Etre à la hauteur [Quête Ehyt][PV Mordekaiser]

"Hey! Tu veux me provoquer une crise cardiaque?"

Voilà un accueil très peu chaleureux de la part de Mordekaiser. Avait-il passé une si mauvaise nuit? Il ne m'avait pourtant pas dérangé. J'avais moi-même peu dormi... trop de pressions sur mes épaules... je pensais à ma famille et à la quête qu'elles m'avaient réservées... Y arriverais-je? Y croiserais-je les fantômes de mes parentes? Cela était fort possible... Je doutais que Garvera soit des plus agréables... Quant à ma mère... je ne saurais trop présager sa réaction... Les morts voient beaucoup de choses de là où ils sont... J'allais donc devoir y faire face.

Mais quoi qu'il en était, j'étais face à l'aigrefin un sourire aux lèvres, les mains haut levées en signe de non agression. J'avais frappé à deux reprises et il n'avait pas répondu. Un brin inquiète, j'avais tenté d'ouvrir la porte mais celle-ci était verrouillée... J'avais donc du jouer de ma dague pour en forcer la serrure... sans succes... Je n'étais pas une ombre après tout... Je fixais l'arbalète avec un sourire légèrement moqueur.

"En tout cas, si j'avais su que tu étais aussi soupolait le matin, je t'aurais laissé venir me chercher. Tu es prêt? Il est temps de prendre la route. Deux heures de marche, nous attend."

Je m'étais changée. Je portais une tunique bleue nuit et une jupe noir. Mes cheveux étaient bien coiffés, mes armes étaient en place, une bourse était présente sur ma hanche droite contenant quelques potions de soins pour m'assurer que le danger ne me tuerait pas une fois sur place. J'attendis quelques minutes puis nous quittâmes le piment de l'outre tombe. En chemin, je pris la parole :

"J'espère que nous ne croiserons pas de fanatiques. Je respecte la déesse interdite... mais je ne pratique pas son culte... d'autres en sont devenus complètement cinglés... Nous n'aurons pas le choix... Nous devrons les abattre... Le sang est un lourd tribu pour notre quête... Je crois que c'est aussi pour cela que ma mère l'a mis sur place... Elle savait à quel point ma grand mère adorait le liquide carmin."

Tout comme Alayna sa meilleure amie. Je soupirai doucement et continuai ma route. Nous finimes par arriver sans encombre au temple. Sa noirceur rendait silencieuse la nature. Une atmosphère froide planait constamment dans les airs. Je me souvenais de l'endroit que ma mère m'avait parlé... bien sûr, ce n'était qu'une énigme... Nous allons donc devoir crapahuter dans de nombreux couloirs.

"Nous devons trouver : "Là où le trône s'affiche, l'améthyste disparait pour rejoindre le rubis. Trouve l'insertion elfique et la dague t'apparaitra. Mais évites de froisser la Veuve Noire sous peine de tomber dans la terre des émeraudes...""

La veuve noire était ma grand mère... le rubis... à mon sens le sang... les émeraudes... du poison... mais le reste... J'espérais le découvrir vite... Je fis un pas en avant et souris à Mordekaiser. Que les festivités commencent? Passons par la grande porte... Se faire passer pour des adeptes pouvait permettre de récupérer quelques renseignements... mais surtout de mieux analyser les choses au lieu de pénétrer de force qui engendrait assurément du chaos et de la panique... donc moins de concentration...

Bien entendu, Mordekaiser n'hésita pas à présenter ses excuses à Morgane pour l'avoir effrayé en lui ouvrant la porte une arbalète à la main. Seulement, par les temps qui courrait, aucun endroit n'était sûr et encore moins les bâtiments érigés sur le territoire de Malificium. L'Aigrefin s'en voulait un peu mais il était persuadé que la jeune femme comprendrait.
Après une courte préparation, les deux aventuriers prirent la route en direction du Temple Oublié qui allait être le théâtre d'évènements qui dépassaient de loin l'entendement du guerrier maudit.

Sur le trajet, l'homme avait noté l'élégance de la Mage Noire mais n'en avait dit mot, se contentant de garder cette réflexion pour lui. Bientôt, ils arrivèrent au dit temple. La nécromancienne avait tenté d'expliquer brièvement à son acolyte ce à quoi ils devaient s'attendre, mais il ne comprit pas vraiment tous les détails, estimant que le décryptage de l'énigme devait être propre à ceux qui ont été proches de la famille Steel ce qui n'était pas son cas.

L'entrée des deux aventuriers dans le temple se fit sans violence à la demande de Morgane. Mordekaiser avait poussé de ses deux mains les lourds battants de l'édifice qui s'ouvrit lentement et bruyamment à eux. Sur l'autel croupissait un cadavre d'enfant dont l'abdomen était surmonté d'une dague en croc de bête ancestrale et baignant dans son propre sang, les yeux grands ouverts, regardant le ciel de l'aube finissant et l'enserrant de l'étreinte de la Déesse Interdite.

L'Aigrefin songea qu'il ne connaissait rien de ce culte. Quelques uns de ses confrères le pratiquaient en secret et parlaient parfois de la Déesse Interdite mais il ne s'y était jamais réellement intéressé, préférant pour l'heure rester le plus loin possible de toute forme de fanatisme. Se tirant de ses propres pensées, il remarqua les deux vieillards encapuchonnés dans de grands manteaux noirs debout derrière l'autel ainsi que deux fidèles qui avaient eu le courage de passer la nuit sur place, assis quant à eux sur les bancs.

"Quand même ! Une nuit de retard ! Vous avez failli faire attendre la Déesse Interdite ! Dépêchez-vous de nous rejoindre à l'autel pour la cérémonie d'initiation bande d'infâmes retardataires." S'exclama l'un des vieillards.

Mordekaiser ne comprit pas tout de suite où il voulait en venir puis finit par se rendre compte que Morgane et lui avaient de la chance. Ces fidèles devaient attendre des initiés qui pour une raison ou pour une autre ne s'étaient pas présentés au Temple Oublié. L'Aigrefin avait beaucoup perdu de sa diplomatie depuis qu'il occupait ses fonctions et préféra le silence aux paroles maladroites. Jouant le jeu pour ne pas risquer une attaque trop directe, l'héritier maudit s'exécuta en compagnie de la Mage Noire. Une fois qu'ils arrivèrent à l'autel, l'autre homme d'âge trop mûr sortit deux manteaux semblables aux leur d'un petit coffret à ses pieds et les tendit aux jeunes gens.

"D'abord, un mot sur l'importance de nos prières, puis j'expliquerai aux inopportuns rebuts que vous êtes les origines et l'histoire notre Déesse à tous." Dit le premier qui avait parlé.

Le Chevalier déchu avait taché de ne pas accorder trop d'importance à cela jusqu'alors, mais l'odeur nauséabonde qui se dégageait des humeurs du cadavre sur l'autel devenait de plus en plus insoutenable avec la proximité ce qui n'avait cependant l'air de déranger ni les fidèles ni les deux prêtres.

"Lorsque la vie quitte un corps, une brèche se créer dans les cieux. Le sang sur nos mains et nos supplications nous permettent d'entrer en contact avec la Déesse à travers cette brèche. En échange de notre dévotion sans conteste..." Commença le barbu sur un ton mille fois trop théâtral pour être crédible avant de s'interrompre, ayant remarqué l'attitude marginale de Mordekaiser qui réprimait tant bien que mal un rire nerveux sous son capuchon.

"Qui vous a permis de rire, espèce de sale petit cafard ignorant ? Vous m'avez tout l'air d'un incorrigible crétin dont la naissance même a été une véritable insulte proférée à l'égard de notre Déesse." S'énerva le vieillard.

S'en était de trop pour l'Aigrefin dont le rire siffla entre les dents. L'attitude du prêtre lui rappelait celle de ses instructeurs lorsqu'il était aspirant Chevalier : de vieux grincheux constamment en train de vociférer sans raison. Sous son manteau, l'homme serra aussi fort qu'il le put la crosse de son arbalète pour faire grincer légèrement son cuir et faire comprendre à Morgane qu'il était prêt ou alors qu'il allait falloir qu'elle trouve une question plus qu'intéressante à poser pour détourner l'attention du prêtre du cancre qu'était Mordekaiser. L'homme avait beau sembler indiscipliné, sans nul doute que cette situation amusait également Morgane à cause de la personnalité exacerbée du prêtre et ses insultes. Quoiqu'il en était, elle allait devoir trouver une solution ou laisser les choses suivre leur cours au risque d'assister à une effusion de sang.

Sans un mot, nous nous étions avancés. Je n'appréciais nullement la manière dont il s'était adressé à moi mais je ne fis mot. Le prêtre venait de nous donner une couverture, nous devions la saisir. Nous allâmes nous asseoir à côté des deux disciples. J'eus aussitot un profond dégout pour eux. L'odeur qui se dégageait de leurs corps était infâme. Même dans les cimetières, il sentait meilleur, c'est pour vous dire! La vue et l'odeur du cadavre décomposé sur l'autel ne me dérangeaient pas...

Lorsqu'on me tendit l’accoutrement cérémonial, je haussai un sourcil d'interrogation. Il voulait sérieusement que j'enfile ce truc sans grâce et puant les détritus? Non mais franchement! Je dus faire un effort surhumain pour ne pas lui faire avaler son odieux vêtement dans le gosier pour lui faire comprendre à quel point j'étais une Lady et que je donc je méritais bien mieux que ces habits grossiers et sans formes.

La cérémonie commenca. Je la trouvais barbante à souhait. Ma grand mère m'avait appris le culte de la déesse interdite tout comme elle l'avait fait à ma mère. Jamais oh grand jamais, elle n'avait sorti autant de sornettes à la seconde. Il s'entendait parler ou il était devenu trop imbu de lui-même pour que cela soit possible? Franchement, il fallait vraiment que j'intervienne pour lui arracher la langue tant tout ce qu'il disait était pitoyable.

C'est à ce moment précis que Mordekaiser décida de se faire remarquer. Je comprenais son hilarité grandissante. Moi, mes nerfs étaient tendus et j'avais plutôt envie de le baffer que de me moquer de lui. Mais le fond était le même. On ne croyait pas un seul instant à ses sornettes. Le ton qu'il utilisa me fit esquisser un sourire cynique. Je perçus clairement le bruit de son arbalète. Je jetais un coup d'oeil à mon partenaire pour lui assurer mon soutien. On avait perdu trop de temps. Dans une élégance noble, je me levais de mon siège.

"Vous serez chatiée pour votre outrecuidance! La déesse exige qu'on m'obéisse. C'est à moi de décider si vous avez le droit de bouger ou non! En plus d'être retardataire, vous êtes également stupide! Vos tripes répareront vos fautes une fois étalées sur l'autel. Asseyez-vous ou je mets en action ma sentence."

Je fis un pas vers lui, un sourire sadique apparut sur mes lèvres. Je pris la parole :

"La déesse vous a abandonné depuis bien longtemps. Elle a trop honte de vous. Elle m'a demandé d'achever vos vies car chaque respiration que vous faites lui procure un peu plus de honte."

"Vous ne savez pas de quoi vous parler! C'est à MOI qu'elle parle chaque nuit lorsque je jouis! Je le sais! Vous n'êtes rien! J'ai..."

"Tututut. Un peu de silence mon jeune ami. Ma famille est liée à ton culte depuis des centaines d'années. Tu as quoi... quarante ans? cinquante? Et tu crois tout m'apprendre... Tu me donnes envie de vomir."

Sans crier garde, alors que j'étais très proche de lui, je lui assénais un violent coup de poing dans le menton. Surpris, il recula. Je me baissais vivement et lui fauchai les jambes puis ma dague vint se ficher dans sa gorge alors que son corps tombait sur l'autel.

"Ainsi, tu ne prononceras plus aucune sornette! Ton sang va rendre heureuse la déesse. Sois en satisfait, tu auras au moins été utile une fois."

Mordekaiser s'était occupé du second maitre d'offices. Il ne restait plus que les deux "apprentis". Je les fixais avec un certain dégout. Ils n'avaient pas bougé. Une odeur d'urines planait dans l'air... l'un d'eux s'était fait dessus... J'eus un léger ricanement sadique et murmurai :

"Vous n'êtes pas fait pour admirer les ténèbres. Foutez le camp avant que je vous sacrifie..."

Ils hésitèrent... Grave erreur... Je me tournai vers l'aigrefin alors que je récupérerai calmement mon arme, ma victime ayant fini de s'étouffer dans son sang :

"Tues les. Il parait que la soupe aux globes oculaires est délicieuse. Tu pourrais les prendre comme ingrédients, qu'en dis-tu?"

Je sentais une présence non loin de nous. Etait-ce la première épreuve de ma grand mère? Cela en avait tout l'air... Ce n'était que le commencement... Nous venions à peine d'entrer en jeu... Cette quête s'annoncait prodigieuse.

Morgane s'était levée tranquillement pendant que Mordekaiser se faisait réprimander par le vieillard en pleine crise de nerf ce qui n'eut pas pour effet de le calmer, bien au contraire. Cela l'enfonça encore plus dans sa colère qui muta en une espèce de rage grotesque et l'Aigrefin ne put retenir un rire tonitruant aux paroles qu'eut prêtre à l'égard de la demoiselle. Soudain, la digne héritière des Steel parla. Sa personnalité prit à cet instant quelque chose de froid qui interpella Mordekaiser, absorbé par la dureté de ses mots.

Avec une dextérité et une rapidité impressionnante, la jeune femme exécuta le prêtre sur l'autel où il avait lui-même sacrifié une vie quelques heures plus tôt. Cela devait sans doute être le signal et l'Aigrefin réagit tout de suite en voyant l'assistant du premier prêtre sortir une dague de son manteau à l'intention de Morgane. Après s'être levé d'un bond, le guerrier maudit tendit son bras en direction de sa cible et dans son prolongement décocha un tir d'arbalète qui atteignit le vieil homme au niveau de la mâchoire, provoquant des dommages irréversibles à ses cervicales transpercées. Dans un cri guttural et mal articulé, l'homme tomba lentement à la renverse pour expirer définitivement.

Les fidèles ne considérèrent pas immédiatement la faveur que Morgane leur avait fait et commencèrent à prendre la fuite lorsqu'elle somma l'Aigrefin de les abattre. Il eut un rire cynique et répondit en rangeant son arbalète puis en soulevant un banc au dessus de sa tête.

"Je n'aime pas trop la soupe."

La brute attendit que l'un des fidèles atteigne la porte pour faire appel à sa force surhumaine et catapulter le dit banc contre le dos du fidèle qui n'y survécut pas.
En voyant le carnage et en entendant le fracas, l'autre fidèle à la mobilité réduite pour cause d'humidité intempestive poussa un cri d'effroi et changea de direction pour tenter de s'échapper par une brèche dans un mur. Pendant qu'il peinait à s'y engouffrer, l'Aigrefin sortit de nouveau puis arma tranquillement son arbalète. Il prit le temps de viser convenablement et tira le carreau dans le flanc visible de sa cible qui s'effondra à l'extérieur du temple. L'ombre du mastodonte s'était cependant liée à celle du projectile et pour être sûr d'achever le fidèle, Mordekaiser en fit émaner plusieurs autres à l'intérieur même du corps de sa cible. Un dernier gémissement se fit entendre puis le silence revint.

"Je m'attendais quand même à mieux. Au moins on va pouvoir enlever ces guenilles ridicules." Observa l'héritier maudit en raillant les habits des fidèles et en armant puis rangeant son arbalète au niveau de sa jambière.

Une fois que les deux aventuriers eurent retiré leurs manteaux, quelqu'un applaudit.

Faisant volte face, le Chevalier Déchu distingua la silhouette d'un homme qui s'était caché dans l'ombre d'un pilier et qui les observait depuis le début, remarqué de personne.
Il portait le même manteau noir que les fidèles du culte à la différence que celui-ci était infiniment plus propre. L'individu s'avança tranquillement vers Mordekaiser qui était non loin de lui puis s'arrêta à quelques mètres de celui-ci en ôtant son capuchon. Il avait l'apparence d'un jeune homme mais ses traits ne trompaient pas. Il appartenait à une race voisine des démons, sans doute croisée, et son enveloppe corporelle témoignait du fait qu'il était rongé par sa propre magie noire. Ses petits yeux rouges et perfides fixaient l'Aigrefin qui posa une main sur la garde de son épée lourde, dans son dos.

"Tout va pour le mieux on dirait. Vous vous amusez bien ?" Demanda l'inconnu.

"Je sais pas qui t'es mais tu m'as l'air encore plus arrogant que ceux là, et ça commence à m'énerver." Répliqua Mordekaiser en faisant discrètement passer son ombre de banc en banc.

Lorsque le démon s'apprêtait à parler de nouveau, le guerrier en profita pour soulever un ensemble de siège derrière sa cible pour ensuite le propulser en sa direction.
Comme emporté par un coup de vent, le démon bondit à une hauteur hallucinante et Mordekaiser dut abattre son épée verticalement pour ne pas tomber dans son propre piège. Le banc vola en éclat et se dispersa autour de lui.

L'héritier maudit leva ensuite la tête pour repérer son ennemi qui avait prédit son attaque et constata avec surprise qu'il avait disparut.
Soudain, Mordekaiser entendit un rictus sournois retentir derrière lui. Il fit volte face et fut touché au flanc par un coup de la paume de la main de son adversaire.

Le mastodonte vola à travers le temple en se demandant d'où cette force venait au démon et fini sa course contre une colonne qui se fissura. Le métal avait recouvert son corps pour prévenir les dommages et il se releva ensuite de sa lourde chute.

"Mademoiselle, Morgane. Vous êtes décidément radieuse : au moins aussi resplendissante que votre mère. Avant de continuer je préfère vous mettre en garde et m'assurer du bien fondé de votre volonté de relever le défi des Steel aujourd'hui même. Vous avez sans doute des ressources mais seront elles suffisantes ? Navré de vous avoir brusqué, Aigrefin mais j'estime particulièrement Mademoiselle Steel Evans ici présente. Nous nous reverrons très bientôt." Déclara le démon avant de disparaitre mystérieusement, comme dématérialisé.

Mordekaiser poussa une plainte et en se tenant les côtes pendant quelques secondes.

"Tu le connais ce taré ? Un ami de ta mère ou de ta grand-mère peut-être ? En tout cas il a une sacré poigne. Je soupçonne sa magie d'y être pour quelque chose. Par où est-ce qu'on va pour commencer ?"

Avant même que Morgane n'ait eu le temps de répondre, une nouvelle perturbation se manifesta. Il s'agissait d'un courant de magie gigantesque et immatériel qui avait empli la salle. L'emprunte incommensurable était inconnue de Mordekaiser mais la jeune femme reconnu très distinctement celle de Garvera Steel. Subitement, les deux prêtres revinrent à la vie, comme possédés, et celui qui était quelques secondes plus tôt allongé sur l'autel ceintura la Mage Noire en bloquant ses bras.

"Morgane !" Hurla l'Aigrefin pour la prévenir que l'autre s'apprêtait à l'attaquer.

L'homme se rua aussi vite qu'il le put vers la jeune femme en éjectant d'un revers de main les bancs qui lui barraient la route même s'il savait pertinemment qu'il arriverait trop tard et qu'il ne pouvait pas prendre le risque d'attaquer à cette distance et de blesser son alliée.
L'autre mort-vivant tendit la main et une épée spectrale flamboyante apparut dans cette dernière.

"C'est parce que je ne t'en ai jamais préparé voilà tout."

Bonne cuisinière? Non, enfin, c'était possible, je n'en savais trop rien, je ne cuisinais jamais. Je préférais largement aller au restaurant pour souper. En tout cas, je décidais d'admirer sa technique pour tuer ses pauvres acolytes. Tout ceci n'était qu'une mise en jambes, un avant gout avant le plat de résistance. Je souris à ses dires et enlevai ma tenue.

"En tout cas, pour des adeptes de la déesse interdite, ils étaient bien peureux. Notre divinité a du en avoir bien honte. Afin on a réparé leurs pêchés en les tuant, c'est déjà cela."

Subitement, nous vînmes nous interrompre. Je me retournai vivement pour observer l'intrus. J'étais persuadée que la présence que je ressentais était mystique, due à des fantômes mais non... il s'agissait bien d'un humanoïde... Je plissais le regard afin de mieux l'observer. Il ne s'occupa pas de moi, j'en fus vexée. Apparemment, il trouvait Mordekaiser bien plus intéressant. Son attitude était on ne peut plus hostile et en aigrefin qui se respecte, le mien donna le premier coup... mais contre toute attente, la réplique de notre inconnu fut cinglante... pourtant sa carrure, nous aurait fait plutôt penser à un gringalet et non à un bon combattant...

Alors que mon partenaire était à terre, l'homme daigna me regarder. Ses iris rougeâtres me firent frissonner... de peur? d'excitation? Impossible à dire. Il prit la parole. Je l'écoutais avec soin. Je n'émis aucune expression. Je restais de marbre devant l'enjeu de la situation.

"Je ne suis pas là pour jouer à la dinette."

Il m'avait piqué au vif... Mon orgueil était démesuré comme cela avait été le cas pour tous les membres de ma famille, il le savait... Je devais faire attention à ne pas m'enflammer. La rage pourrait me faire rater. Mais avant de commencer quoi que ce soit, l'illustre inconnu disparut. Surprise, j'haussai un sourcil. Je jetais un regard circulaire à la pièce où nous étions et fixais mon allié.

"Non. J'aimerais bien mais non. Il semble bien ancien pourtant... Peut-être si j'en découvre un peu sur lui, cela me rappellera une discussion familiale. Hum... Laisses moi réfléchir..."

Ma réflexion fut de courte durée en effet, une onde magique me frappa... puis subitement, des bras m'attrapèrent... Je pus voir nettement les deux prêtres se relever... leurs regards vides indiquaient une manipulation... Bien sûr, les choses n'étaient pas si simples. Une épée de feu venait d'apparaitre dans la main de mon bourreau.

"Mamy, si tu crois vraiment que tu vas me faire peur ainsi, tu t'y prends très mal!"

Je poussais un cri de rage et un pic de terre apparut à mes pieds venant transpercer la tête du prêtre "inoffensif"en passant de son bassin jusqu'à son crâne. Empalé, il ne pouvait plus bouger. Je donnais un coup de tête en arrière et l'homme qui me ceinturait recula un peu. Je me retournai vivement et lui envoyais une boule de feu dans la tête. Bien sûr, mon assaillant principal avait décidé qu'il ne devait pas arrêter de jouer avec moi. Son épée me toucha la cuisse. J'hurlai de douleurs. Je vis rouge. Je tendis la main et un pic de terre apparut dans ma main. Je le lui enfonçais dans le crâne par l'orbite. La chose gémit. Je lui donnai un violent coup de pied dans le thorax. Il se pencha en avant. Je lâchais mon pic de terre et posais mes mains sur sa nuque. D'un geste brusque, je lui cassais la nuque. Il tomba au sol inerte.

"Je te pensais plus arrogante que cela... Jouer avec des adeptes... Puff... Tu me déçois."

Je mis en colère ma parente. Une ombre blanche apparut au dessus de Mordekaiser et moi. Un hurlement se fit entendre. Le plafond se mit à s'effondrer tandis que dix zombies apparurent. Il y avait deux sorties... Celles-ci étaient bien sûr bloquées chacune par cinq autres zombies...Et encore, c'était la partie visible de l'iceberg, j'étais certaine qu'elle m'avait prévu des pièges dans les deux issues....

"Gauche ou droite?"

Morgane était en réalité bien plus brutale que son apparence pouvait le laisser deviner. Elle n'était pas une simple nécromancienne qui ne comptait que sur ses invocations pour se défendre, bien au contraire. Le penser était sans doute la dernière erreur que ses adversaires commettaient. Impossible de savoir pour l'instant qui était le démon qui les avait surpris, mais la Mage Noire n'avait pas pour autant perdu une seconde pour riposter contre les envoyés de sa grand-mère, Garvera Steel.

Tout était allé très vite et Mordekaiser eut à peine le temps de rejoindre Morgane qu'elle s'était déjà débarrassée de ses assaillants malgré sa blessure. Après l'avoir observé une seconde, l'Aigrefin ne put s'empêcher de demander :

"Est-ce que ça ira ? Tu vas tenir le coup ?"

Avant que la jeune femme n'ait eu le temps de lui répondre, des invocations de morts-vivants apparurent au dessus et autour d'eux. Après avoir évité les débris qui étaient tombés du plafond, les deux aventuriers durent se dépêcher de faire un choix que rien ne semblait pouvoir trancher objectivement.

De manière instinctive, l'Aigrefin partit en courant sur la gauche et fit signe à son alliée de le suivre. Ils se rapprochaient de la porte mais aussi des autres zombis. Mordekaiser n'eut d'autre choix que celui de tenter de passer en force. Il amorça donc une charge de son épaule pendant sa course. C'est alors que le sol se fendit devant lui avant de s'ouvrir, laissant apparaître un gouffre traversant la salle et rempli d'un liquide vert et brillant dégageant une odeur nauséabonde.

Le guerrier maudit concentra toute sa force et sa réactivité pour se stopper et parvint à s'immobiliser à un pas seulement du dit gouffre. Accompagné de Morgane il fit volte face pour trouver une autre issue. Les zombies se rapprochaient de plus en plus d'eux, menaçant à chaque seconde un peu plus de les acculer au bord du gouffre.

C'est alors que l'Aigrefin eut un éclair de génie. Il avait déjà visité le Temple Oublié en compagnie de Cirdan. Dans le sous-sol se trouvaient des cryptes et la magie noire de Garvera, aussi puissante fut-elle, ne pouvait pas modifier la réalité aussi soudainement.

"Fais moi confiance !" Cria l'homme pour couvrir les plaintes incessantes des morts-vivants.

Il saisit alors la Mage Noire par la main et se mit à courir vers le gouffre. Les deux aventuriers passèrent donc au dessus du gouffre, courant sur une surface invisible. La faille était en fait un mirage créé par le temple lui-même dans le but de les stopper. Cette première épreuve était une épreuve de volonté.

Non mécontent d'avoir vu juste, l'Aigrefin ne put contenir un soupire de soulagement. D'un coup d'épaule ils passèrent au travers du groupe de créatures qui leur barraient la route, les renversant.
Mordekaiser, après s'être assuré que Morgane soit passée dans la salle suivante, condamna la porte refermée en la bloquant avec un débris de colonne.

En relâchant la pression qui le tenaillait, l'homme se retourna pour voir où ils étaient rendus.

"Non." Laissa t-il échapper dans un souffle.

La salle dans laquelle ils se trouvaient était l'exacte réplique de l'entrée et les mêmes morts-vivants tournèrent leurs yeux vides en la direction des aventuriers.

"On aurait du prendre à droite." Fit remarquer l'Aigrefin avant de s'avancer en courant vers le groupe de morts vivants faute d'autre idée.

C'est alors qu'un évènement plus étrange encore se produisit. La salle s'agrandit brutalement et n'avait de cesse de grandir d'avantage encore à chaque nouveau pas que faisaient Morgane et Mordekaiser.

"Où est-ce qu'on est en faite ?" Demanda l'homme à court de solutions.

La masse des zombies affluaient autour d'eux même s'ils progressaient lentement, tôt où tard ils finiraient par être encerclés.

"Si tu as une idée je suis preneur." Observa alors l'homme.

"Il m'en faut plus pour m'abattre"

Je fixais les zombies qui me faisaient face. Ma grand mère aimait vraiment les morts vivants mais moi je commencais doucement à m'en lasser. A croire que les mages noirs ne jouaient qu'avec ce genre de créatures... Soit elle me sous-estimait, soit, elle me sous-estimait... Oui, je me répétais mais j'étais quelque peu vexée qu'elle puisse penser que de telles bêtes puissent m'avoir... Puff... J'avais quand même son sang dans les veines!

Un dilemme me faisait face. Gauche ou droite? Combien de personnes avaient eu un tel choix à faire avant moi dans une telle situation? Surement des milliers! Les deux sorties étaient bouchées. Je demandais l'avis de l'aigrefin, après tout, il avait aussi son mot à dire. La gauche fut sélectionnée. Bille en tête, il menait la partie. Je le suivais aussi vite que je le pouvais évitant au passage quelques griffes de zombies. Je donnais quelques coups mais ceux-ci n'avaient que peu d'efficacité dus à la précipitation des faits.

Je percutais de plein fouet le maudit. Pourquoi s'était-il arrêté? Je jetais un regard vers le gouffre nauséabond.. Ah voilà... Je reconnaissais mieux la grande Garvera Steel... des pièges en cascade! Cela lui ressemblait mieux. Nous ne pouvions pas le surpasser sans risquer de nous faire mordre par de la chair avariée. Je jetais un regard surpris à Mordekaiser. Que lui arrivait-il? J'espérais que son plan soit efficace. Je jetais quelques boules de feu au sol pour éloigner la progression des zombies.

Je fus tirée en arrière... et subitement mes jambes se mirent à courir... en direction du gouffre? Non mais il était complètement cinglé! Il avait envie de tester la texture de l'eau? Il pensait peut-être que l'odeur et la couleur suspectes n'étaient qu'un mirage? Qu'en fait, l'eau serait délicieuse? N'importe quoi! Je plissais le nez et lui obéis. Subitement... quelque chose se passa... comme si... oui... c'était cela... une illusion! Ah Mamy je te déteste!

Mais alors que nous présumions avoir un peu de répit, les choses ne firent que s'aggraver... Des zombies de nouveau à perte de vue. Nous devions les éliminer... sauf qu'au bout de quelques minutes, nous nous aperçumes qu'ils répliquaient... comme dans un mauvais film d'horreur. Je me stoppais. Nous devions réfléchir... dès que nous bougions, la fin de la pièce s'éloignait afin qu'elle s'agrandisse afin de permettre aux zombies de s'accroitre...

"Nous ne pouvons avancer... Nous sommes face à un phénomène de répétition... Je suppose qu'elle teste ainsi mon intelligence... ou ma patience au choix."

Je me mis à incanter et je créais un mur de pierre entre nos adversaires et nous afin de nous protéger mais aussi réfléchir. Comme nous n'avions pas bougé, la pièce ne s'aggrandit pas... J'esquissai un sourire légèrement mauvais.

"Nous allons passer par les sous-sols. Créons un nouvel accès! Le temple est rempli de souterrains... Je suis sure qu'on tombera sur une crypte si on creuse un peu."

Les zombies frappaient contre ma protection. Je n'avais pas d'autre plan... S'il en avait un autre, j'étais preneuse... Sinon, au boulot! Au cas où, je me mis à incanter.

Pour gagner du temps, la Mage Noire avait semé plusieurs obstacles sur la route des morts-vivants : des boules de feu, des murs de terre. Le sang froid de la demoiselle et l'aisance avec laquelle elle avait incanté avaient déstabilisé Mordekaiser l'espace d'un instant, presque admiratif. Morgane réfléchissait largement pour deux et la logique de sa déduction se fit sans conteste. Tenter de s'échapper en courant ne donnait rien et au contraire, cela ne faisait qu'aggraver d'avantage la situation. L'idée de la descendante des Steel avait le mérite de les empêcher, elle et l'Aigrefin, d'avoir à se défendre contre d'inépuisables vagues de créatures jusqu'à ce que mort s'en suive.

Sans émettre la moindre objection, le guerrier maudit rangea son arme lourde dans son dos et concentra toute sa force dans ses deux poings qu'il abattit furieusement et tour à tour sur le carrelage. Au bout de quelques coups, le sol s'affaissa, laissant apparaitre une brèche cependant trop étroite pour qu'un individu moyen ne puisse s'y engouffrer. Les morts-vivants se rapprochaient et le nombre d'impact contre la protection qu'avait érigé Morgane n'avaient de cesse de croitre.

Dans un dernier effort, le mastodonte leva les deux masses qui lui servaient de poings aussi haut qu'il le put et dans un hurlement barbare les abattit de part et d'autre de la brèche. Dans un grand fracas, le sol s'ouvrit et les deux aventuriers chutèrent dans l'obscurité.
Instinctivement, l'Aigrefin enserra la Mage Noire et se tourna de telle sorte qu'il encaisse la majeure partie de l'impact qui s'annonçait plusieurs mètres plus bas.

Le dos de Mordekaiser s'était changé en une épaisse plaque d'acier afin qu'ils soient seulement sonnés par leur chute.

Il fallut quelques secondes au guerrier pour reprendre ses esprits et relâcher son étreinte sur Morgane.

"Est-ce que ça va ?" Demanda t-il dans un gémissement avant de finir par se relever péniblement.

Comme l'avait supposé la Mage Noire, ils avaient atterri dans une crypte évidemment très sobrement illuminée par le trou béant dans le plafond que l'Aigrefin venait de faire.
Sans plus de lumière, impossible de progresser. C'est à cette occasion que le descendant Evans sortit son arme lourde et adopta une posture défensive, les sens à l'affut.

Le silence n'était troublé que par les plaintes des morts-vivants qui poussaient encore contre les barricades de terre quelques mètres plus haut.
Soudain, des pas se firent entendre, discrets mais audibles. Dans l'obscurité, l'Aigrefin parvint à discerner la silhouette de l'homme qu'ils avaient rencontré dans la salle principale du temple. Il passait dans le couloir et disparut aussi soudainement qu'il était apparu, semblant indiquer une direction aux aventuriers.

"Décidément, je ne l'aime pas ce type. Quand tu auras retrouvé, n'hésite surtout pas à me dire qui c'est, je te prie." Observa l'Aigrefin en mémoire de la raclée qu'il avait pris quelques minutes plus tôt.

Ma tactique fut adoptée faute de mieux et de temps suffisant pour réfléchir à un plan plus savant. Je forçais donc ma barricade à rester en face, faisant fi des murmures des zombies pour permettre à Mordekaiser de nous créer une nouvelle voie. Chaque coup qu'il portait contre le sol faisait voleter de la poussière tout autour de nous mais aussi me faisait légèrement sursauter. Certes, j'étais alliée aux aigrefins mais je ressentais toujours le fait que s'ils voulaient, ils pouvaient nous écraser comme de vulgaires insectes.

Néanmoins, son travail de sape fut efficace. Un trou apparut. J'eus un sourire satisfaisant sur les lèvres. J'étais surprise que ma grand mère ne nous attaque pas. Certes, les zombies venaient d'intensifier leurs coups contre mon mur mais je m'attendais à plus d'éclat. Elle attendait surement de voir où cela me mènerait... et puis elle avait toujours aimé voir les muscles puissants des chevaliers maudits en action, surtout bien sûr s'ils étaient torses nus, sinon, cela n'a que peu d'intérêt.

Le trou nous échappa... nous tombâmes brusquement. Par chance, aucun zombie ne nous suivit dans cette chute interminable. Je fus happée par deux bras puissants mais cette fois-ci non agressifs. Je me blottis contre mon partenaire et retins mon souffle à l'impact. Certes, il l'avait affaibli mais j'eus l'impression que tout mon corps fut broyé par la résonance. Je ne pouvais plus bouger pendant de longues secondes, je ne respirais plus. Je forçais mes poumons à reprendre un peu d'air et la tête tournant légèrement, je me relevais. Je ne pouvais pas continuer à avancer mais je ne pouvais pas non plus continuer à peser de tout mon poids sur mon ami.

"Rien de cassé, rassures toi."

Je passais ma main sur mes bras, je pliais mes genoux, je bougeais ma nuque, oui, tout allait bien. J'avais quelques bleus mais cela aurait pu être bien pire s'il n'avait pas été là. Je jetais un regard vers le trou par lequel nous venions de tomber. Les zombies râlaient devant, cherchant à nous atteindre de leurs mains griffues, mais nous étions bien trop loin.

Je baissais mon regard et caressais ce qui nous entourait. De la poussière, des ténèbres, quelques os... et un livre... Je m'approchai vers lui... une fois ma main posée sur la couverture, celui-ci s'affaissa et seule une page resta. J'incantai et une boule de feu apparut dans ma main. Je pus lire clairement :

"Cela ne fait que commencer. Homme, ombre... ténèbres... démon... familles maudites liées par le sang."

Mon front se plissa. Je reconnus l'écriture de ma grand mère. J'allais en parler à l'aigrefin quand l'homme apparut puis disparut. J'aurais aimé un indice sur lui... mais le livre n'était plus rien... à moins que ce feuillet soit en rapport? Je m'approchai de Mordekaiser et lui tendis le feuillet :

"Ca te parle? C'est Garvera Steel qui l'a écrit... Ma famille... et qui? J'aimerais bien le reconnaitre mais je n'arrive jamais à percevoir son visage, ni son regard... comme si je devais attendre pour le mériter... Ca m'agace... Mais allons là où il veut. De toute façon, on n'a pas le choix."

Je le laissais observer ce que je venais de lui donner et attendis un commentaire. Je déchirai un bout de tissu de la manche de ma tunique. Je pris un des os et entoura celui-ci de mon morceau improvisé auquel je mis feu.

"Allons-y."

Un seul chemin... plongé dans les ténèbres... Cela sentait une grosse partie de plaisir en retour... Nous nous mirent en route... Un ricanement se fit entendre... Oh oui... que du plaisir nous attendait...

Morgane avait été violemment sonnée par le choc mais n'avait pas été blessée. L'Aigrefin s'en sentit soulagé. Après tout, il avait accepté de s'aventurer dans ce temple maudit pour elle et quand il s'en rendit compte, il tacha de faire abstraction du fait que sa nature de Chevalier l'avait poussé à protéger la jeune femme d'avantage que sa nature d'Aigrefin.
Après la disparition du mystérieux démon, la Mage Noire tendit le feuillet qu'elle venait de découvrir à son camarade. A l'évidence, elle ne saisissait pas très bien la signification de l'écrit. Mordekaiser en revanche, en eut froid dans le dos. Il n'en était pas certain, mais il était possible que les familles liées par le sang qu'évoquait cette espèce d'énigme soient celle des Steel et des Evans dont Morgane et Mordekaiser faisaient partie.

La grande Garvera Steel avait-elle prévu que sa petite-fille serait accompagnée de l'héritier maudit ou connaissait-elle l'Aigrefin et son lignage ? Jusqu'à quelle point les ressources de cette vipère de Garvera Steel étaient-elles étendues ? Malgré les sueurs froides qui parcouraient son échine, le guerrier parvint à répondre calmement en rendant le feuillet à sa camarade.

"Je ne sais pas trop, de toute façon, ça ne change rien. Nous sommes allés trop loin pour rebrousser chemin, continuons."

Menés par Morgane et sa torche improvisée, le petit groupe poursuivit sa route en direction du couloir angoissant indiqué par le démon.
Les aventuriers s'étaient faits aussi silencieux que possible pour ne pas s'attirer de nouveaux ennuis ou être surpris. Ce couloir semblait être sans fin et ce ne fut que lorsque que Morgane et Mordekaiser songèrent à cette réflexion que l'impensable se produisit.

L'Aigrefin tomba à genoux comme si son propre corps ne lui répondait plus. Ses yeux s'écarquillèrent malgré lui et le hurlement qu'il tentait de pousser n'était qu'une suite de vagues gémissements rauques. A l'extérieur, rien d'autre ne se passa ; en revanche, c'était dans son esprit que la tourmente sévissait.

Des images lui venaient sans qu'il ne puisse en contrôler le flux. Il voyait un homme, un démon plus précisément. C'était sans l'ombre d'un doute lui qui les avaient attaqués à l'entrée du temple. Il se tenait à quelques mètres derrière une femme magnifique au regard d'ébène. Il l'observait, et semblait attendri. Plus tard il vit ce même homme tenant un bébé entre ses bras, comme tentant de le protéger d'une menace invisible. Ce bébé avait grandit pour être une adolescente au physique semblable à celui de Morgane mais ce n'était pas elle. Elle s'entraînait et le démon veillait sur elle depuis sa cachette.

Ensuite, il vit un homme. C'était un grand guerrier à l'armure noire. Il conversait avec le démon, plus vieux que dans la dernière image, tandis qu'une petite fille les observait derrière un grand rideau rouge. Leur dialogue était incompréhensible mais à un moment le démon éleva la voix en disant quelque chose comme "Garvera ne doit jamais savoir !". Le guerrier remarqua la présence de la petite fille. Surpris il lui dit : "Morgane, va te coucher." Cette voix, Mordekaiser l'avait déjà entendu lorsqu'il était prisonnier des ruines du château de Naturalia. C'était celle de Kessler Evans.

Enfin, l'Aigrefin vit le démon repousser un ange grièvement blessé. Il s'agenouilla au chevet de la femme du début de la vision. Il murmura le nom de Garvera et tenta de la soigner du mieux qu'il le pouvait. Le détail qui accapara l'attention de Mordekaiser fut une larme. Les démons ne pleurent jamais.

C'est alors que l'héritier maudit revint à lui et bascula en avant, à bout de souffle. Il n'avait eu conscience de rien pendant de longues secondes et un épais filet de bave s'écoulait de sa bouche jusqu'au sol. Il n'en avait cure, la seule chose qui l'intéressait était le contenu de sa vision. Qui avait pu la lui envoyer ? Garvera Steel ? Le démon ? Impossible à dire. Quand enfin le guerrier se fut calmé, il s'essuya la bouche et agrippa Morgane avec son autre main, à l'épaule.

"Ce type..." Murmura t-il.

Le démon était en réalité un serviteur de Garvera Steel qui avait eu le malheur de l'aimer. Jamais il ne le lui avait avoué et avait eu toute sa vie une indéfectible dévotion pour la famille Steel. Pourtant il ne semblait pas être là pour aider Morgane, ni pour lui faire du mal. Pour une raison inconnue, la jeune femme ne répondit pas à Mordekaiser.

"Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?" Demanda t-il.

"Tout à fait et puis, j'ai pour habitude de ne jamais abandonner."

Je lui souris doucement de manière insouciante mais je repris rapidement mon sérieux. Je ne voyais pas de rapport entre lui et moi par ce feuillet. Je pensais plus à un homme qui aurait fait parti de ma vie enfant mais qui aurait disparu... un truc plus lié à ma mère et ma grand mère... mais je ne voyais pas qui... Ah qu'il était difficile de se souvenir par moment de ce qu'on avait vécu enfant... comme si... tout ce qui s'était passé avant la guerre n'avait plus d'importance. Cela en était très frustrant.

Mais quoi qu'il en était, nous devions poursuivre notre route et c'est ce que nous fimes. Nous avancions calmement quand subitement je sentis quelque chose provenir de derrière moi. Je me retournai prudente et je vis Mordekaiser changer de tout ou tout. Pourquoi semblait-il souffrir alors que rien ne l'attaquait? Mais je ne pouvais pas l'aider, une voix susurrait à mon oreille :

"Les Steel ont toujours été seules... c'est ainsi depuis la nuit des temps... Ne tombes pas amoureuse... Sinon, tu finiras comme moi."

Je me retournai vivement mais je n'eus le temps que de voir un pan d'un grand manteau noir tourné sur la gauche. La voix avait été masculine... Pourquoi nous devions nous pas aimer? Ma mère et mon père avaient été heureux. Un rapport avec ma grand mère assurément? Je chassais cette voix qui me semblait si familière et m'approchai de l'aigrefin. Il bavait à vue d'oeil et son visage était crispé douloureusement. Je posai ma main sur son bras et il sembla revenir à lui.

"Oui?"

Qu'avait-il réussi à trouver? Mais il s'arrêta à mon grand désarroi l'expression de mon visage semblait l'avoir stoppé. De l'inquiétude était née en moi, je ne pouvais pas le cacher. Je fis mine de sourire joyeusement et répondis comme si de rien était :

"Tu t'es mis à gémir et tu ne semblais pas heureux de ta découverte. Je t'écoute... Qu'est ce que t'a vu ou entendu?"

La voix revint par télépathie mais celle-ci fut féminine... ma grand mère... mon coeur se serra de douleurs :

"Il ne comprendra pas... un simple serviteur... puff... s'il savait... Tu le découvriras..."

Je fus surprise de son intervention. Je lui fis signe qu'on devait continuer et nous arrivâmes dans une salle magnifique. On aurait dit un boudoir de la maison des plaisirs, l'ancien QG des voleurs. Les tentures étaient rouges et noirs... il ne semblait rien avoir de spécifique dans ce lieu... pas de danger... mais nous devions faire attention car j'étais certaine que nous aurions de la visite.

Selon toute vraisemblance, la vision de Mordekaiser n'avait pas affecté la Mage Noire. Sans comprendre pourquoi le démon ou l'autre source de magie du temple n'avait pas jugé bon de faire partager ces bribes du passé avec Morgane, l'Aigrefin s'efforça de restituer le plus gros de ce qu'il avait vu. Quand il tentait de s'en rappeler, les images étaient floues et les voix déformées.

"Ce démon. Il te connait. Il connait les Steel, et ton père. Je l'ai vu, et je t'ai vue gamine. Impossible de savoir ce que ce gars a derrière la tête pour l'instant, et pour être honnête, maintenant que j'en sais un petit peu sur lui, il me fait un peu peur."

La dernière phrase qu'avait prononcé le guerrier était sortie d'elle-même. Les gens comme lui n'avouaient jamais leurs peurs néanmoins Mordekaiser se fit la réflexion que s'il avait peur du démon, ce n'était pas pour lui-même, mais bien pour Morgane. Cet homme semblait être là pour leur mettre des bâtons dans les roues et Morgane avait un intérêt infiniment plus grand que celui de l'Aigrefin à mettre la main sur l'objet convoité.

Les deux aventuriers avaient repris leur route. Après tout, mieux valait passer le moins de temps possible dans cet endroit oublié des Dieux. Contre toute attente, ils débouchèrent dans une salle des plus accueillantes, dénuée de toute présence hostile et c'était justement cela qui rendait les choses plus étranges encore.
En progressant à pas mesurés pour découvrir un nouvel accès, Mordekaiser eut soudain une étrange sensation. Ils n'étaient pas seuls.

Pour avertir Morgane, l'homme posa une main sur son épaule et balaya le lieu de perdition du regard.

Bientôt, ils purent distinguer des formes vaporeuses qui lévitaient lentement de meuble en meuble. L'Aigrefin fronça les sourcils et empoigna la garde de son épée plus fermement. Il avait reconnu ces créatures.

"Des Fantasmes." Murmura t-il à l'intention de la Mage Noire.

Une demi douzaine d'entités fantomatiques sortit alors des diverses cachettes que proposaient la salle : de sous des canapés, de l'intérieur de commodes et de derrière des paravents entre autres.

Trois s'immobilisèrent à quelques mètres de Mordekaiser, les trois autres devant la Steel.

Mordekaiser avait un peu lu sur ces créatures maléfiques. Elles prenaient des formes propres à charmer ceux qui les regardaient. La plus puissante des armes et la plus solide des armures étaient bien dérisoires face à ces monstres atteignant directement la volonté de leurs cibles.

Il existait cependant un moyen de les chasser : attendre le tout dernier moment pour frapper. Le moment où ces monstres étaient les plus vulnérables étaient dans la toute dernière phase de leur envoûtement puisqu'ils devenaient à cette occasion fragiles et palpables. Cette méthode demeurait pour le moins risquer, mais toujours moins que de foncer tête baissée.

L'héritier maudit vit les Fantasmes de son côté prendre la forme de femmes tout à fait à son goût et même bien mieux que cela. Ces créatures d'une beauté et d'une élégance incommensurables évoquaient par quelques traits le physique de Morgane, élément dont Mordekaiser tacha de faire abstraction tant bien que mal.

Les Fantasmes se rapprochaient en appelant l'Aigrefin. Il se contentait d'attendre patiemment en se contentant de combattre l'emprise psychique qui s'exerçait sur lui, gardant en tête que si une seule de ces créatures venaient à le toucher, il en serait fini de lui.

Le moment fatidique qu'attendait l'Aigrefin ne vint pas. A aucun moment il ne descella une intensification ou une diminution de la force de l'envoûtement et les Fantasmes n'étaient plus qu'à quelques mètres de lui. Inquiet, Mordekaiser entreprit de faire un pas en arrière pour s'éloigner de ces femmes mais ses jambes refusaient de bouger en ce sens.

Tandis que son regard était accaparé par les sublimes et mortels Fantasmes, le guerrier tenta de leur asséner un grand coup d'épée vertical à la portée allongée par son pouvoir d'ombre mais là encore, impossible d'attaquer : sa main restait bloquée sur la garde de l'épée du moment qu'il avait dans l'idée d'attaquer les Fantasmes.

Il était impossible que les aventuriers parviennent à rompre l'enchantement d'eux même pour la simple et bonne raison qu'ils étaient sous son emprise totale à la seconde même où ils étaient entrés dans la salle. Lorsque Mordekaiser pris conscience de cette vérité, il appela Morgane plusieurs fois : aucune réponse.

Paniqué, l'Aigrefin parvint à regarder en direction de son alliée. Ils ne pouvaient pas s'entendre même s'ils se parlaient : leur attention étant quasiment monopolisée par les créatures. Les Fantasmes de la Mage Noire n'étaient plus qu'à quelques centimètres d'elle et si mêmes ceux là avaient l'apparence irrésistibles jeunes femmes pour l'Aigrefin, il en allait différemment dans l'esprit de Morgane.

Il était absolument impératif que l'homme trouve une solution. Ce n'était plus qu'une question de secondes avant que son alliée ne soit enlacées par les monstres. L'instinct de Mordekaiser reprit alors le dessus : il était impossible d'attaquer les créatures directement, il convenait donc de trouver un autre moyen de briser le sort.

D'un geste à peine hésitant, le mastodonte leva son arme en direction de Morgane et lui fit brutalement une entaille de profondeur modérée sur la joue. Les méthodes de l'Aigrefin n'étaient pas des plus douces pour détourner l'attention de la Mage Noire des Fantasmes mais il préférait nettement cela à lui étaler son énorme poing de fer au beau milieu de la figure.

Les monstres qui ciblaient la jeune femme furent réduits à l'état de silhouettes avant de disparaître comme de la fumée. Son idée avait fonctionné.

L'Aigrefin sentit alors l'envoûtement faiblir. L'entité qui contrôlait ces créatures devait avoir été surprise par la dissipation de trois de ses éléments. Il ne fallut pas plus à Mordekaiser que ce court laps de temps pour pivoter en sens inverse et balayer d'un seul coup d'épée les trois demoiselles qui cherchaient à le saisir.

L'Aigrefin s'en retourna alors à Morgane en poussant un soupire de soulagement.

"C'était moins une ! Ne me refais plus jamais une frayeur pareille ! Désolé pour ça, c'est la seule idée que j'ai trouvée."

Il sembla que l'héritier maudit ait crié victoire trop vite. Un hurlement de colère de toute évidence d'une femme déchira la pièce tandis que des centaines de Fantasmes apparaissaient de nul part et encerclaient complètement les deux aventuriers. Stupéfait, l'Aigrefin était complètement dépassé. Si la douleur avait pu détourner l'attention de la Mage Noire une fois, il y a avait peu de chance que cela fonctionne de nouveau sans compter que le nombre d'envouteurs avait été démultiplié.

"Et maintenant ?" Souffla le guerrier dans un murmure.

"Il n'y a pas trente six hommes qui tournaient autour de nous... enfin si... mais je veux dire dans notre sphère privée, le cercle était très restreint car on ne pouvait avoir confiance qu'en un nombre très limité de personnes. Donc je suppose qu'il en faisait parti. Il y a un chapelet de noms qui me vient en tête. Ma grand mère est liée à lui... ma mère aussi surement. Avancons et si un détail te revient n'hésite pas."

Un démon... Sammius était humain donc cela ne pouvait pas être lui même si sa nature sanguinaire était bien plus importante parfois que celles de certains démons mais je l'aurais reconnu... Un Mochdilym? Cela penchait dans ce sens. J'avais hate de voir si cela était bien le cas mais pour le moment, je préférais observer le lieu qui venait de m'apparaitre.

"N'aie pas honte d'avoir peur. Ma mère cotoyait des hommes sans foi, ni loi et aux tripes souvent présentes sur leurs doigts car appartenant à leurs victimes. J'ai appris à la maitriser et à vivre en se disant que demain, je serais morte. Peut-être qu'il faut que tu vives aussi ainsi même si je ne te le souhaite guère."

Lutter contre les autres, contre soi. Pas d'allié, pas d'ami. Juste soi. Voilà les principes inculqués durement dans ma chair par ma grand mère mais aussi ma mère et mon père. En étais-je fière? Pas vraiment. Mais cela a toujours été ainsi d'après Halloween et Elzear avait toujours fait en sorte que cela continue à être effectué même loins de Garvera.

Nous avançâmes côte à côte dans cette nouvelle pièce. Cela me rappelait mon passé et mes joies dans la maison des plaisirs. J'aimais tant jouer à cache-cache entre les draperies de soie. Mon coeur se serra. Ma mère me manquait encore plus à cet instant. La main de Mordekaiser me fit légèrement sursautée lorsque celle-ci se posa sur mon épaule. Je tournais mon visage dans sa direction pour comprendre ce qu'il se passait.

"Des fantasmes? Comme le pouvoir qu'ont les succubes? On va bien s'amuser."

Ma voix s'était fait grincante. Il y a un temps ancien, ma mère avait combattu dans Malificus, source disparue depuis, aux côtés de Kessler et de Lilura contre plusieurs démones de cette espèce. Celles-ci étaient tenaces... et surtout de vraies garces... Je posais ma main sur mes armes et mes lèvres étaient prêtes à lancer l'incantation pour faire apparaitre mes zombies. Mais je ne fis rien...

Je voyais une jeune enfant jouer avec sa grand mère à rendre malade le voisin d'en face. J'étais si heureuse par le passé, si entourée d'amour. Je connaissais encore ses poisons par coeur. Je voulais toucher ses deux êtres quand un troisième apparut : mon père. Des larmes coulèrent le long de mes joues sans que je puisse faire quoi que ce soit pour les empêcher. L'air me manqua. Je voulais me blottir dans ses bras comme je l'avais fait tellement de fois par le passé.

Mais subitement, la douleur se propagea dans ma joue. Surprise, mon regard quitta mes contemplations et vint se focaliser vers mes doigts qui revenaient ensanglantés après avoir touché ma joue. On m'avait blessé. Je me tournai vers Mordekaiser. Il m'avait sauvé la vie. Je le remerciai d'un sourire encore secouée par l'émotion qui m'avait gagné. Mais alors que nous venions de gagner une bataille, la guerre fut déclenchée. Combattre était inutile. Le nombre était trop important.

"Fermes les yeux!"

Ne pas les voir permettrait de se concentrer, oh on entendrait toujours les voix mais ce n'était pas grave. J'entendais tellement des éclats de joie de mon passé que j'en pleurais. Mon père m'appelait et m'annonçait qu'il m'aimait et qu'il voulait que je le rejoigne. Un gémissement de douleurs s'échappa de mes lèvres. Je luttais pour ne pas ouvrir mes paupières. Je finis par pousser un hurlement de rage :

"Tu vas cesser tes manigances! Si tu crois que me lacérer le coeur va me faire perdre, tu te trompes lourdement."

Je déchirais un bout de ma robe et l'attachai autour de ma tête pour que quoi qu'il arrive, je ne vois rien. J'écoutais les voix qui harcelaient l'aigrefin pour m'approcher de sa position et l'entourait d'un second morceau de tissu.

"Touches tout ce que tu peux. Oublies la douleur. Elle n'est que psychique, physiquement, ils ne nous feront rien. Il doit y avoir un coffre avec une clé et la porte sera en face. Ne te laisses pas avoir par leurs désirs. Ils ne sont rien. juste de la poussière périmée!"

Ces maudites créatures avaient mis Morgane dans un état à peine croyable sachant qu'elle faisait partie de la légendaire famille des Steel. Presque terrifié par le pouvoir des Fantasmes, Mordekaiser n'avait de cesse de se demander ce que ces monstres avaient pu montrer à son alliée. L'heure n'était pourtant pas à ce genre de réflexions. Une seconde vague massive de Fantasmes était apparue.

La jeune femme banda les yeux de son camarade pour l'aider à ne pas être pulvérisé en un instant par ce qu'il pourrait voir. Ce procédé ferait sans doute gagner du temps aux aventuriers mais il faudrait trouver autre chose pour venir à bout de leurs assaillants. Malgré sa fureur, la Mage Noire garda suffisamment de lucidité pour trouver un moyen de sortir de cette pièce.

Sans plus attendre, l'Aigrefin se mit à la recherche d'un coffre, progressant quasiment à l'aveugle, ne décelant que de vagues formes de meubles et des silhouettes à travers le morceau d'étoffe. Par rage et par désespoir, Mordekaiser balayait de féroces coups de poing tous les meubles qui ne semblaient pas être des coffres. Morgane devait certainement chercher aussi de son côté. Les deux aventuriers étaient bien trop éloignés l'un de l'autre pour se blesser et détourner l'attention de l'autre de l'envoûtement des Fantasmes.

Faisant abstraction des promesses des femmes qui l'entouraient en poussant des grognements pour couvrir les voix, l'Aigrefin manqua plusieurs fois de trébucher sur des meubles trop bas pour qu'il puisse les voir. Il sentit alors une main toucher son épaule et son sang se glacer. Le mastodonte se jeta en avant pour rompre le contact du Fantasme qui se tenait derrière lui et atterrit lourdement sur ce qui semblait être un lit. Un bruit sourd attira l'attention du guerrier sans compter qu'il n'avait jamais touché un matelas aussi dur.

L'homme se mit à genoux sur le lit et utilisa son épée pour le balafrer horizontalement. Il lâcha ensuite son arme et s'empressa d'éjecter les débris sous lui. A tâtons, il parvint à saisir un coffre sous le lit dont il fractura le loquet d'un coup de poing vertical.
Pour être sûr de ne pas perdre l'objet convoité par maladresse ou par empressement, l'Aigrefin retira le pan de la robe de Morgane qui masquait sa vue et saisit la clé.

"Je l'ai !" S'exclama t-il.

Soudain, des bras vinrent l'enserrer et un Fantasme l'embrassa. Ensuite ? Plus rien.

Mordekaiser lévitait dans le vide, rien au-dessus, rien en-dessous, même pas d'horizon. C'est alors qu'un homme apparut devant lui, en armure de Chevalier. C'était son père, Garen Stark. La rage dans sa plus intense expression s'empara de l'Aigrefin qui dégaina son épée, submergé par ses souvenirs les plus insupportables.

Cependant, tandis qu'il armait un coup fatal plein de haine, Mordekaiser vit en Garen les traits d'un autre homme, ceux du père de Morgane qui était aussi son aïeul, Kessler Evans. L'épée du guerrier se figea.

"Tu commences à comprendre, c'est bien. Tu es moins idiot que j'ai pu le penser." Avoua l'homme.

Contre toute attente, Kessler Evans sous l'apparence de Garen infligea un coup de tête destructeur à l'héritier maudit qui fut propulsé dans un souvenir qui n'était pas le sien.

Kessler, un peu vieilli, conduisait une charrette aux côtés du démon allié de Garvera Steel dans une forêt et en pleine nuit. Morgane avait l'apparence d'une pré-adolescente et était endormie à l'arrière, bercée par les cahots du véhicule sur la route et par le pas lent des chevaux. Les deux hommes parlaient d'une voix relativement basse.

"Non, pas exactement. J'ai cru que la haine que je portais envers Stonefield était ma raison de me battre, mais j'ai fini par me rendre compte de mon erreur." Expliqua Kessler.

"Qu'en est-il de Stonefield ?" Demanda le démon d'un air pas tout à fait désintéressé.

"Mort." Répondit simplement le colosse de sa voix grave.

"Et puis vous avez rencontré Halloween et l'amour est devenue votre motivation. Pitoyables humains. Vous et vos sensibleries, vous me rendez malade." Railla le démon.

L'Aigrefin s'était contenté de produire un rictus et après de longues secondes de silence porta un regard attendri sur Morgane qui dormait paisiblement. Le démon avait réalisé qu'il s'était trompé et bouda Kessler en faisant semblant de regarder ailleurs.

"Je ne suis qu'un humain et tôt ou tard je vais disparaître. Il faudra que quelqu'un veille sur Morgane et aussi sur sa mère. Que vous vous arrangiez toujours pour rester dans l'ombre et vous faire remarquer le moins possible c'est une chose et vous en faites ce que vous voulez, mais promettez-moi que...

- Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'un simple mortel. Trouvez un autre chien de garde, Evans." Coupa sèchement le démon.

S'en suivit un long silence. Les deux hommes ne se regardaient plus, mais chacun souriait. Cela ne faisait aucun doute dans l'esprit de Kessler, bien sûr qu'il pouvait compter sur ce sale type pour veiller sur sa femme et surtout sur sa fille.

Un sentiment indescriptible à mi-chemin entre la fureur infernale et la sérénité absolue envahit Mordekaiser qui revint à lui en poussant un hurlement à réveiller les morts. Tous les Fantasmes, littéralement horrifiés par ce qu'ils venaient de voir à l'intérieur de l'Aigrefin s'enfuirent en passant à travers les murs du temple.

L'instant d'après, Mordekaiser enlaçait tendrement Morgane sans même se rappeler à quel moment il avait traversé la salle. Il tenait dans sa main la clé qui leur permettrait de poursuivre leur quête.
Troublé, l'Aigrefin recula et dit d'une voix qui n'appelait aucune contestation :

"Foutons le camp."

Bon à présent qu'on avait les yeux bandés, les choses se passeraient mieux. Enfin, je l'espérais. Par où commencer? Un coffre dans un boudoir... Celui-ci devait forcément être dissimulé du fait que ce boudoir appartenait à une partie de la maison close donc de l'ancien QG du statut de ma mère. J'y étais souvent allée par le passé. Je devais donc fouiller dans mes souvenirs.

Où ma mère cachait ses trésors? Penser à elle à un tel moment de ma vie m'était difficile car j'avais peur de succomber à un chagrin incommensurable. Entendre mon père m'appeler était de plus en plus insupportable. Je poussais par moment des gémissements mais rien ne le faisait taire bien au contraire, j'avais l'impression que sa voix s'intensifiait comme s'il prenait plaisir à me voir ainsi. J'entendrais d'autres voix mais je n'arrivais pas à les identifier. On me frôla... une sorte de tissu... le démon était présent et jouait avec mes nerfs... Il allait vraiment comprendre de quel bois je me chauffe quand tout sera terminé.

"Un gnome dans Malificium est décédé. Suite à cela, j'ai décidé de jouer. Quel merveilleux moment que de voir ses viscères autour de moi éparpillées. Je préfère d'ordinaire les elfes mais j'ai du faire avec ce qui est tombé dans mon piège. Jouer à faire verser le sang voilà qui est grisant mon enfant, n'oublie jamais ces instants."

La voix était celle de ma grand mère, elle me chantait la berceuse de mon enfance comme lorsque j'étais enfant et qu'elle m'aidait à dormir... Cela me fit du bien... C'était surement un piège mais je décidais de fredonner cette comptine tout en tatant les murs à la recherche de ce fameux coffre. Je tombais par moment sur des tentures que je n'hésitais pas à déchirer à l'aide de mon dague pour mieux m'en dépétrer.

Et puis au bout de longues minutes alors que je venais d'échapper à l'étreinte de mon père, Mordekaiser m'appela. Il l'avait. Je décidais donc de me diriger vers lui mais les fantasmes semblaient décidés à m'en empêcher. La voix de ma grand mère se fit plus tenace. Les paroles ne changeaient jamais... comme si elle était en mode disque rayé... Pourtant la suite était simple et je la lui crachai au visage :

"Le démon est le pire poison, ne lui donne jamais raison. Mon coeur, il l'a volé, j'ai succombé à cause de ses baisers alors que j'ai du tenter de l'égorger et je me suis blessée! Voilà Mamy! J'ai pas oublié!"

J'eus la sensation de prendre une gifle. Je savais à qui était rattaché ces paroles, d'ailleurs, je ressentis un frolement de capes sur ma droite. Je frappais le vide. Mais subitement, des bras m'encerclèrent alors qu'un cri s'était fait entendre assourdissant puis plus rien. Je tremblais comme une feuille de chêne en pleine tempête. On avait réussi. Je me blottis dans les bras de l'aigrefin. J'enlevais mon bandeau et le fixai avec soin.

"Ca va?"

J'étais d'accord avec lui. Nous devons nous bouger et vite! Nous fonçâmes vers la porte. Munie de la clé, j'ouvris la porte et la dague était là... au milieu de la salle sur un écrin d'émeraude... Tout semblait parfait... mais subitement, les choses changèrent. Des vingtaines de zombie apparurent. Ma grand mère était présente sur la gauche de l'arme, le démon sur la droite. Nous devions les affronter tous les deux...

"Je te le laisse. Trouves son nom. Depuis le départ, ma mère me chuchote : E.M. J'arrive pas à les relier mais regardes il n'a pas l'air content que je le sache."

En effet, l'homme encapuchonné venait de descendre de son promontoire, son katana haut levé et marchait dans notre direction. Je fixais ma grand mère et demandai :

"Pourquoi tu ne veux pas que je l'ai? Je te fais trop honte?"

Si Mordekaiser n'avait pas répondu à Morgane, c'était parce que lui-même ignorait comment il allait. En acceptant de l'aider à relever le défi de la famille Steel, l'Aigrefin savait qu'il risquait de voir la Mage Noire dans tous ses états et qu'il courrait lui-même de grands risques, mais il était à des lieues d'imaginer qu'il serait lui-même poussé aux extrêmes limites de son esprit. Qu'importait, il était bien trop tard pour retourner sur leurs pas et renoncer car les deux aventuriers faisaient face à leur ultime épreuve.

Le démon et un fragment de l'esprit de la légendaire Garvera Steel se tenaient devant eux. Le protecteur de la famille et la plus redoutée de ses membres face à la plus jeune et un descendant de son propre père. Plus qu'inégal, l'affrontement dans la poussière et la crasse du Temple Oublié s'annonçait comme une pluie de chaos venue ébranler les fondations mêmes de l'édifice.

Les deux gardiens de l'arme ne parlaient pas et se contentaient de jauger les nouveaux arrivants en les menaçant de leurs regards et de leurs armes.
Les instructions de Morgane étaient claires : Mordekaiser devait se charger du démon tout en découvrant son identité. Les initiales lui parlaient peu, mais cela lui allait : il avait un compte à régler avec lui.

L'homme qui en savait d'avantage sur son aïeul que l'héritier maudit lui-même se tenait devant lui et s'il voulait des réponses, il n'avait qu'à les lui arracher. La Mage Noire avait posé une question à son ainée. Sans même lui laisser le temps de répondre, l'Aigrefin profita de cette bribe de diversion pour bondit sur le démon en poussant un hurlement guerrier.

La lame géante du combattant de la Rose Noire fendit l'air. En un éclair, le démon s'était transporté dans son dos. Tandis que la pointe meurtrière de son katana s'approchait de la nuque de Mordekaiser, le protecteur de la famille Steel fut enserré de chaînes d'ombre. Un carreau d'arbalète transperça la cape de l'Aigrefin et vint se loger au beau milieu de la poitrine du démon. Un sourire narquois se dessina sur le visage de l'héritier maudit. Il savait que son attaque de front serait évitée alors il avait préparé un piège laissé à l'attention de son adversaire. Sa manoeuvre avait également permis à Mordekaiser de confirmer ce qu'il savait déjà : le démon, même s'il était plus proche de Morgane que de lui, ne pourrait l'attaquer avec l'intention de la tuer.

"Imbécile !" Vociféra Garvera Steel en tendant sa main en direction de l'Aigrefin pour lui envoyer un globe électrique dévastateur.

Le guerrier avait opposé son arme à l'attaque magique par réflexe. Les trois quarts de sa lame furent littéralement pulvérisés par l'impact ainsi que la majeure partie de son plastron sans compter que l'onde de choc l'envoya s'écraser contre une paroi qui se fissura de parts en parts.

L'homme retomba lourdement au sol mais ne put s'empêcher de sourire. Le fait que Garvera Steel ne se soit matérialisée que sous la forme d'un esprit diminuait considérablement sa puissance même si la seule chose qui attendait l'Aigrefin encaissant une seconde attaque de la sorte était la mort.

Le temps de relever la tête, Mordekaiser gomma son sourire. Le démon, libéré de ses chaînes, se tenait devant lui et avant même qu'il ne puisse réagir lui envoya un coup de pied dévastateur dans la poitrine.

Le mur céda et le colosse roula dans la crypte voisine en crachant une gerbe de sang au sol. Le démon s'avançait tranquillement vers lui et s'immobilisa devant la fracture dans le mur, coupant tout accès à la salle où étaient toujours Morgane et sa parente.
L'anonyme fixa le guerrier qui avait toutes les peines du mondes à se relever et sembla troublé.

"Ne nous sommes nous pas déjà rencontrés ? Le sang de Kessler Evans coule dans vos veines mais je ne saurais dire... c'est étrange." Observa t-il en arrachant le carreau ensanglanté avant de le jeter négligemment au sol et de retirer son manteau dévoilant une tenue de combat noire sans manche.

"Si j'avais ne serait-ce que croisé une face de rat comme toi, je m'en souviendrais." Répliqua Mordekaiser entre deux quintes de toux avant d'ajouter :

"Et ce que je trouve étrange, moi, c'est que tu aies pris un tir en plein thorax, que tu pisses le sang et que tu ne bronches même pas."

Il n'y avait aucun doute : le démon était blessé. Mine de rien, il avait l'air de se préoccuper de sa plaie et de sa perte de sang considérable. Il ne voudrait sans doute pas que l'affrontement s'éternise. Pourtant, il ne paraissait ressentir aucune douleur. Avait-il ingéré une drogue atténuant son sens du toucher ou cette capacité surprenante lui venait-elle de ses pouvoirs ? En combattant un démon, l'Aigrefin aurait du s'attendre à tout, mais il y avait des faits que même la plus tordue des imaginations ne pouvait envisager.

"Vous les humains, vous vous émerveillez toujours d'un rien. Vous n'avez pas l'air d'être au meilleur de votre forme Evans. Je ne vous ferrai pas de cadeau en raison de votre patronyme. Vous savez que je vais vous tuer de sang froid, n'est-ce pas ?" Demanda l'homme avec un sourire sournois tandis que la lame de son katana s'embrasa.

En réponse, l'héritier maudit recouvra sa peau de métal. Cependant, ses pouvoirs faiblissaient à mesure que la fatigue grandissait et certaines zones se changèrent de nouveaux en peau sans que Mordekaiser ne puisse se contrôler. Lui non plus ne voulait pas que le combat s'éternise.

Au lieu de me répondre, ma grand mère avait préféré protéger son démon et attaquer Mordekaiser. Cela m'agaca au plus haut point. Je suis une Steel et par conséquent, j'aime me sentir en permanence au centre de toutes les attentions. Garvera Steel de son vivant en avait été le parfait exemple et avait été jusqu'à présent mon modèle. Nous nous ressemblions énormément sauf que j'avais la délicatesse de ma mère et l'esprit de famille de mon père.

"Pourquoi donc ne me réponds-tu pas? Aurais-tu perdu ta langue?"

Ma grand mère se figea et s'approcha de moi. J'avais bien noté qu'elle possédait toujours son contrôle d'électricité, elle devait donc aussi avoir son contrôle du sang et sa téléportation. C'était bien ma veine. L'aigrefin et le protecteur de ma famille s'en allèrent dans une autre pièce. Je ne devais plus penser à Mordekaiser et me focaliser sur mon ailleul. J'espérais qu'il s'en sorte. On avait des choses à se dire.

"Tu as toujours été une réussite mais tu es encore loin de m'arriver à la cheville."

Garvy venait d'attaquer. Une gerbe électrique avait frappé ma position, j'avais juste eu le temps de me remplacer par un zombie. Une odeur de chair brulée se propagea dans les airs. Je pincai le nez. Je fis quelques pas tout en fixant ma grand mère. Même morte, elle restait splendide. Est-ce qu'il en serait ainsi pour moi? Je passais une main fébrile dans mes cheveux blancs et pris la parole :

"Pourquoi avec toi les choses ne peuvent pas être simples? Cette dague me revient de droit. Tu préférais qu'une autre l'ai? Je suis ton unique descendante!"

Je lui envoyai une boule de feu qui passa à travers son corps éthéré. Elle fut rapidement derrière moi. Elle m'envoya une décharge dans le dos histoire de me rappeler à l'ordre. Ne jamais baisser sa garde. Je posai genou à terre. Elle m'enlaça et murmura :

"Je le sais mais rien ne tombe facilement dans la bouche mon enfant."

Je lui donnais un coup de tête dans le menton. Elle disparut.

"Je ne suis plus une enfant."

Elle éclata de rire sadiquement. Je lui envoyai mes fils d'acier dans sa direction. Un zombie apparut dans son dos et tenta de lui écorcher le dos. Le fantôme se mouva.

"Je vois cela. Tu as progressé mais sera t'il suffisant?"

"Tu sais ce qu'on pense de nous à la Tour? Pour eux, je ne suis qu'une batarde qui ne mérite pas ma place. Donnes moi cette arme et laisses moi les tuer un par un avec. Je dois accéder au trône."

"Et tu penses que l'autre armoire à glace va t'aider?"

"Oui. D'ailleurs, je comprends pas pourquoi le démon es attiré à lui?"

"C'est compliqué."

Elle se téléporta et m'envoya un coup de pied dans le ventre. Je reculai de plusieurs pas sous l'impact et lui envoyai une boule de feu en retour... Je crachais du sang à mes pieds.

De l'autre côté de la paroi écroulée retentissaient les bruits du combat entre Morgane et sa parente ainsi qu'un vague écho incompréhensible de leur discussion. L'inquiétude à l'égard de la jeune Mage Noire se lisait dans les yeux de Mordekaiser mais le démon ne le railla point car il éprouvait le même sentiment à l'égard de Garvera.

Le temps d'échanger un dernier regard empli de tension et d'envie de meurtre, les deux guerriers se ruèrent l'un vers l'autre. Leurs lames s'entrechoquèrent et s'immobilisèrent dans un bras de fer. Appliquant leur force l'un sur l'autre, les deux hommes se jaugeaient d'avantage encore à mesure que leurs bras tremblaient. Le morceau de lame brisé de l'Aigrefin et sa fatigue ne lui permirent de tenir que quelques secondes supplémentaires face à l'inébranlable démon et son katana enflammé.

En un geste, l'homme en noir fit mordre son fer dans la chair épaisse de son adversaire en ignorant totalement la protection représentée par la couche de métal recouvrant sa peau. Mordekaiser n'eut même pas le temps de hurler de douleur que son assaillant s'était dématérialisé pour se retrouver derrière lui et l'envoya valser d'un coup de pied ravageur empli de magie noire.

L'héritier maudit aller s'écraser tête la première contre le mur avant de retomber lourdement au sol, sonné. Il ne faisait pas le poids. Le démon s'avança tranquillement vers lui en laissant la pointe de sa lame de flammes bruire de façon stridente sur le sol. L'Aigrefin se mit à genoux pour reprendre ses esprits et laisser son sang s'écouler. Il ne voyait presque plus rien et un bourdonnement lui broyait les tympans.

La main du démon saisit sa chevelure pour le forcer à se redresser. La lame de son katana était brandie au dessus du chevalier noir.

"Il y a des siècles que je n'avais pas combattu. Tu aurais au moins pu tirer partie de cet avantage, Evans. Au lieu de ça tu t'es montré décevant du début à la fin. Adieu." Fit l'homme en noir d'une voix paisible.

Soudain, le démon tomba également à genoux. D'une manière qu'il ne put expliquer immédiatement, ses jambes ne lui répondaient plus. Dans un cri de guerre, l'Aigrefin en profita pour concentrer toute sa force dans un coup de poing adressé à la cage thoracique de son opposant. Le démon, sous la violence de l'impact, alla s'encastrer littéralement dans le mur d'en face en crachant une épaisse gerbe de sang.

"Je vois. Tu as attendu que je baisse ma garde pour lier nos ombres et sectionner mes tendons. Que c'est sournois." Fit-il avec un rictus, forcé d'admettre qu'il avait été piégé.

Avec toutes les peines du monde, Mordekaiser se releva, les jambes tremblantes. Son arme ne lui serait plus d'aucune utilité alors il la laissa choir à ses pieds. Les deux hommes respiraient lourdement. Le sursaut de l'Aigrefin l'avait remis dans la partie.

"Ton nom." Exigea le guerrier.

"Quoi ?" Répliqua le démon qui pensait avoir mal entendu.

"Quel est ton nom ?" Fit l'héritier.

"Je ne vois pas en quoi ça t'intéresse. Tu l'oublieras à la seconde où je t'aurais dépecé. De toute manière, je n'ai plus de nom."

L'Aigrefin s'avança lentement vers son adversaire qui avait réussi à se décrocher du mur pour ramper sur le sol. Sa mobilité était considérablement réduite et même si Mordekaiser était lent, il l'était devenu plus encore. Le démon pesta, voyant toutes ses possibilités de fuite coupées. Il allait devoir en finir.

Il attendit que le mastodonte soit suffisamment proche de lui pour n'avoir aucune fenêtre d'esquive puis il tendit son bras armé en sa direction.

"Crève." Murmura le protecteur des Steel avant que les flammes recouvrant sa lame ne s'intensifient et ne s'allongent.

Alors que la lame de feu n'était plus qu'à quelques centimètres de Mordekaiser, elle s'éteignit. La vision du démon se troubla. Ses blessures, bien qu'il n'en ressente pas la douleur, le perturbaient assez pour qu'il ne puisse utiliser ses pouvoirs comme il le devrait.

L'Aigrefin s'immobilisa. Avec cette attaque ratée, il avait pris conscience qu'il ne pouvait se permettre d'être surpris de nouveau.

Soudain, le démon s'entoura d'une aura noire et violette. Les ténèbres qui l'entouraient prirent forme sur lui pour composer une armure terrifiante dégageant un potentiel de magie noire ahurissant. Comme s'il n'avait jamais été blessé par son ennemi et de manière totalement improbable, il se releva et parla d'une voix monstrueuse, déformée par son armure magique.

"Tu ne m'as pas laissé le choix, Evans. Ceci est mon tout dernier atout. Compte tenu des risques que représente cette technique secrète, je ne pensais jamais plus l'utiliser mais je dois me rendre à l'évidence. Cela a assez duré. Finissons-en." Fit-il en insufflant le désespoir dans l'âme de Mordekaiser.

"Je suis de cet avis." Répliqua le guerrier qui se prépara pour l'assaut final, une lame d'ombre instable se formant dans sa main.

"Ton nom." Répéta l'héritier maudit.

Le démon grimaça devant l'arrogance de son assaillant et plongea son regard sanguin dans le sien. A nouveau, il sembla troublé. Les yeux de l'Aigrefin ne reflétaient rien de la détermination, de la sagesse et de la puissance de Kessler Evans son ancêtre, cependant, une flamme insidieuse n'était pas dans le lui rappeler. Dans une expression de stupéfaction, le démon comprit.

"Toi..." Souffla t-il.

Les deux hommes resserrèrent la garde de leurs armes et s'élancèrent l'un vers l'autre.

Combattre sa grand mère avait quelque chose de passionnant. Elle m'avait entrainé à l'époque tout comme ma mère et mon père mais à l'époque, elle était dans un corps bien plus vieux et surtout blessée depuis la dernière guerre. Là, elle ressemblait à une amazone désireuse de vengeance que rien ne pouvait atteindre. Etait-ce cela qui avait plu à Porte-Cendres et ainsi que le démon qui semblait désireux de trancher mon partenaire? Possible.

"En tout cas, pas de pitié hein?"

"La pitié est pour les lâches..."

"Le sang pour les forts... je sais. Tu me l'as répété un million de fois durant ma jeunesse."

Elle n'était qu'un spectre mais avait toute sa force. Elle me testait. Je me relevais doucement et essuyais le sang sur mes lèvres pour l'empêcher de s'en servir. Elle m'envoya une boule d'électricité, je la déviai à l'aide d'un bouclier de terre. Elle sourit et se téléporta. Elle me donna un violent coup dans le dos me forçant à mettre genoux à terre. Elle resta sur moi. Je fis apparaitre des pics de terre dans mes deux mains et lui enfonçaient dans les cottes. Elle hurla de douleurs, je l'avais surprise et quand je croisais de nouveau son regard, je pus lire de la fierté.

"Bien, tu sembles comprendre ce que je souhaite t'inculquer. Tu es si belle Morgane..."

"Tu es pas mal non plus. Je pensais pas que dans l'au-delà, on restait aussi intact."

Elle éclata d'un rire fou et m'envoya deux boules d'électricité, je ne pus en éviter qu'une sur deux. Elle me donna un coup dans le genou droit. Celui-ci plia dangereusement mais resta intact. Je lui envoyai une boule de feu en direction de son thorax.

"Tu ne veux vraiment pas me la donner? Je t'ai prouvé que j'ai du courage et que rien ne m'arrêtera!"

"Je m'amuse ma chère Morgane... je m'amuse..."

Elle fit apparaitre un zombie derrière moi. J'évitais ses crocs de justesse. Je lui enlaçai son cou de mes fils d'acier et je tirais de toutes mes forces pour le faire tomber. Une fois à terre, je lui donnais un violent coup de talon pour lui briser la nuque. Je songeais à l'aigrefin. J'espérais qu'il aille bien.

"Je sais qu'il est tu sais."

Garvera se figea. J'avais tout compris grâce à notre discussion. J'avais bien remarqué ses rares regards en direction de l'autre pièce surtout quand le sol s'était mis à trembler suite à leurs combats et le cri de douleur que le démon avait poussé. Elle n'appréciait pas qu'on lui fasse du mal... Ce n'était pas Porte-Cendres... C'était donc l'autre... Celui qu'elle a maudit pour des années jusqu'à son dernier souffle... Le protecteur...

"C'est Elzear Mochdilym!"

A l'énonciation de son nom, le démon se téléporta et fut devant moi fou de rage et de haine. Mordekaiser fut de nouveau seul. La fureur était présente sur son visage et le déformait. Ma grand mère, elle, s'était transformée en statue immobile.

"Je comprends son rôle. Tu l'as puni. Il t'a abandonné ainsi que ma mère. Il aurait du être là dans mon enfance mais après ce qui s'est passé, tu t'es séparée de lui... et du coup, tu essayes de m'inculquer de ne me pas m'attacher à Mordekaiser ni à quiconque pour pas que je revive la même chose que toi... Je me trompe Garvy?"

Le démon leva la main mais celle-ci fut broyée par une magie noire mélée de sang rappelant les fameux trous noirs de la Sadique. Plus personne ne me fera du mal aujourd'hui. Il rugit mais dut obéir. Elle était plus forte que lui, elle l'avait toujours été.

"Laisses moi faire mes choix. Donnes moi cette dague. "

"Qui t'a dit mon nom?"

"Ma mère est intervenue au début de ma venue ici. Ses indices m'ont d'abord fait pensé à mon grand père... Mais tu n'as pas sa chevelure blanche... Donc je me trompais... Et puis, je me suis souvenue d'une lettre que j'ai retrouvé... Ma mère avait récapitulé tous nos alliés afin que je puisse demander de l'aide après sa mort... Mais le nom Mochdilym avait été rayé avec une telle fureur que j'ai compris qu'il s'était passé un drame... De plus, ma grand mère avait noté à côté : JAMAIS! Ce que vous avez fait, je m'en moque. Mais si vous avez tué mon compagnon, je peux vous assurer que j'irais dans les enfers vous pendre une bonne fois pour toute."

Le démon eut un rictus et disparut. Ma grand mère sourit et disparut aussi. Je ne saurais pas ce qui s'était passé entre eux exactement mais je compris qu'on avait touché au but. La dague était devant moi posée sur un socle de pierre et de grenat. Je n'avais qu'à la prendre mais je devais m'assurer que l'aigrefin était encore en vie. Le combat avait duré pas mal de temps avant que je comprenne. Je pénétrais dans la pièce où il était :

"Tu vas bien? Ils sont partis. Je n'ai plus qu'à prendre mon bien et nous pourrons trinquer à notre victoire."

Mais subitement des ricanements se firent entendre... La terre bougea sous nos pieds... Une vingtaine de gobelins venait d'apparaitre... entre notre position et l'arme...Ma grand mère avait décidé qu'elle ne pouvait pas me l'offrir... Je devais tuer ses bestioles et ensuite, aucun piège n'apparaitrait... enfin, je l'espérais...

"Enfin aides moi d'abord à les tuer. Pas besoin de magie. Quelques coups tranchants feront l'affaire... Vises leurs cous."

On avait perdu beaucoup de forces donc autant faire au plus vite...

Les deux hommes se croisèrent et en un instant, la lame de l'un traversa la le corps de l'autre. Ils s'immobilisèrent ensuite dos à dos, chacun restant concentré pour ne pas s'écrouler le premier à cause de sa blessure. La vision de Modekaiser se troubla avant qu'il ne puis réprimer l'envie de cracher une épaisse gerbe de sang. Il tomba ensuite à genoux pour se retenir de ses deux mains.

L'armure magique du démon avait disparue, laissant apparaitre un énorme trait sanglant sur son abdomen. Toutes ses autres blessures avaient régénéré spontanément sous l'effet de la magie noire qu'il venait d'utiliser, mais il semblait évident qu'il ne pouvait plus continuer à combattre. Le protecteur des Steel aurait aisément pu faire volte face pour achever l'Aigrefin à bout de force, mais il n'en fit rien. A vrai dire, il ne prit même pas la peine de le regarder en lui parlant.

"C'est incroyable. Je pense que je vais te laisser t'en tirer pour cette fois. Quand tu auras réalisé qui tu es vraiment et ton véritable potentiel, aucun obstacle ne pourra se dresser sur ta route ; pas même moi. Te tuer maintenant serait du gâchis. On m'appelait Elzear Mochdilym, mais peut-être n'en feras-tu rien. Si tu peux encore bouger, quitte ces lieux en vitesse. Si tu ne le peux pas, je t'aurais au moins laissé un sursis." Déclara le démon, presque solennel avant de disparaître en un geste vers la salle où se trouvait Morgane.

Mordekaiser restait immobile, encore sous le choc du dernier assaut qu'il avait encaissé. C'était comme si le simple fait de respirer lui demandait toute son attention. Intérieurement, il pestait. S'il avait finalement obtenu le nom de ce mystérieux Mage Noir, il n'était pas parvenu à le battre.

En entendant Morgane approcher en se débarrassant des quelques décombres qui gênaient l'accès à la salle, l'héritier maudit se maudit se redressa et évalua en quelques geste l'état de tous ses membres endoloris. Machinalement, il rechargea son arbalète pendant que son alliée lui parlait en lui adressant un sourire complice malgré son état d'épuisement qui transpirait sur son visage.

"J'ai connu mieux." Avoua l'homme.

Juste avant de retourner dans la partie de la crypte où se trouvait la dague, l'Aigrefin alla récupérer la garde de son épée et le minuscule bout de lame brisée qui lui restait. Il soupira en secouant la tête.

Alors que la dague était à portée de main de Morgane, une nouvelle vague d'ennemis apparurent. Les gobelins comptaient parmi les créatures les plus incapables de tout le continent mais ils avaient la fâcheuse habitude de compenser leur faiblesse par le nombre.

Sans attendre, l'Aigrefin sortit son arbalète et l'utilisa pour se débarrasser de l'un de leurs opposants. D'un pas en avant malhabile, il se mit à portée de quelques autres pour leurs asséner un coup d'épée horizontal au niveau de la tête. Ceux qui furent toucher succombèrent immédiatement ou s'éloignèrent pour se vider de leur sang tandis que les autres escaladèrent Mordekaiser en le lacérant de leurs griffes.

Le guerrier ne se laissa bien sûr pas faire et usa de sa force surhumaine pour décrocher et faire mordre la poussière à ses assaillants malgré son manque évident d'énergie.

Le combat tourna rapidement en pugilat à l'avantage incontesté de l'Aigrefin qui mit fin à la révolte gobeline en quelques instants. L'homme reprit ensuite son souffle et se tourna vers sa partenaire qui en avait également terminé avec les créatures qui avaient tenté de la prendre en traitre.

"Maintenant, je crois qu'on peut trinquer à notre victoire." Dit l'Aigrefin qui n'avait pas remarqué que le seul gobelin survivant se releva pour avancer discrètement derrière lui.

Nous en avions assez. Nos corps étaient fourbus de fatigue et portaient des blessures qui laisseraient quelques traces si on n'allait pas faire un petit tour au mouroir avant de trinquer autour d'un verre. Mais nous avions appris tous les deux sur nous ou tout du moins sur nos capacités physiques et une confiance était encrée entre nous. Nous serions des alliés éternels à partir de ce soir, j'en étais certaine.

Les gobelins ne m'arrêteraient pas. J'avais un objectif et je ne trouverais pas de repos tant que je ne l'aurais pas atteint. J'étais une Steel après tout. Je sortis mes fils d'acier et les envoyais autour du cou d'un premier adversaire. Je lui enserrais afin de l'entailler profondément et relachais ma prise alors qu'il se vidait de son sang.

On me fonça dessus. Je refis la même procédure mais bientot le nombre me dépassa, je dus user de ma dague empoisonnée et aussi de mon contrôle de la terre. Des pieds furent perforés par des piques pour les laisser loin de moi. Une fois bloqués, certains tentèrent de se libérer aggravant ainsi leurs blessures. Je m'approchais d'eux et n'eus besoin que de leur lacérer le cou à l'aide de mon arme.

Je reçus un impact dans le dos... Un gobelin m'avait sauté dessus. Nous tombâmes au sol ensemble. Je lui donnais un coup de tête pour éloigner ses crocs de mon visage. La douleur se propagea en effet, il venait d'enfoncer ses griffes dans mon bras droit. J'usais de ma magie pour lui bruler le visage à l'aide d'une boule de feu. Il hurla et s'éloigna de moi afin d'agoniser. Je me relevais et souris à Mordekaiser. J'allais m'approcher de lui quand je vis le dernier gobelin, je lui lançai une boule de feu dans la gorge. Il tomba sous l'impact. Je pris le bras de l'aigrefin et murmurai :

"Là, c'est fini."

Je rangeais mes armes et passai une main lasse dans mes cheveux blancs pour les remettre en place. Je m'avancais jusqu'au promontoire. Je posai une main délicate sur l'arme magique. Rien ne se passa. J'avais réussi. Je l'enlevais de son réceptacle. Je me sentais une Steel à part entière à présent.

"Allons nous en."

Nous marchâmes en direction de la sortie du temple. Nous avions de graves blessures mais nous étions heureux. Les fantômes du passé s'étaient éloignés. L'avenir s'étendait devant nous.

"Je pense qu'un petit tour au mouroir avant d'un verre à la taverne est nécessaire. Les gobelins sont des êtres vicieux... Je ne sens plus mon bras depuis qu'il me l'a griffé. Le programme te va? Merci de ton aide en tout cas."

Je lui souris doucement.

[Je te laisse ouvrir au mouroir ^^ On ira à la taverne juste après pour être logique ^^]

Suivi de : Par le sang et dans le sang [Mouroir]

» Guide moi vers ma destinée [PV Mordekaiser][Terminé]
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Etre à la hauteur [Quête Ehyt][PV Mordekaiser]

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