Une seconde passa, puis deux, et trois… Le garde continuait à fixer Morgane, comme s’il attendait quelque chose de sa part. Une question semblait suspendue sur ses lèvres mais aucun son ne sortit de ses cordes vocales. Après avoir laissé peser un long silence, il ouvrit subitement la porte et poussa sans ménagement la mage noire dans la pièce.
Tout au fond du bureau se trouvait Adhemar. Le visage impassible, il regardait Morgane droit dans les yeux sans ciller. Tout comme le garde, on aurait dit qu’il attendait quelque chose de la femme. Quant à savoir s’il était fâché contre elle ou pas, nul ne pouvait le savoir… D’ailleurs, à force de la fixer sans rien dire, on aurait même pu se demander ce qu’il avait derrière la tête.
Si Morgane avait voulu bouger ou parler à ce moment là, elle ne l’aurait de toute façon pas pu. Peut-être avait-il deviné quelles étaient ses intentions, peut-être s’était-il douté qu’elle avait mille et une choses à lui dire et peut-être n’avait-il tout simplement pas envie d’entendre tout cela.

_ Bonjour Morgane. finit-il par lâcher au bout de cinq minutes de silence.

D’un geste souple et gracieux de la main, il l’invita à prendre place sur l'une des deux chaises vides installées devant son bureau. Les doigts entrelacés sur la table, il attendit ensuite patiemment que Morgane ne daigne s’asseoir. Il n’ajouta pas un mot de plus, comme s’il estimait avoir tout dit. Ses yeux continuaient à fixer tous les faits et gestes de la femme sans trahir une once d’émotion. Allait-elle réagir ou attendre sagement qu’Adhemar consente à devenir plus éloquent ?

Je n'étais pas de nature patiente mais avec mon cher dirigeant adoré, je n'avais pas vraiment le choix. Son égocentrisme me tapait sur les nerfs. Il m'avait déjà fait le coup lorsque je venais pour passer mon épreuve pour devenir archimage, il semblait décider de faire de même pour mon poste de démoniste. Je n'avais qu'une hate le décapiter et prendre son trône mais je devais être conciliante et patiente. Un jour, cela arrivera mais en attendant, je devais être un bon soldat...

Je fixais le garde sans vraiment le voir. Il n'était à mes yeux qu'un cloporte incapable de faire autre chose que de surveiller une porte. Peut-être avait-il été puissant un jour et couvert de gloire ? Mais j'en doutais fortement. En tout cas, vivre aux côtés de notre cher chef l'avait rendu tout aussi méprisable. Je passais ma main dans mes cheveux afin d'être prête. J'étais parfaite comme d'habitude. Il n'y avait plus qu'à.

La délivrance finit par avoir lieu. Je me levais calmement alors que je bouillais de rage intérieusement et m'avancais d'un pas élégant en direction du bureau de mon dirigeant. Là encore un jeu de regards eut lieu. Son mutisme m'agaça mais je ne fis rien montrer. Mon regard verdoyant était exceptionnellement d'une froideur extrême. Sa voix me parvint. Je lui fis une révérence en conséquence. Je me dirigeais vers mon siège. Impossible de savoir ce qu'il souhaitait réellement de voir. En tout cas, il restait le même... J'attendis une minute, puis deux, puis trois et je finis par prendre à mon tour la parole d'une voix respectueuse :

« Vous m'avez fait demander messire. Est-ce pour le rapport sur le dénommé Tashar ? Sur l'attaque des dragons ?»

Après tout, c'était plausible... Je n'allais pas lui dire : filer moi mon pouvoir, mon nouveau rang et laissez moi en paix... Non... Je devais être conciliante et ne rien prendre de force. Il ne fallait absolument pas que je me mette en froid avec lui... Je luttais contre ma nature profonde mais cela valait le coup, non ?

Les lèvres d’Adhemar s’étirèrent en un sourire condescendant lorsque Morgane décida de rompre le silence dans lequel ils étaient plongés. Elle se demandait pourquoi il l’avait convoqué. N’en avait-elle réellement aucune idée ou essayait-elle de jouer à la petite écervelée pour tenter de l’attendrir ? En tout cas, son petit manège ne fonctionna pas sur le chef. Telle une statue, son sourire restait figé sur son visage. Il aurait voulu jouer à ce jeu plus longtemps mais comme il avait d’autres chats à fouetter, il décida d’éclairer la lanterne de la demoiselle.

_ Non, pas du tout, sauf peut-être si tu as quelque chose à me dire là-dessus.

Il resta ensuite silencieux pendant quelques secondes comme s’il voulait que Morgane ne trouve toute seule la raison de sa convocation. Cependant, il finit par ouvrir la bouche et demanda calmement.

_ Ne sais-tu vraiment pas pourquoi tu es ici ? N’as-tu pas évolué depuis que je t’ai offert Beltionne ? Es-tu restée la même jeune fille ?

Bien entendu, Adhemar avait déjà entendu parler des Steel. Il avait eu vent des capacités de la grand-mère de Morgane. Cependant, la mage noire était loin de ressembler à cette noble femme et encore moins à sa défunte mère. Être issue d’une grande lignée ne faisait pas forcément de vous un être hors du commun. Cela dit, Morgane était sur la bonne voie pour devenir aussi puissante que ses ancêtres mais elle avait encore des choses à apprendre et Adhemar ne pouvait se permettre de donner des pouvoirs à une personne indigne de confiance.

Son regard se tourna vers le poignet de Morgane. Il avait l’air de se demander s’il avait bien fait de lui avoir confié Beltionne. Dans ses yeux, la mage noire pouvait voir qu’il semblait même hésiter à reprendre cet artefact. Néanmoins, il ne fit rien et finit par redresser la tête, attendant patiemment la réponse de l’archimage maléfique. Il voulait savoir si la mage noire voulait passer au rang supérieur et ce dont elle était capable de lui apporter mais avant tout, il voulait avoir la certitude que cette petite ingrate ne le trahirait pas. Après tout, elle commençait à devenir puissante et il n’était jamais très judicieux de donner trop de pouvoir à une personne qui voulait votre peau.

Je le haissais. Vraiment, personne sur Nelberaid ne provoquait en moi autant d'animosité que lui. Mais je devais être obéissante et donc je ne montrais rien hormis un léger tremblement de ma main droite. Je me forçais à ravaler tous les propos assassins qui me venaient à la bouche et surtout je me forçais à ne pas incanter.

Je devais penser à un endroit calme... une plage... Non... Cela ne marchait absolument pas. Se souvenir pourquoi on était là! Le pouvoir! L'honneur de ma famille! Voilà, faire plaisir à ma grand mère et à mes parents dans l'au delà. Prendre un peu plus de force pour pouvoir protéger Mordekaiser et Orpheus ainsi que terroriser Caliopé et Sven... Voilà... Calme... Rien ne peut m'atteindre.

"Personne ne connait vraiment vos projets et il serait abusé de ma part de présumer de vos actes. Bien sûr, il y a toujours des hypothèses en jeu et dernièrement, je me suis bien rendue utile pour la Tour don oui, il m'est bien venu à l'esprit que j'étais ici pour mon rang de démoniste."

Je devais me secouer et montrer plus d'assurance. Je me donnais une gifle intérieure. Il n'était rien. Juste un mec puissant qui terrorisait dans la tour et qui m'agacait royalement à me parler comme une mioche ou à me fixer comme si j'étais un crabe magnifique qu'on allait manger.

"Oui, j'ai évolué. Il faut dire que combattre un dragon renforce les corps et l'esprit. J'ai appris que j'étais très souple grace à cela. Récupérer Tashar dans la prison m'a appris que certains actes étaient lourds de conséquence et qu'on était en quelque sorte une famille. J'étais certes orpheline mais la Tour pouvait m'offrir protection comme je le fais avec notre cher laborantin. J'ai récupéré aussi un artefact de feu la Sadique."

Combattre le dragon m'avait permis de comprendre que parfois, il était nécessaire de m'allier aux autres et non faire cavalier seule mais cela, je le garderais sous silence.

"Aujourd'hui, je me sens prête pour devenir démoniste. Je pourrais aider sur des missions plus importantes et en cas d'attaque la Tour, je pourrais vous protéger. Je souhaite donc passer le test."

Protéger Ibur? S'il le fallait, je le ferais évidemment... mais il ne faudrait juste pas qu'il me tourne le dos. J'avais parlé calmement, aucun sourire sur le visage, aucune émotion, juste mon regard s'était légèrement enflammé. Je craignais le pire pour le test. Beltionne était à moi et le resterait.

Adhemar écoutait attentivement les arguments de Morgane. Cependant, nul n’aurait pu dire ce qu’il pouvait en penser. Malgré tout, la mage noire pouvait deviner qu’elle ne l’avait pas tout à fait convaincue. Après tout, les gens de Malificium avaient pour coutume de se méfier des gens qui se disaient altruistes. Morgane prétendait vouloir passer au rang supérieur afin de mieux pouvoir protéger son chef. Mais qu’en était-il vraiment ? A nouveau, un sourire condescendant fleurit sur les lèvres d’Adhemar.

_ Je suis très flatté par tes paroles.

Il la jaugea encore quelques instants et sorti un rouleau d’un de ses tiroirs. Il la présenta face à Morgane et la déroula soigneusement. La mage noire put alors constater qu’il s’agissait d’une carte de Malificium. Cependant, il ne s’agissait pas d’une carte comme les autres. En effet, contrairement aux autres, elle n’indiquait pas le nom des rues, ni même l’emplacement des lieux principaux de la cité. En fait, cette carte représentait le chemin sinueux qu’empruntaient les égouts de Malificium… A plusieurs endroits se trouvaient des blancs ou des ouvertures débouchant sur des points d’interrogation. Adhemar pointa son index sur plusieurs d’entre eux.

_ J’aimerais que tu me rendes un petit service…

Estimant que Morgane avait compris, il n’ajouta pas un mot de plus. Il voulait qu’elle lui remette une carte détaillée et complète des égouts de Malificium. La mère de Morgane était la chef des ombres et devait sans doute avoir un plan dissimulé quelque part. Peut-être se trouvait-il dans les égouts ou dans la Maison des Plaisirs ? Quoi qu’il en soit, une telle carte devait être sûrement bien protégée par de multiples protections. En tant que descendante d’Halloween, Morgane devrait sans doute avoir une petite idée et aurait moins de problèmes pour récupérer ce petit bout de papier.
Adhemar se fichait de la manière dont procéderait l’archimage. Elle pouvait procéder comme bon elle voulait. Elle avait même le droit de descendre dans les égouts avec une plume et un parchemin dans la main pour visiter les tunnels et retracer tous les chemins. Évidemment, il était inutile de dire qu’en employant cette méthode, il ne ferait aucun doute qu’elle allait devoir y passer quelques années…

Après avoir laissé Morgane regarder la carte pendant un moment, il la replia et la rangea dans son tiroir. Puis, il vînt s’asseoir derrière son bureau et fit signe à la mage noire qu’elle pouvait sortir de la pièce.

[Dis-moi par MP ce que tu comptes faire et je te donnerai des indications ;)]

Qu'il soit flatté ou non je m'en moquais comme un ragout de carottes fait à l'auberge du coin. J'avais joué mon rôle, à lui de voir s'il souhaitait m'offrir un film ou non. Je le fixais le plus calmement que je le pouvais. Il m'agaçait royalement à me regarder comme si j'étais un insecte dans une toile d'araignée mais je devais être patiente. Je ne cessais de me le dire au point que je commencais à m'agacer.

Il finit par sortir un truc. Il voulait que je fasse quoi avec ce papier? Je me penchais pour voir et je reconnus aussitôt la carte de notre région... enfin... celle-ci n'était pas exactement celle de Malificium. C'était trompeur au premier oeil il faut l'avouer mais au second coup d'oeil, on comprenait qu'il s'agissait plus des soubassements de Malificium vu qu'il n'y avait aucune rue et encore moins les lieux principaux... juste des carrés indiquant qu'il y avait quelque chose au dessus des "tunnels" dessinés... autrement dit les égouts. J'haussais un sourcil surpris. Il ne voulait quand même pas faire ce que je pensais? Si?

Un service? Sérieusement? J'en étais presque excitée... Je me sentais méga importante... mais quand il rangea la carte. Je perdis toute joie... Le travail s'annoncait monstrueux. Certes, j'avais un atout en main mais quand même... Il voulait ma peau. Mon chef me hait! C'est sur et certain à présent! Je me levais doucement et prononçai calmement alors que l'amertume et la rage remplissaient ma bouche au point d'avoir envie de hurler :

"Cela sera fait mon seigneur. Je vous ramène cela dès que j'ai terminé."

Je lui fis une légère révérence et je m'éloignai rapidement de la salle. Je ne jetai même pas un regard en direction du sbire. Il fallait que j'aille dans ma "chambre". Morphée s'y trouvait et pour une fois, je comptais bien que mon chat soit utile! J'ouvris la porte en grand. Il était affalé sur mon lit tel un pacha :

"Alors? Tu es démoniste ou tu es bannie?"

"En test... Il est malade... je t'assure! Même ma grand mère était censée à coté de lui... Comment je vais faire?"

"Qu'est ce qu'il t'a demandé?"

"Rien! Il m'a juste montré une carte et dit qu'il souhaitait un service de ma part... et basta..."

"Carte de quoi? Bénécius?"

"Non des égouts de Malificium! Ma mère en avait une dans le temps! Il doit s'en douter donc il doit vouloir que je la récupère!Sauf que soit elle a disparu, soit elle est en piteuse état. Bref, faut que j'aille au manoir mais pendant ce temps là, tu vas me rendre un service."

"Mouais... Quoi?"

"Tu vas aller dans les égouts mon cher. Tu vas te rendre au marché infernal et prendre l'entrée qui est juste à coté de la maison des plaisirs... enfin des ruines... Je veux savoir si le chemin est toujours accessible et si au bout de trois embranchements, en faisant gauche, droite et gauche, cela débouche toujours sur la cathédrale. Après, si cela ne t'a pas pris de temps, je veux que tu te rendes dans la maison des plaisirs et que tu vois s'il y a encore des choses à ma mère. Je te rejoins là bas demain à l'aube."

Puis sans attendre une réponse, je sortis telle une furie. J'allais récupérer un cheval à l'auberge et je fonçais le plus vite possible vers mon manoir. Petite, j'étais souvent allée dans les égouts en compagnie de ma mère. Elle voulait que je puisse m'échapper de la maison des plaisirs et de n'importe quel endroit de Malificium si j'étais en danger. J'en gardais des souvenirs... mais pas que des bons... Cela faisait si longtemps.

Trois heures plus tard, mon cheval harassé, je posais pieds à terre devant les ruines de ma maison. J'activais l'entrée cachée avec mon sang et pénétrais dans les sous-sols de celle-ci. Je me dirigeais directement vers la salle où je conservais les objets de ma mère. C'était là qu'elle avait rendu son dernier souffle. J'ouvris une malle et fouillais fébrilement dans les vêtements et autres babioles qui s'y trouvaient. Je finis par tomber sur le saint graal : le journal intime de ma mère.

Malheureusement, le temps avait fait son oeuvre et certaines pages avaient disparues et à d'autres endroits, l'encre avait commencé à s'effacer. Je le lus pendant plusieurs heures. Certaines descriptions ne me disaient rien du tout. Certaines étaient brillantes et je fus surprise de découvrir un nombre incalculable de pièges... mais pas de carte à proprement parlé. Néanmoins, il y avait des lieux qui méritaient un détour. Je ne savais pas encore comment y accéder mais dans le doute, je le pris avec moi.

Je n'étais pas allée au manoir pour rien. En effet, ma mère y avait crée un accès jusqu'à l'entrée de Malificium et donc au premier accès des égouts. Cela me semblait correspondre à un premier point d'interrogation d'Ibur. Cela m'avait choqué quand j'avais vu la carte car je ne pensais pas que quelqu'un d'autre de ma famille puisse suspecter un tel endroit. C'est donc prudente que je pénétrais dans le tunnel. Je priais pour que Morphée ait trouvé quelque chose... Il y avait tant d'endroits qui semblaient difficiles d'accès. En tout cas, j'avais pris du papier et de l'encre ainsi qu'une plume, j'allais devoir faire mon plus beau dessin... à moins que! Mais oui bien sûr!!!

Je me mis à courir et finis par arriver à Malificium. Je retournais dans la Tour. A la bibliothèque, il y avait des livres d'histoire et des cartes. Je pris l'un d'entre eux et ressortis. J'avais ainsi la carte de la surface de Malificium. J'allais m'en servir de support. Voilà, comme cela... cela irait mieux... Par contre, où mettre les points manquants à la carte du chef? Pourquoi il ne me l'a pas donné? Ah que je le hais!!!

L'aurore pointa. Il était temps que je rejoigne Morphée... J'espérais sincèrement qu'il soit plus doué que moi... Je sentais que cette épreuve allait être pire que traverser les enfers...

Alors que je songeais à lui, mon chat pénétra à toute allure dans la Tour et manqua près de me faire trébucher. Qu'est ce qui pouvait bien lui arriver? Monsieur était toujours très fier de son courage et n'avait peur de rien! Il était un Steel à sa manière comme il le disait. Ma mère l'avait choisi pour me protéger, pas pour que je le caline à longueur de journée...

Je le regardais donc sans vraiment comprendre, inquiète malgré moi et me sentant un peu coupable de l'avoir envoyé dans les égouts. C'était une preuve de confiance de ma part et non de la flemme ou bien de la couardise. Je passais une main sur sa tête entre ses oreilles pour le rassurer. Il n'arrivait presque plus à parler ce qui était exceptionnel vu qu'il était énormément pipelette voire casse couille d'ordinaire.

"Calmes toi, tu crains rien ici."

Pourquoi regardait-il en arrière comme cela? Il y avait que nous et des apprentis dans le hall. Rien de bien inoffensif. Je lui avais fais voir bien pire par le passé. Il reprit. Ne pas aller dans les égouts, puis y aller... Il était contradictoire. Il savait très bien que j'en fais qu'à ma tête d'une part et d'autre part, je n'avais pas le choix. Adhémar aurait ma peau si je refusais de faire l'épreuve qu'il m'avait donné... enfin le service...

"J'y compte bien. J'ai besoin de toi. Mais arrêtes de me coller ainsi! Tu vas me faire tomber."

Je lui donnais un léger coup de talon dans le train mais rien à faire, il me collait littéralement.

"Qu'as-tu vu là bas? Depuis quand tu es devenu une poule mouillée?"

Il me jeta un regard courroucé mais ne dit rien. Bon, allons aux égouts. On quitta la Tour et alla là où il était allé. L'entrée était bien sûr beaucoup moins accessible pour une humaine, enfin une demi-drow pour être exacte. J'hochai la tête à sa remarque et me mit à déblayer le chemin à ma manière. C'est à dire en utilisant mon contrôle de la terre pour envoyer valser la roche derrière moi. Il ne restait que le bois que je dus bouger à mains nues.

Une dizaine de minutes plus tard, j'entrais dans l'antre. Je n'avais pas remarqué les griffures. J'étais trop occupée par la tache. Je pénétrais dans les égouts et allumais une torche improvisée. Une odeur désagréable s'en dégageait. Cela faisait trop longtemps que les ombres avaient quitté ce lieu. Mon coeur se serra à cette pensée. Mais je ne m'attardais pas dessus.

J'avancais calmement tout en laissant les rats me froler sans sourciller. C'était de la faune banale après tout. J'entendis un bruit. Je m'arrêtais mais celui-ci ne se reproduisit pas mais Morphée se collait encore plus à moi.

"Qu'as-tu vu?"

Aucune réponse. Il tremblait. Je poursuivis suivant les embranchements que je lui avais demandé de faire. L'endroit était de plus en plus mal entretenu et à certains endroits, il y avait eu des éboulis. Nouveau bruit. Je me retournai vivement et eus l'impression de voir une ombre mais ce fut trop fugace. J'haussai les épaules et finis par tomber sur trois clochards. Je soupirai d'ennui.

"Oh de la nourriture! Mais c'est pas lui qui nous a échappé! Il est si grassouillet!"

"Approchez d'un pas vers Morphée et je vous égorge!"

Ils ricanèrent. Je me mis à incanter et la terre trembla sous leurs pieds. Ils cessèrent tout mouvement et se mirent à vaquer à leurs occupations comme auparavant. Je n'avais pas spécialement confiance mais tant qu'ils ne feraient rien de plus, il n'y avait pas de raison que je les tue. Je devais faire au plus vite après tout.

Plus le temps passait et plus je m'enfonçais dans les ténèbres. Par moment, je sursautais et j'avais la nette impression d'être observée mais rien... J'arrivais au final là où j'avais désiré voir Morphée. Le tunnel était effondré. On ne pouvait donc plus avoir accès vers la sortie sauf déblaiement. Je le notais donc sur ma carte. Mais subitement, j'eus l'impression que quelque chose de géant apparut derrière moi. L'ombre sur le mur était grotesque. Je me retournais vivement mais un souffle eut lieu et ma torche s'éteignit.

"Eh merde!"

"Cela revient! Cela revient!"

Morphée était littéralement tétanisé... Que se passait-il donc? Etait-ce mon imagination ou on venait bien de me toucher le bras? Non... Ma jambe plutôt? Je devais vite rallumer la lumière... très vite... Le feu revint mais il n'y avait plus rien devant moi... Pourtant, j'étais certaine de ne pas être seule...

Morgane avait effectivement raison. Quelqu’un l’avait bien frôlé mais le contact fut si léger qu’il était impossible de déterminer l’identité de cette personne…

_ Que fais-tu ? Es-tu folle ?

Il s’agissait d’un murmure quasi inaudible. Les silhouettes sombres continuaient à apparaître et disparaître mais puisque l’une d’entre elles venait de parler, Morgane aurait peut-être pu reconnaître cette voix familière.

_ Pourquoi ?

Les poils de Morphée s’hérissèrent. Cette voix, il la connaissait très bien puisqu’il s’agissait de celle d’Halloween, la mère de Morgane !

_ Comment oses-tu nous trahir !

Ces mots là, en revanche, appartenaient à une tout autre personne : Garvera Steel. Cependant, s’agissait-il vraiment de la Sadique ou n’était-ce qu’une illusion ? Après tout, Garvera et sa fille étaient censées être mortes… Ceci dit, à voir les poils hérissés de Morphée et sa petite voix, on aurait pu avoir quelques doutes.

_ Je ne savais pas, je ne savais pas…
_ Tu n’es qu’un misérable mammifère doté d’une cervelle pas plus grosse que celui d’une sardine frit !
_ Je ne savais pas que c’était confidentiel !
_ Ingrat ! Vermine ! Pourriture !

Pendant une fraction de seconde, le visage de Garvera déformé par la colère apparut. Penchée sur le chat, elle semblait sur le point de lui déchiqueter la tête avec ses propres dents mais il n’en fut rien et elle se volatilisa dans les airs, ne laissant aucune trace derrière elle. Ses jurons continuaient toutefois de retentir à travers le couloir et un morceau de mur s’écroula, comme si quelqu’un y avait donné un coup de poing puissant.

_ Ne fais pas ça, implora la mère de Morgane

Elle apparu devant la mage noire. Lévitant à quelques centimètres au-dessus du sol, son corps était transparent. Nul ne pouvait la toucher d’une manière ou d’une autre et son regard reflétait une tristesse infinie. Il ne fallait pas chercher bien loin pour comprendre ce qui la mettait dans cet état. Avec un peu de jugeote, Morgane comprendrait certainement que Garvera et Halloween parlaient de la carte qu’elle était censée ramener à Adhemar.

_ Te rends-tu compte des conséquences que cela pourrait avoir, petite idiote ? demanda la Sadique sans montrer son visage

Avez-vous déjà rencontré des spectres? Non. Vous avez bien de la chance. C'est la seconde fois que cela m'arrive et croyez moi je déteste cela. Mes poils s'hérissent toujours au niveau de la nuque et des bras. Et au niveau de mon ventre, une drole sensation douloureuse se crée. La dernière fois, c'était en compagnie de Mordekaiser lors de la quête d'Ehyt. J'avais eu le "plaisir" de rencontrer ma grand mère ainsi que Elzear.

Mon corps s'en souvenait très bien. J'avais eu pas mal d'égratignures, de bleus et de plaies... Ma grand mère avait voulu tester mes connaissances... et elle ne m'avait pas ménagé... Je n'aurais pas pensé la revoir... et bien sûr, la revoilà. Mon dieu, qu'est ce que j'ai fais à la déesse interdite pour qu'elle me maudisse autant?

Je ne bougeais pas. Je savais très bien que je devais attendre qu'elle ait fini pour dire quoi que ce soit sous peine de la mettre déjà en colère. Je n'aurais pas pensé que l'avenir des égouts la pré-occuperait. Elle avait toujours détesté ce lieu et n'avait pas apprécié le fait que sa fille soit une ombre et non une nécromancienne. Bien sûr, son ressentiment avait changé lorsque celle-ci était devenue chef et par conséquent, une puissante alliée.

En tout cas, Morphée vivait un sale quart d'heure. Ma grand mère lui en voulait grandement alors qu'il n'avait fait que m'obéir. Je posais un bras protecteur en direction de mon chat et celui-ci en profita pour s'approcher encore un peu plus de moi.

"Il m'a obéi."

J'avais juste murmuré d'une petite voix d'enfant qui sait très bien que la punition allait arriver droit sur elle et non sur son chat mais je me devais de le protéger. Ma grand mère disparut et ma mère apparut. C'était la première fois que je la revoyais depuis sa mort. Mon coeur explosa de douleurs dans ma poitrine. Elle me manquait tellement. Je tendis une main dans sa direction mais je ne rencontrais que le vide. Ce fut encore plus frustrant. Je me remis mon bras près du corps. Je soupirais doucement et répondis après avoir pris une réprimande de la grande Sadique.

"Me croyez vous aussi stupide?"

J'aurais pu m'excuser pendant des lustres mais elles ne pouvaient pas savoir mon objectif. Mon jeu était dangereux mais je haissais Adhémar non?

"Je n'ai pas le choix. Je suis obligée de lui filer une carte des égouts mais qui a dit qu'elle devait être exacte à ce qui se passe ici? Vous croyez réellement que je vais trahir l'héritage des ombres? J'ai besoin de la puissance que l'autre peut me refiler... J'aurais préféré l'obtenir des mains Mamy Garvy mais tu es morte..."

Je savais très bien que j'obtiendrais la fureur de ma parente. Elle détestait que je l'appelle Mamy mais je n'avais pas le choix. Je fixais ma mère.

"Je compte lui donner des renseignements partiels et certains erronés. Tu peux le comprendre non maman?"

Morphée tremblait dans mes jambes. Il n'osait pas les regarder. Je ne pouvais rien faire sans leur accord, je le savais très bien. Je lui souris penaudement et un brin effrontée, je continuais :

"Tu peux m'aider maman. Dis moi ce que tu veux qui restes secret et les données seront erronées à ce niveau là. Le temps qu'il s'en rende compte, j'aurais déjà mon rang et mes pouvoirs. Il ne m'aime pas mais il a besoin de moi donc je ne pense pas qu'il me tuera... enfin je l'espère... De toute façon, je doute même qu'il vienne ici... Il enverra des sbires... et j'aurais juste à les tuer... ou dire qu'ils ont menti... Et puis avec la guerre, les égouts ont été abandonnés... et par conséquent, les fondations sont moins solides non? Donc je peux ne pas lui avoir menti effrontément?"

Je lui souris. Je savais qu'elle comprendrait ce que je voulais dire. Les fondations étaient intactes mais il y avait bien eu des éboulis par endroits. Il suffisait juste que je les mette pas au bon endroit et que je prétexe des fluctuations... Si Adhémar tentait de me tuer, je savais qu'elles me protégeraient... Je jouais un jeu dangereux... comme toujours... De toute façon, mon réel but était de tuer mon dirigeant...

Au niveau des sbires, j'étais prête à les tuer et il ne serait pas bien difficile de les accuser de mensonge voire de folie. Après tout, tout le monde perd la tête ici tant c'est un labyrinthe. J'étais la seule nécromancienne avoir du sang d'ombre dans les veines...

_ Quoi ?!

La voix de Garvera retentit si fort à travers le tunnel qu’on aurait pu croire que tout Malificium l’avait entendu. Non seulement, elle n’aimait pas se faire appeler Mamy mais en plus, elle avait horreur de se faire rappeler qu’elle était morte. Pour elle, il s’agissait là d’une double insulte. Sa petite fille n’avait pas l’air de savoir à qui elle s’adressait et Halloween décida d’intervenir avant que la Sadique n’entre dans une folie meurtrière.

_ Sois plus respectueuse envers tes ancêtres…

Évidemment, le mot « ancêtre » ne plut pas à Garvera qui se mit à tourbillonner comme une furie autour de sa fille. Cependant, puisqu’elle était morte, elle ne pouvait rien lui faire et la chef des ombres esquissa un léger sourire complice à sa fille… ce qui eu pour conséquences d’offenser Mamy Garvy qui décida de condamner le passage par lequel Morgane était venue en créant une nouvelle explosion.

_ Crois-tu sincèrement que c’est avec ce genre de réflexion enfantin que cet Adhemar a réussi à devenir chef ? Il sait PERTINEMMENT que tu vas lui remettre une carte erronée et tu sais comment se passe la suite, n’est-ce pas ? Il va vouloir vérifier la véracité de tes informations et que se passera-t-il quand il découvrira que tu lui as menti ? Que se passera-t-il lorsque ma lignée se sera éteinte parce qu’une pauvre petite sotte a cru que son chef était un crétin ? Crois-tu que c’est un raisonnement de mollusque qu’il a réussi à accéder au pouvoir ?

Le sol se mit à trembler et une pluie de pierres commença à tomber au-dessus de la tête de Morgane. Si elle ne voulait pas se retrouver enterrer vivante, la mage noire allait devoir trouver rapidement une solution. Inutile de compter sur l’aide de sa mère car celle-ci ne pouvait rien faire pour sa chère enfant. Quoi que. Halloween tentait de raisonner Garvera mais comme d’habitude, celle-ci n’en faisait qu’à sa cette et continuait à proliférer des insultes à voix haute. Alors, la chef des ombres décida d’employer les grands moyens.

_ Stop ! Que se passera-t-il si elle meurt ? Veux-tu qu’Adhemar garde son poste ou qu’il se fasse remplacer un être plus encore plus misérable que lui ?

Suite à ces propos, Garvera sembla se calmer un peu. Après avoir lancé un regard noir à sa petite fille, elle lévita jusqu’à sa fille. Elles discutèrent à voix basse pendant un bref instant et à la fin, Halloween tourna la tête vers Morgane.

_ Nous allons te montrer où se trouve la carte des égouts. Une fois en ta possession, il faudra que tu en fasses une copie erronée et que tu brûles l’originale. En chemin, tu nous expliqueras comment tu comptes procéder exactement pour qu’Adhémar avale tes mensonges.

Halloween et Garvera tournèrent ensuite le dos à la mage noir et traversèrent un mur. En tant que spectres, elles pouvaient traverser toutes les matières qu’elles voulaient et semblaient si habituées à se déplacer ainsi qu’elles en oublièrent que Morgane n’avait pas cette capacité. En faisant un détour, la mage noire n’aurait aucun mal à les rejoindre mais celles-ci lévita ensuite d’un grand vide. Pas une seule fois, l’une d’entre elles ne se retourna pas s’assurer que Morgane les suivait bien. Les deux femmes progressaient lentement. Toutefois, il leur arrivait fréquemment de léviter au-dessus d’un gouffre ou de faire abstraction de tout ce qu’un vivant pouvait qualifier de « gênant ».

Je souris à ma mère et dus épousseter mes habits suite à l'explosion de ma grand mère. Même morte, elle gardait un caractère fort explosif. J'eus une moue d'excuse et écoutais ses dires. Je me retins de soupirer. Je n'aimais pas les leçons en règle et encore moins quand on me jugeait plus stupide que je ne l'étais.

"Adhémar est un opportuniste à mes yeux. Il a su bien s'entourer et bien trahir pour arriver jusqu'au trône. Il a profité de ta retraite et de la disparition d'Enma... Il a tué ceux qui étaient plus puissants que lui en prétextant des accidents et il est là bas. Pourquoi crois-tu qu'il est si paranoïaque? Il sait très bien que je ne suis pas dupe. Je suis une Steel."

Ce qui voulait dire que moi aussi, je savais mené à bien mes trahisons et mes plans machiavéliques. Je savais jouer des coudes et paraitre innocente dans le même temps. C'était une seconde nature propre de notre famille. Je fixais mes ancêtres. Ah qu'elles me manquaient mais je ne pouvais pas leur montrer. J'écoutais avec soin la suite de la discussion. Je tentais de survivre sous la pluie de pierre grâce à un plafond de protection que j'avais installée à la va vite grâce à mon pouvoir.

Ma mère réussit à calmer la sienne. Je soupirais de soulagement et cessais mon sort. Elles m'aidaient! J'en étais ravie! Une boule d'excitation naquit dans mon estomac. Je me retins de faire la danse de la joie car elles corcaient évidemment les choses. Elles disparurent. Je devais les suivre tout en leur parlant mais ce rythme, je doutais fortement qu'elles puissent m'entendre mais bon, dans le doute.

Je pris le seul chemin qui m'était disponible, tourna sur la droite puis encore tout droit pendant deux cents mètres et finis par les apercevoir. Je commencais donc :

"Que pensez-vous d'un petite potion dans son vin? Ainsi quoi que je dise, il serait obligé de me croire?"

Je savais très bien que c'était voué à l'échec mais cela me permettait juste de réfléchir à d'autres choses. Je marchais en les fixant au loin. Ah qu'elles pouvaient m'agacer à ne pas m'attendre. Morphée peinait derrière moi mais je ne m'en souciais guère. Je ne devais pas les perdre de vue. Quand j'arrivais devant un gouffre, je laissais échapper un juron drow et repris :

"Je vais lui filer la copie de la carte en lui expliquant qu'à certains endroits il y a eu des éboulis suite à des attaques entre les gardes et des aigrefins ou mages noirs en fuite. Certains endroits des rats y vivent ainsi que des grouillots et que donc il va devoir les assainir s'il veut pouvoir les réhabiliter."

J'avais posé ma main sur le sol pendant mon discours et j'usais de ma magie pour faire apparaitre une sorte de pont. Cela me prit plus d'une vingtaine de minutes et pompais pas mal dans mon énergie mais je pus traverser... M'écoutaient-elles vraiment? Je décidais de ne rien dire quand je les reverrais pour les tester. Je courus dans le couloir et faillis me faire trancher par une hache... Morphée avait activé un piège sans le vouloir. Depuis tout à l'heure, il gromelait contre ma famille et voilà qu'il avait failli me tuer. Je lui donnais un coup de talon dans le popotin pour le rappeler à l'ordre tout en remarquant que j'avais été légèrement égratignée à ma hanche droite. Il fallait vraiment que je choppe un jour le pouvoir de traverser les matières.

Je poursuivis et tombais sur un croisement bien sûr ma famille n'était plus visible. Je ne pouvais pas aller dans les deux couloirs. J'envoyais Morphée à droite et moi à gauche. Je finis par rejoindre Garvera et mon chat gromela qu'il était tombé sur des rats géants et que donc j'aurais pu au moins les tuer au lieu de continuer.

"On est encore loin?"

Elles me jetèrent juste un regard et avancèrent. Je dus repasser au dessus d'un gouffre cette fois-ci plus grand que le précédent et avec des pics au fond... Je réutilisais la même technique et arrivais essouflée de l'autre côté. Je laissais mon sort au cas où je devais de nouveau repasser par là. Les égouts avaient vraiment subi des dégats... J'en étais affligée... Alors que je marchais, je faillis me faire écraser par une herse qui tomba du plafond. Ce fut vraiment de justesse. Mon coeur battait à tout rompre mais je finis par arriver à un cul de sac avec de multiples caisses. Ma famille ne bougeait plus.

"On pourrait peut-être boucher certains couloirs ainsi les trésors des ombres resteraient secrets et je n'aurais qu'à les faire amener au manoir? En tout cas, je doute vraiment qu'il vienne ici... Je ne sais pas encore si je vais lui dire pour les pièges..."

La carte était forcément là... à moi de la trouver...

Garvera et Halloween ne se retournèrent pas lorsque Morgane émit l’idée de verser une potion dans le verre de son chef. On aurait dit qu’elles ne l’avaient pas entendue et ce fut sans doute mieux ainsi. Par la suite, les deux spectres restèrent néanmoins toute ouïe devant les propositions de la mage noire. Elles approuvèrent ses idées en hochant régulièrement de la tête.

_ Les ombres n’ont pas totalement disparus de la surface du monde mais ça, tu le sais déjà. Et je connais une demoiselle qui aimerait bien récupérer ses affaires… dit Halloween
_ Quoi ? Celle-là ? Qu’elle aille au diable ! Elle n’a jamais apporté rien de concret au sein de ton ordre.
_ Une bonne partie du butin qui est enterrée ici lui revient. C’est elle qui a rempli la plupart des coffres.
_ Des babioles ! Voilà ce qu’elle a volé !

Halloween haussa les épaules. Visiblement, elle n’avait pas l’air d’accord avec sa mère. Ceci dit, ne voulant pas entrer en conflit avec elle, la chef défunte des ombres n’ajouta pas un mot de plus. Au lieu de se disputer avec Garvera, elle se dirigea donc vers un mur et fit signe à Morgane de s’approcher.

_ Pose ta main et appuis là où je te le dis et ne t’avise pas de toucher à autre chose…

Pendant que Garvera fulminait derrière elle, Halloween désigna calmement les endroits où Garvera devait poser sa main. Une seule erreur de sa part suffirait à déclencher une multitude de pièges qui ne manqueraient certainement pas d’envoyer la mage noire rejoindre sa famille.

Une fois que Morgane aurait exécuté les instructions de sa mère, elle pourrait accéder à une grande salle où coffres d’argent et colliers de perles coulaient à flot. Comme l’avait hurlé Garvera, l’endroit contenait aussi des « babioles inutiles » : jarres d’olives périmés, squelettes, tapis de mauvaise qualité, … Morgane s’apercevrait rapidement que durant leurs débuts, certaines ombres avaient eu du mal à faire la distinction entre la soie et la toile. Au fond de cette pièce se trouvait une porte menant une petite bibliothèque. C’était là que se cachait la fameuse carte désirée par Adhémar. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, la carte n’était pas protégée par de multiples sorts. Simplement rangée parmi d’autres cartes, les ombres devaient s’imaginer que les égouts eux-mêmes offraient déjà une solide protection.

_ N’oublie pas de faire une copie erronée de cette carte et de brûler l’original. Pour le reste, emmène-le chez toi. Je ne veux pas qu’un crétin puisse s’emparer d’une telle fortune. Imagine tout ce qu’il pourrait faire avec… dit Garvera

Halloween ne dit rien mais à voir sa mine dubitative, elle ne semblait pas convaincue par cette idée. Sans doute devait-elle penser que tout ce trésor ne devait pas revenir exclusivement à toute sa famille. Après tout, des milliers d’ombres avaient contribué à alimenter cette salle…

[Je te laisse décider du sort de la fameuse carte et du trésor des ombres. Dès que tu as fini, tu peux retourner voir Adhémar]

J'écoutais la conservation de ma famille avec attention. Je savais très bien à qui Halloween faisait allusion : Syrka. Je l'avais rencontré récemment et elle m'était pas très sympathique de prime abord mais avec le temps, j'étais certaine qu'on deviendrait de très bonnes amies. Il fallait juste qu'elle arrête de me croire stupide voilà tout. Récupérer des affaires ici? Je me demandais bien ce qu'elle avait pu laisser dans un tel endroit. Des artefacts récupérés avec ma mère? J'adorerais les voir! Par contre, je garderais sous silence le fait qu'à présent, elle était une rôdeuse, cela ferait trop de peine à ma mère.

Je n'interviens pas. Ma grand mère était déjà agacée contre moi, je n'allais pas aggraver les choses en lui disant que je l'aimais bien aussi. Je restais donc calme mais attentive aux moindres de leurs mouvements afin de ne pas les perdre de vue.

La conversation fut terminée. Il était temps que j'agisse. Je m'approchais du mur en faisant le plus attention possible. L'endroit était un peu bordélique donc ce fut difficile mais je finis par atteindre mon but. J'étais toute excitée. Ma main tremblait légèrement. Le pan du mur finit par disparaitre et laisser apparaitre une multitude d'objets. Je sifflais légèrement. J'étais ébahie devant un tel capharnaüm. Mes yeux ne savaient plus où se poser. Je restais sur le pas de la porte pendant de longues secondes alors que Morphée était parti voir s'il n'y avait pas quelque chose à manger tant la peur l'avait affamé.

"Vous avez fait du bon travail."

Je passais en revue la pièce des yeux et ne trouvais pas la carte. Je marchais avec soin à travers les différentes sortes de tissus. Je passais à côté différents outils, puis des morceaux de bois gravés, des cadres, des tableaux, des miroirs, des bijoux et je finis par apercevoir la bibliothèque et la carte qui tronait en son centre. Je pris une profonde respiration et m'approchais de celle-ci.

Je tendis la main pour toucher la carte après avoir lancé un annule-sort et aucun piège ne fut activé. La sécurité n'était donc pas de mise pour ce précieux artefact tant désiré par Ibur. J'en fus choquée mais c'était un peu l'état d'esprit des ombres après tout. Les égouts étaient un labyrinthe, sauf les ombres, tout le monde abandonnait et faisait demi-tour.

J'attrapais avec soin la carte et sortis un fusain et un morceau de papier que je brunis légèrement les coins pour qu'il paraisse plus ancien. Je copiais à ma manière la carte ne manquant pas de l'humidifier à certains endroits faisant ainsi disparaitre quelques couloirs pour faire croire que l'endroit était infesté d'humidité. Je mettais ma tête en jeu mais ma famille comptait avant tout. Une fois mon oeuvre finie, je brulais l'ancienne carte avec un peu de regret mais les ombres devaient restés protéger.

"Merci beaucoup de votre aide. Vous me manquez. Je partirais à la recherche des autres ombres."

Je pris deux colliers et quelques pièces d'argent ainsi que quelques pierres précieuses. Cela ne correspondait même pas à un dixième de ce qu'il y avait. Peut-être reviendrais-je en compagnie de Syrka ou je laisserais celle-ci m'apporter ce qu'elle souhaitait pour reconstruire la maison des plaisirs. Seul l'avenir le dira.

Je sortis des égouts. J'avais mémorisé la carte et j'avais donc trouvé une sortie de secours après avoir juste du escalader une montagne de gravats et envoyer aux enfers quelques rats qui avaient osé vouloir me mordre. L'air frais me fit frissonner. La journée était bien avancée. Je devais me dépêcher. Je courus en compagnie de Morphée que j'envoyais dans ma chambre à la Tour jusqu'à notre QG.

Je rejoignis le bureau d'Adhémar avec la fameuse carte rangée dans un étui dans mon sac. J'étais quelque peu échevellée et égratignée de partout mais j'avais réussi la mission qu'il m'avait demandé. J'étais épuisée et peut-être aurait-il aimé que je me lave avant de le rejoindre mais je m'en moquais. Je remis vite fait ma chevelure et demandais au garde de prévenir notre dirigeant. J'étais calme en apparence mais j'étais en fusion à l'intérieur.

 Comme la plupart des « grands » personnages de ce monde, Adhémar n’était malheureusement pas disponible immédiatement pour recevoir Morgane. A moins d’avoir pris rendez-vous ou d’avoir reçu une convocation, il était rare d’être reçu aussi facilement et vite. Cependant, la carte des égouts de Malificium semblait lui tenir à cœur puisque suite à la demande de Morgane, le garde répondit :

_ Je vais prévenir le chef. Vous pouvez patienter dans son bureau.

Il ouvrit ensuite la porte et laissa la mage noire entrer si elle le voulait. Quant à Adhémar, il ne pointa le bout de son nez qu’après presque deux heures. Le visage calme et impassible, il s’installa derrière son bureau et prit la carte de Morgane. Après y avoir brièvement jeté un coup d’œil, il leva la tête vers la mage noire pour lui dire :

_ Je t’en suis très reconnaissant, Morgane. Tu peux disposer, à présent.

Sans ajouter un mot de plus, il prit la carte sous son bras et sortit de la pièce sans laisser le temps à Morgane de placer un mot. Ceci dit, celle-ci pourrait certainement deviner qu’il avait la ferme intention de vérifier la véracité du document qu’elle venait de lui remettre.


Un mois plus tard, la mage noire reçu un petit colis accompagné d’une lettre. Dedans se trouvait une fiole. Quant à la lettre, voici ce qu’elle disait :

Citation :

Mademoiselle Evans,

Je vous remercie pour votre contribution. En récompense de votre effort, vous trouverez dans la boîte jointe à cette lettre un présent qui contribuera à assumer pleinement votre nouveau titre. Faîtes en bon usage…
Au plaisir de vous revoir,

Adhémar Ibur

A la lecture de cette lettre, on aurait pu se demander si Adhémar avait réellement vérifier la véracité de la carte que Morgane lui avait remise. Cependant, qui aurait été assez sot pour penser une telle chose du chef des mages noirs ? Sans doute avait-il plutôt finit par comprendre que même la vraie carte n’aurait pu l’aider à se repérer dans les égouts actuels.
Quant à son choix de laisser Morgane passer au rang supérieur après avoir subi un test aussi « facile », nul ne pouvait l’expliquer. Après tout, contrairement à d’autres, elle n’avait pas eu monstre géant à combattre ou d’énigme diabolique à résoudre.
Cela dit, si Morgane venait à boire la potion qu’Adhémar lui avait envoyé, elle ressentirait après quelques minutes une douleur accrue au niveau de son estomac comparable à celle qu’une souris pouvait infliger à un humain lorsqu’elle grignotait ses intestins… Cette douleur, Morgane la ressentirait pendant plusieurs journées, l’empêchant quasiment de faire plus de deux pas debout. Toutefois, Adhémar n’avait pas menti dans sa missive. La potion qu’il lui avait offerte contenait effectivement un beau présent, dissimulé derrière un aperçu de ce qu’il pourrait arriver à Morgane si jamais elle le trahissait.

[Félicitations ! Tu peux poster ta sortie !]

Attendre deux heures son chef dans son bureau glauque était vraiment déplaisant mais je n'avais pas le choix je devais attendre. Morphée baillait de plus en plus à se décrocher la mâchoire alors que moi, je commençais à taper du pied sur le sol de plus en plus souvent mais lorsqu'il arriva, je cessais tout mouvement le souffle presque trop court. Je lui fis une petite révérence histoire de parfaire toujours mon rôle et lui tendis la carte. Mon coeur cessa de battre tout du moins c'est l'impression que j'eus jusqu'à ce qu'il... me remercie?

Je restais quelques secondes pantelante. Je n'avais pas du tout prévu ce genre de réaction. Il me congédia... sans rien me donner... un éclair de rage dans les yeux apparut mais je fis mine de trouver cela normal. Il devait surement devoir vérifier les choses avant de me récompenser... Puff... C'était trop facile... Je fixais son dos quelques secondes alors qu'il s'éloignait de moi.

Je retournais à mes occupations. Plus les jours passaient et moins, je m'attendais à avoir une récompense ce qui avait le don de m'agacer de plus en plus et ne rabaissait pas du tout la haine que j'avais à l'égard de mon dirigeant. Et puis au bout d'un mois, celle-ci vint sous la forme d'une fiole. La suspicion fut de mise. Mon chat la regardait avec un certain dégout mais avais-je le choix?

C'était le passage nécessaire pour être démoniste. Je fixais pendant de longues secondes la fiole satisfaite d'être montée au rang supérieur une nouvelle fois. Je bus la fiole et regrettais aussi mon geste. La douleur fut fulgurante. Bien sûr, Adhémar était fourbe, j'aurais du m'en douter. Je tombais au pied de mon lit. Je pus voir dans le regard de mon compagnon de l'inquiétude.... C'est pour dire mon état... Des sueurs perlaient dans tout mon corps sur mon dos, sur ma nuque, sur mon front. Je me hissais tant bien que mal sur le lit en manquant de m'évanouir à cause de la douleur.

Je restais alitée pendant quatre jours maudissant les dieux et surtout le démon et puis tout cessa... Seul resta sur ma langue un gout de vengeance mais il n'avait pas menti. Je me sentais plus puissante. A moi de découvrir mon nouveau pouvoir et m'assurer que la prochaine fois que je le verrais, je pourrais parer à toutes les éventualités... Mais d'abord, il me fallait une bonne rasade d'alcool! Je partis donc en direction de l'antre du diable en compagnie de mon chat qui ne m'avait pas quitté une seule seconde...

[Terminé]