"Et toi Orpheus, une chérie en vue?"
"Regarde devant toi quand tu marches"

Cinq chevaliers marchaient dans les rues de Bénécius. Tous, l'air fier, l'armure brillante, tous, sauf un parmi eux. Ce dernier n'avait pas d'armure, il n'était qu'en vêtement simple de bourgeois, léger, lui donnant l'apparence presque frêle à côté de tous. Et pourtant, des cinq, il était surement le plus doué à l'épée. Cette petite patrouille, Orpheus avait été obligé de la mener. Ses actions pour les chevaliers se comptaient sur les doigts de la main alors on lui avait dit qu'il était nécessaire qu'il s'investisse. Ce n'est donc pas de bonne grâce qu'il accompagnait ces joyeux lurons qui faisaient la cour à n'importe quelle jolie fille qui passait. Ils se pensaient si malin juste parce qu'ils avaient une armure et un casque. Cependant, ils étaient tellement idiot que les gens préféraient les éviter. Ils étaient bien beau les chevaliers qui étaient censés faire des rondes. Ils s'occupaient tout, sauf de la sécurité, cherchaient des noises à ceux dont la tête ne leur revenait pas et si il n'y avait pas Orpheus pour plomber l'ambiance, ils seraient encore bien pire.

Ce dernier était avec des "amis". Disons plutôt avec les gens qu'il avait le malheur de fréquenter le plus parmi les hommes en armure. Du coup, ils avaient insisté en sachant que le blondinet allait venir, pour l'associer à leur petite troupe de joyeux lurons. A les voir, on pourrait croire que n'importe qui peut rejoindre les rangs. Au fond, ce ne sont pas des mauvais bougres. Ils étaient juste un peu trop bruyant au gout d'Orpheus.

Les voilà à déambuler dans le marché, la main fièrement posée sur leur ceinture et en saluant les marchands comme si ils les connaissaient alors que ce n'était pas le cas. Orpheus quant à lui, en saluait deux ou trois d'un geste de tête, deux trois à qui il avait déjà rendu service et qui lui faisaient confiance pour tenir en bride ces déchainés. Ils étaient tellement joyeux qu'il ne se sentait pas l'âme de les faire taire sans arrêt non plus. Au fond, ça lui faisait du bien de voir du monde et de ne pas avoir de pensées pour une certaine mage noir. Cette dernière n'avait pas donné de nouvelles dernièrement et contrairement à ce qu'elle prétendait, rien ne lui était parvenu. Orpheus ne s'en était pas inquiété, si ils se recroisaient, cela arriverait que ce soit dans deux jours ou dans dix ans qui sait. Le monde est si vaste et à la fois si petit alors il espérait au fond avoir un peu de chance, juste pour cette fois-ci.

Là où tout commença à se chambouler, était au moment où l'un du groupe, l'idiot d'Aubin qui avait précédemment demandé à Orpheus si il était intéressé par une personne en particulier, remarqua un joli bout de femme vêtue d'une robe blanche et d'un gilet gris. Il y a cette sensation inexplicables quelques fois, une sensation qui faisait que lorsqu'on voyait une personne de dos, par sa posture, sa démarche, elle nous semblait déjà belle à regarder. C'était le cas de celle-ci. Même Orpheus peinait à admettre qu'elle semblait avoir un petit quelque chose. L'autre chevalier la désignait déjà du doigt avec un grand sourire et l'excitation montait au sein du groupe. Particulièrement louche, ils tirèrent à la courte paille pour voir qui aurait la chance ou la malchance d'aller l'aborder. Ce fut à nouveau Aubin et sa grande gueule qui fut désigné pour cette mission. Fièrement, il s'avança proche de l'étalage d'arme et fit semblant d'être intéressé.

"Je dois bien admettre que je suis étonné qu'une si jolie femme telle que vous soit intéressée par les armes…"

Déjà, il la dévisageait du regard et son sourire de charmeur semblait se modifier. La femme le regardait, pas forcément à l'aise et ce n'est que lorsqu'elle tourna le visage qu'Orpheus crut que le monde venait de s'arrêter. Leur regard se croisa un bref instant avant qu'Aubin ne dégaine son arme les traits tirés par la colère.

"Avec moi mes frères! Je la reconnaitrais entre mille, cette garce qui a tué mon frère et ma soeur! Attrapez la qu'on la traine au château pour lui faire payer!"

D'un même bloc, les trois autres chevaliers venaient entourer la femme, procéder à une arrestation aussi musclée n'était pas dans leurs habitudes mais Aubin qui n'était jamais sérieux, l'était aujourd'hui et cela signifiait que c'était un cas d'extrême urgence. Passé le moment de surprise en la voyant, Orpheus avait repris une expression neutre en venant compléter les rangs et en tirant sa lame blanche immaculée à son tour et en employant la formule habituelle d'un ton désinvolte et intéressé.

"Opposez une résistance et vous aurez la chevalerie contre vous. Rendez-vous sans faire d'histoire et votre sentence sera peut-être allégée."

Allégée tu parles. Mettre la main sur une Evans serait beaucoup trop beau. Ils chériraient ce prisonnier et en profiteraient pour lui faire cracher le morceau sur les plans des mages noires par exemple. Orpheus savait dors et déjà qu'on ne vendrait pas la peau de l'ours aussi facilement. Morgane préparait déjà un plan pour les combattre, il la sentait plus puissante que la dernière fois malgré le nombre qui l'entourait. Comme promis, il lui donnerait tout ce qu'il avait dans les tripes. Trop de monde regardait, il ne pouvait pas la sauver d'une quelconque manière présentement.

[Pas pu résister au final]

Le marchand s'extasiait de plus en plus alors que je l'écoutais de moins en moins. Je ne fis pas gaffe à la troupe de chevaliers qui s'approchait de moi. J'étais perdue dans mes pensées. Cette dague me rappelait celle que j'avais volé dans un certain théatre. Et du coup, mes pensées étaient revenues rejoindre un paladin que mon coeur avait enfermé.

Je n'avais pas eu de ses nouvelles. Je présumais donc qu'à Malificium, il s'en était sorti. J'avais patrouillé près de la cité interdite juste par précaution et aussi parce que là bas poussaient les baies délicates qui me servaient pour mes poisons paralysants. Bon, j'en avais encore pas mal en stock mais j'aurais eu une excuse si je l'avais croisé. Ce ne fut pas le cas et aucun rôdeur ou aigrefin ou nécromancien ne se vanta d'avoir trucider un blondinet à cet endroit donc j'étais quelque peu rassurée.

On me parla. Je jetais un regard négligeant vers le malotru qui osa d'une part rompre mes pensées mais surtout me draguer. Il croyait sincèrement que je pourrais être intéressée par un bénéfique? Je soupirai. Ah oui, il était vrai que je portais du blanc. D'une voix neutre, je minaudai :

"Il faut savoir se protéger ces derniers temps."

Mais la réaction du chevalier me choqua. Il me reconnut aussitôt. Il faut dire que mes cheveux, mes yeux et ma beauté étaient très réputés. J'eus une moue de fausse compassion ainsi donc il appartenait à la famille de mes victimes... Je ne voyais pas laquelle mais je gardais cela pour une moi. Un attroupement de chevaliers se fit autour de moi... Vraiment aucun courage.

"Suis-je si dangereuse pour que vous me combattiez tous d'un coup? Je n'ai rien fait... Pourquoi donc m'interpeller? Vous avez dû me prendre pour ma jumelle..."

J'étais entrain de rater ma mission et cela m'agaça. Je sentis alors un regard tant aimé se poser sur moi. Mon regard plongea dans le sien discrètement. J'étais désolée de ce qu'il allait advenir mais je ne pouvais pas rompre la promesse que je lui avais faite. Je fermais les yeux quelques secondes écoutant ses dires dans un frémissement :

"Attaquer une femme de mon rang est un pur suicide. Vous n'êtes rien. Vous êtes tellement stupides... Votre acte ne sera pas sans conséquence."

Mes fils brillèrent dans l'atmosphère. Je me baissai vivement et fauchai les jambes du fameux Aubin qui fou de rage avait oublié de maintenir sa garde. Un zombie apparut derrière moi et s'occupa d'un autre paladin. Mes fils encerclèrent brièvement un bras armé sur ma droite. Je passais derrière lui souplement et lui envoyai une boule d'électricité (cadeau d'archimage) dans la nuque. Il fut assommé. Aubin s'était relevé, Orpheus me faisait face. Je n'avais pas le choix. Mes fils vinrent l'attaquer. Son épée me dévia mais je n'avais pas dit mon dernier mot. Un zombie apparut entre lui et moi alors que j'ouvrais une fiole.

"Vous ne m'attraperez pas."

Je soufflais sur la fiole et un poison soporifique partit dans l'air en direction de mon compagnon et de son idiot de partenaire. Je me mis ensuite à courir en direction d'une ruelle... Tant pis pour mes zombies, j'en avais d'autres en stock... Une course poursuite aurait lieu... J'étais quasi certaine qu'il n'y aurait qu'Orpheus et un seul de ses compagnons de disponible... Mes deux morts vivants avaient blessé leurs adversaires et Aubin avait avalé une bonne bouffée de poison...

Orpheus l'avait dit. Cette patrouille, il ne la sentait pas. Déjà, c'était une perte de temps parce que les incidents à Bénécius se comptaient sur les doigts de la main. Deuxièmement, les chevaliers qui composaient son groupe ne faisaient pas partis des plus compétents qui soient alors face à une menace, ils seraient comme n'importe quel garde, de la chair à canon, les premiers à mourir. Au moment où Aubin allait aborder la femme, quelque chose lui disait que cette prise de contact allait dégénérer. Les femmes n'aimaient pas qu'on les aborde en se montrant trop insistant ou collant. En général, les hommes de pouvoir se pensent tout permis et rien n'est censé résister à leur charme dévastateur. Tout le contraire. Seules les femmes faciles aimaient être abordé de la sorte parce qu'elles se sentent désirées ou pour une obscure autre raison qu'Orpheus ignorait.

En tout cas, aussitôt que la femme répondit à Aubin, qu'un mauvais pressentiment naquit en lui. Cette voix était connue, pour l'avoir fréquenté assez longtemps, pour l'avoir écouté avec ravissement, il ne pouvait pas se tromper. Surtout qu'Aubin non plus ne semblait pas l'avoir oublié, parce qu'elle lui avait laissé un fort mauvais souvenir visiblement. Lui Aubin qui était toujours à déblatérer des idioties, était hors de lui. Pour s'assurer qu'elle ne s'enfuirait pas, les chevaliers l'entourèrent. Si elle était dangereuse? Orpheus se garda de faire remarquer qu'elle était bien plus dangereuse que qui que ce soit dans cette place de marché. Feignant de ne pas la connaitre, il conserva une attitude neutre et lui proposa sans y croire de se laisser faire sans opposer de résistance.

"Ainsi c'est la voie de la douleur que vous choisissez. Qu'il en soit ainsi."

Morgane se mit soudain en action, prenant cet idiot d'Aubin au dépourvu, si bien qu'il s'étala les quatre fers en l'air comme un idiot dans un petit cri de surprise. Le mage noir agissait vite et précisément, comme un assassin diraient certain. Un autre était assommé, et un autre était occupé par un zombie. Même Orpheus dut dévier les fils qui étaient lancés dans sa direction. Son regard s'enflamma. Il ne souriait pas ouvertement mais ses yeux exprimaient la satisfaction. Elle n'avait pas failli à sa promesse, l'avait attaqué sans hésitation. Tant qu'elle parviendrait à faire ça, elle ne serait pas esclave des sentiments et resterait forte en toute circonstance, même face à lui.

"Resaisissez-vous, elle est seule et nous sommes cinq, à quoi vous jouez?

Une fiole éclata soudain sur le sol, répandant une fumée que le chevalier devinait toxique. D'un coup de pied, il dégagea le chevalier qui était à portée pour qu'il n'inhale pas cet air dangereux. A toute allure, Orpheus trancha un des morts vivants qui s'acharnait sur un des chevaliers qui étaient en train de s'endormir tout en souffrant. Et puis il tira Aubin de là, trop tard puisqu'il s'était également endormi. Maudit soit-elle. Celui que le blondinet avait pu sauver était de nouveau parti à la suite de la femme en alertant un ou deux gardes à disposition, tout autant en train de faire les tirs au flanc dans leur coin. Les armures remplaçaient ceux qui étaient endormis ou mort. A dire vrai, Orpheus se demandait si la fiole contenait du poison de mort, ou un simple sort de sommeil.

Orpheus accéléra le pas en prenant la rue en parallèle à celle que la fuyarde avait pris. Personne ne lui fausserait compagnie dans une des rues de Bénécius. Lui y avait vécu depuis sa naissance tandis que pour elle, certains passages devaient être étranges. Ainsi, il connaissait tous les petits raccourcis à prendre pour cerner un fugitif. Le blondinet donna rapidement les directives puisqu'il était le seul à ne pas perdre ses moyens en situation. De plus, il déployait d'autant plus de moyen pour attraper Morgane. Pourquoi donc? Il devrait lui faciliter la tâche pour pouvoir fuir alors pourquoi est-ce qu'il voulait à ce point l'attraper? Pour lui prouver qu'il n'hésiterait pas une seconde devant elle? Parce qu'il voulait lui prouver qu'il ne serait pas clément à son égard, quand bien même les sentiments personnels étaient en train de mettre en doute n'importe laquelle de ses actions.

Grâce à son agilité accrue, il se retrouva à l'entrée opposée de la ruelle tandis que les autres chevaliers la prenaient à revers. Sans ralentir, il fonça à l'intérieur pour tomber nez à nez sur la femme devant laquelle il fit jaillir des pics du sol. Si elle ne ralentissait pas, elle se ferait embrocher, ni plus ni moins. Pour l'instant, ils étaient encore seuls, mais les autres arriveraient d'ici cinq secondes. Le chevalier s'autorisa un petit sourire à son adresse:

"Vous semblez pressée mademoiselle?"

Aussitôt le premier garde ou chevalier dans son champ de vision, qu'il bondissait en direction de Morgane en laissant s'effondrer les pics sur son passage puisqu'il n'en avait plus besoin. Son épée au clair il était prêt à la blesser, à porter atteinte à sa sécurité. Sa main ne tremblait pas, des yeux étaient posés sur le descendant du chevalier blanc, il ne faillirait pas.

Bon, c'était bien beau de courir mais je ne connaissais pas cette cité, par conséquent, je savais très bien que c'était un peu une fuite désespérée. Sauf si les chevaliers abandonnaient dès ce premier acte, si c'était le cas, l'estime que j'avais pour cet ordre baisserait considérablement et d'autant plus pour Orpheus.

Ah qu'il avait été plaisant de l'entrapercevoir, il jouait parfaitement son rôle comme il me l'avait promis. Bien, au moins, les choses étaient claires. Lors de la prochaine guerre, nous serions ennemis. Nous ne serions pas comme ma mère et son ailleul, nous ne refuserons pas le combat sous prétexte qu'on avait de la sympathie (et dans notre cas, bien plus) envers l'autre. J'avais du résister à une envie folle de l'embrasser, il était si sexy en jouant les "méchants". Dommage qu'il n'aime pas la couleur noire, j'étais certaine qu'elle lui irait à merveille.

Je tournais sur ma droite, la ruelle étant moins fréquentée et ce fut là ma grave erreur. J'aurais pu m’immiscer dans une maison mais j'étais certaine que les habitants déclencheraient l'alerte et tuer des villageois ne ferait qu'aggraver la situation même si cela serait fort plaisant, je dois bien le concéder mais je ne voulais pas créer plus d'ennuis... s'il n'avait pas été là... par contre, les choses se passeraient autrement.

Des pics de terre apparurent. Il croyait sincèrement m'arrêter avec cela? Il savait pourtant que je possédais aussi ce pouvoir et avec mon niveau actuel, celui-ci s'en retrouvait amélioré. J'esquissai un sourire ironique et haussai un sourcil interrogatoire. Je ne lui parlais pas. Les murs ont des oreilles. Je ne voulais pas paraitre suspecte et là encore lui mettre des bâtons dans ses jolies jambes. Il était le premier à arriver. Je souris à ses dires et répondis simplement :

"C'est que j'ai la phobie des uniformes et encore plus quand il y aussi des armures. Vous m'avez peur alors que je ne faisais rien. Bénécius n'est plus une ville aussi accueillante quand Sir Doukas régnait à sa tête."

Je jouais mon rôle. Etait-ce parce que les autres arrivaient déjà? En tout cas, il me fonça littéralement déçu, arme droit devant. Je souris et secouai la tête légèrement. Il fallait plus de délicatesse avec moi. Je fis apparaitre un zombie. Il l'embrocha et se retrouvait donc gêné par un poids mort sur son arme. J'ouvris une nouvelle fiole et lui envoyai le contenu doré dans un souffle un sourire quelque peu désolé sur les lèvres et me retournai alors qu'il devait tituber privé de la vue pendant un peu plus d'une minute. Les autres fonçaient dans ma direction. Une palissade de roches apparut de bien trois mètres de hauteur, barrant la totalité de la route qui s'effondrait dès qu'ils tenteraient de grimper dessus.

"Essayes encore mon lapin."

Je susurrai à l'oreille d'Orpheus et partis de nouveau en courant. Le prochain acte serait surement le dernier mais je ne voulais pas lui faciliter les choses... Il fallait bien prendre un apéritif avant de se mettre à table, non?

Bénécius était leur cité, ils avaient l'avantage du terrain et du nombre mais pas de puissance. Même si Morgane s'était simplement contentée de neutraliser quelques uns de son groupe, Orpheus sentait qu'elle était bien plus habile qu'à leur dernière rencontre. En quelques secondes, elle avait pu s'enfuir, arrachant au blondinet un petit rictus agacé. Malgré tout, il n'avait pas perdu de temps, il s'était dépêché de lui courir après pour remédier à ce problème. Pendant qu'il contournait le pâté de maison, le chevalier était en proie au doute. Que temporairement bien sûr. Aussitôt face à elle, sa résolution était la même que d'habitude. A l'auberge, il ne lui avait pas caché qu'il viendrait à elle avec tout ce qu'il avait dans le corps et elle ferait de même.

Lui barrer la route temporairement le temps de laisser arriver les autres. Pour la première fois depuis ces derniers jours, ils étaient face à face. Orpheus n'était pas mécontent de la voir au fond mais son épée réclamait son due. Le blanc de la femme contrastait avec la noirceur de la magie qu'elle utilisait. Au fond, c'était une vraie beauté. Tandis qu'elle l'imaginerait bien en noir, lui trouvait que cette couleur lui donnait une certaine classe. Dommage que ce blanc risquait d'être sali par toute cette course et parce qui risquait de s'en suivre. Loin de se faire des illusions, le chevalier savait que ce ne serait pas chose aisée que de capturer ce mage noir, elle en particulier. Justement, que ce soit Morgane lui donnait d'autant plus envie de réussir, pour lui prouver qu'il était bien capable de tout, amante ou non en face de lui.

Ce n'est pas une conduite que son ancêtre aurait applaudi, ni la mère de Morgane à l'égard de sa fille. Mais la nouvelle génération avait sa manière d'agir, sa manière d'exprimer ses sentiments et c'est par la sincérité à l'état brut, celle de l'arme et de la détermination, qu'elle continuerait sur cette lancée. Orpheus faisait face à celle qui avait partagé sa couche, son amante et son ennemie d'aujourd'hui. Le rôle qu'il jouait était fait à la perfection. Pas d'indice qui montrerait qu'il la connaissait. Un spectateur extérieur ne verrait là qu'un chevalier en train de traquer une fuyarde et qui n'avait pas froid aux yeux en lui faisant front.

"Que vous n'étiez rien en train de faire tout à l'heure ne signifie pas que vous n'aviez pas l'intention de faire quelque chose. On est jamais trop prudent vous savez."

Converser avec cette jolie plante avant de lui fondre dessus, le chevalier ne lui laisserait aucun répit. Cette attaque de front pouvait sembler irréfléchie mais il avait bien l'intention de l'attraper le plus vite possible. Un assaut éclair avant qu'elle ne puisse réagir serait la meilleure solution. Cependant, encore et toujours, la femme préféra lui jeter un de ses cadavres qui s'embrocha lamentablement sur la lame blanche qui se tinta de la couleur sombre du sang coagulé. D'un coup de pied, il le dégagea rageusement de son arme, pas assez vite pour éviter une nouvelle projection aveuglante de la jolie Morgane qui en profita pour prendre la poudre d'escampette, sans se priver de lui souffler une petite provocation au passage. Orpheus se tourna et avança la main sur le mur pour se repérer, l'autre en train de frotter ses yeux pour essayer d'y voir plus clair. Avancer à l'aveuglette en essayant de sortir de la ruelle était un véritable défi. Les autres chevaliers et gardes étaient bloqués par un mur, certains contournaient déjà. Le sauvageon parmi les chevaliers, lorsqu'il eut retrouvé la vue, accéléra immédiatement le pas. Ses yeux lui faisaient encore mal après cet épisode. Morgane avait obtenu une minute d'avance et dieu sait ce qu'on peut faire en une minute.

Heureusement que sur son passage, les gens étaient encore sous le choc. Des passants arrêtés en voyant le blondinet sortir de la ruelle suivi d'autres gardes. Elle avait bousculé sur le passage un porteur de légume qu'Orpheus agressa aussitôt l'épée à la main en lui demandant par où était partie la femme en gris et blanc qui l'avait bousculé. Il ignora la flaque jaunâtre qui se forma sous lui et le dégagea aussitôt les informations obtenues. Cette fois-ci, tel un acrobate, le chevalier grimpa sur un étalage puis enchaina sur un balcon pour atteindre les toits de Bénécius. Contrairement aux bonhommes en armure, il était parfaitement mobile, parfaitement apte de poursuivre un fuyard. Cette ville était son terrain de jeu et ce n'est pas Morgane qui allait gagner aussi facilement. Surtout qu'en hauteur, il avait une vue imparable sur les rues. Quelqu'un qui a des gardes à ses trousses a deux options: prendre les rues les plus fréquentées et s'arrêter de courir pour marcher comme si de rien était et se fondre dans la foule, ou bien courir vers les rues les plus étroites et moins fréquentées pour se trouver une sortie de secours.

Orpheus n'avait pas un sonar dans la tête mais l'instinct d'un prédateur. Fuir le plus loin possible de Bénécius, fuir par une porte la moins gardée par exemple, là où les gardes ne seraient peut-être pas encore informés. La cité avait plusieurs portes et la porte par laquelle il était le plus facile de faire passer tout ce qu'on voulait d'illégal était celle de l'Est. Par chance, il était dans l'axe. La vitesse accrue poussée au maximum, le chevalier donna rapidement les directives, persuadé que c'était à cette porte qu'il attraperait Morgane. En arrivant au niveau de la porte, il fit un bon phénoménal du toit pour s'écraser dans un tas de foin, en continuant dans son élan à rouler sur plusieurs mètres en se faisant particulièrement mal sur les pavés du sol. Décoiffé par cette chute peu contrôlée et par la course haletante, le chevalier se redressait en attendant que la femme n'arrive enfin, à moins qu'elle ne soit déjà là et qu'elle n'avait raté une miette de cette chute mémorable.

Je pris la fuite. Je savais qu'il n'avait rien. Oh, il serait surement furieux de ce subterfuge. Qui ne le serait pas? Mais il m'avait demandé de lui rendre les choses difficiles si nous devions nous affronter, cela serait donc le cas. Déjà que j'étais seule face à une troupe de chevaliers, il ne fallait pas non plus qu'il espère que je sois fair play et puis c'est bien là la réputation des mages noirs, non?

Je souris doucement et dans ma course, je percutai un vendeur de légume. Ma robe fut salie de rouge, de rage, l'homme se prit une décharge électrique qui le marquerait à vie. Les autres villageois s'éloignèrent surtout lorsqu'apparut un de mes zombies. Gentil garde du corps moribond par excellence.

Partir dans les zones isolées serait la meilleure solution. Je ne connaissais qu'une porte de sortie de la cité, celle que j'avais prise donc il était logique que je l'emprunte mais avant, je devais me "changer" car ainsi, je devenais bien trop visible. J'entrais chez un tailleur. Le magasin était vide. L'homme devait faire parti des badauds qui étaient dans les rues alertés par tout le boucan que faisaient les paladins sans Orpheus.

J'attrapai une robe rose clair. Je ne portais jamais cette couleur. Je passais un foulard rose également dans mes cheveux et sortis du magasin laissant ma robe écru et mon gilet gris. Je passais par la porte arrière et empruntait une route parallèle de celle prise par les chevaliers qui questionnaient à tout va les passants. Je les trouvais pitoyable. Mais ce n'était pas eux que je craignais mais bien mon compagnon. Je marchais vite sauf quand j'arrivais à un croisement pour me faire oublier. Je me cachais rapidement derrière une roulotte quand je tombais à moins de trois mètres d'Aubin mais il ne me vit pas... il cherchait trop ce que j'avais été...

Je finis par arriver sur la place qui menait à la sortie. Alors que j'allais passer la porte, mon partenaire atterrit à mes pieds. Sa chute me fit trembler mais je ne fis rien apparaitre. Je marchais vers lui et murmurai d'une voix douce :

"D'autres auraient abandonné depuis longtemps. Je dois admettre que cette petite course m'aura ouvert l'appétit. J'espère que dans votre prison, vous avez des bons repas sous peine que je vous accuse de maltraitance. Mais il faut d'abord que vous m'attrapiez."

Un zombie apparut sur ma gauche. Mon bracelet argenté monté d'une obsidienne brillait à la lumière. Je souris doucement. Les autres chevaliers arrivaient tel des bênets essoufflés. Ils voulaient ma peau mais ne la méritaient pas.

"Je ne rendrais mes armes qu'à une seule personne. Celui qui s'est montré bien au dessus. Le sans armure! Toi... J'ai tué ta famille et je t'ai raté. Si tu approches, je t'égorge. Ta stupidité salit cette cité. Approches et tu décèdes. Donc soit je l'affronte, soit vous mourrez tous. Votre choix?"

Un combat d'égo était entrain de naitre. Je me moquais de tuer quelques paladins. Je voulais juste m'amuser.

Cette Morgane était en train de montrer la vraie couleur de la chevalerie. Sur dix, un seul était réellement apte à suivre le rythme. Et seul, il n'était pas vraiment capable de l'encercler, question de logique. Alors Orpheus était obligé d'attendre que les balourds, lent de chez lent avec leurs armures inutiles, ne débarquent pour assister à une nouvelle fuite du mage noir, tandis que ses yeux étaient pris dans on ne sait quoi qui était sacrément désagréable. La femme fuyait comme si elle avait le diable à ses trousses, ce n'était pas si faux vu l'état du blondinet qui n'allait pas tarder à s'énerver. La poursuite était un jeu entre eux et comme on pourrait se l'imaginer, Orpheus détestait perdre par-dessus tout. Ce n'est pas pour rien qu'il était en train de sprinter, passant à côté d'un homme à terre. Au moins, la femme laissait quelques traces sur le passage, ainsi que des légumes.

Ce n'est pas pour autant qu'Orpheus l'avait dans son champ de vision. Elle leur avait sacrément bien faussé compagnie. Suivant son instinct, le chevalier opta simplement pour le chemin le plus rapide vers les portes que Morgane était la plus susceptible d'emprunter. Dans ce raisonnement, il pouvait tout aussi bien avoir tout faux car la femme pouvait aussi emprunter le chemin le moins prévisible. La chance serait un facteur déterminant dans la course poursuite. Si il l'attraperait, rien n'était plus incertain. En tout cas, il y mettait toutes ses tripes pour y parvenir. Ses jambes le portaient comme sur un tapis, les toits étaient devenus un terrain d'acrobatie, de course rapide et de sauts divers et variés. L'effort lui permis d'arriver avant le reste de la troupe qui passait par les rues en bousculant les gens sur leur chemin. Il arrivait en manquant de se casser un membre. Une femme en rose s'approcha de lui et lui parla d'une voix douce qu'il connaissait bien. Tout aussi bas alors qu'il faisait mine de ne rien faire, le chevalier répondit:

"Désolé mais je suis très mauvais perdant alors je te proposerai la cellule la plus confortable."

D'un bond, le chevalier s'écarta du mage noir en dégainant son arme. Un zombie venait d'apparaitre aux côtés de la drow, marquant la fin de la discussion. Les autres retardataires étaient également présents, essoufflés et plus aptes à combattre. Voilà en quoi ils étaient utiles: arriver en retard et servir à rien, vraiment génial! Orpheus se plaindrait ou s'énerverait contre eux plus tard, il y avait autre chose à faire de bien plus important. Dans l'état actuel des choses, il n'avait pas vraiment de quoi contrer toutes les magies de Morgane. Il n'y avait que la terre qu'ils avaient en commun. Ensuite, la magie noire et sa nécromancie détestable seraient des petits bâtons dans les roues. Son discours avait pour but de leur permettre un duel. Aubin se permit tout de même un commentaire:

"Tu es seule et tu penses que c'est toi qui va nous dicter notre conduite? Attrapez là et…"
"Avec tout le respect que je ne porte pas, Aubin, vous êtes tous aussi inutiles les uns que les autres. Laisse-moi ma proie puisque tu n'as pas été fichu de la rattraper depuis le début."
"Orpheus espèce de sale…"

Déjà, l'attention du blondinet n'était plus portée à ce chevalier mais plutôt sur la femme. Elle était son ennemie, son amante, son défi. Il n'irait pas perdre alors qu'il avait toujours voulu savoir, qui d'eux deux ferait plier l'autre.

"Maintenant que tout problème est écarté…"

Les jambes du chevalier lui redonnèrent leur vitesse. A toute allure, il était déjà au niveau du zombie qui venait de revenir et lui trancha le bras, enchainant sur un coup de pied pour l'envoyer sur Morgane. Il n'y aurait pas de cadeau dans ce combat, c'était elle ou lui. A son poignet gauche, il avait toujours le nouveau petit jouet qu'il avait gagné en sa compagnie. Plus que jamais, sa couleur était d'un vert éclatant, montrant la détermination sans faille que le chevalier avait toujours eu pour toute chose. Peut-être bien que c'était un des traits de caractère qui avait plus à la femme qui était devant lui, allez savoir.

"Alors, montrez-moi que ça valait vraiment la peine de vous courir après."

"Tant que tu me rends visite et qu'il y a de la soie tout me va."

Il n'y avait que lui qui avait pu entendre ce que je venais de dire sur un ton des plus sensuels. Le sentir si près et pourtant si loin avait quelque chose de très frustrant. J'étais heureuse de le voir et j'avais hate de lui montrer mon joli bijou mais je ne pouvais pas. Nous n'étions pas dans un bassin aux thermes à la vue des regards et des oreilles étrangères. Non, nous étions sur une place et des dizaines de chevalier et plusieurs badauds foncaient vers nous brisant ce semblant d'intimité.

Je lui souris doucement et je repris un visage sadique et froid lorsque je vis les autres paladins. J'imposais mes conditions. Je ne voulais pas tendre les poignets et leur dire "aller emmenez-moi en prison, je suis fatiguée". Non, j'étais une Steel et une Evans. Les choses ne seraient pas faciles. Je comptais bien marquer leurs mémoires à l'encre vive.

Orpheus semblait parfaitement d'accord avec moi sur l'incompétence de ses confrères. S'il n'avait pas été là, je serais bien loin de la cité bénéfique. Si je n'avais pas été aussi belle, j'aurais réussi ma mission mais ce n'était pas grave. J'arriverais à avoir des informations. Les prisonniers s'ennuyaient souvent et se confiaient facilement si on savait les manipuler. Je ne doutais pas en être capable. Je fusillai du regard Aubin lorsqu'il osa insulter mon compagnon. Mais j'appréciais les manières de celui-ci. Il dégageait tant d'assurance que j'avais envie de lui arracher les vêtements et de m'offrir à lui tout de suite mais d'abord, je devais lui offrir mon sang et ma sueur car un combat était annoncé.

Qui de nous deux gagnerait? Dans les montagnes, nous avions été un binome parfait, sans domination. Il n'en serait pas de même ici. Tous les coups seraient donc permis. Mes fils d'acier glissèrent le long de mes doigts. J'avais des sentiments pour lui mais je saurais les absoudre pour lui faire mordre la poussière au contraire de ma mère et d'Integral. D'ailleurs, ceux-ci devaient soupirer de tristesse s'ils nous voyaient agir ainsi.

Mon zombie fut un faible rempart. Il me l'envoya après l'avoir déchiqueté. Je mis fin à l'incantation et ce fut juste de la poussière qui me toucha. Des mains de terre tentèrent de lui attraper les jambes afin de le faire ralentir. Un zombie apparut de nouveau à mes côtés. Mon bracelet serait ma clé secrète. Je souriais. Je rendis la terre glissante tout autour de moi. Invisible à l'oeil nu, il aurait une surprise. Je ne bougeais pas. Je le laissais me foncer dessus. Une technique de lache? Non. Juste que je savais qu'au corps à corps, je serais bien moins forte que lui. Je le laissais donc loin de moi. Je lui envoyais d'ailleurs une boule de feu en direction du thorax. Mes fils et ma dague empoisonnée m'aideraient quand il sera trop près de moi. Les autres chevaliers l'encourageaient à me mettre en pièces... Pauvres insectes!

Combattre pour le plaisir de se battre, à croire qu'il n'avait que ça en tête. Orpheus aurait pu réagir comme Integral, offrir un chemin de sortie à la femme mais il n'était pas de ce genre là. Son ancêtre était trop faible d'esprit, il se laissait influencer trop rapidement, se liait d'amitié avec trop de monde sans faire attention aux conséquences. Ce n'est pas pour rien qu'il s'était un jour retourné contre ses amis d'hier, simplement parce qu'il avait décidé d'aider l'Erys dans sa guerre. Jamais plus cette erreur ne se reproduirait, il en avait fait le serment et ne faillirait pas à sa propre parole.

Toute chose se mérite, tout combat doit être mené jusqu'au bout, enfin, presque puisqu'il y a toujours des cas spéciaux. En bref, le chevalier n'allait pas retenir ses coups sous prétexte que la femme était son amante. Leur histoire aurait pu être belle, l'union de deux peuples comme dans tant d'histoires. Mais il n'en serait rien. La frapperait précisément, il ne ferait pas de geste futile, il serait implacable, encore plus que jamais. Les chevaliers étaient mécontents, tous attendaient qu'un vainqueur soit déclaré pour réagir. Dans le cas où Orpheus malgré son assurance tombait, ils se feraient un plaisir de cueillir les restes de Morgane et lui faire sa fête. Finalement, le combat n'était pas équitable et heureusement qu'Aubin n'avait pas pu trouver quoique ce soit à redire sur ce duel qui s'annonçait ardu.

En attendant, le blondinet ne perdait plus de temps, propulsant le zombie de la femme contre elle après lui avoir ôté un membre. Jouant sur la sécurité, il se rempilait aussitôt tandis qu'un tas de poussière s'envola devant la mage noire. Il était en train de ricaner intérieurement en se demandant si la mage noire allait s'énerver parce qu'elle se serait salie à cause de ça. Autant est-il qu'il continua de sautiller aussitôt qu'il remarqua la terre qui se mouvait sous ses jambes. Une, deux fois, les mains qui essayaient de le saisir ne faisaient pas mouche. Il réussissait à les éviter sans trop de complications. Le problème était que Morgane avait le temps d'installer sa scène. Tranquillement, elle changeait la terre à ses pieds, un pouvoir déjà utilisé dans la montagne pour se débarrasser d'un troll des neiges, ce qui avait précédé leur longue chute vers le froid.

Le chevalier ne perdait pas le nord et tranchait les dernières mains avant de lever le poignet devant lui pour étendre son bouclier de volonté et neutraliser la boule de feu qui lui venait. Silence sur la place. Orpheus était en train de jauger son adversaire. Elle n'était pas infaillible mais pas non plus inoffensive. Il faudrait y aller tranquillement. Son but demeurait le même mais la stratégie, il détestait y avoir recours surtout lorsqu'il fallait développer quelque chose de complexe. Les mages sont vraiment des adversaires énervants parce qu'ils ne sont pas gérable de la même manière. Certains se faisaient couper en un rien de temps, d'autres nécessitaient une plus grande réflexion comme pour le cas de Morgane.

"Jamais on ne se débarrasse de ces zombies hein? Ils sont vraiment répugnants..."

La botte du chevalier tapota le sol devant lui, puis il reprit un nouvel élan en avant. Du bout des doigts pendant sa course, il se saisit de deux dagues de lancée qu'il projeta en direction de Morgane tandis qu'il fondait sur le flanc dépourvu de zombie pour passer derrière elle. Pile à ce moment là, il avait l'intention d'inverser sa trajectoire, en une fraction de seconde il allait repartir dans le côté opposé pour fondre sur Morgane. Hélas, son pied glissa sur un sol peu stable si bien qu'il s'effondra lamentablement juste aux pieds de la femme. Deuxième chute en quelques minutes, après son saut du toit, cela commençait à être un peu douloureux.

Par réflexe, Orpheus se tourna sur le dos en déployant le bouclier éthéré devant lui qui couvrait son torse tandis que ses jambes étaient à découvert.

Orpheus évita avec grâce mes mains de terre. Peut-être préférait-il que je le caresse de mes propres mains qu'avec ces choses rocailleuses? En tout cas, j'admirais sa technique alors que je savais que l'impact serait bientôt là. D'ailleurs, je m'en protégeais sans crier gare. Le sol se mouvait tout autour de moi. Mes poisons ne l'avaient pas trop endommagé, j'en étais satisfaite. Je ne voulais pas que ce combat ait un gout de farce. Non, il fallait qu'il soit épique car je ne comptais pas le combattre à longueur de journée, je préférais l'avoir contre moi dans des draps de soie.

Je gardais mon sourire intact alors que mon regard se faisait dur et acéré. Son bouclier de volonté me fit soupirer de frustration. J'avais oublié ce petit détail. De plus, cela m'agacait d'autant plus qu'il l'avait récupéré avec moi. Comment osait-il le retourner ainsi contre moi? Ah nous n'étions vraiment pas nos ancêtres, jamais Halloween ou Intégral n'aurait agi ainsi.

"Que veux-tu? Je les aime plus que tout."

Rictus cynique sur les lèvres, un brin moqueur. Je ne m'en débarrasserais jamais même s'il me le demandait. Les zombies étaient le symbole de la magie noire. Il ne pouvait pas changer cela. Ils me protégeaient contre vents et marées ce que peu d'hommes vivants avaient réussi à faire jusqu'à maintenant. Certes, je préférais le chevalier en garde du corps que mes morts vivants mais c'était lui mon ennemi actuellement donc je n'avais pas le choix. Je devais faire avec. Je pouvais invoquer autre chose s'il le souhaitait... comme de jolis squelettes... mais je doutais que cela lui plaise pour autant.

J'évitais par réflexe sa première dague en me baissant, la seconde fut coupée par un bouclier de terre alors qu'elle s'approchait dangereusement de mon bras. Il passa derrière moi. Je restais sur le quivive. Il allait avoir une mauvaise surprise à s'approcher autant. Il chuta... J'en fus quelque peu agacée... Je me savais irrésistible mais il n'était pas obligé de se jeter à mes pieds pour me le prouver. Son bouclier était en place sauf aux jambes. En un éclair, des mains de terre vinrent lui enserrer les chevilles. Je fis un pas de côté et m'approchai de ses membres inférieurs tout en susurrant :

"Voilà donc le meilleur chevalier de ce pays et pourtant, incapable d'un bon équilibre. Je suis déçue."

Les autres l'encourageaient mais mes mains résistaient à toutes ses tentatives d'arrachement. Mon contrôle de terre était supérieur au sien à présent. Il devait donc se montrer plus intuitif. Ma main se posa sur son genou et j'utilisais mon bracelet magique pour lui envoyer une bonne décharge électrique dans la jambe.

Les autres paladins s'étaient approchés suite à cette action. Un mur de terre les empêcha d'avancer, des pics l'en recouvraient. Bien sûr, cette action, cette envie d'isolement, m'empêcha de garder une totale maitrise de mes mains de roche... qu'Orpheus en profite... mais il était hors de question que les cloportes m'attrapent. Seul lui le méritait... D'une voix grondante de rage pure, j'interpellai mon paladin préféré et prononçai :

"Dis leur que je n'hésiterais pas à tous vous égorger s'ils approchent encore d'un seul pas ainsi que la moitié de ce village..."

Le combat était effréné, aucun ne laissait la place au doute, à l'imprécision. Ils s'étaient mis d'accord là-dessus, sans forcément imaginer que ce cas de figure allait se mettre en place aussi tôt. Ce n'est pas pour autant qu'Orpheus serait un tendre vis-à-vis de Morgane. Pas de cadeau pour cette amante exceptionnelle, les descendants d'amis soudés n'avaient que faire des origines qui les liaient étroitement. Le chevalier combattait en temps que tel, n'hésitant jamais à trancher dans la direction du mage noir. Pour l'instant, il y avait toujours eu un obstacle entre eux ce qui avait pour don de l'énerver, d'autant plus qu'il s'agissait à chaque fois de corps en décomposition sans aucun charisme et qui étaient des armes offensives et défensives à la fois. Fidèle à lui-même et à son surnom, l'éclair sauvage virevoltait à toute allure, esquivant les mains qui sortaient du sol avec grâce tout en réfléchissant à la future attaque qu'il allait effectuer dans la direction de la drow.

"Plus que tout? Vous avez des choix d'amants assez discutables."

Là, seul eux pouvaient comprendre. L'espace d'un instant, le chevalier s'était autorisé un petit sourire à peine perceptible dans l'action. Inutile de discuter d'avantage, le Neiphereum partait sur le prochain coup qui risquait d'être douloureux pour elle, ou pour lui finalement. L'hypothèse avait été faite, il avait déjà vu ce sort en action en plus mais là, il ne s'était pas imaginé que Morgane allait réutiliser cette modification de la terre pour le déséquilibrer. Pour la couper dans le dos, il devait s'en approcher et il n'eut pas la chance de pouvoir se rattraper dans l'élan qui avait été prise recevant en retour une remarque moqueuse de la part de la femme alors que des mains serraient ses pieds pour l'empêcher de se relever.

"Venant d'un mage qui n'utilise que des corps pour combattre…"

Les chevaliers, voyant Orpheus en difficulté, commençaient à envisager le cas de figure dans lequel le blondinet perdrait ce duel. Ils l'encercleraient, il lui ferait payer tandis qu'Aubin serait en train de rire sur le Neiphereum qui avait fait son malin au départ. Non, Morgane ne les laisserait pas s'approcher de toute façon, elle les tenait en respect en dressant un mur autour d'eux, desserrant par contre l'étau des mains sur ses chevilles. Le bouclier de volonté s'effaça brusquement laissant place à un poing qui repoussa la femme de lui, pouvant ainsi se relever.

"Avant de te préoccuper de leur santé, occupe toi d'abord de toi Evans."

Un halo se forma autour de l'épée du chevalier, son origine était le rubis qui enveloppait Orpheus de son pouvoir mystérieux qui changeait la couleur de ses iris et qui effaçait toute raison de son esprit. Il y avait un ennemi à vaincre en face et il réussirait quel qu'en soit le prix. La terre qui bloquait la vue aux chevaliers se retourna vers Morgane. Lui aussi possédait ce pouvoir et cette pluie terreuse aveuglerait la femme juste le temps nécessaire pour lui d'arriver. Pendant qu'elle était surement en train d'essayer de se protéger de ce petit déluge, de la terre s'amassa également à ses pieds pour la bloquer, ce même pouvoir qu'ils avaient en commun pouvait être utilisé de la même manière des deux côtés. Sans perdre une seule seconde, le chevalier profita de tout ce fouillis pour accomplir l'attaque décisive. Son épée s'allongea progressivement en accumulant la terre pour en faire une longue lame, une lame brute sans tranchant qu'il abattit sur Morgane, pour la mettre définitivement hors d'état de nuire si elle ne faisait rien contre. La puissance à contenir était effarante, le chevalier sentait ses bras hurler leur douleur mais dans son état, ces hurlements n'étaient que murmures, il n'entendait rien, son esprit n'était focalisé que sur la victoire sur la femme qui lui avait donné tant de fil à retordre.

"Allez, évite-moi ça!"

Les chevaliers étaient bouche bée face à ce déluge d'énergie dont Orpheus était le centre. Il était en train d'effectuer la dernière attaque possible, le fameux quitte ou double qui, paradoxalement, n'allait en aucun cas tuer la femme. La lame n'était pas la pour la trancher en deux mais pour la neutraliser. Peut-être bien que sur ce point, il avait été un peu plus clément que prévu. Dans tous les cas, elle ne devrait pas en mourir, elle n'avait pas le droit de mourir face à ça.

Le coup de poing, je ne l'avais pas prévu. Ma tête partit violemment sur le côté gauche. Mon menton me faisait mal. Je m'étais mordu dans l'action. Du sang coula dans ma bouche depuis la blessure. Je crachais un jet rouge vif au sol et essuyai ma bouche de la main. Voilà donc qui devait épineux. Il m'avait blessé. Il était donc aussi fort que je l'avais pensé.

Mais il ne m'avait pas donné tout ce qu'il avait dans les tripes. Orpheus déclara l'assaut final. Mon regard se fit acéré et rapidement, la vue me fut privée. Ainsi, il n'avait pas aimé ma poudre, il se servait donc de la terre pour se venger tel l'arroseur arrosé. Je souris alors que la terre me blessait superficiellement à plusieurs endroits du corps : main, bras et surtout visage et cou. Mais je ne fis aucun commentaire. Il accroit juste ma rage.

Les autres chevaliers avaient reculé surpris par l'explosion du mur. Ils m'en jugeaient surement responsable, or ce n'était pas le cas et cela m'agaca. Je n'avais pas prévu cela. Certes, je savais que nous avions ce même pouvoir et cela nous avait aidé durant notre séjour en montagnes mais je n'avais pas pensé qu'il l'utiliserait contre moi... Tous les coups étaient permis... Notre promesse perdurait. Devais-je en être satisfaite? J'étais trop énervée actuellement pour obtenir une réponse.

Le temps que je retrouve une vue correcte, je pus voir qu'il avait continuer à concentrer sa magie. Son épée me parut effrayante et dire... qu'il ne savait pas à quoi servait le rubis à la base... m'aurait-il menti? Ou juste une simple coincidence? Impossible à savoir en tout cas j'exigerais des réponses lorsque nous pourrions parler sereinement... Mes pieds furent bloqués. J'utilisais ma magie pour faire inverser ce sort. Avec mon niveau actuel, je le surpassais même si cela me couta pas mal d'énergie.

Il fut rapidement sur moi. Par réflexe, un bouclier de roche apparut à mon bras que je levais dans la direction de l'impact. Le coup me fit reculer mais nous étions toujours l'un contre l'autre. Sa force faisait hurler mes nerfs et mes muscles du bras. Dans un effort surhumain, j'usais de ma dague pour le blesser sur le flanc. Ma lame s'enfonca mais son épée de roche était insidieuse... mon bouclier céda... mon bras fut blessé... je sentis l'os se briser au niveau de mon coude. Je dus poser genou à terre... Je venais de perdre... mais il avait mérité sa victoire... Je m'étais débattue comme une diablesse...

"Arrêtez-moi. Emmenez-moi dans votre joli prison. J'espère que j'aurais un proces digne de ce nom."

J'esquissai un sourire ironique alors que dans mon regard, Orpheus pouvait lire toute mon affection mais aussi un profond respect. Mon arme était toujours fichée en lui, empoisonnée, la blessure mettrait du temps à se soigner sauf si un mage blanc voulait lui enlever... mon bras gauche, lui, pendouillait à mon flanc... pourquoi je n'avais pas encore la régénération comme ma grand mère... Ah je vous jure... Les autres paladins dansaient de joie et félicitaient leur partenaire... qu'ils ne me touchent pas... car même blessée... ils risquaient d'avoir de sacrés ennuis...