Parti pour démanteler un petit réseau de pickpocket, le chevalier Orpheus Neiphereum s'était heurté à des petits désagréments. Le premier s'appelait Morgane Evans. Les premiers contacts n'avaient été faciles d'une part à cause d'un tempérament colérique de la part du chevalier, d'autre part à cause d'un orgueil démesuré chez un mage noir. Au fond, Orpheus persisterait toujours à dire que le chat était en faute puisqu'il n'avait pas à la traiter d'idiot juste parce qu'il écrasait une pomme. Parenthèse fermée et querelle inutile mises de côté, Morgane Evans n'était pas Si mal que ça. Déjà, elle n'avait pas froid aux yeux, un bon point. Les princesses apeurées par une goutte de sang, pas pour lui. Ensuite, elle savait se battre, pas de la manière la plus resplendissante, certes, mais elle avait son style. Dernier point et non des moindres, elle avait un lien avec son ancêtre. Sa mère était une très bonne amie. Orpheus se rappelait avoir vaguement entendu parlé d'une telle histoire mais pas plus que ça.

Ensuite, en guise de second désagrément, il y avait ceux à qui il soutirait les informations et qui n'arrivaient pas à se décider si la cachette était dans le coin de la rue ou bien dans le cimetière. S'en était résulté une scène assez brutale, lorsque la puissance mystérieuse qui prenait possession du Neiphereum lui avait fait commettre un petit bain de sang. Après cette scène, le chevalier s'était retrouvé amoindri, faible et sale. Sans Morgane Evans, il se serait retrouvé seul pitoyable dans la ruelle et on l'aurait peut-être trouvé et accusé de meurtre ce qui ne serait pas peu dire. Mais heureusement, la femme continuait à s'agripper à lui, enfin non, c'était plutôt lui qui s'agrippait à elle dans le cas présent. Toutefois, Orpheus n'oubliait pas toutes ses petites manies, ses petites caresses tout ça. Elle le laissait indifférent au départ, maintenant elle l'agaçait mais en même temps, il ne trouvait pas ça déplaisant. Ne pas aller par quatre chemins, Orpheus Neiphereum a toujours raison, même quand il a tord, une véritable tête de linotte, on se demande qui a fait son éducation. Ah, les chevaliers bien sûr!

"Avant de partir, est-ce que tu pourrais juste bruler mes habits, juste au cas où."

On n'est jamais trop prudent. N'importe qui pourrait s'amuser à les récupérer puis on remonterait jusqu'à lui et pouf en prison. En quittant la rue, les dernières bribes de conversation à propos d'Integral Neiphereum s'atténuaient. Il ne voulait pas en parler, il en reparlait encore. Morgane ne pouvait de toute façon pas l'aider, elle ne le connaissait qu'indirectement après tout. Le mystère demeurerait tout aussi trouble, avec la connaissance supplémentaire que même à une bonne amie, il n'avait pipé mot! Ces ombres qui s'épaississaient autour de cet ancien chef des chevaliers, il les dissiperait un jour et en aurait le coeur net. Est-ce que Integral Neiphereum valait vraiment ce qu'on prétend qu'il était! Ce n'est que d'une oreille qu'il entendait la question de la femme. Elle lui parlait de… du théâtre!

"Une pièce à l'eau de rose je présume. Ou bien une comédie dramatique, des amants interdits, toutes les histoires habituelles."

Encore une fois, Orpheus et le théâtre, ça faisait deux, ou trois. Il savait où il se situait, ensuite, y mettre les pieds, c'était une toute autre histoire. Le pire dans tout ça, c'est que Morgane semblait décidée à y aller alors il allait être obligé de la suivre. En marchant il retrouvait ses forces et finalement arrivé face au bâtiment, il réussissait à la lâcher pour marcher de lui-même et ne pas paraitre trop déplorable. Des chevaliers étaient postés, question de sécurité. Personne ne le remarquait, soit parce qu'ils étaient nouveau, soit parce qu'ils étaient trop occupés à glandouiller pour le voir. Ainsi, n'importe qui pouvait entrer sans aucun contrôle. Dans le hall luxueux, Orpheus demanda soudain:

"Une seconde… Tu comptes aller voir une pièce ou 'juste' visiter? Parce qu'il est hors de question que je reste le cul planté là-dedans pendant des heures et des heures!"

Voilà, il retrouvait du poil de la bête! Le chevalier était catégorique, déjà en train de tirer la tronche. Ce qui le dérangeait, c'est qu'ils se sépareraient si elle décidait vraiment d'entrer. Il n'aimait pas particulièrement être avec elle… bon, juste un tout petit peu, pas de quoi en faire tout un plat non plus. Son regard bleuté se glissa sur elle. Bon sang, si elle insistait il allait être obligé de l'accompagner jusqu'au bout...

"Vos désirs sont des ordres mon seigneur"

J'esquissais un sourire taquin. Sa demande me parut raisonnable. Je m'écartais un peu de lui pour pouvoir être libre de mes mouvements. Je me mis à incanter et des flammes vinrent lécher ses vêtements sales et poisseux de sang. Une odeur peu agréable se propagea alors dans l'air mais mon incantation finit par faire disparaitre toutes les traces de son crime. Un petit coup de patte de Morphée pour faire se propager les cendres et voilà, l'affaire était terminée.

Nous nous mimes en route du théatre. J'écoutais sa réponse. Je n'étais pas habituée à rester assise afin de regarder des jeunes gens raconter des histoires d'amour idylliques mais cela m'intriguait. Et pourquoi pas au moment de ma visite de jeter un oeil à la pièce rapidement? Je ne comptais pas faire partie des spectateurs, je n'avais pas de temps à perdre inutilement même si c'était en compagnie du paladin, ceci serait fort agréable. Je souris doucement et ne fis aucun commentaire. Il semblait vraiment très enthousiaste à l'idée de m'emmener là bas.

Peu à peu, il s'éloigna de moi. Je fus un peu déçue de le sentir plus aussi proche de moi mais mes épaules, elles, étaient ravies de ne plus sentir son poids. Il n'était pas très gros mais mine de je n'étais pas miss superwoman donc je n'avais pas autant de force que si j'avais été une aigrefine. Je fis quelques étirements discrètement et fis face à l'édifice. Je le trouvais magnifique. Je comprenais pourquoi ma mère aimait y aller. Je me demandais si la vue était vraiment magnifique depuis les toits comme elle me le disait enfant.

On passa devant des gardes. Je ne croisais pas leurs regards, ils semblaient observer quelque chose de plus intéressant que notre couple... Niveau sécurité, on pouvait largement mieux faire... Même à Malificium, c'était plus contrôlé que cela... Alors que j'observais le hall de l'établissement, laissant caresser mon regard verdoyant sur les boiseries et les luminaires, j'écoutais les dires d'Orpheus. J'éclatais de rire joyeusement. Je posais ma main sur sa joue afin que nos regards plongent l'un dans l'autre et murmurai :

"Visiter. Emmènes moi dans les coulisses. Je ne te ferais pas subir un tel supplice! J'ai un coeur quand même!"

Je posais ma main dans la sienne afin qu'on paraisse pour un couple lambda et le laissais me servir de guide le coeur battant à tout rompre dans ma poitrine...

Les vêtements réduits à l'état de cendre, Orpheus pouvait partir tranquille. Personne ne le soupçonnerait, on pensera simplement à un crime dans la rue et les victimes seraient tristement pleurées, si quelqu'un les reconnaissait. Le menteur ne ressemblait plus à rien. Il prétendait avoir une famille. Si c'était vrai, il avait payé cher. Sa vie était plus importante qu'une telle information. Le chevalier soupçonnait des menaces à ceux qui vendaient la mèche mais qu'y pouvaient-ils. On ne peut satisfaire tout le monde. Sur le coup, il fallait satisfaire Morgane maintenant. La femme voulait voir le théâtre depuis le début et il l'avait amené avec lui pour assister à un tel spectacle. Au fond, il pouvait très bien s'en aller et la laisser planter là mais ce serait vraiment très vilain de sa part. Autre chose, il ne pouvait pas marcher sans elle alors il était forcé de la guider à bon port.

Le chevalier essayait d'avoir la meilleure mine possible, espérant ne pas avoir de sang restant sur son cou ou autre part. Dans la rue, il faisait mine de marche le plus droit possible, comme si il marchait simplement avec sa… sa femme ou on ne sait quoi. Enthousiaste, il ne l'était absolument pas mais il le laissait penser pour lui faire plaisir. Sur le passage, le blondinet joua le guide en montrant deux trois bâtiments par-ci par-là pour qu'elle réussisse à se situer. Un coup la taverne, un coup le grand marché. On a vite fait de se perdre dans une ville qu'on ne connait pas et il est toujours bon de savoir où prendre un verre et ou se trouver un lit. Aussi loin qu'il s'en rappelait, il avait toujours habité à Naturalia. Certes, il dormait au château qui se trouvait dans Benecius, mais les rues de la cité neutre lui étaient plus familières.

Devant le théâtre, Orpheus trouva enfin la force de se défaire de l'étreinte de bras et réussit à marcher seul. Les forces lui revenaient petit à petit, ce n'était pas trop tôt! Alors il restait planter devant le temps que le mage noir observe les ornements extérieurs. Tant de travaux pour un théâtre, il avait presque bonne mine. Ce n'est pas pour autant que le chevalier voulait y aller. Pourtant, il était en train d'entrer avec Morgane. Quelle plaie sérieusement. Enfin, après un temps, il s'enquit de ce que la femme voulait faire. Entrer écouter une pièce barbante? Visiter? La main de la drow se posa sur sa joue. Son coeur fit un bond. Qu'est-ce qu'elle a sérieusement? Pourtant, ce geste n'était pas comme les premiers qui étaient clairement charmeurs, par contre, il n'arrivait pas à mettre ce qui était différent.

"Les coulisses doivent être ouvertes si jamais il n'y a pas de pièce en cours. Je doute qu'on nous laisse nous promener librement si des acteurs sont sur les planches… En fait, je doute qu'on ait la permission de nous promener sans raison tout court."

Et elle lui prenait la main. Le jeune homme détourna le regard l'air de rien. C'était vraiment gênant! Tant pis, il pressait le pas pour passer le hall. Visiblement, la salle de théâtre était inoccupée et les gardes postés dans le couloir étaient en train de parler de fesse et de sein. Conscient qu'ils n'avaient pas forcément la permission d'entrer, Orpheus posa l'index sur ses lèvres en signe de silence. Se glisser très doucement dans la salle de théâtre, avec l'estrade, la scène, tous éclairés par les faibles lumières en hauteur. Il lui lâcha enfin la main en restant à proximité pour ne pas la perdre.

"Tu voulais voir les coulisses, il faut bien qu'on y entre d'une manière ou d'une autre. Je ne connais pas ce bâtiment alors c'est la seule idée qui me soit passée par la tête."

Après s'être justifié, le chevalier se sentait le coeur plus léger. Est-ce qu'Integral Neiphereum était déjà entré dans cette salle. Est-ce qu'il y avait vu des comédies en roupillant? Qu'est ce qu'il faisait le jour où il avait rencontré la mère de Morgane… Un peu pensif, il descendait les marches pour atteindre la scène et grimper dessus, tendant la main derrière lui à la femme pour l'aider à grimper à son tour.

"Le théâtre aussi calme, ça ne doit pas être donné tous les jours. Les représentations doivent avoir lieu le soir... Viens, les coulisses sont juste derrière."

"Zut! J'avais envie de voir les costumes!"

C'était sorti tout seul, c'était sorti sur un ton de reproche qu'un enfant pourrait faire à sa mère si celle-ci n'acceptait pas de lui acheter le bonbon qu'il désirait. Je n'étais pas capricieuse, enfin pas trop. J'étais juste très déçue. Le théatre était un endroit merveilleux en partie du à ses décors... sans... c'était juste une batisse comme une autre en quelque sorte. Je fis une moue boudeuse.

Je lui pris la main. Il semblait décider quand même d'essayer. Je le suivis donc essayant de ne pas trop le ralentir. Il semblait avoir envie de vite déguerpir de cet endroit alors que pour moi, c'était tout le contraire. Nos caractères étaient vraiment opposés et pourtant, un lien indéniable se créait au fur et à mesure entre nous.

Nous arrivâmes non loin de gardes. J'eus une moue de dégout. Ils étaient odieux et vulgaires. Pourtant, nous étions à Naturalia! Nelberaid n'était vraiment plus ce qu'il était. J'en étais quelque peu choquée. En tout cas, cela me prouvait que les gardes n'étaient vraiment bon à rien à part à polluer l'air ambiant. Je restais silencieuse et continuais de le suivre. Nous finimes par entrer. Mes yeux vinrent caresser les devantures, les rideaux, les fauteuils. Vraiment très jolis! Il n'y avait pas encore de pièce entrain de jouer. Donc le calme du lieu nous entourait telle une bulle apaisante. Je lui souris et murmurai :

"C'était une bonne idée."

Il m'y avait emmené sans connaitre le lieu. Aimait-il autant l'aventure que son ailleul? Cela y ressemblait. Je gardais ce commentaire pour moi évidemment. Je ne voulais pas le remettre de mauvaise humeur. Nous avançames jusqu'à la scène. Je saisis sa main avec douceur et observais le nouveau point de vue qui s'offrait à moi. Je cessais rapidement et le suivis dans les coulisses. Un long couloir se profilait, plusieurs portes étaient fermées.

"Par où veux-tu commencer?"

Je fis quelques pas et ouvris la première porte à gauche. La salle qui se présenta regorgeait de nombreux parfums. J'en reniflais quelqu'uns et demandai :

"Tu pense que quelqu'un à penser à y mettre des poisons pour se venger d'un comédien incompétent?"

Orpheus réfléchissait rapidement. Le théâtre, lorsqu'il n'y avait pas de représentation, n'était pas vraiment ouvert au public. Ils avaient le droit d'aller dans le hall, mais pas plus loin. Cependant, les gardes étaient tellement attentifs que n'importe qui pouvait se glisser dans les parties non autorisées, ce qu'ils firent d'ailleurs sans voir de résistance venir. Définitivement, ils ne servaient qu'à décorer. Etrangement, le chevalier les comprenait. A longueur de journée, voir les gens passer, ne rien voir de spécial. Il est naturel que l'attention s'atténue. Et avec la monotonie des journées, tous les jours revenir au même poste, il est normal de vouloir se distraire un peu pour se changer les idées.

De toute façon, cela permettait aux deux descendants de chefs d'entrer dans la salle de spectacle. Les rangées de chaises vides, la scène, tout cela rien que pour eux. Même si il n'en donnait pas l'impression, Orpheus réfléchissait activement à une manière de satisfaire la curiosité de Morgane. Elle voulait voir le théâtre, déjà la salle était peu éclairée. Ensuite les costumes étaient surement dans les coulisses, dans le placard de chaque loge. C'était sur le programme, du coup, il n'y avait pas de quoi s'inquiéter. Clairement, leurs intérêts étaient différents. Elle qui veut connaitre ce que sa mère a tant aimé dans ces lieux, lui qui rejète tout ce qui touche à son ancêtre mais qui se donne du mal pour une femme qu'il avait rencontré il y a peu. Peu de temps et pourtant, il avait l'impression de la connaitre de mieux en mieux et le fait qu'il ne la trouve pas désagréable l'énervait d'autant plus. Tout un numéro cet Orpheus! En tout cas, cela se ressentait dans ses gestes. Au départ, Morgane était toujours la première à établir un contact physique à son plus grand agacement. Maintenant, il était celui qui lui tendait la main pour l'aider à se hisser sur la scène de bois. Le chevalier ne disait rien, laissant à la femme le loisir de s'émerveiller sans être dérangée.

"Estime toi heureuse, je ne fais pas ce genre d'effort pour toutes les personnes que je rencontre."

Plus qu'heureuse d'ailleurs. Qui imaginerait qu'un chevalier serait en train de guider un mage noir dans les coulisses d'un théâtre qu'il ne connaissait pas? Cela ressemblait tout à fait à Integral en fait, un point commun qui le rapprochait un peu plus du chevalier blanc malgré lui. On ne peut rejeter ses origines, son caractère. Lui avait un tempérament explosif mais il y avait plus mauvais que lui, ça c'est sûr. Disons qu'il s'exprime un peu sèchement, qu'il peut se montrer un peu violent et sadique lorsque la colère l'emporte. A part ça, sa mauvaise humeur n'était finalement que le reflet d'un malaise constant, un mur derrière lequel il se cachait pour ne pas être dérangé. Morgane effritait ce mur, elle avait même creusé un trou dedans.

Les coulisses devant eux, une série de portes. Elle était sérieuse en lui posant cette question? Une porte au hasard et hop, ils étaient à l'intérieur. A l'instar de son ancêtre, le chevalier avait toujours un tube ou deux rempli de terre pour les intrusions de ce genre, des intrusions un peu criminelles. De toute façon, il n'avait pas à s'en servir, les portes n'étaient pas verrouillées. Peu intéressé, toujours accompagnateur, Orpheus laissait la femme regarder les parfums. Il s'amusa de sa remarque.

"C'est la première chose à laquelle tu penses en voyant du parfum?"

Elle était vraiment amusante. Le chevalier finit par s'approcher pour renifler un tube ou deux, puis fit couler quelques gouttes de l'un d'entre eux sur ses doigts (ses gants n'étaient plus que cendre avec le reste de ses habits) pour les faire glisser sur la gorge de Morgane, le visage impassible.

"J'aime bien la senteur de ce poison là. Je trouve qu'elle te correspond bien…"

La tension de la pièce s'accentuait soudain alors que ses doigts restaient un instant sur son cou. Puis l'air de rien, il fit volte face pour aller ouvrir la porte de la grande penderie. Et en effet, des costumes de tout genre y pendouillaient, depuis la robe riche en couleur jusqu'au collant, les habits d'époque ainsi que les costumes d'animaux. Cette loge-ci était une petite mine d'or. Ses mains glissaient parmi les étoffes de soie, une douceur incroyable. Tournant la tête vers Morgane, il demanda, imperturbable:

"Tu veux essayer des costumes?"

Définitivement, elle avait le droit à un traitement spécial. Son esprit lui disait de partir rapidement, son corps restait malgré tout pour s'assurer que la femme soit satisfaite du début à la fin. Pourquoi est-ce qu'il se souciait autant de ce que pouvait penser autrui? Ca ne le regardait aucunement, il ne comprenait pas, il ne voulait pas comprendre, il craignait de comprendre et d'avoir la réponse à tous ses questionnements.

"Tu m'en vois très heureuse et très touchée alors. Je te renvois aussi la chose. En effet, il m'est très rare de chercher à connaitre la personne, d'ordinaire, je m'en débarrasse le plus vite possible. Ton charme a du me séduire voilà tout."

Je lui souris doucement. Je le taquinais mais ne mentais point. En effet, je n'étais pas associable, disons juste que d'ordinaire, je voyais juste les gens comme des objets à utiliser, cela pouvait être m'aider à m'entrainer ou à assouvir un besoin primaire, nourriture ou sexuel, comme juste une distraction. Par une chose étrange, avec Orpheus, j'avais juste envie d'être sincère, pas de le manipuler. J'étais bien avec lui, il me faisait rire et avait une manière bien propre à lui de me décontenancer. De plus, il ne semblait pas être très touché par mon charme hors norme... Cela me changeait grandement de l'habitude. Mais je pense que c'est surtout le lien avec nos racines qui faisait qu'à mes yeux, il ne serait jamais juste un chevalier qui m'avait aidé... Il serait toujours Orpheus, le descendant du meilleur ami de ma mère... à moins qu'il devienne plus à l'avenir? Allez savoir.

Nous entrâmes dans les coulisses et nous commençons notre visite par une salle remplie de parfum. Toujours sur la défensive et malfaisante dans l'âme, j'eus une réflexion qui sembla surprendre mon partenaire. J'éclatais de rire joyeusement. J'étais une Steel, je ne pouvais pas renier mes origines.

"Oui, c'est une question d'éducation. Quand on entre dans une pièce, on doit trouver très rapidement ce qui peut nous permettre de tuer notre interlocuteur juste au cas où les choses tourneraient mal avec lui. Désolée. Les habitudes ont la vie dure."

Je passais une main légèrement nerveuse dans mes cheveux blancs. Je ne reniais pas mes origines. J'avais été élevée dans le sang et dans la dureté. Oh mes parents m'aimaient mais les attentions avaient été assez rares... et la vie à Malificium en tant qu'orpheline avait fait le reste. Orpheus s'approcha de moi et je fus surprise de son initiative. Un sourire espiègle effleura mes lèvres. J'aimais l'odeur qu'il venait de me parer.

"Je trouve ici. Attends je vais t'en trouver une."

Alors que je reniflais différents flacons, il continua la fouille de la pièce. Je vins vers lui une fine bouteille de verre dans la main et observai ce qu'il me montrait. Mais avant de faire quoi que ce soit, je versais quelques gouttes sur mes doigts et lui en mis aussi dans le cou.

"Verdict? Je trouve que cela te va à merveille : épicé et doux. Un joli mélange."

Nos yeux se captèrent pendant de longues secondes puis d'un battement de cils, j'entrepris d'attraper le ceintre où était entreposée une superbe robe rouge à dentelles légèrement dorées style Renaissance avec un corset qui mettrait en valeur ma poitrine généreuse et ma peau légèrement grise. C'était bien plus sophistiqué que ce que je portais habituellement. Je me déshabillai calmement, nullement pudique et me recouvris du costume.

"Qu'en dis-tu?"

Son charme. La belle blagueuse qu'elle faisait. Orpheus ne s'était jamais intéressé aux femmes autrement que pour les petits plaisirs. Ne le cachons pas, que ce soit avec une épée ou dans la vie de tous les jours, il était loin d'être un saint. Jamais il n'avait éprouvé le besoin d'être avec quelqu'un, de dépendre d'une femme parce qu'aucune ne lui avait fait un quelconque effet. Alors qu'elle lui parle d'un charme séducteur qu'il ne se savait pas le faisait doucement rire. Elle l'avait probablement séduite malgré lui pour qu'il se permette autant d'excentricité. S'introduire dans le théâtre était loin d'être nécessaire, il prenait des risques inconsidérés. Ce soir, il aurait à faire au cimetière, il devrait se reposer, surtout après la dernière crise. Mais au lieu de ça il était en train de flâner et d'explorer des coulisses, mettre du parfum à une femme et lui faire des compliments. Il était bien beau le Neiphereum franchement…

"Le mal n'est pas à tous les coins de rue. Si tu te méfies de tout, tu ne peux admirer ce qui t'entoures à sa juste valeur."

On a arrêté de regarder ce qui nous entourait depuis longtemps. On observe sans voir, la vision sélective, voir ce qu'on désire voir et entendre uniquement ce qu'on désire entendre. C'était prendre des habitudes et ne pas s'en défaire, le pire ennemi de l'homme: la monotonie. Alors Orpheus se débrouillait pour s'extirper de sa vie au château. Les missions étaient de véritables libérations car elles lui permettaient de sortir de la ville, aller ailleurs, tuer d'autres personnes… Et ainsi, il réussissait à garder un esprit frais, et non cloitré par les principes et les habitudes. Ce même esprit qui lui murmurait de faire la visite du théâtre et s'y amuser malgré l'illégalité.

"Ce n'est pas nécessaire, je ne suis pas particulièrement friand de parfum je dois dire."

A moins que ce ne soit parce qu'il n'avait jamais mis d'eau parfumée? Le jeune homme faisait une petite grimace en la regardant chercher. Têtue quand elle s'y mettait. Finalement, elle venait en déposer sur sa peau, une pointe froide qui coule sur son cou. Oui, ça ne sent pas si mauvais. Son attention était malgré tout accaparée par les divers déguisements. Amusant toutes les folies qui pouvaient passer à l'esprit des créateurs. Il y avait de ces costumes complètement improbables. Morgane finissait par choisir une robe qu'elle enfila après avoir abandonné sa précédente. Le regard du chevalier ne s'était pas privé du spectacle et au bout du compte, il restait sans voix, chose rare pour cet éternel râleur qui ne parvenait pas à cacher son étonnement.

"C-c'est pas trop mal..."

Orpheus détournait précipitamment le regard, d'un coup particulièrement concentré sur un bout de tissu. Si il la regardait d'avantage, il allait encore avoir ces sentiments étranges qui ne lui plaisaient pas du tout. Morgane Evans, cette femme avait le don de le faire passer par toutes les humeurs possibles. Elle était amusante, elle l'énervait, elle était charmante, sadique, méfiante lorsqu'elle entrait dans une pièce… Le chevalier aurait même proposé qu'elle garde la robe, si il n'avait pas cet égo qui l'empêchait de faire trop de compliments en trop peu de temps. Si il y avait d'avantage de lumière, elle aurait noté la légère rougeur sur ses joues, heureusement que la loge était si peu éclairée.

Un bruit dans le couloir l'alerta soudain. Des voix discrètes, des personnes qui avaient surement quelque chose à se reprocher, surtout qu'elles étaient dans la même illégalité que les deux. Par réflexe, il attrapait la main de Morgane ainsi que sa robe et tira les deux dans la penderie en la refermant sur eux. Son instinct était juste, la porte de la loge s'ouvrait un instant après.

"Tiens, ça sent le parfum ici. Allez, piquez tout ce qui n'est pas cloué, au sol, on se retrouve au passage secret dans quelques minutes"

Bruit de verre, de tiroirs qui s'ouvrent et se ferment. Orpheus se sentait à l'étroit entre deux costumes et le pire était qu'il était collé à Morgane dans cette position peu confortable dans laquelle il avait un peu trop de vue plongeante sur elle. Pour ne pas regarder plus que nécessaire, il se pencha sur elle pour lui murmurer à l'oreille:

"Si je vois juste, il s'agit peut-être du groupe de voleurs que je cherche… Et si c'est le cas, nous allons pouvoir faire d'une pierre deux coups."

Par contre, il n'oubliait pas que ses pouvoirs ne fonctionnaient pas dans le théâtre alors il faudrait y aller par la force. Entrouvrir par exemple la porte coulissante de la penderie pour vérifier l'emplacement de l'individu. Si ils pouvaient l'assommer, ce serait juste parfait.

"Peu importe ce qui se passe, fais attention à ta robe. Elle… te va bien."

"J'apprécie les choses mais je reste sur les gardes... et ce en permanence même dans un lit."

Je souris doucement. Le sous-entendu était on ne peut plus clair et volontaire. Oui, je me méfiais même de mes amants et il m'était arrivé telle une mente religieuse d'en égorger certains quand une fois que j'eus le dos tourné et l'acte accompli, ceux-ci ont tenté de m'abattre mais je fus bien plus vive qu'eux... et j'espérais que cela resterait ainsi éternellement... Je comptais enterrer tout le monde et vivre très très longtemps même si mon nom appelant la gloire, cela me serait très difficile à réaliser. Mais j'aimais les défis.

Orpheus en était un également. Je sentais qu'il se tissait quelque chose entre nous mais il reculait souvent... ce n'était qu'au sens figuré et non réel mais il me décontenançait et j'adorais cela. Nous jouâmes avec des parfums et malgré sa non envie, je lui en mis quand même. L'odeur se mélangea parfaitement à sa peau et me monta légèrement à la tête. J'en rougis doucement mais je cachais rapidement mon trouble derrière un rapide changement de tenue. Occupé à autre chose, mon esprit s'en retrouvait de nouveau serein.

"Mon seigneur me comble de joie."

Je m'observais dans un petit miroir. J'étais magnifique, je le savais. Mon égo prit ombrage de son "c'est pas trop mal", je méritais bien mieux mais je n'en laissais rien paraitre. Il aurait pu être bien plus cinglant après tout. Je lui souris doucement mais mon sourire disparut bientot. Je sus à son attitude physique que quelque chose se passait et que cela ne serait pas bon pour nous. On venait interrompre ce moment plaisant, j'en étais agacée!

Avant que je puisse faire quoi que ce soit, je me retrouvais dans un placard, mon corps reposait contre Orpheus. Je tendis une oreille vers l'extérieur. Qui osait venir nous déranger alors que tout se passait bien entre nous? Je levais la tête pour capter son regard tout en écoutant ses dires. Nos coeurs battaient à tout rompre et à l'unisson, je le sentais parfaitement sous mes doigts, ma main étant sur son ventre pour être plus à l'aise et ne pas me retrouver plus coincée que je l'étais déjà par un immense costume de garde.

"Ca marche."

Je n'allais pas refuser. J'avais trop envie de leur arracher les testicules ou la langue pour avoir osé nous déranger! Le plus silencieusement possible, la porte s'ouvrit. Je me mis à incanter... et rien ne se passa! Non! Ne me dites pas! Et merde! J'aurais du me renseigner! Mon chat me jeta un regard hilare! Le théatre m'avait enlevé toute ma magie! Zut! Tant pis, j'allais devoir improviser. J'envoyais mes fils d'acier autour du cou de l'intrus. Je laissais l'autre à mon partenaire. L'homme tenta de se débattre. Je lui donna un grand coup de talon d'aiguille dans le genou le faisant ainsi tomber. D'une voix sourde, je murmurai à son oreille :

"Vilain lapin! Vilain!"

Mon chat vint lui crever les yeux à l'aide de ses griffes. Il pensa hurler mais ne put rien dire en effet, je venais de lui écraser le larynx à l'aide de mes armes. Du sang coula de sa gorge en plus de ses yeux. Privé d'oxygène de cette sorte, il tomba au sol inerte... Un de moins! Que le spectacle continue!

Ce genre de détail, Orpheus n'en avait pas besoin de pour cerner Morgane. Il la devinait déjà capable d'entrer dans le lit du moindre bel homme qu'elle croisait et qui l'intéressait, également capable de le tuer de sang froid, sans en avoir de remord. La femme n'avait jamais caché cette nature et c'est bien à cause de cette dernière que le chevalier ne se laissait pas embobiner. N'ayant nullement l'intention d'être un vulgaire amant, un trophée supplémentaire sur son tableau de chasse, il était de plus en plus proche d'elle et en même temps, réussissait à garder l'esprit assez clair pour ne pas franchir certaines limites. Parce qu'il n'oubliait pas non plus qu'à travers tous ces aspects d'elle, Morgane était une femme qui avait sa petite sensibilité. Le fait de vouloir découvrir ce que sa mère aimait, ce genre de sentiment n'est pas donné à tous, ce qui indiquait qu'elle avait un fond de bon en elle. Et tant qu'ils s'entendaient, elle ne tentait rien d'inconsidéré, le courant passait bien entre eux, plus que ce qu'Orpheus aurait aimé en fait. Si il laissait sa garde tomber une unique fois, il perdrait le défi qu'il avait lancé à la femme, la première fois qu'il avait repoussé ses tentatives de séduction.

A quoi ils jouaient avec les parfums d'ailleurs? Ce n'est pas faute d'avoir répété qu'il fallait rester sur ses gardes, pourquoi s'était-il mis en tête de lui en mettre de cette façon si douce et sensuelle? Au fond, Orpheus était presque soulagé qu'ils soient interrompus de la sorte, ce qui permettait de s'enfuir de l'atmosphère trop bizarre qui s'était subitement emparée d'eux. Silencieux comme deux ombres, ils s'étaient cachés dans la penderie tandis que les intrus s'introduisaient dans la pièce en commençant à dévaliser les parfums qu'ils venaient tout juste de toucher. Des voleurs! Le coeur d'Orpheus cognait malgré lui dans sa poitrine, à cause de Morgane ou bien à cause de la surprise il n'en savait trop rien. Il la sentait dans le même état et se demandait ce qui se passait dans sa tête. Serrés, lorsqu'il essayait de bouger pour se mettre à l'aise, ses mains ne pouvaient éviter de frôler la silhouette de la femme qui était juste devant lui.

Deux des voleurs étaient partis dans le couloir pour piller d'autres pièces, deux restaient dans celle-ci en ratissant chaque partie visible. Ils arriveraient tôt ou tard à la penderie. De toute façon, Morgane agit plus vite que prévu et en attrapa un avec quelque chose, Orpheus ne parvint pas à voir avec le peu de lumière. Sonnant ainsi le début de l'assaut, le chevalier poussait de côté la porte coulissante et se jeta sur le dos du second en lui plaquant une main sur la bouche et en bloquant ses bras pour l'empêcher de tenter quoique ce soit d'inconsidéré. Avec agacement, il constatait que le mage noir avait déjà tué le sien. N'avait-il pas spécifié "assommer" ? Etait-elle obligée de tuer à chaque fois? Orpheus n'avait pourtant pas l'âme d'argumenter à ce sujet, le souvenir trop vif de sa dernière perte de contrôle lui retirait le droit de tout commentaire. Finalement, il avait étouffé le sien en l'empêchant de respirer alors il lâcha la pression sur son cou, essuyant la bave du mort sur ses vêtements. A voix basse, il dit à Morgane:

"On s'occupe des deux autres. Je garde le mien en vie, toi fais ce que tu veux."

Comme ça c'était clair, le sort de celui de Morgane lui était réservé, il ne voulait plus se mêler de cette histoire. A pas de loup, le chevalier sortait dans le couloir pour guetter les portes ouvertes. Deux étaient entrebâillées, deux bruits distincts. Les hommes s'étaient séparés. D'un geste, il indiqua à la femme qu'elle pouvait prendre la porte la plus proche, lui s'occupait de celui qui était le plus loin. Arrivé à la porte, il l'ouvrait l'air de rien en trouvant l'intrus dos tourné.

"Alors, t'as trouvé des petites merveilles?"
"Oh que oui…"
"T'as la voix bizarre Trillan, t'es sûr que ça va?

Le chevalier ne lui laissa pas dire un mot de plus en plus plantant sans ménagement l'épée dans la jambe. La lâchant immédiatement et laissant le fer dans la chair, il cassa précipitamment un des bras de celui qui criait déjà de douleur, puis le rua de quelques coups avant de le jeter brutalement par terre. Cette scène lui était familière, encore un interrogatoire…

"Les pickpockets, l'ensemble des pickpockets. Donne moi l'emplacement de la cache, le nombre de personnes à l'intérieur et je te laisse la vie sauve."
"Il y a un passage secret par les égouts qui relie la cache au théâtre! C'est par là qu'on est passé pour venir ici! Pitié!

Tiens, la langue de celui-ci était facile à délier. Cela lui permettait de ne pas avoir à trop le maltraiter. En guise de remerciement, il assomma simplement le type, le ligota avec des costumes et le jeta dans un coin sans effacer les traces de sang. Le chevalier retourna pour finir dans le couloir pour voir si Morgane s'en était sortie seule, ce dont il ne doutait pas un instant. Cette femme était dangereuse, c'est ce qui la rendait si intéressante à fréquenter.

Avoir carte blanche était toujours un plaisir pour un esprit aussi torturé que le mien. Je lui dédiai en retour mon sourire le plus éblouissant. J'avais déjà en tête tout un florilège de tortures et de sadisme. Mon ennemi allait souffrir cela en était certain. Enfin, s'il m'en laissait le temps. Car il arrivait bien trop souvent que les proies ne soient pas assez endurantes pour satisfaire mon plaisir primaire. J'en étais à chaque fois très déçue, agacée, frustrée et du coup, de très mauvaise humeur. Morphée m'évitait dans ces cas là afin d'éviter de finir en broche au coin d'un feu de cheminée.

L'aventure continuait donc. Nous pénétrons dans le couloir le plus silencieusement possible. D'un signe de tête, j'acceptai sa proposition. Je pénétrai à l'intérieur de la pièce la plus proche toujours habillée de la robe de scène et fis mine d'être une comédienne qui venait se repoudrer le nez pour la prochaine scène. Je pris une mine d'effarement quand je vis le malotru fouiller dans mes "affaires".

"Monsieur, ne vous a t'on pas appris la politesse et le respect d'autrui? Ce que vous touchez vaut une fortune! Vous allez l'abimer avec vos sales pattes!"

Des vêtements jonchaient le sol ainsi que des breloques et divers maquillages, cela rendait plus réel mon petit discours. Pour toute réponse, j'eus un sourire pervers. Il vint vers moi. Je fis mine de reculer de deux pas alors que mon chat, lui, passait derrière son dos silencieusement. Le regard de l'homme était ciblé sur ma poitrine alléchante. Sa dague à la main droite ne me faisait nullement peur, bien au contraire.

Il m'attrapa la main. Je fis semblant de ne pas arriver à hurler alors que subitement, un pic de terre venait de lui pourfendre le pied. Il ne comprit pas et grogna juste de douleurs. Il m'amena à lui d'un geste brut et osa poser son arme sur ma peau délicate. Cela en était trop. J'invoquai et une boule de feu apparut dans ma main libre. Je la lui lançais en plein visage. Il n'eut pas le temps d'hurler, je venais d'encercler sa gorge à l'aide de mes fils. Il manqua d'air et posa un genou à terre. Toujours maitresse de la situation, je tournai autour de lui et murmurai au creux de son oreille :

"Il faut savoir se méfier des apparences. Tu as perdu."

D'un geste vif, ma dague vint l'égorger. Le sang gicla sur le sol, le corps le rejoint rapidement. Je récupérais mes armes et je vins rejoindre Orpheus. Nous nous retrouvâmes nez à nez. Nous avions terminé en même temps. Je souris doucement et demandai d'un ton quelque peu sensuel :

"Tu en as terminé? Tu en as appris plus? Quelle est la suite des évènements? La poursuite de la visite ou la pourchasse de nos amis?"

Une goutte de sang perlait au dessus de mon sein gauche, bien visible grâce au décolleté. L'ennemi m'avait quelque peu égratigné mais je n'en étais nullement affectée, au contraire, j'avais juste envie de tous les anéantir. Après tout, je ne souhaitais qu'une seule chose : rester avec le paladin.

Lui laisser faire ce qu'elle voulait. Ce n'était pas forcément la meilleur idée qui lui soit venue jusqu'à présent. Orpheus ne la connaissait que très peu mais savait dors et déjà que Morgane n'était pas une tendre lorsqu'on lui mettait une cible dans les mains. De son côté, il n'était pas le chevalier exemplaire dont tout le monde a besoin, ses méthodes étaient bien trop brutes, trop barbares mais il oeuvrait encore un minimum pour une justice quelconque. La mort gratuite, il en était l'auteur que lorsqu'il était blasé ou énervé, ce qui était déjà beaucoup. Ôter à autrui leur vie, la seule vie qu'on leur ait donné, ce n'était pas là une mince affaire. Le jeune homme s'était fait à cette idée depuis des lustres. Il n'avait plus de problèmes avec le sang et les morts. Triste que de nos jours, cela devienne si banal, mais il fallait bien survivre d'une manière ou d'une autre et souvent cela était résumé à tuer ou être tué. Orpheus avait l'intention de vivre encore longtemps alors ces voleurs ne seraient plus que de l'histoire ancienne.

Le voleur en question était plus qu'un pickpocket puisqu'ils se mettaient au vol dans les bâtiments. Dire qu'il ignorait que la mère de Morgane avait fait la même chose à l'époque et que son ancêtre lui avait tendu la main et avait préféré s'attirer les foudres de la garde plutôt que de livrer une voleuse. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête? L'idée de comprendre Integral Neiphereum était de toute façon à abandonner. Cet être insoluble, illogique resterait l'un des plus grands mystères depuis l'enfance du chevalier jusqu'à sa majorité.

Obtenir les informations était bien plus aisé que la dernière fois. Le blondinet n'allait pas s'en plaindre ni commencer à douter des paroles de l'individu, pour une fois que l'un d'eux allait droit au but. Si jamais il avait menti, il reviendrait le trouver. Avec une jambe trouée et un bras cassé, le corps ligoté, il n'irait pas bien loin dans ce théâtre sans attirer l'attention. De retour dans le couloir, le Neiphereum ne tardait pas à retrouver le mage noir qu'il avait laissé une chambre avant. La jeune femme était toujours splendide dans la robe "empruntée" et gardée. Visiblement, elle était indemne. Inutile donc de jeter un oeil dans la pièce, il devinait déjà qu'un mort y avait élu domicile et qu'il ne faudrait tout de même pas le déranger.

"Il a craché le morceau assez vite. Ils doivent venir du fond là-bas à mon avis. Un passage mène à leur cache alors la visite va être un peu reporté désolé. "

L'autre côté c'était la scène et il semblait que les bruits de voix venaient du côté opposé à savoir l'obscurité oppressante dans laquelle ils évoluaient depuis le début. Une tâche attira subitement l'attention du chevalier, à un emplacement qu'il ne devrait pas vraiment fixer de la sorte. Sans gêne pourtant, il se pencha en avant en s'approchant du décolleté de la femme et constater que du sang perlait très légèrement de son sein. Elle s'était piquée ou avait rencontré un petit imprévu dans la chambre visiblement, ce détail n'était pas présent lors de son essayage. De manière élégante, le preux chevalier tirait un mouchoir volé de sa poche et se permit de tamponner la tâche vermeille consciencieusement, avant de se tourner vers le côté opposé du couloir et se mettre à avancer en lâchant par-dessus son épaule:

"Fais plus attention à toi. Je n'ai pas envie d'une femme en sang à côté de moi. On me reprocherait de te maltraiter alors que je n'ai rien à voir là-dedans."

Ce qui dans son langage signifiait "fais attention à toi". Le reste n'était là que pour essayer de faire croire qu'il s'en fichait royalement. Enfin, c'était un peu le cas, une petite coupure de la sorte n'était pas mortelle, mais une plus grande blessure ne lui aurait pas plu à regarder.

Par chance, les voleurs avaient laissé en grand la porte par laquelle ils étaient passés, une porte normalement condamnée, probablement une sorte de sortie secrète, des escaliers qui descendent, et un long tunnel humide, peu entretenu dans lequel une femme en robe était surement mal à l'aise. Orpheus mourrait d'envie de terminer ce travail le plus vite possible pour avoir enfin du temps pour lui. Cette poursuite avait duré toute une journée, il avait largementt eu sa dose d'émotion. Un dernier effort pour terminer l'histoire et il pourrait profiter d'une nuit à l'auberge puisque visiblement, il n'était pas prêt de rentrer au château aujourd'hui. Le tunnel était long, peu éclairé et divers embranchements menaçaient les explorateurs. Cependant, avec un peu d'observation, ils pouvaient aisément retracer le chemin utilisé par les voleurs, débouchant ainsi sur une petite installation souterraine. Ils s'étaient tranquillement installés dans un coin, une bâtisse construite avec des taules, des objets de quelconque, une chouette petite base d'opération que les deux s'empresseraient de détruire une bonne fois pour toute. Le chevalier adressa un petit sourire à Morgane en lui proposant, sachant que cela lui ferait surement plaisir:

"Et si tu remettais le feu à leur bâtisse pour de bon?"

L'objectif était clair. Ils n'allaient pas faire de prisonniers. Orpheus emploierait la terre pour bloquer la sortie et ils vérifieraient une fois la bâtisse en cendre, une manière barbare et dénuée de style, employée par un individu qui perdait patience.

"Ce n'est pas grave. Cela nous forcera à revenir."

J'haussais les épaules doucement, un sourire charmeur apparut sur mes lèvres. Oui, j'avais vu le plus gros du théatre à mon sens et cela me convenait parfaitement. Je comprenais mieux ce que ma mère aimait dans cet endroit. J'étais ravie d'être revenue sur ses traces. En quelque sorte, je l'avais fait revenir. En tout cas, j'aurais aimé retourner dans le passé juste pour voir la rencontre avec Integral. Rencontrer Orpheus m'avait donné envie d'en connaitre plus sur lui même si parler de son ancêtre avec lui se révélait mission impossible.

J'allais me mettre en route lorsqu'il eut un geste qui me surpris de prime abord. Mes joues s'empourprèrent doucement. Cela m'arrivait jamais. J'étais touchée par sa délicatesse. Je le trouvais très séduisant à cet instant. Je l'aurais presque embrassé s'il n'avait pas décidé de se remettre en route. J'eus un doux sourire sur les lèvres.

"Ton honneur sera sauf rassures toi."

Ma voix avait été très douce, très basse aussi. Nous étions proches. C'était indéniable, depuis l'histoire du parfum, quelque chose s'était renforcé mais je ne pouvais pas dire quoi pour l'instant... Ou tout du moins, je le refusais. Je le suivis donc dans un couloir des plus romantiques. Je relevais les pans de ma robe pour éviter de la tacher. Je n'avais pas envie d'abimer un si beau habit. Je voulais la garder en souvenir. Je l'installerais dans ma chambre de la Tour Maudite pour ne jamais l'oublier. Bon, j'espérais qu'un jour avoir un vrai chez moi mais en attendant, elle serait là bas.

Nous fumes rapidement devant leur planque. Je la trouvais... hideuse... J'eus une moue méprisable. Comment pouvait-on se réfugier dans un tel lieu? Cela ne semblait vraiment pas solide. Je marchais jusqu'aux côtés du chevalier et lui souris doucement. Je fis craquer les articulations de mes mains et j'incantais rapidement. Une boule de feu apparut entre mes doigts. Je la dirigeais vers le mur le plus près de la mansarde puis afin de faciliter leurs sorties, je fis apparaitre un tremblement de terre. La pauvre demeure s'effondra rapidement... et les jolies souris en sortirent.

"Oh regardes ce qu'on nous offre!"

Trois hommes et une femme... tous hideux... armés d'une épée... les vêtements sous forme de guenille... J'aurais presque pu avoir pitié d'eux... presque...

"Par qui veux-tu commencer?"

Je venais de leur bloquer le passage à l'aide d'un mur de terre qui leur arrivait jusqu'aux cous. Ils ne pouvaient pas passer par dessus, ni sur la droite. Je les forcais à venir sur notre gauche... quel serait le premier à sortir? Auront-ils un peu de courage? Ou devrais-je le faire s'écrouler sur eux?

Revenir encore une fois au théâtre, pouah! Elle le ferait toute seule car la prochaine fois avec un peu de chance, il y aurait une pièce en cours et lui, ce n'était pas sa tasse de thé. Orpheus ignorait le sourire que lui adressait la jeune femme, bien qu'intérieurement il ne cessait de le troubler d'avantage à chaque fois qu'elle recommençait. Il y avait une nette différence entre la première fois que ce sourire était né sur ses lèvres et cette fois-ci. Le chevalier préférait ne pas réfléchir à ce détail car il allait vite s'énerver sans raison apparente aux yeux de Morgane, chose qui était inutile dans la situation actuelle. Pas gêné pour avoir regardé de près et touché son sein, il l'était d'avantage pour avoir fait ce geste délicat à l'égard du mage noir. Trop d'attention depuis les parfums qui avaient coulé sur leurs cous, comme si cet essayage les avait rapproché d'une certaine manière, c'était effrayant. Un peu plus et elle réussirait à le croquer. Il ne se laisserait pas prendre au jeu, connaissant le caractère fourbe des femmes. Plutôt jouer la prudence même si Morgane semblait sincère. Jamais on n'est à l'abri de mauvaises surprises dans le domaine du coeur.

"J'espère bien. J'ai horreur des malentendus."

Les voilà au coeur de l'action. Depuis le début de la journée, Orpheus avait déjà terrassé de nombreux membres du groupe de voleurs. Les effectifs étaient réduits mais il ne connaissait pas l'effectif maximum c'est pourquoi il fallait jouer la prudence… Prudence? Faire sortir tout le monde d'un coup de la prudence? Le téméraire était prêt à en découdre avec tous ceux qui franchiraient la porte de la planque, quitte à en mourir. Sachant qu'il n'en avait pas l'intention, le chevalier userait de tous ses pouvoirs pour les envoyer dans l'autre monde, propre ou salement. Comme prévu, Morgane était toute enthousiaste à l'idée de mettre le feu à la bicoque. Sa boule de feu reflétait son sourire, elle n'avait même pas réfléchi avant d'incanter. Cette femme avait les sorts bien faciles, elle était dangereuse et il continuait de trainer avec elle.

La sortie des fourmis ne tarda pas. La seule issue était soudain atteinte par quatre personnes, les derniers de leur groupe? Certains étaient peut-être mort dans le tremblement de terre. En tout cas, Orpheus dégaina l'épée qui avait jadis appartenue à Integral Neiphereum et la garda bien devant lui en avançant d'un pas devant Morgane. Sa main gauche décrivit un geste brusque vers l'arrière, s'aidant du mur de Morgane pour pousser les quatre en avant.

"Je n'aimais pas trop la manière dont tu as construit ton mur."

A nouveau il lui adressait l'un de ses rares sourires qui étaient un peu trop fréquents dernièrement. Les quatre, d'un commun accord décidaient de les attaquer pendant qu'ils discutaient de n'importe quoi. Leur nombre ferait surement l'affaire. Grossière erreur. En réalité, à eux deux, ils valaient dix fois mieux que ces quatre réunis.

"Je prend les deux premiers qui arrivent."

Elégamant le chevalier décrivit un arc de cercle vertical pour trancher le premier qui arrivait sans réfléchir. La gerbe de sang tâcha en longueur le sol tandis qu'il tombait déjà. Derrière son corps, le plus costaud, probablement le chef se servait du cadavre pour se couvrir des yeux du chevalier et le feinta en éraflant son torse. Le chevalier s'était reculé juste à temps, mais sa chemise coupée horizontalement et un long filet de sang coulait à l'endroit où la pointe avait très légèrement tranché. Le chevalier ne paniqua pas face à cette blessure mais redoubla de prudence en ajustant la prise sur son arme. Bloquer, attaquer, avancer en cognant fort et l'obliger à reculer. L'élégance de ses gestes n'avait d'égale que la force qu'il mettait dans chacun de ses chocs pour déstabiliser l'adversaire. Clairement, la carrure du blondinet était moindre à côté de la sienne, il s'épuiserait bien plus vite mais de toute façon, ce voleur mourrait bien avant que cela n'arrive.

Une esquive sur le côté et l'épée de l'éclair sauvage fauchait les jambes du brigand qui se rattrapa de justesse pour ne pas tomber. Coriace! Finalement, il aurait peut-être besoin d'un coup de main. Son coeur fit un bond en se demandant si Morgane s'en sortait seule contre deux. Il l'avait laissé sans y faire attention depuis le début et espérait qu'il ne lui soit rien arrivé de plus grave qu'une petite coupure comme la dernière fois.

"Bah quoi? Il était tout joli!"

Cet homme était vraiment étrange. Il ne semblait vraiment pas aimer mes techniques de combat. Pourtant avec ma tactique, je couvrais un grand champ d'action et je les forçais à nous obéir en empruntant obligatoirement le chemin que JE souhaitais qu'ils prennent... Mais non... Il avait peut-être espéré qu'il pourrait jouer les gros bourrins... J'étais plus délicate que lui apparemment... Si je les torturais pas à pas, il n'aimerait surement pas... Puff... Je me sentais quelque peu bridée... Tant pis, j'allais devoir faire avec.

Il avait au moins de la chance d'être sexy sinon, je l'aurais depuis longtemps transformé en zombie obéissant et aimant. Mon mur était à terre donc je cessais mon incantation à ce sujet afin de ne pas me fatiguer pour rien. Je fus touchée par son sourire. J'acquiessai sa stratégie. Deux pour un. Ils seraient surement surs d'eux vu que j'étais une femme... J'allais me régaler... Mes fils d'acier glissèrent le long de mes doigts... Ca faisait longtemps qu'ils n'avaient pas gouté au sang.

Deux gringalets me firent face. Leurs sourires goguenards à l'idée de massacrer une demoiselle me laissèrent de glace... Pire... J'eus pitié d'eux... Cela m'arrivait jamais ou très rarement... mais là... je les trouvais tellement bêtes de me sous-estimer ainsi que cela en était plus qu'affligeant. Je leur fis mon plus beau sourire quand une main de terre apparut au niveau du premier brigand. Son genou fut saisi alors qu'il courrait vers moi épée haut levée. Il s'écroula au sol telle la larve qu'il était. J'invoquais un zombie pour qu'il s'en occupe.

Son collègue fonça sur moi. Je ne bougeais pas. Etais-je imprudente? Non. J'allais m'amuser. Je fis un pas de côté juste au moment où il pensa me saisir. Ma dague lui érafla le bras droit et il poursuivit sa course sur deux mètres, il fit demi tour et retenta sa chance. Toujours aussi impassible, je l'esquivais et cette fois-ci, lui donnais un coup de talon dans le pli du genou gauche. Il tomba au sol. Je m'approchais de lui derrière son dos et d'un geste élégant, lui tranchais la jugulaire. Il tenta d'arrêter le flux sanguin mais tomba rapidement au sol inerte. Un de moins.

Je jetais un oeil vers le second. Mon zombie l'avait mordu à plusieurs reprises au bras gauche et celui-ci semblait avoir perdu quelques cotes. J'invoquais des pics de terre pour lui transpercer les deux talons d'Achille. Le cri de douleur qui s'échappa de ses lèvres fut une pure merveille. Je m'approchais de lui afin de le finir... Son épée fut plus rapide que moi et vint me blesser à l'avant bras gauche. Ma fureur s'en retrouva décuplée. Il reçut une boule de feu en plein visage et mon zombie eut l'ordre de lui manger la jugulaire. Les cris de souffrance furent courts et aigus. Cela en était fini pour lui.

Je me retournais et jetai un regard à Orpheus. La blessure était plus importante que la seconde. Je me devais de la soigner en faisant un point de compression avant de poursuivre. Pour l'aider, j'envoyais une boule de feu dans le dos de son adversaire. Cela le sonnerait un peu. Je déchirais un morceau de tissu du bas de ma robe et me fis une sorte de garrot...

"Achèves moi le. Sa vue me répugne."

Orpheus ne critiquait pas méchamment le mur de la jeune femme. Au contraire, il était plutôt en train de s'amuser à la contrarier, montrant tout de même qu'il lui faisait confiance pour assurer les deux autres. Si il n'était pas certain qu'elle n'allait pas le poignarder dans le dos, jamais il ne lui aurait laissé faire les choses. Depuis le début, le chevalier avait été certain qu'elle ne lui ferait pas de coup bas ce qui ne l'empêchait pas pour autant de lui en faire. Pour se sauver les fesses, il pourrait abandonner une quasi-inconnue. Il pourrait… en était-il vraiment capable si il s'agissait de Morgane? Avançant d'un coup les quatre adversaires en les déséquilibrant, le chevalier répartissait les tâches. Chacun son combat, en espérant qu'ils n'allaient pas faire du trois contre un en changeant le plan d'origine. Ce serait d'ailleurs plutôt malin de leur part de venir fondre sur l'un puis l'autre, tous ensemble. Dommage pour eux, ils n'avaient pas cette vivacité d'esprit qui allait leur couter beaucoup.

Et justement l'un d'entre eux venait de tomber par terre par pure idiotie. Orpheus pensait que le combat se réglerait en deux temps trois mouvements. Cependant, il n'avait pas prévu que son adversaire soit aussi costaud. Un véritable mur qui pouvait contrer la moindre de ses attaques. C'était comme si il n'avait pas d'angle mort. Loin de se décourager, le chevalier s'acharna longtemps sur la personne, feinter, frapper, couper et trancher. Ses enchainements étaient le plus imprévisibles possible, gracieux et fluides plutôt que d'être saccadé. Il prenait le rythme de son adversaire qui ripostait de son arme à deux mains qui éclatait la roche sous ses pieds. Epee à une main contre épée à deux mains, qui des deux l'emporterait? La lourdeur de l'acier ne semblait être qu'une formalité pour cet adversaire, bien costaud.

Un seul coup bien reçu et il serait coupé en deux. Une chance que cette première coupure était vraiment infime. Orpheus regarda du côté de Morgane qui en avait terrassé deux, mais s'était malgré tout blessée. Sa robe était-elle tachée? Il ne voyait pas bien et n'avait pas le temps de faire l'inspection puisqu'on ne lui laissait pas le temps. Ses bras commençaient à trembler lorsqu'il bloquait les coups. Pas encore entièrement remis de sa dernière transe, il n'était pas en forme olympique. Ce combat devait s'achever rapidement.

La boule de feu venant de derrière était la solution. Ne s'y attendant pas non plus, la réaction du chevalier était stupéfiante, fondant sur le côté en se penchant vers le sol, il lâcha une coupe oblique, quasiment collé au bandit en tranchant son dos, son arme mordant sa chair sanguinolente. L'entaille gigantesque eut raison de l'individu qui s'effondra le regard vide. Orpheus aussi tombait dans son élan sur le dos, essoufflé, puis se releva en s'époussetant. Son torse lui faisait mal, il avait tiré sur la blessure qui s'était un peu plus ouverte, le torse en sang mais il ignorait un peu cette douleur, rangea son arme et vint voir Morgane.

"Tu as dû déchirer la robe…"

Simple constat, il n'y avait pas de reproche dans cette remarque, sa santé était bien plus importante. Faisant une petite moue en la regardant, il s'apprêtait à dire quelque chose lorsque des bruits d'armure se firent entendre derrière eux. Chevaliers, il les reconnaitrait entre mille. Par réflexe, il sortit son arme et attrapa les deux mains du mage noir en les tenant en arrière, et plaça la lame de son épée sous la gorge de la femme lorsque les hommes en armure arrivaient, les yeux écarquillés face à ce spectacle. Est-ce que Morgane lui faisait confiance ou bien est-ce qu'elle penserait qu'il venait de la trahir?

"Orpheus! Qu'est-ce qui s'est passé!?"
"J'ai juste défoncé une petite bande de voleurs et j'en ai chopé une. Je vais l'interroger à ma façon."

Face à eux, le chevalier était froid, il ne souriait pas. Lorsqu'il souriait, cela n'annonçait rien de bon. Certains l'avaient vu faire des interrogatoires, ce n'était pas beau à voir. Ils voyaient bien qu'il était blessé, mais têtu comme il était, il ne laisserait la garde de cette femme à personne.

"Je vais l'interroger comme il se doit puis la jeter dans la belle prison. Ils vont adorer cet invité d'honneur!"

Ne pas faire savoir qu'elle était une descendante des Steel car elle en aurait encore d'avantage. En tout cas, le blondinet leur laissa le loisir de faire le ménage ou bien de reconnaitre les corps, tout en revenant par le chemin inverse avec sa prisonnière. Le long du couloir souterrain, il lâcha ses poignets en gardant la lame sous son cou puis posa le front contre son épaule en avançant sans regarder devant lui.

"Ma prisonnière, comment vas-tu me remercier de t'avoir fait visiter un théâtre et évité d'être capturée par des chevaliers? Si j'avais été comme eux, j'exigerai peut-être des choses un peu osées puisque j'ai affaire à une belle femme."

La manière dont certains avaient regardé le joli trophée d'Orpheus, il ne les avait pas manqué. Cependant, il n'était pas un profiteur, un violeur, il était un chevalier spécial qui faisait sa propre loi, rien de plus. Arrivé dans les coulisses, il tendit son arme à Morgane en se mettant dos à elle.

"Vas-y, assomme moi avec le pommeau de mon épée. Pour eux, tu auras réussi à me fausser compagnie. Profite bien de cette chance, je ne me laisse pas frapper gratuitement en général.

Ses doigts glissèrent sur le bras blessé de la femme, il l'observa encore avec le petit sourire qu'il parvenait à garder en sa présence.

"Si tu ne le fais pas assez fort, je ne perdrai pas connaissance et j'aurai très mal alors ne te rate pas ma jolie!"

Ils se reverraient un jour. Aujourd'hui avait été une journée amusante et il lui en était reconnaissant. Le jeune homme ferma les yeux. Une bonne sieste lui ferait du bien.

L'association de nos deux techniques eut raison de l'adversaire de mon partenaire. J'en fus satisfaite. Voilà encore une preuve qu'on était fait pour être ensemble... euh alliés! Je m'égare! Excusez-moi! J'eus une moue déconfite à sa remarque et jetais un regard vers ma pauvre robe. Oui, je n'avais pas eu le choix. Aux grands maux, les grands remèdes. J'avais donc été fidèle à ce dicton même si j'aurais préféré ne rien faire pour l'abimer. Mais mourir d'hémorragie n'était pas non plus dans mes projets.

Et puis subitement la situation changea. Sans crier garde, me voilà prisonnière d'Orpheus. Qu'est-ce qui lui prenait? La surprise était de mise et je ne pensais pas à me retirer de son emprise tant j'étais quelque peu choquée par ce changement subit. Il était du genre bondage pour l'acte sexuel? Puff... J'aurais vraiment tout vu! Certes, les combats avaient toujours eu le don de me mettre en appétit mais je l'aurais pensé plus posé... moins maléfique... m'enfin... Je vais devoir lui mettre un peu des bâtons dans les roues histoire qu'il ne pense pas que c'était du tout cuit entre nous depuis l'échange de parfums qui avait été fort agréable et hypnotique. Je me débattis donc et sans m'en rendre compte, je lui permettais ainsi de corroborer aux faits qu'il venait de dire à ses confrères.

Car oui, le spectacle était bien terminé... Des chevaliers avaient décidé de nous casser les pieds pour être correcte. Je leur jetais un regard haineux non fin. Mon corps reposait non loin de celui de mon partenaire. Je frissonnai à son contact et écoutais attentivement l'échange verbal. Je lui faisais confiance... mais je restais prudente. La trahison était si commune par moment. La conversation fut brève. Il savait se faire respecter. C'était un très bon point.

Nous pûmes disposer même si au cas où de regards indiscrets, il continuait sa mascarade. Son geste affectueux me fit frissonner. Je me retins de rire joyeusement à sa remarque. Je me devais de le hair rappelez-vous. Je lui souris juste et répondis suavement :

"Ceci est dans mes cordes."

Oui, la proposition n'était pas refusée loin de là. Il était loin d'être le plus repoussant de Nelberaid donc je ne dirais pas non. Je lui souris de nouveau de manière chaleureuse et sincère. Nous fûmes rapidement aux coulisses. Je fus enfin libre. Je rattachais un peu mon bandage et écoutais ses dires. Je pris son arme un peu surprise. Il voulait que je l'assomme? C'était donc la fin pour ce soir. Je ne pus m'empêcher d'avoir une boule au coeur... Je m'étais attachée à lui, c'était indéniable.

"Il est très rare qu'on m'offre une aussi belle opportunité donc je ne vais pas la refuser."

Je lui souris doucement et passai ma main sur sa joue. D'un geste tendre, je lui déposai un baiser sur les lèvres, puis sans crier garde, je le frappais à la tempe gauche. Il se réveillerait avec une bonne migraine. Je saisis un morceau de papier dans le tiroir de la table des parfums et écris doucement :

"Merci pour cette visite. Je ne t'oublierais pas. Evites de mourir avant nos retrouvailles, j'en serais fâchée. Prends soin de toi. Un bal va avoir lieu prochainement dans mes terres. J'espère t'y voir. Morgane."

Je le glissais dans sa chemise afin que personne autre que lui ne puisse le voir. Je passais une main affectueuse dans ses cheveux et je filais avant que ses confrères arrivent... Je n'avais pas menti... J'espérais vraiment le voir là bas...

=> ???