Il y avait bien de jours où Rhaüs était inutile à la population. Pas d’aide à apporter, ni de justice à faire régner, ou encore de brigands à sermonner, même si ce cas n’était encore jamais arriver. Et il y avait des jours où le chevalier, même s’il en avait envie, ne pouvait pas se tourner les pouces une seconde. Le jour d’aujourd’hui se rapprochait beaucoup plus de ce type de journée.

Rhaüs ne savait pas quand cela avait commencé, il ne savait plus. La seule chose dont il était sûr, c’est qu’une bonne chope de bière ne tarderait pas à se vider. Sous une chaleur qu’il préférait ne pas connaître, il réussi à sauver un enfant tombé dans un étang par inattention. Si d’ordinaire, il aime les compliments et les cadeaux que certains paysans lui offre – parce qu’il ne faut pas compter sur les plus riches, ce sont les plus radins -, à un moment donné, plus rien n’a d’importance, sauf la chope de bière évidemment.

Il avertit l’enfant et la gardienne de celui-ci de faire plus attention la prochaine fois et déguerpit avant même que la villageoise n’ait le temps de lui adresser un sourire. Trouvant la force là où il pouvait la trouver, il parvint à courir et à trouver un coin d’ombre où il se reposa un instant. Salem, son chat, était installé non loin, dans le soleil par contre. Comme tout chat, il appréciait qu’un rayon de soleil ne lui réchauffe la bedaine. Il semblait très très bien installé, en fait.

« Salem ! On arrête la bronzette. Et tu vas m’aider à trouver une taverne, parce que tu sais ce qui rôde autour d’une taverne, hm ? »

Il parlait bien évidemment de souris. N’empêche que Salem fut directement à l’affût d’une moindre bestiole grise. La queue redressée, il suivait joyeusement son maître qui avait repris la marche. Rhaüs avait inconsciemment suivi un chemin. Il n’était pas du style à s’aventurer dans la forêt pour le plaisir, ou s’inventer un sentier imaginaire qui mènerait à une surprise, peut-être, de mauvais goût. A y réfléchir, il avait bien fait. Après quelques instants de mouvement, il aperçu enfin un bâtiment. Un bruit lointain en provenait. L’homme décida de s’en rapprocher, sans trop se poser de question. Son désir de boire était plus fort que tout !

Il arriva devant ce qui paraissait être effectivement une taverne, laissa son chat dehors en l’avertissant de ne pas aller trop loin bien sûr et finit par entrer. Il avait ouvert la porte tellement fort que certaines personnes s’étaient tues. Presque tous les regards se portaient sur lui, et c’était très bien, même si cela ne dura que quelques secondes avant que chacun ne reprenne son activité. Fièrement il avança vers le comptoir et se laissa tombé sur un tabouret pris au hasard. Le tavernier, tout en s’essuyant les mains avec un torchon usé, dit deux, trois mots, mais le chevalier l’interrompit. Il savait très bien ce qu’il voulait boire.

« Je veux une chope de bière bien fraîche ! »

Le tavernier s’exécuta. Le chevalier posa ses armes sur le comptoir. En attendant qu’il soit servi, il fit, du regard, un tour de la pièce et aperçu une jeune femme. Elle était seule, avec son chat. Assez mignonne du premier regard. Et comme une chope de bière ne s’accompagne jamais sans une jolie demoiselle, il partit la rejoindre.

« Que vois-je !? Une si jolie demoiselle, seule assise à cette table ? Est-ce possible ? » lui dit-il avec un sourire.

Il avait bien intérêt à ce que l’inconnue en face de lui apprécie ce genre de personnage, car il voulait vraiment finir sa journée en beauté.

En apercevant la bâtisse, Rhaüs ne s’était pas imaginé y rencontrer autant de monde. Ainsi, il avait fait une entrée fracassante, sans vraiment faire attention, ce qui était plutôt son habitude, et s’était retrouvé le centre de l’attention pendant quelques secondes. Si d’apparence, il avait montré de la joie face à cet honneur, au fond de lui-même ce n’était vraiment pas ce qu’il avait recherché et à dire vrai, il aurait préféré se faire connaître discrètement.

Assis sur sa chaise, le chevalier observait pendant une fraction de secondes chacune des personnes présente dans la taverne. L’un d’eux pouvait très bien lui être nuisible, lui faire du mal sans que cela ne soit perçu par les autres. Enfin, il se faisait certainement du sang d’encre pour rien. Impossible qu’un mage noir ne se soit dissimulés parmi les habitués.

Son attention revint sur la conversation qu’il venait de débuter avec l’inconnue. Mais alors qu’il voulait répondre à son interlocutrice, le tavernier apparut et lui servit sa chope de bière, avec un regard assez mécontent. Rhaüs se sentait soudainement mal à l’aise. Les nains avaient pourtant l’habitude de porter joie et bonne humeur là où ils allaient. Le chevalier dériva son regard sur celui de la jeune femme puis sur la boisson de celle-ci. Il lui semblait l’avoir aperçue également sur les autres tables. Avait-on pour habitude de servir la même boisson à tout le monde ici ? C’était sans doute le cas. Rhaüs ne tarda pas à montrer à son tour son mécontentement.

« Je refuse catégoriquement de boire cela. J’ai passé une mauvaise journée, je pense que j’ai bien mérité une bière ! »

Puis il fouilla dans une poche de sa tunique, pris quatre, cinq pièces – plus que le prix d’une simple bière – et les donna au tavernier. Il en profita pour lui faire signe de le laisser tranquille lui et la jeune femme.

« Excusez-moi. Où en étions-nous ? Ha oui, vous disiez être seule. Ne vous inquiétez pas. Je ne suis jamais venu ici, et je ne connais personne non plus. »

Il prit une grande gorgée de bière, posa sa chope et vit le chat qui devait certainement être celui de la demoiselle. Mais il ne s’attarda pas dessus. Rhaüs préféra à cet instant s’intéresser davantage à l’apparence de la jeune femme. Celle-ci devait sans doute aimer le blanc, car cette couleur l’accompagnait partout. Ses cheveux étaient blancs, sa robe également. Sa peau s’en rapprochait facilement, mais elle était juste fort pâle. Sa beauté l’avait surtout touché au niveau de son visage. Ses joues rosées et ses yeux bleus qui transporteraient n’importe qui dans un rêve. Il faut dire, Rhaüs n’était généralement pas difficile en matière de filles, mais il savait quand même reconnaître que l’apparence de la jeune fille n’était pas ordinaire, ce qui lui plaisait, quelque part.

« Quel âge avez-vous ? Vous me semblez si jeune ! »

Presque fasciné, il se perdit dans le regard de la jeune fille. Lorsqu’il s’en rendit compte, il se redressa rapidement et tourna la tête ailleurs, faisant mine de contempler les lieux. Ensuite, pris d’un coup de chaleur soudain, il enleva la cotte de mailles qu’il avait encore sur lui, la garda sur ses genoux et regarda à nouveau la fillette avec, cette fois-ci, plus de distance.

« Vous avez l’apparence d’une poupée en porcelaine, d’être tellement fragile ! On ne vous embête pas trop dehors, j’espère ? »

Cette question pouvait très bien être interprétée comme une insulte, signifiant qu’elle était faible, mais elle n’avait pourtant aucunement l’intention de l’être. Rhaüs avait toujours peur que les plus forts ne profitent sur les plus faibles. Un peu plus quand il s’agissait de fille, c’est vrai, mais que voulez-vous y faire ? Les chevaliers étaient pourtant reconnus pour avoir des côtés machistes.

L’ambiance de la taverne était restée la même. Un certain temps s’était déjà écoulé et il y avait toujours autant de mouvement et de bruit dans la salle. Rhaüs pouvait être rassuré. Si des personnes l’avaient reconnu, il aurait déjà été eu la visite de quelques-unes de celle-ci. Il y avait donc des chances pour qu’il soit tranquille pour le reste de la journée. Surtout que la jeune fille en face de lui ne semblait pas non plus le connaître. Evidemment, il ne venait pas toujours à Naturalia, préférant les paysages et l’ambiance de Bénécius, mais cela n’avait pas empêché que plusieurs de ses habitants ne lui demandent de l’aide. Si pas plus que ceux de Bénécius d’ailleurs. Et les habitants de Naturalia, Rhaüs les connaissait bien. La demoiselle assise devant lui ne devait certainement pas en faire partie, et pourtant, il ne la reconnaissait pas non plus comme Nelberienne de Bénécius. Elle devait provenir d’ailleurs, mais d’où ?
Quoi qu’il en soit, il devait d’abord faire face aux réponses de l’étrangère, ainsi qu’à ses questions.

« C’est la première fois que je viens ici, mais pas la dernière. J’aurais encore la possibilité de prendre une liqueur la prochaine fois que je viens, si bien sûr le tavernier ne change pas ses spécialités… Vous aimez ? dit-il en jetant un regard à la liqueur. »

La réponse à la question qu’il lui avait posé choqua un peu le chevalier. Des milliards d’années ? Etait-ce possible ? Oui, en tant qu’elfe, et encore. Mais elle n’avait vraiment pas le physique d’un elfe. Comment pouvait-elle paraître aussi jeune, et être à la fois aussi âgée ?

« J’ai bien du mal à vous croire ! Votre physique vous ferait facilement passée pour une menteuse, mais quel intérêt y a-t-il à mentir sur un sujet comme celui-là… »

Il bu une gorgée de bière, passa son bras sur sa bouche pour essuyer la mousse, et repris.

« Vous êtes quoi au juste ? Une elfe ? Une humaine immortelle ? Une mage aux pouvoirs immenses ? … Vous dites vivre ici depuis 18 ans, vous étiez ailleurs, avant ? »

Le visage de Rhaüs était totalement décomposé. Il signifiait l’étonnement, à la fois la fascination et la peur. De toute évidence, il n’était pas bien informé.

Et tandis que l’homme réfléchissait intensément, cherchait une explication plausible à tout cela, la centenaire le reprit sur la comparaison qu’il venait de faire.

« Pour la Faucheuse ?! Alors là, non, on ne le penserait pas un instant ! Vous me sembleriez plus vous rapprochez des mages blancs, bien que je ne pense pas que vous en faites partie. Vous portez donc la mort au lieu de la préserver ? Ou ce surnom n’est-il que le simple reflet de l’imagination ? … Oh pardon. Rhaüs Newell, dit-il en tendant la main, enchanté. Et vous, vous êtes ? »

Comme quoi le célèbre proverbe « l’habit ne fait pas le moine » avait bien un sens. Il aurait sans doute du plus se méfier et ce, dès le départ. Néanmoins, la jeune femme n’avait pas l’air de vouloir lui chercher misère, ou pire encore, le tuer. Le chevalier pouvait donc respirer, et prit une nouvelle gorgée, en toute tranquilité.

Vin de mure ? Avait-elle bien prononcé le nom de ce nectar délicieux ? Rhaüs était perplexe. Il en avait déjà goûté auparavant, mais jamais dans ces lieux. Il se réjouissait de goutter ce vin la prochaine fois qu’il mettrait les pieds dans la taverne. Quoi qu’il en soit, il trouvait la jeune femme bien au courant des spécialités de la maison. Cette remarque faites à lui-même lui faisait penser qu’elle connaissait bien Naturalia. Néanmoins, il garda un certain recul face à ses hypothèses, pour éviter de tomber des nues si elle venait à lui révéler qui elle était vraiment. Le preux chevalier lui adressa un sourire.

« Je comprends donc pourquoi il y a tant de monde maintenant. »

Enfin, il eut droit aux réponses qu’il attendait. Il prit une dernière gorgée de sa boisson car il sentait que les explications que la demoiselle allait lui donner prendraient un certain temps. Il appréciait déjà ce moment où toutes ses questions pourront être éclaircies. Surtout qu’elle s’était retenue de rire, ce qui prouvait clairement qu’il était loin d’imaginer ce qu’elle pouvait être en vérité.

Le visage du jeune homme passait de la surprise agréable à la plus grande consternation possible. Chroniqueur ? Ce mot ne lui disait absolument rien. Sa mère aurait-il oublié de lui en parler, lors de leur seule et unique rencontre dans le jardin paradisiaque ? Cela était possible, mais il s’agissait d’un statut, ce qui est tout de même important. Plus encore lorsqu’elle lui déballa ce qu’ils étaient vraiment. Des étoiles échouées sur terre. Rhaüs esquissa un sourire, pensant que tout cela n’avait pas de sens, que tout cela était impossible. Et pourtant, c’était bel et bien vrai. Elle n’était donc pas humaine, il l’avait quand même repéré. Son ego en serait moins torturé, mais il était tellement frustré !

« Effectivement, je n’en ai jamais entendu parler… Rassurez-moi, vous n’êtes tout de même pas de vraies étoiles ? Cela me semble tellement… absurde ! Et si vous êtes les êtres les plus âgés de Nel’Beraid, vous avez dû connaître le ravage que les anges ont produit il y a cela plus de 200 ans ? A moins que vous êtes une sorte de secte neutre qui n’agit que pour son peuple ? demanda-t-il avec un certain ton ironique. »

Il espérait bien que cette histoire de ravage se soit vraiment déroulé, et que cette inconnue soit elle-aussi au courant. Pour rien au monde il ne voulait être pris pour un imbécile ignorant… Il continua à lui répondre sans vraiment lui laisser le temps de répondre à ses dernières questions.

« Vous m’avez réellement fait peur. J’ai cru une seconde m’être retrouvé face à une mage noir… Pour tout vous dire, je les déteste. Et vous n’êtes pas une mage blanche, c’est déjà ça. Je m’entends bien avec eux, mais ils sont quelques fois charlatans lorsqu’ils utilisent leurs pouvoirs… »

Rhaüs regarda Illaria, c’est donc ainsi qu’elle s’appelait, en la souriant, encore une fois.

« Les gens parlent toujours sans savoir, vous savez. Moi, j’utilise une simple épée et un bouclier pour me défendre en cas d’attaque. Mais l’important, ce n’est pas l’arme, c’est la manière dont on l’utilise. Si vous savez manier la faux, alors je suis sûr que vous risquez beaucoup moins de vous faire trucider lors d’une attaque. »

L’homme en armure termina sa bière, et s’attarda ensuite sur le chat d’Illaria.

« Je suis étonné de voir que vous avez vous aussi un chat. Le mien est sans doute en chasse de souris au moment où je vous parle. Comment s’appelle-t-il ? »

Il disait cela plus pour faire conversation que par intérêt pour le chat. De toute manière, cela aurait paru étrange…

« Oui, le vin de mure n’est pas connu que par ici, me semble-t-il »

Eh bien, on pouvait dire que le chevalier était surpris d’entendre le récit d’Ilaria, et pas forcément dans le bon sens. En même temps, il y avait de quoi, puisqu’il n’avait jamais entendu parler des chroniqueurs. Après tout, ce n’était pas étonnant, quand on savait qu’en voir était un fait extrêmement rare, cela n’étonnait donc absolument pas Ilaria. Elle espérait juste que comprendre ce qu’elle était ne le fasse pas fuir. Car s’il ne la croyait pas, il la prendrait certainement pour une illuminée qui racontait n’importe quoi pour se rendre intéressante, et cela, ce ne serait pas très bon pour elle et pour les autres chroniqueurs en général. Si tant est qu’elle n’était pas la seule sur Nel Beraid. Il ne la laissa même pas répondre immédiatement quand il lui demanda en quelque sorte si elle avait assisté à la guerre, ou si elle faisait partie d’une secte. C’était tout de même vexant, comme comparaison. Croisant les bras, elle le laissa toutefois finir sans l’interrompre. Il semblait être content de ne pas avoir affaire à une mage, en tout cas.

« J’ignore ce que vous avez personnellement contre les mages noirs, mais je vous comprends, je n’apprécierais pas de les fréquenter non plus. Les mages blancs, des charlatans, vous dites ? Vous avez certainement dû tomber sur les mauvais, alors. Je ne connais pas grand-chose de Bénécius mais pour le peu que j’ai vu, les gens ont l’air d’être bien plus que corrects »

Certains préjugés ont la vie dure. Il pensait ce qu’il voulait après tout, mais elle se devait de rectifier cela. Tout le monde n’était pas à mettre dans le même sac, elle le savait bien, mais lui avait l’air de croire que chacun se comportait de la même façon, ce qui était absolument faux. Il y avait des abrutis partout, des personnes bonnes et justes presque partout, les mauvais n’étaient pas loin non plus.

« Comme je vous l’ai dit, je ne fais partie d’aucune secte. Je n’ai jamais vu mes semblables, pour tout vous dire. Etre chroniqueur est un statut. Je suis chroniqueuse tout comme vous, vous êtes chevalier si je me fie à votre apparence. Comme je vous l’ai déjà dit, je fus une étoile, mais je ne m’en souviens malheureusement pas. Tout ce dont je me souviens de mon passé, c’est que j’ai été retrouvée dans les montagnes interdites, et j’ai été élevée par un ermite qui vivait là, comme une humaine. Parce que je ressemble aux humains. C’était bien avant cette fameuse guerre, bien évidemment. Alors je n’ai pas le souvenir d’y avoir assisté. Mais puisqu’elle a figuré dans les écrits anciens, alors elle a bel et bien existé »

Elle était présente en temps qu’étoile, elle avait observé toutes les guerres de Nel Beraid, ce qui remontait à bien plus loin que la dernière, mais comment pouvait-elle le savoir alors que c’était comme si elle n’avait eu qu’une vie? Elle disait être une étoile car elle y croyait dur comme fer. Parce que les écrits l’avaient dit. Parce que l’on parle des chroniqueurs dans l’histoire de ce monde. Mais il ne fallait pas qu’elle doute de cela, sous peine de ne plus savoir ce qu’elle était exactement.

« Oui, en effet, la faux me permet de me défendre sur une assez longue distance, c’est vrai. Et si l’on arrive à m’approcher, une dague suffit. Je voudrais pouvoir éviter de tuer, autant que possible. Oh, oui, mon chat, je n’y pensais plus. Il s’appelle Ewimbë. Il m’accompagne depuis que j’ai quitté les montagnes »

En écoutant les propos de la jeune Ilaria, Rhaüs en vint une nouvelle fois à douter de sa véritable identité. Etait-elle vraiment la femme qu’elle prétendait être ? Ou bien tentait-elle de le mener en bateau ? Même en continuant de l’écouter ou de regarder les gestes qu’elle fait, laissant peut-être paraître un côté sombre en rapport avec les mages noirs, le jeune chevalier n’aurait su complètement la découvrir. Ce qui lui restait à faire était simplement de la croire. Il laissa donc tombé ses préjugés. Et cela tombait bien, après ce que la « chroniqueuse » venait de dire. Selon elle, les mages blancs ne sont pas charlatans, et les habitants de Bénécius sont des personnes bien éduquées. Il n’était pas tout à fait contre ces paroles mais savait juste qu’il fallait un minimum se méfier. Les apparences sont trompeuses, comme on dit.

« Je suis ravi de savoir que vous ne faites guère confiance aux mages noirs. Vous avez raison. Par contre, pour ce qui est des mages blancs, je sais ce que je raconte, je ne vous mens pas. Mais comme vous dites, il se peut que je sois tombé sur les mauvais… »

Et il écouta ensuite les aveux, clairement, de l’étoile. Elle se livra complètement à lui pour lui répondre et finalement, ce n’était pas plus mal. Bien sur, il pouvait choisir de la croire, ou non. Après tous les préjugés qu’il avait pu avoir à son sujet, il décida pour finir de la croire. Elle avait ce petit quelque chose qui faisait penser à Rhaüs qu’elle disait vrai.

Il avait un peu de peine, en entendant le récit d’Ilaria. Ca n’avait pas du être facile de vivre ainsi, sans jamais avoir rencontré de ses semblables et fonder son identité sur de simples écrits d’anciens. Son cœur de chevalier devait sans doute ressortir là, mais il garda toutefois une distance, surtout quand elle perçut Rhaüs comme étant un chevalier. Elle était intelligente, et comme toute personne intelligente, il préférait s’en méfier à moitié que de leur faire totalement confiance.

« … et comme vous venez de le découvrir je suis bien chevalier. Il faut que je vous avoue que votre histoire me fait de la peine. Si je peux vous aider à retrouver l’un de vos semblables, je le ferais. C’est vrai qu’avec ce que vous venez de me raconter, ils ne doivent pas être facile à trouver. »

Puis il se souvint des dernières paroles que la jeune fille avait prononcé.

« Mais évidemment je ne remets pas en question vos compétences dans le combat. Je suis tout à fait conscient que vous savez vous défendre seule en cas de rencontres désagréables… Prenez cette proposition comme celle d’un chevalier bienveillant pour son peuple ! finit-il avec un petit sourire en coin, un brin aguicheur. »

L’ambiance dans la taverne tournait rapidement à une ambiance festive. La musique de fond augmentait de volume, et certains clients commencèrent à se lever de leur table pour aller danser. Rhaüs continuait à regarder le chat de la chroniqueuse.

« Ewimbë. Ce nom lui va bien. »

Plusieurs personnes se levèrent à leur tour, et cela inquiétait un peu Rhaüs.

« Vous savez s’ils ont l’habitude de faire la fête ici ? »