Cela faisait une petite éternité que je n’avais pas mise les pieds à Malificium. Et lorsque j’arrivai à son marché, ce fut avec consternation que je découvris que rien n’avait changé. Pire encore, les stéréotypes que l’on avait de cette cité étaient tous présents, ce qui me désola profondément et j’en arrivai à me demander s’il en était réellement tous les jours ainsi. Autrefois, cet endroit était tout de même plus décent.

Me frayant un chemin parmi la foule et les étals, plusieurs mendiants tentèrent de me soutirer des sous. La tête bien haute, j’avançais droit devant moi comme si je ne les voyais pas. Sortez une pièce de votre poche et ce sera toute une garnison de pouilleux qui se rueront sur vous pour vous en quémander davantage.
Habillée de noire et portant un sac miteux de voyage sur mon épaule, les voleurs ne s’intéressèrent pas beaucoup à moi car j’avais, en l’occurrence, tout fait pour ne pas attirer l’attention sur ma personne. Et de toute façon, je ne possédais aucun objet de valeur sur moi et ma bourse d’or (qui était d’ailleurs presque vide), était bien cachée près de mon cœur.

Comme d’habitude, de vieilles bonnes femmes et des gros lards ne manquèrent pas de me bousculer ou de me donner des coups de coude pour pouvoir avancer. N’ayant pas envie de me battre, je continuai ma route sans broncher. Et ce fut avec un plaisir infini que j’aperçu l’un de ces idiots recouverts soudainement de pustules sur le visage. Je ne doutai pas un seul instant de la provenance de cette magie. Il s’agissait tout simplement de la mienne. La plupart du temps, mon pouvoir se déclenchait à n’importe quel moment pour produire des choses inutiles mais, cette fois-ci, je dus bien admettre que j’étais bien contente de l’avoir… ce qui ne m’empêcha pas pour autant de trouver un moyen pour m’en débarrasser.

Bien que j’avais la capacité de pouvoir faire tout ce que je voulais, il ne fallait pas oublier avant tout que cette faculté qui s’écoulait en moi n’écoutait personne d’autre qu’elle-même. Et la plupart du temps, cette « magie aléatoire » ne provoquait que ce qu’elle voulait, à savoir, des choses complètement inutiles et éphémères.
D’ailleurs, lorsque j’arrivai devant l’étal d’un alchimiste, un parterre de fleurs fleurit sous mes pieds, me donnant des airs de druidesse. Le marchand leva alors les yeux sur moi ayant l’air de se demander ce qu’une personne telle que moi pouvait bien faire ici, sur les pavés de Malificium. Ah ! Si seulement s’il savait qui j’étais réellement ! Il m’aurait de suite détesté et se serait empressé de mettre à l’abri toutes ses fioles qu’il étalait fièrement sur son étal.

« Auriez-vous une quelconque potion ou mixture, capable de supprimer un pouvoir ?
_ Ohla ! Vous croyez sincèrement qu’une simple fiole pourrait faire cela ? En revanche, pour vingt pièces d’or, je peux vous donner quelque chose qui pourrait empêcher l’utilisation d’un pouvoir pendant un instant.
_ Combien de temps ?
_ Pardi ! Je n’en sais rien, moi ! Une heure ou deux, pas plus ! »

Au moins, on ne viendra pas dire que je n’avais pas tenté le tout pour le tout. Je pris la fiole et la fit rouler au creux de ma main. Et après l’avoir contemplé quelques instants, je la remis à sa place sur l’étal. Je doutai fort que ce produit fonctionnerait sur moi. Ce n’était pas une magie banale qui circulait dans mes veines.
Mais bon, pendant que le marchand regardait ailleurs, cela ne m’empêcha pas de lui subtiliser la fiole. A la place, j’en mis une autre que j’avais trouvé par terre. Elle ne devait certainement pas contenir la même chose que celle dont j’étais à présent en possession mais qu’importe. L’important, c’est qu’il n’avait rien remarqué.

Alors que je déployais tous mes efforts pour ne pas me faire remarquer, mon voisin, quant à lui, se ficha éperdument de savoir si le marchand allait le prendre la main dans le sac ou non. Du coup, bien évidemment, l’œil du propriétaire ne tarda pas à remarquer que quelqu’un était en train de lui subtiliser quelques unes de ses mixtures onéreuses. Il se mit à proférer des menaces à l’encontre de mon voisin qui était en train de placer entre mes mains une fiole prise sur l’étal. Surprise par ce geste, je me contentai simplement de le jauger du regard, comme s’il était venu d’un autre monde. Mais qui était donc ce fou ?
Pendant un instant, je croyais bien que la hache allait s’abattre sur sa tête mais à mon grand étonnement, l’homme contre-attaqua de manière si subtile que je finis par me demander s’il n’était pas un assassin stupide ; car oui, pour se donner en spectacle comme ça, devant tout le monde, il fallait bien être quelque peu illogique ou complètement inconscient. Mais peut-être m’étais-je trompée sur lui car, au final et d’apparence, rien de grave ne se produisit. Au fond, ce qui venait de se passer ressemblait à la chose la plus commune que l’on pouvait assister au marché de Malificium. Ici, les prix affichés sur les étiquettes ne faisaient qu’office de décoration et il n’y avait que les ignorants pour donner le montant indiqué dessus sans marchander.

Et quand l’inconnu me prit le bras pour me tirer vers je-ne-sais-où, je le suivis docilement sans broncher, non pas parce que moi aussi, j’avais un grain dans la tête mais plutôt parce que j’étais curieuse de savoir ce qu’il me voulait.
Un peu plus loin de l’étal de l’alchimiste, il s’arrêta pour me fixer. Bien qu’il fût loin de ressembler à un joli agneau, son regard était étonnamment inoffensif, ce qui me fit comprendre qu’il n’avait pas l’intention de me faire du mal.
Tout d’un coup, il m’annonça qu’il pouvait m’aider. Lui, qui ne me connaissait pas, prétendait savoir comment ôter de mon être cette malédiction qui me hantait depuis des décennies. Cela en était tellement absurde que j’en fronçai les sourcils, d’autant plus lorsque je vis que la fiole qu’il m’avait donné servait à amplifier la magie.

« Ce ne sont pas vos affaires. »

Non seulement je savais pertinemment que quoi qu’il pourrait faire, cela ne m’aiderait en rien mais en plus, il aurait fallu en retour que je lui rende un quelconque service car tout le monde sait, rien n’est gratuit. Et si à Bénécius, seule une reconnaissance éternelle pouvait suffire, à Malificum, il fallait toujours donner ou accomplir une tâche.

« Et même si vous me dîtes que vous êtes le chef des mages noires, je n’accepterai toujours pas votre aide. Vous devriez proposer vos services à quelqu’un d’autre.»

J’entendis le marchand hurler à la mort avant de succomber dans l’au-delà, ce qui me laissa croire que l’inconnu devant moi n’était pas n’importe qui. Mais qu’importe. L’artefact maudit que j’avais déniché était d’une telle puissance que même le plus grand mage ne pouvait rien faire pour moi. Je ne savais pas de quelle sorte de magie il en résultait mais je supposai qu’il devait s’agir d’une de ces magies ancestrales dont tout le monde avait préféré oublier l’existence pour des raisons de sécurité. Moi, comme une sombre idiote, au lieu de me séparer de l’objet, j’avais pris pour habitude de toujours le garder près de moi alors qu’il ne m’apportait que malheur. A la fin, cet artefact avait fini par fusionner en moi. Désormais sa puissance magie m’appartenait mais restait toujours imprévisible et incontrôlable.

« Mais venons-en au fait. Que me voulez-vous ? »

Lorsqu’il m’avoua qu’il ne connaissait pas le chef des mages noirs (malgré le fait qu’il fasse récemment partie de cette confrérie), je le pris immédiatement pour un ignorant. Même pour un novice, il était inacceptable de ne pas connaître ne serait-ce le nom de son supérieur hiérarchique. Alors, bien évidemment, lorsqu’il me confia ses projets de destruction, mon silence en disait long sur ce que je pensais. Et lorsqu’il me proposa de m’aider dans ma quête de l’impossible, mon visage impassible se crispa et je finis malgré moi par éclater de rire.

« Vous croyez sincèrement qu’un mage noir débutant parviendrait à neutraliser une faculté magique acquis depuis la plus tendre enfance ? »

Le pouvoir que je possédais, je l’avais acquis durant mon adolescence. Cependant, cela faisait si longtemps que je le supportais que j’eus l’impression que je l’avais depuis toujours possédé.

« Ce n’est pas un artefact ou une babiole que l’on peut détruire avec une simple incantation ou quelques essences magiques. C’est beaucoup plus complexe que cela. Quant à mon problème, il se révèle être encore beaucoup plus difficile à résoudre car il relève d’une magie que vous ne devez sans doute pas connaître. »

Un sourire fleurit sur mes lèvres, le même genre que l’on faisait lorsqu’on expliquait quelque chose à un enfant.
Les mains croisées, je me demandais ce qu’il avait réellement derrière la tête. Était-il réellement aussi ignorant qu’il le prétendait ou me cachait-il quelque chose ? Une hypothèse se révéla alors à moi :

« Travaillez-vous pour quelqu’un ou cette initiative vient-elle de votre propre plein gré ? »

Des personnes qui voulaient neutralisaient la Tour Blanche, j’en connaissais des milliers. J’en avais rencontré souvent et tous avaient essayé de me recruter. Mais à chaque fois, j’avais refusé, ayant beaucoup mieux à faire que d’aller guerroyer en compagnie de toges noires. De plus, je n’éprouvais aucune rancune envers Bénécius. Pourquoi voudrais-je donc sa destruction ? C’était la cité où le taux d’imbéciles était le plus élevé. C’était avec grand plaisir que je venais y faire mes emplettes car là-bas, les marchands étaient moins à l’affût des voleurs. Ils faisaient davantage confiance aux clients, si bien qu’il était plus facile de leur soutirer des objets.

« Mais soit. Si vous parvenez à m’aider, je veux bien vous rendre service en retour. »

Ces mots qui venaient de sortir de ma bouche étaient inutiles, pour la simple et bonne raison que Mortanius n’était pas assez puissant pour m’ôter cette malédiction qui me hantait depuis des décennies entières. Néanmoins, il serait faux de dire que je ne me montrerai pas reconnaissante envers de celui ou celle qui parviendrait à trouver une solution à mon problème.

« Sachez cependant que j’ai bu déjà plusieurs élixirs et fait de multiples recherches. Chacune de mes tentatives a été un échec complet. »

Quelquefois, j’eus même l’impression que cela n’avait fait qu’empirer le mal, comme si cette magie qui me hantait possédait une sorte de conscience qui réagissait violemment à chaque fois que je tentais quelque chose contre lui.

Sa demande était si déconcertante que je ne pus m’empêcher de le regarder d’un air interrogateur. Ce qui était évident pour moi ne l’était pas pour mon interlocuteur et je ne pouvais que le comprendre.
Mes yeux le scrutaient d’un air songeur. Autrefois, j’étais capable de sonder l’esprit des gens, ce qui m’était bien pratique pour savoir à qui j’avais à faire. Mais maintenant, je n’avais plus que mon instinct et avec le temps, cet instinct était devenu si paresseux à force de ne rien faire qu’il était devenu incapable de m’aider.

« Hé bien… je suppose que je n’ai rien à perdre… »

Il allait être la deuxième personne à qui j’allais me confier. Et à mon sens, cela commençait à en faire un peu trop. Pourtant, il fallait bien m’y résigner. J’avais passé des décennies à essayer de m’ôter mon fardeau toute seule et peut-être était-il temps de demander un peu d’aide.

« Il y a plus d’un siècle, j’ai découvert un artefact très puissant. Grâce à un simple contact avec n’importe quelle matière, il était capable de produire une décharge magique. En somme, il était toujours en train de produire quelque chose. Ses effets sont toujours aléatoires et bien qu’ils ne soient qu’éphémères, il arrive que certains persistent dans le temps. »

Je lui souris tristement et décida de lui donner un exemple afin qu’il ne comprenne.

« Je suis humaine… »

Oui… une humaine de plus d’un siècle d’existence. La plupart des humains mourraient vers l’âge de 80 ans. Moi, j’avais réussi à survivre beaucoup plus longtemps en conservant un aspect presque juvénile. Malgré mon âge, je possédais l’aspect d’une jeune femme tout juste sortit de l’adolescence. En somme, je paraissais avoir le bel âge…

« A première vue, posséder un artefact capable de tout peut sembler séduisant. Mais rapidement, on s’aperçoit qu’on ne peut pas le contrôler. Sa magie peut très bien vous aider ou se retourner contre vous. Alors, naturellement, j’ai essayé de m’en débarrasser mais je n’y suis pas parvenu. A la fin, cet objet a fusionné en moi. L’avantage, c’est que maintenant, sa magie ne se manifeste plus à chaque seconde comme avant mais ses effets sont toujours aléatoires. »

Puis, comme pour illustrer mes propos, une ombre apparue près de Mortanius. Secouant doucement sa main pour attirer son attention, il glissa ensuite devant le mage noir. Et à bien y regarder, il ressemblait plus à un fantôme qu’à une ombre. Son corps était cadavérique et il ne possédait pas de yeux. Il resta là, pendant quelques secondes à jauger l’homme sans piper un mot. Puis, pour une raison mystérieuse, il pointa son index vers moi et esquissa un sourire.
Impassible, je restai là à contempler la scène. Habituée à ce genre de chose, toutes ces apparitions étranges finirent par me laisser complètement de marbre. Levant les yeux vers le mage noir, je me demandai comment il allait réagir face à ce que je venais de faire sans le vouloir.
Pendant ce temps là, le fantôme nous regardait successivement tour à tour et s’évanouit de la même façon qu’il était apparu. Des fois, il m’arrivait de me demander si mon vieil artefact possédait une conscience…

« Hélas, j’ai bien essayé mais il est impossible de contrôler quoi que ce soit. C’est une magie instable et complètement aléatoire. »

Une nouvelle fois, je lui répétais que le pouvoir dont j’étais en possession était incontrôlable. Il en était tellement que je me demandais s’il était le produit d’une erreur commise par les puissants anciens. Et cela ne m’aurait pas étonné étant donné les circonstances dans lequel j’avais trouvé son réceptacle. Autrefois contenu dans un œuf, je l’avais trouvé enseveli sous une pile de vêtements, le genre de vêtements que portais ces gens trop oisifs qui ne savaient pas quoi faire leur argent et de leur temps.
En resongeant à ce moment du passé, j’eus une petite pensée pour Halloween Steel qui m’avait aidé à dénicher cet objet maudit. Elle, au moins, n’avait pas eu la stupide idée de garder l’artefact car, n’oublions pas qu’à la base, l’œuf ne m’était pas destiné. Au départ, on m’avait engagé pour dérober l’objet magique et le remettre à un homme. Malheureusement pour lui, il trouva la mort, ce qui me permit de garder le bulletin. Ah ! Comme j’étais tellement sotte à l’époque !

« Qui vous a fait ça ? J’ai bien du mal à croire que des mages blancs auraient pu vous infliger pareilles horreurs. »

Avec attention, je contemplais ces blessures qui striaient le corps de Mortanius jusqu’à ce que ce dernier ne referme sa tunique.

« Vous aussi, vous n’êtes plus tout à fait humain… » lui soufflai-je.

De purs produits de la magie, voilà ce que nous étions. Si tout s’était passé dans l’ordre des choses, nous aurions du être morts et les larves auraient dû festoyer sur nos cadavres. Mais ce n’était pas le cas. Et si Mortanius ne savait pas combien de temps il lui restait à vivre, moi, je savais pertinemment que je vivrai aussi longtemps que mon pouvoir serait en moi. Cela me semblait évident, bien que ce ne fût écrit nulle part. Quelquefois, je me demandais s’il suffisait de me planter un couteau en plein cœur pour détruire à tout jamais cette magie mais, même si cette idée saugrenue m’était venue à la tête, jamais je ne voulu essayer, tout simplement parce que la mort ne me disait rien – malgré tout, il ne fallait pas croire que l’au-delà me faisait peur car j’avais bien conscience que cela aurait dû être ma nouvelle demeure depuis bien longtemps.

« Je m’appelle Syrka. »

Je ne lui avais toujours pas révélé mon identité et puisque nous étions sur le point de faire des affaires ensembles, autant savoir comment l’autre se prénommait.
Plongeant mon regard dans le sien, je ne cru percevoir aucune once de malveillance envers moi et ce fut pour cette raison que j’étais enclin à m’allier avec lui. Toutefois, je n’écartais pas l’hypothèse que, peut-être, j’étais en train de commettre une erreur. Et si cela se révélait être le cas, il était certain que je ferais en sorte de m’en sortir.
D’ailleurs, cela me fit penser à mes supérieurs. Je me demandais comment ils allaient réagir lorsqu’ils verraient que, moi, Syrka, était toujours de ce monde. Après tout, je n’avais plus donné signe de vie pendant plusieurs décennies. Cependant, je n’étais pas venue à Malificium pour cette raison…

Quelque chose m’échappait. Pourquoi haïssait-il donc les mages blancs jusqu’au point de tous les exterminer alors que les mages noirs s’étaient amusés à prendre son corps comme cobaye pour leur pitoyables expériences ? Ne devrait-il donc pas chercher la rédemption auprès des bénéfiques ? Il me manquait des éléments de son récit si bien que j’en venais à croire que tout ceci n’avait ni queue ni tête. Pourquoi vouloir s’allier avec des êtres qui l’avaient maltraité pour aller envahir un peuple qui ne lui avait rien fait ? Soit il me cachait des choses, soit il était mentalement dérangé…
… et quand il me révéla son nom, je finis par pencher pour la deuxième hypothèse… Mortanius… Mais quel était l’imbécile qui lui avait affublé de ce nom ridicule ? Son identité sonnait comme celui d’un chien et je trouvais que dans « Mortanius », il y avait un petit quelque chose de très caricatural qui rendait le tout pitoyable. Mais tout ceci, je n’en fis pas part avec le mage noir car je ne voulais pas l’offenser. De toute façon, il ne m’en laissa pas le loisir puisque de suite après s’être présenté, il me demanda ce que j’avais bien pu faire pendant mon existence.

« Je suis morte deux fois. » répondis-je comme si je parlais du beau temps et de la pluie.

J’avais peut-être plus de deux siècles d’existence, il ne fallait pas oublier que durant ces siècles furent soldé par plusieurs moments « d’absence » dans lesquels mon esprit voguait dans je-ne-sais-quel-horizon. Et tout ceci, à cause de ce maudit œuf d’entropie qui avait finalement choisi d’exploser un beau jour pour se retrouver en moi. Finalement, l’œuf d’entropie, c’était peut-être moi désormais. Peut-être que je n’étais plus réellement moi-même et qu’au fil du temps, j’allais devenir lui. Mes actes deviendraient aussi imprévisibles que sa magie et je serai considéré comme la plus dangereuse des dégénérés mentaux de l’Histoire.
Affolée par cette hypothèse, je la balayai rapidement pour en revenir au présent. Je ne tenais pas à raconter toute mon histoire à Mortanius. Pour commencer, elle était trop longue et je n’avais pas envie de dévoiler des informations à n’importe qui. Ce que je venais de lui dire sur ma personne était déjà énorme et après tout, rien encore ne me prouvait qu’il était réellement digne de confiance.

« Alors, as-tu élaboré un plan pour ton projet ou y allons-nous en fonçant tête baissée ? »

Je ne comprenais pas vraiment pourquoi il avait soudainement choisi de me tutoyer alors qu’il venait à peine de me rencontrer depuis quelques instants. Pensait-il que nous étions devenus soudainement bons amis après nous être échangés quelques confidences ? Mais puisqu’il avait choisi de le faire, je décidai de suivre le mouvement. Je ne le pensais pas hiérarchiquement au-dessus de moi et le traitais donc comme mon égal.