Cadavre es-tu là? [PV Mordekaiser]

"Ah que j'aime cet endroit!"
"Parles pour toi!"
"Arrêtes d'être rabat joie!"
"Je veux mon canapé!"
"Je t'ai dit qu'il ne voulait plus que tu te mettes dans le bureau du chef! Donc on doit faire avec!"

Voilà une discussion bien étrange n'est il pas? Ceux qui nous connaissent, vous dirons que c'est là une chose tout à fait normale. Morphée n'est jamais content. Un vrai râleur digne des Steel! Mais moi, je l'aimais bien. Donc je m'acclimatais à lui comme je le pouvais. J'aimais me balader au milieu des tombes biscornues, un peu enchevêtrées dans la terre et la moisissure ou les fleurs fânées. J'aimais entendre le chant sinistre des corbeaux sur les chênes asséchés et rabougris.

Ici la mort a pris possession de ses terres. Le paradis des nécromanciens. J'aimais m'y balader, j'aimais faire renaitre les morts pour jouer avec eux. Bon, ce n'était pas de très bons compagnons mais ils avaient le mérite de m'obéir pas comme mon chat! Une brise, en cette fin de journée, vint caresser mon corps parfait faisant apparaitre la chair de poule sur mon décolleté avantageux.

Je passais ma main dans mes longs cheveux blancs. J'étais assise sur une stelle. Le nom était effacé. Je m'en moquais royalement. Ce n'était pas lui que j'observais mais bien le mausolée qui me faisait face. Il s'agissait celui de ma famille. Je n'avais pas oublier le moment où on avait mis en terre ma mère. Elle était si belle... si malheureuse d'avoir perdue son grand amour. Ma grand mère reposait à côté d'elle, je n'étais qu'une très jeune enfant quand elle était décédée. Je ne m'en souvenais pas. Mais j'aimais entendre ma mère me raconter comment elle régnait sur Malificium. D'ailleurs, j'avais son sadisme dans les veines et sa forte poitrine et son gout pour les robes multicolores. Aujourd'hui, j'en portais une rouge carmin d'ailleurs.

"Mamie, j'espère que tu seras fière de moi ce soir."

En effet, j'avais décidé de réveiller une éclaireuse enterrée ici pendant la guerre. Pour moi, elle gachait le paysage. Je comptais donc m'amuser avec elle. Je me levais gracieusement de mon trône et m'approchais de ma cible. Après de longues minutes de concentration et d'incantation, la terre se mit à bouger. Une main apparut. J'en étais toute excitée. Bientot le corps suivit dans un râle sinistre. J'applaudis tant j'étais heureuse alors que Morphée se plaignait d'être mon animal. Je m'en moquais.

"Zombie chérie, trouves moi un comparse qu'on s'amuse un peu!"

Le mort vivant se mit à avancer le long de l'allée principale à la recherche de tout être vivant. J'avais hate de voir quel serait mon invité.

Depuis quelques temps déjà, des habitants de Malificium avaient remarqué d'étranges phénomènes dans le cimetière des condamnés. C'était un vieux cimetière quasi-abandonné et sans l'ombre d'un doute hanté considérant la noirceur des individus qui étaient enterrées là. La Rose Noire avait fini par avoir vent des rumeurs et avait chargé la nouvelle recrue (Mordekaiser) d'enquêter sur ces phénomènes. En d'autres termes, pour se débarrasser de lui on le condamnait à faire le sale boulot, à savoir se taper des allés retours toutes les nuits entre le château et le cimetière de Malificium. L'Aigrefin tachait de se faire une raison. Tous les bleus devaient selon lui, à un moment ou à un autre, être le souffre douleur de ses supérieurs et obéir à leurs fantaisies.

L'homme ne savait même pas ce qu'il devait chercher. Certaines personnes parlaient de réunions secrètes, d'autres de fantômes et d'autres encore de soulèvement de morts vivants. Pour Mordekaiser, tout ceci n'était qu'un tissu de mensonge qui couvrait les bas quartiers de Malificum pour rendre leurs occupants intéressants. Toujours était-il que l'Aigrefin exécutait les ordres à la lettre et sans contestation aucune. Pas une fois il n'avait remarqué quelque chose de suspect dans le lugubre cimetière, pourtant il reconnaissait qu'il y avait de quoi être soucieux. Les arbres qui empiétaient sur le lieu de repos formaient parfois d'inquiétantes silhouettes humanoïdes lorsqu'on était trompé par l'obscurité nocturne.

Pourtant, un soir, l'homme eut une étrange impression aux abords du cimetière, comme une présence. Cela émanait sans doute de son imagination car en plus d'une semaine de ronde il n'avait pas croisé un chat ici. Sans savoir pourquoi, il resta cependant sur ses gardes. En passant la grille principale, Mordekaiser entendit au loin quelqu'un applaudir joyeusement. Cela venait de l'intérieur du cimetière. Alors qu'il porta la main sur la garde de son épée lourde, il ressentit, pendant moins d'un quart de seconde, sa présence en double. Comme si la personne qui venait d'applaudir était un reflet de lui-même. Comme elle était apparue, cette sensation se dissipa. L'homme mit cela sur le compte de la fatigue mais il ne pouvait ignorer qu'il avait un peu peur de ce qu'il allait trouver dans ce cimetière, ce soir-là.

Dans l'allée, l'Aigrefin entendit des bruits de pas suivis de gémissements. La stupeur s'empara de lui et il n'eut pas le temps de dégainer avant de tomber nez-à-nez avec un mort vivant. Le chemin était sinueux et les branches des arbres morts gênaient la visibilité.

L'ignoble créature, qui de son vivant avait sans doute été une femme compte tenu de la longueur de la petite dizaine de cheveux qui lui restait, tenta d'agripper sa trouvaille par les épaules. La peur amplifiant la brutalité du chevalier noir, celui-ci croisa les bras en hauteur pour dévier la prise de son agresseur et lui asséna un terrible coup de pied dans le bassin. Le zombie recula de plusieurs mètres sous la force de l'impact avant de retomber lourdement sur le ventre.

Mordekaiser devait être très prudent, il avait entendu parlé de la nécromancie comme étant l'une des magies les plus noires qui n'ait jamais existé, son utilisateur devait donc être redoutable sans compter qu'il valait mieux éviter d'être contaminé par une blessure de cette chose, les conséquences pouvant en être désastreuses faute de soins rapides.

Le monstre s'était relevé péniblement mais ayant anticipé sa réaction, l'Aigrefin la saisit par son crâne décharné, usant de sa force surhumaine pour la lancer le plus loin possible d'une seule main dans un hurlement de bataille. Le mort vivant avait été projeté si loin qu'il était sorti du champ de vision du chevalier maudit. En dégainant son épée, il s'avança courageusement dans l'allée, décidé à mettre en pièce cette abomination.

Soudain, il vit une jeune femme aux charmes tout à fait indéniables et aux cheveux d'argent. A ses côtés se tenait la créature qui avait attaqué l'Aigrefin. Son bras et sa jambe gauche avaient été brisés lors de sa chute, les articulations étaient pliées, donnant à ce monstre une posture effroyable. Pourtant, son endurance ne semblait aucunement entamée et elle n'attendait que l'ordre de sa maîtresse pour attaquer de plus belle.

"Qu'est-ce que c'est que cette chose... ?" Souffla Mordekaiser stupéfait par le pouvoir de la nécromancie.

Il ne s'était pas retenu et cette abomination avait résisté à des coups qui auraient sonné le mastodonte Aigrefin lui-même.
Pour décliner son identité auprès de la ravissante jeune femme qui devait avoir une âme nettement moins séduisante au vu des pouvoirs dont elle disposait, Mordekaiser retira d'un seul geste son long manteau noir au col de fourrure et le laissa tomber sur le sol, dévoilant son armure légère sur laquelle figurait la Rose Noire, emblème des Aigrefins.

Il avait revêtu exceptionnellement son équipement léger sur lequel figurait son seul galon. Inutile de se compliquer la tâche en faisant des rondes en équipement de plates, surtout en considérant la pente qu'il fallait monter pour accéder au cimetière.

"Je suppose que c'est vous qui violez ce lieu de repos depuis quelques temps déjà. Les rumeurs étaient donc fondées, j'en suis le premier surpris. Les morts se reposent, vous n'avez pas le droit de troubler leur sommeil, du moins pas ici. Mordekaiser, Aigrefin. Présentez-vous, je vous prie." Fit-il avec une froideur due à sa fonction et sans doute aussi à la monstruosité qui se tenait aux côtés de la nécromancienne.

Un pli soucieux était apparut sur mes lèvres. Le lien me relayant à ma créature m'avait informé qu'elle venait de trouver un joujou mais au vu des coups qu'elle reçut très rapidement, j'en conclus que c'était un jouet quelque peu agressif. Je craignais donc pour la survie de l'éclaireuse... enfin survie c'était vite parlé. J'avais envie de m'amuser! L'ignoble individu allait tout gacher!

"Tu vas avoir des soucis"
"Mais non."

Morphée avait peur. J'en étais stupéfaite. Il n'était pas invincible? Je fis une grimace moqueuse à mon chat et m'avancais doucement. C'est à ce moment précis que mon zombie arriva à une vitesse folle à ma position. L'impact qu'il fit au sol fit voleter des myriades de poussière venant tacher mes vêtements. De plus, au passage, l'éclaireuse perdit quelques morceaux de chairs. Certains vinrent décorer des tombes, d'autres le sol ou encore mes jolis souliers vernis à talons noirs. Je soupirais. Je commencais à être en colère! On n'avait pas le droit d'abimer mes affaires!

Et abimer était bien un faible mot au vu des torsions grotesques qui venaient d'apparaitre sur mon jouet. Mais il était toujours en fonction et en vie. Il ralait de douleurs et de faim. Un homme apparut alors. C'était le responsable à coup sur puisque d'ordinaire, j'étais toujours seule dans ce lieu. Un aigrefin! Un sourire ravi apparut sur mes lèvres. J'adorais ces êtres sanguinaires. Ils faisaient de très bons partenaires sexuels et de quête.

"Bah un zombie. Que veux-tu que cela soit?"

Il n'en avait jamais vu? Eh be! Mon chat se colla à mes jambes afin de me protéger. Les mages noirs avaient perdu de leur influence sur Nelberaid suite à l'explosion de notre Tour. Mais nous restions quand même présents et les zombies grouillaient dans les marécages et de temps en temps ici... surtout si j'étais là. Je le regardais se défaire de son manteau. L'écusson m'apprit qu'il débutait. Mon père en avait bien plus sur son armure. Un sourire affectueux apparut sur mes lèvres à ce souvenir.

Je l'écoutais déblatérer d'une oreille distraite. Je soupirais doucement. Les gens ne comprendraient jamais rien à la nécromancie. J'en étais affligée. Morphée fixait Mordekaiser. Je passais ma main dans mes cheveux blancs et murmurais d'une voix chaude :

"Je dois m'entrainer. Ce corps n'aurait jamais dû reposer dans notre cimetière. Elle n'est pas une des nôtres donc je la déplace voilà tout. Vous devriez plutôt me remercier!"

Effrontée? Un peu beaucoup même. Mais que vous voulez-vous j'ai du sang de Steel dans les veines. Je souris doucement et repris :

"Quant à mon identité, je me prénomme Morgane Evans, apprentie mage noire. Ravie de te rencontrer. D'ordinaire, les aigrefins n'ont pas envie de me botter les fesses... Qu'ais-je fais pour mériter une telle punition? Ca? C'est bien cher payé non?"

Je jouais avec la candeur. Cela marcherait-il? Surtout que mon nom de famille ne pouvait pas lui être inconnu...

Quand Mordekaiser était apparu dans le champ de vision de la jeune femme, elle avait sourit. Un court instant, l'Aigrefin s'était arrêté sur ce visage. Il était presque sûr d'avoir déjà vu ce sourire, mais où ? Il avait beau cherché, il n'avait aucun moyen de s'en souvenir. L'inconnue joua ensuite la carte de la candeur et de l'arrogance, n'adoptant pas l'attitude qui conviendrait devant un représentant de l'ordre qui cherchait à vous avoir dans son collimateur. Elle tacha ensuite de se disculper, donnant les raisons pour lesquelles elle était venue dans le cimetière et avait ranimé ce cadavre. Un instant, l'homme hésita. Si cette créature avait été enterrée là par erreur, il était normal de la déplacer, mais cet argument tiendrait-il pour tous les autres cadavres qu'elle avait ramenés à la vie, ou plutôt, à quelque chose entre la vie et la mort ?

Vint ensuite l'heure des présentations. La nécromancienne s'était présentée sous le nom de Morgane Evans. A cet instant, une expression de rage se dessina sur le visage de l'Aigrefin qui n'était plus vraiment ce qu'elle lui avait dit par la suite. Il commençait à comprendre pourquoi on l'avait assigné à une mission aussi minable : ses supérieurs, sans doute pour se moquer de la nouvelle recrue, avaient répandu une fausse rumeur en ville pour faire en sorte qu'il perde son temps à marcher des kilomètres entiers puis, pour l'effrayer et enfoncer le clou, ils avaient engagé une Mage Noire pour imiter son délire supposé d'appartenir à la lignée Evans. A cause de cette simple prétention, tous les Aigrefins qui le croisaient l'appelaient "le Givré". Mordekaiser ne doutait plus à cet instant que des Aigrefins étaient cachés quelque part dans le cimetière et de là, observaient la scène en pouffant de rire silencieusement.

"Morgane Evans, comme Kessler Evans l'Ombre de Sang, conseillé militaire de feu Sammius, chef des Aigrefins jusqu'à la dernière guerre. C'est évident." Avait-il dit en jouant à son tour la carte de la fausse décontraction.

"Et bien je vous prie de m'excuser mademoiselle Evans, c'est une terrible méprise."

Ajouta-il avant de dégainer d'un seul geste son arbalète accrochée à sa jambière. Dès lors une nuée de carreaux d'ombre se matérialisa autour de lui et lorsqu'il tira sur le zombie, tous les projectiles se concentrèrent sur la même cible. Certains la manquèrent à cause des faibles capacités magiques de l'Aigrefin, mais la créature ne s'en trouva pas moins criblée de carreaux.

Elle chuta en arrière, se cognant au passage sur l'une des stèles. Le monstre poussa des hurlements atroces en retirant le carreau original de sa chair en décomposée, les autres ayant déjà disparu d'eux-mêmes. Ses fonctions motrices avaient été gravement endommagées par la série d'impacts et peu de ses articulations de fortune ranimées par la magie noire étaient encore en état. Pourtant, le mort-vivant se releva tant bien que mal, courbé vers l'avant et poussant sans cesse des râles de douleur étouffés.

Pendant ce temps, Mordekaiser avait pointé son arbalète sur Morgane. Un carreau grossier d'ombre avait pris la place prévue pour les projectiles. Il n'avait évidemment pas le temps de recharger manuellement s'il voulait profiter de l'effet de surprise. Il était bien plus facile pour l'Aigrefin de manipuler les ombres en pleine nuit et couvert par les arbres morts qu'en pleine journée mais il n'en demeurait pas moins évident qu'il débutait dans cet art sinistre.

"Et maintenant, votre vrai nom, qu'est-ce que c'est ?" Demanda t-il avec sévérité mais sans hausser le ton.

"Vous pouvez bien vous répéter pour faire plaisir à ceux qui vous ont engagée pour vous payer ma tête mais c'est à vos risques et périls." Affirma t-il, l'arbalète pointée sur la poitrine de la jeune femme à une distance respectable pour lui montrer qu'il ne plaisantait plus.

La demoiselle avait prétendu vouloir s'entraîner ; maintenant que Mordekaiser pensait avoir été provoqué volontairement, elle risquait d'être servie en poursuivant dans cette voie.

"Tout à fait. Il s'agit de mon père. Tu le connais, c'est bien. Tu comprendras donc que je suis une alliée de ton ordre par le sang. Donc s'il te plait, papotons et non combattons."

Son expression m'avait surprise. Pourquoi il avait eu ce visage à mon identité? Devais-je avoir honte de ce que je suis? Nullement à mon sens! J'étais fière de mes parents! Donc je n'allais pas me cacher derrière une fausse identité pour lui permettre de mieux aller. J'avais certes fait un crime mais qui n'en avait pas fait sur Malificium? Il pourrait me le pardonner non? On trouverait bien un compromis pour qu'il n'ait pas de soucis avec son chef et hop, ca irait bien. Je n'avais pas de problème à ce sujet, il devrait en faire autant sous peine d'avoir une crise cardiaque bien jeune.

"Je te pardonne va! Tu ne pouvais pas savoir qui j'étais."

J'avais accepter ses excuses le plus naturellement du monde. Insouciante? Oui, que voulez-vous? Je suis jeune et puis, j'aime trop la vie et la mort pour m'encombrer de problèmes inutiles. Je lui souris donc de manière fort charmante voire un peu aguicheuse. J'étais à milles lieux de m'imaginer que cet homme, ce débutant dans l'ordre des chevaliers maudits, pourrait être un membre de ma famille.

Mon zombie ne bougeait pas. Il ralait juste. Morphée s'était tu, il observait l'aigrefin d'un oeil dubitatif se demandant pourquoi on l'avait envoyé ici. Et mon chat avait bien envie que je me prenne une rouste, il était donc assez déçu de voir que j'allais échapper à la punition lui qui trouvait que je devenais de plus en plus folle et donc irresponsable au fil du temps.

Mais c'est alors que le gentil aigrefin se changea en bourreau. Morphée en fut content mais changea d'avis lorsqu'il vit que c'était mon jouet qui venait d'être abimé. Il savait pertinemment que cela me mettrait dans une colère noire. Je regardais un brin éberluée mon invocation criblée de carreaux... Non... mais... Comment il avait OSE!! Mon créature se releva ayant été plus touchée par la magie que par le véritable acier! Mais il n'en restait pas moins que l'éclaireuse était en piteux état et ça, je n'étais pas contente! La terre gronda sous les pieds du jeune homme. Certes, je n'étais pas aussi douée du fait que je débutais que ma grand mère mais ce n'était pas grave. Cela le gênerait quand même pour bien tirer vu que la position de ses jambes se retrouvait instable.

Engagée? Hein? Mais il était malade ma parole. Explosant un peu plus de colère, je répondis :

"Morgane EVANS!!! POURQUOI JE MENTIRAIS? Je suis la famille d'Halloween STEEL et de Kessler EVANS! Donc arrêtes tes conneries sinon, crois moi je vais te faire mordre la poussière!"

Ma voix allait du cri strident à une voix rauque. J'étais vraiment en colère. Je n'acceptais pas qu'il mette en cause mon identité en plus d'avoir fait du mal à mon joujou! Je ressemblais à ma mère c'était indéniable. Il faudrait être fou pour ne pas s'en rendre compte.

Des petits pics de terre venaient de le frapper au niveau des chevilles. Mon zombie se rapprochait de lui. Avant d'entrer vraiment dans le combat, je voulais éclaircir une petite chose :

"Pourquoi penses-tu que j'ai été payée? Tu crois vraiment que j'ai que cela à faire? Et puis pourquoi cela semble t'il si important qui je suis ou non?"

La demoiselle avait eu l'air de croire aux prétentions de Mordekaiser quand il était faussement désolé. Elle lui avait même adressé un sourire ravissant. Un instant encore, l'Aigrefin était resté pensif devant ce sourire. Il était sur et certain de l'avoir déjà vu mais il était incapable de se rappeler d'un lieu ou d'une personne. Soudain, une image sombre et floue s'imposa dans l'esprit du guerrier. Il voyait un homme dans une pièce si obscure qu'elle en était indéfinissable. Il avait des cheveux longs et d'argent assortis d'une barbe mal rasée. La courbure persifleur de ses lèvres évoquait sans l'ombre d'un doute le sourire de la prénommée Morgane. Pourtant, l'Aigrefin ne parvenait toujours pas à se rappeler où il avait vu cet homme et il en venait même à se demander si la solitude qui l'avait ressenti en prison ne lui jouait pas des tours, créant de faux souvenirs. En tout cas, il était certain de n'avoir jamais rencontré la Mage Noire auparavant.

L'intéressée succomba à une colère noire lorsque le chevalier maudit avait réagit à sa présentation. Elle avait même menacé le représentant de l'ordre. Déstabilisé par un sortilège, Mordekaiser manqua de trébucher et tira instinctivement. Le carreau partit se planter contre un arbre loin de Morgane. Soudain, une myriade de pointes de terre nécrosée émanèrent par magie du sol, blessant légèrement l'Aigrefin au niveau des chevilles, à travers son armure.

L'homme roula au sol avant de se mettre à quatre pattes pour évaluer à quel point sa mobilité avait été endommagée. Toujours furieuse, la jeune femme posa une série de question au guerrier sur un ton autoritaire. Un long moment, Mordekaiser garda la tête baissée, tachant de contenir sa propre rage. Cette femme avait l'air si sincère, pourtant l'Aigrefin demeurait convaincu qu'il s'agissait d'une ruse de ses confrères. Toute sa jeunesse, Mordekaiser avait été considéré comme un incapable et un abruti par ses anciens confrères Chevaliers. Il avait appris à se défendre des tours qu'on cherchait à lui jouer et il savait pertinemment que s'il laissait passer celui-ci, il serait la risée de la Rose Noire pour le restant de sa carrière.

"Tu sais très bien pourquoi. J'admets tes talents de comédienne mais je ne peux pas me permettre de te croire. Tu prétends être venue pour t'entraîner, alors entraîne toi." Répondit l'homme d'une voix lourde mais plus posée.

Le mort-vivant tenta de griffer l'Aigrefin d'un coup vertical. L'homme se protégea en utilisant son avant bras et repoussa son assaillant avec celui-ci. Enfin, il se mit complètement debout en utilisant son épée pour se redresser. D'un geste il rangea son arbalète dans l'étui situé au niveau de sa jambe et empoigna son épée lourde à deux main, refusant toujours d'admettre que son interlocutrice était également une descendante de Kessler Evans, et d'un degré ô combien plus direct que le sien qui plus est.

La rage... Quel doux sentiment qui se distille dans nos veines en moins d'une minute. C'est fou comment on peut passer d'un calme serein et d'une joie enfantine à une colère noire, la plus sombre qui vous ravage le sang. Quand celle-ci sera tombée, je serais on ne peut plus vider de toute énergie et je n'aurais qu'une seule envie : boire un verre ou passer un moment dans les bras d'un garçon de mon choix.

Mais tout ceci n'était pas prescrit pour l'instant. Je ne comprenais pas pourquoi il voulait autant que je sois une comédienne. Qu'est ce que cela pouvait lui faire ou non que je sois une vraie Evans ou pas? Je me sentais insultée. Ma ressemblance avec ma mère était flagrante, elle avait souvent d'ailleurs servi par le passé... et là.. on insinuait que je n'étais rien... juste une dévergondée qui jouait avec les autres? Bon, ce n'était pas totalement faux mais jamais oh grand jamais j'avais joué avec une fausse identité. J'étais bien trop fière de moi.

"Qui serait alors mon commanditaire? Un autre aigrefin? Tu me crois aussi stupide?"

Mon ton était glacial voire mordant. J'essayais de faire résister mon zombie contre ses coups mais c'était très mal parti. Pour mieux m'entrainer, j'utilisais mon contrôle de la terre pour le gêner dans ses mouvements, la terre grondait sous lui. Je me positionnais sur sa gauche n'étant nullement gênée par mon sort. D'un geste gracieux, je lui lançais mes fils d'acier au niveau de son bras droit pour l'empêcher de poursuivre son attaque armée.

"Je ne te veux aucun mal. Pourquoi ne pouvons-nous pas discuter? Et puis depuis quand les aigrefins jouent les chiens de garde dans les cimetières?"

C'est vrai d'ordinaire, ils sont plus vus dans une taverne ou entrain de se bagarrer dans les auberges ou sur des champs de bataille... pas dans un lieu aussi... tranquille... Bon, j'y avais semé de la zizanie... mais quand même! Je pensais à mon père, il serait agaçé voire peiné que je me batte avec l'un des siens... Et que dirait Sammius le parrain de ma mère? Pour m'assurer de son écoute, je tirais de toutes mes forces sur mes fils... bon, ce n'était rien contre la force surhumaine mais je ne voulais pas le blesser... mon instinct me disait qu'il était important pour mon avenir... même si je ne voyais pas pourquoi. En tout cas, Morphée lui s'amusait de me voir combattre et était allongé sur une tombe tel un pacha maudit.

"Je suis dans ton camp. Arrêtons ce combat stupide!"

Des fils d'acier vinrent enserrer le bras du guerrier pendant qu'il recevait les réprimandes de son adversaire, l'empêchant ainsi de porter un coup qui aurait pu être fatal à l'invocation de la jeune femme. Mordekaiser pensait en effet que Morgane avait été envoyée par un autre Aigrefin, néanmoins, l'idée avait parue si saugrenue pour elle qu'il en venait presque à la croire. La Mage Noire tenta alors de calmer son opposant. Après tout, leurs factions étaient alliées et même si tout ceci n'était qu'une mauvaise blague des confrères de l'héritier maudit, elle avait assez duré et l'homme avait montré qu'il ne se laisserait plus faire à l'avenir.

Il se concentra pour éviter d'être déstabilisé de trop par la traction qu'exerçait la demoiselle sur lui couplée à son sortilège de terre visant à le faire trébucher de plus belle. Soudain, le chevalier des ombres sembla revenir de loin, surmontant la rage qui l'habitait. Il diminuer progressivement la force qu'il exerçait sur les fils pour les retenir et une fois que Morgane eut compris qu'il ne l'attaquerait plus, il rengaina son arme lourde dans son dos.

"Je dois au moins reconnaître que tu es douée." Admit Mordekaiser en constatant que la jeune femme n'avait aucune égratignure tandis que son bras, lacéré par les fils d'acier, laissait s'échapper de fins traits de sang malgré le gantelet qui le recouvrait.

Ce n'était pas douloureux, mais l'homme préférait éviter de laisser une lacération à l'air libre dans un lieu où les morts pourrissaient à même la terre, souvent sans le moindre cercueil pour les abriter.
L'Aigrefin alla donc s'asseoir sur une tombe, accordant un regard oblique et pour une dénué d'hostilité à l'égard de Morgane. Ensuite, il sortit de sa sacoche un ruban et retira d'un seul geste son gantelet endommagé.

"Tu peux m'aider ?" Demanda t-il à la jeune femme.

Bien entendu, Mordekaiser aurait pu réaliser le soin lui-même, mais la perspective de passer une heure à en découdre avec une seule main et en pleine nuit avec un morceau de tissu ne l'attirait guère.
Le guerrier ne croyait toujours pas que Morgane était de la famille de Kessler Evans, néanmoins, il lui accordait le bénéfice du doute. Elle était tout à fait charmante et une combattante douée, il était donc appréciable de l'avoir dans son camp.

"Je ne joue pas les chiens de garde, je suis en mission, ou du moins je le croyais. Si tu n'es pas mon ennemie tu pourrais au moins m'expliquer pourquoi cette chose m'a attaqué." Dit ensuite l'homme en désignant le zombie qui s'était relevé et qui obéissait au moindre désir de son invocatrice.

Ce n'est qu'à ce moment là que Mordekaiser remarqua le chat qui se prélassait sur une tombe voisine. Un instant, il eut l'air perplexe. Il ne l'avait jamais vu rôder dans le cimetière et il semblait à l'Aigrefin qu'un chat normalement constitué aurait détalé en voyant le combat.

"Il est à toi ?" Demanda le guerrier à Morgane.

Mes mains transpiraient à grosses gouttes à cause de l'effort. Des entailles commencaient à apparaitre à force de tirer dessus de toutes mes forces. D'ordinaire, je les utilisais pour étrangler mes proies, pas pour les immobiliser mais ce n'était rien en comparaison des blessures infligées par mes soins sur son bras. Oh il en avait surement vu d'autres par le passé et à l'avenir, cela serait aussi le cas. Je ne me faisais donc pas grand souci de son état.

J'attendis d'être sûre de son geste pour relacher mon emprise puis par laisser libre mes fils. Je les ramenais à moi et les rangeais calmement. J'étais fatiguée. Je diminuais mon contrôle sur le zombie en lui demandant de rester aussi immobile qu'un tronc mort. Cela me demanderait moins d'efforts que de le faire bouger. Je lui souris doucement, bombant légèrement le torse.

"Merci. J'ai de qui te tenir mais je suis loin d'être aussi douée que mon ancêtre. Je ne suis qu'au début de mon art. J'espère que dans quelques mois, tu tiendras toujours ce même discours. Je te retourne le compliment."

J'étais sincère. Les blessures qu'il avait infligé sur le cadavre étaient impressionnantes et auraient été mortelles sur un être plus vivant dirons nous. Oui, je n'étais qu'une apprentie. Certes, j'étais fière de moi mais il me faudrait beaucoup plus d'entrainements pour arriver à la cheville de ma grand mère... le chemin me semblait ardu et surtout d'une longueur désespérante...

Sa demande me laissa quelques peu béate. Mais je me ressaisis vite et m'approchai de lui sans crainte en apparence, je restais évidemment sur mes gardes. Nous étions alliés, je lui prouverais en l'aidant à se panser. Je saisis le morceau de tissu et après un nettoyage de la plaie, je bandai son membre avec précaution. J'étais sadique d'ordinaire mais là, ce n'était à mon sens pas nécessaire.

J'éclatais d'un rire franc et jetai un regard sur mon invocation. Je claquais des doigts et la fit disparaitre. Ainsi, je lui prouvais que je n'avais plus rien contre lui. Je lui fis mon plus beau sourire et résumai la situation :

"Je lui ai demandé de me trouver un jouet afin de m'amuser. Il m'a ramené le premier être vivant qu'il a trouvé. C'est tombé sur toi. D'ordinaire, c'est plus sur des veuves épleurées ou des pauvres badauds."

J'esquissai un rictus ironique. Il était tombé au mauvais endroit au mauvais moment voilà tout. Je jetai un regard vers Morphée qui se prélassait toujours. Avant que je pus dire quoi que ce soit, mon animal prit la parole :

"C'est ma maitresse oui... "

Il s'étira et s'approcha de l'aigrefin afin de le fixer puis s'assit à ses pieds comme si de rien était après m'avoir fait une grimace comique. Je lui tirais la langue et répondis :

"Ma mère me l'a donné avant sa mort. Je ne devais ainsi plus être seule... mais monsieur est acariatre et semble te préférer à ce que je vois..."

Je soupirai de désespoir. Je le fixais doucement et finis mon pansement. Je fis un pas en arrière afin d'être moins près de lui.

"Pourquoi sembles-tu si prisonnier de ton statut? Tu n'es pas apprécié? J'ai toujours pensé que vous étiez unis sous une sorte de pacte."

A l'évidence la jeune femme restait méfiante, néanmoins, elle n'avait tenté aucun coup bas lorsqu'elle était venue assister Mordekaiser dans ses soins. Au moment où elle nettoya les plaies du guerrier, ce dernier remarqua les marques qu'avaient laissés les fils sur ses mains. Il lui accorda ensuite un regard à moitié désolé et écouta ses explications quant à l'attaque qu'il avait subi de la part du mort-vivant. Aussi regarda t-il l'invocation disparaitre en tâchant de graver cette image dans sa mémoire. Peut-être comprendrait-il plus tard les tenants et les aboutissants de la nécromancie, art réservé aux Mages Noirs. Il se documenterait à ce sujet par la suite car s'il s'était avéré que Morgane comptait parmi ses alliés, il n'était pas impossible qu'il ait à en découdre avec d'autres créatures de ce genre par la suite. Mieux valait pour lui connaître les origines exactes de ces monstres et surtout savoir comment les détruire avant d'en rencontrer d'autres. L'Aigrefin ne put retenir un rictus mauvais.

"Et tu saurais m'expliquer de quelle manière tu "joues" avec tes trophées de chasse ?" Demanda t-il non mécontent d'avoir échappé à ce sort.

C'est alors que le chat pris la parole. Le visage de Mordekaiser se décomposa de surprise : ses yeux s'ouvrirent plus grands qu'on ne l'aurait imaginé pour un être humain et sa bouche s'entrouvrit malgré lui. Le guerrier se doutait qu'il existait des créatures intelligentes non-humanoïdes dotées de leur propre langage mais jamais il n'avait eu dans l'idée que des créatures, excepté celles mentionnées par les légendes, puissent parler.

L'animal et sa maîtresse échangèrent alors une marque de complicité avant que la jeune femme n'explique comment elle l'avait reçu. Estomaqué, l'héritier maudit s'abstint toutefois de faire la moindre remarque pour ne pas risquer de vexer l'animal extra-ordinaire ou sa maîtresse. Il en venait à se demander s'il devait s'adresser à lui comme il le ferait pour un humain adulte. Heureusement, Morgane posa une question à Mordekaiser qui allait lui permettre d'oublier son malaise pendant quelques instants. Il s'éclaircit la voix et fis abstraction du chat parlant pour se concentrer sur sa maîtresse :

"Pour l'instant les autres Aigrefins ne me considèrent pas réellement comme l'un des leurs. Je suis en période de test, dirons-nous. Les recrues sont les souffres douleur des gradés jusqu'à ce qu'ils fassent leurs preuves. Le pacte implicite des Aigrefins ne s'applique pas aux nouveau." Expliqua t-il un peu honteux d'avoir à en arriver là.

"Je croyais qu'il y avait tout un tas de règles scrupuleuses entre Mages Noirs. Tes supérieurs te laissent te balader dans les cimetières pour réveiller les morts et tu ne risques rien ou tu as joué les fantômes pour t'extirper de tes quartiers et venir "jouer avec des veuves éplorées et des pauvres badauds" ?" Demanda t-il enfin, retournant en quelque sorte la question qui venait de lui être posée de manière incisive et surtout complice.

"Tu veux vraiment savoir?"

J'éclatais de rire doucement. Il était rare de trouver une personne qui souhaitait en apprendre plus sur mon art et ce de manière fort intentionnelle. D'ordinaire, je donnais des explications qu'aux personnes que je maltraitais et histoire de bien lui faire subir toute la douleur que je souhaitais lui infliger. J'étais donc assez surprise mais cela me plaisait! Je devais bien l'avouer!

Morphée apprécia avec une grande joie l'expression ébahie de l'aigrefin. Il aimait surprendre les humains car à ses yeux, il était bien plus intelligent que nous. Imbu de sa personne? C'est un Steel... Cela expliquait bien des choses, non? Je me demandais parfois si ma grand mère avait plus d'égo que lui ou si c'était l'inverse. Je n'arrivais pas à les départager. J'esquissai un clin d'oeil en direction de mon chat et m'intéressai ensuite un peu plus à mon blessé.

Son attitude m'avait quelque peu déstabilisée. Je n'avais jusqu'à présent jamais été attaquée par un chevalier maudit. Ils me respectaient du fait de mon sang mais surtout du à ma ressemblance avec ma mère. A moins que cela soit du au fait qu'ils voulaient juste me mettre dans leurs pieux? Allez savoir... A Malificium, tout était possible.

En période de test? Une expression de surprise apparut sur mes traits. Qu'est ce que c'était encore ce truc? Il se faisait ni plus ni moins bizuté et semblait être résigné à cette chose. Je ressentis une profonde indignation! J'aimais la torture! Mais je ne faisais jamais de mal à un des miens, c'était une question de principe! Et oui les mages noirs ont de l'honneur et l'esprit de famille, vous en doutiez?

"Je vois. Mon pauvre, je te plains. Casser la gueule à un haut gradé serait mal vu je suppose?"

Après tout, il fallait qu'il donne des preuves donc c'était une occasion comme une autre, non? J'écoutais ensuite ses dires et éclatai d'un rire franc. Je n'eus pas le temps de répondre en effet Morphée devait absolument répondre à ma place :

"Sa famille lui donne des droits. Enfin, ca évite surtout qu'elle se fasse trop punir. Ils croivent qu'elle est la réincarnation de sa mère... Puff... ils la connaissent mal, crois moi!"

Je tirais la langue à mon chat. J'étais offusquée alors que lui était grandement amusé! Je toussotai et répondis d'une voix douce :

"Il n'a pas tort enfin, c'est plus compliqué que cela mais considères moi comme un électron libre. Donc je fais un peu ce que je veux tant que s'ils ont besoin de moi, je suis là. Donc tu veux que je te dises tout mes secrets de torture ou de nécromancie? Parce que les deux sont liés dans ce lieu."

Morgane commenta avec humour la situation de Mordekaiser quant à ses supérieurs. Malgré le fait que tout ceci le pesant autant que cela pouvait se faire, il rit à son tour. Il n'y pouvait rien s'il était tombé sur une Mage Noire (et probablement la seule) aussi communicative. Il songea ensuite à la conduite qu'il adopterait avec les recrues lorsqu'il prendrait du galon, en même temps, c'était ça ou mourir. Il ne s'élèverait donc pas au sein de la Rose Noire par volonté, mais parce que c'était là sa seule chance de survie. L'Aigrefin savait qu'il agirait plus tard comme ses supérieurs le faisaient avec lui car ceux qui survivaient à ce traitement étaient quasiment certains d'être de fiers guerriers respectés bien que toutes ces considérations ne fussent que très secondaire aux yeux de l'ordre de mercenaires qu'étaient devenus les Aigrefins au fil des ans.

"Casser la gueule à un grade serait surtout impossible ! Ces types sont de véritables monstres. Ils transmettent aux nouveaux ce que eux ont appris. Ils font peut être ça par sadisme, mais je conçoit que ce ne soit pas complètement inutile. Si je leur montre que j'écraserai toute difficulté qui se dressera devant moi, je serai digne de porter leur force, un jour." Avait-il répondu pour signifier que se venger d'un supérieur était synonyme de suicide au sein de la Rose Noire.

Mieux valait donc prendre toute cette histoire avec philosophie. Non mécontent toutefois que le chat change de sujet, Mordekaiser écouta celui-ci avec attention, ne revenant pas de ce qu'il entendait. L'Aigrefin échangea tour à tour des regards avec Morgane puis son animal. Elle était véritablement une Steel et qui plus est la fille de Kessler Evans. Le guerrier connaissait peu de détails sur ces deux lignées mais savait que Garvera Steel était une éminente Mage Noire soupçonnée de convoiter la tête de son ordre. Après tout, il ne s'agissait probablement que de rumeurs, sa puissance légendaire attirant bien des convoitises. Dans tous les cas Morgane et lui, à un degré très éloigné, étaient de la même famille bien que leur portion de sang en commun soit infime. Refusant d'avoir à commente ce qu'il s'était refusé à croire, Mordekaiser fit abstraction de cette découverte plus que troublante et préféra écouter la jeune Mage Noire.

"Oui, vas-y. Mais si tu sens que je commence à être malade fais peut-être une pause." Plaisanta t-il, curieux d'en apprendre d'avantage sur cette femme.

Son bandage était terminé et après avoir vérifier la qualité de celui-ci, il remit son gantelet de métal visiblement satisfait.

Je réfléchis pendant de longues secondes. Morphée bailla pour montrer son ennui. Je lui souris et répondis :

"Oui, tu as raison. Il faut mieux que tu survives. Tu me seras plus utile. Mais bon, tu peux les humilier quand même par la parole. Il faut avoir du caractère pour survivre dans ce bas monde. En moucher quelqu'uns avec une réplique bien cinglante peut faire très mal à leurs égos, bien plus que certains coups parfois."

Naive? Non. J'aimais la violence mais parfois certaines étaient inutiles. J'étais une révoltée. Je supportais difficilement les ordres. Je ne comprenais donc pas vraiment l'obéissance qui semblait être le mot clé de l'ordre des aigrefins surtout qu'apparemment celle-ci résonnait avec humiliation... Nous, chez les mages noirs, on humilie que rarement. On préférait de loin lancer des traquenards quasi mortels pour voir comment ils arrivaient à incanter... C'était une façon de rendre fous chaque disciple mais ce n'est pas grave, si?

Mordekaiser en demanda plus sur moi. Ayant l'égo surdimensionné, je n'étais pas contre de parler un peu de moi. Mon chat en profita pour me descendre en flèche même si quelque part, il n'avait pas tort. Garvera Steel avait marqué l'ordre des mages noirs, surtout lorsqu'elle fut associée à Elzear Mochdilym, d'un fer rouge à jamais. J'étais très fière d'avoir le même sang. Mais je ne comprenais pas pourquoi chez certains l'évocation de mon nom de famille avait tendance à leur déclencher une crise cardiaque de peur. Je n'étais encore qu'une débutante. Ils auront bien plus peur de moi, tout du moins je l'espérais, à l'avenir.

Je lui souris et m'assis à ses côtés. Nos deux bras se touchaient. Une légère brise me fit frissonner. Puis d'une voix sombre, je murmurai :

"Alors, j'aime les faire hurler. Donc j'aime leur insérer des objets dans le corps comme des dagues ou des tisons enflammés. Quand j'ai mon zombie à coté de moi, j'aime lui faire manger une partie de leur corps alors qu'ils sont encore en vie. Parfois, je lui fais griffer leurs visages... ou bien crever les yeux. J'aime aussi leur couper les tendons d'achille et de leur dire de courir alors que mon mort vivant les pourchasse."

C'était quelque peu dégueulasse mais l'odeur, la vue du sang avaient tendance à m'exciter me rendant très créative.

"En tout cas, je les marque toujours de mes initiales. Mes techniques sont plus fines que celles des aigrefins non? Vous décapitez toujours vos ennemis?"

L'assurance avec laquelle parlait Morgane frôlait l'insolence mais il se trouva qu'en funambule talentueuse elle parvint à ne pas s'attirer les foudres de l'Aigrefin. Il jugea que chaque Mage Noir devait avoir une part de malice prononcée. Aussi Mordekaiser considéra t-il d'un rictus dubitatif le conseil de sa guérisseuse. Pour l'heure, le guerrier préférait éviter de s'opposer à ses supérieurs. Il ne se battait pour leur cause que depuis peu et sa lame n'était pas encore assez fine pour qu'il puisse permettre d'en découdre avec les plus nerveux d'entre eux. De plus, maintenant qu'il comptait Morgane parmi les rares alliés qu'il avait, il était fort probable que le reste des Aigrefins craignant à tord son nom plus qu'elle même lui mangent dans la main.

La charmante demoiselle révéla ensuite au colosse le sort qu'elle lui aurait réservé s'il avait été moins virulent à l'égard du mort-vivant. A l'entendre, on aurait dit qu'elle déclamait un poème. Pourtant, elle racontait des choses si horrifiantes avec tant de naturel que Mordekaiser manqua d'être pris de vertiges. Pendant qu'elle parlait, l'homme détailla la jeune femme du regard. Ses traits étaient fins et gracieux, sa peau était douce et pâle ; on aurait dit une poupée de porcelaine. Comment était-il possible qu'un corps aussi agréable et ravissant soit habité par un esprit aussi torturé ?

Comme si les deux maléfiques avaient été deux philosophes ou des peintes échangeant leurs avis sur leur art, Morgane se renseigna auprès de son interlocuteur sur la méthode d'exécution qu'employaient les Aigrefins. Un peu mal à l'aise, l'homme se racla la gorge et se plongea dans le peu de souvenirs qu'il avait.

"Certains décapitent, oui, c'est vrai que ça fait spectacle et que ça impressionne toujours les collègues. Certains font même des concours : c'est à celui qui en ramènera le plus enfin tu vois à peu près le genre de délire. Indubitablement je te donne raison, tes techniques sont plus fines même si pour ma part je préfère écraser l'ennemi de toutes mes forces et le pousser jusqu'à sa limite. Selon moi il n'est d'affrontement plus honorable que celui qui se termine par l'épuisement. Le corps retombe dans la poussière purgé de toutes ses forces, c'est beau, si on veut." Expliqua t-il avant de marquer un temps d'hésitation.

"Il arrive aussi que j'exécute mes victimes avec un..." Le visage de l'Aigrefin se perdit alors dans le vague.

"Tir d'arbalète en pleine tête." Acheva t-il en se revoyant abattre un chien et pointer son arme de jet sur la tête du vieux Tory en compagnie de Thadea à sa première mission.

Ce qui le perturbait c'était qu'il n'avait aucun souvenir d'avoir fait ça et ses mots avaient émanés de lui indépendamment de sa volonté comme s'il admettait un comportement qui n'était pas le sien. Sans comprendre pourquoi il repensa soudain au vieux mastodonte en armure qu'il avait vu dans sa prison dix ans plus tôt et qu'il revoyait parfois en songes.

"Quel genre de personne était ta mère ?" Demanda Mordekaiser non seulement pour changer de sujet devant son trouble évident mais aussi parce qu'il ne connaissait rien d'elle.

En en apprenant un peu plus sur la famille Steel, il saurait sans doute d'où venait à Morgane son comportement qui l'attirait mine de rien.

Bah oui si j'en disais plus sur mon travail, j'exigeais la même chose de mon interlocuteur. De plus, j'étais fort curieuse et cela me permettrait de voir si l'ordre de mon père avait changé ou non depuis sa mort. D'ailleurs à cette pensée, un petit pincement au coeur se manifesta. Je le chassai bien vite. Je n'avais pas le droit de montrer mes sentiments. Je devais être brave quoi qu'il arrive.

"Je vois. Tu aimes entendre les os craqués. Je comprends."

C'était ma déduction lorsque j'avais entendu le mot écrasement. Moi, je me moquais de les épuiser ou non. Je voulais juste leur provoquer le plus de douleurs possible et surtout la plus grande peur. Après le reste n'était qu'accessoire. Quant à la décapitation, celle-ci, je ne l'exercais jamais. C'était bien trop barbare à mon gout. Ma grand mère adorait casser les nuques d'un geste ample... c'était aussi une technique comme une autre. Moi, je préférais les voir saigner...

"Classe!"

Morphée bailla. Il devait surement me trouver inintéressante. J'avais toujours admiré ceux qui possédaient une grande précision. Je n'en avais pas. J'étais incapable de tirer à l'arc par exemple. Mais il m'était déjà arrivé de torturer avec des flèches empoisonnées dans la salle des tortures.

"J'aimerais bien que tu me fasses une démonstration."

Oui, je voulais le voir à l'oeuvre pour continuer à l'examiner. Si nous devions être alliés, alors l'un et l'autre, nous devions connaitre les faiblesses et les forces de nos adversaires afin de pouvoir les compenser. Je rêvais de trouver mon binome parfait comme ma mère l'était avec mon père ou ma mère avec Elzear. Sa question me surprit. Je souris doucement et murmurai :

"Elle était très belle, bien plus que moi. Son sang drow était bien plus présent que chez moi. Elle avait la même couleur de cheveux. Elle était tout le temps joyeuse. Sa fierté résidait dans son honneur. Sa famille et ceux qu'elle considérait comme ses alliés étaient tout pour elle. Halloween aurait donné sa vie pour Kessler sans broncher si cela avait pu lui permettre de vivre plus longtemps. Elle n'a aimé que lui. Oh elle en a fait tourné des têtes en grande séductrice qu'elle était mais il n'y avait que lui qui comptait une fois qu'elle l'a rencontré."

Je me souvenais de mes parents. Ils s'aimaient tant. J'aimerais rencontrer un jour un tel bonheur et une telle osmose avec un homme. Elle avait plus de poitrine que moi. Mais nous avions quelques traits en commun. Mes paroles étaient remplies d'amour et de respect.

"Sa grace et son agilité étaient très réputées. Elle était la chef des ombres. La disparition de son statut l'a chagriné oh plus au point comme la mort de son bien aimé... Elle a toujours vécu sur un fil... elle donnait l'impression de vivre tout à fond... Je suis plus posée qu'elle."

"Tu parles! C'est faux! Toi, tu es juste plus poisseuse c'est tout."

Je jetais un regard mauvais à mon chat.

"Pourquoi? Tu as entendu parlé d'elle?"

Sans ménager sa joie, Morgane commenta le récit de Mordekaiser. Ses réflexions courtes mais expressives témoignaient de son sadisme évident. Personne n'avait appris à l'Aigrefin à se comporter de la sorte mais il l'avait fait naturellement malgré lui. Il soupçonna d'ailleurs le sang de Kessler Evans qui coulait dans ses veines d'avoir sa part de responsabilité. Après tout ce n'était peut-être pas plus mal. Son passé de Chevalier était très loin derrière lui et la seule famille qui l'avait reconnu était la Rose Noire. Pour cette raison il avait envers elle une entière dévotion et n'hésiterait pas à faire preuve de la plus grande cruauté à l'égard de ses anciens confrères Chevaliers le moment venu.

"Pour la démonstration il va falloir attendre un peu, Mademoiselle. La prochaine fois que je serai mandaté pour remplir un contrat je te choisirai comme équipière. Si tu acceptes je te montrerai comment tirer à l'arbalète. Et puis, ça nous fera une occasion de nous revoir dans de meilleures circonstances." Avait-il répondu à l'enthousiasme de Morgane.

Ensuite, la Mage Noire parla de sa mère. De mémoire, Mordekaiser lui connaissait le nom de Halloween, un nom curieux qui n'avait pourtant pas manqué de faire frissonner plus d'une échine. Il fut un temps sur Nel Beraid où le monde entier redoutait les chefs et leurs vouaient, en plus de leur admiration la plus grande peur. Ces êtres s'étaient élevés bien au-delà des hommes à la sueur de leur front pour acquérir une science du combat et des arcanes absolument terrifiantes. Ces demi-dieux vivants n'avaient pourtant pas réussi malgré leurs forces jointes à vaincre le Royaume des Cieux qui était venu ravager Nel Beraid. L'Aigrefin ferma cette parenthèse en se disant que tout ceci relevait de la légende et que jusqu'au moment où il croiserait le fer avec un ange, il n'en croirait pas un mot.

Malgré la puissance effroyable de ses parents et la sévérité à laquelle Morgane devait avoir été soumise de ce fait, elle leur portait un amour profond, sincère et indéfectible. Mordekaiser eut l'impression que la préférence de la jeune femme allait à sa mère dont elle parla avec une nostalgie évidente. S'il l'avait connu, pour sûr que l'Aigrefin l'aurait respectée. Après avoir accordé un bref sourire au chat qui ne manquait pas une occasion d'attaquer verbalement sa maîtresse, le guerrier maudit prit la parole sur un ton solennel.

"Bien à regret je n'ai entendu d'elle que des rumeurs. Je méconnais l'histoire de Malificium malgré la faction à laquelle j'appartiens. Ce devait être une femme tout à fait exceptionnelle et toutes ses prouesses, malgré la disparition de l'Ordre qu'elle dirigeait et de ton père, n'ont pas été vaines. C'est évident." Répondit-il ensuite pour flatter sans s'en rendre mais avec non moins de sincérité Morgane.

"Tu pourrais m'en dire un peu plus sur tes parents ? Les écrits de la dernière guerre sont plus que flous. J'imagine que les érudits n'avaient pas vraiment le temps d'écrire ce qu'ils voyaient. Comment leur histoire s'est-elle terminée ? Et celle de ta mère ?" Demanda l'homme curieux portant visiblement un intérêt non-feint pour la famille de Morgane et pour elle-même.

Il avait reçu de Kessler Evans un héritage qui l'effrayait mais qui faisait de lui un combattant bien plus adroit que la moyenne. Aussi loin qu'il put se souvenir, il n'avait jamais hésité à combattre depuis qu'il avait rejoint la Rose Noire. Il se demandait quel genre d'héritage ses parents avaient laissé à Morgane.

"Tu n'as pas peur de te prendre un projectile dans l'oeil ou dans le bras?"

"Mais! Tu exagères! Je ne suis pas si maladroite que cela!"

"Non, tu es juste pas douée avec des armes à projectiles. Tu te souviens comment ca s'est passé avec l'arc?"

Je rougis aussitôt. Je n'avais pas du tout envie de m'en souvenir. Ma mère avait essayé de m'entrainer à toutes les armes afin que je sois la plus parfaite possible... Et cela n'avait pas été bien glorieux. J'avais juste failli tuer ma pauvre parente avec le fameux arc alors que je devais viser une silhouette de paille dans l'arène qui était devant moi et elle était juste derrière. Du coup, tenter l'arbalète me tentait bien mais ca risquait d'être périlleux quoi que très drôle... enfin pour moi... pour Mordekaiser, pas si sûre.

"Nous ne sommes pas obligés d'être en mission pour se voir."

Bah oui! Pourquoi fallait-il toujours être en danger pour voir les gens qu'on apprécie? C'était un comble! Bon, en grande séductrice, ceci était une proposition bien intéressée. Les aigrefins sont si sexy et ont les muscles si parfaits. Je n'allais donc pas jeter la marchandise si celle-ci se présentait à moi. Je lui dédicaçais mon plus beau sourire alors que mon chat soupirait de désespoir.

Je lui parlais ensuite de ma mère. Je l'admirais, c'était parfaitement visible et audible. Sa présence rassurante me manquait beaucoup mais je devais faire à présent sans. Mon coeur se pinça à ce sujet. Mon interlocuteur ne semblait pas rassasier. J'en souris doucement et répondis :

"Tu veux vraiment tout savoir. Par contre, je veux la même chose de toi. Je veux que tu me dises tout sur toi, d'où tu viens, si tes parents étaient aigrefins, etc. Donnant, donnant."

Mes yeux s'égarèrent de nostalgie. Je me souvenais de l'amour qui unissait mes parents. J'espérais en connaitre le même. Mais pour le moment, cela ne semblait pas possible. Comme si être mage noire rimait avec ne pas avoir de coeur... Puff...

"Mes parents ont combattu lors de la dernière guerre ainsi que ma grand mère. Ma mère n'aimait pas en parler, cela la faisait pleurer systématiquement. Car malheureusement suite à cette guerre, sa mère fut gravement blessée mais surtout, Kessler, son bien aimé, a disparu. Diverses rumeurs courent sur lui : qu'il aurait rejoint une autre femme, qu'il serait mort décapité, qu'il aurait été capturé... Je n'en sais pas vraiment grand chose. Je sais juste que ma mère est morte de chagrin. Quand elle me regardait, elle ne voyait que lui. Elle m'a énormément aimé mais la douleur est parfois trop grande. Son coeur ne l'a pas supporté surtout que la guerre a engendré la disparition des ombres. Ces deux plaies conjuguées plus l'affaiblissement de ma grand mère l'ont enfermé dans un profond mutisme... et elle en est décédée. Un matin, alors que j'étais ado, elle ne s'est pas réveillée. Je dois savoir ce qui est arrivé à mon père. Je ne l'ai connu que très peu. Il parait que c'est le drame des Steel, nous vivons qu'entre femmes, les hommes succombant rapidement... "

Je me tus visiblement éprise d'un grand chagrin. Je fermais les yeux pendant de longues secondes puis repris :

"Mais tu es un aigrefin, tu en sais peut-être plus? Et Sammius? Tu as lu sur lui?"

Selon les dires du chat qui se délectait de tourner sa maîtresse en ridicule dès qu'il en avait l'occasion, Morgane aurait eu par le passé quelques fâcheuses expériences avec les armes de jet. Mordekaiser en sourit amusé en se demandant en quoi ces malheurs avaient bien consister tandis que la jeune femme dévia habilement le sujet en lançant un regard à l'Aigrefin qui eut pour effet de le troubler. La suite des événements fit rapidement reprendre ses esprits au guerrier maudit. Morgane acceptait de se confier à lui à l'unique condition qu'il fasse de même. Il faudrait qu'il trouve une parade pour éviter d'avoir à lui parler de son passé de Chevalier sans pour autant lui mentir. Cette demoiselle semblait être très attentive à ce genre de choses et il n'était jamais bon d'avouer qu'on avait eu des rapports plus qu'étroits avec la chevalerie de Bénécius lorsqu'on avait fait de Malificium sa patrie.

Avec tout le respect et la distance qui convenait, l'Aigrefin écouta le récit de son interlocutrice. Sa mère, Halloween Steel, avait fini par succomber à la douleur qui l'avait étreint et qui avait été causée par le guerre contre le Royaume des Cieux. Mordekaiser se demanda alors s'il était pire de mourir ainsi que mortellement blessé physiquement. Sa courte réflexion ne lui suffit pas à trouver la réponse et il se dit enfin tristement que c'était peut-être ça l'héritage qu'avaient légué ses parents à la Mage Noire. Malgré sa cruauté évidente et son caractère malsain, la jeune femme sembla prise au cœur par la nostalgie et le respect qu'elle éprouvait pour ses regrettés parents. L'héritier maudit ne sur que trop mal comment réagir et plutôt que de risquer d'être maladroit en touchant l'épaule de Morgane, il préféra ne rien dire et la considérer d'un air grave mais aucunement hautain.

La demoiselle retourna ensuite sa question à Mordekaiser. Un court instant il sembla mal à l'aise puis finit par répondre :

"Sammius l'Indomptable tu veux dire. Depuis que je suis Aigrefin j'ai du me renseigner sur lui, évidemment. C'était un homme mystérieux avec plus de secrets qu'il n'y paraissait. Je sais surtout que Kessler Evans lui a accordé son entière dévotion jusqu'à sa disparition. Beaucoup jalousaient l'Indomptable et complotaient sans l'ombre d'un doute pour le renverser malgré la crainte qu'il leur inspirait. Mais ce n'était pas le cas de ton père, l'Ombre de sang, c'était bien son titre ? Mais pourquoi cette question ?"

Après avoir dit ce qu'il savait sur les hautes sphères de la Rose Noire du temps de la guerre, l'homme dut se résoudre à parler un peu de lui bien qu'il avait une sainte horreur de ça depuis qu'il avait été recruté par les Aigrefins.

"Avant de servir la Rose Noire je prenais racine dans une prison abandonnée. Ce sont les Aigrefins qui sont venus me chercher. Apparemment quelqu'un aurait colporté la rumeur que certains de leurs collègues étaient enfermés là-bas mais ils n'ont trouvé que moi, apparemment je leur ai plu. Ce qui s'est passé avant que je sois en prison ne fait pas partie de ma vie." Avoua t-il avec une sincérité indiscutable et en accordant un sourire attristé et dissimulé à Morgane.

"Je suis resté dans cette prison abandonnée pendant environ dix ans. Je n'ai pas la moindre idée de comment j'ai survécu tout ce temps." Ajouta t-il avant que la demoiselle ne pose la question si elle comptait le faire.

Mordekaiser espérait que pour une fois on ne le prendrait pas pour un fou. Après tout, Morgane était supposée être la fille de la dirigeante des Ombres et du bras droit de l'Indomptable, la frontière entre le possible et l'impossible devait être différente chez elle de chez la populace de Malificium.

"Ouais, c'est de lui qu'elle parle, elle n'est pas douée avec les titres."

"Toi, je vais te clouer la langue si tu continues."

Mon chat miaula comme si de rien était. Il commencait sérieusement à me taper sur les nerfs. Oui, je connaissais les titres des chefs mais ma mère l'avait toujours appelé Sam et ma grand mère aussi. Donc pour moi, il était au même niveau que le mien tant cela semblait naturel pour tout le monde. J'étais loin d'être chef mais je comptais bien un jour l'être.

"Oui, c'est cela. Parce qu'il était le parrain de ma mère. Je l'ai vu toute petite mais rapidement, il a semblé disparu. Ma mère a toujours regretté de ne pas avoir pu lui dire au revoir. Elle soupçonne qu'il est mort lors de la dernière guerre... Car la retraite était impossible pour lui et casser de l'ange était bien trop exceptionnel pour qu'il évite de jouer avec."

Je souris doucement. Oui, mon père adorait son chef tout comme ma mère et ma grand mère. Les deux femmes avaient le plus grand respect pour lui. D'après ce que j'ai compris, Garvera avait même été intimement proche de lui par le passé avant de rencontrer Elzear. Leur sadisme mutuel avait trouvé écho chez l'autre et nombreux nelberiens par le passé avaient peur lorsqu'ils étaient ensemble.

"Est-ce qu'un jour, tu pourras me faire visiter ton QG?"

Bah oui, enfant pas plus que trois pommes, j'y étais allée mais je n'en gardais que peu de souvenirs. J'avais envie en y allant de retourner sur les traces de Kessler pour mieux me souvenir de lui mais je ne savais pas si c'était bien possible. Certes, nos deux peuples étaient alliés mais le secret était toujours de mise dans les deux camps... tout comme l'espionnage.

Je fus surprise de son passé. Dix ans en prison... mais quel crime avait-il pu commettre pour mériter un tel sort? Je le fixais avec soin. Il ne semblait pas un meurtrier cruel... après tout, il avait accepté qu'on arrête de se battre... Je passais ma main dans les cheveux puis sur mon menton et lui dis :

"Toi, tu as des secrets lourds comme une prison. Je ne te condamne pas. Mais 10 ans... Même ma mère n'y est jamais restée aussi longtemps. Tu n'as jamais pensé à fuir?"

Survivre... C'est un principe que j'ai appris dès la plus jeune enfance. Tant de personnes souhaitent encore ma mort actuellement malgré la disparition de la quasi totalité de ma famille... mais tant que je respirerais cela ne serait pas suffisant. D'une voix un brin naive, je lui donnais une explication :

"Les rats ont du être riches en graisse voilà."

Après avoir témoigné de la notoriété de Sammium l'Indomptable, Morgane demanda à Mordekaiser s'il acceptait de lui faire visiter un jour ou l'autre le château abandonné. Il sembla hésiter un moment, se demandant quelle idée la jeune femme pouvait bien se faire de ce lieu. Elle devait sans doute imaginer un bâtiment grandiose à l'image de l'ancienne puissance des Aigrefins qui avait inquiété les plus hautes sphères du pouvoir. Après un instant d'hésitation il répondit :

"Le château ne ressemble sans doute pas à ce que tu imagines. Depuis l'ère Sammius, le château a quelque peu perdu de sa prestance même s'il reste tout à fait correct voire impressionnant. Nous sommes alliés, dans ce cas, oui, je t'emmènerai au château au besoin."

La demoiselle s'exprima ensuite sur le passé de Mordekaiser qu'il avait accepté de lui révélé de manière très lacunaire. Il sourit doucement aux remarques de Morgane bien que lui-même ignorait comment-il avait survécu. Il ne doutait pas non plus que la mère de Morgane, Halloween Steel, aurait passé bien plus de temps dans les cachots si tous ses crimes avaient été prouvés et si elle était tombée entre les mains des forces de Bénécius. Néanmoins, la discrétion était une des règles du jeu et les Ombres étaient réputées pour exceller dans l'utilisation quasi-abusive de celle-ci. Ce qui dérangeait l'Aigrefin en revanche, c'était qu'il avait l'intime conviction de n'avoir commis aucune infraction. Il était sûr et certain de ne pas avoir tué ses confrères et par conséquent, qu'il avait été accusé à tord et expédié aux oubliettes par la même injustice. Après avoir pris un temps de réflexion durant lequel il s'était perdu dans les pensées évoquées, Mordekaiser finit par répondre à son interlocutrice.

"Impossible de fuir. Il n'y avait aucune issue et j'étais quasiment cloué au sol par des chaînes et des boulets. J'ai néanmoins gardé un vestige de ma cellule, lorsque les Aigrefins sont venus me secourir pour faire de moi l'un des leurs."

A cette occasion, il retira son gantelet et dévoila le bras que Morgane n'avait pas encore vu. Une menotte rouillée et lâche exerçait une pression discutable sur son poignet. En réalité, il gardait cette menotte en guise de souvenir pour ne jamais oublier. Ensuite, il remit son gant de métal avec une certaine pudeur symbolique qu'il avait volontairement suspendu le temps de montrer sa menotte à la Mage Noire.

"Bon, ma mission est terminée, je dirai à mes supérieurs que la menace a été écartée et qu'il n'y avait au final pas lieu de s'inquiéter. Bien sûr vous ne serez pas mentionnés, tous les deux, mais à l'avenir évite de martyriser les habitant de Malificium s'il te plait, des fois que ça me retombe dessus." S'exclama t-il soudain à l'attention de Morgane et de Morphée.

D'un œil circonspect, Mordekaiser scruta le ciel et constata la nuit noire. A l'évidence sa ronde avait duré bien plus longtemps que les précédentes et à ce titre l'heure s'était avancée d'elle-même. Outre le manque évident de volonté de la part de l'Aigrefin refaire tout le chemin qu'il avait déjà fait en sens inverse pour retourner au château, il savait qu'il était peu prudent de s'aventurer seul sur les routes sous la lune sanguine. Les bandits de grands chemins rodaient et n'avaient cure de l'ordre d'appartenance de leurs victimes du moment qu'elles étaient seules et vulnérables.

"Tu ne saurais pas où je pourrais passer la nuit ?" Demanda le chevalier maudit à la Mage Noire.

"Oh tu sais notre Tour n'est guère mieux non plus vu qu'elle a ciel ouvert. Je pourrais t'y emmener en échange."

La vraie Tour se trouvait dans les profondeurs. Les mages noirs n'avaient pas voulu la reconstruire à l'identique afin d'attiser leur sentiment de vengeance. De plus, ainsi, nos agissements restaient plus secrets et cela, ma grand mère en aurait été très satisfaite même si par le passé, elle aimait bien la vue sur la ville depuis le dernier étage.

Je l'écoutais parler de son séjour en prison et en fis mon opinion. Ma mère y était allée lorsqu'elle fut proche de l'ancien crépusculaire, Jeuvodent. Ils s'étaient enfuis facilement faut dire que la capacité de passe muraille de ma mère avait grandement arrangée les choses à ce sujet. Elle était aussi libre que l'air. J'espérais acquérir un jour ce pouvoir car enfant, il m'avait toujours émerveillé.

Je frissonnais aux dires de Mordekaiser et ne pus m'empêcher de m'approcher un peu plus pour examiner la menotte qu'il lui était restée au bras. Je sifflais doucement. Mon chat, lui, miaula son désarroi.

"Un forgeron doit pouvoir te la faire fondre tu sais."

Pragmatique, il y avait toujours une solution à un problème. Je ne faisais pas partis de ceux qui avaient besoin de voir leurs anciennes souffrances pour pouvoir se venger. Non, je gardais tout à l'intérieur et je n'oubliais rien. C'était d'ailleurs pour cela que je cherchais à visiter le QG des aigrefins. Je voulais en savoir plus sur mon père afin d'avoir une piste pour le venger.

"Mais comment veux-tu que je m'entraine?"

Je pris une moue boudeuse. Bah oui, si je ne pouvais plus jouer avec les habitants, avec qui je pourrais le faire? C'était un comble! Je me faisais punir en quelque sorte et ça, il en était hors de question. Mais dans un sourire, je lui promis d'être un peu plus discrète... juste un peu... quoi que si cela me permettait de le revoir plus vite, je n'étais pas contre...

"J'ai une chambre à l'auberge de Malificium si ca te dit et on pourra manger un bout là bas également. Avant, on avait un Manoir somptueux... mais il était près du Volcan... lors de l'implosion de celui-ci, tout a disparu."

Mon visage s'empreint de tristesse, mon chat poussa un miaulement sinistre, il aimait notre ancienne maison.

"Mais après, tu peux dormir dans un mausolée abandonné c'est comme tu veux."

Morgane venait de promettre à Mordekaiser de lui faire visiter la Tour Sanglante en échange de celle du Château Abandonné. L'homme acquiesça d'un signe de tête. Le compris qu'elle venait de lui céder lui paraissait satisfaisant. Ensuite, la jeune femme réagit au fait que l'Aigrefin n'ait pas fait retirer sa menotte. A ses mots, il eut un sourire vague. Il ne savait pas vraiment comment prendre cette remarque et il profita du court instant pendant lequel il pouvait saisir la naïveté de la Mage Noire qui n'avait pas appréhendé la dimension symbolique de l'attitude de Mordekaiser quant à cette menotte. Après un court instant de silence il répondit simplement de sa voix grave.

"Je sais, mais je préfère la garder."

La nécromancienne exprima par la suite son mécontentement quant aux directives que le chevalier maudit venait de lui imposer. Il savait que ça ne lui plairait pas, néanmoins ils n'avaient pas d'autres choix. Le sourire distrait de l'Aigrefin se changea alors en un petit rire gêné et il tâcha d'apaiser son interlocutrice en lui faisant une proposition.

"Eh ben... Tu pourrais t'entrainer avec moi !"

Lui non plus n'avait personne avec qui s'entraîner. Les Aigrefins n'étaient pas très causant entre eux et surtout pas avec les nouveaux sans compter que les mannequins inanimés de la salle d'entraînement du château trouvaient rapidement leur limite due à leur manque de dynamisme. Mordekaiser serait donc satisfait de pouvoir compter à l'avenir sur Morgane pour s'entraîner dans leur intérêt mutuel si toutefois elle acceptait.

La demoiselle avait alors proposé sa chambre au guerrier. L'option de l'auberge le satisfaisait : il fallait bien se restaurer. L'Aigrefin accorda un regard compatissant à Morgane lorsqu'elle lui dit que son manoir proche du volcan avait été rasé par ce dernier. En même temps, il y avait peu de chances qu'une habitation soit éternelle juxtaposée à un foyer d'expression de la puissance de la nature. La boutade que lança la Mage Noire au chevalier déchu dissipa le court silence qui s'était installé entre eux. Il eut un rire discret avant de répondre :

"Je vais accepter ta proposition. En route si tu le veux bien."

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