L'éclat du fruit défendu… C'est que ça portait bien son nom! Les braves mages rouges qui sortaient de la Tour Naturelle avaient tendance à s'encanailler là-bas en découvrant un autre aspect de l'herboristerie: les spiritueux… L'ambiance y était toujours détendue, du moins trouvait-elle, et il y avait une certaine forme d'égalité entre les clients. Bref, elle pouvait oublier pendant un petit moment qu'elle était le vilain petit canard de la profession… Oh, elle ne buvait pas plus de raison pour oublier sa situation mais elle se faisait plaisir. De toute façon, elle tenait très bien à l'alcool… Question d'expérience vous dirait-elle si vous veniez à lui poser la question…

Aujourd'hui le temps était tellement chaud que la taverne et ses boissons agissaient sur les passants comme du miel sur des mouches… La salle se remplissait dangereusement, les tables commençant à se partager entre parfaits inconnus… D'un autre coté, passé le premier verre, tout le monde faisait partie de la même grande famille… L'ambiance était donc relativement chaleureuse et le personnel s'activait avec énergie, savourant déjà par avance les pourboires qui ne manqueraient pas de l'être adressés… 

Lili, elle, était là depuis déjà pas mal d'heures… Mais jusqu'à maintenant, elle ne s'était contentée que d'un grand verre de vin de fraise. Elle aimait bien cette boisson qui ne manquait jamais d'être fraîche et de vous rincer le gosier sans que vous ayez à rouler sous la table. Elle avait son grand herbier posé sur la table, ouvert en grand, une plume et un encrier à coté… Elle ne pourrait pas continuer encore longtemps avec l'affluence qu'il y avait mais elle profitait de ses derniers instants de solitude pour coucher certaines notes au propre…

-Lili…
-…
-Lili.
-…
-Lili !
-…
-Lili !!
-Quoi à la fin ?

Le patron posa ses poings sur ses hanches en fronçant les sourcils. Il était certain qu'elle l'avait entendu depuis le début mais qu'elle avait fait exprès de l'ignorer jusqu'à ce qu'il hausse de plus en plus la voix. Il désigna la salle d'un mouvement de son torchon… La salle commençait à être bondée avec de grands groupes de personnes…

-Tu m'occupes une grande table à toi toute seule… Tu veux pas laisser la place à d'autres?

L'elfe eut un soupir marqué avant de fermer son livre et de lui fourrer l'encre et la plume dans les mains. Il savait bien qu'elle s'exécuterait de bonne grâce même si elle allait lever les yeux au ciel… Elle traina les pieds jusqu'à la première petite table avec une personne isolée qu'elle croisa. Un autre bonhomme aux cheveux blancs. Chroniqueur probablement… Elle laissa lourdement tomber son livre sur la table avant d'y déposer, plus délicatement, son verre à moitié plein.

-Ca vous dérange pas j'imagine?

De toute façon ce serait le même prix si cela le dérangeait… Elle rouvrit son livre pour vérifier quelque chose…

La salle se remplissait à vue d'oeil. Et pourtant, ça ne faisait pas bien longtemps que j'étais arrivé. L'effet de la chaleur je pense. Avec ça, on a toujours le réflexe d'aller boire quelque chose au frais. C'était bien agréable. Surtout quand, faute de place, une jolie fille vient vous rejoindre.

- Oh, moi non, pas du tout, ne vous inquiétez pas. Mais vous, on dirai bien que si. Suis-je si laid que vous préfèrez lire votre livre ?
- Liliiiiiii malpolieeeeeeeeeee !!!! Liliiii maaaaalpoooolieeeee !!

Je toussotait aussitôt. Je n'avais pas à me demander qui osait faire une telle remarque, j'avais le malheur de déjà le savoir. Satanée bestiole invisible agripée à mon épaule. Je me secouai, mécontent, mais comme d'habitude, rien n'y faisait. Il hurlait de plus belle, et cette fois, je ne pouvais pas le cacher. Elle allait surement le prendre pour un fou furieux. Il ne voulait pas être méchant en disant cela, mais le perroquet en avait rajoué une couche, ce qu'elle n'allait probablement pas apprécié.

- Je suis désolé, Perry ne sait pas se tenir en société.
- Iveliiiiiin coucheeeeer aveeeeec Liliiii !!!!
- Cesses de dire des bêtises ou je te cuis à la broche !
- Iveliiiin menteuuuuuuuuuurrrr !!!!

Aussitôt, en colère j'attrapais Perry par la peau du cou avant de le balancer derrière la chaise. Sale bête, il allait tout faire copoter ! Les gens me regardaient étrangement, je n'aimais pas cela. Je n'étais pas une bête de foire, qu'on se le dise !

- Je ... Je suis désolé.

La jeune femme eut un rapide sourire amusé alors qu'elle s'assurait rapidement que ses dernières prises de note n'avaient pas sauvagement bavé sur la page précédente. Malgré tous ses espoirs, elle savait bien qu'elle ne parviendrait pas à continuer de travailler sur son herbier maintenant qu'elle avait quelqu'un à sa table. Elle s'apprêtait à répondre lorsqu'une voix étrange, et pas spécialement agréable, s'éleva… L'elfe redressa vivement la tête pour essayer de découvrir la source de ces mots, ses yeux s'étrécissant comme un chat mécontent.

-Laid non… Mais ventriloque peut-être…?

Mais il y avait quelque chose… A se dandiner pour essayer de faire taire son perroquet, Ivelin parvint à le faire bouger, créant ainsi un déplacement d'air. Et ce genre de choses était aussi visible qu'un nez au milieu de la figure pour la jeune femme aéromancienne. Son regard se décala de quelques centimètres vers l'espace au dessus de l'épaule du chroniqueur. Il y avait quelque chose à cet endroit…

-Et qu'est ce qu'est Perry exactement?

La mage haussa un unique sourcil en entendant ce que disait le perroquet… Ivelin avait bien du mérite d'avoir survécu jusque là… Si son volatile disait tout ce qu'il pensait sans se faire voir, cela devait amener des situations plus dangereuses que cocasses. Elle aurait aimé le voir à l'œuvre à la table de soûlards pour la peine ! De son coté elle n'accorda que peu de poids à ces propos, trouvant plutôt amusant la gêne occasionnée à son maître… Si elle essaya de conserver son sérieux, cela ne dura guère. Au bout d'un moment elle alla se réfugier dans son livre, ses épaules tressautant de façon significative alors qu'elle faisait tout pour être le plus silencieuse possible.

Lorsque le chroniqueur sembla un peu plus libre de ses paroles, la jeune femme referma son livre, essayant de conserver un minimum de contenance. C'était presque une réussite si l'on faisait abstraction de son regard pétillant dans lequel se lisait encore le rire. Ce n'était finalement pas une si mauvaise chose que cela d'avoir du changer de table. L'inconnu semblait bien prometteur en terme de soirée intéressante.

-Ce n'est rien... C'est bien la première fois que je croise quelque chose comme ça... C'est un choix ou une malédiction?

- Ventriloque ? Oh non, pas du tout ! C'est .. C'est.mon oiseau qui se permet de raconter encore n'importe quoi ! Moi ventriloque, sans doute aurais-je fait en sorte que vous entendiez quelque chose de plus agréable ... Lily, c'est cela ?

Oh oui, à son regard, elle n'avait pas du tout apprécié. Je serrais les dents. Une femme en colère en vallait bien dix, je vous le dis ! Et je n'avais pas envie de me faire ejecter de ces lieux. Mais pour ça, il fallait qu'elle me croit.

Ce n'était pas facile de faire comprendre de telles choses. Allez expliquez vous que vous voyez des choses invisibles. Enfin, en l'occurence, une chose invisible. Ce qui n'était d'ailleurs pas vrai. Je pouvais juste sentir le poids de l'animal sur mes épaules avant de l'en dégager.

- Eh bien .. Perry est un perroquet qui comme vous l'avez compris raconte tout ce qu'il pense, surtout lorsque ce sont des bêtises plus grosses que lui. Et bien à l'abris pour que son idiot de maître se prenne tous les coups bien entendu !

Et pour poser problème, ça me posait problème au quotidien, notamment lorsque cette satanée bestiole se mettait à critiquer les gens. Beaucoup sont suceptibles et je m'étais déjà déjà pris quelque baffes de jolies filles avec lesquelles j'aurais aurait bien voulu conclure. Pas elles, visiblement. En même temps, qui voudrait de quelqu'un qui ait un compagnon ignoble ?

Mais là .. Il n'en fut rien de tout cela. De surprise, j'écarquillais les yeux. Non seulement elle me disait que ce n'était pas grave, mais en plus, cela semblait même l'amuser !

- Vous devez me prendre pour un fou. Vous me croiriez, si je vous disais que cette bestiole est increvable ? Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de m'en débarasser, mais à chaque fois, il y a toujours quelque chose pour m'en empêcher. Appellez ça la poisse ou comme vous voulez.

-C'est ça, oui… Et vous c'est Ivelin j'imagine?

.La jeune femme eut un sourire. Le couple chroniqueur-perroquet était tout à fait fascinant. Un peu comme si le volatile se présentait comme l'inconscient bridé du jeune homme, un inconscient qui pouvait désormais s'exprimer librement. Enfin… C'était sa façon de voir les choses, tous deux pouvaient avoir des pensées radicalement différentes. Mais elle sentait que son compagnon de tablée devait régulièrement se servir de son joli minois pour attirer de pauvres donzelles dans ses filets.

-Oh, j'imagine sans peine qu'il a du vous attirer pas mal d'ennuis… Mais il doit aussi ses bons cotés, non? Quand vous avez besoin d'accuser quelqu'un d'autre pour certains de vos propos ou quand vous voulez une diversion… Non?

Un léger sourire étira ses lèvres, de ceux qui illustrent les personnes habituées à se servir de tout ce que leur environnement leur offrait pour jouer de mauvais tours… Avec un tel volatile, il y avait vraiment moyen d'avoir une vie trépidante. Et de se mettre à imaginer tout un livre de recettes comportant le perroquet en ingrédient principal. Probablement… Sûrement…

-Pourquoi je vous prendrai pour un fou? Même s'il est plutôt transparent, votre oiseau a fait ses "preuves"…

La mage haussa les épaules… Elle savait que le couple étrange que formait maître et compagnon animal était souvent plus complexe qu'il en avait l'air. Si Perry avait décidé de suivre le chroniqueur, c'était pour une bonne raison. et même inconsciemment, Ivelin devait sentir que son agaçant oiseau pouvait se révéler utile…

-Probablement que Perry a encore quelque chose à accomplir avant de passer l'arme à gauche? Au moins quelques jolies filles à détourner de votre lit !

Elle avait dit cela avec un désintérêt feint, prenant plus le ton de la blague qu'autre chose… Pourtant ses doigts à ses lèvres, elle siffla le serveur le plus proche avant de brandir de deux ses doigts et de désigner leur table. L'homme et elle échangèrent un rapide mouvement du chef, concluant leur transaction. La jeune femme venait simplement de recommander des boissons pour leur table…

-Ca vous ira du vin de fraise?

- Bah, effectivement, il semblerait que ce soit le nom que l’on m’ait donné ... Après , quel est mon véritable nom à l’origine, je l’ignore ...

Difficile de connaître le nom véritable d’une étoile. Il y en avait tellement ! Et à part m’avoir vu tomber dans ces contrées, je pouvais être comme n’importe quel enfant abandonné. Sans nom, sans identité.

- Vous n’avez pas tort. Perry n’est pas si désagréable quand il le veut, mais c’est quand même un sacré boulet à se traîner quand il l’a décidé ! Une diversion ... Oui, éventuellement. Je n’y avais pas vraiment pensé pour tout vous dire.

Ma réponse n’était pas tout à fait vraie bien sûr. Il valait mieux ne pas lui dire à quoi Perry pouvait me servir. Il était difficile de voir en moi un ancien petit gars de la rue ayant vécu à Malificium. Je m’efforçais à tout prix de cacher ce genre de détails, moi. Une image de riche marchand est toujours plus classe, toujours. Mon passé m’avait déjà attiré bien des problèmes.

- Me voilà heureux que vous me preniez au sérieux ! Ce n’est pas le cas de tout le monde, ça, je peux vous le garantir !

Je me demandais pourtant ce que Perry avait fait pour que Lily me croie. Ce n’était pas donné à tout le monde de percevoir la présence de Perry hormis cette voix qu’il avait émise.

- Hé, mais ce n’est pas de ma faute ! Elles n’ont qu’à pas être si jolies, je ne peux pas résister à passer des moments agréables avec une jolie fille ! Enfin, quand celle-ci est d’accord bien sûr, je ne suis pas un monstre !

Puisque j’étais grillé par Perry, autant jouer la carte de l’honnêteté. De toute façon, je ne pouvais pas nier que Perry disait la vérité, même si j’aurais préféré qu’il la boucle un peu, ce satané perroquet ! Mais pas trop quand même, c’était déjà bien qu’elle ne m’ait pas jeté son verre au visage en me traitant de tous les noms d’oiseaux tant qu’à faire. Et je ne pouvais pas nier que ce genre de filles me plaisait.

Oh, oui pourquoi pas. Je ne sais pas si vous êtes ici depuis très longtemps, mais évitez de boire trop, ce serait dommage de vous voir finir par rouler sur la table. Sans être indiscret, qu’est-ce que vous écriviez ?

Ou qui sait ce que je pourrais lui faire si elle n’avait plus toute sa tête ...


[ Désolé pour le retard , mes réponses étaient prêtes mais j’avais totalement oublié de les poster !!! ]

Les chroniqueurs avaient un léger problème identitaire… Le peu d'entre eux qu'elle avait pu croiser s'évertuaient à chercher un moyen pour retourner parmi les autres étoiles alors qu'il était certainement plus judicieux de faire avec ce qu'ils avaient. Autant qu'ils s'adaptent pleinement à leur nouvelle vie sur cette terre, non? C'était tout de même plus pratique. De ce qu'elle avait cru comprendre, même le premier d'entre eux n'était pas reparti… Alors…

-C'est pas mal Ivelin, autant rester sur celui-là pour l'instant, non?

La jeune femme eut un sourire en coin… Et puis elle estimait que les noms possédaient un certain pouvoir. Donner sa réelle identité à quelqu'un n'était jamais anodin. C'était offrir un certain pouvoir sur soi… Autant bien connaître son interlocuteur donc. C'était pour ça qu'elle utilisait principalement son diminutif… Elle restait identifiable mais elle gardait précieusement son vrai nom. Surtout son vrai nom. Elle n'était pas prête de le révéler à qui que ce soit avant un bon moment.

Contrairement à Ivelin qui cherchait à cacher ses "origines", coté éducation tout du moins, Lili, elle, restait une sale gosse. Si on se penchait vraiment sur son cas on pouvait lui trouver un charme certain, de celui qu'on attribuait aux amazones… Mais elle ne restait pas assez longtemps féminine pour que les hommes s'intéressent à elle bien longtemps. En fait il valait mieux la connaître… En attendant, elle ne releva pas à la remarque du chroniqueur… Il avait l'air assez malin pour avoir songé à exploiter son volatile, ensuite, rien ne lui disait qu'il n'était pas trop honnête pour s'en servir vraiment…

-Oh, je veux bien vous croire… Les gens se basent un peu trop sur leurs yeux…

Les apparences sont plus que trompeuses, elle était bien placée pour le savoir. Accessoirement, tout le monde n'avait pas forcément ses moyens pour déceler les choses invisibles… La jeune femme se contenta d'un sourire en coin à la mention de sa passion pour les jolies filles. Inutile de chercher à le lancer sur le sujet, cela ne l'intéressait pas, ni à l'encourager. Par contre, comme elle n'avait plus vraiment le choix coté tables, autant aussi éviter de trop l'échauder…

-Je suis sure que vous saurez me remettre d'aplomb si je roule sous la table !

Surtout qu'elle avait la descente d'une naine et que le vin de fraise n'était absolument pas fort… Elle arqua un sourcil suite à sa question avant de prendre son carnet, de l'ouvrir et de le tourner vers lui afin qu'il puisse en compulser le contenu… Une plante avait été rapidement croqué, le tout associé à des notes prisent d'une écriture nerveuse et fine.

-Je mettais certaines de mes notes à jour…

- Ouais, c’est déjà bien d’avoir un prénom un peu original au moins.

Faut dire que Lily, c’est pas comme si c’était ultra rare. Bon, il était vrai aussi qu’elle ne lui avait pas donné son vrai prénom, ce qui était un élément à prendre en compte. Et cela, il ne le savait pas. Du moins pas encore.

- Vous voulez dire que vous voyez les choses invisibles ? Comment vous vous y prenez, si ce n’est pas indiscret ? C’est intéressant, pour moi qui travaille sur les choses qui sortent de l’ordinaire. Après tout, il faut bien gagner son pain ...

Après tout, moi, j’aimais les choses étranges. Ce n’était donc pas un hasard si je prenais beaucoup de plaisir à « dévoiler leur avenir » aux gens. C’est tellement facile de se baser sur le passé de quelqu’un pour deviner l’avenir ... Il y a toujours un « truc » à savoir, toujours.

- Je ne vous garantis rien, je préfère prévenir que guérir. Enfin, je ne sais pas soigner la prise excessive d’alcool, et encore moins la gueule de bois !

Et maintenant, elle me montrait ses écrits. Qu’est-ce que j’avais des fois comme phrases stupides pour essayer de détourner le sujet moi ... Non mais franchement, la curiosité était un vilain défaut. Et puis fallait voir la tête qu’elle venait de faire en lui demandant ça !

- Je vois, c’est une feuille. Ouais, une feuille, pourquoi pas après tout ... Oh ! Suis-je bête. Mais vous êtes une herboriste ! Enfin, vous êtes une mage rouge, donc, c’est bien cela ?

Faut dire que j’étais parfois un peu trop plein d’à-prioris sur les gens. Pour moi, les mages rouges, ça devait être soit des marchand parce que j’en avais vu un bon paquet moi à l’allée des marchands à force de travailler là bas, soit des espèces d’ermites qui passent leur temps à cueillir des champignons dans la forêt ou je ne sais quoi encore et qui en faisait des potions bizarres. Ou des vieilles sorcières derrière leur chaudron. Autant dire que dans ma tête, ça limitait largement mes rencontres avec cet ordre.

- Ben je ne vous aurais pas cru si vous ne me l’aviez pas dit. J’imaginais pas les mages rouges comme ça, en fait.

La jeune femme eut un soudain éclat de rire en entendant Ivelin, la solution était beaucoup moins exceptionnelle que cela !!

-Voir invisible? Ce serait drôlement fatigant ! Je n'ai pas vu votre oiseau, j'ai senti qu'il était là. Parce qu'il a beau ne pas être visible, son corps occupe tout même un certain espace et a donc une certaine emprise sur son environnement…

Son carnet était encore ouvert sur la table et le jeune femme se concentra dessus. Bientôt une courant d'air se dirigea droit dessus, faisant furieusement tourner les pages, avant de bifurquer vers Ivelin pour le décoiffer proprement. La jeune femme affichait un petit sourire en coin amusé, probablement par son tour, sans que ce soit méchant.

-Vous comprenez comment je m'y suis prise? Ce n'est pas vraiment le perroquet que j'ai vu, c'est l'obstacle qu'il était face aux courants d'air de cette pièce, aussi minimes soient-ils…

Lire ces courants était bien la toute première chose qu'elle avait appris lorsqu'elle s'était découvert des affinités avec l'air… C'était un peu comme apprendre l'alphabet avant de chercher à lire ou écrire en quelque sorte. A force d'expérience elle savait comment l'air était sensé réagir, surtout dans des situations communes, du coup, les moindres variations lui sautaient aux yeux. Façon de parler…

-C'est ça, je suis chez les rouges. D'où l'astuce avec l'air, le kit du petit herboriste en herbe et une certaine expérience de la gestion de la gueule de bois.

Sa remarque lui arracha un immense sourire, visiblement bien décidée à prendre cela comme un compliment… Elle n'entrait effectivement pas dans les standards des mages rouges même si les choses changeaient peu à peu. L'elfe avait effectivement remarqué que les dernières promotions comptaient un peu plus d'électrons libres, de jeunes indépendants plein d'énergie et d'avenir… Mais dans l'ensemble, limage du vieil alchimiste bourru vivant reclus dans sa tour et son jardinet avait la vie dure…

-Merci du compliment. Et mes services sont tout à fait bons marchés… Au cas où…

La jeune femme lui fit un clin d'œil amusé. Elle rigolait bien entendu… Mais pas complètement.

Ah, elle ne voyait pas l'invisible. Bon, tant pis, je rencontrerais peut-être ce genre de personnes un jour. C'est sûr qu'avec le contrôle de l'air, c'était un peu de la triche de deviner sa présence.

- Ouais, je vois à peu près ce que vous voulez dire. Moi je peux grosso modo le situer quand il est invisible, mais ce n'est pas tout à fait pareil. C'est surtout quand il se fait entendre, qu'il fait bouger quelque chose ou qu'il vient se poser sur moi, je sens forcément son poids. Mais sinon, quand il veut, il se montre plutôt silencieux.

- Etrangement, ce n'est plus très drôle quand on connaît l'entourloupe. Vous ne devriez pas révéler si facilement vos « secrets ». Prenez ceux que l'on appelle les diseurs de bonne aventure ou toutes les choses du genre. S'ils vous disaient comment ils arrivent à prédire l'avenir d'une personne, il n'y aurait plus de surprise, c'est tellement simple ... Et ce serait presque à la portée du premier venu de venir vous faire concurrence.

Les pouvoirs, c'était quelque chose de précieux. Sans cela, ils ne seraient rien d'autre des êtres lambda. Sans compter on donne toutes les astuces pour se battre battre, la vie perd de toute saveur. Mes secrets, moi, en général, je les gardais bien précieusement. C'est tellement plus amusant de pigeonner les innocents en leur faisant gober tout et n'importe quoi.

- Je crois que si je voulais empoisonner quelqu'un, je demanderais plutôt les services d'un mage noir. Quoique … Ca rend quel genre de service les jolies mages rouges comme vous ? Je veux, dire, par rapport aux mages blancs par exemple quoi. J'y connais pas bien grand-chose il faut dire, enfin je pense que vous l'aviez compris avec mes pauvres préjugés.

Hahaha. Et puis il fallait dire que Lily venait de donner une réplique à double sens. Oui, cela dépendait du genre de … services qu'elle voulait offrir. Moi, un être provocateur ? Si peu, si peu ! J'avais juste un humour un peu douteux parfois, et je me moquais bien de ce que l'on pouvait bien en penser. J'étais moi, et uniquement moi, avec mes qualités et mes défauts. Mais surtout mes défauts. A quoi bon jouer un rôle ? Je le faisais si souvent, attendant mon heure et le bon moment de révéler qui j'étais réellement.

La jeune femme eut un léger sourire… Cette technique n'avait pas grand chose de secrète, c'était en fait la base à apprendre lorsque l'on commençait à travailler sur le contrôle de l'air. Elle l'avait apprit de quelqu'un, une femme admirable qui avait su déceler son talent, et il lui arrivait aujourd'hui de donner quelques astuces aux jeunes recrues. Du moins quand on la laissait les approcher. Une sombre histoire de "mauvaise influence" d'après ses supérieurs… Quant à ses entourloupettes, elle commençait aussi à être connue pour cela. Mais les connaître ne permettait pas pour autant de s'en prémunir. Les quelques potions dont elle s'était fait la spécialité étaient souvent redoutables…

-A moins que dévoiler un simple truc serve de diversion…

La mage ne se vexa même pas du parallèle qu'il fit avec les charlatans que l'on croisait sur les places les jours de marché… Cela n'avait rien de comparable… Elle ne savait pas trop de quoi vivait Ivelin mais, pour sa part, ce n'était pas se donner en spectacle ou pigeonner les autres. S'il lui arrivait de le faire ce n'était que par nécessité immédiate… Cela n'était pas vraiment amusant sinon… Et puis cela menait souvent à une sorte de désir de richesse, ce qui l'intéressait d'autant moins…

-Les meilleurs poisons sont tirés de la nature… Et les meilleurs dans ce domaine sont les jolies mages rouges justement. Si vous avez besoin d'une potion, quelle qu'elle soit, c'est à nous qu'il faut s'adresser…

La jeune femme se leva, glissant quelques pièces dans la main du serveur qui venait de poser les verres sur la table. Puis elle se pencha légèrement pour poser sa main sur l'épaule du chroniqueur.

-Cela peut aller de la potion de soin jusqu'à celle d'invisibilité en passant par le poison incolore et inodore qui vous fera fondre de l'intérieur.

Elle attrapa son verre et trinqua avec force avec celui d'Ivelin, faisant un peu passer de son vin de fraise dans sa boisson. Puis elle le vida cul sec, exhalant une odeur de fraise… La jeune femme lui tapota l'épaule avec un sourire amusé.

 -Ce sera un plaisir de vous compter parmi mes clients à l'occasion… Gardez-vous bien des jolies filles vous offrant des boissons douteuses !

Lili lui adressa un clin d'œil rieur avant de se diriger vers la porte…