La fontaine miraculeuse. Des anecdotes fabuleuses circulaient à son sujet. Certains disaient qu’elles avaient des propriétés magiques, d’autres racontaient que c’était un cadeau offert à un puissant mage blanc, …
Neelahn prenait plaisir à écouter tous ce que les gens lui disaient à propos de la fontaine. Elle avait entendu mille et une histoires et s’était demandé à chaque fois si les rumeurs qui circulaient étaient vraies. Les yeux pétillants d’émerveillement, elle avait contemplé le magnifique ouvrage pendant un long moment en compagnie de Tigrou, son tigre blanc. Puis, finalement, elle avait fini par faire comme les autres.
Timidement, elle s’était approchée de la fontaine et avait plongée ses doigts dans l’eau avec précaution. On ne pouvait pas dire qu’elle avait peur mais elle était intimidée. Elle se demandait ce qui se passerait si sa peau entrait en contact de cette eau.
Et rien de se produisit.

« Oh… »

Pour on-ne-sait-quelle-raison, Neelahn s’était attendue à voir des halos de toutes les couleurs ou des étoiles mais rien de tout ça n’arriva. Elle aurait pu boire l’eau d’une rivière ou se baigner dans un lac, elle n’en aurait pas fait la différence. Mais peut-être était-ce ça la vraie magie. Peut-être que dans la vraie magie, les choses se déroulaient de manière invisible. Quoi qu’il en soit, il faudra encore attendre quelques siècles pour voir si la fontaine possédait réellement les propriétés qu’on lui associait.

« En tout cas, elle est drôlement fraiche. »

Magique ou non, cette eau était délicieuse, sans doute parce qu’elle n’avait pas croupie pendant des jours dans une gourde. Et d’ailleurs, sa gourde, Neelahn l’avait vidé et décida de profitée d’avoir trouvé un point d’eau pour la remplir. Peut-être que si elle buvait plusieurs litre de cette eau, sa durée de vie frôlerait l’infini ? Ce serait tellement bien ! Il y avait tellement de choses à découvrir, tellement d’endroits à explorer. Neelahn rêvait de pouvoir partir un jour à la chasse au trésor (mais pour cela, il fallait une carte et jusqu’à présent, elle n’avait jamais eu l’occasion d’en trouver une), de combattre un monstre gros-hideux-et-méchant, de rendre service à des personnalités importantes dont les croyances et les convictions seraient en accord avec les siennes, …

« Tu vas voir Tigrou ! Dans mille ans, on deviendra les plus grands aventuriers de tous les temps ! »

Mais Tigrou, comme d’habitude, resta impassible face à ses paroles et se contenta de boire l’eau de la fontaine. De temps en temps, lorsqu’il trouvait qu’une personne s’approchait trop de lui, il grognait. De manière générale, les gens, peu habitués à voir des tigres blancs, veillaient à garder une certaine distance. Et cela convenait parfaitement au tigre.

Comme la plupart des gens qui se trouvaient près de la fontaine, Neelahn avait bien entendu la balade de l’homme. Un peu en retrait, elle avait suivi la musique en dandinant distraitement de la tête. Son tigre blanc, quant à lui, semblait fasciné par la musique. Puis, lorsque l’homme eût fini, les gens se dispersèrent, lui laissant quelques fois des pièces. L’elfe fût étonné par leur comportement. Elle devinait que c’était pour le remercier de les avoir divertis un instant mais pourquoi des pièces ? N’avaient-ils rien d’autre sur eux ? Neelahn avait vu des femmes portant des paniers en osier, rempli de bonnes choses. Elle pensa alors que recevoir un fruit ou un morceau de viande était plus approprié comme cadeau.

« C’est bizarre. » murmurra-t-elle

Mais elle se souvînt alors de ce que ses amis lui avaient racontés à propos des cités et supposa alors que l’homme en question devait être un barbe.
Et alors qu’elle se demandait à quoi ressemblait la vie d’un musicien, l’homme vînt à sa rencontre, sûrement intrigué par Tigrou. Les gens qui vivaient dans les cités étaient toujours intrigués par le tigre blanc, comme s’ils trouvaient à la fois fascinant et effrayant qu’un fauve pouvait se balader comme ça, dans leurs rues.
Sans rien dire, l’inconnu déposa un morceau de jambon près de lui. Tigrou le regarda d’un air étonné, ayant visiblement pas l’habitude qu’on ne le traite de la sorte. Il était un félin libre et non un joli caniche à qui chaque passant offrait une friandise parce qu’il était « trop mignon ». Mais il ne prit pas le geste de l’homme comme un geste déplacé et accepta avec joie le cadeau qu’il venait de lui offrir. Après tout, c’était un félin et il ne crachait jamais sur la nourriture, surtout si elle s’offrait gracieusement à lui. Avec toute la majestuosité qu’un félin tel que lui pouvait avoir, il entama son casse-croûte.

« Vous n’êtes pas la première personne à me demander si Tigrou est mon garde du corps. Je trouve cela étrange. Pour vous, ne peut-on pas simplement avoir un ami à quatre pattes ? »

Il n’y avait aucune once de reproche, ni d’agressivité dans sa voix. Neelahn avait dit cela sur le ton de la conversation et, à la fin de sa question, elle avait même sourit et inclina légèrement la tête en avant.

« Je me nomme Neelahn Screeling, enchantée de faire votre connaissance. Et lui, comme je viens de le dire, c’est Tigrou, mon meilleur ami. »

D’un signe de tête, Neelahn désigna le tigre blanc mais celui-ci ne se retourna pas, continuant à manger son jambon. Un peu vexée de le voir si impoli, elle le regarda avec insistance pendant quelques secondes. Mais Tigrou était un tigre et ne possédaient pas de notion de courtoisie. Il ignora Neelahn et se lécha les babines.
Et pourtant, l’elfe avait tenté à plusieurs reprises de lui apprendre les règles de bienséance mais têtu comme une mule, l’animal n’en faisait qu’à sa tête et elle avait fini par abandonner…

Wouah. C’était la première fois que Neelahn entendait quelqu’un parler autant qu’elle. Quoi que… Quand il parlait, il parlait beaucoup. Reste à voir s’il parlait aussi souvent qu’elle. L’elfe, elle, parlait souvent mais il lui arrivait rarement de débiter d’aussi longs monologues.
Quoi qu’il en soit, elle l’avait écouté attentivement et avait même tournée la tête vers Tigrou en même temps que Xadr. Mais ce fût avec un dédain impassible et royal que le tigre blanc rendit le regard à l’inconnu…. Car oui, même s’il s’était présenté et parlait beaucoup, à ses yeux, il restait tout de même qu’une personne qu’il venait de rencontré que très récemment.

Puis Xadr se mit à s’excuser. Encore. Neelahn ne comprenait pas pourquoi il faisait cela toutes les cinq secondes. Elle ne voyait pas ce qu’il avait fait de mal. Pouvait-on reprocher à quelqu’un d’être honnête ? Mais elle ne dit rien et garda cela pour elle. Après tout, ce n’était peut-être qu’une sale manie, dénotant un manque de confiance en lui. Et de toute façon, il ne lui laissait pas la place pour répondre quoi que ce fût.

« A notre service ? »

Tigrou leva légèrement la tête en direction de Xadr et Neelahn était persuadée que s’il avait eu le don de parler, il lui aurait probablement demandé de se taire et de l’emmener dans un endroit où il pourrait manger quelque chose de plus décent qu’un jambon (car en effet, pour un tigre, du jambon, c’était comme de la viande séchée pour un humain). Mais comme il ne pouvait pas parler et que la druidesse ne voulait pas mettre Xadr mal à l’aise, elle décida de prendre la parole.

« A votre avis, est-ce vrai tous ce que l’on raconte sur cette fontaine ? Si je bois cette eau, est-ce que je vivrai plus longtemps ? »

Juste après avoir posé cette question, Tigrou baissa sa tête sur l’eau et décida de se rafraîchir. Magique ou non, il avait l’air moins enthousiaste qu’elle sur ce qu’on racontait sur la fontaine. Pour lui, c’était un point d’eau comme un autre.
Neelah se retourna vers lu et lui gratouilla affectueusement le dos en attendant la réponse de Xadr. Elle songea alors à cet instant qu’il était bien rare de trouver des personnes aussi aimables. La plupart des gens avaient l’air tellement occupés par leurs affaires qu’il arrivait rarement à l’un d’entre eux de proposer gentiment leurs services aux autres.

Ah. Dommage. Neelahn n’aurait pas refusé la possibilité de rallonger sa durée de vie de quelques décennies. Il y avait tellement de continents à visiter et de vieilles ruines à découvrir ! Pourtant, l’elfe ne se voyait pas boire plusieurs litres d’eau et se trouver un buisson derrière lequel elle pourrait se soulager des dizaines de fois par jour. Mais peut-être que boire une gourde entière (et qu’importe le temps qu’on y mettrait), cela suffirait à allonger son existence de quelques jours ou même quelques secondes ? Parfois, les secondes pouvaient être très précieuses. Combien de fois avait-elle réussi à chasser du gibier de justesse ? Combien de fois avait-elle failli rater le début d’une réunion entre druides à quelques secondes près ?

En même temps qu’elle songeait à cela, elle écouta Xadr chanter. Durant son existence, elle avait entendu bon nombre de chants mais c’était la première fois qu’elle écoutait celle-ci. Et Neelahn trouva ce chant magique, tout comme la fontaine miraculeuse.
Il serait probablement merveilleux qu’un mage blanc puisse redonner les propriétés magiques que cette eau possédait jadis. Mais à bien y repenser, serait-ce une bonne chose ? Que deviendrait cette fontaine si elle tombait entre de mauvaises mains ? Certes, jusqu’à présent, la druidesse n’avait pas eu l’occasion de rencontrer beaucoup de malfaiteurs mais ils existaient malheureusement bel et bien. Et puis, « une vie ne pouvait qu’être vécu pleinement si on savait qu’un jour, elle finirait par s’achever » (ce furent les paroles de son père, Neelahn, quant à elle, croyait fermement que même au bout de mille ans, il était impossible de faire le tour de tous ce que le monde pouvait offrir).

« Une pièce d’or pour une caille ! Vous êtes vraiment trop généreux ! »

Neelahn n’avait pas pu s’empêcher. Pour elle, une pièce d’or, c’était vraiment beaucoup trop pour une toute petite bête. D’ailleurs, Tigrou avait baissé sur le petit volatile mort que lui avait montré Xadr. Il parut indigné par ce cadeau si petit. Il donna un coup de patte et envoya l’oiseau mort un peu plus loin.
L’elfe ne gronda pas son ami. Elle le comprenait. Comme tout le monde, il appréciait ne pas avoir à courir pour chercher sa nourriture mais il gardait tout de même une certaine fierté. Il n’était pas handicapé et pouvait très bien aller chasser une caille tout seul. Cependant, puisque Xadr avait dépensé une pièce d’or pour le volatile, Neelahn décida d’aller la ramasser et de le rendre à son propriétaire pendant qu’il la questionnait sur ces activités à Bénicius.

« Votre question est étrange. C’est la première fois que je viens à Bénécius et je ne me souviens pas de vous avoir dit que j’étais druide. »

Après avoir déposé la caille à côté de Xadr, Neelahn plissa un peu les yeux, méfiante. Était-ce si flagrant qu’elle était une druidesse ? D’un côté, elle se promenait avec un tigre blanc et portait des vêtements de forestiers… Mais bon, ce fût la première fois qu’elle entendait quelqu’un affirmer qu’elle était druide sans la connaître. Elle fini par supposer que Xadr possédait un aura magique très puissant car d’habitude, lorsque Neelahn se rendait à Naturalia pour faire du commerce, elle faisait bien attention à ne pas se faire trop remarquer en tant que druide. Les gens avaient souvent une piètre image des personnes possédant le don de se transformer en animal…

Sa tête tourna légèrement en direction des hommes que lui désignait Xadr. Ses yeux les jaugèrent un instant mais, à moins que l’endroit grouillait de grands mages, Neelahn douta fort que ce fut après son statut qu’ils en avaient. Elle ne portait pas de vêtement excentrique. On ne pouvait pas simplement reconnaître un druide par ce qu’il portait. Après tous, de nombreux citadins portaient le même genre d’habit que Neelahn sans être druide : chasseurs, bûcherons, voyageurs, …
L’elfe haussa les épaules. Ce qu’elle vît dans leurs yeux ne lui était pas étranger. Les trois hommes convoitaient la fourrure de Tigrou. Contrairement à la plupart des tigres, elle était blanche. Il s’agissait d’une anomalie, comme les personnes qui naissaient avec deux yeux de couleur différents. Le pelage de Tigrou était donc très prisé. Sur le marché, la fourrure des tigres blancs se vendaient très cher. Les trois hommes qui observaient Neelahn depuis tout à l’heure devaient sans doute se demander pour quelles raisons elle avait décidé de laisser son animal en vie. Avait-elle l’intention d’en faire son domestique ?

« Ils ne tenteront rien du moment que Tigrou reste tranquille. Ce serait mal vu avec tous les gens qui se trouvent autour de nous. »

Le dos bien droit, Neelahn resta assise sur le rebord de la fontaine. Elle n’avait identifié aucune menace la poussant à partir d’ici. Et puis, il ne fallait pas oublier qu’elle était à Bénécius, la « cité du bien » ! Dans cet endroit, rien ne pouvait lui arriver… ou presque.
Xadr venait de lui révéler qu’il était un rôdeur. L’elfe sursauta, surprise. Son comportement n’avait rien de celui d’un rôdeur. Il n’était pas fourbe. Selon elle, il avait plutôt le profil type du preux chevalier volant au secours des demoiselles en détresses ou du barbe charmeur et poétique. Rien ne lui ne laissait croire que cet homme aurait pu être un rôdeur… Mais peut-être était-ce à cela qu’on les reconnaissait… L’art de se faire passer pour un autre…

« On m’a toujours dit qu’il fallait se méfier des rôdeurs… »

Elle avait sorti ça comme ça. Et on voyait bien qu’elle était sceptique. Elle n’avait pas l’air de croire ce qu’on lui racontait, ce qui était logique lorsqu’on savait qu’on la traitait comme un vulgaire animal dès que l’on prenait connaissance de son statut. Cela ne signifiait cependant pas qu’elle accordait toute sa confiance à Xadr. Elle venait tout juste de le rencontrer…
En tout cas, l’elfe se demandait quel délit avait commis un rôdeur aussi sympathique que Xadr pour se retrouver à être surveiller par des gardes. Mais il enchaîna sur un autre sujet, ne la laissant pas répondre à ce qu’il venait de lui révéler. Et puis, de toute façon, en y resongeant, Neelahn n’avait pas grand-chose à lui dire…

« Il est vraiment joli ! »

L’elfe approcha son nez du médaillon. Elle n’était pas une experte en manière de bijou. Elle n’aurait pas été capable de faire la différence entre de l’argent massif et de l’argent plaqué. Mais ce que Xadr lui montra lui plu et ce fût assez pour la faire sourire (en même temps, il lui suffisait toujours de très peu pour être contente).

« Mais si vous avez passé une partie de votre vie avec les druides, pourquoi avez-vous choisi de devenir rôdeur ? »

« Hum… Pour tout avouer, je ne connais pas forcément toutes les histoires que l’on raconte sur les druides. Je sais seulement que le commun des mortels nous considère comme des animaux ayant la capacité de nous transformer en humain. Et pour la plupart des individus, la vie d’un animal est moins précieuse que celui d’un humain ou d’un elfe, par exemple. En fait, pour la plupart des gens, les animaux sont comme des objets… des objets qui bougent et qui respirent… »

Le visage de Neelahn se fit mélancolique. Elle repensait aux circonstances tragiques durant laquelle son père avait perdu la vie. Les druides étaient-ils si différents des autres ? Ils mangeaient, ils riaient et ils pensaient pourtant comme la plupart des individus. Pourquoi les classaient-on alors dans une catégorie à part ? Pourquoi ne comprenaient-ils pas qu’il n’existait aucune différence ?
Certes, être druide n’était pas tous les jours facile. Mais Neelahn songeait qu’il devait en être de même pour tous les autres statuts. « Chacun ses problèmes » aurait dit son père. Et c’est pour cela qu’elle avait pardonné aux gens qui lui voulaient du mal. Malgré tout, il lui arrivait parfois de se demander si elle n’avait pas eu tord. L’humanité avait parfois une drôle de façon de voir les choses…

« De toute façon, peu importe ce que l’on a pu faire auparavant. Seuls les actes présents déterminent ce que l’on est réellement, n’est-ce pas ? »

Elle faisait référence à la fois à ceux qui avaient tué son père et au passé de Xadr.

« En tout cas, moi, je ne juge pas les gens d’après ce que j’entends, sauf si je sais que les sources sont fiables. »

Elle pensait aux commères qui propageaient les rumeurs comme de la peste. C’étaient à cause de ces personnes-là que le monde était ce qu’il était. Mais Neelahn préféra ne pas s’attarder sur le sujet. Après tous, elle n’était pas venue à Bénécius pour polémiquer sur le comportement des vieilles pipelettes. Puis, en y repensant, l’elfe aussi était un peu pareil. Elle aimait bien répéter les ragots qu’elle entendait circuler. Et même si elle n’avait jamais eu de mauvaise intention en faisant cela et qu’elle avertissait les gens que ses propos n’étaient pas réellement fondés, elle n’était pas mieux que les autres.

« Quelles sont les spécialités culinaires de Bénécius ? »

Retrouvant le sourire, Neelahn avait décidé de passer à un sujet de conversation plus réjouissant. Après tout, elle n’était pas venu à Bénécius pour pleurer !

De la volaille aux pommes et au miel… Pourquoi pas… Dis comme ça, ça avait l’air quand même étrange. Neelahn avait déjà mangé des fruits avec de la viande mais là, ça lui semblait pourtant bien original. Mais l’idée d’aller manger la spécialité de Bénécius lui plaisait bien. Après tous, elle était là pour ça ; pour découvrir ! Rien de d’y penser, elle en avait l’eau à la bouche. De plus, elle n’avait jamais mangé dans une auberge. A Naturalia, elle avait été dans une taverne mais au fond, y avait-il une grande différence ? Avec tous ce qu’elle avait vendus là-bas, il lui restait suffisamment de quoi s’offrir un petit repas bien copieux dans une taverne. Elle aurait même pu acheter plusieurs plats mais il fallait garder des sous de côté. Après tous, l’argent qu’elle avait sur elle ne lui appartenait pas tout entier. Une certaine partie n’était qu’à elle, mais le reste appartenait aux druides qui le lui avaient prêté pour qu’elle leur achète des produits. Neelahn avait terminé ses emplettes à Naturalia et ses amis lui en avaient prêté plus que nécessaire. Elle avait donc rangé l’argent dans deux bourses distinctes. Ainsi, elle était sûre de ne dépenser que ce qui était vraiment à elle.

« Vous pensez qu’ils vont vraiment nous suivre partout où nous irons ? »

Neelahn jeta un bref coup d’œil aux gardes ainsi qu’aux trois hommes. L’idée de prendre les jambes à son cou ne lui plaisait pas car cela aurait signifié qu’elle avait quelque chose à se reprocher. Elle était très fière de ce qu’elle était et était ravie d’avoir Tigrou comme meilleur ami. De plus, elle ne voulait pas s’attirer des ennuis. Or, c’était bien connu, les gens qui couraient dans les cités, ça attirait toujours le regard et des plaisantins s’amusaient à proliférer des rumeurs non fondées. Et puis, comme l’avait dit Xadr, les gardes veillaient à la tranquillité de Bénécius. Donc tant qu’elle serait à proximité d’eux, elle ne risquerait rien (en théorie).

« Quoi qu’il en soit, maintenant que nous parlions de nourriture, je commence à avoir très faim. Je serai ravie d’aller déjeuner. »

En entendant le mot « déjeuner », Tigrou leva la tête, visiblement intéressé même si le rôdeur lui avait déjà offert un morceau de jambon quelques instants plus tôt. Et parce qu’il avait tourné le regard vers elle, Neelahn l’avait instinctivement regardé. Elle repensa alors aux paroles de Xadr. Le tigre blanc allait peut-être poser problème.
L’elfe était persuadée que cela ne l’aurait absolument pas dérangé d’aller faire un tour tout seul pendant qu’elle serait en train de manger. Mais l’idée de le laisser seul avec tant de monde ne lui plaisait pas. Certes, il était très fort mais elle n’était pas sûre qu’il était capable de vaincre ses adversaires à un contre dix.

« Quand j’étais à Naturalia, je n’ai eu aucun problème à rentrer avec Tigrou. Beaucoup de gens ont tourné la tête vers lui, c’est vrai. Mais certaines personnes étaient accompagnées par des gros serpents ou de merveilleux oiseaux. Est-ce si différent à Bénécius ? »

Neelahn voulait vraiment manger dans l’auberge. C’était – et elle le reconnaissait – un petit caprice d’enfant. Mais si jamais cela posait vraiment problème, elle ne forcerait pas. A choisir, elle préférait la vie de Tigrou et il y avait sûrement d’autres mets délicieux à déguster et qui ne se vendaient pas à l’auberge.