Le sentier dans lequel Phan venait de s’aventurer était étroit et sinueux. Les arbres bordaient toujours le chemin, mais les feuilles tombaient bien plus en abondance dans cette zone encore inexplorée par le druide, et dissimulaient ainsi la seule trace qui pouvait le conduire hors de la forêt. Le silence faisait place peu à peu ; les merles et autres oisillons cessèrent leur chant, le vent quitta la place, immobilisant les branches et faisant taire le bruit des feuilles qui se froissent. Seul le craquement des brindilles sous les pas de l’elfe rivalisait encore avec le mutisme inhabituel de la forêt.
Mais Phan n’était pas inquiet. Il avait toujours eu l’habitude d’errer seul dans les bois. Même si quelqu’un venait à surgir devant lui, prêt à le manger, il serait bien armé pour se défendre ou, ce qu’il préfère, rester de marbre. Son attention restait donc toujours en éveil et puis s’il venait quand même à perdre pied, Brose, son cerf, serait là pour lui venir en aide. L’animal ne le suivait pas, mais il était là, quelque part, non loin, prêt à agir en cas de problème.

Le druide devait cela dit faire face à la nuit, qui tomberait bientôt, laissant apparaître peu à peu les mêmes étoiles, que Phan avait, dans son plus jeune âge, l’habitude de nommer. Ce petit jeu avait eu pour fonction de le rassurer, de se dire qu’il n’était pas seul dans cette étendue immense de sapin et d’arbustes en tout genre. Aujourd’hui, il en était convaincu, ce qui étouffait toute peur en lui. Il était pour ainsi dire confiant. Rien ne pouvait vraiment lui arriver. Néanmoins, il voulait à tout prix sortir de la forêt avant que le crépuscule ne laisse place à l’obscurité de la nuit. Car la forêt sous un ciel nocturne, on y voit pas grand chose !

Sa marche s’accéléra alors un peu. Si il contemplait les alentours à chaque pas effectué, il ne s’en préoccupait plus maintenant. Pourtant, quelque chose retint son attention. Ca ressemblait à un tronc d’arbre ou… ou plutôt une tente. Un campement ? Il n’était pas rare d’en voir, mais ici, sur un sentier aussi petit ? Et il devait certainement n’y avoir personne. Sauf s’il s’agissait de chasseur, expert en matière de silence. Mais passons les hypothèses, le mieux était d’aller jeter un œil.

Phan se dirigea donc vers le campement, d’un pas déterminé, sans lâcher de vue l’objet de sa curiosité. Une fois arrivé sur place, il n’y avait effectivement personne. Par contre, tout avait laissé croire le contraire, quand l’elfe avait remarqué une fumée grisâtre s’échapper, derrière une colline. Il y avait donc quelqu’un, ou quelques-uns, mais ce n’était plus le cas maintenant. Il aperçut par la suite une marmite en fer, laissée, semble-t-il, à l’abandon, à côté de la tente. Une marmite remplie d’eau. Etrange. Son regard se concentra ensuite sur une marque dans la terre. Une autre marque. Des pas. Quelle chance ! Peut-être allait-il enfin sortir de cette forêt.

Sans réfléchir, il prit la décision de suivre ces marques au sol. Au fur et à mesure de son avancement, il vit l’orée du bois, éclairé par les derniers rayons du soleil.

- Enfin ! lança pour lui-même le jeune druide.

Il avança d’un pas sûr, sans penser à l’homme ou la femme qu’il avait suivi. Soulagé, apaisé et calme, il contemplait le merveilleux paysage qui s’offrait à lui. Une magnifique étendue d’eau, où l’on pouvait apercevoir un arbre imposant en son centre. La vie semblait reprendre. Les criquets et autres bestioles de la nuit chantaient discrètement. Les hiboux de la forêt sortaient l’un après l’autre de leur repère pour faire fuir les voyageurs. Phan était prêt à les rejoindre sous sa forme animale, quand il entendit un bruit.

Il tourna sa tête à droite, à gauche, sans dire un mot. Avait-il rêvé, ou effrayé l’individu ou l’animal ? Il voulait savoir.

Bien que je déteste la foule, le fait d’être en ville m’a toujours rassuré. Je ne sais pas me battre, et j’ai toujours su que courir n’était qu’une perte de temps, si l’être qui veut votre mort est devant vous, ce n’est pas une grande nécessité de courir, c’est pourquoi je prenais soin de rester dans l’enceinte des murs de Naturalia ou de Bénécius. Mais voilà, je fais un métier dangereux, enfin, on va surtout me prendre pour un ridicule, car je ne suis qu’herboriste. Je tire ma petite charrette du matin au soir afin de livrer mes plantes et les vendre à ceux qui ont besoin de leurs effets guérisseurs. Et cette activité m’envoi souvent dans des endroits naturelles remplit de bête féroce et de gens qui vous veulent que du mal. Ce jour-là, j’ai tiré mon chariot jusqu’au lac, loin du premier village plus ou moins protecteur. Le lac fournit à certaines plantes les vertus nécessaire à certaines de mes potions.

Je n’étais pas un adepte des préparations aux voyages, je n’avais que ma tunique bleu, ma charrette, et comme arme…ma petite pelle. Ce n’est pas que j’essayais d’être le plus insignifiant possible pour que je sois ignoré de mes éventuelles agresseurs, non, c’est juste qu’avec une dague ou une épée je risque plus de me faire mal moi-même qu’à l’adversaire. Et voyager avec une armure me semble être bien lourd, déjà que je tire un poids d’à peu près trente kilo. En effet, dans ma charrette se trouvait un lit de terre et tous les nutriments nécessaires pour sauvegarder les végétaux que je transporte. J’ai énormément de respect pour la nature, je me dis juste que si un jour je dois me faire transporter, au moins que ce soit dans les conditions les plus agréable possible.

Donc j’arrivais au lac, j’étais fatigué, j’avais soif, appart mon pain et ma gourde en peau, je n’avais rien d’autre comme provision. En même temps je pouvais compter sur mon adresse à trouver des fruits comestible. En plus il faisait nuit, et la, soif, faim ou fatigué, ce n’était pas grave, car j’avais peur ! je n’ai pas un courage ni un cran à toute épreuve, rien que le fait de me dire qu’un loup me regarde me refroidit le sang. J’avançais doucement jusqu’au bord de l’eau guettant chaque recoin, même le ciel. Je voulais simplement remplir ma gourde. Du haut de mes dix-huit ans, je me penchai et remplit doucement. Je tremblais, j’avais de mauvais pressentiments, au fond de moi je me trouvais ridicule, mais on ne choisit pas toujours son éducation ou sa façon d’être.

C’est alors que j’entendis un sifflement et un bruit contre mon chariot. Je me retournai. Une flèche ! Mon visage devenait très pâle, impossible de maîtriser mes tremblements, je ne pouvais plus bouger, et je me sentais tellement vulnérable. Mes seuls reflexes ont était de faire couler mon unique source pour boire au fond du lac et de prendre ma pelle en guise de défense. Et c’est alors que j’ai vu un duo de chasseur sortant des buissons et se dirigeant vers moi. Que me voulaient-ils ? Je suis pauvre, je ne connais personne, alors pourquoi ? Une fois à ma hauteur, je me réfugia sous mon bras fermant les yeux, attendant le coup. Etais je sur leur territoire ? En tout cas, avant que j’éteint mon regard, ils avaient l’air de deux brigand sautant sur tout ce qui bougeait. Leur camp devait être bien caché sur un petit sentier.

Déterminé à découvrir la source des bruits étranges, Phan entama sa marche vers une direction, un peu choisie au hasard. De toute façon, il contournerait tout le lac s’il le faut pour retrouver sa ou ses proies. Alors, calme et silencieux, il s’aventura dans les recoins du lac. A l’affût du moindre mouvement suspect, il scrutait les environs. Mais même sous une attention des plus importantes, l’elfe parvenait encore à sursauter. C’était le cas quand plusieurs oiseaux s’enfuirent des feuillages des arbres ou quand une grenouille sortit soudainement de l’eau pour venir se poser juste devant le druide. Il eut un petit sourire, témoin de son ridicule.

A un certain moment, il aperçut 3 silhouettes, celles d’hommes, vraisemblablement. L’un d’eux était accroupi, les deux autres lui barrait la route et, à en voir leur posture, étaient prêt à s’acharner sur l’individu. C’est précisément à cet instant-là que Phan devait intervenir. Sauf que, il n’était pas vraiment pour le combat. Non pas qu’il s’agissait là d’un trouillard, mais seulement qu’il ne voulait pas se donner cette peine, cet effort. Il y avait, selon lui, toujours moyen de s’en sortir autrement. En réfléchissant, par exemple. Tendre des pièges, afin que les deux malfrats ne se prennent à leur propre jeu, était une bonne idée. L’homme aux oreilles pointues n’avait cependant pas le temps de réfléchir à sa planification. Il lui fallait agir en vitesse, là, maintenant.

- Vous là-bas ! cria-t-il en direction de la scène.

Oui, il avait décidé de les provoquer, ou pour l’instant d’attirer leur attention, mais le premier fait évoqué était inévitable, il les provoquerait sans même le vouloir.
Les deux hommes, bêtes comme Phan s’en serait douté, se dirigèrent vers leur distracteur, en laissant complètement de côté leur proie principale.

- Ha non, ne pensez pas que je vais faire ce que vous pensez que je vais faire ! Ce n’est pas DU TOUT mon genre ! s’en allait l’elfe sans se préoccuper si les deux intrus l’avaient véritablement entendu.

Il fit un petit geste au malheureux bonhomme lui signifiant de fuir. Lui allait sur ce temps s’occuper de ses proies comme il le pouvait, tout en évitant de les toucher.

- Bon, t’es fort, intouchable, dur comme la pierre et résistant comme un arbre, rien ne peut t’arriver…

Phan avait beau se rassurer, ses futurs bourreaux s’approchèrent à grands pas. Le druide se préparait à se métamorphoser à la dernière minute, ce qui en soit était un piège pas si mal, et à conclure son action comme étant un acte de diversion. Finalement, il put garder son énergie. Brose, que son maître n’avait plus vu depuis un bon moment, dévala une petite pente séparant la forêt du lac et, par sa force et son élan, projeta les deux individus dans le lac (sans même qu’ils n’aient eu le temps de comprendre ce qu’il se passait). L’elfe, surpris, mit un certain temps avant de saisir l’acte de bravoure de son animal et l’enlaça ensuite pour le remercier de lui avoir sauvé la vie.

Il vit ensuite la principale victime de tout ce vacarme, encore sur le sable. Tout s’était passé tellement vite qu’il n’avait peut-être pas eu le temps de s’enfuir. Phan en profita pour échanger sur cette peur, apparemment commune.

- En temps normal, je leur aurais mit une raclée. Vous les connaissez ? Vous savez d’où ils peuvent provenir ?

La suite se passa assez rapidement mais pas du tout comme je l’imaginais. J’étais là en train de me préparer à passer un sale quart d’heure et voilà qu’une voix que je ne connaissais pas avait attiré mes tourmenteurs. Ma curiosité m’indiqua d’ouvrir les yeux et de me présenter un homme bizarre. C’est qui lui ? Mais peu importait, il m’indiqua de fuir, pourtant, bien que je ne suis pas courageux, je ne suis pas un lâche pour autant. Il n’était pas question de fuir pendant que d’autre se font tabasser à ma place, ça ne se faisait pas. Je me relevai très vite, je voulais absolument l’aider, mais je ne savais pas du tout quoi faire et l’initiative d’un geste violant n’était pas du tout mon genre. Heureusement, un compagnon de l’elfe vint balayer le tout et je me retrouvais seul face à eux. Les deux chasseurs étaient encore là, bon, inconscient certes, mais encore là. Enfaite, il s’agissait d’un elfe, maintenant qu’il s’approchait de moi, je pouvais reconnaître les quelques signes. Je n’en avais pas rencontré beaucoup jusque maintenant et je n’en savais pas beaucoup non plus, mise appart qu’ils vivaient longtemps et leur oreilles étaient pointues.

«…Je ne sais pas…j’ai rien fais…je suis désolé… »

Mon dieu, ma voix en tremblait encore, de plus que je ne savais pas trop quoi lui dire à cette elfe, déjà les gens humains m’intimide, mais alors les autres races c’étaient pire. Cependant il m’avait quand même sauvé la vie, je ne l’avais pas oublié. J’ai une bonne mémoire qui me permet de me rappeler tous les gens à qui je devais quelques choses, et tôt ou tard je remboursais toujours mes dettes. Je baissais mon regard vers le sol, mes doigts s’entremêlaient entre eux et une petite voix sortit de ma bouche.

« Merci monsieur… »

Que devais-je faire maintenant ? Retourner à mes occupations ? Essayer de récupérer ma gourde ? Tenter d’en savoir plus sur mon sauveur ? D’ailleurs je pourrais lui demander de m’aider, j’étais un peu perdu, il fallait l’avouer, mais je déteste demander de l’aide aux gens, car j’ai toujours la conviction que je les dérangeais. Oh, mais j’avais une idée ! J’avançai vers mon petit chariot et sortit de mon sac une petite fiole. Il s’agissait tout simplement une potion de regain d’énergie. Elle était ma spécialité, une mixture que je pouvais réaliser les yeux bandés.

« Tenez…c’est pour vous…ne buvez qu’une gorgée à la fois, sinon vous allez être rapidement engourdit. Il s’agit d’une potion d’énergie. Si vous ressentez de la fatigue ou si vous êtes lanceur de sort, elle vous aidera à aller mieux…Je suis Herboriste, et c’est pour ça que je viens jusqu’ici… »

- Ne soyez pas désolé. Ce sont des barbares qui viennent tuer la tranquillité des lieux, ils n’ont rien à faire ici. De plus, je suis certain que ce sont des chasseurs, j’ai vu leur camp, pas loin…

Car à y réfléchir, c’était peut-être leur camp. Après tout, ça correspondait bien avec la fumée encore présente émanant de la casserole, et la venue des malfaiteurs en plein moment de découverte. Maintenant, ils étaient tranquille.

- Je n’ai fait que mon devoir, vous savez.

Alors que l’individu fouillait dans son chariot non loin, Phan inspira profondément en contemplant le paysage qui s’offrait à lui. Un arbre d’une beauté indéfinissable, cachant à moitié l’immense lune dans le ciel, reflétant, avec les milles étoiles qui l’accompagne, dans l’eau du lac, donnant au paysage un sentiment de plénitude et d’imperturbabilité. L’elfe était serein et ferma les yeux pour ressentir au plus profond de lui ce qui le manquait depuis quelques temps. C’était sa façon de se ressourcer. Il en avait bien besoin, surtout après un moment comme celui qu’il venait de passer.

Mais très vite, il revint à la réalité. L’homme, à qui il venait de sauver la vie, si on pouvait dire, lui tendit une fiole. Un liquide magenta y était enfermé. Il se posait la question de savoir ce que cela pouvait être, et eut la réponse aussitôt. Une potion. C’était fort intéressant, mais cela fit surgir d’autres questions. Qui était l’homme ? Que pouvait-il bien faire pour être capable de préparer des potions ? Etait-ce un mage ? Pas un mage noir tout de même ? A vrai dire, il n’en savait trop rien. Les peuples de Nel’Beraid ne l’avaient jamais fort intrigué, excepté la sienne, à savoir les druides.

- Merci beaucoup !! C’est vraiment généreux. Je n’en demandais pas autant ! dit-il en esquissant un petit sourire. Herboriste, voilà un métier que je ne connaissais pas. Bref, ravi de faire votre connaissance, cher … ?

Il rangea la fiole dans l’une de ses poches, jeta un œil sur Brose qui n’avait pas bougé et veilla à ce que les bandits ne reviennent pas.

Finalement, il eut un éclaircissement. Il put faire le rapprochement entre herboristerie et mage rouge. Il avait écouté vaguement une conversation entre deux druides. Il pouvait se fonder sur ces dires, mais il voulait en avoir le cœur net.

- Vous… vous êtes un mage rouge, c’est bien ça ?

Voilà un personnage tout à fait singulier. Mystérieux mais paradoxalement polie et accueillant. Devais-je me fier à mes premières impressions ? Vu qu’il venait de me sauver ce doute s’échappa très vite. Il semblait vouloir me connaître d’avantage, tout comme moi. Peut être était ce enfin l’occasion de me faire une connaissance en dehors de la ville.

« Je m’appelle Charly, Charly Calcicendre et je n’ai rien d’un lanceur de sort, je me contente de faire mes livraisons de plantes et de potions. Et vous-même ? »

Un mage rouge ? Oui, cette caste étaient réputé pour leurs qualité en ce qui concerne la flore. Mais si j’étais un vrai mage rouge, j’aurais probablement était capable de me débarrasser des deux chasseurs sans importuner cet elfe. Si j’étais un magicien je ne craindrais pas ces dons qui sommeillaient en moi et qui me terrifier au plus haut point. D’un côté, j’avais envie d’être plus qu’un simple passant, mais d’un autre côté, bien plus rationnelle, je voulais rester sur cette voie pour ne pas avoir d’ennuis. Mais apparemment, ce n’est pas ça qui avait empêché les deux hommes de m’attaquer.

« J’ai toujours peur de venir ici, mais comme je ne veux pas décevoir mes clients, je m’y risque quand même. Je n’ai pas envie de rentrer en leur disant que je n’ai pas reçu leurs commandes, sinon je serais encore traité comme un moins que rien et un déchet. Et vous, que faisiez-vous dans le coin ? C’est chez vous ? »

Comme Monsieur Drom. Un de mes clients les plus grincheux qui n’hésite pas à mépriser son prochain pour se rendre intéressant. Beaucoup penseraient que je devrai arrêter de lui livrer ce dont il a besoin, mais quelques choses me disaient au fond de moi que j’évitais ainsi qu’un autre se fasse taper dessus à ma place. Peut être qu’un jour j’arriverai à le rendre un peu plus humain. A croire que son séjour dans la garde lui a ramolli la cervelle.

Pour en revenir à l’elfe, je l’envier un peu, je ne devinais pas ses soucis quotidiens, mais ça devait être rudement bien de se balader ainsi sans ce soucier de la face du monde. Il aurait très bien pu choisir de ne pas intervenir pour me sauver, ce qui prouvait encore qu’il était quelqu’un de bien et de naturelle. J’avais hâte d’en savoir plus sur lui.