Requiem [Miranda-chan] [Terminé]

[HRP: Gomen-naisaiiiii pour le retard -_- ]

A bien y penser il était excessivement rare que Miranda porte la cape qui caractérisait son ordre. Bien qu’elle ne soit pas dénuée de style, elle trouvait qu’elle ne se mariait que très rarement à ses tenues. Elle ne déniait l’utiliser que les jours où elle avait besoin d’une solide protection contre les intempéries. Aujourd’hui faisait partie de ces très rares journées qui la poussait à la sortir de son placard pour l’utiliser. elle assortit donc sa tenue d’une robe corsetée noire, la tenue idéale pour les jours de pluie, l’eau n’abîmant ni le tissu ni le rendu. Ce n’était pas parce qu’elle communiquait presque exclusivement avec les morts qu’elle devait négliger son apparence. Elle avait aussi remarqué qu’une jeune femme charmante et habillée de façon distinguée avait tendance à nettement rassurer les quelques personnes qu’elle rencontrait. Il n’était pas rare que les shamans soient associés soit à des fous, soit à des nécromanciens. Si dans le premier cas ils ne rencontraient qu’une distance prudente, les gens avaient malheureusement tendance à attaquer à vue dans le second cas. Ils avaient donc tendance à éviter face à la beauté éthérée de Miranda, ce qui lui permettait d’entamer le dialogue et d’expliquer ce qu’elle était vraiment. L’habit ne fait peut-être pas le moine mais il permet de prêcher la bonne parole…

Le temps aidant, la jeune femme fréquentait de plus en plus les villes… Peut-être s’était-elle fait une raison, estimant qu’il n’y avait plus que de très faibles chances pour qu’elle recouvre la mémoire. A moins que l’expérience qu’elle avait acquis au fil du temps ne lui permette d’un peu mieux supporter l’éternelle forte concentration d’esprits qu’occasionnaient c’est lieux si fréquentés. Elle parvenait à ignorer les esprits tout en leur portant attention. Certains n’avaient pas spécialement conscience de leur état, continuant juste à effectuer les mêmes tâches. D’autres avaient une mission bien précise et se contentaient de la réaliser. Et enfin, certains étaient tourmentés… Avec le temps la jeune femme savait analyser son environnement d’une oreille distraite, ne se focalisant que sur les éléments qui avaient réellement besoin de son aide. Il n’était pas nécessaire qu’elle s’occupe des répéteurs ou de ceux qui « s’occupaient ». Cette écoute distraite lui évitait aussi d’être sollicitée en permanence par un flux trop tenu d’informations… Et elle avait aussi apprit que son dialecte des esprits était à double tranchant. Elle pouvait voir et entendre mais, si elle n’y prenait pas garde, elle pouvait aussi attirer tous les esprits des environs à elle. Ce qui pouvait se révéler éreintant et inutile de surcroît…

Aussi, lorsqu’elle était en ville, elle faisait en sorte de passer au moins une journée dans le cimetière local afin de « compenser » ce dédain, qui n’en était pas vraiment un. Puis ces lieux étaient toujours riches d’histoires diverses et variées, de rencontres mémorables. Si elle pouvait aider quelques esprits à trouver le repos, elle pouvait aussi rendre visite à certains « habitués », des esprits qui ne ressentaient pas le besoin de disparaître et trouver leur condition fort supportable. C’était des connaissances, des amis qu’elle s’était faite avec le temps et elle prenait toujours plaisir à venir prendre de leurs nouvelles. Exceptionnellement, elle était même parvenue à emmener Gem avec elle. La circulation d’un loup sauvage en ville n’était jamais chose aisée et il supportait difficilement collier et laisse. En ce moment la garde était un peu plus détendue avec ce type d’animaux, devant en gérer de bien plus gros. De type lézard. Et carnivore.

Il n’était pas rare qu’elle croise d’autres visiteurs dans ces cimetières… Mais ce temps pluvieux atténuait énormément le phénomène. Seuls quelques irréductibles dont le deuil n’était pas encore complet, parvenaient à rester stoïques sous la pluie. Des proches ou des gens ayant une certaine affinité avec la mort. Les nécromanciens étaient, fort heureusement, bien peu courant dans cette partie du monde. La garde était d’une redoutable efficacité avec cette engeance. Restaient les shamans. Si certains étaient reconnaissable à leur cape, c’était surtout à leur environnement direct que l’on pouvait les identifier. Si les shamans se tournaient naturellement vers les esprits, ces derniers les attiraient aussi comme une flamme les papillons de nuit. Une personne environnée d’esprits essayant de communiquer avec lui était, presque à coup sûr, un confrère. Et, visiblement, elle se trouvait face à un confrère mélomane. Elle apprécia quelques instants la musique qu’il parvenait à arracher d’un instrument aussi petit et primitif que l’ocarina…

Gem avait remarqué la présence de l’autre loup et s’était tenu prêt à protéger Miranda. Mais la jeune femme, consciente que l’autre bête était dans la même situation, posa une main apaisante sur le dos de son ami avant de sourire à Fenrir, levant légèrement les mains en signe de paix. Comprenant le message, son compagnon resta soigneusement en arrière pour ne pas représenter une menace, laissant la sidhe s’avancer vers l’inconnu. lorsqu’elle parla de sa voix douce, un sourire rassurant se dessinait sur ses lèvres…

-C’est un fort bel air que vous venez de jouer. Très à propos avec le temps et le lieu…

Que fait une aussi jolie jeune femme dans ce lieu qui nous rappelle au combien la vie peut-être éphémère

Êtes-vous aussi une shaman

Comme vous pouvez le voir, Fenrir n’est pas un loup comme les autres. La nature lui a donné un physique plus gros que la moyenne. Normalement, les autres de sa race n’aurait pas dû avoir de problème avec lui, malgré son physique, mais il a aussi reçu un cadeau magique. Je ne vous donnerai pas les détails, mais cela l’a fait rejeter de sa meute d’origine et de toutes les autres meutes qu’il a pu rencontrer. Ils ont peur de lui. Si votre compagnon est capable d’accepter Fenrir comme il est, ce dernier ne sentira pas menacer par lui

Cela pourrait éviter de mettre cette grande distance entre nos compagnons, vous ne trouvez pas

Venez-vous asseoir je vous prie. Vous devez m’expliquer comme vous faites pour ne pas être envahi par les esprits. Juste avant que j’use de mon instrument, j’ai bien cru que cela allait être comme la première fois, au sanctuaire

Le regard de la jeune femme étincela d’amusement. Le compliment, tel qu’il était tourné, lui faisait beaucoup penser aux propos d’un charmeur… Après tout Amaldriel avait aussi du charme. Mais Miranda était rarement sensible à ce genre de choses. Elle avait parfaitement conscience de ce qu’elle était et prenait toujours soin de sa personne. Mais elle songeait à cela comme d’un outil. Un outil diablement puissant qui lui permettait parfois de se sortir de certains mauvais pas ou d’obtenir de l’aide. Elle n’en était pas encore à songer à faire perdre la tête aux hommes juste pour sa distraction… Mais le jeune homme se montra plus pertinent, arrivant aux mêmes déductions qu’elle avait tiré un peu plus tôt en l’apercevant…

-Tout à fait. Et cela devrait répondre à votre question quant à ma présence en ces lieux.

Le regard de la jeune femme se posa sur l’énorme loup, sagement couché aux pieds de son maître. Il était effectivement particulièrement impressionnant. Elle n’avait aucun mal à distinguer les muscles puissants sous son pelage. Il devait être redoutable en combat et un meneur naît. Il était étonnant qu’une telle bête ne soit pas parvenue à assurer sa dominance dans une meute. Elle savait pourquoi Gem était devenu, en quelque sorte, un loup solitaire, mais Fenrir avait la carrure d’un alpha a même de mener une meute d’au moins une dizaine d’individus…

-Peur ? Fenrir me semble avoir la carrure d’un alpha naturel. Peut-être les combats de dominance sont-ils devenus trop courant autour de lui ?

Se faisant, elle regardait plus le loup qu’Amaldriel, comme si la question s’adressait directement à lui…

-Je pense que Gem accepte déjà Fenrir pour ce qu’il est. Un rival et une menace potentiels… C’est pour cela que j’ai estimé préférable qu’il reste en retrait et que, malgré mon désir, je m’abstiendrai de vérifier si le pelage de votre loup est doux… Mon ami et moi formons notre petite meute et il a estimé qu’il était de son devoir de me protéger envers et contre tout. Je n’imaginais pas que la paranoïa puisse exister chez les loups…

La sidhe eut un sourire malicieux par rapport à sa dernière phrase afin d’alléger un peu la situation. Gem et Fenrir apprendraient peut-être à se connaître, mais il était un peu tôt pour forcer une rencontre soudaine. Les instincts de protection et de territorialité risquaient d’être exacerbés. Et cela menait souvent à un combat. De ce qu’elle pouvait voir, elle n’avait pas envie que son ami lupin se frotte à pareil adversaire… La jeune femme prit place sur le banc, à une distance raisonnable de son confrère. Elle sentait bien le regard de Gem qui surveillait maintenant le shaman…

-Vous n’arrivez pas encore à pleinement contrôler vos capacités ?

Mais Amaldriel ne semblait pas en état de répondre à sa question. Il lui sembla le voir légèrement tanguer avant qu’il ne commence à perdre conscience. A moins qu’il n’ait une absence ou que son esprit se soit décidé pour un voyage astral… Elle eut tout juste le temps de se lever, esquivant ainsi le loup vraiment volumineux pour son corps délicat. Si les intentions de Fenrir étaient tout à fait louables, il risquait surtout de faire plus de mal que de bien… La sihe jeta un regard en direction de Gem dont la masse avait pris un peu de volume. Visiblement, il commençait à estimer qu’elle était en danger…

-Ne bouge pas, je peux m’en charger…

Bien que visiblement en désaccord, son loup resta où il était… Quant à Miranda, elle contourna le loup pour se mettre face au shaman. Il ne lui fut pas trop difficile d’exercer une pression contraire à celle des pattes lupines en usant de sa télékinésie. Le but n’était pas de repousser et blesser, juste d’éviter qu’il ne griffe son maître. Assurée du contrôle qu’elle avait sur cette partie là, elle posa une main sur l’épaule du jeune homme afin d’éviter qu’il ne chute au sol, s’abstenant de faire un autre geste de peur qu’il ne perçoit cela comme une menace…

-Fenrir, tu vas le blesser… Puis-je intervenir ?

Elle pouvait difficilement faire plus sans l’accord tacite du loup, elle ne voulait pas avoir à gérer un combat et un blessé en même temps… Les esprits semblaient d’ailleurs très intéressés par ce qu’il se passait, se rapprochant d’eux pour observer la scène… Fenrir dut estimer que la jeune femme ne représentait pas une menace suffisante et descendit du banc, lui laissant les mains libres pour ce qu’elle voulait faire. Ce n’était pas beaucoup éloigné de ce qu’il faisait déjà mais avec moins de risque de le faire tomber au sol ou de le défigurer à vie. Maintenant une prise solide sur son épaule afin de le garder assis, elle essaya de capter son regard.

-Jeune homme ? Reprenez vous…

Elle fronça les sourcils en observant les esprits et fit signe à l’une de ses connaissances de disperser la foule immatérielle. Au bout d’un instant ils n’étaient vraiment plus que eux quatre. De son coté, elle sa main sur le visage d’Amaldriel, le dégageant afin que la pluie fraîche tombe plus facilement dessus. Si elle venait à constater que son regard persistait à rester absent, elle lui tapoterait probablement les joues, sans pour autant le battre comme plâtre.

Fenrir avait regardé Miranda dans le blanc des yeux. Il semblait lire quelque chose dans son regard, quelque chose de familier, mais la bête n’avait pas le temps de s’attarder là-dessus. Peut-être est-ce seulement ses sens qui lui jouent des tours et dû à l ‘urgence de la situation, il ne pouvait que laisser faire cette femme. Rapidement, il reprit place où il était au sol, avant que Amaldriel commence à faiblir. C’est aussi à ce moment qu’il remarqua l’autre loup était sur ses gardes, prêt à bondir. Un grognement sourd et très fort parvint du fond des cordes vocales de Fenrir, mais il n’usa pas d’une seule once de pouvoir. Il ne fit que détourner le regard pour se coucher au sol. Le mâle alpha ne s’était aucunement soumis, il était juste fatigué. Il voulait juste que l’autre loup se calme et lui foute la paix, car il n’a aucunement envie de se battre.

J’étais perdu, entre l’état d’inconscience et de conscience. J’entendais une voix féminine parmi une foule de voix et de murmures. Il était difficile des distingués. Je commençais à avoir un terrible mal de crâne lorsqu’un esprit commença à faire le « ménage ». Ce dernier a dispersé beaucoup d’esprits ne sachant pas quels effets ils avaient sur les shamans n’ayant pas d’expérience en la matière. Rapidement, le flou fit place à la netteté et j’ai pu prendre conscience de cette douce chaleur comme la soie contre la peau de ma joue. C’est ainsi que j’ai pu voir de très proche les plus petits traits de Miranda qui semblait véritablement sculpté par un maître artisan aujourd’hui décédé après avoir créer son œuvre finale. Ses yeux avaient une profondeur qui me laissant dans un état de flottement. Je me sentais littéralement aspiré et j’aimais ça.

« Votre peau est très douce. » dis-je d’une voix faible, après avoir pris sa main dans la mienne. Je sentais une douce chaleur m’envahir puis de plus en plus brûlante.

« Merci beaucoup. » dis-je rouge comme une pivoine, soudainement conscient de ma position et de ce que je venais de dire. Je me suis bien replacé en positon assise, les étourdissements semblaient appartenir au passé.

« Effectivement, j’ai de la difficulté avec ce pouvoir. Disons que repousser et/ou écouter quelques esprits est facile, mais quand c’est une horde et que leurs moyens de s’exprimer ne sont pas la parole, mais les émotions tels que la douleur, la colère et le désespoir, c’est rapidement ingérable pour un débutant comme moi. Heureusement que nous avons décidé en même temps d’aller en ces lieux. » dis-je d’un ton reconnaissant.

J’ai soudainement ressenti une présence. Elle n’était pas humaine, mais celle d’un esprit qui était mort depuis un moment. Il était conscient de sa situation, mais il avait une dernière chose à accomplir. Sa présence était familière, je ne savais pas pourquoi, mais avant d’avoir pu le cerner, il s’était enfui, disparu.

« Vous avez senti cela ? » ai-je demandé à la jeune femme.

Je me suis levé et j’ai observé aux alentours. J’ai fait quelques pas vers l’avant, mais l’esprit était déjà bien loin. Je n’aurais pas pu le rattraper, de toute façon.

« Pour m’avoir aider, je vous offre d’aller déguster un repas en ville. Ça vous dit ? L’heure du repas est passée, donc nous devrions être seul et tranquille. Je vous avoue que je préfère être seul de temps en temps, depuis que ma condition de shaman s’est éveillée … » dis-je d’une voix calme et sincère.

La situation aurait peut-être pu dégénérer entre les deux loups mais un statu quo fut atteint. Si Fenrir lui signifia clairement qu’il ne cherchait pas l’affrontement, Gem estima qu’il ne cherchait finalement pas à attaquer Miranda. Probablement parce qu’il retourna au sol pour s’y allonger, laissant la situation entre les mains de la jeune femme malgré son inquiétude. Le vieux loup n’avait pas de territoire à défendre, pas plus que le jeune… Du moment qu’aucun geste brusque ne serait fait, il n’y aurait pas d’accident. De son coté, la sidhe observa les esprits se disperser, remerciant son ami d’un mouvement de la tête. Il allait probablement rester dans les parages. Au cas où… Il serait d’ailleurs un excellent « cobaye » si Amaldriel avait besoin d’aide pour maîtriser ses capacités.

Le jeune homme semblait revenir lentement à lui… L’afflux d’informations avait du être suffisamment fort pour qu’il se perde en lui. Miranda n’avait jamais eut ce problème au début, tout le monde réagissant de façon différente… Chez elle, cela s’était traduit par des phases « à vide ». En somme elle sentait alors une migraine assez phénoménale enserrer sa tête et son pouvoir disparaissait brusquement, la laissant complètement seule avec les vivants. Selon la force de la surcharge elle mettait plus ou moins de temps avant de pouvoir à nouveau entrer en contact avec les esprits. C’était peut-être moins dérangeant que les pertes de connaissance mais tout aussi handicapant. Enfin, cela faisait maintenant bien longtemps qu’elle n’avait pas eu l’une de ces crises, son pouvoir étant maintenant parfaitement sous son contrôle. Officiellement…

La sidhe eut un sourire amusé en entendant les premiers mots de son confrère. C’était soit mignon, soit une tentative de charme originale. La jeune femme préféra opter pour le « mignon » alors qu’elle le laissait reprendre sa place en cherchant un peu de contenance. Elle remit une certaine distance entre eux afin de s’assurer qu’il ne soit plus gêné qu’il ne l’était déjà…

-Je vous en prie… Cela vous arrive-t-il souvent ?

Ce genre de perte de connaissance pouvait être terriblement dangereux pour lui. Que l’afflux d’esprits soit important dans une cimetière était une chose parfaitement prévisible. Sans compter qu’ils étaient en ville ce qui sous entendait qu’il ne risquait pas de rester seul et sans assistance bien longtemps… Mais il existait des endroits bien plus isolés qui possédaient ces mêmes caractéristiques. Des lieux où de grandes batailles, ou des catastrophes, avaient eu lieu… S’il perdait connaissance au beau milieu de la plaine, il risquait d’avoir de bien plus gros ennuis que quelques bleus…

Elle aussi sentit un esprit se démarquer du lot, bien plus impressionnant que ce qu’Amaldriel percevait, des esprits environnants. Il avait conscience d’être mort mais gardait en tête une tâche à accomplir… Il était plus que courant que les esprits conscients de leur état s’attribuent une mission pour rester solidement ancré dans cette réalité. Cela pouvait être quelque chose qu’ils avaient emporté de leur vivant ou quelque chose qu’ils décidaient suite à cette épiphanie… L’ami qui venait de les aider, par exemple, s’était auto-proclamé gentleman majordome du cimetière, ne manquant jamais de surveiller les entrées et sorties et de proposer son aide à ceux qui pouvaient l’entendre. Par contre l’esprit qu’Amaldriel avait senti ne lui semblait pas familier outre mesure…

-Il ne faisait que passer mais oui… Peut-être a-t-il estimé que nous n’étions pas à même de l’aider… ?

La shaman se redressa, lissant ses robes et remettant sa cape en place.

-C’est fort aimable à vous de m’inviter mais il ne serait pas très honnête de ma part d’accepter. Nous ne pouvons pas vraiment dire que l’aide que je vous ai apporté était suffisamment importante…

Elle sourit et leva un doigt, imageant le « mais » qui allait suivre…

-… Mais je peux peut-être mériter votre invitation en vous aidant un peu plus. Que nous nous trouvions dans ce cimetière peut s’avérer un avantage indéniable.

En somme, plutôt que de partir immédiatement partager un repas, elle lui proposer une petite séance d’entraînement là où ils ne dérangeraient personne et où ils pourraient obtenir toute la matière première nécessaire…

Habituellement, j’évite les endroits où il est susceptible d’avoir beaucoup d’esprits, mais cela est assez difficile vu les multiples lieux où la terre a bu le sang de nombreuses victimes. De plus, peu après ma découverte d’être un shaman, il m’est arrivé…quelque chose qui m’a retenu loin de tout et mes pouvoirs étaient inopérants.

Je vous invite, car je vous trouve très belle … Pas pour seulement vous remercier

D’accord … mais n’aviez-vous pas remarqué que je jouais, plus tôt, de la musique pour calmer les esprits ? C’est une méthode peu habituelle, mais j’apprécie, c’est plus simple

J’oubliais ! Je m’appelle Amaldriel … et vous

Merci. Ma bien-aimée doit m’attendre

Des esprits vengeurs, ici ? En ce moment ? Pourquoi ?

Je me sens pas très bien

En d’autres temps et d’autres lieux, Miranda se serait probablement permise de s’amuser un peu plus avec lui. Amaldriel n’était pas dépourvu de charme, loin s’en fallait, et sa façon de lui propose d’aller manger ensemble était plus une invitation qu’une façon de la remercier. Difficile de die exactement à quoi elle parvenait à déterminer cela mais elle le sentait. Intuition féminine probablement… Et, effectivement, fut un temps où elle n’aurait pas vraiment hésité à profiter de la situation. Bizarrement, jouer de ses charmes pour parvenir à ses fins semblait dans sa nature, même si elle ne le faisait que très rarement. Elle s’était rendue compte que c’était quelque chose qui lui venait naturellement mais qu’elle n’appréciait que sous certaines conditions… Mais depuis quelques temps la situation avait changé. Elle avait changé en fait… Et elle s’était promis de ne jamais entacher l’honneur d’un certain chevalier, ni de le blesser. Alors même si elle conservait son charme naturel, elle prenait garde de ne pas trop en jouer de façon volontaire… Et c’était pour cela qu’elle insistait pour que cette invitation se transforme en remerciements…

La jeune femme ne chercha pas à pousser Amaldriel à la confidence. Il avait bien laissé échapper certaines choses mais s’il désirait véritablement lui en parler, il ferait le premier pas de lui-même. Elle n’allait pas le passer à la questionnette juste pour en savoir plus… Même si elle était d’une nature curieuse, elle avait suffisamment sa part de secrets douloureux pour avoir la délicatesse de ne pousser personne à se confier de force… Et elle savait combien il pouvait être désagréable d’être privée de ses pouvoirs, même si sa propre expérience n’avait duré que quelques semaines. Lorsqu’elle les avait retrouvé, elle avait du faire effort de volonté pour en reprendre le contrôle.

-Nelberaid n’est pas un endroit de tout repos pour nous… Il y a eu tellement de guerres qu’il n’y a pas un lieu qui n’ait pas connu son nombre de morts violentes…

Sa voix était triste… Certaines zones étaient terribles, les reflets de villages entiers parfois rasés pour telle ou telle raison. Les anciens occupants erraient alors dans les ruines de leur ancienne vie. Comment leur en vouloir de hanter ainsi les lieux. ? Ces attaques avaient été d’une telle violence et, surtout, d’une telle gratuité que personne ne comprenait vraiment ce qu’il s’était passé. Il fallait alors leur expliquer avec délicatesse, les forces à se souvenir de ces événements douloureux pour qu’ils puissent s’en libérer. Non, ce n’était pas toujours une tache des plus agréable…

Et pour cela, chaque shaman avait sa technique. Miranda était tellement étrangère à ce monde qu’elle n’avait jamais eu la moindre difficulté à interagir avec les esprits. Pour elle ils apparaissaient aussi réels et consistants que les autres êtres vivants. Et elle parlait avec eux comme tel. Et s’ils ne parvenaient pas à se maintenir dans une forme proche de celle qu’ils avaient à leur mort, elle les poussait à le faire et à retrouver suffisamment de conscience pour. Elle les abordait comme n’importe qui, apportant son aide lorsque cela s’avérait nécessaire. Au début elle avait cru qu’elle devait aider chaque esprit à retourner au néant, ou ailleurs… Maintenant elle faisait en sorte qu’ils soient heureux et apaisés. Cela voulait parfois dire les laisser à errer ici pour veiller sur leurs descendants par exemple… C’est pour cela que certains d’entre eux étaient désormais ses amis… Certains commençaient même à veiller sur elle.

-Je me nomme Miranda Tolmed… Et chacun de nous a sa propre approche des esprits. De ce qu’il doit faire. De ce qu’il veut faire… La musique peut effectivement être un bon moyen de communiquer avec eux…

Même s’il manquait encore un peu de précision à son goût. De plus la musique pouvait se révéler utile pour un groupe mais plus difficile à utiliser pour différents individus… Sans compter qu’elle portait bien plus que la voix et pouvait ainsi attirer des esprits à qui cela n’était pas destiné, ces derniers pouvant de révéler dangereux pou le shaman… Mais elle était certaine qu’il améliorerait sa maîtrise avec le temps. C’est pour cela qu’elle le laissa faire, laissant en retrait et mettant la bride sur ses propres capacités. Elle n’était là qu’en spectatrice avisée, gardant à l’œil le jeune shaman au cas où il rencontrerait des difficultés. Et elle n’interviendrait que dans ces moments là… C’était souvent ainsi que se faisait tout type d’apprentissage… Car c’était de ses erreurs que l’on apprenait le plus. Le souvenir des terribles migraines qui enserraient sa tête auparavant suffisait à lui rappeler cet état de fait.

Et ce qu’elle avait craint commença… Si les premiers esprits a être attirés par la musiques se révélèrent pacifiques, appréciant la distraction à sa juste valeur, portée par le pouvoir du shaman elle alla un peu trop loin. Et attira des esprits qu’il valait mieux garder éloigné de soit si l’on avait pas l’habitude de traiter avec eux… La jeune femme laissa sa concentration filer vers les esprits que le jeune homme avait dispersé, les incitant plutôt à revenir. Plus ils seraient nombreux, mieux ils s’en sortiraient… La stratégie d’Amaldriel ne fut qu’en partie payante car elle ne fit qu’exacerber l’agressivité de l’un des deux esprits. Elle se leva et se décala par rapport à lui, laissant les autres esprits l’environner pour, tout simplement, la défendre si le besoin s’en faisait sentir.

-Ici…

Sa voix vibra de puissance alors qu’elle l’attirai volontairement vers elle. Il tourna brusquement sa tête vers la sidhe et se précipita sur elle avant d’être bloqué par les esprits… Elle attendit que passent les premiers instants de fureur, laissant Fenrir s’occuper de son maître…

-Quelle est ta requête… ? Pourquoi réclames-tu vengeance ?

La jeune femme avait parlé d’une voix douce, regardant l’esprit dans les yeux. Se sentir écouté permettait parfois à ces esprits de renouer avec suffisamment de raison pour qu’ils puissent mettre des mots sur leur mal. De là elle pouvait écouter leur requête et voir si qui était en son pouvoir pour l’apaiser… S’il avait été trop dangereux ou agressif, elle aurait procédé différemment… Là elle se pencha vers lui jusqu’à ce qu’il puisse murmurer à son oreille. Une fois son message transmit, il disparut de lui-même, restant probablement aux alentours pour la surveiller. Elle remercia les esprits d’un sourire avant de se diriger vers Amaldriel pour voir comment il allait…

-Il serait effectivement plus judicieux de partir finalement…

« Miranda ... » disais-je faiblement, affaibli par l'usage répété de mes pouvoirs peu entraînés dans un cours laps de temps. Être venu dans un cimetière fut aussi une mauvaise idée, après réflexion. La maîtrise de la jeune femme m'avait impressionné. Elle avait su imposer sa volonté et calmer l'esprit à l'aide d'alliés de l'autre monde. J'en était assez loin, côté maîtrise, pour le moment. Surtout que l'idée de discuter avec les esprits agressifs m'étaient complètement sorti de la tête, vu l'urgence de la nouvelle situation pour moi.

La fatigue commençait être lourde sur mes épaules et chacun de mes mouvements semblaient rigide, comme celle d'une marionette en bois. L'esprit qui fut mon bouclier disparut vers je ne sais où, ayant accompli ce qu'il devait sous mon pouvoir. Tout danger était écarté et la jeune sidhe proposait de quitter ces lieux, ce qui me convenait très bien. Debout sur mes deux jambes, j'ai commencé à marcher tranquillement en direction de la sortie du cimetière. À sa sortie, tout autour de moi commençait à tourner très vite.

« Pourquoi tout bouge ... » dis-je sans pouvoir finir ma phrase, mon regard se voilant et m'étalant sur le sol. Je ne m'étais pas senti tomber sur le sol, car tout était déjà noir et loin de moi avant que mon visage frappe le sol de l'entrée du lieu de repos des morts.

Fenrir vint me renifler puis a fixé son regard sur Miranda, comme s'il attendait un coup de main de sa part. Il n'allait pas le traîner jusqu'à l'auspice, ce serait trop long et difficile, ce qui ne dérangerait pas le loup habituellement, mais il avait une aide à porter et cela éviterait que les habitants de Bénécius ne lui lancent des pierres. La balle est dans le camp de la shaman prit avec mon corps inconscient ...

Miranda était inquiète. Elle avait effectivement peut-être un peu trop présumé des forces de ce jeune shaman et le soudain afflux d'esprit, surtout d'un très agressif, pouvait être la goutte d'eau qui ferait déborder le vase. Il était plus prudent de sortir, aller ailleurs, pour pouvoir mieux discuter. A le voir ainsi il lui semblait presque qu'il venait d'être drainé de toute son énergie, toute sa vie. Il lui semblait transparent. Dangereusement transparent. Amaldriel dût penser comme elle puisqu'il commença à se diriger vers la sortie. La jeune femme lui emboita naturellement le pas afin de s'assurer qu'il aille bien, dans l'état de faiblesse dans lequel il était, il valait mieux qu'il ne rencontre pas d'autres esprits, il ne le supporterait pas... Du coin de l'oeil elle remarqua que Gem se mettait lui aussi en mouvements, en réponse à ceux de Fenrir qui devait lui aussi s'inquiéter pour son jeune maître.

Pour l'instant, dans le cimetière, elle ne pouvait rien faire pour lui. Dans ces moments elle regrettait presque d'être ainsi vouée au monde des morts et non celui des vivants, sans cela elle aurait peut-être pu lui apporter une assistance un peu plus efficace? Ses connaissances en soins étaient fort restreintes, le strict nécessaire qu'une vie par monts et par vaux imposait. Mais s'il venait à défaillir, elle serait impuissante à l'aider et cela n'était pas sans l'inquiéter grandement. Les esprits commencèrent à affluer, attirés par les deux shamans... Il n'était pas en état de leur faire face et la jeune femme dut ralentir le pas pour leur demander de bien vouloir les laisser en paix... Ce léger retard fut suffisant pour qu'elle ne soit pas à ses cotés lorsqu'il perdit connaissance.

Ses talons claquant sur le pavé, elle arriva rapidement à ses cotés, inquiète qu'il ne se soit blessé dans sa chute. Elle le retourna délicatement pour vérifier qu'il n'avait rien à la tête. Elle fut soulager de ne pas voir de sang ou de plaie... Il avait seulement perdu connaissance, et s'était probablement assommé en tombant... La jeune femme croisa le regard du vieux loup et acquiesça doucement. Elle pouvait sentir son inquiétude, la comprenant fort bien, et son besoin d'aide...

-Ne t'inquiète pas, je vais faire en sorte qu'il soit porté à l'auspice. Suis Gem, il te montrera pas où passer pour que la population ne soit pas inquiète par ta présence..

Son propre loup poussa un court glapissement pour signaler sa position à Fenrir. En le suivant il pourrait atteindre l'auspice par des chemins détournés et, souvent, évités par les gens... De son coté elle alla mander l'aide de la garde afin que le shaman soit porté à l'auspice, ne pouvant pas le porter ou le traîner sur la distance. Mais elle ne l'abandonna pas pour autant à son sort. Elle resta à ses cotés tout du long, restant même à son chevet lorsqu'il fut installé dans sa chambre. La sidhe ouvrit grand la fenêtre afin que Fenrir, se hissa sur le rebord, puisse veiller lui aussi sur son maître...

Il serait toujours temps de parler de ses capacités par la suite. Dans un endroit plus calme et plus propice. Elle ne doutait pas qu'Amaldriel ferait un excellent shaman avec un peu d'entrainement. Sa façon d'entrer en contact avec les esprits par le biais de sa musique était originale et pleine de sensibilité. Cela ne pourrait que le faire apprécier auprès de ceux qu'ils étaient les seuls à pouvoir voir... Mais pour l'instant, le mot d'ordre était le repos.

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