J’ai toujours vu ma vie comme une banalité, et je l’avais depuis longtemps accepté. Je voulais être quelqu’un de normal, livrant les potions et les herbes à ceux qui seraient assez généreux pour m’en prendre pour une ou deux pièces. Mais même si ma volonté et mon métier font de moi un garçon ordinaire, mon esprit et mon corps voudrait autres choses de bien plus surnaturel. Voilà quelques temps que j’ai quitté la compagnie de Gill, le mage blanc qui m’avait aidé dans le parc, et c’est aussi devant lui que le feu est réapparu, pour le défendre. Je ne me suis jamais imaginer ainsi, moi qui fuit le moindre problème, non pas que j’ai envie, mais surtout par crainte. Je n’étais pas comme tous ces grands héros d’antan à me jeter à l’eau pour sauver quelqu’un. Je crois qu’on appelle ça le traque ou quelques choses dans ce genre-là. Je manque de confiance en moi, ça doit être ça.

Ce jour-là, je ne travaillais pas, et donc je n’avais pas ma charrette avec moi. J’avais décidé d’aller à la tour de Naturalia pour méditer un peu sur tout ça, si je devais poursuivre bêtement ma voie ou apprendre à maitriser ce qui me faisait le plus peur…la magie qui coulait en moins. J’étais assis sur un banc pas loin du jardin des roses de la tour et je regardais les passants en me demandant ce qu’il penserait de tout ça. Bien entendu, je n’oserais pas les déranger pour ça, ils devaient surement avoir assez de problème comme ça. Y parait qu’ici venaient s’exercer les mages rouges, y parait que j’en suis un moi aussi, enfin j’en ai pas tellement envie en ce moment. J’avais plus l’air d’un garçon de dix-huit ans, de corpulence normal et de taille normal. Je portais une tunique bleue et le seul signe qui sortait de l’ordinaire était ma petite cicatrice en dessous de mon œil gauche, un souvenir que ma famille m’a laissé avant de partir. Et contrairement à d’autres, je n’avais pas d’arme, juste des outils de jardinage de temps à autre, mais rien de plus. Je me ferai sans doute plus mal à moi qu’à une éventuelle cible, car dans l’immédiat je n’ai envie de frapper personne. L’après-midi présentait un très beau soleil qui me faisait de l’ombre derrière les grands arbres. J’aime le Soleil, j’ai l’impression de me sentir plus en forme quand il fait chaud. Au point que je trouve ça dommage de rester tout seul assis sur mon banc, j’avais l’air si banal que ça ?

Je me suis mis alors à me rappeler de mon don du feu, Gill, m’avait conseillé de mieux le contrôler et ainsi ne plus en avoir peur, ce n’était pas une mauvaise idée, je ne savais pas trop par où commencer, et si j’essayais…une simple flamme ? J’ouvris ma main devant moi et me concentra de manière intense. Rien ne se produisait, y avait-il un bouton ? Une phrase magique à prononcer ? Je retentais l’expérience encore une fois puis je finis par soupirer et c’est là qu’une jet de flamme sortit de ma main pour aller s’éteindre au pieds d’une passante à la chevelure rouge…oups…j’avais mis ma main devant la bouche, les yeux grands ouverts, je ne savais pas trop quoi dire, ni trop quoi faire, je ne savais même pas comment ces flammes étaient sorti de moi.

« Dé..dé..désolé mademoiselle… ! »

C’était tout ce que je pouvais dire sur l’instant…

Pour une fois, Bethdenn s'est levée tôt pour travailler. Elle s'est habillée, a pris ses affaires et est allée s'installer dans une des salles d'alchimie pour s'entraîner en herboristerie.
L'endroit était désert à cette heure matinale, tant mieux : elle voulait en profiter pour s'exercer en magie aussi. Maîtriser le feu qui brûle depuis toujours en elle n'est pas toujours chose aisée, mais Bethdenn a appris depuis longtemps. Elle est capable de créer une flamme de taille moyenne et de l'orienter vers ce qu'elle souhaite enflammer ; pas encore assez cependant pour se défendre avec sa magie.
Quatre heures plus tard, la salle commençait à se remplir ; Bethdenn ferme ses livres, époussette sa robe quelque peu roussie par endroits, et sort, son livre d'herboristerie entre les mains.

La potion de soin : cèpe et solanacée. Les solanacées, hum.... une pomme de terre, ça ira ? Bon, on va essayer...

Elle marche, perdue dans sa lecture, et sort machinalement de la Tour en direction de l'allée marchande grouillante de monde. Mais les odeurs et le bruit perturbent sa concentration, et lorsqu'un passant l'apostrophe vertement parce qu'elle lui est rentré dedans – le nez dans un livre, on ne voit pas très bien où l'on va – elle décide de rebrousser chemin. Hélas, cette journée est placée sous le signe de la malchance : voilà qu'une flammèche vient mourir juste à l'endroit où elle allait poser sa botte ! Interloquée, Bethdenn sursaute, et cherche d'où vient l'agression, la main tendue vers sa chaussure où se dissimule son poignard ; pas besoin, un jeune garçon en tunique bleue vient s'excuser en bafouillant devant elle, visiblement embarrassé. Il a l'air parfaitement inoffensif, ce qui rassure la rouquine ; elle se détend, et sourit gentiment à son interlocuteur.

« Ce n'est rien, ça nous arrive à tous ! Le feu est parfois difficile à maîtriser complètement... »

Pour preuve, elle désigne le bas de sa robe, noirci par une expérience un peu ratée en la matière, et lui adresse un clin d’œil complice.

Mon battement de cœur se remit à la normal quand j’ai pu constater que cette jeune femme était compréhensive envers l’ardeur de la tâche. Et mieux encore, d’après ce qu’elle essayait de me dire, elle aussi possédait se don flamboyant. En ayant cette information en tête, une multitude de questions me vint à l’esprit à ce sujet-là. Elle portait des livres, et donc elle devait être studieuse et donc connaître la magie un peu mieux que moi.

« Le hic…c’est que je le contrôle pas du tout… »

Je me grattais l’arrière du crâne avec un grand sourire à cette révélation. Le plus étrange, et ce n’était pas une sensation déplaisante, je ne me sentais pas rejeté ou regardé comme un insecte. A croire que finalement que ce lieu était fait pour moi, ou plutôt, des gens aux dons élémentaires. Puis, poliment et comme mon éducation le permettait je me présentais en lui tendant la main.

« Je m’appelle Charly, je suis livreur de potions…Charly Calcicendre…vous étudiez beaucoup à ce que je vois… »

Je n’ai jamais pu étudier de manière sérieuse, car lorsque ma famille était encore en ville, je devais prendre soin d’eux. Empêcher ma sœur de prendre les mauvaises décisions envers ses nombreux amants, encourager mon frère dans ses exploits, dire à mon père que j’existe et aider ma mère dans les corvées pour que tout le monde puisse manger le soir, surtout moi. Cette femme avait donc un grand avantage sur moi et je l’admirais déjà. Elle ressemblait un peu à mon grand frère qui lui réussissait tout dans sa vie, mais il n’jamais constaté que son plus grand fan était son petit frère. Maintenant que cette période est passé, je pouvais très bien abandonner ma vie de livreur pour me consacrer à des études, pas spécialement en magie, mais aussi pour la culture général et apporter mon aide à plus de gens que les vieux de la ville qui ont des rhumatismes. Mais dans l’immédiat, c’est à elle que je voulais parler, savoir ce qu’elle faisait et surtout d’où elle venait, pour avoir décidé d’étudier à la tour naturelle.

Qu'il est mignon ce petit!
Bethdenn serre la main tendue, et se présente à son tour:

"Bethdenn Dala, apprentie mage. Ravie de te rencontrer! Livreur de potions, tu dis? Hum, je pourrais avoir besoin de tes services de temps à autre..."

Soudain consciente qu'elle a l'air de vouloir déjà profiter du gamin, la rouquine se reprend.

"En échange de quelques leçons sur la maîtrise du feu, si ça t'intéresse!"

Elle le détaille rapidement; Vêtements un peu usés, un peu trop grands, sûrement ceux d'un grand frère; l'air perdu et troublé de ceux qui ne savent pas encore où est leur place en ce vaste monde; ce doit être encore un adolescent. Une cicatrice sous l'oeil gauche, hum... des bagarres inavouables ? Non, il ne semble pas être le genre à se prendre pour un héros à la nuit tombée... Un voleur ? alors il cacherait son identité, et son pouvoir débutant. Décidément, il a l'air honnête, gentil, et particulièrement inoffensif.
Tout à fait l'opposé de Cal... Amusant. Pour une fois, je serais le professeur, et non l'élève!
Alléchante perspective, Bethdenn se voit déjà mentor vénéré par le gamin aux yeux agrandis d'admiration... Ah, les rêves de gloire.
Revenant à la réalité, elle considère à nouveau Charly - drôle, son nom, ça évoque vraiment le feu - et l'interroge:

"Mais si tu as un pouvoir élémentaire, tu devrais prendre des cours à la Tour Naturelle! Il suffit d'aller s'y inscrire, ils ont aussi un dortoir et des salles d'entraînement exprès pour les apprentis. Je n'y suis que depuis peu, mais j'ai déjà beaucoup progressé."

Bethdenn avait vraiment l’air gentil et serviable. Je ne savais pas trop ce qu’elle avait en tête ou quel pouvait être son caractère, mais si elle pouvait m’apporter des réponses sur ce don que je ne contrôlais pas ça serai formidable. J’aurai jamais cru un seul instant venir ici dans le seul objectif de m’améliorer, moi qui me moquait complétement de la magie. Mais bon, ce n’est pas comme si j’avais le choix d’un côté, je me disais à chaque fois que mon pouvoir grandirai avec moi et qu’il fallait à tout prix qu’un jour j’apprenne à le maîtriser avant qu’il me consume. Là où ça devenait intéressant, c’était son intérêt pour mon métier. J’appréciais pouvoir lui venir en aide à mon tour, c’était un échange agréable et très instructif. J’étais un bien piètre magicien, mais à la fabrication de potion et le soin de plantes et des herbes, j’étais bien plus doué. Malheureusement, ce jour-là, je n’avais pas pris mon petit chariot avec moi, je ne pouvais pas trop lui montrer, peut être que dans la tour ils avaient ce qu’il fallait. Surement.

« Je serai ravi d’écouter vos enseignements sur la magie, autant que vous aider en herboristerie. Et vous avez raison, il est temps que j’intègre un lieu adapté pour apprendre à ne pas me blesser et surtout les autres. Vous savez, j’ai toujours eu peur du feu…à cause de lui, j’ai étais traité de monstre et j’ai perdu mon foyer et ma famille est partie…je n’aimerai pas que cela se reproduise. J’aimerai pouvoir compter sur vous…si vous voulez bien… »

Ça pouvait paraitre bizarre à une inconnu, mais cette inconnue avait le feu en elle aussi et donc j’étais à peu de chose près pareil. J’évitais aussi de trop parler de mes malheurs car ça avait tendance à agacer les gens. Mais là, ce n’était pas pour culpabiliser, me lamenter ou me prendre en pitié, c’était surtout pour lui faire comprendre que c’était très important pour moi-même si je savais que ma famille ne reviendrait jamais. Depuis toujours je vivais avec de la pitié que les gens avaient de moi, d’un côté ils n’avaient pas tort, mais j’aimerai que ça change quand même.

« Je peux vous demander de me faire une démonstration ? ça pourrait m’aider à voir les possibilité d’un tel don. Tout ce que j’ai réussi à faire jusqu’à maintenant c’est de bruler des objets que j’empoignais, de m’enflammer entièrement et de…vous jeter une flammèche au pied…et tout ça sans l’avoir vraiment voulu. »

Elle l'écoute avec attention, et fronce les sourcils quand il évoque la réaction de son entourage. Une sensation désagréablement familière l'envahit – une famille qui vous abandonne parce que vous êtes... eh bien, qui vous êtes, elle connaît. Cette seule raison, s'il y en avait besoin d'une, suffit à la décider : elle va aider ce garçon, sympathique et doux, à devenir un vrai mage. Et puis, elle n'a pas beaucoup d'amis, un de plus ne sera pas de trop ! Celui-là a l'air du genre extrêmement loyal, cela pourra servir un jour...
Intérieurement, elle morigène la petite voix qui lui souffle de telles pensées. D'où lui vient ce penchant manipulateur ? Cal, certainement. Elle a été à bonne école !
Revenons à Charly, qui demande une démonstration. Ça tombe bien, elle a justement appris de nouveaux « tours » si l'on peut dire, autant en faire profiter un public favorable.
Bethdenn hoche la tête en souriant, et déclare :

« Va pour une démonstration ! Mais viens avec moi à l'intérieur, ce sera plus prudent pour les autres... et pour nous ! »

Elle pouffe de rire, et attrape la main du garçon pour l'entraîner à sa suite en direction de la tour naturelle. Son marbre rutile comme toujours, et en pénétrant le hall, la mage songe à l'émerveillement du novice qui la suit ; certainement identique au sien, la première fois qu'elle était venue. Ce n'était pas si loin...
Elle le mène dans les salles d'entraînement, situées au rez-de-chaussée, en choisit une libre, pose ses affaires.

« Mets-toi à l'aise, personne ne nous dérangera ici. Tu pourras aussi me montrer de quoi tu es capable ! »

Petit clin d'oeil pour le mettre en confiance, puis elle se concentre. D'abord quelque chose de simple, elle fait apparaître une petite flamme au creux de sa main. Puis, à l'aide de quelques mots murmurés, elle fait grandir le feu, jusqu'à ce qu'il soit aussi haut qu'elle, et elle le libère d'un coup sec : la flamme tombe au ralenti jusqu'au sol, où elle continue de crépiter doucement. Bethdenn sourit, et continue. D'autres flammèches naissent au bout de chacun de ses doigts, et d'un geste elle les envoie danser dans l'air autour du grand feu, tels des follets.

« Qu'est-ce que tu en dis, Charly ? »

La suite des évènements se passa très rapidement. A peine eu je le temps de dire ouf, que je me retrouvais dans une salle d’entrainement. Mais avant tout, la splendeur du décor de la tour naturelle m’avait laissé bouche-bée. Ca me fascinait toujours de savoir que des individus aussi singulières qu’ils pouvaient être, étaient capable de bâtir de telle merveille. Ce simple tableau m’encouragea à suivre ma nouvelle amie à travers la tour. Je n’avais pas manqué de saluer toutes les personnes que j’avais croisé. Ils avaient tous l’air bien sympathique, mais incroyablement fort et puissant, à la limite je me sentais un peu ridicule en tant que magicien du feu. J’étais plutôt un touriste, oui, c’est ça un touriste.

Puis, une fois dans la fameuse salle ou Bethdenn allait faire quelques démonstrations, je devais me mettre à l’aise. Ben voilà, c’était fait, appart ma tunique, je n’avais rien de spécial sur moi. Mais mon attente fut vite récompensait. Devant moi, une femme était en train de jouer avec le feu comme s’il s’agissait d’un simple jouet. Elle avait l’air si forte, elle aussi par rapport à moi. Mais d’un côté, cela me poussa à essayer d’en faire autant, sauf que mon problème se posait déjà à faire apparaître une flamme correctement avant de m’amuser à jongler avec.

« Tu es doué, ça fait combien de temps que tu t’exerces ? Je vais essayer, à mon tour ! »

Je pointais mon index à la vertical au niveau de mon regard et je voulais me concentrer pour faire apparaître une flamme, comme une bougie. Sauf que à nouveau comme sur le banc tout à l’heure rien ne se passait. Je commençais à avoir mal à la tête tellement je me concentrais et plus ça passé, plus je perdais patience. Puis je ne finis pas taper du pied en soufflant et c’est la que le feu avait décidé d’apparaître comme je le voulais. Fier de moi je n’hésitai pas à le montrer comme une victoire à Bethdenn.

« Voilà, tout ce que j’arrive à faire…les restes, comme tu as pu le voir quand j’étais sur le banc, ce n’est pas volontaire. »

Puis un nouveau problème se posa…alors que je souffla sur la flamme pour l’éteindre, celle-ci avait décidé de persister et de rester ainsi coller à mon doigts. J’avais beau secouer ma main, elle ne bougea pas d’un pouce, ou d’un index.

« C’est quoi ton secret pour que le feu t’obéisse ? Appart faire tout ce que je ne veux pas, le mien fait pas grand-chose. »

Elle retient un éclat de rire quand le visage de Charly se fronce, et que la flamme apparaît alors qu'il ne l'attend plus, mais note tout de même in petto que c'est peut-être une piste à explorer. Mais alors qu'elle s'apprête à l'applaudir pour l'encourager, le voilà qui secoue le doigt comme un forcené pour éteindre son feu ! Évidemment, ça ne marche pas, et Bethdenn ne peut se retenir cette fois. Son rire résonne dans la salle, et elle s'avance vers le garçon pour lui venir en aide.

 Ha ha ! Regarde, pour l'éteindre, tu fais juste ceci... 

Elle referme doucement le poing du jeune homme, étouffant par là le feu qui s'éteint aussitôt. Avec un grand sourire, elle lui explique en s'asseyant sur une table :

« Je m'entraîne depuis que je suis petite, ma grand-mère aussi était mage élémentaire. Elle m'a appris à comprendre mon feu, à me l'approprier, et à l'utiliser comme bon me semble. Ici, j'apprends surtout à l'amplifier, augmenter sa puissance pour m'en faire une arme, d'attaque ou de défense selon le cas.
Personne n'est mage, autour de toi ? 

Visiblement non, ou si c'était le cas, personne n'a jugé bon lui parler de quoi que ce soit. Tout est à faire, cela réjouit la jeune femme. Un vrai professeur !

J'ai remarqué que tu n'arrives à produire une flamme que quand tu te mets en colère, comme tout à l'heure. Tu étais agacé, et d'un coup il est apparu. Tu te souviens ? Eh bien, c'est ce genre de chose auxquelles tu dois prêter attention. Comment ton feu réagit, à quelle émotion, à quel moment de la journée il est le plus docile.... le feu est, ainsi que n'importe quel autre élément, comme un animal sauvage que tu dois apprivoiser pour t'en faire un compagnon. Tu vois ? Il faut l'écouter, lui parler parfois – moi, ça m'aide – , le prendre par ses bon côtés ! 

Elle sourit à ses propres mots.

On dirait que je débloque ! Mais crois-moi, c'est la meilleure façon d'y arriver. D'abord tu l'apprends, ensuite tu le maîtrises. Ouvre tes sens à ce que te dit le feu, souviens-toi de la façon dont il se manifeste : plutôt par les mains, autrement ? Moi, mes cheveux s'embrasent parfois, quand je ne fais pas attention ! C'est assez drôle, mais peu pratique !  

Clin d’œil. Elle entre dans son rôle, la petite amie du mage noir, elle y prend goût.

Donc, on va faire un exercice. Tu vas fermer les yeux, et écouter ce que te dit ton feu. Écoute attentivement, et dès qu'il parle, ouvre la main pour le laisser sortir. D'accord ? 

Bien qu’à la base la magie me faisais peur et que je ne voyais pas trop l’intérêt de l’apprendre, cette femme était devenu l’occasion pour moi d’affronter cette peur qui me suivais depuis ma tendre enfance. Je suivis ses instructions, il fallait donc que je ferme les yeux et que j’essaie d’écouter mon feu. Comme concept c’était assez bizarre. Un feu ça ne discutait pas…enfin, pour autant que je sache. Je fermais donc mes yeux et je respirer lentement sans vraiment savoir sur quoi je devais me concentrer. Mais petit à petit, je sentais quelques choses qui m’étaient étranger, mais pas hostile. J’avais l’impression de me retrouver devant un miroir qui représentait mon pouvoir. C’était donc ça qui m’effrayer à ce point ? C’était cette chose qui s’était manifesté quand ma mère a voulu me battre et qui au bout du compte avait brûlé toute la maison, me laissant seul…Sur le coup j’avais un peu honte, car au fond ce n’était pas grand-chose et c’est pour ce pas grand-chose que j’avais négligé ma vie…quel était donc mon destin ? Ayant compris certaines choses, la peur du feu s’était un peu dissipé, et je sentis alors quelque chose dans ma main qui était doux et chaleureux.

En ouvrant les yeux, je pouvais voir une flamme qui avait englobé toute ma main flambé dans une superbe couleur. Je n’avais jamais vu ça. Je regardais Bethdenn avec étonnement… Je bougeais ma main de droite à gauche, non pas pour l’éteindre, mais comme pour mieux la sentir et peut être la contrôler d’avantage. D’après ma nouvelle amie, le feu se manifestait chez les magiciens avec leurs sentiments. Je me forçais alors à penser à ma famille…une famille complète mais qui m’avais abandonné…et à qui j’avais tout donné…je ressentais de la tristesse, un peu de colère. Alors que je tenais la flamme magique à bout de main, celle-ci commençait à s’emballer au fur et à mesure de mes pensées. Puis l’ensemble de mon corps se mit à s’embraser, sans mon commandement. C’est alors que j’avais compris qu’il s’agissait d’un feu protecteur, une armure magique destiné à me protéger un maximum de tout assaillant qui attenterait à ma vie. Je devais la vie à ma magie, cette magie que j’avais repoussée depuis tout ce temps…

« Je comprends Bethdenn, il me reste des zones d’ombres, mais je crois que je n’ai plus à craindre tout ça. »

Ma réaction, je ne la compris pas tout de suite. Cette mage rouge m’avais plus aidé en quelques minutes que qui quiconque durant toute ma vie. Je m’approchai d’elle et l’enlaça chaleureusement. Mon feu n’était pas éteint, il s’embrasa sur la fille aussi sans pour autant la brûler, c’était surement un témoignage de ma gratitude envers elle.

« Merci… »

Bethdenn observe longuement Charly qui se concentre. La réaction du garçon, son étonnement, lui rappellent ses propres émotions lorsqu'elle a découvert qu'elle possédait cette magie en elle; bien sûr, elle était une enfant, à l'époque, et connaissait déjà ces talents qui existaient dans sa famille. Mais sentir en soi quelque chose de si ardent, de si fort, qu'il vous consume littéralement tout en promettant de vous protéger... c'était une joie indicible. Et voilà ce qu'elle a voulu transmettre à son élève; visiblement, c'est réussi. Charly parvient à laisser sortir ses flammes, et son regard qui s'éclaire soudain indique clairement que ça y est, il a compris comment faire. Lorsqu'il s'approche de la jeune femme, enveloppé de lumière chaude et crépitante, et qu'il l'en entoure, Bethdenn ne peut s'empêcher de pousser un cri de joie et de surprise. Ravie, elle fait danser les flammes sur ses bras, les contemple, étonnée de cette possibilité de transmission. Toujours enflammée des pieds à la tête, elle se lève et déclare:

Eh bien tu vois, toi aussi tu m'apprends quelque chose. J'ignorais qu'on pouvait partager ses flammes par contact à un autre mage de feu... Tu viens de découvrir une chose très utile pour la protection des tiers, Charly. Tu pourras dorénavant envelopper de ton feu ceux que tu souhaite protéger!

Elle dans un peu sur place, riant de ces sensations étranges - car chacun possède une énergie qui lui est propre, et ce feu étranger au sien lui chatouille la peau - , puis absorbe doucement la chaleur, tout comme elle le fait pour son propre brasier.
Lentement, la lumière diminue, jusqu'à disparaître complètement, fondue dans le corps de la mage rouge. Bethdenn ferme les yeux, sourit, inspire un grand coup. Puis, elle se retourne vers le garçon pour lui expliquer:

Maintenant, il faut qu'on se repose. Créer du feu consomme beaucoup d'énergie vitale, puisque c'est une partie de nous-même que l'on extrait; tu dois avoir faim, tout comme moi. Allons nous restaurer, puis nous noterons toutes ces expériences dans ton canet de sorts - tu en as un, n'est-ce pas ?

Elle ajoute, songeant à un autre détail:

Tu es herboriste, c'est bien cela ? Raconte-moi un peu ce que tu sais fabriquer, pendant qu'on marche. D'accord ?

Ce disant, elle se dirige vers la porte, attendant que son élève du jour la rejoigne.