On ne pouvait pas dire que Neelahn était exaspérée par le comportement si étrange d’Harmonie. La mage blanche était si gentille et attentionnée. Néanmoins, il n’était pas faux de dire que la druidesse n’aimait pas la tournure que prenaient les évènements. Mais qu’était-il donc en train de se passer. Où couraient-elles donc ?
A un moment donné, l’adolescente s’arrêta et fit signe à l’elfe de ne pas faire de bruit. Ayant confiance en elle, Neelahn se fit donc toute petite mais cela ne l’empêcha pas pour autant de perdre patience. Elle suivit la mage jusqu’au buisson où elle s’accroupit. Non loin d’elle se trouvaient deux personnes qui n’avaient pas l’air d’être en train de parler de la pluie et du beau temps. Et ce fut pendant qu’elle contempla la scène que Harmonie se décida enfin de lui expliquer le pourquoi et le comment. Toutefois, lorsque la jeune fille lui « ordonna » de ne pas bouger d’un seul poil pendant qu’elle allait « sauver l’univers », Neelahn ne put s’empêcher de froncer les sourcils.

« Il est vrai que parfois, j’ai tendance à être un peu folle sur les bords mais au cas où tu l’aurais déjà oublié, j’ai au moins un siècle de plus que toi. J’ai plus d’expérience que toi. Jusqu’à maintenant, je ne t’ai jamais traitée comme une enfant de trois ans et j’aimerais que tu en fasses autant pour… »

Mais trop tard… L’obstinée était déjà partie secourir le pauvre malheureux. Neelahn n’avait aucun doute sur les capacités magique d’Harmonie. Mais elle était encore jeune. Saurait-elle agir au bon moment ?
L’elfe la regarda s’interposer entre les deux hommes. Quelle inconscience… Et si d’autres personnes malveillantes trainaient dans les alentours ? S’était-elle au moins assurée qu’ils n’étaient que deux ? Neelahn doutait fort que la mage blanche eût pensée à cela. Et que ferait-elle donc si elles se retrouvaient toutes les deux face à un groupe de dix hommes ? Oui, Neelahn, pensait bien à elleS car elle aussi, elle était dorénavant impliquée.

D’un signe de tête, la druidesse demanda à Tigrou de protéger Harmonie. Le tigre aurait très bien pu sauter sur l’aigrefin, l’assommer et partir mais ne sachant pas ce que la mage blanche manigançait, il préféra simplement rester à ses côtés. On put alors le voir humer l’air et sembla tout d’un coup nerveux. Grattant le sol, il donna un coup de tête à Harmonie.
Neelahn, quant à elle, n’avait rien loupée de la scène. En voyant l’air anxieux de Tigrou, ses hypothèses furent confirmées. L’aigrefin n’était pas tout seul. Oh bien entendu, le pouvoir d’Harmonie pourrait sans doute réduire à néant toute une horde de soudards mais il ne fallait pas oublier qu’ils se trouvaient dans une forêt et qu’elle risquait de provoquer un immense incendie destructeur.

« Allons-nous en avant que les autres ne débarque. »

Prenant le marchand par le bras, celui-ci semblait se laisser faire, apparemment dépassé par la situation. Pendant ce temps là, Tigrou pressait toujours Harmonie de dégarpir en vitesse. N’ayant toutefois pas la même mentalité que la mage blanche, le tigre s’empressa bien vite de l’abandonner à son pauvre sort. Lui, il n’avait rien demandé et ne comptait pas mourir en aidant une fille entêtée et irréfléchie qu’il connaissait à peine.

« Harmonie, viens ! Le monsieur va bien. Allons-nous-en à présent ! Les autres arrivent !» sifflait Neelahn.

Un aigrefin en moins sur ce monde équivalait à plusieurs vies de sauvées. Toutefois, il ne fallait pas oublier non plus que si Harmonie provoquait les aigrefins, ils reviendraient sans doute en masse dans la forêt et Neelahn et ses confrères n’auraient plus d’autres choix que de chercher un nouvel endroit où habiter…

« Tu n’es peut-être pas venue pour la violence mais tu la provoques. » répondit Neelahn d’un ton accusateur.

Aussitôt après, la druidesse se retourna et se fraya un chemin à travers les arbres. Recommandant à ses compagnons de suivre ses pas s’ils ne voulaient pas blesser ou chuter dans des ravins, elle les traina à travers des dédales de branches et de feuillage. Les aigrefins ne devaient pas découvrir l’endroit où elle habitait avec ses confrères. Elle ne se voyait pas chercher un nouvel refuge et tout rebâtir. Alors, elle avait choisi de se cacher loin de chez elle et emprunta des chemins difficile d’accès et dangereux. Harmonie et le marchand n’avait rien à craindre puisque l’elfe ouvrait la marche. S’ils suivaient exactement ses pas, tout irait pour le mieux.
Ensemble, ils passèrent à côté de nombreux terrains glissants. La druidesse ralentit lorsqu’elle longea un ravin. Si les aigrefins possédaient des montures, ils ne pourraient pas les suivre ici, à moins de se décider à les poursuivre à pieds. Et comme ce n’était pas une histoire de royaume, Neelahn se disait que cela suffirait amplement à les dissuader de leur courir après. Par sureté, elle emmena tout de même dans un de ses endroits où le simple fait de glisser sur une branche pouvait être mortel. En effet, de grosses pierres aux arêtes aiguisées se mêlaient à la végétation.

« Allé, entrez vite ! »

Une tanière se dissimulait à travers la végétation dense. Il était plus que facile de passer à côté sans la voir. Neelahn l’avait découvert grâce à un ours qui y était sorti. Elle espéra d’ailleurs qu’il était parti faire un tour et que ses amis pourraient emprunter son domicile pendant quelques instants. Un coup d’œil rapide dans la tanière la rassura. Monsieur Ours n’était pas là.
Elle dépêcha alors le marchand, Harmonie et Tigrou. L’endroit était petit, si bien qu’ils devaient se courber pour pouvoir entrer. Et une fois à l’intérieur, ils purent alors remarquer que le rideau qui cachait était tellement dense qu’ils ne pouvaient plus rien voir.
Plongé dans le noir, Neelahn attendit que Tigrou ne lui donne le signal pour sortir. Elle comptait sur son odorat et sa sensibilité pour détecter la présence des aigrefins.
Très peu de temps après qu’elle et ses amis furent entrés dans la tanière, on put entendre des bruits de pas pressés. Dans l’obscurité complète, Neelahn ne pouvait pas voir de qui il s’agissait mais devina qu’il devait s’agir des aigrefins. Tendue, elle serra les poings et se positionna devant Harmonie. Elle venait de leur attirer assez d’ennuis. Inutile d’en rajouter davantage.

Les oreilles aux aguets, Neelahn sentit son cœur battre la chamade. Elle entendit un aigrefin passer tout près de sa cachette. Elle eût tellement peur qu’elle en retînt son souffle. Mais, peu à peu, le danger s’écarta. Les aigrefins firent demi-tour après avoir perdu un ou deux de leur collègue. Et lorsque Tigrou fit un pas en avant, Neelahn émit, tout comme Harmonie, un soupir de soulagement.

Pendant que la druidesse écartait le rideau végétal qui les tenait caché dans la caverne, elle entendit la mage blanche posée ses questions à l’homme qu’elles venaient de secourir. Il semblait très reconnaissant de l’aide qu’elles lui avaient apporté mais il n’avait pas l’air de vouloir se confier à des inconnus. Et d’ailleurs, pourquoi raconterait-il ses problèmes à une adolescente et à une femme de la forêt ? Quelle preuve avait-il de leur sincérité ? Elles venaient de le sauver mais qui sait, peut-être était-ce un piège ?
Suites aux derniers évènements qu’elle avait vécus, Neelahn comprenait ce que cet homme pouvait ressentir. Mais peut-être ne désirait-il simplement pas partager ce qu’il avait en sa possession pour des raisons personnelles. Après tout, cela ne les concernait pas. Et en fin de compte, Neelahn finit même par se demander si cet inconnu était quelqu’un de bien. Peut-être venaient-elles de venir en aide à un brigand qui avait dérobé une pierre d’opale. Qu’en savaient-elles au final ? Il ne fallait pas oublier qu’elles ne savaient rien de lui pour l’instant…

« Vous avez eu de la chance. Si cette jeune fille n’avait pas été là, je n’imagine pas ce qui aurait pu vous arriver… »

Un mince sourire fleurit sur les lèvres de la druidesse mais alors qu’Harmonie semblait curieuse à propos de la pierre d’opale, Neelahn, elle, considérait que ce n’était pas ses affaires.
Elle aperçu Tigrou s’approcher doucement de l’homme et donner un petit coup de museau sur sa veste. Gentiment, il donna un léger coup de patte au niveau du cœur. Cela intrigua Neelahn qui demanda aussitôt :

« Elle est dans votre poche intérieure, n’est-ce pas ? »

Pour toute réponse, l’homme haussa les épaules accompagné d’un air bredouille sur le visage. La druidesse comprit alors qu’elle n’avait rien à craindre de lui. C’était quelqu’un d’honnête qui tentait d’effectuer ce qu’il avait à faire au mieux. Malheureusement pour lui, il semblait avoir échoué dans sa tache. Mais encore une fois, Neelahn ne voulait pas s’immiscer dans des affaires qui ne la concernaient en rien. Alors, elle détourna la tête, comme si elle n’avait que faire de la réponse. En réalité, elle l’avait fait exprès se disant que l’homme se confierait peut-être s’il ne se sentait pas harcelé… Même si Neelahn n’était pas très intéressée par la pierre d’opale, elle avait bien notée que la mage blanche y avait porté un intérêt assez flagrant.

Finalement, la méthode de Neelahn pour faire parler l’homme ne fonctionna pas du tout. Ne se sentant pas vraiment concernée par la pierre d’opale, la druidesse n’insista donc pas.
Ce ne fut pas le cas pour Harmonie qui tenta de faire comprendre à l’inconnu qu’elle ne voulait pas lui faire de mal. En vain. L’elfe vit alors dans les yeux de ce pauvre malheureux qu’il ne désirait qu’une seule chose : rentrer chez lui. Il devait être quelque de bien et de très courageux car Neelahn devina qu’il n’avouerait rien et que pas même la torture ne lui ferait parler. Elle en conclut alors que la pierre d’opale devait avoir une certaine importance. Mais après tout, peut-être s’était-elle trompée. Peut-être que l’homme était tout simplement trop effrayé pour pouvoir sortir quelque chose de sa bouche.

« Tu ne portes pas la poisse. Tu agis seulement trop rapidement sans réfléchir. Mais tu es encore jeune. Je ne peux pas vraiment t’en vouloir. »

Un faible sourire éclaira le visage de Neelahn. D’une certaine manière, elle était contente qu’Harmonie l’ait trainée avec elle dans cette nouvelle aventure. Cela lui avait permis de sauver un innocent. Combien de personnes aurait-il fait pleurer s’il avait fini par trouver la mort dans la forêt ? Combien de temps aurait-il fallu avant que quelqu’un ne passe par là et ne trouve son corps inerte ?
Et puis, même si la mage blanche avait prit des mesures inconsidérées pour venir en aide à cet étranger, ils s’en étaient bien sortis en fin de compte. Ils étaient tous vivants et bien portants. Au final, ce fut ce qui comptait le plus.

Et lorsque les doigts se la jeune fille se crispèrent sur les pans de sa robe, Neelahn ne manqua pas de remarquer ce geste. Inclinant légèrement la tête sur le côté, la druidesse tentait de comprendre ce qui rongeait la demoiselle. Elle venait de sauver une personne. Qu’y avait-il de mal à cela ? Elle n’avait pas beaucoup réfléchi avant de réagir mais au final, seuls les résultats comptent. Pourquoi donc se rongeait-elle l’esprit ?
La druidesse l’entendit reprendre la parole, essayant une nouvelle fois de convaincre l’inconnu de lui révéler les propriétés de la pierre d’opale. Celui-ci se mit alors à la jauger du regard, comme s’il tentait de lire dans son esprit. Ses yeux semblèrent s’illuminer pendant une fraction de seconde mais Neelahn songea qu’il ne s’agissait peut-être que des effets de la lumière.

« En réalité, je suis alchimistes. Je concocte des potions et des élixirs que je vends pour nourrir ma famille. Un jour, des aigrefins sont venus me voir avec cette pierre. Elle avait la capacité de soigner les petites blessures. Ils m’ont demandé si je pouvais amplifier ses effets pour guérir de plus grosse plaies et sauver quelqu’un de la mort. Comme ils m’ont proposé de payer le prix fort pour ce service, j’ai voulu tenter ma chance. »

Il fit une courte pause durant laquelle il se remit à tapoter doucement sur son cœur…

« A cette époque, ma fille était tombée gravement malade et je n’avais pas assez d’argent pour lui préparer de quoi la guérir. Après plusieurs journées de labeur, je finis finalement par amplifier les effets de la pierre d’opale. Cependant, elle ne pouvait servir qu’une seule fois. Quand j’ai rapporté la pierre aux aigrefins, ils ne m’ont finalement pas payé ce qu’ils m’avaient du. En fait, ils sont partis comme ça, sans me donner un seul rond. Et comme je connaissais leur manière de fonctionner, la pierre d’opale que je leur avais donné n’était qu’une réplique de la vraie. Évidemment, ils finirent par s’en rendre compte. Je pensais avoir assez de temps pour partir loin avant qu’ils ne découvrent que la pierre qu’ils possédaient étaient une fausse. Mais je les ai sous-estimés… »
Quelques larmes se mirent à rouler sur son visage.

« Mais comprenez moi. Quand j’ai transformé la pierre d’opale et que j’ai vu qu’elle pouvait soigner une personne, n’importe laquelle, j’ai tout de suite pensé à ma fille. Son état s’était tellement dégradée que je ne voyais pas d’autre solution que de lui donner la pierre. Pour l’instant, son état est stable mais elle ne tiendra pas plus de deux semaines. »

Neelahn passa devant, histoire de montrer le chemin à suivre à ses compagnons. L’homme devait vivre à l’orée de la forêt car il ne la quitta pas du regard. Il suivait exactement chacun de ses pas, ayant peur de se fracasser la tête en glissant sur une branche d’arbre ou un autre obstacle.
A un moment donné de leur progression, Neelahn s’arrêta. Elle fit signe aux autres de les attendre un bref moment. Puis, après s’être transformée en colibri, l’elfe alla sonder les alentours. Et ce qu’elle craignait était bien là. Les aigrefins étaient toujours là. Ils attendaient que leurs victimes ne sortent de leur cachette pour les attaquer sur un territoire moins « dangereux ».

« Demi-tour. On va passer par un autre chemin. »

Revenue auprès de ses amis, Neelahn leur montra le chemin à suivre. Ensemble, ils purent éviter aisément le petit groupe d’aigrefins qui les attendaient. Et une fois qu’ils se furent retrouver sur un chemin plus facilement praticable, la druidesse laissa l’homme leur montrer le chemin jusqu’à son domicile.
Et finalement, Neelahn ne s’était pas réellement trompée lorsqu’elle avait supposé que l’alchimiste habitait à l’orée de la forêt. En réalité, il possédait une jolie maison nichée parmi les arbres mais de chez lui, on pouvait déjà voir la cité de Naturalia se dresser au loin.

Après avoir inséré la clé dans la serrure, l’homme invita ses sauveurs à entrer. Il jeta ensuite un petit coup d’œil dehors, cherchant une quelconque trace des aigrefins. Ne voyant rien, il ferma la porte après que Tigrou fut entré. Il pria ses invités de faire comme chez eux, leur indiquant où se trouvait la cuisine afin qu’ils puissent se restaurer s’ils avaient faims. Pressé d’aller soigner sa fille, il les abandonna rapidement pour grimper quatre à quatre l’escalier qui menait à la chambre de la petite.

N’ayant pas le cœur à manger, Neelahn préféra plutôt se rendre au chevet de la pauvre malade. Bien évidemment, Tigrou suivit son amie et entra avec elle dans la chambre de la fillette.
Son visage maigre avait un teint blafard et elle avait du mal à respirer. Son père lui caressait doucement son front perlant de sueur. Et même si elle agonisait, cela ne l’empêcha pas de faire des yeux ronds lorsqu’elle aperçu le tigre blanc. Mais contrairement à la plupart des gens, ce ne fut pas de la peur qu’on pouvait lire dans son regard. On put alors la voir essayer de tendre ses petits doigts fins pour caresser le pelage de Tigrou. L’animal s’approcha et se laissa faire pendant que le père déposait la pierre d’opale sur la poitrine de sa fille.

Le gros caillou se mit à scintiller, comme un diamant éclairé par mille et un rayons de soleil. Émerveillée, Neelahn contemplait ce spectacle sans cligner des yeux. Le visage de l’enfant reprit peu à peu de ses couleurs. A présent, elle semblait seulement éreintée… Et, lorsque la pierre d’opale eût terminée son travail, elle devînt aussi noire que du charbon.
L’homme se releva et pria ses invités de sortir de la chambre. Sa fille s’était endormie. Il lui faudrait sans doute quelques jours de repos avant qu’elle ne soit à nouveau prête à courir et sauter partout comme les jeunes enfants de son âge. Mais désormais, elle était guérie et son père était plus qu’heureux.

« Je vous en prie, restez un peu, le temps que ma femme rentre. Il faut que je vous la présente. Elle sera heureuse d’apprendre que vous avez contribué à la guérison de notre fille. »

Au final, tout avait fini par s’arranger. Mais Harmonie ne semblait pas satisfaite d’elle-même, comme si elle considérait que sa mission n’avait pas été accomplie correctement. La druidesse qui l’accompagnait se demandait pourquoi elle réagissait ainsi. Elle ne tarda pas à avoir la réponse…

La mère de la petite malade fit ensuite son apparition, ne laissant ainsi guère le temps à la druidesse de consoler la mage blanche. La femme semblait tellement heureuse qu’elle en était sur le point de serrer l’adolescente dans ses bras. Et elle l’aurait probablement fait, si la demoiselle n’avait pas affichée sur son visage un air froid et distant. Au lieu de cela, elle se contenta donc simplement de la remercier et fit de même avec Neelahn qui trouva enfin un petit moment pou placer ce qu’elle avait à dire à la jeune fille.

« Tu ne devrais pas t’angoisser pour rien. Les aigrefins ne chercheront pas à nuire à cette famille. La pierre d’opale ne pouvait que soigner qu’une seule personne et que feraient toute une horde de soudards d’un simple caillou qui ne pourrait qu’aider qu’un seul d’entre eux ? Fais moi confiance, cet objet n’est pas assez important pour que ces hommes traversent les monts et les déserts pour se venger. Ils vont peut-être pester pendant quelques heures mais il leur faudrait plusieurs jours avant de trouver cette maison. N’oublie pas que personne na réussi à nous suivre et je ne pense vraiment pas qu’ils vont s’amuser à parcourir toute la forêt pour mettre la main sur quelqu’un qui ne possède plus l’objet. Ils ont mieux à faire. »

La druidesse posa une main réconfortante sur l’épaule de l’adolescente.
Pendant ce temps là, la mère était partie s’affairer dans la cuisine. Les douces flagrances qui en émanaient éveillèrent immédiatement l’appétit de l’elfe. En attendant son ventre gargouiller, l’homme sourit et les jeunes femmes à venir manger avec sa femme et lui. Ils leur devaient au moins ça et il avait l’air d’être impatient d’en connaître davantage sur ses sauveuses.
Il dressa la table et invita Harmonie et Neelahn à s’asseoir. La druidesse ne se fit pas prier. Elle avait hâte de manger un bol de soupe (car, si son odorat ne lui trompait pas, c’était bien de la soupe que l’on sentait !). Elle se rappela avoir mangé il n’y a pas si longtemps que cela mais les derniers périples lui firent comprendre qu’elle n’avait pas englouti assez de nourriture.

« Allé, ne t’en fais pas. Viens t’asseoir avec moi. On va bien manger ! »

L’homme tenta aussi de rassurer Harmonie en disant que, de toute façon, il avait prévu de déménager prochainement avec sa famille. Ils avaient trouvé une demeure dans Naturalia et pensaient qu’il serait plus confortable de vivre dans une cité, ne serait-ce que pour l’éducation de leur fille. Et puis, au moins, là-bas, il y aurait des gardes pour les protéger.

A son plus grand regret, tout ce que pouvait dire Neelahn ne suffit pas à apaiser l’âme tourmentée d’Harmonie. Quand le père de famille leur révéla son intention d’aller vivre en ville, la mage blanche tenait absolument à les accompagner afin de veiller sur leur sécurité. Elle ne semblait même pas être soulager de les voir venir habiter dans un endroit plus sécurisé. Sa hantise qu’il n’arrive un quelconque malheur à cette famille trônait par-dessus tout. Alors, bien évidemment, la druidesse se demanda pourquoi. Ses pensées glissèrent sur la pierre d’opale, là où tout avait commencé. Les aigrefins allaient-ils vouloir se venger pour cet artefact perdu à jamais dont l’alchimiste avait réussi à augmenter la puissance ? La peur qui se lisait dans les yeux de la mage blanche fit douter l’elfe. En quoi une pierre capable de ne soigner qu’une seule personne pouvait susciter l’intérêt des aigrefins ? Après tout, ils étaient toute une horde. Et ce fut à ce moment là, que Neelahn comprit la façon de pensée de l’adolescente. L’ordre de ramener la pierre d’opale venait peut-être du chef suprême. Sans doute la convoitait-il pour lui-même. Mais au vu de l’importance de la pierre, pouvait-il laisser cette mission à n’importe quel de ses serviteurs ? Les aigrefins que Neelahn avait rencontré dans la forêt étaient loin de ressembler à des hauts gradé… hormis peut-être un…

La druidesse se sentit tendue. D’habitude si optimiste, elle ne savait désormais plus quoi penser de la situation. Elle eût tout le temps de méditer pendant que la mage blanche grimpa à l’étage pour apporter le repas à la fillette malade. Tournant machinalement sa cuillère dans son bol de soupe, Neelahn se demandait jusqu’à quel point les aigrefins pouvaient être rancuniers. Allaient-ils vraiment poursuivre cette famille modeste jusqu’au bout du monde ? Leur rancœur pouvait-il aller jusqu’à là ? Jusqu’à ce qu’elle ne voit le visage d’Harmonie, Neelahn était persuadée que ces soudards avaient bien mieux à faire que de courir après un alchimiste… Est-ce que le monde était si mauvais que cela ?

« C’est tout ? Et vous, qui êtes sa mère, ne vous-êtes pas aperçu qu’elle avait simplement attrapée froid et qu’il suffisait de la couvrir comme il le fallait ? »

Renversée par les paroles d’Harmonie, Neelahn en laissa tomber sa cuillère dans son bol.

« Vous rendez-vous compte qu’avec cette pierre, vous auriez pu sauver quelqu’un qui aurait été vraiment à la limite de la mort ? »

Elle pensait à tous ces malheureux qui gisaient dans les hospices condamnés à une mort lente et douloureuse. Elle pensait aussi à tous ces chevaliers qui mettaient tous les jours leur vie en danger afin de secourir des gens qu’ils ne connaissaient même pas.
Et puis, surtout, elle en voulait aux parents d’avoir été incapable de reconnaître que leur fille avait attrapée froid et qu’il suffisait simplement d’un pu de chaleur pour la guérir. Harmonie était mage blanche et Neelahn n’avait donc pas douté un seul instant de ses paroles lorsqu’elle leur fit part de son diagnostic.

Stupides. Voilà comment la druidesse qualifiait désormais cet homme et cette femme qui se tenaient face à elle. Avant de donner la pierre d’opale comme remède à leur enfant, ils auraient pu consulter Harmonie. Elle était mage blanche après tout. Et puis, Neelahn s’en voulait aussi de ne pas avoir vu que l’enfant avait simplement attrapé froid et que son état n’avait pas été aussi alarmant que cela. Elle vivait dans la forêt, elle connaissait très bien ce genre de chose. Elle s’en voulu alors de ne pas avoir regardé la petite plus attentivement. Ah ! Quel gâchis tout de même ! Cette pierre aurait pu servir à un grand mage ou un tout autre protecteur de Nel Beraid.

« Personnellement, je ne pense pas que les aigrefins vont vous courir après mais je ne donne pas chère de votre peau si jamais vous croisez accidentellement leur route. » dit-elle alors pour en revenir à leur désir de venir vivre à Naturalia.

Un calme grandissant avait fini par naître chez Harmonie. Neelahn se demanda comment cela était possible. Quelques minutes plus tôt, la mage blanche culpabilisait à un tel point que la druidesse avait fini par se demander si un jour, l’adolescente finirait par dormir en paix.
Et là, elle souriait et donnait des conseils aux parents pour qu’ils puissent prendre soin de leur fille adorée, ce qui, apparemment, déplu à l’alchimiste. Les yeux écarquillée, elle observa sans rien dire la scène qui se déroula tout d’un coup sous son nez.

Apparemment heurté dans son orgueil de se voir faire des recommandations par une personne plus jeune que lui, il s’emporta allant jusqu’à vouloir frapper la mage blanche. L’adolescente s’en sortit malgré tout très bien et rien de fâcheux ne se produisit.

« Vous devriez avoir honte de vous montrer si peu reconnaissant envers elle. Si elle n’avait pas été là, vous seriez mort à l’heure qu’il est. Tâchez de vous en souvenir la prochaine fois que vous voudrez porter la main sur elle. »

Neelahn s’approcha d’Harmonie et posa une main douce sur son épaule.

« Viens, nous n’avons plus rien à faire ici. Laisse tes gellules sur la table. S’ils ne veulent pas les donner à leur fille, tant pis pour eux et ce qui lui arrivera ne sera pas de ta faute car tu auras tout fait pour prendre soin d’elle.
_ Oui, c’est ça, allez-vous en ! On ne veut plus de vous ici !
_ Papa ! J’aime pas quand tu cries !
_ Toi, retourne dans ta chambre ! »

La fillette prit la boîte qu’Harmonie lui tendait. Elle la remercia puis, après avoir esquissé un faible sourire, elle remonta en vitesse se cacher sous sa couette. Sa mère, quant à elle, tentait de raisonner son mari mais elle aurait pu discuter avec un mur, on en n’aurait pas vu la différence.
Neelahn était choquée par le comportement de l’alchimiste. Jamais elle n’avait vu quelqu’un réagir aussi violemment envers quelqu’un qui venait de lui sauver la vie. Elle ne comprenait pas comment cela pouvait être possible. Était-il donc si indifférent et si peu reconnaissant que cela ?

« Lorsqu’on aide quelqu’un, il ne faut jamais s’attendre à un quelconque retour… » marmonna-t-elle.

Cette phrase, l’elfe la tenait de son père, mort lorsqu’elle était encore assez jeune.
La druidesse ne s’attendait pas un présent ou à une statue érigée en l’effigie de Harmonie et elle mais en sauvant l’alchimiste des aigrefins, elle pensait au moins qu’il leur montrerait un peu plus de respect qu’en cet instant précis.

« Viens… » dit-elle à nouveau à Harmonie.

Tournant les talons, Neelahn se dirigea vers la porte. Par delà les fenêtres, elle aperçut que le soleil scintillait dans un ciel parsemé de quelques nuages. A l’horizon, il n’y avait nulle trace de soudard et l’elfe en conclu que chez eux, la petite famille ne risquait rien. Et puis, de toute façon, cette histoire de la regardait plus. Elle n’avait plus envie de s’y mêler, surtout après avoir vu comment le père de famille avait réagit face aux paroles de ses deux sauveuses. Se tenant dans un coin de la maison, la mère murmura quelques excuses. L’elfe lui sourit tristement. Parfois, la vie se montrait décevante.

Sur le chemin du retour, la mage blanche et la druidesse n’échangèrent aucun mot pendant un long moment. Neelahn ruminait dans son coin sur ce qui venait de se passer. En venant en aide à l’alchimiste, elle ne s’était à aucun moment attendu à se voir offrir un repas de sa part. En revanche, elle pensait qu’il éprouverait de la gratitude envers Harmonie et elle, ce qui ne fut pas le cas. Et pendant que ses pieds avançaient mollement sur la route, la druidesse finit par se consoler en se disant que ses actes auraient au moins permis à soigner une fillette.

« Hein ? Quoi ? »

Plongée dans ses pensées, Neelahn avait été surprise par la demande de la mage blanche. Et si cette dernière croyait fermement que cette question était complexe, la druidesse, elle, trouvait que la réponse était aussi simple que respirer :

« Bien évidemment. N’as-tu donc pas remarqué comment l’alchimiste s’était précipité pour donner la pierre d’opale à sa fille ? Même s’il nous a traitées comme des moins que rien, il ne faut pas oublier qu’il a risqué sa vie pour trouver un remède destiné à son enfant. »

Tout comme l’alchimiste, certains parents pouvaient montrer un comportement excessif et injuste envers leurs enfants. Pourtant, on ne pouvait considérer cela comme une mauvaise intention. Disons plutôt que c’était de la maladresse ou une mauvaise éducation.
Neelahn ne s’inquiétait pas pour la fillette. Elle savait bien que ses parents la traiteraient comme il faut. Elle tentait de le faire comprendre à Harmonie.

« Ce n’est pas parce qu’un inconnu se montre cruel envers toi qu’il agira de la même manière avec sa famille. Tu sais, la plupart des gens ne se comportent pas de la même manière envers les personnes proches et les personnes qu’ils ne connaissent pas. Moi, je t’avoue que j’ai la sale manie de considérer tout le monde de la même façon mais les évènements récents m’ont appris que je ne pouvais pas continuer ainsi.»

Et même si un sourire venait de fleurir sur son visage, son visage trahissait une certaine déception.

« Même si je n’en ai jamais vu, je sais que certains parents se montrent très égoïstes et sans scrupule envers leurs enfants. Moi, je suie très contente d’avoir pu connaître mon père. Il m’a appris beaucoup de choses. Il m’arrive souvent de penser à lui malgré le temps qui s’était écoulé depuis sa mort. »

Lorsqu’elle était plus jeune, Neelahn croyait que le monde n’était fait que de belles choses. En grandissant, elle avait apprit que tout n’était pas aussi rose que dans les contes et depuis, il lui arrivait quelque fois de garder son optimiste.

« Et toi, comment ils sont tes parents ? Ils ne sont pas inquiets de te voir partir toute seule dans la forêt ? »

La druidesse ne savait pas qu’Harmonie était orpheline mais elle après avoir posée sa question, elle commença à se dire qu’il était bien probable que l’adolescente avait perdu ses parents. Depuis qu’elles se connaissaient, à aucun moment elle ne l’avait entendu évoquer son père ou sa mère et pourtant, elle était encore bien jeune...

Harmonie répondit aux questions de Neelahn mais cette dernière voyait bien que l’adolescente n’avait pas envie de s’attarder sur le sujet. Ce fut donc sans ajouter un mot de plus que les deux demoiselles marchèrent jusqu’à la cabane. La druidesse était désolée pour la mage mais il fallait relativiser les choses. Au moins, elle avait eu l’occasion de connaître sa mère et son frère. Neelahn, quant à elle, ne savait même pas si elle avait eu une sœur ou un frère mais si son père ne lui en avait jamais pipé un mot, ce fut probablement parce qu’elle était fille unique.

Lorsqu’elles rentrèrent dans la cabane, Neelahn aperçut Mentali pelotonné confortablement sur son lit. Cela la fit sourire. De part sa présence, ce petit chat venait d’apporter un petit rayon de soleil à cette journée si morose. La druidesse ne pouvait que lui en être reconnaissante. S’approchant de lui, elle lui caressa la tête tandis que Tigrou le taquiner à coup de léchouilles.

« J’espère que tu ne t’es pas trop ennuyé. »

D’une certaine manière, Neelahn se disait qu’elle aurait mieux fait de rester chez elle. Cela lui aurait évité cette cruelle déception qui la tenaillait depuis qu’elle avait quitté la maison de l’alchimiste. Elle n’arrêtait pas de se rabâcher mentalement les mots de son père. Lorsque tu aides quelqu’un par bonté, il ne faut jamais s’attendre à quoi que ce soit en retour. Cependant, elle ne put se s’empêcher de penser que le comportement de l’homme avait été insultant. N’arrêtant pas de croire qu’il aurait pu montrer plus de respect, la druidesse finit par se demander si elle avait une bonne âme. Elle s’était toujours cru aussi bénéfique qu’Harmonie mais après avoir vécue ces derniers évènements, elle commença à douter de sa bonté. Qu’en pensait la mage blanche ? Son visage n’affichait aucune rancœur.

« Dis-moi, c’est ton objectif que de venir en aide à toux ceux qui en ont besoin, non ? Est-ce que ça t’arrive de tomber sur des personnes comme cet homme que nous venons de rencontrer ? Est-ce que c’est normal ? »

Neelahn connaissait déjà les réponses à toutes ces questions mais elle les avait posées à voix haute car elle voulait tout de même en avoir la certitude. Puis, elle essaya de se consoler en se disant que, de toute façon, ce n’était pas sa fonction que d’aider son prochain. Elle n’était qu’une druidesse, une gardienne de la nature. Tout comme ses confrères, elle s’occupait bien peu de l’humanité et comme le dirait le chef des druides, l’homme ne faisait qu’abimer ce que la déesse de la Nature avait confectionné. A cause de la dernière guerre, le désert s’était agrandi, engloutissant des paysages entiers sur son chemin. Aux dernières nouvelles, on disait qu’il continuait lentement son ascension. Elle se voyait très mal vivre sur du sable et souffrir éternellement de la chaleur du soleil. Et lorsqu’elle songea aux conséquences que cela aurait sur la nature, Neelahn en eut des frissons sur tout le corps.

La réponse d’Harmonie consola quelque peu la druidesse. Ainsi donc tous les gens ne se comportaient pas de manière aussi odieuse. Pourtant, elle n’arrivait pas à faire disparaître cette amertume qu’elle ressentait. Contrairement à l’adolescente, Neelahn n’avait pas eu l’occasion de rencontrer beaucoup de monde. Ainsi, chaque personne qu’elle avait pu croiser était restée inscrite dans sa mémoire et c’est ainsi qu’elle se faisait une idée du monde dans lequel elle vivait. Et pour l’instant, le moins qu’on puisse dire ce fut qu’elle était assez déçue parce ce qu’elle avait vécu dernièrement. Néanmoins, elle ne voulait pas condamnée tout le monde. Elle savait bien que les êtres n’étaient pas tous aussi égoïstes et irrespectueux. C’était par exemple le cas d’Harmonie et d’autres personnes que la druidesse avait pu rencontrer durant ses quelques voyages hors de sa forêt.

« Que t’est-il arrivé ? Moi, je trouve que tu es une charmante jeune fille et j’aimerais bien que tout le monde puisse avoir ta bienveillance et ta bonté. »

En fin de compte, Neelahn ne connaissait aucune ligne de l’histoire d’Harmonie. Elle ne comprenait donc pas pourquoi la jeune fille ne souhaitait à personne d’être comme elle. A ses yeux, Harmonie était une personne tout à fait remarquable pour son âge. Tandis que les autres passaient leur temps à rire et à s’amuser, Harmonie, quant à elle, venait en aide au plus démuni et se souciait du bien être de ses confrères. Pour Neelahn, ces actes étaient tout à fait dignes de recevoir des louanges.

« Ce que tu dis n’a pas beaucoup de sens. La fillette n’avait pas l’air d’être maltraité par ses parents. Il n’y a donc aucune chance qu’elle ne devienne folle. »

Mais peut-être qu’Harmonie réagissait-elle ainsi car elle n’avait jamais eu de parents. Peut-être était-ce pour cette raison que la demoiselle interprétait très mal chaque geste qu’un père ou qu’une mère pouvait faire envers son enfant. Et pourtant, combien de fois Neelahn avait vu un de ses confrères donner gronder sur son enfant comme le tonnerre car il avait fait une bêtise ! La druidesse se souvînt alors de la fois où son père lui avait donné une claque monumentale car elle était partie s’amuser toute seule en dehors du périmètre autorisé. Elle se souvînt d’avoir gardé la marque de ses doigts sur sa joue pendant très longtemps. Sur l’instant, comme n’importe qui, la druidesse l’avait mal prit mais avec le temps, elle avait compris que son père s’inquiétait simplement pour elle et ce n’était pas par malveillance qu’il avait levé la main sur elle. Et puis, en y resongeant, c’était la seule fois de toute sa vie qu’il lui avait fait mal. Sans doute s’en était-il voulu de l’avoir frappé aussi fort et que ce fut pour cette raison qu’il n’osa jamais recommencer.

Après s’être installé aux côté de la mage blanche, Neelahn plongea son regard dans le sien. Il y avait quelque chose de tragique dans ses yeux, quelque chose qui échappait à l’elfe. Elle n’en était pas sûre mais il lui semblait qu’Harmonie ne lui racontait pas tout et elle n’avait pas l’intention de la forcer à lui dévoiler tous ses secrets. Après tout, vis-à-vis d’elle, elle n’était qu’une personne qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer dans le manoir des Siderea, rien de plus.

« Tu as enterré tous les cadavres que tu as vu ? Mais il devait y en avoir pleins, non ? Ça t’a pris combien de temps ? »

Le moins qu’on puisse dire, ce fut que Neelahn était sidérée. Harmonie avait du être vraiment courageuse pour creuser les tombes et enterrer chaque personne les unes après les autres. Elle avait sûrement dû éprouver des difficultés à soulever les corps des adultes et la druidesse était bien curieuse de savoir comment elle s’y était prise. Mais sachant qu’il s’agissait là d’une curiosité déplacée, l’elfe se garda bien de poser cette question à voix haute. De plus, plusieurs éléments de l’histoire de la mage blanche l’avaient interpelé. En fait, elle ne comprenait tout simplement pas comment une humaine avait pu faire autant de choses en quelques années seulement, d’autant plus qu’elle n’avait pas atteint l’âge adulte.

« Si tu as tué autant de mages noirs que tu ne le prétends et que ta tête est mise à prix, je me demande pourquoi je n’en ai jamais eu vent. Ce sont des choses qui se répètent de bouche en bouche avec une vitesse aussi grande que la peste. »

La druidesse tentait de se remémorer des commérages qu’elle avait entendu et elle ne se souvenait pas d’avoir entendu que Malificium recherchait une jeune fille et récompenserait quiconque ramènerait sa tête au bout d’un piquet. Et puis, Neelahn devait bien se l’avouer, elle avait beaucoup de mal à imaginer Harmonie commettre autant de meurtres, même si ses raisons étaient justifiées.

« Tu as du être très jeune lorsque tu as commis tous ces massacres, je me trompe ? »

L’elfe se remémorait les paroles de la mage blanche. Elle lui avait dit qu’elle avait dû mettre plusieurs années avant de trouver le responsable de la destruction de son village. Donc, par pure logique, cela signifiait donc qu’elle avait du enterré ses voisins lorsqu’elle n’était qu’une enfant. Peut-être n’avait-elle-même pas dix ans à l’époque ? Neelahn en était tout simplement effrayée. Jamais aucun enfant ne devrait connaître pareilles horreurs.
Lorsqu’Harmonie avait commis ses premiers meurtres, elle était à peine adolescente. La druidesse ne savait pas comment se comportait les enfants de Malificium mais elle était persuadée qu’ils ne devaient pas avoir dû commettre autant de meurtres que la jeune fille. Du coup, cela ne l’étonnait pas d’apprendre qu’Harmonie était quelque peu perturbée. Cela était compréhensible de savoir qu’elle avait été marquée par ces sombres évènements. Cependant, Neelahn avait bien du mal à croire tout ce que la mage était en train de lui révéler.

« Je suppose que tu culpabilises d’avoir tué tant de monde… »

Puisqu’elle s’évertuait à présent à sauver le monde, Neelahn comprit d’après son histoire qu’Harmonie devait s’en vouloir d’avoir tuer les pères et les mères de nombreuses familles. Elle avait privé des enfants de leurs parents mais au fond, elle n’avait que rendre la monnaie de sa pièce. Et puis, d’une certaine manière, n’était-ce pas mieux ainsi ? Les parents auraient élevés leurs enfants dans le but de saccager et piller des villages. Leur éducation auraient été mauvaises. Pour Neelahn, Harmonie n’avait pas à culpabiliser. Et puis, le passé appartenait au passé et seul le présent importait. Après tout, tout le monde avait droit de faire des erreurs et il valait mieux tuer un mage noir qu’un chevalier, n’est-ce pas ?