Enfin de retour chez soi.
Durant son voyage, Neelahn n’avait pas oublié ses amis et avait rapporté beaucoup de souvenirs. Peut-être même un peu trop.
Ses cheveux étaient entremêlés. Avec la vase, les brindilles et toutes les autres saletés qui s’y étaient incrustés, on aurait même pu penser qu’elle avait attrapé des poux. Quant à sa peau, de nature si claire et nette était recouvert d’un voile de sueur mélangé à de la crasse. De loin, on aurait pu aisément croire qu’elle avait bronzé. Ses habits étaient dans le même état que tout le reste, peut-être même pire. Troués et effilochés à plusieurs endroits, le tout donnait l’impression qu’une gueuse cherchait dans la forêt où rendre son dernier souffle.
Et pourtant, on ne pouvait pas dire que Neelahn était pauvre. Loin de là. Durant son mini voyage à travers le monde, elle avait eu l’occasion d’amasser une petite fortune. Cet argent n’aurait sans doute pas suffit à construire un château mais avec ce qu’elle avait, Neelahn aurait pu se maintenir propre et élégante, à condition bien sûr de trouver une auberge ou un marchand stationné dans les marécages ou la pineraie carbonisée…

Alors, la première chose que Neelahn fit en rentrant chez elle fût bien évidemment de plonger dans un cours d’eau. Se saisissant du savon le plus rugueux qu’elle avait pu trouver, elle s’affaira à frotter son corps jusque ce que la peau rougisse. Elle avait l’habitude de la terre et de la poussière mais elle n’était pas une pouilleuse. En fait, on pouvait même dire qu’elle avait horreur d’avoir des petites bêtes dans ses cheveux.
Une fois propre, l’elfe se chargea d’aller brûler tous ses vêtements. En piteux états, elle n’avait aucun scrupule à les abandonner, surtout lorsqu’elle aperçut que les druides lui avaient confectionné de nouveaux vêtements. Pliés et rangés dans un gros paquet, Neelahn l’avait remarqué en rentrant chez elle. Néanmoins, dans l’état dans lequel elle était, l’elfe n’avait pas osé ouvrir le présent que les druides lui avaient fait. Mais maintenant qu’elle était propre…

« Oh ! »

Une veste en fourrure, une robe, … Il y avait de quoi refaire toute sa garde robe. Pendant un long moment, Neelahn s’extasia sur la couleur des fils et de la broderie. Elle admira ensuite la couture, la douceur de la fourrure, … Puis, finalement, elle rangea le tout délicatement dans sa cabane nichée en haut d’un arbre.

« Neelahn ? C’est toi ? Peux-tu descendre de ton perchoir, s’il te plaît ?
_ Oui, j’arrive tout de suite ! »

Sortant de sa cabane, elle aperçut Catelyn, une de ses amies druidesses. Celle-ci tenait une lettre dans sa main ainsi qu’un carquois de flèches…

« Alors comme ça on se fait inviter à un bal masqué ? Ohlala ! Tu ne nous avais pas dit que tu devenais populaire !
_ Un quoi ? Fais voir !
_ Tututut ! Tu verras ça plus tard. Quelqu’un t’attends là-bas. Je mets ça sur ton lit.
_ D’accord ! Au fait, j’ai ramené pleins de choses pour toi et les autres. C’est dans mon sac. Il est un peu sale mais tout ce qui est à l’intérieur est bien conservé.
_ Oh c’est vrai ? Tu nous as ramené des cadeaux ? Bon, je file voir et toi, prends ces flèches, tes armes et cours là-bas ! Et pour l’amour du ciel, attache-toi les cheveux ! »

Catelyn pointa son index et Neelahn suivit sa direction. Pourtant, elle ne vit rien d’autre que des arbres, de l’herbe et des oiseaux. Haussant les épaules, elle attrapa son arc, sa dague et mit son carquois sur son épaule. Elle marcha ensuite dans la direction que lui avait montré la druidesse. Arrivé au lieu dit, elle n’aperçut toujours rien. Après avoir caressé Tigrou qui venait de s’asseoir près d’elle, elle lança alors timidement :

« Youhou ? Y’a quelqu’un ? »

Neelahn leva la tête en haut, la tourna à gauche puis, à droite. Elle ne voyait toujours rien. Alors, elle finit par rire toute seule, pensant que Catelyn venait de lui faire une farce.
Mais pourtant, après avoir fait demi-tour sur elle-même quatre ou cinq fois, elle ne vît aucune trace de son amie. Peut-être s’était-elle trompée de chemin et qu’une personne l’attendait comme on le lui avait dit…

« Oh ! »

Alors qu’elle était sur le point de tourner à gauche, une femme fit subitement son apparition. Elle avait une magnifique peau basanée mais ce que Neelahn apprécia le plus chez elle, c’était ses yeux débordants de vie.

Docilement, la druidesse suivit l’inconnue. Elle s’interrogea sur son identité. Elle ne l’avait jamais vu auparavant. Que lui voulait-elle ? Et pourquoi Catelyn lui avait dit de prendre ses armes ? Allait-elle aller à la chasse avec l’inconnue ?
Quoi qu’il en soit, celle-ci se mit à lui poser des questions sur sa vie et son avenir. Elle lui posa de drôles de questions auxquelles elle n’avait jamais pensé auparavant. Pourquoi lui demandait-elle tout cela ? Mais bon, comme elle avait un visage sympathique et qu’elle avait l’air de faire partie du même camp qu’elle, Neelahn répondit.

« Je suis allée visitée un peu Nel Beraid. Je viens de rentrer là. Il y a tellement de choses à voir. Je pense que je repartirai dans quelques temps. A Bénécius, j’ai pu récupérer un bâton magique. Oh tiens, d’ailleurs, je l’ai oublié sur mon lit… Enfin bref, il est sympa. Grâce à une petite formule, il est capable de taper tout seul à qui on veut. »

Assise sur un banc improvisé, Neelahn effectuait de grands gestes. Elle raconta également à l’inconnue les rencontres qu’elle avait pu faire durant son voyage. Ainsi, elle lui parla de Bleuet et son problème de voix, elle lui narra aussi dans quelles circonstances elle avait rencontrée Xadr le rôdeur. La druidesse n’oublia pas non plus de mentionner Masaku et Cirdan. Elle passa d’ailleurs beaucoup de temps à parler d’eux.
Pendant ce temps là, Tigrou s’était endormi aux pieds de l’elfe. Il était visiblement épuisé après tout ce long voyage.

« Je ne sais pas si j’ai envie de devenir chef mais si on me proposait un tel poste maintenant, je pense que je refuserai. Je ne crois pas avoir toutes les qualités nécessaires pour ce genre de chose. Et puis, pour moi, un chef doit posséder beaucoup de connaissances et pour ma part, il me reste encore tellement de choses à découvrir !
Sinon, en ce qui concerne les alliances, à vrai dire, je n’en sais trop rien. J’ai rencontré une mage rouge. Elle m’a l’air très ignorante sur le monde des druides. Elle avait un peu peur de Tigrou mais elle avait l’esprit ouvert. Cependant, je ne suis pas sûre que tous les mages rouges soient comme elle. En ce qui concerne les mages blancs, je n’en sais trop rien… Je n’ai pas vraiment eu l’occasion de parler avec eux… car pour savoir s’il est bon de s’allier avec quelqu’un, il faut avoir préalablement cherché à le connaître, n’est-ce pas ? »

Elle n’avait pas peur de dire ce qu’elle pensait, sans doute parce que le visage de l’inconnue lui semblait familier. Il faisait parti du décor, elle semblait faire parti de son camp. Pour elle, il n’y avait donc aucune raison de douter et, d’une certaine manière, on pouvait donc dire qu’elle lui faisait aveuglément confiance. Peut-être avait-elle tord de penser ainsi mais pour l’instant, cette idée ne lui traversa pas une seule seconde l’esprit.

Neelahn esquissa un sourire.
Voler ses objets ? Mais non ! Elle était dans sa forêt. Son artefact était rangé dans sa cabane. Personne ne viendrait dérober ses affaires personnelles. Les druides n’étaient pas de ce genre. L’elfe savait qu’elle pouvait compter sur eux.
Toutefois, la femme avait raison. Neelahn était un peu trop négligente. En même temps, elle avait toujours été habituée à sortir avec son arc et sa dague. Le bâton du schnock était un nouvel objet auquel il lui faudrait un peu de temps pour s’y habituer. Et puis, en repensant au chemin qu’elle avait fait pour rentrer chez elle, elle se dit qu’il n’était pas très pratique de se promener avec un arc et un bâton en même temps. En fait, c’était même encombrant, surtout lorsqu’on se trouvait dans des tunnels petits et qu’on était poursuivit par des bêtes féroces …

« Hé bien… disons que l’occasion ne m’a jamais été présenté mais j’ai rencontré une grande guerrière dans la forêt d’illusion ! »

Neelahn faisait référence à la redoutable Thadea Siderea. Mais à l’époque, elle la connaissait sous le pseudonyme de Thad’ et elle ne savait pas quel statut elle occupait réellement. Pour elle, ce n’était qu’une noble dame en armure qui partait pour des missions mystérieuses. Avec son arme effroyable, l’elfe se disait que la guerrière devait vivre des aventures passionnantes.
Mais quoi qu’il en soit, Neelahn ne se souvînt pas d’avoir déjà croisé sur son chemin un mage noir ou un aigrefin. Elle se serait sans doute rappeler si tel avait été le cas mais là encore, elle se demanda si elle n’avait pas d’épouvantables préjugés sur eux. Après tous, elle ne savait rien d’eux et n’avait conscience de leur existence que par l‘intermédiaire de ce que les autres lui disaient.

« Je serai curieuse de savoir à quoi ressemble vraiment les mages noirs et les aigrefins… Mais je suppose qu’ils ressemblent à tout le monde, non ? Chaque personne possède sa propre personnalité. Certaines sont toujours plus plaisantes que d’autres… »

Et après avoir répondu à la question de l’inconnue, celle-ci se transforma subitement en rouge-gorge. Neelahn fut émerveillée par le petit oiseau qui volait désormais sous ses yeux. Il avait un plumage magnifique.
Et quand il lui dit par télépathie de changer de forme, la druidesse répondit.

« Super ! Au fait, je vous raconte ma vie depuis tout à l’heure mais je ne connais même pas votre nom ! »

Pas un seul moment Neelahn ne se douta que cette femme était un personnage important et qu’elle allait lui faire passer une épreuve cruciale. Pour elle, ce n’était qu’une rencontre comme parmi tant d’autres.
Après avoir posé ses armes à terre, Neelahn se changea en colibri. Ses vêtements tombèrent alors au sol, laissant tout d’abord croire qu’elle s’était volatilisée. Pourtant, une petite boule entremêlée dans le tas de tissu avait l’air de chercher la sortie. Elle sembla tourner sur elle-même pendant quelques instants et finit par sortir par une des manches du vêtement.
La petite boule à plumes sautilla vers le rouge-gorge. Elle leva les yeux, pencha la tête sur le côté et prit son envol.

Neelahn montra quelques pirouettes à l’inconnue. Volant d’avant en arrière puis de bas en haut, elle exécutait toutes les prouesses dont seuls les colibris étaient capables de faire. Elle s’amusa ensuite à tourner autour du rouge-gorge pendant quelques instants et finalement, elle s’immobilisa dans les airs, face de l’oiseau. Ses ailes battaient à toutes vitesse et ses yeux pétillèrent de joie.
Visiblement, Neelahn était prête à aller s’amuser.

Oui oui. Bien entendu. Neelahn savait parfaitement à quoi ressemblait un mage noir ou un aigrefin. Elle avait entendu mille et une rumeurs à leur sujet. Les mages noirs portaient des toges aussi sombres que les ténèbres. Leurs yeux reflétaient la noirceur de leur âme. Les aigrefins, quant à eux, avaient les cheveux collés sur leur crâne et avaient des poux. N’étant pas des adeptes de l’hygiène, ils pétaient, rotaient et buvaient comme des ivrognes. Fascinés par la guerre et le chaos, il valait mieux ne pas se retrouver sur leur chemin.
A travers tous ces préjugés, Neelahn pensait parfaitement faire la différence mais elle se forçait à pense que peut-être les gens avaient tord. Pouvait-on mettre toutes les personnes d’un même statut dans le même panier ? Était-ce vrai que les mages noirs mangeaient les boyaux des rats au petit-déjeuner ? Les aigrefins pissaient-ils vraiment sur leurs ennemis une fois qu’ils les achevaient ? L’elfe avait des fois bien du mal à croire ce qu’on lui disait. Tout simplement, elle ne parvenait pas à s’imaginer que cela pouvait être possible. Mais après tout, il ne fallait pas oublier qu’elle avait passé une grande partie de sa vie dans la forêt. Ainsi, elle n’avait pas eu l’occasion de voir toutes les atrocités du monde…

« Piou... ? »

C’était la première fois que Neelahn faisait la rencontre d’une personne qui n’avait pas de nom. Elle trouvait cela très étrange. Mais comment les autres faisaient-ils alors pour s’adresser à elle ? Est-ce que tout le monde se contentait de l’appeler par « Gardienne » ?
Quoi qu’il en soit, la femme ne lui laissa pas le temps de répondre. Elle s’envola à travers la forêt. Passant un coup au-dessus et en-dessous des branches d’arbre, elle donnait l’air de maîtriser parfaitement son don.
Neelahn, quant à elle, malgré sa petite taille et sa vitesse, avait un peu du mal à suivre ce parcours. La plupart du temps, elle se contentait de voler en ligne droite. Quoi de plus naturel après tout ? Mais à travers cet exercice, l’elfe comprit que son pouvoir ne devait pas uniquement servir pour s’amuser.
Faisant du mieux qu’elle pouvait, elle esquiva de justesse la plupart des branches. Et lorsqu’elle ne parvenait pas à passer à travers les petits troncs d’arbre creux (la gardienne ne lui en laissait pas le temps, elle allait si vite !), la druidesse se contentait de le contourner. Avec sa vitesse, elle pouvait se le permettre mais elle se promit de travailler sa dextérité et sa souplesse. Ici, elle se trouvait dans une forêt et il lui était possible de contourner les obstacles. Cependant, elle était consciente que cette chance ne lui sera peut-être pas donnée à chaque fois qu’elle en aurait besoin…

Après une petite éternité, le rouge-gorge finit par se poser sur une branche. Neelahn vînt se poser à côté de lui. Même si elle était quelque peu éreintée, elle venait de passer un agréable moment. Cela avait été difficile mais elle s’était malgré tout bien amusée !
Mais alors qu’elle pensait qu’elle allait pouvoir se reposer un peu, la gardienne lui dit de regarder au-dessous d’elle. Avec effroi, Neelahn aperçut une de ses congénères prise au piège par deux rôdeurs. En voyant ces deux hommes, l’elfe pensa immédiatement à Xadr. Lui aussi était un rôdeur mais contrairement à ces deux méchants, lui, il était gentil !
La gardienne ordonna à Neelahn de se débarrasser d’eux. La druidesse tourna alors la tête vers la femme, la regardant avec de grands yeux étonnés. Et elle ? Elle ne comptait pas l’aider ? Ne pouvait-elle donc rien faire ? Mais après quelques secondes de réflexion, l’elfe comprit que la gardienne était en train de lui faire passer un test. Elle comprit qu’elle n’était pas en présence de n’importe qui et que cette journée allait être déterminante dans sa vie de druidesse.

Après avoir acquiescé de la tête, Neelahn fila se cacher derrière un buisson et reprit sa forme d’elfe. Elle attrapa ensuite ses vêtements et se rhabilla aussi vite qu’elle ne le put.
Le manque d’expérience la fit ensuite débouler comme une folle devant les deux rôdeurs. Elle n’avait pas pris la peine de réfléchir sur ce qu’elle allait faire. Mais lorsqu’elle s’en rendit compte, il était déjà trop tard. Tigrou, qui n’avait pas pu la suivre lorsqu’elle s’était transformée en colibri, n’était pas là pour rectifier ses erreurs cette fois-ci.

« Laissez là tranquille ! Elle n’a rien fait de mal… » bredouilla-t-elle alors.

Évidemment, devant ce manque de confiance évident, les rôdeurs ne purent que se moquer d’elle. Ils avaient pourtant oublié qu’elle avait réussi à atterrir près d’eux sans qu’ils ne s’en rendent compte !
L’un d’eux se rapprocha d’elle tandis que l’autre tenait toujours fermement la captive.

« Alors comme ça, tu veux jouer les héroïnes ? Dis-moi, toi aussi tu es comme elle ?
_ Que voulez-vous dire ?
_ Ta question confirme donc ce que je pensais. Tu n’es qu’une bête.
_ Non ! Je… »

Neelahn se sentit vexée. La plupart des gens considéraient les druides comme des sous-êtres. Et elle ne comprenait pas pourquoi. Elle ne comprenait également pas pourquoi les animaux étaient des êtres inférieurs. Pour elle, chaque être vivant était sur le même piédestal.

Le rôdeur ne lui laissa pas vraiment le temps de plaidoyer. D’un geste vif, il avait sortit sa dague et tentait de poignarder la druidesse. Celle-ci ne l’avait même pas vu dégainer son arme et ce fût de justesse qu’elle esquiva son coup mortel. Cette fois-ci, elle avait vraiment eu de la chance.
Par réflexe, Neelahn recula d’un pas mais le rôdeur n’allait pas la laisser s’en aller aussi facilement. Déjà, il tentait à nouveau de la tuer. Elle se métamorphosa en colibri et réussit aisément à esquiver ses attaques.
Venant tourbillonner autour de la tête du second rôdeur, elle tenait de le désarçonner pour qu’il ne lâche la malheureuse prisonnière. Tenant fermement la femme d’une main, il utilisa l’autre pour chasser le colibri. Toutefois, il était trop rapide mais sa proie n’arrivait pas à se défaire de son étreinte.

Se posant un peu plus loin, Neelahn décida finalement de reprendre sa forme d’elfe. Elle était nue devant eux mais ce n’était pas important. Alors que l’un d’eux courrait vers elle, elle vit pousser une liane sous les pieds de son adversaire. Comme elle s’y était attendue, il trébucha. Il tenta de se relever mais déjà, des ronces apparurent et le tint fermement au sol. Voyant les épines, il n’osa pas trop bouger, ayant peur de se blesser. Il appela alors son collègue à la rescousse.
Celui-ci, ayant vu les quelques prouesses de Neelahn, réussit à esquiver les racines qu’elle faisait naître au sol. Après tout, c’était un rôdeur et il avait les capacités pour éviter ce genre de petits ennuis assez facilement. La druidesse se retransforma alors en oiseau. Le rôdeur lui courait après mais elle s’en moquait, sachant qu’elle pourrait le semer. Tout ce qui importait, c’était que la prisonnière était désormais débarrasser des deux rôdeurs, n’est-ce pas ?

La Haute Autorité avait raison lorsqu’elle pensa que Neelahn allait s’épuiser inutilement. Mais l’elfe, qui ne s’attendait pas à avoir une nouvelle surprise, pensait que tout était terminé. Elle se contenta donc de mettre le plus de distance entre le brigand et elle, ce qu’elle n’eût pas trop de mal à faire. L’homme courait vite mais il n’était pas habitué à se mouvoir entre les branches des arbres et les racines.
Finalement, au bout de quelques minutes, lorsque la druidesse n’entendit plus les pas de son adversaire, elle s’immobilisa dans les airs et tourna la tête en arrière. Apparemment, elle avait réussit à le semer. Elle était fière d’elle.

« Pfiou… »

Reprenant sa forme initiale, Neelahn croisa les bras. Il faisait un peu froid.
Elle se mit ensuite à marcher vers son camp, faisant crisser les feuilles mortes sous ses pieds. Quelques unes d’entre elles, gorgées d’un liquide, se collèrent contre sa peau. Naturellement, l’elfe baissa la tête avant de s’apercevoir que c’était du sang.
Levant un peu les yeux, elle vît alors un autre brigand, adossé contre le tronc d’un arbre. Un sourire malsain s’étirait sur ses lèvres fines. Deux pauvres bêtes étaient en train d’agoniser sous ses mains. Neelahn en fut écœurée.

« Mais que faîtes-vous ? »

Sur le moment, elle n’avait rien trouvé de mieux à dire. Horrifiée, Neelahn regardait le lapin et la biche souffrir en silence. Elle était complètement impuissante face à leur douleur. Lorsqu’elle s’était transformée en colibri, elle avait dû abandonner ses armes dans la forêt. Elle ne pouvait donc pas mettre fin à leur souffrance. Le brigand, quant à lui, devait être amusé par le regard de l’elfe car il éclata de rire…
Comment osait-il ? Qu’avaient fait ces pauvres animaux pour subir un pareil sort ? Certes, Neelahn aussi, il lui arrivait de tuer des bêtes mais c’était uniquement pour nourrir son corps et elle ne prenait aucun plaisir à torturer ses proies ! Elle faisait toujours son possible pour que leur mort soit rapide et le plus indolore possible.

« Ça suffit ! Vous ne voyez pas que vous le faîtes souffrir ?
_ Mais c’est le but ma jolie…
_ Laissez le tranquille, il ne vous a rien fait !
_ Comme il te plaira. De toute façon, je viens de trouver mieux… »

En un battement de cil, l’homme se retrouva derrière Neelahn et la tenait fermement. Il pointa sa dague sous la gorge de la druidesse. Mais alors qu’il commençait à appuyer sa lame sur sa peau, l’elfe se métamorphosa en colibri et parvînt à se libérer de son étau.
Elle vînt reprendre forme quelques mètres plus loin. Des ronces poussèrent sur le sol mais le brigand réussi aisément à les éviter. Paniquée, elle créa une barrière de plantes à épines autour d’elle. Cela n’empêcha pas l’homme d’avancer vers elle. Lorsqu’il vît sa faible protection, il éclata de rire. Sûr de lui, il fît quelques pas en arrière. Il prit son élan et tenta de sauter par-dessus le buisson d’épines. Le bas de son pantalon vînt alors s’entremêler dans une des ronces, faisant ainsi basculer le brigand en avant. Pourtant, le buisson n’était pas très grand mais Neelahn venait de réussir à faire suffisamment pousser une des lianes épineuses afin qu’elle n’atteigne la jambe de son ennemi. Elle dut admettre aussi qu’elle avait eu beaucoup de chance que sa plante ait grandi dans les temps…

Étalé sur le sol, le visage de l’homme venait de subir quelques vilaines égratignures de la part des épines. Il tenta de se relever mais les ronces vinrent s’accrocher dans ses vêtements, compliquant ainsi ses mouvements.
Neelahn en profita alors pour ramasser une grosse branche d’arbre et l’abattit sur la tête du brigand. Elle alla ensuite chercher la dague qu’il tenait et la planta dans son cœur. Ainsi, il ne ferait plus jamais de mal à une créature de la forêt.

« Que la Déesse de la Nature me pardonne… »

Alors ça y est ? Tout était terminé ?
Un petit oiseau attira l’attention de Neelahn. Lorsqu’elle s’aperçut qu’il s’agissait de la Haute Autorité, la druidesse sourit. Même si elle était consciente de l’épreuve qu’elle venait de lui faire subir, la voir la rassurait. D’une certaine manière, sa présence confirmait bien que le test était fini.

L’elfe rayonna de joie quand la femme lui dit qu’elle avait réussi. Elle avait eu beaucoup de mal face à ses adversaires. Peu habituée à ce genre d’évènement, elle avait été prise au dépourvu. Elle n’avait donc pas su comment réagir. Mais au final, elle s’était débrouillée. Elle n’avait sans doute pas adoptée la meilleure attitude mais elle s’en était sorti. C’était l’essentiel, n’est-ce pas ?

« Oh… ! »

Les yeux grands ouverts et la tête perchée au-dessus de la boîte, Neelahn contemplait son présent.
Délicatement, elle le prit dans ses mains et l’admira sous toutes ses coutures.
Il s’agissait d’un sac tout à fait banal. C’était le genre de sac que l’on retrouvait couramment sur le dos de tous les voyageurs mais Neelahn était contente de l’avoir reçu. Le sien était usé et il puait. Et puis, commençant à connaître un peu la femme, la druidesse se dit qu’il ne pouvait pas s’agir que d’un simple sac !

« Mer… »

Quand elle leva les yeux pour remercier la Haute Autorité, celle-ci avait déjà disparu. Tournant la tête de gauche à droite, Neelahn songea qu’elle ne devait pas être loin. Peut-être s’était-elle transformée en oiseau et qu’elle l’attendait sur une branche d’arbre ? … Plissant les yeux et regardant attentivement autour d’elle, l’elfe ne vit pourtant aucune trace de la femme. Au final, elle serait apparue comme elle avait disparu…

Le cœur léger, Neelahn rentra se mit en direction de la maison, le sac serrer contre elle. Lorsqu’elle fût de retour, Catelyn lui balança une pluie de questions. Avait-elle réussi son test ? A quoi ressemblait la Haute Autorité ? Quelles épreuves avaient-elles eu à affronter ? Était-ce compliqué ?
Patiemment, l’elfe répondit à chacune de ses questions. Et, une fois la curiosité de son amie assouvie, Neelahn alla ouvrir l’enveloppe qu’elle lui avait posée sur son lit. Il s’agissait d’une invitation à un bal masqué. Heureuse d’avoir été invitée quelque part, elle sautilla partout mais sa mine s’assombri lorsqu’elle lut le mot « marécages »… Elle venait à peine d’y être sortie et s’était fait la promesse de ne pas y retourner !