Se débarrasser de ses vêtements. C’était la première chose à laquelle Neelahn pensa lorsqu’elle arriva chez elle.
Arrivée près d’un cours d’eau, elle alluma un petit feu dans lequel elle brûla tous ses vêtements. Elle eût un peu mal au cœur en faisant cela. Il ne fallait pas oublier que de nombreuses personnes avaient passées de temps à confectionner sa jolie robe et ses bottes en cuir. En même temps, vu leur état, il était difficile qu’un jour ils auraient pu être à nouveau utile. Troués, déchirés et parsemés de taches, ils ressemblaient désormais à des haillons.

L’elfe resta debout devant le petit feu de camp durant quelques instants, contemplant les lambeaux de tissus se décomposer. Puis, lorsqu’un courant d’air lui rappela qu’elle n’avait plus rien sur elle, elle sautilla sur place. Avec tous ce qui lui était arrivé dernièrement, elle en avait presque oublié que l’hiver approchait à grands pas.
Se frayant un chemin jusqu’au cours d’eau, la druidesse poussa à plusieurs reprises des petits « aïe ! » en marchant sur des branches ou cailloux pointus. Il faisait nuit et la lune s’était cachée derrière les nuages. Peut-être aurait-elle mieux fait d’attendre que le soleil ne se lève avant d’envisager de faire sa toilette mais son état était tel que Neelahn se dégoûtait d’elle-même.

Elle frissonna de tout son corps lorsqu’elle trempa son orteil dans l’eau. Mais, après avoir pris une grande inspiration, elle plongea dans l’eau. Elle sentie alors toute la vase et la poussière qu’elle avait accumulée durant son voyage se détacher de sa peau et de sa chevelure.
Elle se frotta alors vigoureusement le corps avec le savon le plus rugueux qu’elle avait pu trouver chez elle. Ah ! Comme ça faisait du bien de se sentir propre ! Et cette fois-ci, c’était décidé. Plus jamais elle ne remettrait les pieds dans les marécages, sauf s’il y avait une vraie raison ! C’était la deuxième fois qu’elle s’était rendue dans ce lieu et la deuxième fois qu’elle avait vécu un moment épouvantable et la dernière fois avait été pire que la première ! Mais fort heureusement, tout ceci était de l’histoire ancienne et lorsque la druidesse se fût séchée, elle vînt s’allonger dans son lit, situé dans une cabane dans les arbres et dormi comme un ours en hibernation.

L’épreuve qu’elle avait subie dans le manoir des Siderea l’avait profondément marqué, si bien que durant les jours qui s’écoulaient après son retour au bercail, elle s’était mise en tête que plus jamais elle ne sortirait de la forêt. Oh certes, elle avait fait de belles rencontres à Bénécius et à Naturalia. Mais il ne fallait pas oublier ces gens qui la regardaient parfois de travers, ces petits instants désagréables et à chaque fois qu’elle était rentrée de un de ces voyages, elle avait brûlé tous ses vêtements parce qu’ils étaient trop abîmés ! En y repensant, Neelahn se demandait comment les aventuriers faisaient pour tenir leurs affaires propres. Étaient-ils assez riches pour s’offrir des habits tous les jours ? L’elfe en doutait fortement. Alors, elle en conclu qu’elle n’était tout simplement pas fait pour ce genre de vie. Êtres poursuivie par des hommes armés jusqu’aux dents, se battre avec des morts vivants, … tous ça, ce n’était pas pour elle. Elle n’avait pas l’étoffe d’une héroïne.

Mais bon… après quelques jours de repos, Neelahn se dit qu’il y avait quand même eu des moments durant son voyage qu’elle avait réellement apprécié. Les repas dans les tavernes, les découvertes d’objets, des rencontres formidables, …
Assise sur un rocher, l’elfe regardait le ciel bleu parsemé de nuages à moitié dissimulé par les branches feuillues des arbres. Quelques feuilles mortes tombèrent sur son nez mais, perdue dans ses pensées, elle n’y fit pas réellement attention. Elle se disait qu’elle manquait peut-être d’expérience, qu’elle n’était pas habituée à ce genre de chose. Les vrais aventuriers, eux, avaient connus de nombreux périples. Elle, elle n’en avait connu que deux et on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle s’y était préparée. Était-ce donc suffisant pour en tirer des conclusions ?

« Il y a quelqu’un ? »

Oui… Vraiment… Les derniers évènements qu’elle avait vécus l’avaient profondément marqué, si bien que maintenant, elle était sans cesse sur ses gardes. A chaque instant, elle s’attendait à voir un zombie apparaître ou un aigrefin sortir de nulle part pour l’embrocher. Son petit séjour dans les marécages lui avait apprit à ne jamais se séparer de ses armes. C’est pour cela que désormais, sa dague restait en permanence accrochée à sa ceinture. Comme elle était en train de cueillir des fleurs, l’elfe avait posé son bâton à ses pieds. Son arc, qui était dans son dos, se retrouva entre ses mains. Attentive, elle scruta les alentours. Cette fois-ci, elle était armée et elle ne se laisserait pas avoir une nouvelle fois !

Oh ! Harmonie ! Quelle bonne surprise !
Immédiatement, lorsqu’elle entendit la jeune fille révéler son identité, Neelahn déposa ses armes à terre et baissa sa garde.
Avec un grand sourire, l’elfe alla à la rencontre de l’adolescente.

« Bonjour ! Tu te souviens de moi ? Je suis Neelahn. »

Lorsqu’elle fût suffisamment proche de la mage blanche, la druidesse leva les yeux vers le cheval de Harmonie. Quel somptueux animal ! La druidesse se permit de flatter rapidement son encolure avant de reporter son attention sur la mage blanche. Par rapport à la dernière fois qu’elles s’étaient vues, elle avait plutôt l’air d’avoir bonne mine. L’elfe ne put cependant s’empêcher de se demander depuis combien de temps elle se trouvait dans la forêt.

« Je suis très contente de te voir. Comment vas-tu ? Tu es venue ici pour te reposer ? »

La druidesse allait aussi lui demander où elle habitait mais en se souvenant de son statut, il ne fut nul doute que la demoiselle devait résider à Bénécius. En réalisant cela, l’elfe se dit qu’elle avait du voyager longtemps avant d’arriver dans la forêt. Elle devait sans doute être fatiguée si elle n’avait pas fait beaucoup de pause !

« Viens ! J’ai pleins de chose à manger ! »

Elle n’avait pas réellement attendu qu’Harmonie réponde à toutes ses questions qu’elle lui tirait déjà le bras. L’elfe avança jusqu’à l’endroit où elle avait déposé son sac et ses armes. Elle s’y assit à côté et commença à déballer tous ce qu’elle avait. Du pain, de la viande séchée, du fromage, des fruits, … L’arrivée de l’adolescente lui avait rappelé qu’il était l’heure de manger et de la demoiselle arrivait juste à temps !

« Fais comme chez toi ! »

Même si elles avaient partagé quelques aventures désastreuses dans les marécages, il fallait bien admettre que les deux femmes ne se connaissaient pas réellement. Toutefois, il avait suffi à Neelahn de voir le courage et les convictions d’Harmonie pour penser qu’elle était une personne tout à fait fréquentable. Elle semblait avoir de bonnes valeurs et il ne fallait pas oublier qu’elle était une mage blanche ! La druidesse avait sans doute quelques caricatures que ces personnes. Elles les pensaient bénéfiques, instruits, … Et on ne pouvait pas réellement dire que la mage blanche lui avait prouvé le contraire.

Pendant qu’elle disposait sur l’herbe la nourriture et le couvert, l’elfe se mit à chantonner. Elle était tellement contente d’être chez elle, entourée de verdure, de fleurs et d’arbres ! Certes, l’hiver allait bientôt tomber et il risquait de pleuvoir à chaque instant mais tout ceci paraissait tellement paisible comparé à ce qu’elle avait enduré dans le manoir des Siderea…

« Ah vraiment ? Pourtant, c’est toi qui m’as suggéré de me transformer en colibri. »

La remarque de Harmonie étonna Neelahn. Pour elle, son statut semblait si évident à deviner une fois qu’on l’avait vu se métamorphoser en oiseau. Existait-il donc des personnes capables de se transformer en animal sans être druide ? Selon Neelahn, tout était possible mais elle pensait néanmoins que cela ne devait pas courir les rues.

« Je ne sais pas si je te l’ai déjà dit mais je trouve que ton chat est vraiment adorable ! »

Contemplant la boule de poil comme un bébé, elle finit par replonger sa main dans son sac après quelques secondes et y sortit une gourde. Elle versa la boisson dans un petit bol et le posa à côté du petit chat.

« Cadeau ! J’espère que tu aimes le lait. Tout le monde dit que les chats aiment ça mais ici, dans la forêt, je n’ai jamais vraiment eu l’occasion d’en croiser pour vérifier cette rumeur. »

Certes, la forêt était vaste et de nombreuses créatures peuplaient cet endroit rempli d’arbres et de fleurs. Pourtant, la ville aussi regorgeait de mille et une choses à voir et à découvrir. Titillant l’ami de Harmonie avec son index, Neelahn se demandait s’il se laisserait caresser un peu. Son pelage avait l’air si doux. Toutefois, ne sachant pas comment il allait réagir, l’elfe le laissa rapidement tranquille et servi un verre d’eau à l’adolescente.

« Tu peux me tutoyer tu sais. »

Après tout, suite aux évènements pénibles qu’elles avaient traversé ensembles, elles ne pouvaient pas faire comme si elles venaient de se rencontrer pour la première fois.
Ravie de voir un visage familier, la druidesse sourit et leva les yeux au ciel. Elles allaient devoir manger rapidement si elles ne voulaient pas que leur nourriture soit imbibée d’eau.
Rapidement, l’elfe attaqua donc son repas. Il fallait dire que durant ces derniers temps, elle n’avait pas beaucoup mangé. Elle avait même perdue du poids et flottait maintenant dans ses robes. Mais maintenant qu’elle était de retour chez elle, la druidesse était bien décidée à se remplir l’estomac. D’ailleurs, tout en mâchant un morceau de pain, elle dit à la jeune mage blanche.

« Si tu veux de la viande rôtie, on ira chez moi après. N’hésite pas à me dire si tu veux manger autre chose. »

Engouffrant les fraises les unes après les autres, on aurait presque pu se demander comment un petit corps comme celui de Neelahn pouvait gober avec tant d’appétit toute la nourriture disposée sur l’herbe. Certes, la druidesse n’avait pas sortie un banquet mais le fromage pouvait suffire à nourrir quelqu’un pendant deux jours et pareil pour la viande séchée.

« Qui me parle ? »

Neelahn tourna la tête de gauche à droite, cherchant son interlocuteur. Elle avait été surprise en entendant sa voix raisonner dans sa tête. Cela avait été une drôle de sensation. Elle se souvînt alors qu’une petite bête à poil lui avait parlé par télépathie dans le manoir des Siderea. Elle avait la même voix que cette fois-ci. L’elfe tourna la tête vers le petit chat et se fendit en un sourire. Décidément, il était vraiment mignon !

« Oh non. Je ne l’ai pas acheté. Nous avons acheté quelques animaux de la ferme et nous les gardons avec nous dans la forêt. C’est plus rentable et plus pratique que de faire des allés/retour à Naturalia. »

Puis, lorsque Harmonie demanda où se trouvait Tigrou :

« Oh ne t’en fais pas. Ce bon gros vieux félin doit être parti à la chasse. C’est un tigre après tout. »

La druidesse n’avait pas élevé Tigrou pour qu’il la suive où qu’elle aille. Elle lui avait toujours donné le choix, respectant ce qu’il était. Ce n’était pas un chien. Cependant, il arrivait fréquemment de suivre Neelahn lors de ses déplacements mais lorsqu’ils étaient chez eux dans la forêt, Tigrou passait son temps à vagabonder ici et là.

« Il n’est jamais très loin de toute façon. »

Même s’il était un animal indépendant, Neelahn savait qu’elle pourrait toujours lui faire confiance… pas comme ce petit chat qui était en train de changer de camp en venant de se coller à elle ! En voyant cela, la druidesse éclata de rire et le prit dans ses bras. Son pelage était si doux qu’elle ne put s’empêcher de le caresser.
Elle finit par le reposer à terre lorsqu’Harmonie revînt avec un magnifique plateau de fruits. Cela faisait longtemps qu’elle n’en avait pas mangé ! Les yeux pétillants, Neelahn hésita sur le fruit qu’elle allait prendre et opta finalement pour une belle pomme rouge.

« Merci ! »

Mais à peine eût-elle le temps d’y goûter qu’elle sentit quelques gouttes lui tomber sur la tête. Levant le nez au ciel, elle aperçut à travers les branches des arbres le ciel gris. Pour l’instant, la pluie était fine mais la druidesse eût l’étrange pressentiment qu’elle n’allait pas pouvoir terminer son déjeuner paisiblement. Alors, au cas où, elle commença à ranger ses provisions. Elle ne voulait pas prendre des risques inutiles et voir toute la nourriture devenir immangeable.

« J’espère qu’il n’y aura pas d’orage. Ce serait dommage, tu viens à peine d’arriver. »

Puis, lorsqu’elle eût terminé de mettre toutes ses affaires dans son sac offert par la Haute Autorité, elle croqua une nouvelle fois dans sa pomme. Même si la fine pluie continuait encore à lui tomber dessus, elle n’avait visiblement pas l’intention de partir tout de suite. Après tout, elle était chez elle.

Il était amusant de voir la petite boule de poil plisser des yeux en voyant la fine pluie tomber sur sa tête. Mais ce fut au tour de Neelahn d’esquisser une grimace lorsqu’elle aperçu Harmonie attraper la peau du coup du minou. Apparemment, l’animal n’avait pas l’air de souffrir mais elle se disait qu’il devait trouver cela étrange.
Quoi qu’il en soit, la druidesse fut attendrie de voir la mage blanche recouvrir son ami d’une couverture. Peu d’êtres en ce monde se montraient aussi attentionnés envers les animaux.

« Oh bien sûr. J’ai une cabane dans les arbres. Nous pouvons y aller si tu veux. C’est à une demi-heure de marche d’ici. »

Joignant le geste à la parole, Neelahn se leva et rangea tout ce qui trainait par terre dans son sac qu’elle mit sur son épaule. Elle attrapa ensuite son bâton ainsi que son arc et se mit en route tranquillement. L’elfe évita de marcher trop vite pour que la mage blanche puisse avoir le temps de la suivre. Un accident pouvait si vite arriver avec toutes les branches, les cailloux et les racines d’arbres qui trainaient au sol. La druidesse, elle, était habituée à se mouvoir dans ce type de paysage mais elle n’était pas sûre qu’il en aille de même pour la mage blanche. Après tout, n’habitait-elle donc pas dans une ville ? Et puis, il fallait aussi admettre que Neelahn connaissait le sentier par cœur. Elle avait donc en tête tous les endroits où elle pouvait mettre les pieds ou non.

« J’espère que ton cheval n’a pas trop du mal à nous suivre. »

Difficile pour des bêtes d’aussi grandes carrures de se mouvoir dans une forêt aussi dense. C’était pour cette raison que la plupart des habitants de ce lieu se déplaçait à pieds. Certes, il y avait les grandes routes où des carrosses pouvaient aisément circuler mais le cabane de Neelahn se trouvait niché loin de toute trace des sentiers battus.
De temps en temps, la druidesse tournait la tête en arrière afin de vérifier que tout allait bien du côté d’Harmonie et de sa petite compagnie.

« Oh bah tiens, regarde. C’est Tigrou. Tu vois, il se porte à merveille. »

Au loin, on pouvait voir un tigre blanc en train de déchiqueter sa proie. Les babines plein de sang, le prédateur ne semblait pas les avoir vus. D’un coup de patte, il termina d’achever le lapin et entama son repas. La pluie n’avait pas l’air de le gêner, contrairement au petit chat de la mage blanche.
Neelahn resta pendant quelques secondes à l’observer et, sentant que la pluie tombait un peu plus fort, elle se remit en route vers chez elle. Le félin avait levé la tête vers elle mais celle-ci ayant déjà détourné la tête, elle ne remarqua donc rien.

« Fais attention au serpent. »

Pointant machinalement l’index vers la gauche, elle montra le serpent qui s’enroulait sur lui-même. Neelahn n’avait pas peur de ces reptiles. Il suffisait simplement de les laisser tranquille et ils ne lui faisaient aucun mal.
Avançant paisiblement à travers les arbres, elle n’avait nullement l’air d’être gênée par les innombrables branches qui lui barraient parfois le chemin, les grosses pierres qu’il fallait contourner ou les petites bêtes qui trainaient par terre.

« Quelque chose ne va pas ? »

N’entendant plus les pas de Harmonie, Neelahn s’était retournée. Pendant un bref instant, elle pensait l’avoir perdu. Fort heureusement, ce ne fut pas le cas. La demoiselle se trouvait à quelques mètres derrière elle. Mais pourquoi s’était-elle stoppée ? Le serpent lui ferait-il peur ?

« Allé, viens ! Je crois qu’on va avoir le droit à un gros orage. Et je ne tiens pas vraiment à ce que tu tombes malade… »

Tendant la main vers la mage blanche, elle lui fit signe de se dépêcher. Ses cheveux et ses vêtements commençaient à être trempés. Dans ces moments là, Neelahn se plaisait à rêver qu’elle avait une maison fabriquée en pierre. A l’intérieur, il y aurait une cheminée et un bon verre de lait chaud qui l’attendrait. Mais bon, l’elfe aimait aussi la fraicheur de la pluie et appréciait beaucoup sa cabane nichée dans les arbres.

La druidesse aida Harmonie à se frayer un chemin jusqu’au sa modeste demeure. Avec le cheval qu’elle avait, cela ne devait pas être évident pour elle de se déplacer dans cette forêt dense. Des fois, Neelahn écartait des branches et laissaient ses invités passer devant. A d’autres moments, elle revînt se placer en tête pour leur montrer le chemin et s’assurer qu’il n’y avait aucun obstacle qui pourrait les gêner.

Finalement, elles arrivèrent sans soucis à la cabane. Certes, Neelahn était trempée et se disait qu’elle allait devoir se changer si elle ne voulait pas attraper un rhume.
Au pied d’un arbre centenaire se trouvait un espace aménagé avec un toit en bois où le cheval de Harmonie pourrait attendre que la pluie ne cesse. Il pourrait même faire ami-ami avec un âne. Un sceau d’eau ainsi que des fruits et des carottes pendaient sur le côté au cas où les deux bêtes auraient envie de se mettre quelque chose sous la dent.

« Tu veux monter par toi-même ou tu préfères que je te hisse en haut avec ton chat ? »

D’habitude, pour grimper jusque dans leur cabane, les druides empruntaient les échelles en corde mais pour certains besoins comme transporter de la nourriture ou monter des familiers comme Tigrou, ils avaient aménagés des espèces de cabines en bois dont il était possible de hisser facilement au sommet des arbres grâce à un système de poulie assez astucieux.

Sans attendre que la mage blanche lui eût répondu à sa question, la druidesse commença déjà grimper. Si ce petit exercice se révélait être un jeu d’enfant pour elle, il était possible qu’il n’en soit de même pour des citadines peu habituée à grimper des échelles faites en corde. D’ailleurs, ce fut pour cette raison que la druidesse lui avait proposé de la hisser tranquillement dans la cabine. Au moins, elle serait certaine de ne pas faire de chute et son petit chat pourrait rester paisiblement dans ses bras. Bien évidemment, Neelahn ne douta pas des capacités de la jeune demoiselle. Après tout, ce n’était qu’une simple proposition. Et puis, c’était tout de même mille fois plus amusant de monter soi-même.

Monter Mentali ? Neelahn baissa la tête vers le bas. Cherchant la petite boule de poil du regard, elle le trouva blotti dans la cabine qui servait à monter les vivres. Bah alors ? Comme ça, on a peur de la hauteur ? Pourtant, on avait souvent dit à Neelahn que les chats aimaient beaucoup grimper dans les arbres. Ils étaient parfois si inconscients qu’une fois arrivé en haut, ils se mettaient à pleurer après s’être aperçu qu’ils n’avaient aucun moyen pour descendre.
La druidesse ne comprenait pas vraiment comment un félin comme Mentali pouvait avoir peur de la hauteur. Avait-il peur de tomber en s’agrippant à Harmonie ?

« D’accord ! »

Finalement, après s’être posée une multitude de questions, l’elfe avait haussé les épaules. Drôle de chat, tout de même.
Neelahn tira de toutes ses forces sur la corde afin de monter la cabine dans lequel se trouvait le petit chat. Ce n’était pas bien compliqué puisque le mignon peureux ne pesait pas lourd. Et en même temps qu’elle le hissait jusqu’à sa cabane, elle se dit qu’il avait peut-être préféré se réfugier dans la cabine pour ne pas voir le vide sous ses pieds durant son ascension. Après tout, grimper soi-même et se faire hisser n’était pas tout à fait la même chose…

« Hé ! Ne joue pas à ça ! Tu peux te faire mal ! Utilise l’échelle. Pourquoi te compliques-tu la vie ? »

Neelahn aperçut Hamornie sauter de branches en branches comme un macaque. Il suffisait qu’elle évalue mal la capacité d’une branche à soutenir son poids et qu’elle ne saute dessus pour qu’elle ne fasse une chute de plusieurs mètres de hauteur. Ah les jeunes ! Ce qu’ils pouvaient être inconscients ! Bien sûr, c’était plus amusant de faire comme les singes mais quand même ! Il fallait avoir une certaine expérience. Harmonie était une fille de ville. Oh oui, il fût vrai qu’elle était plus très souple et agile pour quelqu’un qui ne voyait que des pavés toute la journée mais tout de même ! C’était dangereux ! Ne mesurait-elle donc pas le risque qu’elle était en train de courir ? Et que dirait Neelahn à ses parents si jamais elle se blessait ou pire, si elle se brisait la nuque ? Avait-elle donc songé un seul instant à cela ? Oh non, elle s’en fichait royalement de ce que l’elfe pouvait ressentir !
Si Neelahn n’avait pas eu les mains occupées à faire grimper Mentali, elle se serait sûrement ronger les ongles. Morte de peur pour Harmonie, elle priait la déesse de la nature pour qu’il ne lui arrive rien de fâcheux. Et lorsqu’elle aperçu la demoiselle arriver près d’elle sans une égratignure, elle eût un soupir de soulagement.

« Ne me refais plus jamais ça, tu m’entends ? J’étais morte de peur à l’idée que tu tombes ! Il pleut en plus, les branches sont glissantes. »

Il n’y avait aucune once de colère dans sa voix. On voyait seulement qu’elle avait été morte d’inquiétude pour la jeune fille. L’elfe lui fit cependant un sourire et finit par hisser Mentali jusqu’à la cabane. Elle ouvrit la porte de la cabine et laissa le chat sortir. En entendant la question très étrange d’Harmonie, Neelahn se retourna vers elle.

« Euh… Oui, pourquoi ? C’est marrant que tu le connaisses toi aussi. Quelle coïncidence… Le monde est vraiment petit en fin de compte. »

Si Harmonie avait pu rencontrer Cirdan, elle avait sans doute dû remarquer à quel point il pouvait être parfois désagréable…. M’enfin, quoi qu’il en soit, Neelahn trouva la question d’Harmonie vraiment bizarre. Mais pourquoi lui demandait-donc cela ?

Ah non non non ! Sauter comme un singe de branche en branche, ça s’oubliait très vite ! Tout comme le musicien qui ne s’exerce pas à son instrument pendant plusieurs mois, l’agilité se perdait si l’entrainement n’était pas quotidien. Tout le monde savait ça ! Ah ! Heureusement que Harmonie était encore jeune ! Ses réflexes étaient encore vifs mais si elle avait eu quarante ans, cela aurait pu être tout autre chose !
En entendant le mot « vélo », Neelahn haussa un sourcil. Elle n’avait jamais entendu ce terme. Qu’étais-ce donc ? Une recette pour fabriquer du pain ou une méthode pour infaillible pour rafistoler correctement les bas ? Quoi qu’il en soit, la druidesse ne s’attarda pas sur le sujet, surtout qu’elles étaient d’ors et déjà en train de parler du fameux Cirdan.

« Attention à moi ? Et puis-je savoir pourquoi ? »

Les bras sur les hanches, Neelahn était passablement vexée. Même lorsqu’il n’était pas là, ce maudit nomade trouvait encore le moyen de lui pourrir l’existence ! Et dire qu’il lui était arrivé de le trouver généreux et sympathique ! Ah ! Qu’avait-elle donc bu à ces instants là pour penser pareilles sottises ?
Fulminant sur place, l’elfe se demandait pourquoi le nomade avait cru juste de prévenir Harmonie sur le danger potentiel qu’elle émanait. Ce n’était pas de sa faute s’ils avaient rencontré sur leur chemin un scorpion géant et à aucun moment, elle ne l’avait forcé à venir avec elle pour trouver le bâton du schnock. Ce fut lui-même qui s’était désigné pour l’accompagner alors pourquoi diable pensait-il qu’elle était dangereuse ?

« Il croit que je suis méchante, c’est ça ? » hurlai-je en même temps que le tonnerre.

A bien y réfléchir, ce n’était sans doute pas les évènements funestes qui leur étaient tombés sur la tête qui lui avait fait penser qu’elle était dangereuse. Le nomade était plutôt du genre terre à terre. Il ne pouvait donc pas être persuadé qu’elle portait la poisse et de toute façon, Neelahn n’avait jamais porté la poisse à quiconque !
La druidesse finit donc par penser qu’il n’aimait peut-être pas son comportement trop optimiste. Oui, voilà, c’était certainement ça qu’il n’appréciait pas chez elle et ce fut pour cette raison qu’il devait la trouver potentiellement dangereuse.

Mécontente de s’apercevoir qu’il avait dit du mal d’elle aux autres, Neelahn n’entendit même pas lorsque l’adolescente lui présenta ses excuses au sujet de ce qui s’était passé dans le manoir des Sidérea. Croisant les bras et affichant une mine boudeuse sur le visage, elle regardait la pluie tomber à flot. Heureusement que les deux demoiselles étaient désormais dans la cabane. Elles seraient certainement tombées malades si elles étaient restées dehors.

« Tu devrais faire attention à ce qu’on te raconte des fois. En tout cas, je te remercie de m’avoir fait part de cette information. » lâchait-elle après s’êtres calmée un peu.

La druidesse invita ensuite Harmonie et son petit chat à s’asseoir autour de la table. Allant fouiller dans son placard, elle y sorti de quoi boire. Elle posa sèchement devant la boule de poil un bol rempli de lait. Pour Harmonie, elle lui donna du jus de citrouille. En posant le verre, elle failli déverser tout le contenu sur les vêtements de l’adolescente.
S’asseyant ensuite sur une chaise, elle se servi ensuite un verre et remua rageusement le contenu. C’était la première fois qu’on lui disait qu’il fallait faire attention à soi lorsqu’on la rencontrait sur son chemin. Mais que cela signifiait-il donc pour de vrai ? Qu’elle n’était pas fréquentable ? Ah ! Ce nomade ! Ce qu’il pouvait être stupide !

… et Harmonie avait bien raison lorsqu’elle songea qu’un simple sourire pouvait parfois suffire à calmer les gens.
En voyant les lèvres de l’adolescente s’étirer, Neelahn se sentit soudainement apaiser et ses neurones se mirent à fonctionner de nouveau normalement. Elle se mit à réfléchir de manière logique. Il fut vrai que la bonne étoile de Cirdan semblait la plupart du temps bien trop distraite. La druidesse, quant à elle, ne considérait pas qu’elle avait plus de chance que les autres. Elle songeait juste que, contrairement aux autres, elle n’était pas malchanceuse. Pour elle, elle était simplement « normale ». Mais maintenant qu’elle repensait à tous ces évènements récents qu’il lui était arrivé, une question lui vînt à l’esprit : pourquoi s’en sortait-elle toujours mieux que les autres alors qu’elle n’était pas forcément plus agile ou plus puissante qu’eux ? Au fond, Harmonie avait peut-être raison. La druidesse avait plus de chance que les autres. Mais bon, si on devait appeler ça de la chance, alors, à maintes occasions, elle en avait eu de grosses doses et on ne pouvait plus appeler ça de la chance...

« En tout cas, je n’ai pas l’intention de te manger, ni de te faire du mal. Et de toute manière, tu n’aurais sans doute pas accepté de venir dans ma cabane si tu avais eu des doutes sur moi. Ai-je tord ? »

A son tour, l’elfe finit par esquisser un joli sourire et but une gorgée. La boisson était fraîche, aussi fraîche que le temps qu’il faisait dehors. Ah ! Comme elle aurait voulu passer l’hiver à Bénécius ou à Naturalia !

« Pourquoi être venue dans la forêt ? Il fait moche en ce moment. Tu aurais été bien mieux chez toi, au chaud. Moi, si j’avais eu une maison à Bénécius, j’y aurais passé tout l’hiver devant la cheminée avec un bon bol de soupe et un livre. »

Au fond, on enviait toujours ce que l’on ne possédait pas et il en était de même pour Neelahn.
Bien sûr, elle appréciait le son de la pluie et le vent caresser son visage mais des fois, il fallait tout de même reconnaître qu’il était plus agréable de se reposer près d’un bon feu.
Or ici, dans sa cabane, le vent fouettait les branches des arbres. Si le vent soufflait trop fort, les cabanes pouvaient être détruites. D’ailleurs, il était plus facile de détruire une cabane qu’une maison faite en pierre. Et, surtout, dans une cabane, allumer un feu n’était pas une bonne idée.

« J’espère que ça ne va pas durer trop longtemps… Tu veux une couverture ? »

Ayant froid, Neelahn alla s’enrouler dans une de ses couvertures avant de revenir s’asseoir sur sa chaise. Tigrou, quant à lui, venait de se glisser sur le lit de son amie et avait choisi de faire passer le temps en faisant une petite sieste.

Le chef d’Harmonie était bien étrange. Envoyer une adolescente en vacances en plein hiver tout en sachant qu’elle n’avait pas beaucoup d’argent sur elle… Pour Neelahn, cela relevait presque de la bêtise. Oh elle ne doutait pas un seul instant de la capacité de survie de la jeune mage mais elle trouvait cela tout à fait déplacée d’ordonner à quelqu’un d’aller prendre l’air alors que le temps était si moche.
M’enfin, Harmonie avait eu beaucoup de chance de tomber sur elle. La druidesse prendrait soin d’elle et veillerait à ce que son petit séjour dans la forêt ne se passe bien. La pluie et le vent ne l’aidaient pas beaucoup, il fallait bien l’avouer mais l’elfe ne s’avoua pas vaincue.

Pendant que l’adolescente s’enroulait dans la couverture qu’elle venait de lui filer, Mentali décida de venir vers la sieste auprès de Tigrou… ce qui ne manqua pas d’attirer l’attention de Neelahn. Durant quelques instants, la druidesse avait retenu son souffle, craignant la réaction du tigre blanc. Même si elle le savait inoffensif, il restait tout de même un prédateur solitaire. De manière générale, il appréciait avoir son propre espace vital et n’appréciait pas qu’on vienne le déranger. Même elle, des fois, lorsqu’elle venait le réveiller, il lui donnait un coup de pattes pour bien lui faire comprendre qu’il n’avait d’ordre à ne recevoir de personne.

« Grrrr… »

Mais heureusement pour la petite boule de poil, Tigrou ne fit aucun geste violent. Au contraire, il l’attira contre lui comme s’il était son propre enfant et se rendormi. Finalement, Neelahn n’était peut-être pas la seule à trouver Mentali craquant. A chaque fois qu’elle le voyait, elle avait toujours l’envie irrésistible de le serrer dans ses bras.

« Hein, quoi ? »

Faisant à nouveau face à Harmonie, Neelahn tenta de se remémorera la question que la jeune mage blanche venait de lui poser.

« Ah… Hé bien, je n’en sais trop rien… Mon père et mon entourage étaient druides alors la question ne s’est pas vraiment posée… Malgré tout, je pense que personne ne se serait opposé si j’avais voulu devenir une mage blanche comme toi. »

Dès petite, on avait appris à Neelahn qu’il existait plusieurs statuts sur Nel Beraid. Les mages blanc l’avaient toujours fascinés. Mais des fois, elle rêvait qu’elle était sur un destrier avec une armure et une grosse épée. Elle s’imagina aussi quelquefois arpentant les déserts et asphyxier ses ennemis d’une simple pensée… Au final, toutes les classes lui plaisaient mais elle avait choisi comme son père de devenir druide. Pourquoi ? Elle-même n’aurait su l’expliquer. Peut-être par facilité… A vrai dire, elle ne s’était jamais posé la question. C’était comme ça, c’est tout…

« Et toi, qu’apprends-tu dans ta grande tour ? Ça doit être passionnant de vivre à Naturalia et d’avoir autant de livres autour de soi. Tu es déjà allée à la bibliothèque ? On dit qu’il y a des milliers et des milliers de livres et que tu peux y trouver tout ce que tu veux. J’imagine que tu dois connaître pleins de sorts ! »

Suite à la réponse d’Harmonie, Neelahn se mit à rougir. Ah comme elle avait honte de s’être trompée ! Elle qui avait visité les cités de Bénécius et Naturalia, comment avait-elle donc pu commettre une telle erreur ? Néanmoins, elle mit vite cette faute sur le dos de l’inadvertance.
Elle fut aussi rassurée de voir qu’elle n’avait pas vexée la mage blanche. C’était la dernière chose qu’elle souhaitait arriver. Elle était si gentille…
Calmement, la demoiselle lui expliqua ce qu’elle faisait de ses journées. Ses occupations étaient tout à fait admirables et n’avaient rien à voir avec ce que faisait Neelahn. Alors, l’elfe se demanda quelles réactions elle était susceptible d’avoir si elle se retrouvait dans la même situation qu’Harmonie. Parviendrait-elle à se débrouiller aussi bien ?
Elle s’aperçut alors que dans sa grande tour, la mage blanche n’apprenait pas seulement à utiliser ses pouvoirs. Avant tout, on lui apprenait à faire la différence entre le bien et le mal. On lui enseignait les concepts du bon et du mauvais. En gros, on lui apprenait à faire tout le contraire des mages noirs et au final, peut-être que ce fut pour cette raison que la guerre entre ces deux statuts était éternelle. Mais ceci, Neelahn se garda bien de le dire à voix haute.

« Ah oui, tu as raison. Ça fait plaisir ! Quand il pleut comme ça et que je suis dans ma cabane toute seule avec Tigrou, je dois bien t’avouer que des fois, je m’ennuie à mourir… »

Ce fut avec des yeux pétillants de joie que Neelahn contempla l’orage s’éloigner doucement, comme s’il partait à la recherche de nouvelles proies à embêter.
La druidesse avait toujours été fascinée par les éclairs. Même si elle les redoutait, elle aimait aussi regarder leur couleur, leur apparition. Si elle avait eu le choix de ses pouvoirs, peut-être aurait-elle choisi d’avoir la capacité de contrôler les éclairs.

« Tu vas repartir tout de suite ou tu vas rester encore un peu ? Quand tu décideras de repartir chez toi, dis-le-moi. Je te préparerai à manger pour la route. Pour le reste, tu as tout ce qu’il te faut, n’est-ce pas ? »

Avant d’aller quelque part, Neelahn passait de longues heures à préparer son sac. Cordes, nourritures, couvertures, … La druidesse tentait de ne rien omettre au cas où elle serait face à des problèmes. Il n’était pas rare de mettre plus de temps que prévu pou arriver à destination à cause de diverses raisons. Il fallait donc toujours prévoir un peu plus de provision que prévu. Bien entendu, comme elle ne possédait pas un gros gabarit, Neelahn tentait d’emporter le strict minimum, le but tout de même était de profiter de ses voyages et pas passer son temps à trainer sa besace comme une pauvre mule.

Et même si Harmonie ne lui avait pas encore répondu, Neelahn se leva. Elle plia soigneusement sa couverture et ouvrit ses placards. Elle y sortit de la viande séchée. Elle eût alors soudainement un doute. Harmonie était-elle végétarienne ou pas ?
Posant les morceaux sur la table, elle sortit ensuite un pot de terre. Elle y fit pousser des champignons, des carottes, de la salade et autres légumes. Sans ménagement, elle les arracha de leur pot. Les passants d’abord sous l’eau, elle se mit ensuite à les découper en petits morceaux. Neelahn n’avait jamais eu de petite sœur ou quelqu’un don elle pouvait s’occuper (oui, il y avait Tigrou mais ce félin était un cas à part). Alors, pour une fois qu’il y avait un « p’tit bout de chou » chez elle, elle compta bien en profiter pour la chouchouter un peu.

« Tu as une couverture et des vêtements de rechanges dans ton sac ? Je peux t’en passer si tu veux. »

Deux-trois jours ? Oh quelle bonne nouvelle ! Neelahn songeait déjà aux nombreux endroits où elle pourrait l’emmener. Il y avait beaucoup de coins sympas dans la forêt. Et puisque la demoiselle était mage blanche, la druidesse se ferait un plaisir de lui montrer divers endroits où elle pourrait cueillir des plantes pour ses potions.
Mais même si la jeune fille venait de lui dire qu’elle ne comptait pas partir tout de suite, Neelahn continuait à détailler ses champignons, se disant qu’elles auraient toutes les deux de quoi manger au dîner.

« Quelque chose à vérifier ? Quoi donc ? »

Haussant un sourcil, l’elfe se demandait ce que signifiaient ses paroles. Elle connaissait très bien la forêt puisqu’elle y avait passé toute sa vie et pour l’instant, tout allait bien. Les oiseaux chantaient, les arbres étaient toujours intacts, … Non. Vraiment, Neelahn ne comprenait pas.
Elle laissa la demoiselle se changer pendant qu’elle terminait de préparer leur repas du soir. Et lorsqu’elle la vit sortir habillée comme un garçon, Neelahn comprit que la mage blanche n’avait pas du tout l’intention d’aller cueillir des pâquerettes.

« Évidemment que je t’accompagne. Je ne vais tout de même pas te laisser traîner toute seule dans la forêt. »

Prenant une brosse, elle la passa dans ses cheveux et fit un chignon. Par la suite, elle attrapa son sac, elle y jeta un peu de provision. Elle passa ensuite son carquois de flèches et son arc sur les épaules, accrocha sa dague sur sa ceinture, pris son bâton et sautilla jusqu’à la porte.

« Après vous, chère demoiselle ! »

Neelahn craignait plus pour la vie d’Harmonie que pour la sienne. En cas de danger, la druidesse avait toujours la possibilité de fuir le danger en se transformant en colibri. Métamorphosé en petit oiseau ultra rapide, il lui était facile d’esquiver ses ennemis en un rien de temps. Mais voilà, ce qui était valable pour elle n’était pas le cas pour les autres.
Ayant apparemment un mauvais sentiment, Tigrou se leva à son tour et vînt se positionner à côté de Neelahn. Il jeta un mauvais œil à Harmonie. Il était clair qu’il aurait préféré rester dans la cabane prolonger sa sieste. Mais par acquis de conscience, il choisit d’accompagner les deux aventurières.

« Tu n’es pas obligé de venir, tu sais. »

Mais Tigrou ne bougea pas d’une semelle et attendit que la mage blanche sorte d’abord de la cabane pour ensuite lui emboîter le pas.
Neelahn fut la première à sortir. Levant le nez au ciel, elle s’aperçut que la pluie allait cesser complètement de tomber d’ici quelques minutes. Se dirigeant ensuite vers la cabine, elle ouvrit la porte et attendit que Tigrou n’y entre pour le faire descendre.

Harmonie ne révéla pas à Neelahn ce qu’elle comptait faire, ce qui la frustra quelques peu. Suivant la demoiselle à travers la forêt, elle eût l’impression de marcher comme une aveugle sur un territoire inconnu. Pourtant, ce fût avec une facilité déconcertante qu’elle se mouvait entre les arbres et qu’elle évita les ravins.
De temps à autre, elle recommandait à la mage blanche de lui faire attention. Connaissant le coin comme le fond de sa poche, elle lui indiqua de faire attention à tel ou tel endroit particulièrement glissant et dangereux pour le malheureux qui y mettait les pieds. Mais de manière générale, le sentier emprunté par l’adolescente était assez calme et propice à une balade tranquille bien que, apparemment, Harmonie ne semblait pas être sortie de la cabane simplement pour se dégourdir les jambes.

« Mais qu’est-ce que tu fabriques ? »

Levant le nez, Neelahn regardait Harmonie grimper sur un arbre. Comment pouvait-elle l’aider si elle ne lui disait pas ce qu’elle était en train de manigancer ? La druidesse la vit scruter l’horizon. Elle en fit alors autant mais elle ne vît rien d’autre que ciel banal. En même temps, elle ne se situait pas à la même hauteur de la mage. Il ne fallait pas oublier qu’elle était en bas alors qu’Harmonie avait grimpé pour avoir une meilleure vue. Malgré tout, la druidesse finit par se dire que même en montant sur un arbre, elle n’aurait pas été certaine de voir ce qui paniqua subitement la demoiselle.

« Que ce se passe-t-il ? J’ai l’impression que tu as peur pour moi mais en te suivant comme une aveugle, tu me mets en danger. Comment puis-je t’aider si tu ne me dis rien ? »

… mais Harmonie se mit subitement à courir et Neelahn n’eût pas l’occasion d’avoir sa réponse… Suivant de près de la demoiselle, elle aperçut Tigrou la dépasser. A hauteur de la mage blanche, il la regardait toujours d’un mauvais œil. Elle était sur le point de les mener dans la gueule du loup et cette inconsciente ne jugeait même pas bon de les prévenir ! Si cela ne tenait qu’à lui, il l’aurait stoppé dans son ascension vers le danger. Mais apparemment, cela semblait être important pour elle. Elle semblait plus dévouer pour les autres que pour elle-même et si jamais des innocents mourraient parce qu’il l’avait empêché de les sauver, Neelahn le lui pardonnerait sans doute pas. Alors, il ne dit rien et se contenta de suivre Harmonie, en espérant qu’elle finisse par daigner prévenir tout le monde de ce qui se passait avant qu’il ne soit trop tard.

« Où est-ce que tu vas ? Fais attention où tu mets les pieds, le sol n’est pas encore sec ! »