’elle allait rentrer chez elle et qu’ils se retrouveraient dans la forêt. Le tigre répondit par un grognement. Il semblait mécontent de s’être fait réveillé et se rendormit aussitôt. Neelahn se demanda alors s’il avait bien comprit ce qu’elle lui avait dit et, après avoir haussé les épaules, elle se transforma en colibri.

Battant frénétiquement des ailes, Neelahn se dirigea dans la direction opposée à celle que Xadr avait prise. Les arbres qui pointaient à l’horizon lui redonnèrent un petit coup d’énergie. Bientôt, elle allait se retrouver chez elle. Comme elle avait hâte de se laver, d’enfiler des vêtements propres et manger un plat chaud ! Rien qu’à cette pensée, la druidesse en salivait d’avance.
Volant aussi vite qu’elle put, Neelahn préféra toutefois ménager ses forces. Ainsi, elle tenta de ne pas trop accélérer le mouvement, de peur de s’épuiser trop vite et de ne pas pouvoir arriver dans la forêt avant le coucher du soleil. Elle ne voulait pas faire de pause et essayait de maintenir une vitesse constante. Il faisait jour et la druidesse voulait en profiter.
Jetant des petits coups d’œil en arrière pour voir comment allait Tigrou, elle finit par se trouver stupide lorsqu’il n’était plus qu’un tout petit point à l’horizon. Tigrou était un tigre. Une fois reposé, il n’aurait aucune difficulté à retourner dans la forêt.
Rassurée par cette pensée, Neelahn continua sa route vers la forêt. Et bien qu’elle venait tout juste de manger, elle entendait déjà son petit ventre gargouiller…