Cela ressemblait à une histoire à l'eau de rose, heureusement qu'il n'y avait pas encore de manifestation trop poussée des sentiments, des paroles, des mots qui n'iraient pas dans la bouche de Morgane. Si jamais elle lui disait déjà qu'elle l'aimait, il disparaitrait de ces thermes parce qu'il ne voulait pas de ça. Mais dans une relation, il y a bien plus que les mots pour s'exprimer c'est pourquoi ils avaient parfaitement la possibilité de communiquer sans devenir un couple lambda que l'on croise dans la rue tel des idiots à se bécoter ouvertement. Si ils étaient juste tous les deux, ils pouvaient bien s'offrir un peu de confort certes. Ils étaient dans les thermes de Naturalia et le début de soirée avait été riche en émotion. Rien de plus naturel que de décider de sortir de là après avoir délassé leurs corps et leurs esprits, après avoir partagé un moment intime qui ne disparaitrait pas de si tôt.

Sur le passage, n'ayant que des vêtements sales et ne voulant pas les remettre, Orpheus "emprunta" des vêtements qui trainaient dans l'entrée, un client qui était surement dans un autre bassin, un client aux gouts de luxe visiblement parce qu'il était élégamment vêtu. Le propriétaire des thermes ne remarqua probablement rien ou n'osa rien dire, les deux sortaient simplement. Le chevalier en profita pour taquiner Morgane, sur le fait qu'il lui en fallait peu pour être fatiguée. Il disait ça mais lui aussi après la montagne voulait le confort d'une couche chaude.

"Je ne dors pas sur une vulgaire paillasse tu sais, j'ai un lit comme n'importe qui et le château est bien plus confortable que tu ne le crois. La preuve viendra un autre jour et tu seras obligée d'admettre qu'être ma servante personnelle et vivre là-bas ne serait pas si désagréable."

Alors ils iraient tranquillement manger à l'auberge, le lendemain, il partirait pour Bénécius parce que ce fichu château avait été déplacé dans ce territoire. Vraiment pratique, ça l'obligerait encore à marcher des heures durant. Depuis les thermes, ce n'était pas une si grande distance mais ils prenaient leur temps, nullement pressés. Le temps ne leur courrait pas après, personne n'était à leur recherche et le visage de Morgane n'était pas encore collé sur tous les murs. Le jour où ça arriverait, il aurait beaucoup de problème à continuer à la fréquenter. De toute façon, chaque rencontre avait été le fruit du hasard. Celle-ci s'étant prolongée un peu plus que les deux dernières. Lorsque le destin s'acharne à les remettre l'un en face de l'autre alors qu'il essayait obstinément de s'éloigner d'elle au départ pour l'oublier un peu, Orpheus ne pouvait pas combattre quelque chose d'aussi têtu.

Arrivés à l'auberge, ils purent réserver une chambre. En fait, Orpheus demanda même à l'aubergiste de monter la nourriture sur des plateaux soi-disant parce qu'il ne supportait pas le bruit de la salle commune. Ainsi, ils avaient le droit à une charmante petite pièce dotée d'un lit pouvant accueillir deux personnes et le strict nécessaire pour les voyageurs de passage. Des fruits et des plats furent montés et posés sur la table par une charmante serveuse que le chevalier ne regarda qu'à peine parce qu'il sentait déjà le regard pesant de la femme qui était à ses côtés. Une fois qu'ils furent seuls, le blondinet alla s'allonger immédiatement en aillant au préalable pris une grappe de raisin. Malgré les plats mijotés et leurs fumets parfumés, il était quand même un peu paresseux. Et puis, il ne faudrait pas tâcher les beaux vêtements qu'il venait de gagner!

"Il faudrait que j'aille à Maléficium prochainement. J'ai trouvé une piste sur le message laissé par Integral. Je ne sais pas ce que ça va donner. Moi qui pensait le faire bientôt, je pense qu'après la montagne, je vais me prendre une bonne semaine avant tout!"

Et c'est dans Maléficium qu'il allait rencontrer une nouvelle fois le descendant de Nori Helkar, bien qu'actuellement il ignorait encore que la visite de la cité interdite allait être rudement mouvementée.

"Tu as également à y faire n'est-ce pas? Un secret de mage qui serait considéré comme une trahison si tu le confiais à un charmant chevalier?"

Charmant, elle était bien bonne. Il était de la pire espèce. Le point positif qu'il avait pu trouver dernièrement, était qu'il n'avait pas beaucoup rouspété. Morgane avait apaisé son esprit un temps, le temps d'un voyage et d'un bain, le temps du restant de la soirée surement. Une fois qu'elle serait partie, il reviendrait progressivement à son lui désagréable et lorsqu'il la retrouverait, il le serait tout autant. C'était un trait de caractère avec lequel elle devrait vivre et si elle n'en était pas enchantée, grand bien lui fasse, il ne changerait pour les beaux yeux de personne. Croquant un raisin, il se redressa pour retourner sur le bord du lit devant lequel il avait tiré la table.

"Mange donc avant que ça ne refroidisse!"

L'heure du départ des thermes était sonnée. J'en avais presque un petit pincement au coeur car je savais que notre séparation s'annonçait de plus en plus mais pour le moment, j'allais pouvoir profiter d'une petite soirée en sa compagnie ce qui me comblait déjà très bien. J'enfilai ma tenue de rechange : une robe rouge foncée et une veste noire. Je remis rapidement en place mes mèches blanches et fixai Orpheus dans sa nouvelle tenue. Etre habillé en noble lui allait très bien et lui donnait une élégance folle. Je lui souris juste, je n'étais pas le genre de femmes à couvrir de compliments son partenaire.

Je le fusillai du regard tout en sortant des thermes. La montagne, notre moment intime et quelques manques de sommeil des jours précédents m'avaient fatigué et alors? Je retiens l'envie qui me vint de le frapper qu'il s'estime heureux. Mais il me détendit par ses dires. J'éclatais de rire joyeusement et passai ma main au creux de son coude.

"Je t'ai dis que je ne serais jamais ta servante. Les menottes, je ne suis pas contre, cela peut être excitant si c'est bien utilisé mais oublies de me voir en tenue de soubrette, cela ne me va pas au teint."

Je lui dédicaçais un sourire jovial et me mis en route tout en réfléchissant. Je décidai de le taquiner un peu au sujet du château, il pouvait très bien m'envoyer une pique en retour sur mon QG, cela ne me dérangeait pas :

"Donc ta chambre possède quatre murs, une porte et un lit "commun", je note... J'aurais espéré des tentures de soie et un tapis moelleux au pied, tant pis, je saurais quoi t'offrir quand je viendrais te rendre visite. Cela changera du classicisme des fleurs à apporter quand on rend visite à un de ses proches."

J'avais hate de le revoir alors qu'on n'était pas encore séparés. C'était incroyable de voir à quel point il m'était devenu indispensable en peu de temps. Il avait du me faire boire un filtre pour m'ensorceler dans les montagnes, je ne voyais que cela.

Nous allâmes tranquillement en direction de l'auberge. Le chemin ne fut pas bien long vu que les thermes en étaient assez proches. Nous profitions de l'air ambiant en silence, serrés l'un contre l'autre me dégoulinant pas de niaiserie comme d'autres couples pouvaient le faire. Nous étions à part avec deux caractères bien trempés mais nous éprouvions une affection et une attirance l'un pour l'autre c'était indéniable.

Nous primes rapidement une chambre. En bon gentleman, Orpheus fit livrer un repas comme cela, nous restions en tête à tête, c'était parfait. Je le surveillai discrètement quand la serveuse arriva les bras chargés de mets. Elle était quelconque mais sait on jamais, il pouvait très bien tenter de tester ma jalousie donc je me préparais. Je le regardais s'allonger tel un pacha sur le lit. J'enlevais ma veste et prit une assiette et m'assit finalement à côté de lui. Je l'écoutais avec soin et répondis calmement :

"Tu dois aller où exactement? Faut mieux que je le sache si tu veux que je vienne te sauver les fesses en cas de trop grande présence de danger. Beaucoup de rôdeurs vont tenter de te déposséder si tu restes comme cela."

Je le taquinai mais je mettais aussi en avant que ma cité n'était pas la plus rose de Nelberaid. Je ne voulais pas le voir blessé. Si cela devait arriver, je ne trouverais pas de repos tant que je n'aurais pas tué ceux qui avaient osé s'en prendre à lui. Je n'osais pas l'interroger sur Integral, j'avais bien compris dans le théatre que ce sujet était tabou. Il m'en dirait plus de lui même. J'espérais juste qu'il me rende visite au passage.

"Oh, je n'ai pas de tabou. Tu as su me prouver que je pouvais te faire confiance donc je vais te le dire. De toute façon, si je réussis, les rumeurs te l'apprendront donc il faut mieux que tu le saches de ma bouche, non?"

Je posais mon assiette et je le fixais dans les yeux alors qu'il se redressai. Je posais ma main sur sa joue et murmurai :

"Je vais passer mon test pour devenir archimage. Du coup, je vais devenir plus dangereuse pour les tiens... et pour les gardes... Tu vas vraiment avoir des soucis pour les empêcher de me mettre en prison."

J'éclatais de rire. J'avais envie de l'embrasser mais je résistais à cette envie. Mon estomac passait en priorité et mon preux chevalier me le rappela gentiment à l'ordre. Je repris mon assiette et en mangeai une bouchée. C'était super bon. Je pris une seconde bouchée sauf que je la lui tendis naturellement :

"Gouttes moi cela! C'est super bon! Par contre, tu es sûr que l'aubergiste ne va pas tenter de m'empoisonner?"

Comme ils étaient, personne n'imaginerait qu'ils venaient de sortir d'une aventure qui avait failli faire deux morts. Au contraire, ils avaient l'air d'un simple couple élégant, l'un avec des habits volés, l'autre avec une robe de la couleur de la séduction. D'ailleurs, avec ces apparats, on aurait pu penser qu'ils allaient jeter leur dévolu sur une auberge encore mieux lotie. Au lieu de ça, Orpheus avait préféré le chardon ardent qui suffisait déjà bien. Ils n'avaient pas besoin de gaspiller de l'argent inutilement dans le luxe. Tant qu'il y avait de la nourriture, un lit, de l'eau pour se laver et encore, ils sortaient tout juste des thermes qui avaient été particulièrement revigorantes.

Dans l'escalier, le chevalier avait laissé passer le mage noir avant simplement pour constater de ses jolies fesses, un petit plaisir qu'il se réservait silencieusement sans rien laisser paraitre. Le chevalier n'était pas censé être un charmeur, un beau parleur, un type qui charmerait n'importe qui à la moindre occasion. Tout ce qu'il pensait, il le gardait pour lui tout simplement. Le fait que Morgane était une élégante femme, il le gardait également pour lui parce qu'il savait qu'elle était à lui d'une certaine manière. Ce n'est pas pour autant qu'il était aux petits soins à lui demander si elle avait mal aux pieds après le voyage. Au lieu de ça, il s'était moqué d'elle et en retour, elle s'était moquée de la chambre du château qu'il vantait tant. Juste de retour des choses.

La nourriture arrivait dans leur chambre, ils étaient tranquillement installés dans sur le lit. C'est là qu'Orpheus confia à Morgane qu'il avait l'intention de se rendre à Maléficium dans peu de temps. Sans elle, sans personne, ça ne regardait que lui. Ah, si il savait à quel point les choses ne se dérouleraient pas comme prévu… Au lieu d'être seul, il allait se taper trois autres alliés qui finalement n'auraient pas été de trop doit-on dire.

"La cité interdite. Je dois trouver quelque chose là-bas, quelque chose à propos de … 'lui'."

Celui dont il prononçait le nom si il le voulait mais que personne ne devait prononcer devant lui sous peine de se retrouver face à un fou furieux. Calmer cette colère ne ferait pas de mal, cette haine devenait beaucoup trop gratuite et il se faisait du mal tout comme il faisait du mal dans son entourage. Fort heureusement, Morgane réussissait à tenir sa langue à propos du chevalier blanc même si elle avait surement des questionnements. Un sourire éclaira son visage. Des dangers dans ces terres, et alors? Son visage se tourna vers celui de la femme.

"Il y a des rôdeurs? Qu'est-ce que je suis effrayé! Sérieusement, en quoi est-ce que cela changera quoique ce soit? Tu sais bien que si je veux aller quelque part, peu importe ce qu'il y a en face de moi, j'y arriverai, quitte à sacrifier la moitié de Nel Beraid pour y parvenir."

Fort possible que cela soit exagéré mais ce n'était pas si loin de la réalité. Orpheus l'avait déjà montré lors de la journée du théâtre. Pour réussir sa mission, il était prêt à tout, jusqu'à torturer des individus bien que ce ne soit pas exactement dans le code de conduite de la chevalerie. Ce genre d'atrocités était réservée à ceux qui en faisaient leur métier dans les geôles ou bien par ceux que cotoie surement Morgane. Ce bout de femme n'était pas une sainte, elle était très dangereuse et sadique dans le fond et à la surface. La réponse à sa question arriva rapidement. Pour une fois, Orpheus afficha sa surprise ouvertement.

"C'est que tu vas devenir encore plus difficile à attraper! Je vais peut-être devoir mettre mon grain de sel pour espérer t'envoyer derrière des barreaux la prochaine fois."

Et il ne pensait pas si bien dire, encore ignorant des circonstances de la rencontre qui aurait lieu beaucoup plus tard. Les petites confessions terminées, le chevalier ouvrit la bouche pour avaler ce que la drow lui tendait. Pas mauvais. Il y avait un arrière gout de curry et d'autres épices sur la viande, délicieux.

"Après avoir mangé la moitié de ton assiette et de m'en avoir donné, tu vas commencer à te demander si il y avait du poison ou non? Je pense que si il y en avait, il ferait déjà effet sur toi. Nous serons donc deux à avoir une mort totalement pitoyable!"

Ces inquiétudes étaient infondées. Ils avaient bien payé l'imbécile d'aubergiste alors à quoi bon les tuer? Il n'avait pas l'air de les connaitre mais s'était plié en révérences en pensant qu'il avait honneur à des bourgeois en voyage peut-être. Aillant terminé sa grappe de raisin, Orpheus lança le déchet sur la table puis tira son épée en s'abandonnant à sa contemplation. La lune éclairait leur lit et on avait oublié d'apporter une bougie. Là, sous cette lueur, la lame blanche était tellement magnifique et tellement ignoble à la fois.

"On raconte que l'ancêtre nous a laissé cette arme avant de partir dans un voyage sans retour. C'est une arme magnifique n'est-ce pas? Elle semble si pure et pourtant, elle retire des vies… Il y a également ça qui est intéressant, ce rubis qui est incrusté dans sa garde. On raconte qu'il était habité d'un esprit et que ce dernier aurait accompagné Integral pendant des années."

Il détestait en parler mais en parlait quand même. Il détestait lui courir après, Orpheus accélérait le pas derrière son ombre. En disant tout cela, il n'attendait pas réellement de réponses de la part de Morgane finalement la laissant tout de même partager une petite partie de ses pensées. Elle était la seule à qui il pouvait s'ouvrir brièvement sans aucune crainte après tout. Finalement, il rangea son arme et posa le fourreau à côté du lit avant de se tourner vers Morgane, l'air tout à fait sérieux.

"Nous jouons à un jeu très dangereux tu sais. Si jamais je te croise et que tu es avec tes amis, tu seras forcée de m'attaquer. Si jamais un jour cela arrive, ne te retient pas parce que je prendrais ça comme une insulte. Car si jamais je te trouve et que des chevaliers m'entourent, je ne te ferai pas l'affront d'être doux à ton égard."

Un guerrier garde sa ligne de conduite en toute circonstance. Les sentiments sont alors mis de côté. Les affaires personnelles, ne peuvent prendre le dessus sur certaines obligations. Le chevalier voulait s'assurer que ce détail était bien clair pour qu'elle ne lui en veuille pas si jamais le pire arrivait. D'un coup, il poussa par terre l'assiette vide que tenait la drow sans la briser par chance et fit prisonnières ses lèvres par les siennes pour un long moment. Tout bas, il murmura:

"La nuit est courte Morgane Evans."

"Tu verras, c'est pas mal."

J'avais parlé de la cité interdite comme s'il venait de m'annoncer qu'il prévoyait de partir en direction de l'océan aux milles lumières. J'essayais de ne pas montrer d'inquiétude, ni trop d'empressement. Car évidemment, je me demandais bien pourquoi il devait aller là bas pour avoir des informations sur son ailleul? Ma mère n'y était pas allée avec lui sur place. Non, elle y était allée uniquement avec une certaine Poucette si mes souvenirs sont bons. Mais je ne connaissais pas tout sur elle donc tout était possible.

Je continuais donc à manger comme si de rien était. Il se moqua de mon avertissement sur les rôdeurs. Pourquoi ce statut était-il si peu estimé en comparaison de ce que cela avait été par le passé pour les ombres? Je ne les aimais pas et je les jugeais responsable de la mort de ma mère adorée. Néanmoins, je m'en méfiais. C'était certes des voleurs mais aussi des assassins.

"Oh je ne cherche pas à te dissuader de faire quoi ce que soit Orpheus. Je te dis juste de ne pas sous-estimer mon pays. Je n'ai pas envie de te voir décédé c'est tout même si tu ferais un merveilleux cadavre entre mes doigts."

Lui signifier mon inquiétude de manière voilée ainsi que mon attachement tout en revenant des choses qui me ressemblaient plus comme le cynisme. S'il devait lui arriver quoi que ce soit, sur Malificium ou ailleurs et que je l'apprenais, Nelberaid serait alors saigné à feu et à sang tant que je n'aurais pas apaisé ma peine et ma vengeance. Ma famille était réputée pour être sanguine quand on faisait mal à ceux qu'on estimait : amis, amants ou amour, je ne dérogeais pas à la règle. J'avais apprécié notre balade dans les montagnes et encore plus notre moment intime, rien ne devait donc m'empêcher de le revoir.

"Si cela veut dire que je sois ta captive dans ta chambre au château, je peux éventuellement y réfléchir."

J'eus un regard taquin. Aucune prison ne serait efficace contre moi. Cela avait toujours été ainsi pour les Evans et pour les Steel. Il perdait son temps. Je lui donnais à manger et pris à mon tour une bouchée. Il marqua un point. Je souris juste. Je finis mon assiette et la mis sur le lit. Je fixais à mon tour l'arme qu'il venait de sortir. Elle était magnifique. Je ne la touchai pas par respect pour lui.

"Ma mère m'a parlé de ce rubis."

S'il voulait en savoir plus, c'était à lui de me questionner. Je savais le sujet tabou. Je donnai juste des informations à lui de savoir s'il souhaitait en profiter ou non. Je savais par exemple qu'une certaine Melyanna avait été là le jour où le rubis était entré dans les chairs du chevalier et que ma mère avait toujours voulu lui arracher la vie à cause de cela. Je connaissais aussi le pouvoir qu'il possédait et je me demandais s'il était éteint... ou juste en sommeil... attendant que mon compagnon soit suffisamment prêt pour le posséder.

Il rangea son arme. Le sujet était donc clos. Je plongeai dans son regard avec un ravissement certain et l'écoutais avec soin. Je frémis à ses dires. Etait-ce juste un jeu? Non. Nous le savions mais nous étions trop fiers pour nous l'avouer. J'hochai la tête à ses dires et vins lui caresser la joue, mes doigts allèrent jusqu'à ses lèvres et je murmurai :

"Je te le promets."

Pas besoin d'en dire plus. L'idée de l'affronter me déplaisait grandement mais nous ne pouvions pas nous permettre que cela se sache dans nos deux camps respectifs. Je le blesserais oui mais jamais je ne le tuerais. Le savait-il? Avait-il confiance complètement en moi? Redoutait-il mes poisons? Quoi qu'il en était, penser à un avenir si sombre n'était pas la priorité. Nous devions penser à un instant plus doux et le mettre en pratique. Notre baiser fut long, divin et éloigna un peu notre séparation pour l'instant.

"Oh oui, bien trop courte."

Je l'attirai à moi afin que son corps repose sur le mien. Ma main vint se poser sur sa nuque, se mélanger à ses cheveux alors que mon autre main s'infiltrait dans sa tunique. Nos lèvres étaient unies dans un baiser passionné. Dans les thermes, un avant gout du paradis avait été découvert, nous voulions en gouter une autre part pour ne jamais nous oublier.

Morgane le mettait en garde contre les dangers de Maléficium, il lui répliquait que rien ne pourrait l'arrêter. Cette réaction aurait pu paraitre hautaine venant de n'importe qui mais lorsqu'on connait Orpheus, on sait bien que son égo est déjà bien gonflé et que la peur est loin d'être dans son vocabulaire. Rien à voir avec un chevalier blanc qui allait retrouver les jupes de sa mère adoptive lorsqu'il voyait un spectre en face de lui. Le blondinet n'en avait jamais vu et avait la certitude que le moment venu, il ne serait pas aussi faible. Cette génération de Neiphereum serait la plus forte, il serait plus haut qu'Integral. Ce que le chevalier n'avait pas encore appris, c'était le respect des autres, le respect et la sympathie qui avait permis à Integral de s'entourer d'amis venant de tous les horizons. A chacun sa route après tout et la sienne serait tout aussi semée d'embuche que celle de son prédécesseur, à la différence près qu'il ne se ferait jamais manipuler par une érissienne, ni par qui que ce soit. Avec de l'amusement dans la voix et un sourcil levé, il demanda le plus naturellement du monde:

"Et tu coucherais avec mon merveilleux cadavre?"

Que de charmantes perpectives que voilà. Il n'avait pas oublié ceux qu'elle utilisait régulièrement pour combattre, ils n'étaient pas ce qu'on pourrait appeler des beautés. Toutes ces bêtises passées, Orpheus redevenait sérieux. Morgane connaissait son histoire ou une partie de ce que lui avait raconté sa mère. Elle savait de quoi il parlait lorsqu'il parlait d'Integral ce qui la rendait unique en ce monde car avec aucun autre descendant il n'avait pu parler jusqu'à ce jour. Comme si on allait se vanter ouvertement dans la rue de ses origines de toute façon.

"Un rubis maléfique, un rubis avec la chaleur du soleil. Plein de problèmes et de douleur en perspective. Pourtant, il a parfaitement vécu avec et a réussi à s'en séparer par on ne sait quel miracle."

L'histoire disait qu'elle était solidement soudée à la paume de sa main. Le mystère sur cette pierre précieuse restait entier. D'ailleurs, il était possible qu'il ne soit pas étrangé à ses excès de colère, cette force qui s'insufflait en lui lors des rages les plus sombres. Jusqu'à présent, rien n'avait été prouvé à part un bref éclat en son centre au moment où le phénomène se produisait. Orpheus n'allait pas se mettre en colère exprès juste pour vérifier la véracité de ces propos. En temps et en heure, tout serait probablement expliqué. Au bout de sa recherche, il aurait peut-être toutes les réponses dont il avait besoin pour comprendre les secrets de ce monde et ceux qui l'évitaient autour du chevalier blanc.

Pour finir sur un dernier sujet qu'il tenait à préciser, Orpheus faisait comprendre à Morgane qu'ensemble, ils étaient ce qu'ils désiraient être. Par contre en public et en présence des leurs, ils étaient de parfaits étrangers. Ce ne serait pas un combat comme l'histoire d'une autre ère, Romeo et Juliette. Le chevalier ne se suiciderait pas pour vivre avec elle, il ne combattrait pas les chevaliers pour pouvoir partager sa couche loin de là.

"Enfin, je ne parle que d'une éventualité…"

La suite de la nuit, on la laissera au plaisir des deux jeunes gens qui n'avaient pas le temps pour eux. Le temps est précieux, le moindre moment également et à l'aurore, les chemins se séparaient précédé d'une brève étreinte, un long regard, puis plus rien. En partant de son côté, Orpheus ne regarda pas en arrière, il restait droit, fier, allant toujours de l'avant en se demandant ce que le futur lui réservait.

Au château, on l'accueillit… mal. Un sale chevalier rebelle qui se prend des vacances sans aucune raison. Il était bien un Neiphereum après tout, on lui disait ça, et il répondait d'un sourire énigmatique, cachant le bracelet qu'il avait dans la manche de l'habit de riche qu'il s'était dégotté. Personne ne nota ce détail d'ailleurs tant ils étaient furieux qu'il ne prenne ses responsabilités plus à coeur. Et après ça, il repartirait pour la cité interdite, ignorant totalement les précédentes remarques et ne suivant qu'une seule loi: la sienne.

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