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Gala avait écouté avec une oreille très attentive le chevalier. Pourtant à la fin de l’histoire, elle fut un peu déçue, il n’y avait pas de détails croustillants ! Enfin, elle comprenait que le chevalier reste vague. Après tout, sa sœur elle-même ne divulguait pas la raison de leur voyage ou de leur présence. Elle avait bien envi de le faire mais… non. C’était Marika qui décidait, cela valait sûrement mieux pour leur survie. D’ailleurs cette dernière, bien qu’ayant des oreilles affutées, n’avait pas entendu un brin de leur conversation. D’une part, elle ne s’intéressait pas à ce genre de curiosité. Et d’une autre part, elle n’était pas indiscrète. Toutefois, quand elle entendit les voix se taire, elle en profita pour se retourner vers eux. Marchant devant eux, la bride d’Arconel à la main, le fait qu’elle se tourne permis aux voyageurs de derrière de pouvoir découvrir le paysage qui s’étalait désormais devant eux et que Marika s’apprêtait à annoncer.

-Nous voilà arrivés dans les Pinnerais.

Sa voix était monocorde, mais on pouvait toujours y déceler une nette tension. Devant eux s’étalait maintenant une zone sèche et brûlée, orné d’arbres décharnées. Cet aspect avait une allure aussi sinistre que leur précédente halte, mais d’une manière différente. Au moins ici, elle ne se sentait plus épiée par des dizaines d’yeux mage-noirifiques. Quoique.. furetant d’un côté ses yeux, puis d’un autre, elle restait sur ses gardes. On ne sait pas sur quel genre de créatures on peut tomber. Attrapant son épée sur son cheval, elle la rangea à sa taille avant de s’adresser cette fois exclusivement à Edalion.

-Il vaut mieux rester prudent.

Phrase courte et concile, comme d’habitude. Décidément, pas très loquasse cette demoiselle. Le cœur de Marika était particulièrement lent, et ses yeux attentifs à tout, lorsqu’elle reprit la route. Elle n’avait donné aucune consigne à Gala mais elle espérait bien que cette dernière allait bien rester sur Arconel. Toutefois, malgré son extrêmement attentif dirigé tout autour d’eux, sa voix s’éleva avec un grand calme, sans être crispée.

-Etes-vous déjà venu ici ? demanda-t-elle sans même jeté un coup d’œil derrière elle, supposant sans détour que le chevalier l’écoutait ou au moins était à portée de voix. On voyage depuis un morceau de temps mais on ne revoit pas encore souvent des endroits déjà vus.

En clair, manière détournée pour dire qu’elles ne visitaient que des endroits qu’elles n’avaient jamais vus. Et Gala se serait bien passé de voir celui-ci. Son regard fixait les silhouettes des arbres morts. Cela lui faisait froid dans le dos. A travers ses ombres, la jeune fille semblait avoir danser d’autres formes.. si sombres. Fermant les yeux un instant pour chasser cet impression, un frisson la parcouru. Aussi quand rouvrit-elle ses yeux, se fut pour se concentrer sur les cheveux de Marika. Ils bougeaient à peine.. Il n’y avait pas de vent.. Frissonnant à nouveau, la petite fille se resserra sur elle-même, essayant de concentrer son esprit sur ce que lui avait dit Edalion quelques instants plutôt. Des instants qui lui paraissaient déjà diablement loin.

Tout ce silence… Ce monde ne contenait-il donc que des endroits maudits ? C’était dans ce genre de situation que Marika autant que Gala devait regretter le désert. Le désert avait beau être uniforme, monotone, on savait au moins à quoi s’y attendre où qu’on aille, d’une certaine manière. Ici… tout était nouveau pour les voyageuses tant par l’environnement que dans leurs connaissances. Même en tant que non-héritière de son clan, son statut de princesse l’obligeait à avoir certaines connaissances du ‘monde extérieur’. C’est pourquoi, elle ne fut pas sans matière à la question d’Edalion. Se tournant brièvement vers lui pour lui répondre, c’est une voix murmurante et quelque peu mystérieuse qui souffla ses prochains mots.

-C’est la Pineraie carbonisée… Autrefois, c’était un endroit très fertile et vert, comme toutes les terres volcaniques… Du moins avant que ce dernier n’entre en éruption.

En une phrase venait-elle de résumer la raison de l’état du lieu, et du peu de connaissance qu’elle en savait. Malheureusement, ne s’intéressant pas beaucoup aux lieux extérieurs quand elle vivait encore dans le désert, elle avait appris le minimum des minimums. Aujourd’hui, elle le regrettait un peu. Elle aurait du plus s’y intéresser… Mais ça c’était plutôt le genre de Gala. Dommage que leur père ne le lui ait pas proposé… Ils auraient alors eu avec eux une carte ambulante ! Gala adorait apprendre.

-Je n’en sais malheureusement pas grand-chose d’autre. C’est un lieu de morts et de désolation. Toutefois… je ne pense pas que nous aillons des craintes à avoir, ajouta-t-elle en marquant une pause avant de reprendre, s’étant arrêtée pour balayer l’horizon d’un bras. On y est mal à l’aise, c’est normal. Mais c’est un lieu mort. Je ne pense pas que des embuscades nous y attendent. Et puis, même si ça arrivait… on les verrait venir de loin.

Ces derniers mots s’étaient achevés dans de bref élan d’humour, si rare chez elle. Mais c’était relativement vrai : la Pineraie offrait une vue particulièrement dégagée au vue de la désolation qui y régnait. Alors pourquoi Marika avait elle-même de la peine à croire ces mots ? Peut-être parce qu’il serait trop facile de ne pas tomber sur un ennui ? Toutefois, il fallait y croire. Se détendant un brin, ses épaules se relâchèrent et sa voix se décrispa tout en gardant un calme assez bas. On ne sait jamais.

-Ici… la terre est morte. Il n’y a plus de vie. Notre peuple est un peuple des sables, mais nous sommes aussi un peuple de la terre. Nul virée aérienne ni mirifique tournée maritime pour nous. La terre est notre socle et le feu notre quotidien. Chaque clan est différent mais je pense qu’on s’accordera tous sur l’importance de la terre. Vous avez le don de pouvoir la manipuler, c’est sacré et commun chez les nôtres. Quand on voit ce qu’il en reste ici, pensez à tout ce que la terre apporte. Ne négligez pas votre don : c’est autant un savoir protecteur, de force et de vie.

Quelle longue tirade pour la jeune femme que voilà ! Maria avait envi de parler un instant mais… s’étendre sur elle-même ne rentrerait toujours pas dans ses habitudes. Toutefois, toute cette désolation l’avait fait penser au don d’Edalion et de son impact chez les siens. Elle-même n’avait pas choisi cette voix, toutefois, elle la respectait énormément. Malgré l’apparence très guerrière de la jeune femme, les traditions et coutumes de son clan lui avaient toujours été importantes.

-Pourquoi ne pas avoir trouvé le temps de la travailler ? compléta-t-elle finalement, désireuse quelque part de mieux le connaître.

Et cette question n'était pas n'importe quoi. Car Gala se demanda à cet instant précis quand était la dernière fois que Marika avait posé une question personnelle à quelqu'un..

Encore une question de temps. Même si Marika ne relevait généralement pas ce qui venait des autres, cela ne l’empêchait pas de le remarquer. Et c’était la deuxième fois qu’Edalion répondait de manière vague au sujet du manque d’utilisation qu’il avait de son don terrestre. Bien évidemment, elle ne le releva pas, se contentant d’acquiescer. La réponse, même vague, restait claire en un sens : cela signifiait que quelque part dans son passé, ce n’était pas lui qui avait décidé. Le reste, elle ne chercha même pas à le présupposer. Ce n’était pas elle qui allait reprocher cette conduite, étant donné qu’elle en faisait usage plus que souvent. Jetant un coup d’œil derrière elle vers Gala pour s’assurer que ça allait, la jeune femme garda ensuite le silence.

Pendant ce temps-là, Gala s’agitait sur son cheval. Ou plutôt, essayait de s’agiter. Car ses mouvements étaient comme bloqués par sa peur : elle voulait s’agiter de nervosité mais sa crainte réfrénait ses mouvements. C’était une étrange bataille. Tournant nerveusement le cavalier offert précédemment, elle gardait ses yeux fixés dessus en essayant de ne penser à rien. Elle n’aimait vraiment pas cet endroit. Tout ce qui s’en dégageait… Cela lui rappelait tellement tous ses cauchemars. A cet instant, elle ne s’était jamais senti aussi seule. Quand soudainement, une injonction s’éleva dans les airs.

-Gala !

Marika s’était retournée à une vitesse hallucinante tendant le bras vers la petite fille. Cette dernière, voyant le chevalier flèche à la main et leurs regards paniqués, compris sans peine qu’ils étaient attaqués. Sa grande sœur, les yeux ouverts de frayeurs comme peu de fois où elle se le permettait, n’eut pourtant pas à agir : Edalion fut plus rapide à son grand soulagement. De son côté Marika avait cédé à l’agacement. Maintenant Gala à l’abri, et elle ne se doutait pas qu’avec Edalion elle ne risquait rien, la jeune femme avait juste envi d’en coller deux à ses adversaires. On ne s’attaquait pas à sa sœur !

S’élançant en avant d’un bond dans la poussière qui n’était pas encore retombée, Marika à peine retombée qu’elle fila vers l’arbre, fouet à la main. Sa vitesse prodigieuse empêcha l’adversaire de répliquer, ou s’il envoya une flèche, elle se déplaça bien trop rapidement pour qu’elle puisse l’atteindre. Mais arrivée à l’arbre, la jeune femme n’eut pas le temps de lancer son fouet qu’un coup puissant de pieds dans le dos lui coupa le souffle avant de l’envoyer se cogner contre le tronc. Dégringolant contre l’arbre, Marika eut encore le réflexe de se retourner. Heureusement que l’arbre était mort, le choc n’en fut pas trop dur. Mais accoler contre les racines, la jeune femme se retrouvait aux pieds de son adversaire. En un coup d’œil, elle discerna ce que c’était.

Arc et carquois sur le dos, une lame brandit à la main, des habits ténébreux forestiers. Un rodeur ! Elle perdait tous ses avantages : ces derniers avaient vitesse et réflexe accrue. Elle n’aurait pas pu tomber sur pire !

A côté, Gala avait étrangement repris ses esprits. Elle avait à peine eu le temps de réagir quand Edalion l’avait entraînée avec lui. Mais à terre, près de la frêle protection et face à l’absence de Marika, la jeune fille avait retrouvé ses esprits.

-Marikaa !

Mais cette dernière était désormais trop loin et la poussière encore visible. Se tournant d’un coup vers Edalion, elle l’attrapa par les bras et le secoua avec force, son visage reflétant une intense inquiétude. Marika était pourtant forte mais cette fois, quelque chose glacée son esprit.

-Elle peut pas mourir à cause de moi ! Faites quelque chose !!

Comme si le rodeur avait vu arrivé le nouveau nuage de poussière, il s’était précipité. Lançant avec force mais à la hâte sa lame vers Marika, il ne prit même pas le temps de vérifier sa cible qu’il se retournait déjà pour faire face au nouvel arrivant. Le premier qui le surprendrait n’était pas encore arrivé ! La nomade l’avait bien compris ; et après avoir réussi à éviter de justesse la lame de son épée dans un roulement sur le côté, elle ne comptait remettre cette théorie à l’épreuve.

A peine égratignée, la nomade ressentait pourtant une douleur aigue dans le bras. Sa roulade exécutée, elle se tenait désormais accroupie à terre, alerte. Un coup d’œil lui permet de se rappeler de sa fraîche blessure d’hier. Mais ce n’était pas ça qui allait l’embêter. Se relevant avec agilité, Marika s’élançait déjà pour porter assistance à Edalion mais ce fut peine perdue, car décidément, ce n’était pas son jour. Un claquement dans l’air l’averti au dernier moment de se retourner et c’est in-extremis que la jeune femme eut le temps d’exécuter un splendide salto arrière avant que le fil d’un fouet ne s’entoure autour de ses chevilles.

Mais… c’était le sien ! Ouvrant les yeux de stupeur, elle darda son regard vers la provenance du coup pour tomber nez à nez avec à un deuxième rodeur… mais une femelle cette fois. Si on put parler en un langage aussi familier… Plissant ses paupières d’agacement, la jeune femme s’approcha avec lenteur de cette fourbe. La rodeuse, scintillant d’avidité et de malveillance faisait claquer le fouet de Marika avec un plaisir fou. Cette dernière, bien qu’ayant envi de la remettre en place vite fait bien fait, pensait quand même à Edalion, s’en sortait-il ?

De l’autre côté du combat, une jeune fille était recroquevillée sur elle-même, se balançant d’avant en arrière. Des gouttes de sueurs perlaient de son front tandis qu’elle entendait le vacarme du combat. Il faisait si sombre en plus. Mais cela ne dura pas : le mur de terre s’effondra brusquement. Les yeux ouverts de terreur, Gala se demanda immédiatement s’il était arrivé quelque chose à Edalion ! Pour qu’un sort cesse il fallait soit que la personne meure, soit qu’elle soit totalement épuisée ou qu’elle perde connaissance, parfois il suffisait de quelques secondes pour les novices.. Mais dans tous les cas, c’était grave. Ne réfléchissant même pas, la petite fille s’élança vers le lieu présumé du combat. Il y avait tant de poussière, autant élevé à cause d’Edalion qu’en raison de la fureur du combat. Malheureusement, Gala eut à peine le temps de traverser le terrain qu’un hideux personnage l’attrapa dans ses bras. Couvert de plaques, gros gabaries, c’était l’aigrefin.

-Aaaaah ! fut tout ce que la surprise plus que la terreur fit entendre de Gala.

Le cri répercuter dans les airs parvint jusqu’aux sensibles oreilles de Marika. Cette dernière venait juste d’esquiver un coup de la hallebarde de la rodeuse. Quel drôle de choix d’armes pour quelqu’un de sa condition. Mais le cri de Gala avait fait taire l’ironie de Marika. Instinctivement, la jeune femme lança son pied à la figure de la rodeuse afin de la déstabiliser, juste le temps de lui échapper pour pouvoir rejoindre Gala.

La course de ses jambes était précise et rapide mais le visage de Marika ne reflétait pas la peur. Son cœur battait vite mais elle restait étrangement calme. Ce fut beaucoup moins le cas quand en quelques secondes elle arriva, interdite, devant le splendide spectacle de l’aigrefin tenant le corps frêle de Gala entre ses bras. Il pouvait la briser comme une allumette.

Le regard interdit de Marika ne fut pas plus expressif que ces pensées. Car à peine avait-elle vu la condition de sa sœur qu’elle n’avait pas pu aller plus en avant : la rodeuse qu’elle avait abandonné un instant plutôt venait d’envoyer le fouet s’enrouler autour de son avant-bras. Surprise, Marika se retourna vers elle juste à temps pour prendre et équilibre afin de ne pas tomber en avant quand la rodeuse tira sur le fouet pour la faire tomber. Elle résista, mais le fouet mit la chair à vif. Retenant un gris de douleurs, Marika attrapa le fouet dans la main du même bras pris et lui rendit la pareil : tirant d’un coup sec, la rodeuse, surprise, tomba en avant. En quelques mouvements seulement grâce à son don de vitesse, la nomade sut près d’elle et lui cassa d’un coup net la nuque alors qu’elle tentait de se relever.

Sans même s’en préoccuper plus, la jeune femme releva le visage vers la brute qui avait capturé sa sœur juste à temps pour voir Edalion s’effondrer par terre, sa sœur avec lui. Le cœur de Marika se serra un instant pour deux raisons : sa sœur avait du prendre un sacré coup et elle n’avait pas vu le coup que le chevalier avait prit, avait-il été mortel ? Interdite, de tout son corps cette fois, Marika ne bougeait pas d’un pouce. Pas qu’elle était trop en train de penser mais elle réfléchissait le plus rapidement possible à quoi faire. Un aigrefin rimait avec force surhumaine quand même…

Cependant, au troisième coup qu’elle le vit mettre à Edalion, la jeune femme n’avait plus vraiment le temps de penser. Reprenant son fouet d’un coup, épée dans l’autre main, Marika bondit vers la brute maléfique courant aussi vite que son énergie plus permettait encore. Mais alors qu’elle arrivait sur son imposant… opposant, la jeune femme prit un profond appui sur le sol pour s’élancer au dessus de l’aigrefin tout en envoyant son fouet se lasser autour du coup de l’agresseur. A peine retombée sur ses deux pieds de l’autre côté que Marika tira du coup le plus sec et puissant que ses muscles lui permettaient. L’aigrefin, n’ayant pas eu le temps de se retourner reçut une boule-pression : il sut obliger de reculer tandis que le fouet l’étranglait. Quelle merveilleuse idée donnent les rodeurs !

Avant que l’aigrefin ne puisse encore réagir, Marika redonna un coup sec sur le fouet qui fit cette fois littéralement tomber en arrière le chevalier de l’ombre. Toutefois ce dernier, dans ce mouvement qui avait desserré l’étreinte du fouet, avait réussi à se retourner et agrippé désormais le fouet. Mais ce n’était pas à Marika qu’on allait apprendre la ruse ! La jeune femme avait déjà lâché le fouet et se jetait vers l’aigrefin. Sans lui laisser le temps de faire un mouvement, elle lui enfonça son épée dans la gorge. S’en était clairement fini là… ou presque. Marika n’avait pas réalisé que le premier rodeur avait juste été sonné. Avec son bras cassé, il ne pouvait pas tirer de flèche, c’est pourquoi il se jeta sur la nomade comme un boulet, les projetant plus loin tous les deux. Sûrement une tactique désespérée au vu de la défaire de son escadrille… La jeune femme en finit rapidement : lors de leur roulade, elle l’avait attrapé, plaqué au sol et appuyant son bras contre la gorge de l’assaillant, attendis qu’il meurt d’asphyxie..

La pression si longtemps retenue avait épuisée Marika. Lorsque le rodeur rendit son dernier souffle, Marika aussi d’une certaine manière : un long soupir lui échappa tandis qu’elle se laissait tomber au sol, les yeux contemplant le ciel si sombre, gris… presque brun. Mais à peine quelques secondes après qu’elle entendit une voix s’élever.

-Marika ! Marika !

Elle avait oubliée !

-Gala !

Se levant maladroitement, Marika rejoignit aussi vite que possible sa sœur. Cette dernière était restée complètement terrorisée sous le corps d’Edalion jusqu’à ce que les bruits de combat cessent. Désormais assise à côté du chevalier, elle regarda venir sa sœur d’un regard inquiet.

-Tu crois qu’il est… ?

Marika dérapant à moitié sur le sol en arrivant fut assise par terre plus vite qu’elle n’aurait pensée. Se rééquilibrant, la nomade posa sa main brûlante contre la gorge du chevalier. Attendit quelques secondes avant de se laisser tomber tranquillement en tailleur, comme si plus rien ne pressait brusquement.

-Alors ?

-Il n’a rien.

-Comment ça « il n’a rien » ? souffla Gala entre ces dents : il est évanoui, il ne peut pas ‘ne rien avoir’.

-Je veux dire qu’il n’est pas mort, répliqua Marika en roulant des yeux.

-Ah…

-Aide-moi à le retourner.

Acquiesçant, Gala aida sa sœur. La petite fille se sentait diablement coupable. Mais le mur avait cédé, c’était pour une raison ! Et là, ils avaient failli mourir tous les deux : sa sœur et le chevalier. Dépitée, triste, Gala posa ses yeux sur sa sœur amochée. Cette dernière ayant remarquée l’état de Gala l’envoya chercher une couverture, bol, eaux, compresses, baumes, etc… histoire qu’elle ne reste pas devant ce spectacle.

La petite fille partie, Marika souffla de soulagement et put se laisser à une belle grimace. Qu’il était dur d’être combattante parfois ! Jetant un coup d’œil à sa chair ouverte sur son bras, elle retourna vite ses yeux sur le chevalier. Ayant posé la tête de ce dernier sur ces genoux, il n’y avait malheureusement pas grand-chose à faire mise à part attendre qu’il se réveille. Avec un peu de chance, il n’y aurait aucuns dégâts internes.

Marika observait Gala s’activer autour d’Arconel pour lui rapporter ce qu’elle lui avait demandé. Même si la nomade était restée relativement confiante face au danger qu’avait couru Gala, il n’en demeurait pas moins qu’elle aurait quand même pu y rester. Ce qui était encore plus étrange était que c’était l’une des premières fois depuis qu’elles étaient parties qu’elles se faisaient autant attaquées : deux embuscades en deux jours. Et le plus troublant, c’était qu’il y avait la présence de ce chevalier… Coïncidence ? Marika se pinça les lèvres pour éviter de penser des choses qui la culpabiliseraient. Pourtant, c’était inévitable : ses attaques avaient commencé à la rencontre d’Edalion. Soupirant, la jeune femme n’eut pas le temps d’y réfléchir plus longtemps que le chevalier en question se réveillait.

Encore trop perdue dans ses pensées, la nomade ne fit que tourner la tête vers Gala à la première question. Pendant qu’elle se faisait, le chevalier en avait déjà profité pour se redresser. Marika allait lui dire de rester tranquille mais face à la facilité avec laquelle il le put, elle resta interdite. Il aurait du rester clouer par terre après tous ses coups… Et ce n’était pas de la surprise que ressentait à ce moment la jeune femme : c’était de la peur. Si ce chevalier était lié aux embuscades, normal qu’il en ressorte indemne. E plus, c’était grâce à son don terrestre ! Alors qu’il avait dit ne pas savoir s’en sévir. Sans parler que lorsqu’elle en avait eu besoin lors du combat d’hier, il ne s’en était pas servi : coïncidence aussi ? D’un autre côté… la peur avait pu faire automatiquement agir son don… Quelle galère… Soupirant à nouveau, Marika fut sortie de ses pensées par la seconde question du chevalier. En tout cas, c’était clair qu’elle n’allait au moins pas lui répondre là-dessus.

-Je ne sais pas, mais c’est effectivement très troublant.

La réponse de Marika avait été à double-tranchant : oui elle avait menti parce qu’elle s’en doutait du quoi mais en même temps, la deuxième partie était une lame bien acérée destinée à Edalion. Comment faire la part des choses quand tout n’est qu’une parfaite incertitude ? Elles ne pouvaient pas, ni elle, ni Gala. La vérité était simple… elle ne pouvait pas se permettre de créer plus d’incertitude qu’il n’y en avait déjà : elles devaient rester seules. Dans tous les cas, si Edalion était mêlé aux attaques, elles devaient partir au plus vite. Dans l’autre côté, elles mettaient toutes les deux la vie du chevalier en danger. Conclusion, il fallait partir. Se relevant agilement, Marika répondit de manière évasive à sa dernière question.

-Il y a pire.

Partant vers Arconel, Marika ordonna à Gala d’aller aider Edalion mais de ne surtout pas s’attarder. De toute façon, elle aurait l’œil. La petite fille s’exécuta donc. Elle n’avait pas été aveugle au changement d’attitude de sa sœur. Tout à l’heure, elle semblait vraiment inquiète et voilà que la méfiance avait repris le pas. Et genre, un pas de géant. Soupirant, Gala sentait bien arriver la suite. Dire que tout était de sa faute…

-Tenez… murmura Gala en donnant au chevalier un baume à la composition très suspecte. C’est très efficace, ça vient de chez nous.

Et puis, se tortillant un peu les mèches de cheveux, Gala finit par s’asseoir et par jouer avec la terre morte qui parsemait le sol. Soupirant, son visage ne semblait pas vraiment tordu par la culpabilité, plutôt par une profonde tristesse.

-Désolée pour tout à l’heure : je croyais que vous aviez des ennuis, murmura-t-elle à nouveau avant de marquer une pause, indécise. J'espère que vous ne m'en voulez pas trop..

De son côté, Marika regardait Gala et le chevalier d’un œil agacé. Comment partir ? S’il était de mèche avec les embuscades, il n’allait pas juste les laisser s’en aller. L’assommer ? Oui mais s’il n’avait rien fait : d’une part elle le laisserait blessé et inconscient dans ses terres hostiles et d’une autre part… cela ne se faisait pas ! Dilemme.

La nomade était devenue diablement suspicieuse, quel enfer toute cette histoire. Ses yeux fins et figés avaient suivi chacun des mouvements d’Edalion tandis qu’elle rangeait lentement des affaires que Gala avait sorties en trop sur Arconel. Elle dut cependant s’arrêter à l’annoncer de la nouvelle du chevalier. Coïncidence ? Elle ne le croyait pas vraiment. Mais au moins, ça l’évitait de devoir choisir quel mode d’assommement elle allait choisir. Par contre, encore inquiète, ça ne les empêcherait pas de détaler au galop d’ici. On ne sait jamais, d’ici là que ce soit une feinte. Indiquant à Gala de venir près d’elle, la petite fille s’exécuta en silence, le visage remplit de tristesse.

Marika qui ne comptait pas se perdre en parole inutile, trop occupée à l’idée de s’en aller d’ici et de faire cesser toutes ces incertitudes qui étaient en train de la rendre fille, aidait déjà Gala à monter sur Arconel sans ajouter la moindre autre parole. Elle s’en voulait un petit peu au fond d’elle de laisser ainsi le chevalier mais elle n’en pouvait plus au fond de cette situation. Et cela ne s’arrangea pas quand Edalion leurs appris qu’il avait un avis de recherche sur lui. Marika et Gala échangèrent un même regard qui frôlait le doute pour se plonger dans l’inquiétude.

Si la jeune femme n’était pas si forte, elle fondrait sûrement en larme. Pas de tristesse mais de douleurs plutôt, elle était tellement tiraillée depuis qu’elle était partie avec Gala. Quand elle conduisait les siens à la bataille, elle n’était pas seule, elle avait d’autres avis et savait y faire la bonne part mais là, seule. C’était… totalement différent. Et elle voulait juste désormais ne plus devoir se retrouver entre toutes ses décisions. Partir au plus vite, ne pas chercher à donner des explications futiles. Alors, sans rien dire, Marika se tourna vers Arconel, s’apprêtant à grimper sur lui, mais Gala l’arrêta en lui posant une main sur l’épaule.

-On peut lui faire confiance.

La petite fille avait plongé ses yeux dans ceux de sa sœur, disant cela. Marika arrêta son geste et se retourna brièvement vers le chevalier. Aprè tout, c’était Gala qui était en danger, le choix devait aussi lui revenir surtout connaissant son instinct. Alors, soupirant Marika s’avança vers Edalion, le regard fermé mais qui reflétait sans dissimulation une nette inquiétude.

-Ne vous inquiétez pas, je ne pense pas que ce soit de votre faute. Gala et moi devons partir pour une raison qu’il ne m’est pas permise de vous dire pour la sécurité de Gala, termina-t-elle dans un murmure.

C’était vrai, elle ne pouvait quand même pas s’y répondre mais elle n’allait quand même pas le laisser comme ça. Marika n’était pas quelqu’un de foncièrement méfiante. Chez elle, elle n’avait jamais eu à l’être car une confiance totale régnait entre les membres d’un même clan. A l’extérieur et dans cette situation, tout était différent…

-Je m’appelle Marika Danam, je suis Princesse de la tribu d’Ecron.

En clair, elle lui donnait son identité complète mais pas à n’importe quelle fin. Glissant les mains à sa gorge, elle ressortit un collier qui se logeait sous le morceau de tissu qui cachait normalement son cou. Le collier, malgré leur traditions barbares, était fait de plusieurs chaînes d’or et d’argent entre lacé tandis qu’un pendentif s’en détaché. Maintenu au collier par une ronce, c’était une larme d’eau qui prenait forme à son beau, gelée et figée.

-Tenez, déclara-t-elle en lui tendant. Ce collier est mon identité hiérarchique. Si vous ne savez plus où aller, présentez-le aux miens, ils vous aideront.

Basculant un peu sa tête sur le côté, elle sourit largement. Mais il était temps d’y aller quand même.

-J’ai été ravi de vous rencontrer.

Sur ces derniers mots, la jeune femme se détourna pour rejoindre Gala sur Arconel. D’un bond, la jeune femme s’assit derrière sa sœur, comme en symbole de protection. Cette dernière lançant un dernier sourire plein de bonne humeur à Edalion, ajouté d’un signe de main, restait joyeuse. Il n’était pas dans sa nature de désespérer… L’instant suivant, Arconel partait au galop à travers les arbres morts de cette plaine décharnée.