N'avez-vous jamais été hanté par le souvenir d'une personne? Moi, si. Je ne pensais pas que cela serait possible. Je pensais que toute cette histoire de sentiments n'était faite que pour rassurer les âmes éplorées mais aussi pour les bénéfiques et neutres... Oh ma mère m'a bien raconté comment elle était tombée folle amoureuse de mon père lors de leurs premiers regards... Mamy Garvy m'avait bien conté la manière dont elle était devenue accro à Porte-Cendres, père de ma parente, puis d'Elzear Mochdilym.

Mais j'étais persuadée que cela ne m'arriverait jamais... Je ne pouvais pas dire que j'étais amoureuse d'Orpheus... C'était trop tôt. Je pouvais juste narrer que je pensais à lui tout le temps. J'avais l'impression d'être envoutée... Qu'il m'avait puni en me lançant un sort d'obnubilation parce que je l'avais frappé au théâtre même si c'était lui le quémandeur de cet acte... mais avec les hommes tout était possible donc je n'en aurais pas été surprise.

Oh je savais bien que cette théorie se révélait complètement absurde mais elle me rassurait... Elle me faisait croire que je n'étais pas éprise. Mais il faut avouer qu'il me manquait à l'heure actuelle. Sa compagnie était distrayante même si elle était parfois très désarmante... Il me faisait sentir en vie et j'adorais cela. J'avais été ravie de le voir au bal même si nos retrouvailles avaient été brefs. Il avait répondu à mon morceau de papier... Il l'avait trouvé, j'avais eu des doutes à ce sujet.

Après cet évènement, j'avais fait des recherches en maléfices. Après un rapide détour par le marché infernal, j'avais fabriqué quelques potions désagréables pour mes victimes. J'étais donc parée. Alors que je buvais tranquillement un verre à la taverne de Malificium, j'entendis parler d'un artefact présent dans les montagnes. Ne sachant pas comment m'enlever Orpheus de mes pensées, je décidais donc d'aller me distraire en allant récupérer cet artefact. Je n'étais de toute façon pas contre un peu d'entrainement.

Il se trouvait à Eternia, j'y étais allée il y a quelques mois. J'étais à l'époque en quête de souvenirs. Ma mère et ma grand mère adoraient cet endroit qui par le passé était l'unique rivière des terres maudites. Mes parents y avaient fait une quête en compagnie d'une aigrefine. Halloween adorait m'en parler. J'y avais pour ma part affronter un golem de glace en compagnie d'une nomade au caractère bien trempé : Marika.

J'étais donc ravie d'y revenir. Je m'étais pour la peine habillée d'un manteau fait en peau d'ours brun, par dessous, je ne portais qu'un pull noir et une jupe marron en daim ainsi que des bottes fourrées noires. J'avais été par le passé bien plus sexy, comme avec la robe du théâtre mais là, ma préoccupation était de lutter contre le froid. Une capuche recouvrait mes cheveux, j’avançais dans cette étendue enneigée. J'avais froid. Je repérais au loin de la fumée. Je m'y approchais surprise de voir que je n'étais pas la première à visiter ce lieu. Un concurrent pour l'artefact? C'était fort possible. Plus je m'approchais, plus je pouvais sentir la bonne odeur de la viande entrain de cuire, mon estomac grogna de faim. Je lui donnais l'ordre de se taire en vain.

J'enlevais ma capuche une fois proche de l'âtre et pris la parole. Mes yeux verdoyants se posèrent sur le campeur et aucun mot ne sortit de mes lèvres... J'avais juste une moue de surprise sur celles-ci puis un sourire ravi éclaira mon visage drowesque.

"Je ne te savais aimant des grands espaces vierges. Tu es là... pour te balader?"

Que dire? Par quoi commencer? Se souvenait-il du baiser? Mon coeur battait la chamade m'empêchant de réfléchir correctement...

La viande prenait du temps à cuir, trop de temps,alors comme à chaque fois qu'il ne faisait rien, le chevalier se laissait transporter par ses pensées. Ses doigts venaient inconsciemment toucher ses lèvres, se demandant si baiser il y avait eu ou bien juste imagination débordante. Plus on s'éloignait de l'évènement, moins les détails étaient précis. Le chevalier s'était relevé avec une terrible douleur à la tempe. On l'avait regardé en se moquant, il avait pris sur lui et rengainé pour aller faire son rapport au château. Sa démarche était un peu chancelante à ce moment-là, lorsqu'il s'était présenté devant un des hauts chevaliers pour lui expliquer que sa mission d'information s'était achevée avec une extermination. Tout d'abord étonné, on avait fini par le réprimander sur sa conduite imprudente, sous un regard ennuyé du chevalier blond qui savait que de toute façon, personne ne serait jamais satisfait de son travail. Ils s'étaient juste passés le mot pour le tirer vers le bas mais cela ne se passerait pas de cette manière, il était bien au-dessus de toutes ces manigances et tôt ou tard, ses ennemis se plieraient devant lui, sous un regard hautain et un sourire de satisfaction de sa part.

Le chevalier ne portait personne dans son coeur. Indépendant, sa famille était presque étrangère, bien qu'il passait à leur villa de temps à autre pour prendre des nouvelles. Sa mère était encore en pleine forme, son père toujours tir au flanc, comme tous les Neiphereum. Comment avaient-ils pu perpétuer la descendance de cette façon? Lui n'était pas un exemple de conduite, pas particulièrement travailleur, pas particulièrement bon chevalier dans ses propos ou ses gestes, un chevalier à part entière qui extermine ses ennemis et qui s'allie à des mages noirs il faut croire.

La femme qui arriva bientôt lui rappelait quelqu'un. Portant une capuche, il ne distinguait son visage que lorsqu'elle fut à portée. Son visage blêmit une seconde avant de marmonner plus fort que prévu:

"Voilà qu'elle vient me hanter même en-dehors de mes rêves."

Ce n'est que trop tard qu'il s'apercevait qu'elle était faite de chair et d'os, qu'il s'agissait bien de Morgane et non d'une apparition soudaine, et qu'il venait de dire le fond de sa pensée tout haut. Déjà, son humeur s'assombrissait. Il voulait oublier et elle lui rappelait les journées qu'il avait passé avec une pensée qui ne se détachait pas de son esprit, sa pensée à elle et son fichu message. Au moins, il était soulagé qu'elle avait perdu le gros nez offert par Emeridienne. Quelle femme elle aurait fait en compagnie d'un chevalier lézard! En réponse à son sourire, il n'y avait finalement qu'un petit grognement, elle comprenait bien après l'avoir un peu fréquenté qu'il n'était pas du genre à se jeter soudain dans ses bras en lui disant à quel point elle lui avait manqué. Il serait plutôt du genre à se lever et partir sans lui adresser un regard et en n'en pensant pas moins.

"Et toi pour un défilé de mode peut-être?"

Bien qu'elle avait déjà été plus élégante, dans la situation précédente, peu importe son accoutrement, elle était jolie à regarder, il n'y avait pas à dire. Un moment, il resta là à contempler son futur repas, puis avec un long soupir il dégageait ses affaires de la pierre plate qu'il y avait juste à côté de lui. Elle ne devait pas s'attendre à ce genre d'accueil pour sûr. Elle ne pouvait pas savoir à quel point il voulait la rejeter de ses pensées pour ne pas qu'elle ne devienne sa faiblesse.

"Viens t'asseoir et partager mon repas, tu ne vas pas rester là-debout quand même."

Au moins, il avait le mérite de surprendre. La jeune femme imaginerait ce qu'elle voudrait. Peut-être qu'il était furieux à cause du baiser, ou bien à cause du coup porté trop fort. Ou peut-être qu'il ne voulait simplement pas la voir ce qui était en parti le cas. Et curieusement, il avait ce petit quelque chose qui s'agitait dans son ventre, son rythme cardiaque qui se modifiait progressivement pour terminer sur l'ombre d'un sourire, tellement infime et discret que seuls ceux qui le connaissaient bien pourraient le remarquer. Est-ce que le mage noir était de cette catégorie? Allez savoir.

"J'avais l'intention d'aller dans la montagne pour me changer les idées mais avant ça, il faut prendre des forces. On ne sait jamais ce qui nous attend là-haut. Cuisse ou blanc?"

Armé d'un de ses couteaux, il se penchait sur sa proie en la tournant un peu pour la présenter à sa voisine. Dieu, de près elle avait un de ces airs si séduisant. Pour sûr n'importe qui y succomberait. Sa réserve demeurait justement de ce côté là. Et si jamais elle n'avait laissé ce baiser qu'en guise d'au revoir? Il s'était peut-être fait des idées. A mieux y réfléchir, il était impossible que l'Evans ait un quelconque quelque chose pour lui c'était absurde. Et du coup, son humeur s'améliorait, un peu soulagé par son auto déduction qui n'était pas forcément la bonne au final.

L'accueil ne fut guère chaleureux. J'en fus assez stupéfaite. Lui avais-je laissé un si mauvais souvenir? En tout cas, je notai une chose qui ravit mon petit coeur, il rêvait de moi! Donc je n'étais pas seule dans cette histoire. A présent, il pourrait tout faire pour être désagréable, je me sentais beaucoup plus légère. Bon, une petite voix intérieure me disait de faire attention que cela se trouvait dans ses rêves, il me tuait avec un plaisir certain... mais j'en doutais... Notre dernière entrevue avait été cordiale.

D'ailleurs, j'étais satisfaite de voir que tout comme moi, il n'avait pas gardé les stigmates animaux qu'Emeridienne lui avait offert. D'ailleurs, à ce sujet, il fallait que j'aille voir prochainement Arselianne... Mon amie risquait d'être sacrément en colère contre moi... Mais on n'avait fait que se défendre, non? Enfin... se venger mais c'est pareil, non? J'éclatais de rire à ses dires et murmurai :

"Tout à fait! Les montagnes sont les spectateurs rêvés! Quoi que tu fasses, ils aiment ta tenue! C'est un vrai régal!"

J'esquissais un sourire ironique. Je préférais de loin voir du contentement dans ses yeux que dans ceux d'admirateurs transis d'amour ou de haine à Malificium. Quand aux montagnes, je m'en moquais éperdument. Je faisais juste en sorte qu'une avalanche ne me tue pas. Sinon, je les détestais pas. Ce n'était pas comme les marécages, depuis le bal, je ne pouvais plus les voir en peinture. Je passais une main dans mes cheveux afin de me rendre encore plus séduisante. J'attendais patiemment qu'il daigne être un minimum galant. En tout cas, j'aurais pensé que ma présence lui fasse plus plaisir que cela... Ce fut chose faite au bout de quelques minutes. Un sourire ironique sur les lèvres, je vins m'asseoir à ses côtés et murmurai sarcastiquement :

"Merci mon seigneur. Vous êtes bon."

Plus proche de lui, mon corps frissonnait de plaisir... celui de l'avoir retrouvé sans crier gare... Il n'avait rien perdu de son charme. Je jetais un coup d'oeil à la tempe que j'avais préféré et remarquai qu'il n'y avait plus de traces. D'une voix engageante et douce, je continuai :

"Je vois que tu as survécu, c'est cool."

Référence au bal, au théâtre... En gros, je souhaitais lui dire : "c'est bien, tu es toujours en vie, j'ai eu peur pour toi après le bal." Mais bien sûr, mon orgueil refusait que j'agisse de la sorte et puis, il n'était guère bavard. Donc j'allais pas à pas. Je me souvenais de la douceur de ses lèvres... le baiser avait été rapide... je comptais bien le lui rappeler et cette fois-ci, lui offrir un digne de ce nom.

"Blanc s'il te plait. J'aime pas les os... enfin sauf chez les zombies."

Je saisis le morceau de viande et attendis qu'il en ait aussi pour le manger. Nos regards se captaient régulièrement. Le mien brillait d'une douce lueur... un brin séductrice mais surtout très chaleureuse. Se changer les idées dans les montagnes. Je finis ma bouchée et demandai :

"Tu n'as pas eu trop d'ennuis au château entre le théâtre et le bal, cela n'a pas dû être drôle, non?"

J'avais eu une remontrance suite à la mort de ma consoeur mais le dirigeant de la Tour pouvait dire tout ce qu'il voulait... Je m'en moquais royalement. D'ailleurs, s'il me voyait entrain de parler avec Orpheus et pire éprouver des choses pour lui autre que du sadisme, il me tuerait surement. Mais comme ma mère, je faisais ce que je voulais. Je regardais autour de moi et poursuivis :

"J'ai entendu parlé d'une légende. J'ai voulu vérifié par moi-même... Je ne pensais pas te voir... J'en... suis... satisfaite."

Non mais oh! Ressaisis toi ma vieille! Arrêtes de chercher tes mots, tu as l'air d'une sotte amoureuse et timide! Tu es Morgane EVANS! Allez! Morphée n'était pas avec nous ce soir donc je devais arrêter de me ridiculiser toute seule, il le faisait déjà assez en temps normal! Ce n'était qu'un homme, certes séduisant et à qui je pensais souvent mais ce n'était qu'un vulgaire humain! Allez, tu es une Steel! Donc tu en fais ce que tu veux! Du cran ma vieille!

A quoi elle s'attendait? Un immédiat changement d'humeur? Un débordement d'enthousiasme et de tendresse venant de Orpheus? Excusez-moi mais quelles absurdités étaient-ce là?! Orpheus n'était pas un tendre. Il avait de la tenue, de la finesse mais il était assez cru par moment et encore plus lorsqu'il s'agissait de sentiments puisqu'il n'avait jamais cherché à courtiser qui que ce soit puisque personne n'avait d'intérêt dans ce bas monde. Si d'autres trouvaient souliers à leur pied, grand bien leur fasse, lui ne cherchait pas, il n'attendait rien et vivait sa vie comme il l'avait toujours vécu. Et même si elle était éventuellement dans quelques uns de ses rêves, il n'y avait pas de quoi s'alarmer et s'attendrir. Premièrement, ce sont que des rêves. Deuxièmement, ce ne sont que des rêves! Troisièmement, ce ne sont encore et toujours que des fichus rêves sans aucune signification! Alors en guise d'accueil, il était déjà en train de se moquer de sa tenue alors qu'intérieurement il trouvait que ces habits d'hiver lui allaient à ravir.

"Des spectateurs rêvés, silencieux et immobiles, juste parfait en effet."

Orpheus ne manqua pas le geste de main de la jeune femme pour se recoiffer. Il réprima un petit éclat de rire qui devenait un toussotement. A quoi jouait-elle? Elle voulait vraiment défiler sous son nez et agiter son derrière devant lui tant qu'à faire? D'apparence à contre coeur, le chevalier lui laissa une place à ses côtés pour ne pas avoir encore à lever la tête pour la regarder. Un nouveau grognement à la remarque moqueuse de la jeune femme qui avait décidé de se jouer de son air grognon. Son attention était brusquement porté sur le faisan qui semblait ô combien intéressant depuis que Morgane s'était assise, à croire qu'il n'y avait plus que le faisan et lui dans ce monde. Son inspection fut interrompue par ce message voilé qu'il avait parfaitement saisi.

"Et toi tu n'as plus ton gros nez, tu avais ton charme avec pourtant."

Là, il fallait bien l'avouer, c'était de la pure provocation et il élargissait légèrement son sourire cette fois-ci tout en se mettant à couper un bout de volaille pour contenter la dame. Lui non plus n'avait pas été gâté avec des cheveux d'une autre couleur, une peau écailleuse et puis des ailes à la place des bras. Il lui offrait la dague sur laquelle était plantée le morceau de chair blanche, pas de couvert, il fallait faire comme tous les aventuriers avec les moyens de bord. Ensuite, il se servit une cuisse en l'arrachant sans difficulté de la carcasse. La chair était bonne, parfaitement cuite quoiqu'un peu cramée en extérieur. Ses yeux croisaient de nombreuses fois ceux de la femme, son regard était troublant, il ne pouvait pas ou ne voulait pas comprendre ce qu'il signifiait alors il regardait la montagne comme unique sujet intéressant de ce décor.

"Oh, ne m'en parle pas. Au château, ils m'ont réprimandé pour être passé à l'acte sans autorisation sans même un remerciement pour le résultat final. Ensuite, pour la question du bal, ils n'ont pas aimé apprendre que j'étais en train de m'y amuser plutôt que d'être à mon poste. Si ils savaient quel genre d'amusements ont s'est farci, ils ne diraient pas la même chose je pense."

La nouvelle s'était un peu répandue mais les chevaliers feraient la sourde oreille pour son cas. Orpheus ne prêtait pas vraiment attention aux remarques qu'on lui faisait puisqu'elles étaient forcément négatives en toute circonstance. Ce n'est que lorsque Morgane commença à parler d'une légende que ses yeux bleus se fixèrent sur elle comme des aimants. L'intérêt qu'elle venait de susciter était clair et il était déjà pendu à ses lèvres avant que la fin ne vienne le décontenancer. La cuisse de faisan tomba par terre avant qu'il ne le remarque, la bouche entrouverte. Elle même semblait être troublée par ses propres propos.

"Hum… Oui, donc tu parlais d'une… légende?"

Qu'est-ce qui se passait entre eux? Ils étaient deux puceaux en train d'essayer de se rapprocher sans rien oser ou quoi? A quoi rimait tout ce manège?! Il en faisait parti, c'était là un fait indéniable, à détourner le regard comme un gamin timide ou bien à changer précipitamment de conversation. D'un autre côté, que pouvait-il répondre à "ça"? Déjà que se rapprocher de quelqu'un de la sorte était un fait étrange pour Orpheus, elle se mettait à parler dans son sens, à attiser la flamme sans pour autant l'évoquer non plus. Définitivement, ils avaient l'air idiot. Du coup, le chevalier se leva en laissant son repas de côté.

"Je n'ai plus faim…"

Commencer à remballer son campement pour se maintenir occuper. Des bâtons intacts, nettoyer son couteau… Et ZUT! La deuxième dague était dans la main de Morgane! D'un haussement d'épaule, il prit sa décision d'aller la lui reprendre. Cependant, lorsque ses doigts s'emparèrent de l'arme tout en touchant au passage les phalanges de la jeune femme, il resta quelques secondes penché sur elle avant de se retourner précipitamment pour ranger sa possession.

"On ferait mieux de se mettre en route, la nuit tombe vite et il ne faut pas perdre de temps. Note juste, que c'est parce que nous empruntons le même chemin que je vais te tenir compagnie, pas parce que je crois en ta légende."

Ou comment dissimuler le fait qu'il préférait s'assurer qu'il ne lui arrive rien en montagne. Si elle disparaissait au milieu de cette étendue neigeuse, il ne pourrait avoir l'esprit tranquille avant d'avoir retrouvé son corps, ce qui pourrait prendre des années durant. Alors pour ne pas avoir à se lancer dans une recherche fastidieuse, il préférait anticiper et rester à ses côtés, là où il se sentait bizarre mais étrangement à l'aise.

"Ouais, je sais mais ce n'était pas très pratique pour passer inaperçue. Tes ailes doivent te manquer je présume."

Qui aime bien, châtie bien? Non? En tout cas, notre conversation se résumait à cela. En fond de trame, bien sûr, je ressentais un plaisir évident à le retrouver mais pour le moment, aucune effusion. Non, on parlait de tout et de rien. Cela en était presque dramatique. Pourquoi avec lui, je n'arrivais pas à mener la danse? A Malificium, j'avais fait tourné la tête de plus d'un hommes sans forcer... Mais avec lui... je devenais tremblante... plus sûre de moi... peut-être parce qu'il n'était pas n'importe quel homme... peut-être que son état, ses pensées à mon égard m'importaient à la différence de mes anciens amants... Allez savoir... En tout cas, au fond de moi, je ressentais de l'agacement... dirigé principalement vers moi...

"Tu aurais dû être où au lieu d'être au bal? Je me suis pris aussi une remontrance si cela peut te réconforter. Emeridienne était une consoeur... Par conséquent, j'aurais du la protéger et pas aider à l'assaut... blablabla... Ils ne sont jamais contents."

Je soupirais doucement. Ah que j'avais hate d'être chef pour débarrasser l'ordre de certains gêneurs. A ce sujet, j'étais comme ma grand-mère... Je ne respectais pas beaucoup les règles et encore moins l'autorité quand je trouvais celle-ci aberrante. Il était vrai que nous nous étions fort amusés dans les marécages... Le repas avait été si délicieux... Mon estomac se contracta à ce souvenir. Mais je le calmais par chance à l'aide du morceau de blanc qu'Orpheus m'avait donné. Le manque de confort ne me gênait pas. Certes, j'avais vécu une partie de ma vie dans un manoir mais je n'étais pas pourtant une fille coincée qui ne pouvait pas manger à la bonne franquette. Même ainsi, j'étais certaine de rester sexy donc cela ne me dérangeait pas.

Le trouble nous gagnait. C'était évident. D'ailleurs, j'eus un froncement de sourcil surpris lorsque je le vis faire tomber sa viande. La légende évoquée semblait être plus intéressante que son repas, c'était bien dommage pour lui, car même un peu trop cuite, il était succulent. A moins que cela soit le charme du chevalier qui le rendait aussi bon à mes yeux. Allez savoir.

Il se leva brusquement avant que je puisse dire quoi que ce soit. J'avais la peste? Ce fut en effet la première réaction que j'eus. J'examinais mes mains et mes bras, non rien... Mon visage non plus... Qu'est-ce qui lui arrivait? Restant assise, je l'observais et finis mon morceau. Il s'était transformé en homme de ménage. Rapidement, il revint vers moi pour récupérer sa dague. Nos peaux se rencontrèrent. Je frissonnais à son contact. Mes joues s'étaient, contre ma volonté, mises à rougir.

"Oui, oui, j'avais bien compris, rassures toi."

Je me levais à mon tour et marchai jusqu'à lui. Dans un geste parfaitement naturel, je posais ma main sur son bras et pris la parole :

"Avant qu'on parte à l'aventure, laisses moi le temps de t'expliquer cette légende. "

J'attendis que nos regards se retrouvent, puis je repris :

"Il fut un temps où un homme contrôlait la magie mieux que quiconque. Celle-ci lui obéissait au doigt et à l'oeil même si en échange, elle lui pompait beaucoup d'énergie vitale. Personne ne sait de quel ordre il faisait parti... mais tous aujourd'hui ont envie de retrouver les quatre artefacts qu'il avait en sa possession car le pouvoir contenu dans ceux-ci peut faire pencher un combat en notre faveur. A Eternia, a été caché un bracelet capable d'invoquer un bouclier aussi puissant que celui des mages blancs... mais pour cela, il ne faut ni avoir peur... ni manquer de confiance en soi... Car la volonté de l'âme et du coeur seraient la clé."

Pendant que je parlais, je m'étais mise à caresser sa joue gauche, juste en dessous de là où je l'avais frappé... C'était un geste instinctif... non contrôlé... Je retirais ma main quand je m'en rendis compte et eus un sourire d'excuse... Ma voix s'était faite mystérieuse...

"Bref, j'avais envie de voir si ce bracelet était si génial que cela..."

Je fis quelques pas dans la neige. Mon corps avait apprécié ce rapprochement et en demandait bien plus. Je devais donc me focaliser sur autre chose. Je me retournai vers lui et demandai sur un ton espiègle :

"Je sais que j'ai un déhanché fabuleux mais si tu veux qu'on gagne la grotte où le trésor serait, il faut que tu te bouges."

Etre là à réagir comme un petit puceau qui parle pour la première fois à une femme. Ca lui donnait envie de vomir? Qui est-ce qu'ils étaient pour être aussi pitoyables? Elle n'était pas bonne soeur et il n'était pas prêtre! Qu'est-ce qui les prenait tout d'un coup alors que la dernière fois qu'ils s'étaient vus, tout allait parfaitement bien. Il pouvait se moquer d'elle, se fichait totalement ou partiellement de ce qui pourrait lui arriver. Une seule explication possible: le parfum. Depuis cet épisode du parfum, tout s'était précipité de manière étrange. Lui qui la complimente sur sa robe et ainsi de suite… Ce n'était pas normal et Orpheus avait bien l'intention de résister jusqu'au bout à ce sort de charme qu'elle lui lançait. Elle ne s'arrêtait pas de le zieuter, de lui faire ces sourires engageants. Oui, ce serait facile de lui dire oui et de se mettre à la courtiser, mais ce n'était tout simplement pas lui, non de dieu!

"Vraiment? Tu es allée jusqu'à tuer quelqu'un de ta caste? De toute façon, elle le méritait après ce qu'elle nous a fait. Je te serai passé sur le corps si tu l'avais protégé."

Passé sur le corps ou écarté en s'assurant qu'elle ne se fasse pas attaquer par quiconque. Son expression neutre ne disait pas si il était sérieux ou bien si il était en train de plaisanter. Cependant, le chevalier demeura quelques instants bloqué au contact de leurs mains. Incroyable de pouvoir devenir idiot juste par un touché de ce genre. Ranger le tout petit campement était la meilleure solution parce que si cette situation persistait et que la tension montait, il ne répondait plus de ses actes, que ce soit en mal ou en bien pour Morgane. Le chevalier se sentit obligé de préciser qu'il n'avait plus faim et qu'il préférait lever le camp pour se bouger les miches, et que par-dessus tout, il n'était pas en train de l'accompagner mais juste en train de partager la même route qu'elle. Quel hypocrisie tout de même. A la savoir ici, il allait être un peu travaillé de savoir si elle était à l'aise ou pas. Ces vêtements seraient-ils vraiment assez chaud pour la montagne par exemple? Alors qu'il allait se mettre en route, comme à son habitude sans jeter un oeil au mage noir, il sentit une main se poser sur son bras, l'obligeant à tourner le visage vers son interlocutrice.

"Je t'écoute."

Et l'écouter se trouva bien plus compliqué que prévu. Par moment, il se surprenait à se perdre dans son regard, s'égarer momentanément avant de rattraper une bribe de phrase, la suite des explications, la légende oui, il ne fallait pas oublier… Un bracelet magique, un bouclier, de la confiance en soi. Cela tombait bien il en avait à revendre de la confiance. La main de Morgane qui montait se poser sur sa joue alors qu'ils discutaient, il n'eut même pas la force de la retirer immédiatement. De toute façon, la femme s'en chargea en souriant. Lui, répondit d'un long soupir.

"Il faut être fou pour s'aventurer dans des montagnes pour vérifier l'exactitude d'une légende. Enfin, tu fais ce que tu veux n'est-ce pas?"

Lui se promenait dans la montagne pour oublier Morgane, est-ce que c'était vraiment mieux comparativement? Pas tellement, mais quoi, il ne pouvait pas faire autrement que d'être désagréable pour cacher son malaise. Finalement, c'est elle qui alla le devancer et le surprit avec sa provocation joueuse qui fit mouche.

"Tu crois vraiment qu'il y a quoique ce soit d'intéressant à voir?"

Faussement furieux, il accéléra le pas pour la dépasser. Pourtant, une fois qu'elle était derrière, il se mit à sourire tout seul. Oui, cette promenade en montagne était différente de ce qu'il attendait, mais différente en bien finalement. A son tour, il se tourna alors et lui lâcha:

"Je ne vais pas ralentir pour m'adapter à ton rythme alors bouge ton joli derrière."

Encore une fois, il sourit en tournant la tête, un sourire qui aurait pu être presque visible par le mage noir si elle y avait fait attention cette fois-ci. C'était grâce à elle que l'humeur s'était détendue, qu'ils pouvaient vraiment revenir comme ils étaient le jour de leur rencontre, à l'extérieur du théâtre. Ainsi commençait la montée sur le chemin montagneux. Côte à côte, ils n'allaient pas trop vite et pas trop lentement non plus pour ne pas s'épuiser à faire de petits pas, et ne pas solliciter trop d'air. A haute altitude, il faudrait faire attention à l'air qui se rarifiait. Ce serait dans le cas où ils montaient assez haut pour ressentir cet effet de toute façon.

"Dis-moi, tu as toujours la robe de l'autre fois?"

Orpheus faisait allusion à celle qui avait été volée dans le théâtre. Par un concours de circonstance, Morgane avait dû la déchirer, mais en l'arrangeant un peu, elle pouvait très bien être à nouveau portée. Même si il essayait de ne pas le montrer, le chevalier s'intéressait à elle sinon, il ne serait pas en train d'essayer d'engager la conversation pour se rattraper d'avoir été un peu bourru précédemment. Par contre, obtenir des excuses, ce serait une toute autre histoire. Puis sans se gêner en la regardant de bas en haut, il ajouta:

"Une jupe pour la montagne. J'espère pour toi qu'elle est assez chaude parce que je ne vais pas pouvoir te prêter mon pantalon."

"Me passer sur le corps... Intéressant."

J'eus un sourire légèrement taquin. Je reprenais un peu du poil de la bête. La Morgane séductrice refaisait face enlevant ainsi celle qui était mièvre et figée par les émotions qu'elle ressentait. Cela ne voulait pas dire bien sûr que je n'étais pas chamboulée par sa présence... Je voulais juste pas trop lui montrer... Néanmoins, je me demandais s'il m'aurait vraiment fait du mal si j'avais osé protéger Emeridienne. Après l'histoire du parfum, j'avais un léger doute. En tout cas, j'aurais du mal à le combattre, c'était indéniable.

Pour nous changer les idées dirons nous, pour passer à autre chose du fait que notre repas était terminé, je lui racontais la légende qui m'avait poussée dans les montagnes. Je n'avais pas pu m'empêcher de me noyer dans ses yeux et surtout de lui caresser la joue. Pourquoi m'hypnotisait-il autant? Je ne comprenais pas mais quelque part, cela ne me dérangeait pas... J'aurais pu tomber sur pire que lui, non? Une fois finie, je le fixais pendant de longues secondes. Sa réaction me laissa sans voix. Je le fixais sans comprendre incrédule et répondis :

"Ne pas vérifier m'aurait entrainé de longues insomnies... Donc du coup, me voilà. Et oui, je suis libre comme l'air, je vais donc où je veux et quand je le souhaites."

Un petit sourire légèrement mi-moqueur, mi-taquin s'était affiché sur mes lèvres. J'avais répondu sur un ton défensif. Il venait de me déstabiliser encore une fois. Néanmoins pour reprendre du terrain, je décidais de me mettre en route. Voyant qu'il ne me suivait pas, je le taquinais de nouveau. L'atmosphère changea aussitôt d'une manière agréable. Nos coeurs étaient toujours chamboulés mais ils étaient quand même plus légers. Sa réponse me fit éclater de rire joyeusement. Je me retins de lui tirer la langue. D'autres que moi auraient été vexées par une réponse aussi machiste mais je me savais irrésistible, il m'en faudrait donc beaucoup plus pour m'abattre à ce sujet. Il passa devant moi et à son tour, il m'envoya une petite pic. Je répondis sur un ton faussement courroucé :

"Tu me prends vraiment pour une petite nature, allez file sinon, je te frappe."

L'envie de lui donner une fessée pour le punir me paraissait fort irrésistible... Donc il devait surveiller son joli popotin. Un sourire fut échangé. Nous avancâmes l'un près de l'autre. Pas d'effort à faire. Nos pas étaient synchronisés et nous faisions attention à l'autre sans que cela puisse être trop évident. Alors que l'air se rarifiait, sa question me surprit. Je mis quelques secondes à lui répondre. Je lui souris chaleureusement et murmurai doucement :

"Pour rien au monde, je ne m'en séparerais. Je l'ai fais réparé, elle en est d'autant plus somptueuse. Je te la montrerais si tu veux."

Le revoir serait un vrai plaisir. Je ne voulais pas penser à une nouvelle séparation. Il m'avait déjà trop manqué ces dernières semaines. J'espérais donc que la quête soit assez longue pour profiter un maximum de sa présence. J'éclatais de rire à ses dires. Il prenait soin de moi à sa manière, j'en étais touchée.

"Dommage, je suis sûre qu'il m'irait très bien. Je ne pourrais être plus sexy qu'avec tes habits. Ne t'inquiètes pas, je ne deviendrais pas la reine des glaces."

Je posais rapidement ma main sur son bras, le pressais doucement puis repris ma marche comme si de rien était. Nous avancions de plus en plus. Pour le moment, aucun danger. Je trouvais cela très suspicieux.

"Tu penses qu'on va rencontrer quoi? Des trolls? Des golems? Des élémentaires? Je suis déjà venue à Eternia... Ce n'était pas une partie de plaisir... Et toi?"

Je voulais en apprendre plus sur lui. Tout apprendre son passé et son présent... Mais cela ne serait pas chose aisée... La route s'arrêta subitement. Un énorme rocher glacé bloquait le passage. Impossible de passer à coté, il prenait toute la route, à gauche, il y avait une paroi, à droite, le vide... Nous devrions grimper par dessus.

"Puis-je espérer un peu d'aide pour passer par dessus cet inconvénient?"

Serait-ce un piège? Quelqu'un ou quelque chose attendait-il derrière? C'était fort probable...

Orpheus resta un moment bloqué face à la réplique de Morgane. Lui passer sur le corps dans le sens de l'éliminer bien entendu mais cette dernière trouvait le moyen de le déstabiliser en faisant des allusions douteuses ce qui l'empêchait de continuer sur sa lancée. Mettre fin à ses jours… Il lui aurai demandé avec insistance de s'écarter d'Emeridienne. De toute façon, il était inutile de s'imaginer ce qui se serait passé si jamais elle l'avait protégé puisque ce n'était pas arrivé. Ce cas de figure resterait sans réponse jusqu'à la fin des temps, à moins qu'Emeridienne refasse surface par on ne sait quel miracle. Finalement pour ne pas s'éterniser au pied de la montagne, les deux jeunes gens commençaient leur petite montée sur pente douce, rien de sorcier ou de compliquer à braver. Cela leur laissait le temps de s'habituer à la température, à la neige, ainsi que de réchauffer tranquillement l'atmosphère au fur et à mesure, une atmosphère bien trop froide à cause de l'inconfort des deux tourtereaux. Le chevalier n'était pas fait pour se genre de sentiments. On lui avait raconté que pour Integral, c'était venu spontanément au sujet de leur arrière grand-mère, une démone à ce qui parait. Il avait donc du sang de démon dans les veines, ce qui expliquerait peut-être la réaction qu'il avait de temps à autre? Leur amour avait été sincère, c'était indéniable. En soi, Orpheus n'avait une dent qu'envers le chevalier blanc et personne d'autre. Il respectait parfaitement celle qu'il aurait aimé et abandonné en disparaissant comme un lâche.

"Oh, frappe-moi donc, j'adorerai voir ça!"

Moquerie et raillerie s'enchainaient alors que les humeurs s'égayaient. Chacun reprenait du poil de la bête, retournait à son précédent lui et pouvait redevenir ces gens qui s'étaient rencontrés avant d'aller au théâtre. Il n'allait pas lui faire le plaisir de la complimenter sur son accoutrement ou encore sur son derrière attirant, ce serait une victoire pour elle qu'il n'accepterait en aucun cas. Et même si il se moquait d'elle en donnant l'impression de n'avoir rien à cirer de ce qui lui arrivait, le blond chevalier gardait un oeil discret posé sur le mage noir, dans le cas où elle serait en danger. D'ailleurs, il n'y avait rien à l'horizon, pas plus mal, il ne voulait pas encore sortir son arme aussi tôt dans la grimpée. Ce serait une perte de temps supplémentaire et les heures leur étaient comptées avant la nuit.

"Ce n'était qu'une question comme ça. Nous nous reverrons si le destin auquel je ne crois pas, le veut."

Il mourrait d'envie de la revoir parée de cette robe. D'ailleurs, il ne réagissait pas lorsque la main de la femme se posait sur son bras, la preuve qu'il supportait bien sa présence auprès de lui. Qu'elle attache autant d'importance à ce cadeau lui allait droit au coeur. Il en était tout émoustillé, ce qui renforçait son envie de sourire et s'obligeait donc à cacher son visage dans le haut col de son manteau.

"T'avoir en statue de glace ne pourrait pas être mal comme décoration au château. Je t'aurai enfilé une armure pour voir si ça te va et tu n'aurais pas pu opposer de résistance à cela."

Pas un bruit à part leurs bottes dans la neige, ce doux son étouffé était juste unique en son genre. Orpheus adorait ça. Les occasions étaient rares de marcher dans la neige, il en profitait pleinement tout en restant particulièrement vigilant sur le chemin. Les dangers de la montagne n'étaient pas toujours vivants, toute la montagne pouvait être un danger dans certains cas. Le chevalier devinait d'ailleurs qu'elle serait leur principal adversaire. A côté, les monstres cités par Morgane seraient de la rigolade.

"J'aimerai juste éviter les tempêtes de neige. Ensuite, le reste m'est parfaitement égal. Ce sera probablement ma première fois à poser les pieds à Eternia par contre. Je ne sais pas comment m'y rendre mais avec deux cerveaux on y parviendra bien."

Et de cette manière, il indiquait que son chemin allait étrangement ressembler à celui de Morgane, lui qui prétendait précédemment vouloir faire bande à part lorsqu'il aurait atteint un embranchement quelconque. Bien sûr qu'il allait l'accompagner, ce serait juste trop dérangeant de la laisser partir seule. C'était une femme forte mais elle n'était pas immortelle et infaillible. La marche s'interrompait brusquement à cause d'un terrain peu à leur avantage. Sans douceur, il se détacha de la main de la drow pour aller observer les chemins disponibles. La droite était juste un vide total, synonyme de mort certaine. Le rocher était bien trop épais pour être détruit. Restait donc le chemin de gauche, juste quelques mètres à grimper pour continuer leur chemin vers quelque part, sans savoir ce qui les attendrait.

"Pas le choix il faut croire. Je passe devant."

Prudemment, le chevalier entama la toute petite escalade, à peine deux mètres pour arriver en haut, jetant un coup d'oeil furtif aux alentours. Rien? Parfait. Il se hissa sur le petit chemin puis se colla au sol en tendant la main pour aider Morgane à monter. Encore un nouveau contact, tirer la femme vers le haut comme il l'avait fait au théâtre, la tenir dans ses bras pour la mettre debout juste après. Ce genre de geste anodin était si étrange actuellement. Ils se retrouvaient à proximité l'un de l'autre, deux visages qui soufflent lentement de la buée en se regardant. Un rugissement les interrompit soudain. Une fourrure blanche, des bras et des jambes humanoïdes et une bonne hauteur, le troll qui les attendait n'était pas là pour jouer. Le terrain n'était pas vraiment en leur faveur car bien trop étroit, juste la place pour se tenir à deux et en-dessous, à nouveau un profond précipice.

"Ici, ce sera lui ou nous qui tomberont. Arrangeons-nous pour que ce soit la bonne personne."

La vitesse sur ce terrain serait du suicide. Le chevalier tira prudemment la lame blanche de son fourreau. Peu habitué à se mouvoir avec un si lourd attirail sur le corps, ses mouvements étaient un peu entravés mais seraient probablement suffisant avec l'aide de Morgane. Il la connaissait déjà un peu et savait dors et déjà que ses compétences de combat seraient des alliés de poids.

"Il n'est pas nécessaire de le tuer, juste le pousser dans le vide devrait suffire. Par contre, si tu perds l'équilibre, ne m'oblige pas à plonger à ta suite pour te sauver. Je ne suis pas un prince charmant ou un chevalier servant."

L'atmosphère avait changé. C'était indéniable. Nous continuions à nous chercher mais d'une manière plus détendue, presque enfantine. C'était un peu à qui allait faire la meilleure pique. Je trouvais cela fort plaisant. Mes nerfs s'en retrouvaient plus détendus même si l'attirance envers Orpheus était indéniable et j'aurais bien aimé qu'il me réchauffe. Mais je gardais ce souhait pour moi.

"Ne me tentes pas."

Mon ton avait été sensuel. Je n'étais nullement masochiste dans les actes sexuels même si ma remarque pouvait le supposer. Je le taquinais. Son derrière semblait si agréable à toucher mais je ne devais pas y penser. Nous continuions notre chemin. Il ne croyait pas au destin? Moi, non plus même si celui-ci semblait fort désireux de nous allier pour toujours. Je souris et répondis sur un ton faussement détaché, sa remarque m'avait un peu peinée je me devais de l'avouer :

"Oh pire, je te rendrais visite au château. J'ai toujours voulu le visiter et comme je n'ai pu que partiellement visité le théâtre, tu me dois une visite partielle. Pourquoi pas ton QG?"

Mauvaise foi? Mais non!! Ce n'était absolument pas mon cas! Puff... Vous dites n'importe quoi. Je voulais juste tester sa réaction. Se promener avec une mage noire aussi jolie que moi n'était pas forcément aisé et il aurait forcément des remarques salaces de ses collègues en retour. L'accepterait-il? Ou ferait-il un petit carnage? J'éclatais de rire joyeusement à ses dires.

"Mon père aurait aimé que je sois une aigrefine. En agissant ainsi, tu lui ferais grandement plaisir même s'il est dans une tombe à présent."

Oui, Kessler Evans était décédé comme tous les membres de ma famille... J'en étais fortement peinée comme pouvait le faire remarquer mon regard subitement voilé. J'ai un caractère fort, je repris donc rapidement le dessus. Un artefact nous attendait. S'il était là... Qui l'aurait? Cette question restait en suspens pour le moment. D'ailleurs, je mis sur le tapis le sujet des monstres. Il fallait qu'on s'y prépare.

"C'est sûr que c'est embêtant comme phénomène mais cela a pour l'habitude d'être passager... Faut juste être à l'abri quand cela arrive... oh je vois... Donc je ne te suis pas si inutile que cela."

Je serais son guide, soit, cela ne me dérangerait pas. Pour le moment, le chemin était forcément tout droit donc les choses n'étaient guère compliquées. Je lui souris doucement. Ma compagnie ne semblait plus le déranger dans ce lieu si effroyable mais si beau en même temps. Un obstacle fut mis sur notre route. Je soupirai de mécontentement... Obliger de l'escalader... Je n'avais pas prévu cela... Avec ma jupe, cela ne serait guère aisé. J'aurais donc besoin de mon cavalier. Je le laissais passer devant avec plaisir même si je ne souhaitais pas le pousser dans un piège. Mon coeur se mit donc à serrer d'angoisse en le voyant agir. J'aimais le sang mais je ne souhaitais pas le voir apparaitre sur mon compagnon.

Je lui saisis la main et fis attention de ne pas me blesser, ni de lui marcher dessus. Une fois l'un contre l'autre, je me sentis rassurée. Le temps sembla se figer. On ne bougeait plus... Nos regards s'hypnotisèrent de nouveau... pas un mot... mais un ennemi décida de nous interrompre... Son rugissement me fit légèrement sursauter. Nous passâmes le rocher et nous fimes face au troll. Je souris à sa remarque et murmurai :

"Promis."

Je me mis à incanter. Un zombie apparut sur la gauche du monstre. La scène devenait un peu plus étroite mais cela forcerait au troll de reculer... et donc de se rapprocher un peu plus du précipice... Orpheus pourrait l'harceler aussi avec son épée se servant de mon invocation comme bouclier... La bête rugissait... Mais les choses allaient encore être contre elle... A l'aide de mon contrôle de la terre, je rendis le sol sous ses pieds glissant... je ne pouvais pas créer un séisme en soit sans créer des avalanches... mais en rendant le sol mouvant, je le ralentissais considérablement... Mon chevalier préféré n'avait qu'à finir le travail... Un bon travail d'équipe en soit.

Pour ne pas transformer une promenade en calvaire, il fallait faire de petits efforts. Orpheus ne saurait expliquer pourquoi il voulait se montrer d'autant plus désagréable avec la femme avec qui il avait le plus d'affinité, une manière de se cacher derrière la fausse humeur qui ne pouvait pourtant pas tout dissimuler de ses vraies pensées. Très vite, ils étaient revenus à une bonne entente, enfin presque. Ponctuée de petites provocations, la montée se faisait déjà plus aisément. Lorsqu'on allie petits plaisirs à travail, ce dernier était toujours moins éprouvant. Du coup, la fatigue ne venait pas aussi rapidement. Le temps de parler de leurs derrières respectifs, les deux jeunes gens avaient tôt fait de trouver un premier obstacle sur leur chemin, premier parmi de nombreux.

"Tu m'y rendras visite et tu penses que les chevaliers vont te laisser y entrer comme si de rien était? J'irai surement me moquer de toi tandis que tu seras derrière des barreaux! Les geôliers aiment les jolies prisonnières."

Une jolie prisonnière dont on pourrait profiter. Personne ne se priverait c'est pourquoi il faudrait éviter qu'elle se fasse attraper tout simplement. Prendre des risques inconsidérés était bien dans sa nature. Ils avaient été dans l'illégalité dans les coulisses du théâtre après tout. Mais il risquait gros si jamais il se faisait attraper en sa compagnie, risquer sa tête blonde pour une femme serait bien une nouveauté. Le coup de la prisonnière ne fonctionnerait pas deux fois, car bien trop louche. Le chevalier n'était pas forcément ravi à cette idée, en espérant qu'elle allait la perdre d'ici quelques temps. N'importe où ils pourraient aller, alors pourquoi se cantonner à un vieux château? Il n'y avait rien de luxueux là-bas, rien de bien marquant à voir.

"Concrètement, je te vois mal en armure et armée d'une épée en train de taillader tes adversaires. La magie est plus distinguée et te va mieux."

Quelle idée, vouloir que sa fille prenne la voie des armes! Foutaises que voilà. Tandis qu'ils réfléchissaient à la manière de franchir l'obstacle, ils énuméraient les différents autres contre-temps qu'ils allaient pouvoir rencontrer. Ce n'était pas pour lui déplaire, cette aventure s'annonçait palpitante. Orpheus ne fit pas le plaisir à Morgane de lui faire souligner qu'il avait besoin d'elle pour trouver Eternia, d'autant plus que c'était elle qui voulait aller trouver cette légende et non lui qui n'était qu'un accompagnateur malgré ses propos précédents qui indiquaient le contraire. Grimper n'était pas si difficile en temps normal mais avec tous ses affaires sous son manteau, le chevalier était un peu entravé dans ses mouvements. Néanmoins, il parvenait à monter, puis à amener Morgane jusque lui, la conservant un moment dans ses bras sans un mot avant de se tourner précipitamment à l'arrivée du troll de glace. Sa fourrure blanche serait bientôt tachée de rouge, c'était une promesse que le chevalier se faisait intérieurement.

Les hostilités s'ouvraient avec le mage noir qui invoquait un cadavre. Définitivement, le jeune homme ne parviendrait jamais à aimer cette chose sans vie contrôlée par la magie, il ne pouvait juste pas l'aimer. Déjà elle puait, ensuite, il lui manquait des bouts de corps et pour finir, elle laissait échapper un râle dérangeant pour la concentration. Cette fois-ci, il ne critiqua pas la jeune femme et préféra se concentrer sur le positionnement de ses pieds. Un mauvais pas et il tomberait plus bas. Certes, le ravin du côté gauche n'était pas aussi profond que celui du côté droit. Cependant, une chute serait mortelle dans tous les cas.

La créature des neiges avança et commença à donner des claques au zombie qui servait finalement de chair à canon. Profitant de cette focalisation, Orpheus fondit sur l'adversaire l'épée au clair. Un beau geste horizontal lui entailla profondément le bras, accueillant un rugissement qui retentit longtemps dans la montagne. Une nouvelle crainte venait de naitre dans l'esprit du Neiphereum. Trop de bruit en montagne résulterait en une avalanche et ça, c'était l'autre adversaire auquel il ne voulait pas faire face. Ignorant totalement que le sol s'était modifié sous les pieds du troll, Orpheus continuait d'avancer en essayant de l'atteindre le plus vite possible, le découper le plus vite possible pour stopper ces cris qui étaient d'avantage dangereux pour eux que ses pattes. Le zombie était juste parfait, cependant, le troll était précautionneux maintenant qu'il avait expérimenté la douleur. Ses pieds qui glissaient un peu, la difficulté à se stabilisait n'aidait pas non plus. Qu'avaient-ils dit au départ? Pousser le troll? Sans le moindre regret, il bouscula brusquement le zombie en avant pour déstabiliser la créature des glaces, entrant ainsi dans la zone glissante sans le savoir tandis que Morgane l'aidait de quelques sorts supplémentaires. Ses bottes n'agrippaient que très peu à cause de la terre modifiée et déstabilisé, le chevalier ne perdait pas pour autant le nord en poussant encore le zombie vers le troll, une projection à toute allure qui envoya les deux nouveaux amoureux hors du terrain, accompagnés d'un long hurlement.

Cependant, emporté par cette allure, le chevalier continuait d'avancer vers le vide, sans pouvoir s'arrêter. Alors qu'il se mettait à tomber, le brave garçon enfonça son arme dans le sol de toute ses forces, réussissant ainsi à rester en suspension en l'air alors que ses bras étaient sur la terre ferme. Des sueurs froides, il venait d'en avoir à la chaine.

"Fichu sol glissant!"

Un grondement inquiétant commençait à se faire entendre, un grondement lointain mais qui s'amplifiait à toute allure. Devant ses yeux ébahis, les neiges de la montagne leur fonçaient droit dessus. Le long cri de mort du troll avait eu raison de l'énorme quantité de neige. Jurant comme un damné, Orpheus grimpait pour retrouver Morgane. Seulement, en tirant son arme du sol, la pierre s'effrita et s'effondra sous leurs pieds, à croire que peu importe quelles précautions ils voulaient prendre, dans tous les cas ils allaient se faire manger par la montagne. La chute était longue. Imaginez les aventuriers précédés par ce qui avait été leur sol, le chevalier qui attrapait la main de la femme sans savoir en quoi cela allait les aider, et derrière eux, une avalanche. La fin était imminente, les couches se superposaient au fond du précipice. Dans un dernier acte de conscience, Orpheus avait préféré prendre appui sur le sol en gardant auprès de lui la femme pour foncer vers l'avalanche. Quitte à tomber, autant éviter d'avoir de la pierre sous eux. Par la suite, si ils s'en sortaient en vie, ce serait un pur miracle. Les sourcils froncés, le chevalier blond gardait la femme dans ses bras en se demandant ce qui allait leur arriver. Il la regardait avec de la crainte dans les yeux. Leur aventure en montagne allait peut-être être décisive alors se fichant éperdument de ce qu'elle pourrait penser, il l'embrassa finalement en réponse au baiser qu'elle lui avait donné au théâtre. Pas un mot échangé, leurs regards se comprenaient parfaitement.

Par la suite, la lumière s'évanouissait d'un coup et un froid glacial s'empara de ses membres en le faisant sombrer dans l'inconscience.

"Tu ne me protégerais même pas!"

J'étais éberluée! Ma mère m'avait bien dit que par le passé, elle avait visité le chevalier en compagnie d'Integral. Alors pourquoi cela semblait-il si impossible à son descendant? Je n'y comprenais rien. Quant à la prison, je préférais l'éviter. C'était toujours très inconfortable d'y être et je devrais trouver quelqu'un pour me libérer... mes parents étant décédés, cela ne me sera pas aisé...

"Il est vrai qu'aux yeux de tes confrères, je suis une voleuse... Vous n'avez pas le droit à de la visite? Si l'un d'entre vous a une petite amie, elle ne peut pas le rejoindre dans votre château pour partager une nuit d'amour?"

Bon, il était vrai que cela était aussi peu possible à la Tour Sanglante... mais non... les invités, on les sacrifiait souvent pour la déesse interdite ou alors pour s'amuser à les torturer... Leur château était à Bénécius donc ils devraient avoir un meilleur standing. J'étais quand même assez choquée. Mais si cette visite lui semblait improbable, tant pis, je le verrai ailleurs. Le lieu n'avait pas vraiment d'importance après tout. Je lui souris doucement et je continuais ma route. De la neige partout... Cela en devenait déprimant... La civilisation commencait déjà à me manquer...

"Merci. J'aurais du mal à t'imaginer en mage."

Oui, c'est sûr être mage noire avait plus de classe qu'être une aigrefine. Cela me donnait une apparence non bourrine, plus fine. Mais cela avait aussi des désavantages... sans magie, j'avais grandement de mal à me battre. Certes, j'avais subi quelques entrainements à ce sujet avec mon père... mais je n'aimais pas une ardente défenseur du combat au corps à corps. Je préférais ceux à distance... C'était d'ailleurs pour cela que je me servais souvent de mes zombies comme leurres.

D'ailleurs en parlant de celui-ci, je dus l'utiliser pour combattre un troll. A peine avions-nous eu un moment de tendresse que voilà celui-ci interrompu brusquement par un ennemi... Puff... Cela m'agaça... Je fus la première à donner l'assaut. Orpheus usa de mon zombie adoré comme d'un vulgaire sac à patates. Pauvre bébé. Je l'aidais toujours à faire reculer le troll... Malheureusement mon compagnon entra dans la zone glissante... J'eus un soupir de mécontentement et j'usais de boules de feu pour pousser un peu plus notre ennemi... et je réussis...

Sauf que les choses ne se passèrent pas complètement comme prévues... Mon coeur manqua un battement... Mon chevalier servant était dans le vide... Je m'approchais de lui et fis apparaitre un pic de roche juste au dessous de ses pieds pour qu'il ait un appui. Mais il n'eut pas le temps de l'utiliser. Mes yeux verts se tournèrent dans la même direction que son regard. Mes iris s'écarquillèrent... Une avalanche nous fonçait droit dessus... Impossible de l'éviter... J'étais transie... figée... éberluée... Le troll avait été vainqueur au final...

Je me tournais vers Orpheus. Il fallait qu'il quitte sa position inadéquate tout de suite. Je lui tendis une main vers lui. Il s'aida également de son épée. Grave erreur... Le sol sous nos pieds s'effrita... Nous allions tomber... sans pouvoir éviter quoi que ce soit... La neige était de plus en plus proche. Mais subitement, ceci n'avait plus d'importance pourtant, nous chutions... Nos pieds touchaient encore ce qui avait été notre sol mais une seule chose comptait : la présence de mon compagnon. Blottie contre lui, la peur sembla diminuer d'un cran. Nous serions ensemble... Subitement, il vint m'embrasser. Une explosion de joie, d'amour se propagea dans mon coeur, irradiant tout mon corps alors que le froid était entrain d'en faire un glacon. Je le prolongeais un peu alors que nos corps se faisaient recouvrir d'une épaisse couche de neige.

Nos yeux se refermèrent. La douleur nous envahit. Nos mains restaient reliées. Nous n'étions plus que des sacs de linge dans un étau de froid et d'eau. Nous finimes par atterrir... un sol semi dur... semi moelleux... Nous restâmes plusieurs longues minutes sous la neige... peut être même une heure... Nous étions inconscients... mais ce n'était pas l'heure de notre mort... Nos corps eurent un dernier réflexe. On ne pouvait plus respirer... Ma magie se mit en mode automatique et fit apparaitre un séisme autour de nous... La neige qui nous enfermait glissa sur les côtés... Nos cheveux apparurent puis ce fut nos têtes... Mes poumons s'ouvrirent brusquement. Je toussai violemment. Du sang macula un peu ma bouche. Un rocher m'avait frappé au visage. J'avais mal aux bras et aux jambes... que des contusions... mais ce n'était pas du tout agréable. J'invoquais deux boules de feu... Mes mains firent fondre par ce biais la neige qui les emprisonnait... Je pus donc sortir le haut de mon corps... J'avais si froid... Je m'approchai du paladin et l'embrassai pour le réveiller...

Et bien voilà! Pour une fois qu'il réussissait à la surprendre! Il était chevalier mais son esprit n'était pas celui d'un saint. La trahison, il y avait eu recours pour parvenir à ses fins. Des plus nobles il y en avait, ce ne serait jamais son cas par contre. Jusqu'à ce jour, Orpheus ignorait que son ancêtre avait poussé la bêtise jusqu'à faire pénétrer une ombre dans le château, juste pour lui faire visiter. Lui ne préférait pas le montrer à Morgane simplement parce qu'il n'avait aucun intérêt, mais cette dernière semblait le prendre bien plus personnellement en essayant d'argumenter à ce propos. Le blond chevalier haussa les épaules, complètement indifférent à ce fait. Jamais il n'avait eu besoin de ramener qui que ce soit de toute façon.

"Il y a les auberges pour ça au pire. Voyez le château comme un lieu de travail et les chambres comme des salles de repos qui nous gardent à disposition à n'importe quel moment de la journée."

A quoi bon s'éterniser sur le sujet, c'était un fait, il n'avait pas l'intention de l'amener où que ce soit. Déjà, il faudrait être sûr qu'ils se sortent de ce mont neigeux et avec l'arrivée d'un adversaire, les chances diminuaient lentement. Heureusement qu'il était idiot, un peu déstabilisé par la présence pestilentielle du zombie. Le chevalier en profitait pour trancher ce qu'il parvenait à atteindre tandis que Morgane poussait un peu plus la bête avec des boules de flamme. Cependant, malgré leur supériorité numérique et stratégique, leur combat ne se déroula pas exactement comme prévu. Bien que le troll était tombé, le chevalier avait failli le suivre dans sa course, suspendu dans le vide accroché à son épée et à peine soutenue sous ses pieds par de la roche que la femme avait créé pour le soutenir. Il aurait pu faire pareil certes, mais sa magie n'était pas aussi entrainée que ses bras. Il était chevalier après tout et non mage.

"C'est juste impossible d'avoir autant de chance, sacré non d'un troll! Il s'est senti obligé de hurler à la mort en tombant comme ça?!"

Il était effarant de constater qu'en une heure et quelque de marche, ils n'avaient rien eu. Juste de la neige sur le chemin et juste un décor froid. Et puis en à peine cinq minutes, l'arrivée d'un monstre de la montagne, une avalanche, une paroi qui s'effrite et se brise sous leurs pieds. A cet instant précis, toutes les réflexions désagréables, la mauvaise humeur étaient mis de côté. Tout ce qu'il voyait, c'était le mage noir, la femme qu'il attrapa précipitamment pour ne pas être séparé. Quelle était cette comédie romantique? Pour sûr, ce ne serait pas tous les jours qu'il referait ça mais est-ce qu'il aurait réellement la possibilité d'avoir d'autres occasions? Leur chute semblait si lente et pourtant, la montagne défilait à toute allure autour d'eux. Morgane se blottissait contre lui et leur baiser s'éternisa alors que le sol s'approchait dangereusement. Une seconde plus tard, le froid venait d'envahir leurs corps, leurs vêtements, couverts et dans l'obscurité, ils restaient inconscient.

Une heure ou deux, à moins que ce soit une dizaine d'heures plus tard, Orpheus ouvrait ses yeux bleus en ressentant des lèvres glacées sur les siennes. Son corps tout entier était douloureux, son bras lui faisait mal parce qu'il était tombé dessus. Malgré la neige, la vitesse avait surement eu raison du tapis d'atterrissage. Penchée sur lui, la fille d'Halloween Steel, la meilleure amie de son arrière, arrière grand père. Qu'est-ce qu'elle faisait là… Ah oui, la chute, l'avalanche, le troll dont le corps ne devait pas être loin. Le visage de la femme saignait, malgré tout, il se sentait soulagé de la voir en vie. Un peu un rire forcé lorsqu'il dit:

"Sacré chute pas vrai?"

Ce n'est que là qu'il remarquait que sa vue s'obscurcissait. Du sang coulait de son front jusque dans son oeil droit qu'il essaya d'essuyer. Mais malgré ce petit ménage, le sang revenait couler et les alentours commençaient à s'assombrir. Ils étaient restés inconscient assez longtemps et le soleil s'était mis à décliner dans le ciel. Froid, il faisait vraiment trop froid. Lentement pour constater de la douleur de chacun de ses membres, le chevalier se redressa. Ses jambes étaient intactes, juste le bras gauche qui devait être cassé et la plaie à la tête, mais rien d'autre. Un peu tremblant, il se releva comme un nouveau-né qui apprenait à marcher. Le froid ankylosait ses membres, il était difficile de bouger. Le froid, la douleur, tant de facteurs désagréables qui le mettaient dans un de ces états. On se rirait de lui en le voyant débarquer dans cet accoutrement. S'approchant de Morgane pour la relever à son tour, il lui demanda doucement:

"Tu n'as rien de cassé? Il faut qu'on trouve un abri pour la nuit. Je ne sais pas où on est mais le temps semble s'épaissir."

Le pire des cas de figure possible. Ils étaient blessés trempés, au milieu de la neige et la nuit tombait, avec une possibilité de tempête pour les garder au frais. S'appuyant l'un sur l'autre, ils repéraient plus loin l'entrée d'une caverne, assez basse ce qui les obligerait à ramper pour entrer. Mais si elle était assez vaste, elle serait parfaite pour les protéger et pour faire un petit feu. En fait, Orpheus n'était pas un peu tremblant, il était juste comme un vieillard dont chaque mouvement est un véritable supplice. Sur leur chemin, il laissait des gouttes carmins. La quantité de sang qu'il perdait était atténuée par toute la neige qui leur était tombée dessus. C'était le meilleur endroit pour se blesser grâce à toute cette glace à disposition néanmoins, il faudrait traiter cela rapidement.

Arrivé devant l'ouverture basse, le chevalier s'accroupit pour observer l'état de ce petit refuge. Correct, ils pourraient y passer la nuit et il ne semblait pas habité. Douce ironie en s'y glissant, de tomber sur un squelette gelé dans le temps. Ils n'auraient pas été les premiers à s'y rendre pour se reposer. D'un coup, le chevalier laissa tomber tout le bois mouillé qu'il avait gardé sur lui par terre.

"Est-ce que tu pourrais essayer de les sécher puis de faire un feu avec? Je suis désolé de te demander ça, tu dois être épuisée…"

Ils en avaient besoin de toute façon. Ils avaient besoin de sécher leurs vêtements, de sécher leurs corps et de repos pour leurs âmes. Son manteau en fourrure tomba par terre, suivi de son gilet. En se dévêtissant, il ne ressentait presque pas de différence de température, tant il était gelé. Lentement, il s'appuya contre la paroi fraiche pour s'asseoir avec Morgane. Depuis qu'ils s'étaient réveillés, ils étaient restés inconsciemment l'un avec l'autre sans se détacher, à part lorsqu'il avait fait son inspection. Le tas de bois était le boulot pour la femme. Il aurait bien voulu pouvoir l'aider pour sûr, mais il n'en avait pas le pouvoir, alors il ne pouvait que la soutenir en posant la tête contre son épaule. Ne pas s'endormir, si il sombrait dans l'inconscience, il risquait de ne pas se réveiller. Paresseusement, il avait déchiré un pan de sa chemise pour tenter de nettoyer le sang séché sur son visage et sur celui de Morgane.

"Si nous nous en sortons… je t'emmènerai au château, c'est une promesse…"

Lorsque le feu serait fait, il enlèverait le reste de ses vêtements pour les faire sécher, même si être presque nu dans un tel climat était fou. Toutefois, quels choix y avait-il? Rester habillés trempés et mourir à petit feu ou bien supporter l'air glacial et ensuite pouvoir repartir dans de bonnes conditions? Son regard se posa sur celui de Morgane et il se disait qu'au fond le froid ne serait qu'un détail parce que l'intérieur de son corps semblait se réchauffer en sa présence. Pour la taquiner, il murmura par la suite puisqu'il n'avait pas la force de parler:

"Allez femme, au boulot. Je veux un feu et plus vite que ça!"

"M'en parle pas. Je pense qu'on doit pouvoir participer au concours du meilleur saut dans le vide après cela."

J'avais mal partout, je saignais sur la joue et je sentais ma cheville gauche plus aussi sure qu'avant mais je préférais jouer avec l'humour que de me plaindre. En tout cas, je fus contente qu'il se réveille. Si cela n'avait pas été le cas, je ne m'en serais jamais pardonnée. Je le souhaitais en vie et non décédé même s'il ferait un très joli zombie. Sa blessure m'inquiétait. J'avais des onguents sur moi... enfin dans mon sac... qui était sous la neige... le retrouver s’annonçait on ne peut plus difficile... La chance avait décidé de nous abandonner... C'était indéniable.

Il m'aida à me relever. Mes doutes sur ma cheville étaient confirmés. Elle était au minimum entorsée... Je soupirais... J'avais super froid... Je sentais presque plus mes doigts... Et tous mes vêtements étaient trompés. Si je ne choppais pas une pneumonie en plus de ce que j'ai déjà, je serais très chanceuse... Je lui jetais un regard affectueux. La chute avait au moins permis de nous rapprocher un peu. Je jetais un regard vers l'horizon et j’acquiesçai.

"Oui. En espérant que dans la nuit, il neige pas. J'ai une cheville d'abimée mais sinon, cela a l'air d'aller. Et toi? Comment te sens-tu?"

Nous avions une apparence fort héroïque et la quête ne faisait que commencer... A quoi allait on ressembler à la fin de cette aventure? De la chair à saucisse? Je n'espérais pas. Il fallait à tout prix qu'on ne se blesse plus... L'un contre l'autre, nous marchâmes doucement. Chaque pas nous coutait un effort surhumain à cause du froid mais nous finimes par arriver dans une caverne. J'en fus aisée au moins le vent glacial n'allait plus nous mordre la peau pendant quelques minutes voire heures. Nous dumes nous accroupir pour y entrer. Pas de visiteur présent... enfin pas de vivant. Je ne pus m'empêcher de frissonner d'appréhension en voyant le squelette. Ce n'était ni le premier, ni le dernier que je voyais... Mais j'en étais pas rassurée... surement à cause de notre état actuel.

"Je vais essayer. Ne t'inquiète pas, ca va."

Tu parles. Je mourrais d'envie de dormir. J'avais froid. J'avais mal partout mais je jouais encore les braves. Je le fixais entrain de se déshabiller et j'en fis de même. Mon manteau trempé rejoignit le sien ainsi que mon pull. Ma peau était violacée à cause des bleus que j'avais mais aussi le froid. J'incantais et une boule de feu apparut dans ma main droite. Celle-ci me réchauffa et ralluma l'espoir dans mon coeur à moins que cela soit du au contact d'Orpheus. Les deux sont liés assurément. Je lui souris alors que ma main restait sous les morceaux de bois pour les sécher.

"Ca marche. Je ferais en sorte que tu puisses la tenir."

J'étais touchée par ses dires. Il avait refusé ma venue et voilà qu'il changeait d'avis. Froler la mort de près change n'importe qui. J'éclatais de rire à ses dires et après l'avoir embrassé doucement pour le remercier des "soins" qu'il avait apporté à mon visage, je murmurai :

"Oui, mon seigneur! A vos ordres!"

J'étais dans l'incapacité de me mettre au garde à vous mais le sourire complice que j'échangeais voulait tout dire. Je me mis à l'oeuvre et il fallut une poignée de minutes pour obtenir les premiers bois secs. Je les séparerais de ceux encore mouillés et je leur mis le feu. La lueur, l'odeur nous réchauffèrent le corps et l'esprit. Je disposais les autres pas loin pour qu'ils continuent à sécher. Je disposais mon manteau sur un pic et lui demandai :

"Tu est bien non pudique? Je ne me trompe pas?"

Je m'étais déshabillée devant lui au théatre et j'étais entrain de le faire de nouveau pour permettre à ma jupe et à ma tunique de sécher... La température dans nos sens venait de grimper d'un cran... Le vent soufflait dehors... Nous étions bloqués... allons-nous en profiter?

"Un concours de saut de l'ange pourquoi pas. Tu m'excuseras mais je ne ferai que regarder si jamais ça arrive. Vivre cette expérience palpitante avec une avalanche juste derrière m'a suffit je pense."

Plaisanter pour ne pas trop penser aux différentes douleurs qui vrillaient son corps. A chaque mouvement, il découvrait un nouveau point qui faisait mal. Un coup la hanche, un coup le coude ou la jambe. Quelle masse de neige s'était écrasée sur eux? Le chevalier préférait ne pas connaitre la réponse, quoiqu'il aurait pu se vanter par la suite d'avoir survécu à une avalanche en étant quasiment enterré vivant. Cependant, il savait que Morgane y était pour quelque chose. Comment sinon, auraient-ils pu être en surface en se réveillant alors qu'à la base ils étaient en-dessous de tout? Cette femme n'était vraiment pas à prendre à la légère, c'était évident.

"J'ai un bras cassé je crois bien et je pense que je vois un peu flou avec tout le sang que je perds."

Dire ça avec un de ces naturels, un peu dans le genre "je suis un homme, j'ai mal et je m'en fiche". Intérieurement, il se retenait surement de pousser quelques petits cris histoire de se soulager un peu. En tout cas, ils étaient en bien piteux état. On aurait presque dit qu'ils revenaient d'une bataille alors qu'ils s'étaient lamentablement fait écrasés par la montagne. Même le troll s'était montré moins dangereux. Tout ça pour dire que le plus grand ennemi de l'homme, à part lui-même, c'était la nature. On ne peut rien contre les tornades, contre les tempêtes, contre les tsunamis. Non, même les prières sont inutiles. Il faut juste espérer qu'on en ressortira indemne et c'était leur cas.

A marcher en extérieur, le froid était en train de le bruler. Son visage était humide, il sentait ses lèvres se geler à vu d'oeil. Vite, la grotte était leur salut. Ils s'y glissaient puis décidaient de faire un petit feu, avec le peu qu'il avait pu garder de bois. D'ailleurs, il était surement tombé dessus parce que le bas de son dos aussi lui faisait mal, surement un énorme hématome le couvrait. Le premier réflexe du blond chevalier avait été de dégager le squelette qui était une très mauvaise décoration. Le mettre à l'extérieur en prenant le risque de s'attirer les foudres de l'esprit du possesseur de cet ancien corps. Il n'avait pas peur des morts, les vivants étaient bien plus dangereux. Confier la tâche à Morgane n'était pas de bon coeur. Si seulement il avait eu un pouvoir utile dans ces circonstances. Histoire de soulager la charge de la femme, il avait créé plusieurs pics de roche, pour suspendre les différents vêtements. Il n'était plus à ça près et être quasiment nu devant une femme était le cadet de ses soucis.

A voir l'état de Morgane, on aurait dit qu'elle était une femme battue. Lui ne faisait pas meilleure figure et cela l'amusait de voir ce couple pathétique en train de se démener pour se maintenir en vie.
L'extérieur de son manteau était humide mais l'intérieur de bonne qualité avait su rester imperméable à l'eau, un tout petit peu, puisque les autres vêtements avaient un peu transmis l'humidité. En tout cas, il sécherait plus vite que le reste des tissus. La femme semblait déjà enthousiaste à l'idée d'aller au château, lui n'en trouvait toujours pas l'utilité mais si ça lui faisait plaisir, il ferait bien un petit effort. Orpheus ne voulait pas parler de sentiments, il n'était pas de ce bord là. Si ils s'étaient embrassés, ce n'était qu'au cas où ils ne se revoyaient pas. Néanmoins, que la femme revienne à lui pour réitérer ce geste ne le mettait pas mal à l'aise. Ils avaient froid mais l'un contre l'autre, une douce chaleur se répandait. Ce n'est pas pour autant qu'Orpheus avait arrêté de trembler. Le petit feu n'était pas encore suffisant, et les morceaux de bois prenaient du temps pour sécher. D'un geste, il bloqua même l'entrée de la caverne pour ne pas laisser passer d'air. Ils étaient comme dans une petite pièce, la chaleur ne se perdrait pas comme ça.

"Qu'est-ce que j'en ai à faire de voir ton corps ou non? Nous sommes assez vieux pour penser à notre survie avant de penser à ce genre de détails."

Déjà grognon oui, il ne lui avait pas fallu longtemps pour reprendre les bonnes vieilles habitudes. A contre coeur, il se levait comme Morgane pour ôter son pantalon, puis après mure réflexion, ôter tout vêtement pour les sécher, avec quelques difficultés lorsqu'il s'agissait d'utiliser son bras gauche. Enervé d'avoir à se montrer entièrement, et donc un peu gêné et rouge, il tâta l'intérieur de son manteau. Une légère humidité, mais c'était supportable. Ils n'allaient pas rester nu comme des vers sans un seul vêtement alors qu'un froid glacial était présent, malgré la faible flamme. Marcher était un calvaire, marché pied nu était pire. Il vint s'asseoir devant le feu en regardant la femme de moins en moins vêtue, puis détourna le regard en grognant:

"Dépèche-toi de venir, le manteau est assez grand pour nous couvrir tous les deux. Et ne viens pas me parler de pudicité. Là c'est un cas de force majeur de survie!"

La chaleur corporelle, même de deux corps glacés, se transmettrait bien et ils iraient rapidement mieux avec l'aide du feu également. Orpheus fronçait les sourcils parce qu'il était vraiment gêné de toute cette histoire, en repensant qu'il avait pu embrasser cette femme, qu'il avait pu s'en approcher autant alors que pendant vingt cinq ans personne ne l'avait intéressé. Le craquèlement des morceaux de bois l'apaisaient tout de même et il était toujours prêt à ouvrir son manteau pour couvrir la femme de son bras et de sa chaleur.

J'eus un pli soucieux. On était tous les deux blessés et on n'avait pas encore intégré la grotte où se trouvait le bouclier... Ca commencait plutôt mal... On risquait de finir sur une civière avant la fin de la nuit prochaine si cela continuait sur ce même rythme. Il fallait vraiment être cinglés pour ne pas décider d'ores à présent de faire demi-tour. Mais on est des guerriers ou on ne l'est pas. Orpheus et moi même faisons partis d'une lignée que rien n'abat ou presque. Donc on parlait calmement de notre état et on ferait avec.

"J'ai perdu mon sac dans toute cette neige. On va donc devoir s'asseoir sur des potions de soins que j'avais acheté juste avant de venir dans ce lieu..."

Je regrettais de ne pas ressembler plus à ma grand mère à l'heure actuelle. Celle-ci avait en effet la possibilité par le passé de régénérer ce qui l'avait transformée en vraie tête brûlée. Ma mère, elle, était une vampire de vies végétales... Moi, je n'avais rien à ce sujet... J'espérais que cela se débloquerait dans la suite de mon apprentissage. Ou alors, il faudrait que je fasse des recherches d'artefacts à ce sujet. Le moindre pas me rappelait à la dure réalité.

Nous arrivâmes dans une petite grotte. Nos vêtements étant plus que trempés, nous nous déshabillâmes. Il n'y avait aucun jeu de séduction à l'heure actuelle. Nous étions frigorifiés. Je me devais de réparer cela. Je commencais par sécher le bois sec puis le feu gagna celui-ci. Ah qu'elle est belle la douce lueur d'un embrasement. Nos vêtements furent installés sur des pics de roche crées par mon partenaire. Nous avions plus qu'à nous reposer un peu. Une fois ma tache terminée, je pus examiner le corps du chevalier. Je ne pus m'empêcher de frissonner. Mon corps le trouvait totalement à son gout.

"Je ne voulais juste pas t'offusquer. Des fois les hommes sont désarmants... Donc je préfère prévenir que subir."

Oh oui, certains me draguaient et une fois qu'ils m'avaient dans leurs chambres, ils se retrouvaient démunis face à mon corps parfait d'une beauté rare... Bon... à cause de l'avalanche, j'étais plus qu'un amas bleuté qu'autre chose mais je gardais mon charme naturel. Je lui souris doucement. Nos vêtements étaient si trempés... Nous avions si froids... Nous dûmes nous résigner à nous offrir à l'état le plus naturel mais le plus déshabillé. Nous rougimes... Cela m'agaça intérieurement. Nous avions passé l'âge quand même! J'acceptais son invitation. Je serais folle d'en faire autre chose. Je mourrais de froid.

"Si c'est un cas de force majeur, je vous demande l'asile cher ami."

Un peu de raillerie ne faisait jamais de mal. Je me glissais à ses côtés sous le manteau. Je me blottis dans ses bras, celui cassé était de l'autre côté ainsi, je ne lui ferais pas de mal en appuyant par mégarde dessus. Je déposai un doux baiser sur son cou, sans arrière pensée et murmurai :

"Je crois que le profond monstre, je le baillonne, avant de le tuer. Hors de question qu'on subisse une autre avalanche de neige ou de roches. C'est bon! Il est hors de question qu'on reste bloqués un mois dans ses montagnes parce qu'on est les jouets de la malchance, tu n'es pas d'accord?"

Parler d'autre chose pour ne pas se rendre compte qu'on apprécie plus que grandement le contact de l'autre, que pour rien au monde, on aimerait être ailleurs. La chaleur commencait à me gagner suffisamment pour me donner l'envie de dormir. D'une voix un peu plus basse, un brin ensommeillée, j'eus une réflexion complètement inattendue :

"En tout cas, je suis déçue. Au bal, tu ne m'as même pas offert une danse."

Si Morgane avait perdu son sac, ils n'y pouvaient pas grand chose. Creuser dans la neige dans leur état n'était pas envisageable. Plus tard éventuellement, si elle voulait absolument le récupérer, sinon jamais si il n'y avait rien d'irremplaçable à l'intérieur. Le chevalier essayait de faire bonne mine, ne pas trop paraitre souffrir. Le moindre mouvement de son bras était un véritable calvaire. En enlevant ses vêtements, il avait constaté premièrement de l'enflure, de la rougeur. Son avant-bras était en feu et il n'y pouvait rien. Pas de sort pour recoller des os, si les chevaliers savaient faire ce genre de choses, ils seraient immortels sur un champ de bataille. Dans ce genre d'instant, il aurait bien aimé connaitre un ou deux de ces tours de passe-passe pour pouvoir se soulager de longues heures douloureuses.

Les deux aventuriers s'étaient installés dans la grotte, se mettant à leur aise comme ils le pouvaient. Le feu semblait offrir des flammes froides, tant la température était basse. La moindre respiration créait de la fumée, ils étaient gelés, épuisés et devait malgré tout tenir le coup. La solution de facilité serait de s'endormir et de ne jamais se réveiller, finir comme le squelette qu'ils avaient trouvé en arrivant. Hors de question. Mourir d'une manière aussi pitoyable, ce n'était pas pour lui. De quoi il aurait l'air devant Integral après? Orpheus se permit un petit trait d'humour en repensant à ce qu'il avait dit lors de leur montée.

"Quoi, tu penses que je suis d'humeur à te passer sur le corps maintenant?"

Le sens premier n'était pas exactement le même que celui-ci mais ils devaient bien rire de quelque chose pour penser à autre chose. Morgane faisait tout aussi peine à voir que lui. En la regardant, il devinait bien quelle beauté elle pouvait avoir, sans avoir fait une chute en montagne. Néanmoins, elle n'en gardait pas moins du charme ce qui avait tôt fait de l'énerver parce qu'il était mal à l'aise. Sans montrer une quelconque envie réelle et faisant passer ça pour une nécessité, il lui ouvrit son manteau pour la recueillir contre lui. Le chevalier frissonna en touchant son corps glacé. Le sien avait commencé à se réchauffer, juste à peine, elle avait l'effet d'un gros glaçon qu'on aurait jeté sur lui. Toutefois, il ne la lâcha pas, la serra d'ailleurs d'avantage contre lui pour essayer de se réchauffer.

"Aussitôt que nos vêtements seront sec et que le jour sera levé, on sortira de là et on trouvera Eternia et ta légende, puis basta. D'ailleurs, je me demande bien où on est tombé.

L'heure n'était plus à la promenade. Ils devaient trouver ce qu'ils cherchaient et qui était peut-être inexistant, puis partir le plus vite possible. L'amusement n'était plus amusant, la chute avait sérieusement mis un coup de froid sur la motivation du chevalier blond. Survie avant tout, le reste pouvait bien attendre comparativement. Et en parlant, il essayait d'oublier le fait qu'il était dans le plus simple des apparats contre la drow, la première fois qu'ils étaient dans une telle situation et qu'ils restaient assez calme pour ne pas succomber aux tentations qu'offraient une telle scène. Heureusement, ils savaient se contrôler et surtout, dans cet état, la fatigue primait d'avantage. Le jeune homme fut surpris par la dernière phrase de Morgane à laquelle il répondait en s'allongeant en l'accompagnant dans le geste en la gardant sa peau contre la sienne, la chaleur qui commençait enfin à se manifester. Au creux de son oreille, il murmura:

"Est-ce que j'ai vraiment une tête de danseur? Tu aurais pris le risque d'avoir les pieds écrasés tout au long de la danse."

Et puis, ils n'en avaient pas eu le temps, les festivités avaient viré au cauchemar assez rapidement. En partant du manoir, il s'était assuré que la femme était bien en vie puis s'était rapidement éclipsé pour ne pas avoir à l'accompagner quelque part. Aujourd'hui, il se retrouvait à lui tenir compagnie pour ne pas mourir de froid. Allongés à côté du feu, ils étaient bien même si le bois finirait par manquer. Et puis doucement, la chaleur les berçait, le sommeil qui planait sur leurs paupières les ferma bien assez vite tandis que la nuit s'écoulait. Au milieu de la nuit, il n'y avait plus que des cendres mais les deux dormaient à poing fermé à croire qu'ensemble, rien ne pouvait vraiment les perturber.

Un grattement réveilla le chevalier à l'aurore. Quelque chose grattait contre la paroi de la grotte. Contrairement au troll, il ne ressentait pas d'hostilité flagrante mais restait tout de même sur ses gardes, juste dans le cas où une mauvaise surprise les attendrait. Réveillant Morgane d'une caresse sur la joue, il se dégageait d'elle pour attraper les vêtements, glacés mais visiblement possible à porter. Ainsi, il se rhabillait rapidement toujours avec le fond dérangeant d'un animal qui était contre la paroi rocheuse qu'il avait créé pour boucher l'entrée. Les vêtements étaient frigorifiant. Le confort du manteau avec Morgane avait été regrettable à quitter. Pas vraiment le courage de parler de cette nuit, ni de l'intimité qu'ils avaient partagé, le chevalier relança immédiatement les hostilités en attrapant son épée.

"Je ne pense pas que ce soit dangereux, mais restons sur nos gardes."

En réalité, ils s'étaient considérablement rapprochés d'Eternia et qui sait, peut-être que ce petit intrus en était un habitant?

J'esquissai un doux sourire à sa remarque. Je ne la relevai pas. Nous étions qu'aux prémices de notre histoire donc il fallait mieux faire attention surtout que l'humeur de mon compagnon était souvent changeante à ce sujet. Je me rapprochai juste un peu de lui et calai mieux ma tête contre son cou pour profiter de sa chaleur.

"Je n'en ai pas la moindre idée. Tu penses qu'au fond de cette grotte, il y a un passage?"

Le feu ne l'éclairait pas complètement, une zone d'ombres était donc présente sur notre gauche. Peut-être y avait-il un passage pour passer dans les montagnes sans à avoir à subir de nouveau le froid de l'extérieur. J'espérais juste en tout cas qu'il ne neige pas durant notre pause... Sinon... s'il n'y avait ni passage... et ni possibilité de sortir de notre trou sans creuser... nous risquions d'avoir de sacrés ennuis.

"Eternia est censée se trouver tout en haut des sommets. Notre chute a été vertigineuse. Mais comme tout endroit, il y a forcément plusieurs entrées. Donc je suis certaine qu'on arrivera à la trouver et récupérer le fameux artefact."

Qui le garderait? Pour l'instant, nous l'avions pas décidé. Nous avions encore le temps à ce sujet. Pour le moment, nos besoins étaient bien plus primaires. Nos corps tremblaient de froids et de douleurs mais les minutes passant et le manteau du jeune homme aidant ainsi que le feu de bois improvisé, ceci s'améliorait et me donnais une furieuse envie de dormir. Nous nous allongeâmes toujours serrés l'un contre l'autre. Pour éviter ceci, je fis une remarque qui sembla sortir de nulle part. J'avais songé au bal tout en regardant les flammes, je le ramenais donc dans la conversation. J'éclatais de rire joyeusement à ses dires :

"Je suis sûre que tu dis uniquement cela pour que j'oublie cette envie. Tu es agile donc tu danses très bien."

Je déposai un bisou dans son cou. Possible qu'il dansait mal... je m'en moquais... L'instant aurait quand même été agréable parce que nous aurions été ensemble et nous séparés. La fin du bal, je l'avais passé avec ma consoeur et une druide avant d'avoir été catapultée comme tous les convives intéressants à un repas des plus désagréables. Mon corps frissonna à ce sujet, ma langue n'avait pas encore oublié la saveur ingurgitée de force.

Peu à peu, nos voix se furent de plus en plus absentes et faibles, nos respirations, elles, se retrouvaient très calmes. Nous étions tellement bien l'un contre l'autre que nous nous endormîmes alors que nous étions dans un terrain qui avait voulu notre mort. La nuit fut courte mais agréable. Je n'avais plus froid et moins mal lorsque j'ouvris les paupières. Le feu s'était éteint mais nos vêtements étaient secs. Je tendis l'oreille. Quelque chose m'avait réveillée. Orpheus était déjà entrain de se rhabiller. Etait-ce du à son absence que je m'étais éveillée? C'était en partie vraie.

"C'est quoi à ton avis?"

Je faisais référence au bruit alors que moi aussi, je me mettais en charge de récupérer mes vêtements. Leurs contacts n'étaient pas des plus agréables, ni chauds mais nous devions faire vite et reprendre l'aventure. Je m'armais de ma dague et nous enlevâmes notre barrière protectrice pour voir à qui on avait à faire. Et nous tombâmes nez à nez.... avec une... marmotte. Je tendis la main pour la caresser mais celle-ci s'enfuit rapidement. Le soleil se levait à peine. De la neige était tombée cachant en partie la route principale. J'observais les lieux et je pus voir nettement une grotte sur notre gauche... un trou plus haut débouchait non loin du sommet.

"Je pense qu'il faut qu'on aille par là. A l'intérieur, nous risquons d'avoir de la compagnie mais si c'est comme cette marmotte, cela devrait aller.

On risquait surtout de croiser des ours... mais mieux fallait ne pas y penser. Je passais une main rapide dans mes cheveux blancs pour remettre tout en place et je commencais à me mettre en route, ma cheville me ralentirait mais je ne comptais pas trop le montrer à mon compagnon. Eternia avait été une source chaude avant que le volcan soit rayé de la carte. Je me demandais si nous allions trouver de l'eau ou non sur notre route.

Orpheus n'était pas facile à vivre, il était conscient de cet aspect de lui. En même temps, il se fichait bien de se savoir abordable ou pas, il n'allait pas rectifier sa conduite pour que les gens l'apprécient d'avantage. Ceux qui réussissaient à le supporter grand bien leur fasse, les autres pouvaient bien passer leur chemin cela lui ferait ni chaud ni froid. L'arrivée d'un mage noir dans sa vie n'était par contre pas prévu ce qui n'empêche qu'il persistait à rester fidèle à lui-même et qu'elle ne semblait pas en être dérangée.

"Qui sait, peut-être que ce qu'on cherche est juste au bout de cette grotte? Si seulement ça pouvait être aussi facile."

Ce qu'elle lui apprit par la suite ne l'inspirait pas d'avantage. Si Eternia était dans les sommets, ils étaient bien mal partis pour y arriver. Perte de temps idiote à cause d'un troll sur lequel il n'y avait même pas de possibilité de vengeance parce qu'il était mort dans sa chute cet idiot! Si ils mourraient à cause d'une telle erreur, il se débrouillerait pour trouver l'esprit du troll et de lui faire une tête au carré histoire de l'arranger un peu et de lui faire regretter pour l'éternité de s'être frotté à l'éclair sauvage. Ce surnom, il ne savait même plus depuis quand il l'avait. Un jour il avait accouru rapidement, il s'était battu comme une brute et puis peu à peu, l'appellation était restée. Cette fâcheuse tendance à mettre des surnoms à tout et n'importe quoi était bien propre aux humains.

La femme nue qu'il avait contre lui ne trouva rien de mieux que de lui reparler du bal. Ah, ce bal. Personne n'avait eu le temps de danser. Ils étaient entrés, ils avaient à peine posé les mains sur la nourriture qu'Emeridienne était venue les accueillir. Elle qui se croyait bien maline, elle devait moins rigoler là où elle était aujourd'hui. Le chevalier détourna nerveusement le regard lorsque la belle drow se mit à rire.

"Quel rapport? Je ne sais pas danser et ce ne sont pas mes pouvoirs qui m'y aideront. Demande-moi ce que tu veux d'autre mais surement pas ça."

Diable, pourquoi des lèvres posées sur son cou déclencheraient autant de douces sensations? Le confort d'avoir une femme contre soi n'avait pas de prix et il ne l'avait que trop peu recherché pour le moment. Néanmoins, le chevalier savait qu'il ne fallait pas trop en devenir friand, il ne se risquerait pas à devenir dépendant de quoique ce soit, pour son propre bien. Et malgré des pensées contrastées, il demeurait parfaitement à l'aise avec la femme. Ses jambes étaient un peu froides car non couvertes, le manteau n'était pas immense à ce point là alors il les emmêlait un peu avec les siens. Le sommeil tomba sur les deux jeunes gens pour leur accorder le repos tant mérité, pourtant de courte durée car à peine avait-il les yeux fermés qu'il avait l'impression d'avoir déjà besoin de les ouvrir au matin.

Combien d'heures s'étaient écoulées? Ils étaient encore en vie, c'était un fait. Le souffle de Morgane était tranquille. En se levant, il lui avait brièvement jeté un coup d'oeil, magnifique dans le plus simple de ses apparats. Toutefois, le bruit le dérangeait d'avantage et il attendait que Morgane soit rhabillée pour passer à l'action.

"Une… marmotte bien sûr…"

Ironique que ce soit une marmotte qui vienne les réveiller alors qu'il existait l'expression "dormir comme une marmotte". Bref, cela signifiait peut-être qu'ils étaient pires que ces bestioles niveau paresse? La tension retomba d'un coup et il rangea son arme en entreprenant de vérifier si rien n'avait été oublié dans la caverne. Sa chemise était déchirée à plusieurs endroits parce qu'il s'en était servi pour s'essuyer et également pour se faire un bandeau pour son bras. L'extérieur était blanc, déjà éblouissant à cause du soleil levant, un véritable contraste avec l'obscurité dans laquelle ils étaient restés plusieurs heures. Une brève observation leur permettait de constater qu'il y avait une grotte qui pourrait éventuellement les mener au sommet. Rien ne disait avec certitude que les deux ouvertures étaient liées, mais ils n'avaient pas tellement le choix.

"Si seulement on pouvait n'avoir que des marmottes… C'est un doux rêve irréaliste."

Sans d'avantage de concertation, ils se mettaient en route. Les jambes du chevalier étaient en train de se révolter, un peu engourdies par le froid. Les vêtements semblaient contribuer au refroidissement de son organisme. Il regardait Morgane qui marchait devant lui et faisait la brave dans la neige. Il repensait à ce qu'il avait dit la veille. Une jupe pour aller en montagne, elle devait être gelée. Lui vint également à l'esprit ce qu'elle lui avait dit en se relevant. Sa cheville ne s'était surement pas rétablie en une nuit et forcer dessus pour faire paraitre de rien n'allait pas l'arranger. Contre les protestations de son corps, Orpheus pressa le pas pour se mettre à sa hauteur et lui présenta son bras. A chaque fois qu'il était un peu galant ou "gentil", le chevalier ne se sentait pas à l'aise, alors il faisait semblant de s'en contreficher avec un ton bourru.

"Je t'ai déjà dit au théâtre que je ne veux pas être tenu responsable pour l'état de la femme qui m'accompagne. Alors si cette dernière ne peut marcher plus que d'un pied au terme du voyage, je déclinerai toute responsabilité."

Ses yeux se tournaient malgré tout vers Morgane. Il était agacé qu'elle essaie de se donner du mal pour on ne sait quelle raison et intérieurement, il voulait un tout petit peu prendre soin d'elle, juste un tout petite peu. Entre un bras cassé et une cheville foulée, ils allaient beaucoup rire, surtout lorsqu'on voyait l'étendue de la grotte. Cette dernière risquait de s'étendre sur des kilomètres, de grimper encore et encore. L'avantage, et c'était tout à son honneur, était que de nombreuses ouvertures laissaient passer de la lumière dans l'endroit. Ils n'avaient pas à marcher à tatou dans un terrain glissant et dangereux.

"Si je me souviens bien, Eternia est un espèce de labyrinthe de tunnels dans la montagne n'est-ce pas? Un réseau qui s'étale à l'intérieur des montagnes interdites.Ca va être la galère pour trouver notre chemin à l'intérieur."

Déjà qu'ils ne savaient même pas où ils se trouvaient exactement géographiquement alors la suite allait être bien amusante. Marcher pour marcher, avancer sans être certain de la destination, ils le faisaient déjà depuis combien de temps, une heure? Deux heures? Ils remontaient ce qu'ils avaient tombé la veille et peut-être que sans le savoir ils avaient dépassé la hauteur précédente? Pas de repère clair sur l'extérieur qui n'était qu'une étendue neigeuse indissociable. Ce qui était certain, c'est qu'ils montaient, point barre. Le vent qui filtrait par des trous étaient inquiétants, glaciales. Le rythme de marche finissait par ne plus être aussi vif qu'au départ. C'est alors que plus loin devant eux, alors que le passage s'élargissait grandement, Orpheus remarqua la marmotte qui les avait réveillé. A moins que ce ne soit une autre marmotte qui sait? Cette dernière semblait les observer, les attendre.

"Cette bestiole cache quelque chose. Peut-être que le froid me rend paranoïaque mais quelque chose me dit qu'elle n'est pas en train d'attendre juste pour son bon plaisir."

En avançant, la marmotte s'éleva brusquement dans les airs, obligeant les deux aventuriers à s'arrêter. Cela puait le piège. Une créature massive apparue soudain devant leurs yeux, là où il n'y avait pourtant rien une seconde auparavant. Un camouflage naturel? La bête à quatre pattes et aux crocs dépassant de sa bouche ouverte avait une longue antenne sur la tête, au bout de laquelle, une marmotte était pendue, inerte.

"Bien sûr! J'aurai dû m'en douter, ce n'était qu'un leurre depuis le début!"

Maintenant, se trouver dans un grand couloir avec une créature quadrupède qui allait vouloir poser les dents sur eux n'allait pas être une partie de plaisir avec les deux grands blessés qu'ils étaient.

"Couvre-moi, tu ne peux pas te déplacer facilement avec ta jambe."

Et lui n'avait pas le même équilibre avec un seul bras. Mais quoi, avaient-ils le choix? La bête faisait des bonds en avant, les griffes sorties prête à en découdre rapidement.

"Voilà une proposition qui n'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Je note."

Je souris doucement. Je pouvais lui demander ce que je voulais. Voilà qui était émoustillant à souhait. J'avais bien une liste de désirs à lui quérir mais j'attendrais qu'on ait récupérer l'objet à Eternia. Il fallait savoir attendre par moment. En tout cas, j'eus un sourire mystérieux. J'espérais bien qu'il se pose quelques questions. Et lui que voulait-il de moi? Je comptais bien le découvrir en même temps. Au vu de notre bonne entente, j'étais certaine qu'on arriverait à trouver un bon compromis.

Le sommeil nous gagna rapidement. La nuit fut malheureusement courte. Nous avions un visiteur... aux bruits, nous pouvions présager qu'il était d'origine animale. Quelque part, j'en fus rassurée. En règle général, la plupart des bestiaux vivant en montagnes étaient inoffensifs voire très peureux. Donc nous risquions avec un peu de chance ne pas avoir d'ennuis... Cela changerait. Je m'habillai rapidement et nous partons à la recherche de notre opportuniste. Une marmotte était l'odieuse responsable de notre réveil matinal. Je fus touchée par sa beauté et j'étais contente de ne pas devoir la tuer. Elle s'enfuit lorsque j'essayai de l'apprivoiser.

"Tu aurais préféré un ours?"

Je lui souris doucement. Etait-il déçu? Aimait-il tant se battre? J'aimais donner la mort mais avec notre dernière mésaventure, je préférais économiser mes forces. Je rangeai mon arme et attendis mon chevalier préféré en lui suivant du regard. J'aimais l'observer. Mon coeur prenait toujours un rythme cardiaque plus soutenu... plus ému quand j'agissais ainsi. Une fois fini, nous décidâmes de la suite à tenir et c'était parti pour un peu d'escalade et de crapahutage dans une caverne inconnue. Rien de bien sorcier pour deux aventuriers comme nous.

"Trop de facilité tuerait l'enjeu de l'objet. On en serait frustré je pense. Avoues que tu aimes taquiner la mort, sinon, tu ne serais pas avec moi."

Je faisais référence à mon appartenance peu catholique et au fait que lui était censé défendre l'orphelin alors que moi, je préférais le torturer. Je lui fis un clin d'oeil légèrement taquin et je me mis en route. Je faisais mine que tout allait bien alors que mon corps hurlait que je me repose. Ma cheville était évidemment que partiellement remise. J'avais froid mais j'avais un caractère d'acier. Je savais cacher mes faiblesses, j'étais une Steel après tout mais mon partenaire en décida autrement. Il me rejoint rapidement et joua les princes idylliques. J'éclatais de rire à ses dires et murmurai :

"Promis, je ne porterais pas plainte contre toi si je reçois des bleus."

Je lui souris doucement et m'appuyai contre son bras. Je n'étais pas contre son aide mais je ne comptais pas le remercier à outrance, mon sourire était suffisant pour cela. J'hochai la tête à ses dires :

"Oui. Par chance, la source a disparu. Nous risquons pas de nous noyer. On pourra juste se perdre."

Je faisais confiance à mon étoile et aussi à notre taux de réussite. Mais il est vrai que pour le moment, les choses semblaient bien sinistres pour nous. Nous avancions à bon rythme, frissonnant à cause du vent présent par intermittence. Pour le moment, mon corps ne me faisait pas faux bond. Nous ralentimes peu à peu et nous tombâmes sur une... marmotte...

"Tu la crois aussi intelligente que cela?"

J'étais tout aussi intriguée mais je préférais prendre les choses à la légère mais je perdis rapidement ma bonne humeur lorsque je vis notre véritable hôte. La créature était assez sordide... la présence du cadavre au niveau de sa gueule me mettait mal à l'aise... Je n'avais pas envie de finir comme elle.

"Tu sais ce que c'est? Evites de te faire tuer."

J'invoquais et un zombie se plaça entre le jeune homme et notre ennemi. Je serais là pour le courir assurément à l'aide de ma magie noire. Je fis apparaitre des pics de roche sous la bête. Celle-ci poussa un hurlement qui fit trembler la grotte où nous étions. Nous reçûmes quelques petits cailloux mais rien de bien méchant. Du sang macula le sol. La créature n'avait pas été blessée gravement mais voir qu'elle n'était pas invincible me rassura.

"Bayonnes moi le!"

Mon zombie recevait déjà des coups mais il mordait à chaque fois la patte qui osait l'offenser. Orpheus devrait en profiter.

Lui et sa grande gueule. Quelques fois, il se disait qu'il ferait mieux de se taire plutôt que de faire des propositions aussi ouvertes. Morgane n'hésitait jamais une seconde et attacherait surement une grande importance à ce qu'il tienne parole. De toute façon, si ils s'en sortaient, il se fichait bien de ce qu'elle lui demanderait. La nuit avait été courte et le matin arrivait bien plus vite qu'espéré. Lui qui s'imaginait pouvoir se reposer d'avantage, il avait fallu qu'une marmotte vienne les déranger dans leur confort. Certes, une grotte n'était pas le meilleur endroit pour passer soudain une première nuit ensemble, on pouvait rêver mieux comme décor. Pourtant, il ne s'était pas senti en manque de quoique ce soit. La chaleur d'une femme, c'était de ça que les gens parlaient si souvent…

Reprenant rapidement du poil de la bête, Orpheus se remettait en marche. Sans sa mauvaise humeur, il ne pourrait pas tenir le coup et craquerait à la moindre occasion. Son sale caractère lui permettait d'extérioriser à n'importe quel moment, ainsi, il n'accumulait rien et laisser tout éclater tout de suite. Le seul inconvénient étant que tout ou presque tout semblait l'agacer alors il avait tendance à rouspéter sans arrêt. Rouspéter contre la marmotte, rouspéter contre Morgane qui essayait de faire la brave devant lui alors qu'il se fichait bien qu'elle soit capable de tenir debout seule ou non. Il n'avait besoin que d'une femme normale avec lui, bien que cette dernière ne l'était pas vraiment. Pas de chichi, pas de retenue simplement parce qu'il y avait eu baiser. Quoi, le comportement n'allait quand même pas changé en un clin d'oeil!

"Elle me court après depuis bien plus longtemps que les femmes le font."

Avec la femme enfin à son bras, ils entamaient leur exploration de l'intérieur de la montagne enneigée. Il fallait croire qu'ils étaient destinés à marcher au hasard des chemins dans l'espoir de voir si une légende était réelle ou non. Et si ils ne la trouvaient pas, cela ne signifierait pas qu'elle était inexistante, peut-être juste qu'ils avaient cherché au mauvais endroit! Tout était si aléatoire que le chevalier allait de nouveau s'emporter si il n'y avait la main de Morgane qui lui rappelait qu'il était accompagné. Réfréner sa colère pour ne pas faire subir ce genre de scène sans arrêt à la femme.

"Au pire si tu portes plainte, je te fais glisser derrière les barreaux du château en disant que j'ai capturé une jolie Steel, ça devrait retirer toutes les fautes qui pèsent sur moi non?"

Elle serait un magnifique trophée. Hélas, il ne pouvait pas lui faire ça, par respect pour elle et pour le peu de respect qu'il avait pour les liens qui les unissaient dans le passé et les nouveaux liens qui semblaient s'être tissés depuis peu. Leurs pérégrinations dans les grottes de la montagne furent interrompues pas une créature fort habile. Une créature qui dans cet environnement, avait développé une technique bien précise pour attirer ses proies sans qu'elle ne s'attende à ça. Utiliser une marmotte comme appât et les faire venir à elle, la garde baissée. Heureusement qu'Orpheus avait flairé le piège. Quelque chose ne tournait pas rond et il en avait eu la certitude une seconde après. Cela faisait trop longtemps qu'ils avaient marché sans rien rencontrer comme obstacle, ça lui avait manqué…

"Je sais que ça va être bientôt un cadavre."

En gros non, cette espèce lui était totalement inconnue, ainsi que ses capacités, ce qui pourrait s'avérer particulièrement dangereux. La femme attaqua immédiatement par l'invocation de son pote mort ainsi que d'un pic de terre qui avait déjà blessé la créature. Un peu de sang, pas de quoi la blesser mortellement hélas. Ses rugissements inquiétaient le chevalier. La dernière fois qu'ils avaient eu des rugissements, la montagne leur était tombée dessus. Alors dans un tunnel, qu'est-ce qui pourrait leur tomber dessus? Les cailloux ne le rassuraient pas mais il avait l'épée à la main. Dans cette situation, il était plus sûr que jamais. Dans le feu du combat, son âme brulait d'un brasier ardent, il se sentait réellement vivre quand il pouvait sortir son arme.

Le guerrier observa les réactions de la chose contre le zombie pour essayer de déceler une ouverture. Les morsures du cadavre ambulant avaient pour effet d'énerver la bête plus que de lui faire vraiment du mal. A son tour, il arriva sur le côté, l'épée clairement levée. D'un coup de patte cependant, le jeune homme fut balayé de côté en poussant un petit grognement étouffé touché au même bras déjà cassé. La bête tourna sa gueule vers lui et son hurlement atteignait le chevalier qui semblait s'enfoncer dans le mur sous les effets des puissants ultrasons.

"Ah, cette haleine… et puis ferme ta grande gueule!"

Enfoncer son épée sous la tête penchée sur lui avait été un bon choix. La lame entrait par dessous et dépassait à l'intérieur de sa bouche en faisant une ouverture dans sa langue avant que le chevalier ne roule de côté en laissant un sillon sanglant sur son passage, sang de la bête coulant de son épée ou bien le sien, aucune idée. Sans perdre de temps, le chevalier retourna sur Morgane et lui attrapa la main. Ce n'était pas le moment pour la tendresse mais il avait bien une autre idée en tête d'après le regard qu'il lui lançait.

"Tu as bien le pouvoir de contrôler la terre tout comme moi alors si nous combinons ce pouvoir pour le transpercer par des dizaines de pics, je pense qu'il finira par se taire. Par contre, il faudra que ton zombie tienne le coup."

Le temps qu'ils se synchronisent. Le chevalier avait entendu parler des magies combinées de la sorte dont l'effet était amplifié en puissance. Ce qui n'empêche que le temps de préparation était plus long ce qui les rendait vulnérable. Pourtant, il avait confiance, il savait qu'ils pouvaient y arriver tandis qu'un nouveau cri sonique allait dans leur direction en les faisant reculer centimètre par centimètre. Le pied en arrière pour freiner la poussée, Orpheus serrait la main de la femme dont il soutenait le corps par derrière. Ses lèvres au niveau de son oreille il lui murmurait:

"Au fait, je n'ai qu'une parole alors est-ce que tu as trouvé, ce que tu allais me demander autre qu'une danse?"

Même en combat, même en situation critique, le chevalier réussissait à rester détendu. Ce serait quitte ou double. Si la bête le sautait dessus, ils allaient avoir du mal à se défendre contre ses crocs. Par contre, si elle n'agissait pas vite, ils allaient la transpercer. L'énergie terrestre commençait déjà à se rassembler, le peu de terre qu'ils trouvaient dans les éléments des alentours. La course commençait.

"Ah bon? Ne me dis pas qu'on a essayé de te tuer à la naissance?"

Ce qui avait été le cas pour moi. Aurions-nous un point commun à ce sujet? Ce n'est ni ma mère, ni mon père qui avait agi de la sorte mais bien leurs ennemis. Quoi de mieux que de tuer l'enfant d'un couple pour le briser? C'est ce que c'était dit un aigrefin jaloux de Kessler. Mais il était tombé sur un os... enfin, sur Garvera, ma grand mère qui m'avait en garde alors que mes parents étaient en mission. Ma consoeur l'avait torturé pendant plusieurs heures, elle avait pris un plaisir monstre... D'ailleurs, dès mes trois ans, elle m'a appris à agir ainsi... bon, pas aussi barbare qu'elle mais savoir faire mal alors qu'on vous juge inoffensive car vous êtes une gosse peut s'avérer très dangereux pour vos adversaires. Ma mère avait été aussi élevée de cette manière. Il fallait perpétrer la tradition Steel. Je me demandais si je le ferais avec ma progéniture... si un jour.. j'en avais bien sûr ce qui n'était pas dans mes projets pour le moment.

"Je dirais que tu te trompes. Mon patronyme est Evans je te signale, c'est bien pour une bonne raison. Bon, il est vrai que ma réputation... risque de me poser problème... Donc oui, il faut mieux qu'on ne porte pas plainte ni l'un ni l'autre."

Je lui souris doucement tout en avancant. Entrer dans un théatre sans autorisation était bien un faible crime comparé à tout ce que j'avais fait. La décence me faisait taire tous mes actes mais Orpheus risquerait en effet de sauver sa peau pendant plusieurs centaines d'années juste en se vantant de m'avoir enfermée. Je lui lancais un coup d'oeil complice.

Notre aventure quitta son calme pour reprendre un peu de piquant sous la forme d'une créature quelque peu étrange. Je ne savais pas de quelle nature elle était mais en tout cas, elle m'agaça. Nous étions si bien, elle venait de tout gacher! Donc nous devions la tuer! Bon, il est vrai que nous n'étions pas en balade romantique mais en quête d'un artefact... Je l'avais oublié pendant quelques secondes... J'invoquais un zombie pour participer à la fête. Je frémis lorsque Orpheus se prit un premier coup. Il devait faire attention! Je ne pourrais pas bien travailler s'il se faisait ratatiner!

"Oui, tout à fait."

Main dans la main, je me sentais ivre de pouvoir mais surtout j'avais l'impression d'être complète. L'absence de son contact me faisait ressentir un manque que je détestais particulièrement. Mon zombie était résistant... pas éternel malheureusement comme venait de le prouver la perte de deux cotes suite à un coup. Mais je ne m'inquiétais pas pour lui. Je devais me libérer l'esprit pour relier mon pouvoir à celui du chevalier. Je fermais les yeux pour cela. Je souris à sa remarque et murmurai :

"Que dis-tu d'un massage?"

Un peu de sensualité ne serait pas de refus, nos corps endoloris apprécieraient ce moment de tendresse après la chute et le froid qu'ils avaient subi. La terre tremblait de plus en plus sous nos pieds. Mon zombie venait de perdre un bras mais il était toujours là. Un troisième cri eut lieu. Je lui envoyai une boule de feu pour le faire taire. Une odeur désagréable plana mais ce n'était pas grave. Reculer me déconcentrait donc il fallait le faire taire. Au bout de huit minutes, nous fumes en symbiose. Je le sentais complètement. Nos auras se mélangeaient. J'étais celle qui maitrisait le mieux la magie, je fus donc la dominante.

"Nous y sommes presque."

Mon zombie perdit la jambe droite. Le coup suivant, le fit tomber. J'ouvris les yeux et hurlai :

"Maintenant!"

Alors que le monstre allait pousser un nouveau cri, un déluge de terre vint le frapper en dessous mais aussi au dessus, j'avais fait apparaitre des stalactites pour qu'il soit pris en sandwish. Un chaos monstrueux eut lieu. La poussière prit possession de l'endroit. Avait-on réussi? En tout cas, mon cadavre était revenu à l'état précédent... Je ne le ressentais plus... Bon signe ou mauvais signe?

"Non, pas à ce point là. J'ai commencé très tôt à manier l'épée alors je me suis fait des ennemis qui m'ont incités à toujours dormir d'un oeil."

Là c'était pour faire le malin. En règle générale, lorsqu'il dormait, c'était les deux yeux fermés, les membres étalés sans le moindre souci de sécurité. Il avait toujours était un beau parleur et un menteur fieffé. Ce chevalier-ci n'était pas aussi droit qu'on pourrait se l'imaginer. La preuve, il tuait assez facilement, il éprouvait de la satisfaction à la souffrance, mais conservait une partie bonne en lui qui lui permettait d'éprouver de la pitié. Et puis, il était bien en train de trainer avec un mage noir, personne qu'il serait chargé de tuer en temps normal. Morgane Evans s'avérait bien plus attirante que prévu alors il allait mettre de côté ce qu'il était censé faire, pour le moment. Bien entendu, il n'en parlait pas à la femme. A quoi bon lui dire qu'il pourrait à tout instant tourner son arme sur elle simplement parce qu'il s'était décidé à faire bien son travail pour une fois?

"Qu'importe. Si ça m'amuse, je pourrais peut-être te garder comme prisonnière auprès de moi?"

Avait-elle confiance en lui? Devrait-il être digne de cette confiance? Ah, qu'est-ce qu'il en savait et qu'est-ce qu'il s'en fichait au fond? Orpheus n'était pas du genre à se prendre la tête pour des questions existentielles de la sorte. Si quelque chose arrive, il aurait lieu et il aviserait ce moment venu car pour le moment, il avait un autre problème sur les bras. Une créature vivant dans les montagnes, une créature bouchant le couloir glacial qui leur servait de chemin, les invitant donc à se débarrasser d'elle pour passer, ou bien de mourir et disparaitre à jamais. Tiens, ils pourraient peut-être devenir une légende? La légende des amants de glace? Quoique, si elle les mangeait, il n'y aurait plus de trace d'eux et donc pas de légende possible…

Fièrement, Orpheus était donc l'arme à la main en train d'utiliser le zombie comme chair à canon, comme d'habitude. Par contre, il n'avait pas prévu la brutalité de la créature qui le prit de court. Déjà mal en point, le blond chevalier réussit quand même à blesser la bête folle enragée. Même si son corps désirait se reposer à tout jamais, il se relava malgré tout pour rejoindre Morgane et lui proposer son plan. Les magies combinées étaient destructrices mais prenaient plus de temps à être incantées. Le zombie devrait tenir le temps qu'ils fassent le boulot, assez de temps espérons-le, car sans défense, ils étaient susceptibles de ressembler à rien une fois qu'elle leur serait passée sur le corps. Pour détendre l'atmosphère, le jeune homme reprenait une conversation qui n'avait pas été terminée et sourit à la demande de la femme. Sa main gauche se posa sur sa hanche tandis que sa main droite raffermissait le contact de ses doigts sur la sienne, ils étaient prêts.

Son énergie magique s'échappait de son corps, elle se fondait à celle de Morgane. L'expérience était déroutante mais il tenait bon et s'habituait peu à peu à cette nouvelle sensation, mettant de côté l'état du cadavre qui tenait bon malgré sa faible constitution. Il était étonnant qu'il puisse tenir aussi longtemps avec cette chair en émiettée. Les cris de la créature étaient effroyables et d'une puissance destructrice. A deux, ils tenaient ne vacillaient pas mais étaient forcés de reculer au fur et à mesure. Au moment où son esprit était à la même longueur d'onde que celui de Morgane, un état encore plus intime que l'intimité physique qu'un homme et une femme pouvaient partager, il se laissa guider et ouvrit les yeux en relâchant toute l'énergie canalisée. La terre écrasa le monstre, le transperça avec violence de toute part, détruisant les parties cuirassées naturelles de son épiderme, trouant simplement son corps en laissant un nuage de poussière se dégager. Orpheus leva le bras pour se protéger de la projection, respirant dans son manteau pour ne pas s'asphyxier.

Le calme était retombé sur le chemin et la terre sous forme solide de pointes retombait en poussière ce qui accentuait d'avantage encore le nuage. Persuadé qu'ils avaient affaire à un cadavre maintenant, le chevalier lâcha la femme pour avancer lentement et tâter de la chose de la pointe de son arme. Définitivement mort.

"Il faut croire qu'il n'y a pas survécu. Pauvre chose."

Ca n'avait pas été facile. Au départ, il avait failli y passer. Finalement, accompagner Morgane avait été la meilleure décision qui soit. Elle n'aurait pas pu tenir seule face à ça et lui non plus. L'union fait la force, surtout lorsque les deux personnes s'entendent bien. Retournant prendre la main de la femme, il passa l'épais nuage de poussière pour retrouver un air respirable beaucoup plus loin. Il y avait une sortie, un passage vers l'extérieur avec un soleil éblouissant. Sans le savoir, ils étaient montés sacrément haut.

"En y réfléchissant bien, ce tunnel, on était peut-être déjà à Eternia sans le savoir?"

Il n'avait plus besoins de jeter un oeil derrière lui, ils étaient sur la bonne voie, il en était persuadé. Au fond de lui, il se retenait encore de crier victoire, d'embrasser la femme alors qu'ils étaient en altitude face à un panorama à couper le souffle. Devant eux, il y avait une petite descente sur les fesses à faire, un autre tunnel plus bas. Définitivement, ils se rapprochaient de leur but.

"Si on en ressort vivant, tu auras bien mérité à ton massage."

Pouvoir sourire dans ce genre de circonstance alors qu'on est à moitié cassé en deux, pouvoir plaisanter en soutenant une femme, ce n'était vraiment pas désagréable au fond. Leur coopération précédente avait prouvé qu'ils étaient capables de grandes choses si ils se donnaient mutuellement un coup de main.

"Prisonnière?"

J'émis un rire cristallin. Je m'approchai un peu de lui et lui caressai la joue. Je plongeais mon regard dans le sien et la tentatrice que je suis murmura :

"Qui te dit que je ne serais pas consentante?"

Sado-maso? Non. Mais rester avec lui pour une durée indéterminée me plaisait grandement je me dois de l'avouer. Bon, ma famille doit surement remuer les enfers de désolation car s'afficher avec un chevalier n'était pas de la plus grande classe royale mais Halloween avait bien eu son aïeul comme meilleur ami, elle comprendrait donc ce que je pouvais ressentir pour lui... Quant à ma grand-mère... personne ne sera assez parfait pour partager ma couche... Elzear l'avait rendu aigri envers les hommes...

Mais nous dumes revenir à la réalité et affronter la créature qui nous faisait face... Celle-ci était coriace par conséquent, nous devions nous associer. Arriverons-nous à nous mettre en symbiose? J'en étais persuadée, notre complicité nous aiderait... et puis... nous n'avions pas vraiment le choix au vu de la force et du poids de la bête. Mon zombie nous servait de bouclier. Plusieurs longues minutes furent nécessaires ainsi qu'une grande concentration et niveau d'énergie mais nous y parvinmes avec brio. J'eus un sourire de fierté malgré moi.

Une poussière suffocante prit place dans le tunnel me faisant toussoter mais lorsque celle-ci commenca à disparaitre nous pûmes apercevoir le cadavre de notre ennemi... On avait pas fait les choses à moitié, j'émis un sifflement approbateur. Il fallait vraiment pas nous chercher des ennuis lorsque nous étions ensemble... Un couple parfait... Je rougis à cette idée. Orpheus me confirma son état.

"Contre nous, il ne pouvait rien faire. Nous sommes trop immortels."

J'eus un sourire quelque peu taquin, nos corps en disaient tout autres mais mon coeur était gonflé de fierté par la réussite que nous venions d'obtenir. J'en étais presque grisée. Nous reprimes notre route et nous pûmes respirer de l'air bien plus frais, mes poumons en furent gré. La panique me gagna... et s'il avait raison?

"Tu crois?"

Je ne reconnaissais pas du tout le paysage qui s'étendait devant moi... L'escalade avait été plus longue que je l'avais présagé... Revenir en arrière était impossible et ne servirait à rien... ils n'avaient vu aucun passage... Nous devions poursuivre.

"Merci mon seigneur et si tu es sage, tu auras peut-être autre chose."

J'esquissai un sourire sensuel alors que mes yeux pétillaient et je m'approchai de la descente... Avait-il jouer à ce jeu quand il était petit? Je m'assis et me laissais glisser tout simplement. Une fois en bas, je l'interpellai :

"Grouilles avant que je me transforme en madame bonhomme de neige."

Mais subitement un grondement se fit entendre... sortant du tunnel qui était dans mon dos, quelque chose venait de frapper le sol... et au vu bras fait de roches... il s'agissait d'un simple golem de glace mais avec mon imprudence, il avait failli m'écrabouiller.... pas de doute, Eternia était près de nous... Après tout, c'est bien ce genre de créatures que j'avais affronté là bas avec Marika, non?

Cette femme était folle à lier. Comment pouvait-on être aussi enthousiaste à l'idée d'être fait prisonnier? Ce regard envoutant qu'elle lui jetait ne l'ébranla qu'à peine, ou du moins, il ne laissa presque rien paraitre à part un mince sourire ce qui était toujours une victoire obtenue auprès d'Orpheus. Le chevalier ne changerait pas excessivement son attitude simplement parce qu'ils s'étaient embrassés, qu'il y avait une petite attirance entre eux. Rappelons-le bien, lors de leur première rencontre elle lui avait fait quasiment ni chaud ni froid ce qui avait d'ailleurs eu le don d'agacer la femme habituée à d'avantage de reconnaissance auprès de la gente masculine.

"Tu ne sais pas ce dont je suis capable."

Orpheus n'était pas droit. Il avait du sang sur les mains, un esprit bien plus vilain que celui d'un chevalier normal, bien plus pervers et sadique. Un esprit trompeur également mais pour l'instant, il n'y avait aucune raison de la berner. Toute attache qu'ils avaient n'était qu'éphémère. A tout instant si jamais cela en venait à choisir entre sa propre vie et celle de Morgane, excusez de l'audace mais le choix était vite fait et ce serait bien un mâle qui en sortirait. Bien entendu, avant d'en arriver à ces extrémités, on se débrouille pour que ni l'un ni l'autre n'ait à disparaitre, on s'arrange pour se battre tant qu'on en a encore la force, malgré le bras cassé et le dos en morceau.

La créature n'avait pas été clémente. En retour, elle avait trouvé la mort, douce fin pour cette chose qui aurait mérité bien plus pour l'avoir touché. Le chevalier était un rancunier fini et ne pouvoir se venger d'un mort avait le don de l'agacer. Sa manière de pensée était la suivante: même mort il trouverait le moyen de nuire à la personne à qui il en voudrait. Maintenant, aller jusqu'à le qualifier d'immortel, c'était peut-être trop. Morgane souriait beaucoup. Il faut croire que lui beaucoup plus qu'au départ. La drow avait trop d'effet sur lui, il finirait par l'en détester pour ça.

"De toute les façons, ce n'est qu'en avançant qu'on en aura le coeur net."

Rester pragmatique et ne pas s'inquiéter de "ce qui aurait pu" mais de "ce qui va" se passer plus loin. La femme fit une petite allusion avec des yeux brillants d'une lueur qui ressemblait grandement à une invitation. Elle le devança ensuite pour descendre et eut pour réponse un grognement alors qu'il s'assaillait en se laissant glisser plus bas. Son corps lui faisait si mal, il devait avoir plus que le bras cassé probablement. Devant lui, sorti soudain un golem de glace qui frôla de peu le mage noir, interrompant subitement le souffle du chevalier qui avait craint pour sa vie, malgré toutes ses pensées égoïstes qui disaient qu'il l'abandonnerait en cas de nécessité. Il y a la pensée et il y a la concrétisation de cette pensée. Cette dernière s'avérait plus ardue à mettre en oeuvre. Impossible de se résoudre à la laisser lorsqu'il la regardait. Pourtant, elle n'avait aucun charme dans cet état déconfit, quoique… si, un charme sauvage encore plus intriguant après avoir survécu aux assauts de la montagne.

"Il a le mérite d'être lent. Je n'ai presque plus de réserve magique alors à sa prochaine attaque, on lui fausse compagnie et on entre dans le tunnel."

Technique de lâche, de fuyard. Comme dirait l'autre, il vaut mieux fuir et rester en vie plutôt que de faire le brave et mourir comme un benêt. La créature des glaces ne perdit pas de temps et essaya d'abattre son poing sur le chevalier qui poussa sur ses faibles jambes pour passer entre les jambes du golem. La distance était courte pourtant, elle lui paraissait si lointaine et inatteignable! Aussitôt dans le tunnel que le golem se retournait lentement pour commencer à les suivre. Orpheus repéra un renfoncement dans le mur et se jeta dedans la tête la première sans réaliser qu'il s'agissait en réalité d'un long toboggan vers le bas et les entrailles d'Eternia, une descente glaciale et un bras en miette qui l'éjecta dans une salle pour rencontrer le sol dur une nouvelle fois. Le chevalier resta immobile, trop fatigué pour se relever immédiatement, puis leva la tête pour voir si Morgane était dans les parages. Sur le côté, un autel couvert de gravure attira avant tout son attention. Un autel, une bague emprisonnée dans un rubis de glace était serti en son centre.

"Peut-être bien qu'on va pouvoir partir dans très peu de temps."