Très très très loin d’être rassurant tout ça.. Mais alors très très très très loin. C’était bien la seule pensée qui venait en tête de Gala, prostrée contre Marika comme une sangsue le serait alors qu’elle gardait ses yeux fixés sur ce paysage pour le moins… glauque. Elle se demandait bien quel genre de rencontre on pouvait y faire.. Contrairement à sa sœur aînée qui de son regard neutre et strict scrutait tout ce qui les entourait, et naturellement sans bouger d’un iota. En même temps, pratique quand on se trouve sur un cheval, non ? Même si celui-ci ne semblait pas bien rassuré non plus.. Arconel avançait d’un pas agité, remuant régulièrement sa tête et produisant ainsi les mouvements de sa crinière (en accord avec sa blonde queue). De temps en temps, Marika le flattait à l’encolure pour le rassurer. Elle semblait être la seule des trois à garder le plus grand des calmes. Mais en même temps, elle n’aurait pas été une des meilleures guerrières de sa tribu sans savoir garder son calme en toute situation – ou moins sa contenance.

-A-t-on avis, c’est quand qu’on sort de là ? finit par demander d’une voix faiblarde Gala. Ça ne m’inspire vraiment pas confiance.

-Ferme les yeux, répliqua simplement sa sœur aînée d’une voix ferme. Je te réveillerai quand on sera passé.

Car à vrai dire, Marika n’avait pas la moindre idée de quand ils seraient sortis de ce sinistre lieu. Même si elle ne prenait pas peur, cela ne voulait en aucun cas dire qu’il lui inspirait confiance. Depuis qu’elles avaient quitté leur tribu, si on peu appelé sa ‘quitter’, elles avaient vu bien des endroits alors qu’avant elles n’avaient jamais quitté le désert. Mais ici.. c’était bien la première fois qu’elles y venaient. Voyageant au grès du vent, sans aucun but que celui de ne pas s’attarder, Marika commençait à se demander s’il n’allait pas leur falloir une carte histoire de savoir où mettre les pieds, et où ne pas les mettre. Ce monde.. leur était tellement inconnu qu’elle commençait sérieusement à avoir envi de rebrousser chemin. Qui sait ce qu’elle pouvait affronter dans un endroit pareil ? A cette pensée, Marika frissonna.. ou alors était-ce le vent qui venait de soulever les mèches de ses beaux cheveux brun-roux. En tout cas, elle ne s’attarda pas sur cette pensée car.. devant elle commençait à apparaître une silhouette. Une silhouette dans cette atmosphère si lourde qu’il semblait bien qu’une sorte de brume là recouvrait.

Arconel s’arrêta dès qu’il sentit la brusque demande de sa maîtresse sur ses rennes. Quelle docile bête ! Mais Marika ne s’y attarda pas. Non. Ses yeux étaient plutôt fixés sur cette silhouette un peu plus loin devant eux. D’après sa vague forme, elle pouvait deviner quelque chose d’humanoïde ou tournant par là. Mais surtout se demandait-elle qui étaient ceux qui pouvaient traîner dans un tel endroit ? Il valait mieux ne pas prendre de risque, pas question de mettre Gala en danger. Pourtant, cette dernière – qui avait précédemment obéit au commandement de sa sœur – avait immédiatement ouvert les yeux à l’arrêt d’Arco, sentant aisément que quelque chose n’allait pas. Après tout c’était une Ecron ! Pas une vulgaire… bref.

-Attend moi ici, Gala, expliqua simplement Marika d’une voix calme et qui ne reflétait pas la moindre trace d’anxiété ou de peur.

Tout semblait normal si on l’entendait. Pourtant le regard de Marika qui ne quittait pas cette silhouette – même en descendant de son cheval – en disait plus long que tous les mots. Bon… quoique.. Marika était toujours comme ça en terrain inconnu.. mais quand même. Il y avait quelque chose. Et elle était fermement décidée à aller voir ce qu’il en était.

S’étant munie de son épée alors attaché sur Arconel (son fouet était toujours accroché à sa taille), Marika avançant prudemment vers ce qu’elle avait discerné. Sa manière d’avancer, précise en posant ses pieds toujours de manière à avoir un appui solide, démontrait clairement son habilité et entraînement au combat. Elle avançait d’un pas extrêmement lent de manière à ne pas provoquer un combat inutile. Et enfin, étant venu à bout de la distance presque mètre par mètre, elle finit par apercevoir bien plus nettement cette fameuse silhouette qui n’était au final.. qu’un homme. Enfin.. pas juste un homme non plus. Sa musculature importante aux allures de combattant n’allaient certainement pas inviter Marika a baissé ainsi ses armes. Ses yeux étaient posés d’une manière si précise et fixant sur lui qu’elle n’en voyait même pas le paysage du pont dans le vide derrière.

-Qui êtes-vous ? finit-elle par demander d’une voix parfaitement calme, ne reflétant ni peur ni menace, juste de la neutralité – tout en restant cependant à une bonne distance de sécurité.

Même après les paroles de l’inconnu – plus tout à fait inconnu maintenant – qui se dressait devant elle, Marika ne bougea pas d’un centimètre. Elle resta encore quelques longues secondes à l’observer, armes toujours en main, impassible. Il ne semblait pas montrer d’attitude agressive, mais après tout, l’ennemi a plus d’une ruse. Toutefois, Marika qui était donné d’un bon sens de l’intuition ne sentait aucune menace importante se dégageait de cet homme. Ou alors était-ce son jugement qui était faussé par toute l’atmosphère lourde et sombre qui s’étalait autour d’eux ? Elle ne saurait le dire. Néanmoins, avec Gala en sécurité derrière, sa méfiance pouvait retomber se faire plus légère – sans qu’à aucun moment elle ne perde sa prudence. Mais n’étant pas de nature agressive, ce fut la raison qui la poussa finalement à abaisser son arme et prendre une posture plus décontractée. Toutefois, quand elle se décida enfin à lui répondre, son épée n’avait pas regagné son fourreau.

-Mon nom est Marika, déclina-t-elle sans identifier son nom de famille – d’ailleurs le ‘demoiselle’ de tout à l’heure aurait pu la faire sourire si cela avait été prononcé par quelqu’un de plus proche d’elle.

Mais ici son visage était toujours aussi impassible et neutre. Elle avait même marqué une nouvelle pose pour observer cet homme. Bénécius ? Elle ne connaissait peut-être pas bien ce monde mais assez pour connaître la réputation de cette ville. Quoique encore, l’habit ne fait pas le moine ou ici, la ville ne fait pas l’homme. Cependant, si Marika était prudente, voire méfiante, elle n’était pas non plus paranoïaque. Aussi, après quelques nouvelles secondes où elle jugea le ton et regard qui se voulait calme et confiant. Peut-être un piège mais il ne présentait vraiment aucune marque de perfidie. Et puis.. souvent la perfidie est un danger quand on ne soupçonne pas le danger que représente une personne. Or là, musculature plus ce type d’habit, combattant au corps à corps sûrement doté d’un peu de magie – comme presque tout le monde ici. Donc, elle pouvait mesurer rapidement ses forces.

Ainsi finit-elle par rengainer son arme et s’approcher un peu plus de l’étranger avant de reprendre la parole.

-Disons seulement que le voyage le commande, expliqua-t-elle finalement d’un ton neutre et ferme. Mais je pourrais vous retourner la même question.

Sa voix s’était terminée sur le même timbre sans expression. Son visage était pareil à sa voix mais avec plus de dureté. Dure de deviner que cette jeune femme n’avait que dix-huit ans. Alors que lorsqu’elle regardait cet homme, elle pouvait aisément deviner qu’il en avait vu des vertes et des pas mures, soit qu’il était plus vieux qu’elle – bien qu’elle ne put s’empêcher de se demander si sa vision de son âge n’était pas faussé par son apparence marqué. Toutefois, ce ne fut pas par lui que fut au final attiré son regard car Marika ne porte pas tellement d’attention aux étrangers de passage, contrairement aux alentours éphémères qui bordent son voyage. Et ici, il était question de l’affreux pont qui se déversait au dessus du vide, juste derrière Edalion. Fin, terriblement tortueux et… fatal à la chute.

-C’est le seul passage, je suppose ? demanda Marika tout en indiquant dans un bref mouvement de tête le pont, et d'un ton qui se serait voulu pour une banale remarque.

S’étant rapproché un peu pour mieux voir de quoi il en retournait, l’inconnu était désormais loin de sa préoccupation – mais bien plus près d’elle géographiquement parlant, moins d’un mètre les séparait. Non, ce qui l’inquiétait maintenant, c’était ce pont. Et étrangement, cela lui donnait une raison – inconsciente, machinale – d’être plus avenante et bavarde (à sa manière et niveau) envers Edalion, car… ils se trouvaient devant la même.. complication.

-Il est rare de ne pas se sentir observer dans des endroits pareils, répondit simplement Marike de son timbre neutre.

Pourtant sa parole l’avait fait réfléchir et désormais elle se taisait, gardait le regard fixe – un peu obliqué vers le sol – mais en réalité attentive au moins mouvement ou bruit qui s’élevait autour d’eux. Il n’avait probablement pas tord. Le problème c’est que cette sensation était souvent omniprésente dans ce genre d’endroit, alors difficile de faire la part entre la paranoïa et la vérité. Toutefois, elle finit par retourner son regard vers Edalion qu’elle avait senti bouger.

Mais quelle idée de se pencher ainsi au dessus du vide. Marika l’avait regardé faire d’un regard suspicieux mais non moins calme. Quelle profondeur pouvait donc s’élever de cette cavité ? Il valait éviter d’y glisser – et d’y regarder. Oh, elle n’avait pas pensé à tomber comme ça. Non. Il y avait du vent mais pas tant que ça, ses inquiétudes la renvoyaient plutôt au moment où il faudrait traverser. Si elles traverseraient. Maintenant qu’elle en était là, elle n’était plus sûre qu’il soit si prudent que ça de persévérer sur cette route.. Cependant, elle n’eut pas énormément le temps de s’enfoncer dans cette réflexion stratégique qu’elle fut secouée par une brusque bourrasque de vent, l’entraînant vers le précipice de la falaise. D’un rejet en arrière – mouvement instinctif de protection – la jeune femme faillit tomber, au contraire, sur le dos si le vent et ses pas de reculs ne l’en avaient épargné.

Mais elle n’y réfléchit même pas : ses yeux s’étaient immédiatement tournés vers Edalion, qu’elle vit basculer par-dessus le bord en quelques secondes. Ses yeux s’ouvrirent d’effroi mais elle était trop loin. Cependant, n’hésitant pas, elle tenta un mouvement en se jetant en avant pour le rattraper. Mais son mouvement ne s’acheva jamais car une autre bourrasque de vent en contre sens était venue la faire cette fois bel et bien tomber au sol, dos contre terre. Sous le choc de la chute, le visage de Marika s’ouvrit d’une surprise intense mais elle n’attendit pas que son expression reprenne son impassibilité pour immédiatement se relever et… constater que le vent.. se tassait.

Clignant des yeux, elle revint vite à la réalité en attendant la voix d’Edalion s’élever du précipice. Un instant l’avait-elle oublié, ou plutôt n’avait-elle pas cru qu’il avait survécu. S’acheminant rapidement jusqu’au bord de la falaise où elle s’accroupit, elle attrapa d’une main ferme le bras d’Edalion – pas pour le remonter pour l’instant mais pour soulager la force qu’il portait contre la falaise – et parer à une éventuelle chute. Son autre main agrippait une roche, on n’était jamais trop prudent. Mais le problème était qu’elle n’aurait ni la force de le retenir de tomber, ni celle de le remonter. Réfléchissant une seconde, elle finit par brusquement se relever et se reculer quelque peu. Elle sortit son fouet et.. ses yeux tombèrent sur une étrange magie à l’œuvre sur le sol.

Marika resta impassible devant la scène, cela s’annonçait charmant. Et encore, elle n’avait pas tout vu. Quand des voix raisonnèrent dans l’oubli de ce lieu, un long frisson la parcouru.

-Maudits mages noires, siffla-t-elle entre ses dents tandis qu’une lueur de colère passait devant ses yeux.

Se reculant pour éviter que les morts ne lui sautent dessus à peine réveillés, la jeune femme dégaina son épée sans pour autant reposer son fouet. Non. Edalion était toujours suspendu dans le vide. Mais en attendant, cinq créatures venaient d’émerger du sol dont deux qui lui barraient le passage. Une chance que les morts soient si… peu réactifs. Lançant son fouet vers l’un dans un mouvement de force, ses crochets se refermèrent dans sa mort morte tandis que Marika faisant déjà un ample geste pour l’envoyer valser dans le vide. La seconde suivante, elle se jetait sur le second mort pour lui infliger une bonne fissure tout le long de la poitrine. Titubant sous le choc de l’attaque, le mort recula d’un bon mètre. C’était le moment. Marika envoya son fouet s’enserrer autour d’une roche tout près du précipice et d’Edalion, avant de lui lancer l’autre bout. La roche était solide, elle supporterait son poids. Et bon, il n’allait pas lui faire croire qu’il n’avait jamais monté à la corde non ?

-Si vous vouliez bien remonter, vous me feriez un immense plaisir, déclara-t-elle dans son geste – d’une voix toujours aussi ferme mais tintée d’un bref sarcasme.

Et c’était peu dire, deux autres créatures venaient d’émerger de la putréfaction de la terre. Elles étaient au nombre de six maintenant mais Marika savait bien qu’elles importaient peu, c’était les mages noires qu’il fallait atteindre. Mais alors que la jeune femme se faisait cette belle réflexion, deux des morts-vivants se jetèrent sur elle, toutes griffes et lames dehors. Elle eut tout juste le temps de parer et blesser avant de ne glisser un peu plus vers le bord sous la force de l’attaque. Elle était déjà en position pour un nouvel assaut, mais non. Il ne voulait pas la tuer.. mais la faire reculer.

-Oh non, fut son seul mot alors nimbé d’une lassitude exaspérée quand elle vit la grande et imparable tourmente de vent emmêlée de déchets morts foncer droit sur elle, alors qu’elle n’était plus qu’à quelques pas du bord.

C’était de la triche, vraiment.

Quand le vent passa sur elle, Marika avait déjà planté avec force son épée dans le sol et mit un genou solide à terre. S’accrochant à ses deux points d’appuis, elle résista au vent tant bien que mal mais y réussit. Toutefois, si Edalion n’était pas intervenu, les deux morts en auraient profité pour lui sauter dessus de suite, et vu sa position, elle n’aurait pu que se défendre – et encore, très mal. Par son intervention, la jeune femme eut le temps de se relever et de se remettre en garde prête à intercepter de nouveaux morts. Néanmoins, à peine en place qu’Edalion l’attira comme une poupée de chiffon. Ne s’y attendant pas, ce fut une drôle de scène pour la Marika jamais prise au dépourvu de voir une expression de surprise franche sur son visage ainsi qu’un chancèlement dans ses jambes. Une chance qu’elle se reprit à temps pour le rejoindre sur le pont et y recevoir son arme.

-Belle technique, répliqua Marika en réponse aux dires d’Edalion alors qu’elle rangeait son fouet.

Quand elle avait supposé que c’était un combattant, elle avait bien fait. Malgré sa maladresse du vide, il était évident qu’il avait de l’expérience et qu’il méritait sûrement le respect de la jeune femme. Malheureusement, il n’était pas l’heure de s’extasier sur l’habileté de l’un ou l’autre car des ennemis venaient les encercler. Ne pouvaient-ils donc pas reposer en paix ces morts ? Un éclair de détermination passa dans les yeux de Marika alors que sans attendre les premiers mouvements de ses ennemis, elle se jeta sur eux. D’un coup de pieds net et fort, elle en envoya un dans le vide tandis que dans le même mouvement elle se servit de son arme pour parer l’attaque du second. Reprenant appuis sur ses deux jambes, la jeune femme virevolta pour prendre de l’élan, assener un coup puissant contre la garde de l’ennemi et sans lâcher sa pression, le forcer à reculer jusqu’au vide : pour y tomber. Ah ! Qu’est-ce que ça faisait d’être poussé près du vide alors ?

Bien sûr, la jeune femme gardait son regard ferme et calme, bien qu’une flamme dansait dans son regard projetait vers le vide. Elle ne put toutefois s’y appesantir car trois autres mort-vivants arrivés de nouveaux en courant. Décidément, ces mages noires ! Et Edalion semblait avoir lu dans ses pensées à car il annonça exactement ce qu’elle se disait. Ça ne servait définitivement à rien de les combattre, calcula-t-elle dans son esprit alors qu’elle lançait son fouet vers l’un des arrivants – les crochets lacérant sa peau et s’y accrochant brièvement le firent s’approcher du vide, manquant d’équilibre, il bascula à nouveau. Ça avait du bon de combattre sur un pont finalement, quoique, il ne fallait pas avoir le vertige. Mais avant qu’elle puisse s’occuper des deux restant, Edalion leur avait déjà… réglé leur compte, constata-t-elle d’un regard posé et quelque peu.. admiratif. Sa vitesse égalait sûrement celle de Marika, ils avaient un don en commun. Sauf qu’il semblait ne pas avoir l’habitude de l’utiliser…

-Je m’en occupe, répondit simplement la jeune femme après avoir écouté sa proposition, en y joignant un hochement de tête.

A son tour d’être rapide. Rangeant d’un claquement ses armes, elle se précipita avec fougue vers l’autre bout de la passerelle. Ses pas et sa course étaient bien plus rapides que d’ordinaire mais elle n’utilisait pas son don au maximum. Mesuré, contrôlé et efficace, sa course l’achemina tout droit vers les mages. Elle vit la frayeur se peindre sur leur visage, ils tentèrent de lui envoyer un ou deux sorts de magie noire mais à sa vitesse Marika n’eut pas de peine à les esquiver. Quelques bons de plus, et elle sut auprès d’eux. Ralentissant à peine, elle assena un coup puissant de son bras à la gorge du premier mage qui recula le souffle cours. Seulement, les deux mages avaient eu la bonne idée de se séparer. L’autre qui s’était mis à l’écart avait profité de l’attaque de Marika sur son compagnon pour incanter un sort. Quand la jeune nomade se retourna vers lui pour attaquer ou parer, ce ne fut qu’un trait d’ombre qu’elle vit se précipiter sur elle.

Les yeux ouverts sous la surprise et la frayeur, la jeune femme reçut le sort en pleine poitrine. Projetée à terre, on peut deviner sans mal que son corps vint durement heurter la surface pierreuse de la falaise au son qui se dégagea du choc de son crâne contre la roche. Sa tête retomba lourdement sur le sol, les yeux clos et le tout inconscient. Certes, au moins, ils s’étaient concentrés sur elle au lieu de créer des morts-vivants par dizaine, mais bon, c’était pas non plus l’excellence de la stratégie là. Et après on se demandait pourquoi elle détestait tant les mages noirs hein ?

La douleur s’était vaporisée dans tout le torse de Marika. Lorsqu’elle avait perdu conscience, c’était la dernière sensation dont elle se souvenait. Maintenant, c’était une affreuse pesanteur dans la poitrine qui semblait la clouer au sol. Sans parler de son crâne qui résonnait et du liquide chaud coulant à sa surface qu’elle sentait glisser jusque sur sa nuque. Lentement, la jeune femme ouvrit les yeux. Sa vision floue ne resta pas altérée longtemps : en quelques clignements de paupière, elle avait à peu près repris conscience. C’était une combattante, se faire mettre hors combat et être blessée étaient longs d’être des premières, ça faisait ainsi un bon moment qu’elle avait appris à ne pas s’appesantir sur les blessures et surtout, à savoir en faire abstraction au mieux.

Se redressant avec difficulté, la tête encore un peu vague, elle arrivait quand même à comprendre qu’elle était en sécurité. A l’ombre de quelque chose en tout cas, quelque chose qu’il n’y avait pas avant : avait-elle était traîné ou quelque chose était-il arrivé ? Bien qu’un peu faible, la jeune femme leva les yeux pour voir ce quoi il s’agissait : un mur de terre… qui s’effritait sous des attaques, sûrement les mages. Des éclats de terre volant vers elle, la jeune femme du se protéger les yeux de ses bras pour éviter d’être aveuglée par quelques résidus.

-Bon sang, murmura-t-elle tout en se dépoussiérant avec hâte et se relevant tant bien que mal en s’aidant de la falaise contre laquelle elle s’était assise.

Elle était encore en vie apparemment, survie qu’elle tenait sûrement à Edalion. La jeune femme n’aimait pas vraiment avoir des dettes envers les gens mais depuis le temps qu’elle combattait et le nombre de fois où des gens l’avaient sauvé ou aidé, et le nombre de fois où les choses avaient été réciproque, elle ne les comptait plus et ne voyait plus vraiment les choses.. comme ça. Plutôt comme ‘de la normalité’. Sauf que c’était dans sa tribu, ici Edalion n’aurait eu aucune raison de lui porter secours, si ce n’est l’avantage stratégique de ne pas être seule. Toutefois, la jeune femme ne lui dit pas merci. Pas le temps pour ça – ou alors était-ce juste qu’elle n’était pas très.. expressive ?

Prenant une bonne inspiration, Marika fit un écart sur le côté pour avoir une vision dégagée sur les mages noires et constatés leur position. Elle dut revenir en une seconde à l’abri, un sort manquant de la frôler mais elle avait vu ce qu’elle voulait. Les deux étaient regroupés pour une force de frappe plus centrés afin de briser le mur de terre qui… ne tiendrait sûrement plus très longtemps.

-Il faut le reconnaître, ils ont du mérité, commença-t-elle par siffler dans un timbre agacé avant de marquer une pose pour reprendre avec plus de calme et de fermeté. Je vois que vous maîtrisez l’art du contrôle de la terre, termina-t-elle en désignant simplement le roc.

Cela sonnait comme une remarque anodine, voir un changement de sujet ou simplement un truc vraiment déplacé alors qu’elle revenait juste de l’inconscience. Mais ce n’était pas du tout le cas. Non, c’était à une fin… plus moins anodine que ça en avait l’air. S’appuyant contre la falaise à nouveau, Marika n’ajouta d’abord rien mais ferma les yeux. Elle était dure, son visage exprimé toujours la même fermeté mais… au fond, elle n’était pas aussi forte qu’en apparence là avec la précédente attaque noire. Mais ils n’étaient pas les seuls à posséder des dons. Se concentrant sur l’atmosphère autour d’eux, elle rouvrit les yeux.. il allait falloir faire vite.

-Vous pouvez créer des stalactites autour d’eux ? Uniquement pour entraver leur fuite. Le reste, je m’en occupe.

N’attendant pas qu’Edalion répliqua quoique ce soit – car, elle n’avait pas envi d’entendre un sermon comme quoi elle était trop fragile pour se lancer à l’attaque – Marika fit un nouvel écart de côté pour sortir du rocher. Les mages concentrés sur le mur durent prendre quelques secondes pour incanter de nouveaux sorts vers la jeune femme, mais quelques secondes qu’elle avait déjà mis à profit : agenouillée au sol, les yeux luisant littéralement des lueurs rouges des flammes chaudes, les mages s’arrêtèrent un instant surpris : la température de l’air monté à une étrange vitesse..

N’attendant pas une seconde de plus, Marika se lança vers eux – épée dégainée – dans une vitesse plus que modérée, juste ce qu’il fallait et pas plus. Les mages tentèrent quelques sorts de magie mais dans leur suffocation et fuite maladroite pour échapper à l’air, leur trait était si maladroit que Marika n’eut pas de peine à les esquiver. Alors qu’elle était presque sur eux, l’un d’eux lança un dernier sort qu’elle put esquiver juste à temps en se baissant pour ensuite en profiter pour bondir afin de prendre de l’élan. L’autre mage dans un geste de désespoir jeta un couteau vers elle. Dans la course de son saut, elle ne put entièrement l’éviter d’où la profonde entaille qu’il créa sur l’extérieur de son avant-bras. Toutefois, cela ne l’empêcha de retomber souplement et d’un très large mouvement de bras, passer le fil du bout sa lame en travers des gorges des deux mages.

Les corps des deux mages s’affalèrent sur le sol l’instant suivant. Et Marika n’avait pas bougé d’un seul iota. Figée dans la même position que son dernier coup. La jeune femme semblait fixer un point dans la vide, le regard toujours dur mais ayant perdu sa précédente flamboyance. Son corps était resté dans un tel état de contraction pour palier à ses blessures que tomber soudainement dans le repos et le relâchement pouvait s’avérer trop.. direct. Ce ne fut que quelques secondes plus tard qu’elle laissa retomber ses bras – comme dans un mouvement lassé – le long de son corps, et de reprendre une position plus naturelle. Jetant un dernier regard aux corps des mages, elle se détourna et entreprit de revenir vers Edalion tout en essuyant sa lame.

Marika ne réagit pas à son remerciement. La jeune femme ne dit que s’agenouiller à sa hauteur une fois avoir rangé son arme. Son regard avait retrouvé la fermeté et la neutralité d’y il a ces quelques longues minutes qui avaient précédé leur combat. Pourtant, elle ne le regardait plus avec autant d’indifférence qu’avant. C’est pourquoi, un bref et éphémère sourire contraint et ironique s’afficha sur ses lèvres quand il reprit la parole. Tournant ses yeux vers sa blessure, la jeune femme posa quelques délicats doigts dessus pour l’examiner avant de reporter son regard sur Edalion.

-Vous n’avez rien à m’envier, une phrase brève mais dont le ton contenait plus de douceur qu’autre chose – tout comme la suite. Vous êtes blessé ?

En attendant qu’il lui réponde, la jeune femme se releva. Posant entre ses lèvres deux doigts, un sifflement reconnaissable au timbre d’une mélodie succincte s’en éleva. Le son sembla se répercutait autour d’eux et s’étaler. Fixant un point de l’autre côté de la passerelle où ils se tenaient un peu plus tôt, Marika semblait attendre quelque chose. Quelques secondes s’écoulèrent et un fiers et robuste cheval à la robe palomino sortit de la brume en galopant. Sur lui, la jeune femme reconnut Gala qui semblait aller très bien. Arconel, de son nom, passa la passerelle tranquillement et ralentit le pas jusqu’à s’arrêter près de sa maîtresse. D’un bon, Gala descendit pour jeter ses bras autour de sa sœur.. avant de s’arrêter net en constatant le sang qui coulait.

-Mais.. tu es blessée ! s’écria-t-elle en lui faisant quand même un gros câlin.

Marika ne sourit qu’en coin de bouche. Gala était une jeune fille très.. débordante d’émotions. Charmante du haut de ses quatorze ans, elle était pourtant encore terriblement enfantine et innocente. Une preuve de plus quand elle se détacha enfin de Marika pour se tourner vers Edalion, les yeux brillant.

-Vous avez sauvé ma grande-sœur ! reprit-elle dans un même éclat de joie que précédemment et dans le même mouvement : en allant se jeter dans les bras du combattant. Nounours…

Marika ne fit aucun commentaire et regarda seulement sa petite sœur. Elle n’était pas forcément d’accord avec sa conduite mais ce n’était pas parce qu’elles étaient différentes qu’elle devait la sermonner. Toutefois, elle avait d’autres raisons de la ‘réprimander’, si on put dire cela ainsi. Aussi finit-elle par lâcher de son timbre neutre et ferme une remarque comme quoi ils ne pouvaient pas rester ici. Se retournant vers elle brusquement, Gala ouvrit de grands yeux et protesta.

-Non. Tu ne peux pas voyager dans ton état !

A cela, à la plus grande surprise des non connaisseurs du caractère de Marika, la jeune femme acquiesça pensivement de la tête tout en indiquant à Gala de monter à cheval. Alors qu’elle l’aidait, la jeune femme pensait à ses blessures. Elle était farouche et forte mais savez reconnaître ses faiblesses. Hors là, le sang contre son bras, celui qui séchait dans ses cheveux et sur sa nuque et le mal-être intérieur qui avait du mal à s’estomper de la magie noire des mages, lui rappelait qu’elle n’était pas en état de voyager. Si un oeil extérieur ne pouvait le voir, Marika, elle, sentait très bien ses jambes trembler. Finalement se retourna-t-elle vers Edalion.

-Vous voulez rester avec nous pour ce soir ? Il n’est sûrement pas très prudent de rester seul dans un endroit pareil. Ma sœur et moi repartiront au levé du jour.

-Dites-oui ! renchérit la petite Gala toute contente d’avoir une autre compagnie qu’elle avait tant du mal à avoir dans leur voyage solitaire et rapide. En plus, Marika est la meilleure cuisinière.

Quel enfant. Marika dut baisser la tête pour cacher son sourire remplit de douceur et de gêne aux dires de sa petite sœur. Elle attendit quelques secondes pour relever un visage un peu plus neutre vers Edalion et reprendre sans relever les précédents dires.

-Vous voulez ?

Sa voix était si claire et simple qu’on aurait pu croire qu’elle demandait cela de mauvais cœur. Mais par de là son visage ferme, des lueurs chaudes et brillantes luisaient dans ses yeux. Finissant par détourner le regard naturellement, bien que cela soit plus motivé par la gêne, Marika attrapa les rennes d’Arconel qu’elle fit passer par-dessus sa tête histoire de pouvoir le diriger. Elles n’allaient pas monter un campement en plein dans cet endroit quand même.. Non, il valait mieux s’éloigner un peu pour trouver un petit lieu au format plus isolé.

Suite à l’accord du chevalier, ils s’étaient mis en route. Mais on ne pouvait pas dire que Marika avait le plus grand des en train. Au contraire, la jeune femme marchait d’un pas plutôt lent et mesuré. Ses yeux fixaient un point lointain dont ils ne se détournaient pas. Elle n’allait pas très très très bien, il fallait le dire. Et elle en avait parfaitement conscience mais elle n’exagérait jamais les choses (ou alors évitait de les voir aussi graves qu’il le faudrait). Un peu de repos – et surtout – pouvoir s’asseoir tranquillement et ça irait mieux. En attendant, son esprit était si brouillé que lorsqu’Edalion parla, c’est un regard rapide comme son le coup de la surprise qui se leva vers lui. Marika mit un moment avant de calculer ses paroles et de tourner son regard vers l’endroit qu’il désignait. Sans rien ajouter, elle opina de la tête et avança Arconel dans ce cercle boisé.

A côté, Gala s’extasiait déjà sur les précédentes paroles du chevalier. Elle était toujours pleine de bonne humeur mais là.. Marika était un peu fatiguée, il fallait le dire. Toutefois, elle n’avait jamais levé la voix sur Gala et ce n’était certainement pas maintenant que cela commencerait.

-Alors, vous cuisinez-vous aussi ? Et vous savez faire quoi ? demanda la petit fille avec impatience et sourire tandis que sa sœur aînée l’aidait à descendre du cheval.

-Monte le campement, Gala, s’il te plait, l’interrompit Marika d’une voix ferme mais sans reproche.

Et la jeune fille ne sembla pas s’en offusquer étant donné le bref sourire qu’elle lança au chevalier avant de se mettre en travail, les éclats de joie et de rire toujours sur son visage. Marika la regarda faire du coin de l’œil tout d’abord. Trouver des branches pour faire un feu n’était pas difficile, et sinon, la petite trimbalait toujours un sac rempli d’ingrédients naturels qu’elle récoltait un peu partout (dont des branches). A côté de cela, il fallait voir les sacs d’Arconel. Au nombre de quatre, et les deux de derrière étaient exclusivement rempli d’ustensile à la cuisine, et tellement que certains dépassaient.. Il fallait croire que la cuisine était vraiment importante pour eux. Le troisième sac contenait des vivres et le dernier contenait le reste. D’ailleurs, Marika allait y piquer des bandages, un bol et de l’eau avant d’aller se poser dans le cercle boisé. Bien que s’asseyant avec mesure, la jeune femme était plus que satisfaite de faire une pause. Elle en avait besoin, et puis Gala pourrait bien se débrouiller un peu.

-Alors, qu’est-ce qui a bien pu vous amener dans ce lieu ? finit par déclarer la jeune femme d'un ton simple et fin, tout en invitant Edalion à la rejoindre.

Elle n’était pas par nature bavarde mais quand elle invitait quelqu’un à rester la soirée avec eux, elle n’était pas de brique non plus. Non.. pour la définir, on dirait seulement que c’était quelqu’un de concis.. Au fond, elle était de nature assez sociable mais… il fallait le chercher ce.. ‘fond’. En attendant, la jeune femme nettoyait ses cheveux avec un peu d’eau pour retirer le sang poisseux qui les avait imbibés.

-Je ne pense pas qu’on vienne ici par tourisme n’est-ce pas ?

Non, ça c’était évident. Si elles l’avaient, elles auraient certainement rebroussé chemin mais… cela leur semblait étrangement impossible. Non.. elles étaient.. poursuivis par quelque chose d’impalpable, innommable et invisible. Si elles n’avaient pas rebroussés chemin c’était par nécessité. Alors la jeune femme se demandait vraiment ce qui avait poussé un habitant, qui plus est de Bénécius, à venir par ici. Et alors qu’elle pensait toujours à ça, elle s’attaquait à la profonde coupure de son épaule qui aurait bien mérité quelques bons points de sutures..

Y a des jours comme ça.

Il était bien.. dangereux de ne venir ici que pour une mission de reconnaissance. Quoique, il serait bien dangereux de venir ici sans avoir reconnu le terrain. Son explication était plausible. A celle-là, Marika ne fit qu’acquiescer songeusement. Ses yeux scrutant sa blessure à son bras. Interrompant Gala dans son activité, elle lui glissa quelques mots avant que son attention ne revienne sur Edalion qu’elle sembla détailler quelques instants. Impassible et paraissant dans le vague, la jeune femme entendit à peine la question qu’il lui posa. Réfléchissant quelques secondes à ce qu’elle allait bien pouvoir lui répondre. Elle finit par donner une explication brève et incomplète.

-Gala devait partir faire un voyage. Je l’ai accompagnée.

Là-dessus, la jeune femme ne dit rien de plus. Gala s’approcha d’elle pour lui déposer du fils et une aiguille entre les mains et s’en repartit pour terminer de préparer le feu et mettre en place les instruments de cuisine. Pendant ce temps-là, Marika avait retourné son attention vers sa blessure, et après avoir préparés les outils suivants, elle cala son bras et d’une main dure et adroite elle commença à piquer l’aiguille dans sa blessure. Sans oscillé d’un seul battement de sourcils, sa voix était pourtant plus pincée quand elle reprit la parole.

-Nous n’apprécions pas particulièrement non plus les mages noirs, répondit-t-elle en revenant sur les précédents dire d’Edalion.. sans y apporter quoique ce soit.

Elle ne revint pas plus sur ses autres paroles. Marika n’était pas du genre à aller fouiller dans le passé des gens et encore moins à les questionner sans cesse. Discrète et calme, cela était du à ce caractère mais également à une volonté froide de ne pas trop se préoccuper des autres. Protection ou indifférence, même Gala n’aurait su clairement le dire. D’ailleurs, cette dernière avait enfin fini de faire le feu. Maintenant elle débarquait tout un tas d’instrument de cuisine dans un grand fracas de bruit et de maladresse. Son aîné ne put s’empêcher de pincer les lèvres en l’entendant. Ou alors était-ce du au dernier coup d’aiguille dans sa peau ? C’était loin du grand art mais ça ferait l’affaire. Retournant ses yeux sur Edalion une fois s’être posé un bandage, Marika constata qu’il aidait Gala.

Elle ne releva rien et se contenta de regarder. En tailleur, ses bras sur ses genoux, le visage posé dans le creux de ses mains. Cela faisait du bien à Gala, cela se voyait. Oh elle était toujours d’une humeur très joyeuse mais Marika savait très bien que parfois s’était plus par ‘nécessité’ que réellement parce qu’elle l’était. Son grand-frère et sa famille lui manquait – les gens de manière général également. Rencontre quelqu’un comme ça, à la figure de protecteur et de gros nounours, ça lui faisait du bien et lui donner un véritable sourire. A cette pensée, ce fut chez Marika qu’un sourire simple apparut, bien que vite effacé en sortant de ses pensées à l’entente des paroles d’Edalion.

-Il s’appelle Arconel. Il m’a toujours suivi, expliqua-t-elle d’un timbre sans intonation avant de marquer une pause pour reprendre. Si vous pensez devoir suivre mon exemple, pourquoi ne pas encore en avoir ?

Toutefois sa remarque tomba dans l’eau car Gala venait de se planter devant elle, un grand sourire aux lèvres. Levant un sourcil perplexe vers elle, Marika la contempla un instant sans que rien ne se produisit. La petite fille la regardait avec un grand sourire avant de se tourner à demi pour désigner imperceptiblement le chevalier. Levant un sourcil un peu plus perplexe, la jeune femme allait lui demander ce qu’il y avait quand la petite fille ouvrit grand la bouche pour la refermer.

-Ah.. commença Marika. Tu veux qu’il fasse la cuisine.

Ne répliquant d’abord rien. La jeune femme bascula son torse quelque peu sur le côté pour voir Edalion sans que sa sœur n’obstruât sa vision, et lui lança un regard interrogateur pour savoir s’il était d’accord.

-Vous pouvez utiliser nos vivres si vous voulez, ajouta-t-elle simplement.

Elles en avaient suffisamment. Du moment que tout n’était pas utilisé, elles auraient largement le temps de refaire des provisions plus tard. En attendant, Gala était toujours aussi impatiente et pleine d’enthousiasme, aussi ce retourna-t-elle également vers le chevalier une fois que Marika avait donné son accord.

-Vous êtes d’accord ?

Son regard brillait d’étincelles de joie mais Marika observait également des traits de fatigue sur son visage. Dormir ne serait pas une mauvaise idée pour elle. Cela permettrait peut-être à Edalion de faire une pause sous les assauts de sa terrible petite sœur, pensa-t-elle dans un demi sourire amusé.

Marika avait retenu un sourire en entendant Edalion se justifier. Comme s’il y avait besoin ! Enfin, avec toute l’impatience de Gala, normal qu’on ne veuille pas la décevoir. Mais bon.. enfin, c’était juste amusant à la jeune femme. Un trait qui venait juste se répercuter dans l’éclat de ses yeux, car sinon, elle ne répliqua rien et ne dit strictement rien durant tout le temps où la cuisine se fit. Quant à Gala, elle était complètement obnubilée par le chevalier, assise comme elle était près du feu, les yeux braqués sur lui. D’abord elle fut complètement fascinée par son œil, puis par sa cuisine, et encore par son œil avant de revenir sur la cuisine, etc. Quelle curiosité cet enfant. Au moins, elle savait quand il ne fallait pas poser trente-six questions : ou alors était-ce la faim ? Oui, sûrement ça. Si elle lui parlait, il allait s’interrompre et ça allait ralentir la cuisine. En tout cas, elles ne furent pas déçues.

C’était simple mais bon. D’accord, elle avait déjà mangé meilleur mais les deux jeunes femmes savaient particulièrement apprécier la nourriture – surtout Marika en fait. Une chance qu’elle bouge autant sinon elle aurait pris quelques kilos en trop depuis longtemps. Toutefois, ce fut Gala qui termina le plus rapidement son repas. Elle avait tout manger à une vitesse époustouflante. Et à peine cela fait qu’elle s’approcha doucement de Marika, lorgnant le reste de son repas. Cette dernière la regardant du coin de l’œil la surveillant. C’est fou comme la situation avait totalement quelque chose de comique. Figées toute deux, on se demandait laquelle allait faire le premier mouvement. Finalement soupirant, Marika lui donna une partie de son sandwich que la petite avala d’un trait.. mais elle pouvait toujours courir pour avoir le reste.

-Va plutôt dormir, ça te changera à manger à tous les râteliers, la fusilla des yeux gentiment Marika.

Et à la plus grande surprise des habitudes des enfants, Gala acquiesça avec vigueur de la tête. Embrassant sa sœur pour lui dire au revoir, elle se rapprocha ensuite vers Edalion d’un air tout timide cette fois. Ne bougea pas d’abord et puis lui fit soudainement un gros câlin avant de dire d’une voix toute pétillante ‘C’était délicieux’. Et puis elle s’en fut dormir. Attrapant une couverture dans le quatrième sac d’Arconel, elle alla se poser près des buissons, un peu à l’écart du feu, se pelotonna et plongea vers les limbes du sommeil sous l’œil attentif de sa sœur. Cette dernière l’observa encore quelques secondes avant de faire revenir son regard vers Edalion.

Pendant qu’elle mangeait, la jeune femme avait changé de position : allongée sur le côté, sa tête soutenue par un de ses bras, une de ses jambes repliée à plat contre le sol pendant que l’autre toujours aussi pliée l’enjambé par-dessus. Une position bien plus décontractée qui dénotait du relâchement dans lequel plongeait peu à peu l’esprit de Marika. Toutefois, son regard avait quelque chose de triste. Alors qu’elle fixait le feu sans rien dire, un bref silence s’installa avant que sa voix ne s’élève à nouveau d’un ton qui lui n’avait pas changé, toujours si neutre et simple, pourtant le contenu de ses paroles avaient quelque chose de différents.

-Gala est une enfant fragile et douce. Merci de l’attention que vous lui avez porté, déclara-t-elle d’une voix plus basse que naturelle avant de marquer une pause pour reprendre avec plus de clarté et de fermeté. Cela ne se voit pas ouvertement mais elle fait preuve de plus de force qu’il ne faudrait à son âge.

Là s’arrêta ses mots. Depuis qu’elles étaient parties, Marika n’avait pas vraiment eu l’occasion de parler de quoique ce soit aux autres. En même temps, elle n’était certainement pas du genre à raconter tout et n’importe quoi aux étrangers. Là ce soir, c’était un peu différent. D’une certaine manière, elle le faisait comme un remerciement envers l’attitude du chevalier. Même pour elle, cela faisait du bien, pensa-t-elle en reportant un regard net et profond sur ladite personne.

Finalement, comme si l’ombre sur son visage était passé, elle reprit avec plus de couleurs dans sa voix, et loin du timbre précédent qu’elle avait affiché. Pourtant, c’était loin d’être ‘une échappatoire’. Ses pensées désormais simplement plus focalisées sur le chevalier et semblait aller dans la continuité des choses.

-Par où continuerez-vous votre chemin ?

Un peu troublée par sa réponse, Marika ne releva strictement rien, ni même son visage d’ailleurs. Etrange qu’il soit venu faire de la reconnaissance si ce n’était ainsi pas son travail. Toutefois, si ce qu’il lui avait dis à propos de sa.. relation avec les mages noires, ça s’expliquait. Quant à son intention de rentrer, Marika n’eut qu’un bref sourire lorsqu’il évoqua le cheval. Leur chemin allait donc se séparer ici, ou bientôt. La jeune femme n’irait pas en ville. Pourquoi ? Elle ne le savait pas elle-même, c’était surtout une.. impression. Rester en ville impliquait souvent de s’attarder ou les deux nomades ne restaient jamais au même endroit une même journée. Elles se déplaçaient rapidement comme si elles voyageaient dans une course contre la montre infinie mais à la dernière seconde toujours proche.

Quand le chevalier reprit la parole, Marika sortit subitement de ses pensées à nouveau. Elle avait peut-être un regard neutre mais il ne fallait pas croire que cela ne lui arrivait pas de s’égarer de ses pensées. En fait, c’était même assez fréquent dans les moments calmes ou assez sécuritaires. Mais se furent surtout les paroles du chevalier qui la surprirent, faisant briller de petites flammes dans ses yeux. Oh, ce n’était pas la première fois qu’on lui disait ce genre de choses mais.. avant, ça venait de sa tribu. Un sourire plus net mais également un peu sarcastique apparut sur ses lèvres, elle n’était pas non plus ni très à l’aise avec les compliments ni très avares de ce genre de chose. Toutefois, ici, l'apprécia-t-elle grandement même si elle ne le montra pas complètement. Elle s'en sentait honorée.

-Je n’oublierai pas cette offre, soyez-en sûr répliqua-t-elle simplement. Toutefois, je ne pense pas que nos pas nous mènerons dans une quelconque ville pour l’instant.

Voire jamais. Mais le pour l’instant était sûrement plus fiable car à la vérité, Marika ignorait tout de leur avenir à sa sœur et elle. Oui, pour l’instant elles couraient mais elle savait qu’un jour ça s’arrêterait. Et au fond, la jeune femme craignait et redoutait ce jour autant qu’elle espérait voir cette situation finir. En tout cas, elle savait quand même Bénécius sur le chemin de la Pineraie carbonisée, or elles comptaient passer par là avant de rejoindre la forêt. Si Edalion utilisait cet itinéraire pour rejoindre Bénécius, ils pourraient faire un bout de route ensemble. A voir, elle lui proposerait demain. Mais pour l’instant elle savait bien une chose : la nuit commençait à s’avancer et le sommeil ferait du bien à tout le monde.

-Dormez, reprit-elle d’un bref mouvement de tête. Je vais prendre le premier tour de garde.

Car oui, pas question qu’il n’y en est pas un qui veille. En ce territoire si noir, rien n’était sûr. De toute manière, Marika veillait toujours. Les nuits où elle était seule avec sa sœur, elle ne dormait que deux heures par nuit, le reste, elle veillait garder le campement et le sommeil de Gala, souvent agité de cauchemar depuis leur départ du désert. Ainsi donc, la princesse nomade suivait un lourd régime depuis plusieurs semaines. Son visage dur ne reflétait pas que la fermeté de son caractère mais aussi un masque pour palier à ses traits tirés et dévorés par la fatigue. Cette nuit, elle savait qu’elle pourrait dormir une moitié de nuit au moins, même si ça l’embêtait de faire veiller Edalion. Elle devait reprendre des forces pour Gala. Et puis, elle avait confiance en le chevalier. Ainsi, la jeune femme se leva pour attraper ses armes et retourna s’asseoir en tailleur en face du feu qu’elle comptait bien faire tenir toute la nuit.

Les yeux plongés dans les flammes, les minutes et les heures commencèrent à s’écouler sans que Marika ne bouge plus que de quelques centimètres à certains instants. Comment pouvait-on ainsi rester tant de temps ? C’est simple, les pensées de Marika bouillonnaient même si cela ne se voyait pas. Qui aurait pu croire que tant de doute et de fragilité se cachait à l’intérieur d’elle ? Personne à la voir ne lui donnait dix-huit ans. Dix-huit ans, quatre ans de plus que Gala et rien d’autres. Marika était jeune, trop jeune – même si chez elle tout le monde le percevait normalement. Et même si elle l’acceptait comme partie intégrante d’elle, le poids qui pesait sur elle devenait pareil au plomb quand elle pensait à son âge. Les elfes sont vieux mais ont l’aire jeune. Elle, elle était jeune et avait l’aire vieille.

Une unique larme roula un instant sur les joues de la jeune femme à un certain moment de la nuit. Une unique larme qui alla ensuite se perdre dans les ténèbres de la nuit et dans le reflet des flammes écarlates.

Quand un certain nombre d’heures se furent écoulé, la jeune femme se releva aisément, sans peine malgré les courbatures qu’elle aurait du avoir (la force de l’habitude) et s’approcha avec délicatesse d’Edalion. Posant sa main avec douceur sur son épaule, elle s’agenouilla pour que sa voix, un murmure pour ne pas le brusquer, fusse entendu.

-Edalion, vous pouvez veiller le reste de la nuit ? Il n’en reste qu’un tiers.

La jeune femme l’avait laissé un peu plus longtemps finalement. Après tout, elle avait quand même l’habitude d’un régime très dure alors un tiers de nuit lui ferait déjà un grand bien. Ainsi, se relevant et allant chercher une propre couverture, Marika alla doucement s’allonger à proximité de Gala.

L’endroit n’était ni propice à la sécurité, ni propice au doux sommeil, pourtant Marika dormit plutôt bien. Ou du moins, son sommeil ne fut pas agité de cauchemar où elle se voyait avoir eu tord de dormir et laisser Gala ‘sans protection’. Quand à cette dernière, comme toutes les nuits, son sommeil avait été agité mais pour une fois pas tout que ça. Elle avait bien appréciée la présence d’Edalion, car oui, la jeune fille ne passait pas toute sa nuit à dormir et se réveillait pas intermittence. Elle l’avait même entendu parler au bout d’un moment. Et elle était curieuse. A peine la matin était-il arrivé qu’elle s’était déjà levée. Elle fit des mouvements extrêmement lents pour ne pas éveiller sa sœur mais… grands efforts pour strictement rien.

-Où te faufiles-tu comme ça ?

Retombant comme un sac par terre, Gala souffla. Sa sœur était impossible. Ne faisant pas attention à ce mouvement comique d’humeur de sa sœur, Marika passa en tailleur tout en s’étirant. Apparemment, ses muscles ne lui faisaient plus mal et la sensation de pesanteur dans sa poitrine s’était à peu près dissipée. Se massant quelques minutes le torse, juste histoire de vérifier, ses yeux affichés une mine brièvement contrariées : qu’il était agaçant de se faire blesser ! Puis, se levant souplement, elle alla rejoindre Edalion qui était demeuré près du feu. Apercevant l’en-cas qu’il avait laissé, un sourire amusé apparut sur les lèvres de la jeune femme.

-Je vois que vous prenez à cœur votre rôle de chevalier protecteur, commença-t-elle un brin amusé avant de reprendre avec plus de sérieux. Tout a été ?

Mais malgré son attitude traditionnel qui revenait sur ses traits, les quelques allures amusés qui tranchaient avec son caractère habituel montrait l’évolution d’Edalion dans le grand cercle de proximité qui l’entourait. Elle l’avait laissé les veiller en cas de besoin et tout c’était bien passé – normalement. Marika ne donnait pas cette permission à n’importe qui, surtout quand dans le veiller il s’agissait aussi de sa petite sœur. D’ailleurs, cette dernière venait de brusquement s’écrier de joie quelque chose qui, sous son effet si soudain, fut totalement incompréhensible jusqu’à ce que la jeune fille arrive en courant pour mettre une statuette en terre cuite de cavalier sous nez.

-Regarde ! Il n’est pas magnifique ? Moi je trouve que le cheval ressemble un peu à Arconel !

Mais avant que Marike eut le temps de répondre quoique ce soit – si elle l’eut fait de toute manière – la petite fille s’était déjà tournée vers Edalion. Grand sourire aux lèvres. Elle allait dire quelque chose et puis, s’arrêta brusquement, bouche ouverte. A la place, elle la refermit et fouilla brusquement dans son sac (oui parce qu’elle l’avait gardé pour dormir !) et en ressortit un petit sac de bais sauvage. Et puis, elle revint face à lui et commença à sautiller un peu sur place, comme gênée.

-Merci, commença-t-elle dans un mouvement de surexcitation. C’est très joli. Est-ce que vous m’apprendrez ?

Et des mêmes yeux pétillants, elle continuait à le fixer comme ça, attendant toujours en sautillant sur place. Rieuse, elle s’arrêta brusquement se rappelant ce qu’elle avait sorti et le tendit brusquement au chevalier.

-Tenez, c’est moi qui les ai ramassées !

Ses joues étaient rouges du rire et de l’excitation. Marika ne peut s’empêcher de sourire. Gala avait bien son caractère à elle. Elles étaient si différentes, et ça ne la dérangeait pas. Qu’elle fasse comme elle voulait après tout, si ça lui plaisait de se donner autant en spectacle, pensa-t-elle tout en affichant un sourire léger sur ses lèvres alors qu’elle reportait son regard sur Edalion.

Un bref soulèvement de sourcils fut la seule réponse de Marika à la question détournée d’Edalion. Pourquoi cela lui poserait problème ? En fait, à la vérité, Marika et Gala n’était pas le moins du monde proche par l’expérience ou par la ‘présence’ en tant que telle. Lorsqu’elles vivaient encore parmi les siens, les deux nomades ne se voyaient que très peu. Gala avait ses occupations et Marika était toujours entre un entraînement, une mission ou une soirée à boire au coin du feu avec ses compagnons d’armes. C’était autre chose qui les liait apparemment, car manifestement, elles semblaient quand même attachées l’une à l’autre. Mais ainsi donc on aurait pu dire que Marika n’avait jamais rien, concrètement, appris à sa sœur. Toutefois, elle ne répondit rien sur l’instant. Elle n’en vu pas la peine, surtout qu’Edalion se leva pour les quitter quelques instants pendant lesquels Gala s’empressa de revenir près de sa sœur, toute souriante.

Marika jeta un petit coup d’œil sur sa petite sœur alors assise à côté d’elle : elle jouait avec le cavalier offert quelques instants précisément, ou alors le reluquer de haut en bas, à voir. En tout cas, elle ne s’occupait pas de sa sœur aînée. Grand bien cela fasse, Marika se leva agilement pour ensuite observer les alentours. Dur de penser que le jour était levé. En ces terres, tout semblait rester obscur quelle que ce soit l’heure. Mais ce n’était pas ça qui la mettait mal à l’aise. Non. C’était toujours cette même impression d’être.. épiée. Comme si en ce territoire appartement aux mages noires et autres aigrefins lui donnaient des yeux partout. Décidément, elle n’avait vraiment pas envi de s’attarder ici, conclut-elle en croisant les bras sur sa poitrine, un regard méfiant sur les pans de roches qui s’étiraient autour d’eux.

Puis, jetant un coup d’œil vers Edalion, elle ne put s’empêcher d’observer ce qu’il faisait. D’abord, elle ne sut quoi penser : à quoi jouait-il ? Et puis, voyant le sol brièvement se déformée sous lui, un flash lui revint à l’esprit. Lors du combat, Marika se souvint lui avoir demandé de créer des stalactites autour des mages noires, ce qu’il n’avait pas fais. Bien évidemment, Marika s’en étant quand même sorti, cela ne l’avait pas préoccupé mais… maintenant qu’elle était là, qu’elle voyait ça, la clarté envahit son esprit. Il ne savait pas maîtriser cet art. Etrange.. enfin.. étrange parce que si les pouvoirs étaient des choses dures à acquérir, leur maîtrise était souvent une préoccupation dans l’esprit des gens une fois avoir développé sa naissance. S’approchant ainsi par derrière d’Edalion, elle s’arrêta un petit mètre avant lui et pencha légèrement son buste en avant.

-Vous ne maîtrisez pas tout vos dons, commença-t-elle d’une voix inquisitrice. Je me souviens, pendant le combat, je vous avez demandé de faire apparaître des stalactites. Vous ne l’avez pas fais mais pourtant… laissa-t-elle en suspense quelques minutes, vous avez su faire apparaître un mur de terre.

Bien sur l’explication était aussi évidente là. Il avait ce pouvoir, ne le maîtrisez pas, alors il agissait sous le coup des émotions du chevalier. Hum.. Un instant Marika resta interdite. Les pouvoirs mal contrôlés pouvaient être rapidement une gêne, voire un danger pour les autres – et même pour son détenteur. Et celui de la terre peut être aisément dévastateur. Après tout, la terre avait toujours été considérée par les nomades comme la plus grande force de la nature. Quand cet élément était déchaîné il pouvait être plus écrasant que l’eau, plus dévastateur que le feu, plus foudroyant que l’air. Mais bon, ce n’était pas pour ça qu’elle allait brusquement s’éloigner d’Edalion. Au contraire, venant finalement s’avancer pour se placer à côté de lui, Marika regarda un instant le sol. Comme elle le disait, la terre était importante chez les nomades. Et nombreux étaient ceux parmi sa tribu qui la maîtrisait, et aucun d’entre eux lui était inconnu.

-Je pourrais vous aider un petit peu, reprit Marika de son éternel voix ferme. Les miens sont nombreux à avoir appris cet art sous mes yeux. Enfin.. si vous voulez ! termina-t-elle d’une voix plongeant dans la gêne et un peu dans les aigus, lui ressemblant fort peu.

Passant maladroitement sa main dans ses cheveux et détournant ses yeux sur les côtés, elle évada son regard discrètement dans le paysage. Tiens, voilà qui aurait fait sourire les siens de voir cela d’ailleurs.