Décidément, on peu dire que la soirée prenait une tournure de plus en plus sidérante. La jeune druide n'avait jamais entendue parler des Sidéréa auparavant et franchement, elle n'était guère pressée de les rencontrer à nouveau une fois sortie de ce fichu guêpier. Mais pour le moment, réussir à s'en sortir serait en effet une bonne chose. Car on ne peut pas dire que leur hôtesse faisait les choses à moitié. Ainsi ligotés au milieu d'une salle sans doute en sous-sol du manoir, il n'y avait guère qu'elle que cela semblait amusé. Car vu le comportement des autres personnes présentes, c'était surtout de l'énervement et de l'agacement. Elle-même commençait d'ailleurs à en avoir assez de cette fête sans queue ni tête.

Les mains toujours en contact avec les ronces, la jeune femme laissait aux autres le soin d'occuper l'attention d'Emeridienne tandis qu'elle s'acharnait à faire reculer les ronces qui la retenaient prisonnière. Pourtant, malgré sa maitrise du contrôle des plantes, elle ne parvenait que très lentement à faire reculer ces dernières. Elle allait enfin pouvoir réussir à dégager une de ses mains lorsque leur chère hôtesse se mit en devoir de leur inculquer des règles d'amusement à sa façon. A cet instant, les ronces se resserrèrent davantage sur elle, lui arrachant un rictus. Alors qu'elle y était presque, mais ce n'est pas possible. Elle avait vraiment décidé de tout faire pour leur pourrir la soirée.

Des filets de sang se mirent à perler d'un peu partout. Ce n'était pas franchement douloureux, il ne fallait pas non plus abuser, mais certains commençaient vraiment à perdre les pédales. Heureusement qu'ils n'étaient pas tous dans cet état. En tout cas, il fallait admettre une chose: la Sidéréa avait un certain art dans ce qui était de la mise en scène. Pour le reste, franchement, on ne pouvait dire sans sourciller que la soirée était réussie.

Mais déjà, la voilà qui enchainait en leur annonçant venue l'heure de la dégustation. Mon Dieu, qu'est-ce qu'elle leur réservait encore? Les substances toutes de couleurs plus ou moins fluorescentes se retrouvèrent dans des cuillères dansant dans les airs avant de prendre chacune la direction d'un convive. Hum, il était sans doute l'heure de choisir de se mettre au régime, sauter ce repas-là ne lui ferait pas de mal. Mais c'était sans compter sur cette chère Emeridienne qui avait tout prévu.

La cuillère s'enfonça sans ménagement dans sa bouche avant qu'une sorte de lutin ne se charge de la forcer à avaler son contenu immonde. Et encore, immonde est vraiment un faible mot. C'est à grand peine que la jeune elfe parvint à déglutir. Beurk, niveau cuisine, il faudra repasser. Même un zéro était trop gentil pour ça. Tandis qu'elle cherchait à se débarrasser de cet horrible arrière-gout qui lui imprégnait l'intégralité de la bouche, son regard se fit rond et éberlué en remarquant ce qu'il se passait. Oh là là. Encore des ennuis à l'horizon.

Toutes les personnes présentes ne ressemblaient plus à rien à présent. Les cheveux et les peaux changeaient de couleurs, les visages se déformaient. Quel spectacle atroce. Sans compter qu'elle sentait bien que cela lui arrivait aussi. Voilà qu'elle voyait ses dents dépasser d'une bonne longueur et son nez s'allonger sous ses yeux. Et ses cheveux avaient perdu toute couleur, devenu d'un blanc cadavérique. Mais ce qui la surpris le plus, ce fut le concert de cris divers et variés qui se mit à monter de partout. Plus un seul son humain mais des bruits d'animaux.

L'une des personnes présentes sembla perdre tout contrôle d'elle-même, le voilà qui se débattait avec une force et une hargne démesurée sans arriver à grand chose. Puis, dans des hennissements étranges, une soupière s'envola droit vers la Sidéréa. Voilà une idée qui lui plaisait ça, la voir dans le même état qu'eux. Jetant un regard à Morgane, elle voulu la féliciter de son coup mais seuls des miaulements lui échappèrent. Super. Décidément, elle avait un truc avec les félins, elle. Mais la mage noire n'était pas la seule à avoir agi. Les flammes des candélabres ne cessaient de danser en direction des ronces les plus proches d'elles. Avec un peu de chance, certains seraient bientôt libérés.

Joignant ses efforts à ceux des autres prisonniers, elle tenta à nouveau de faire bouger les liens de ceux prêts d'elle. Elle n'y arrivait pas sur elle mais cela marchait plutôt pas mal sur les autres. En alliant son contrôle des plantes à sa télékinésie, la voilà qui parvenait doucement à libérer un pied et une main par-ci par-là. Pas de quoi encore être encore sauvé mais déjà un grand pas vers la sortie de ce cauchemar.

Sigrid capta le regard interrogateur de Morgane, elle lui adressa un clin d'oeil teinté de complicité avant de poursuivre son travail. Un juron inaudible franchit la barrière de ses lèvres lorsque les ronces se refermèrent un peu plus autour de ses poignets, freinant toute circulation sanguine. La dague tomba dans un écho sourd au sol, brisant tous les espoirs de la mage noire. Des filaments carmins s'échappèrent de quelques égratignures qui naissaient au niveau de ses poignets meurtris, elle qui n'était déjà pas doté d'un physique robuste. La situation devenait dérangeante et horriblement désagréable, et Sigrid ne se priva pas de le montrer, laissant une grimace disgracieuse déformer son joli visage de poupée. Elle avait des envies de meurtre...Elle voulait la faire souffrir, lui arracher chaque parcelle de peau, morceau par morceau, et lui couper les nerfs lentement...dans la souffrance.

C'est alors que des cuillères se mirent à flotter dans l'air, s'approchant dangereusement de chaque prisonnier avant de s'enfoncer brutalement dans leur bouche, Sigrid n'a pas été épargnée. Elle grimaça de douleur au contact rude du métal contre sa bouche dans laquelle se glissa une substance illicite. Elle voulut le cracher mais un stupide farfadet était apparu comme par magie pour s'assurer qu'elle engloutissait bien la marchandise. Un goût amer et répugnant lécha son arrière-bouche, elle eut envie de vomir. Pouah! Non seulement c'était gluant, mais en plus ça n'avait rien d'appétissant! Une veine pulsa au niveau de sa tempe droite et, les yeux plissés et menaçants, l'elfe maudissait intérieurement son hôtesse.


Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle assista à la transformation abracadabrante de chacun de ses partenaires...Le visage de Raos ressemblait étrangement à une mûre, et ce n'étaient plus que des aboiements qui s'échappèrent de sa bouche. Quant à Orpheus, il s'était brusquement familiarisé avec l'espèce reptilienne, et c'étaient de jolis CROAAA qui fusèrent en valse. Sigrid déglutit, peu friande du sort que lui réservait la dégustation à laquelle elle venait d'être soumise. Myrrh avait des dents et un nez proéminents, et ne parlons pas de Morgane qui était devenue aussi laide qu'une poux. Elle-même sentit des poils lui pousser sur le visage, et lorsqu'elle voulut pester contre Emeridienne, ce furent des bêêêêêê qui avaient remplacé sa voix. Elle était définitivement en colère, Emeridienne allait payer pour cette humiliation. C'était Orpheus qui fut le premier à démontrer sa rage, Sigrid l'observa avec une curiosité incertaine avant que son regard ne soit attiré par la soupière que poussa sa consoeur sur l'hôtesse. La mage se concentra et utilisa son pouvoir de l'air pour faire valser la soupière droit sur Emeridienne. Lorsque celle-ci récolta la substance gluante et verte sur le visage, Sigrid ne put s'empêcher de sourire de satisfaction. Ce fut au tour de Raos, ce dernier s'octroya quelques flammes afin de se débarrasser des ronces quelque peu encombrantes. Trois bougies faisaient face à la jeune femme, elle espérait sincèrement ne pas être victime de vilaines brûlures. Afin d'apporter sa petite touche personnelle, elle reporta toute son attention sur Miss Thadea, captant avec joie son regard, et fredonna dans sa tête une mélodie...*Ma petite chose à moi, docile et mignonne, ferme les yeux et laisse-toi tenter, par ces offrandes. Ma petite chose à moi, gourmande et frivole, goûte-moi ces tendres folles...*

Emeridienne fut ainsi victime des fourberies de la Marionnettiste qui observa avec un sourire malicieux la jeune femme prendre une cuillère pour l'enfoncer dans un des plats et l'apporter à sa bouche. Elle rompit le charme, épuisée à cause de sa propre transformation. La beauté de l'hôtesse se dissipa aussitôt, son visage prit la forme d'une tête de cochon, et lorsqu'elle voulut s'exclamer, on n'entendit que des GROIN GROIN. Sigrid était émoustillée, ce spectacle était diablement hilarant.

Dans l'esprit de la jeune druide, il était clair que la plupart des personnes présentes ici avaient atteint un point de non retour. Mais pas tous de la même façon. Certaines étaient tout simplement en train de sombrer dans la folie, vociférant, beuglant, hurlant out ce qu'il pouvait comme pour se persuader que tout ce cinéma n'avait rien de réel. Quant aux autres, faute de nourriture appropriée, c'était surtout la moutarde qui leur montait au nez. Et étrangement, la jeune elfe faisait plutôt partit de ceux-là. Jouer un peu, d'accord, cela pouvait être amusant. Mais là, les limites avaient été franchies depuis trop longtemps et il fallait faire cesser son manège à cette chère Emeridienne.

C'est lorsqu'un bec se mit à apparaitre sur sa main qu'elle commença elle aussi à vraiment en avoir assez. Mais qu'elle gamine. Une bonne fessée, voilà tout ce que méritait cette fichue Sidéréa. Cependant, cette modification de son physique s'accompagnait d'un avantage non négligeable. Maintenant, elle allait pouvoir ronger le lien lui retenant la main et ainsi gagner en liberté de mouvement. Tant mieux, leur hôtesse allait finir par se faire avoir par son propre excès de confiance en elle.

C'est à ce moment que les choses devinrent vraiment cocasses. Leur petit groupe n'ayant cesser de se démener comme des beaux diables, voilà qu'ils avaient réussi à changer la chance de côté. Voilà leur hôtesse contrainte d'avaler sa propre mixture et se mettre à ressembler à un cochon. Sur le coup, un grand éclat de rire échappa à la jeu,e druide. Cette tête lui allait terriblement bien et cette image était vraiment la plus drôle de toute la soirée. Même si l'intéressée ne semblait absolument pas de cet avis.

Emeridienne entra dans une colère noire et voilà que les chaises quittèrent le sol avant de se mettre à valser des gigues endiablées. Ceux qui n'avaient pas l'estomac bien accroché le regrettèrent très vite. Mais cette nouvelle diablerie leur permettait de se rapprocher des flammes des candélabres. Mais comme si cela ne suffisait pas, des hordes de mains se mirent à se jeter sur eux en tout sens, cherchant à les saisir par tous les endroits possibles. Avec quelques contorsions, Myrrh parvint à les éviter avant qu'un choc violent de la chaise de Morgane ne la propulse tout près des flammes.

C'était sa chance. Avec le choc, elle avait réussi à libérer sa main et la proximité des flammes lui permit d'y voir plus clair. Évitant de justesse une soupière, elle colla sa deuxième mains devant le candélabre, se libérant en écopant au passage d'une brulure qui nourrit sa hargne personnelle contre cette chère Emeridienne. Maintenant, elle aussi allait pouvoir s'amuser. Dirigeant sa main vers Morgane, elle desserra l'étreinte des plantes qui la maintenait prisonnière avant de chasser comme elle le pouvait les mains et les soupières s'approchant trop près d'elle. Puis, Myrrh prit le contrôle d'une des mains volante par télékinésie avant de l'envoyer comme cadeau à la Sidéréa. Bien que dans l'idée, la main ai du lui agripper le cou, elle ne parvint pas à ses fin mais la gifle retentissante que reçut leur hôtesse à la place lui fit grand plaisir.

Sigrid était fière de son oeuvre, la belle Emeridienne n'était plus qu'une truie grossière qui lâchait des GROIN GROIN à tout bout de champs. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire mauvais. La vengeance avait un goût délicieux au fond de la bouche, et la mage noire n'était pas prête de s'en arrêter là. Elle avait une soudaine envie de viande rôtie et Lady Thadea correspondait parfaitement au menu qu'elle s'imaginait avec une pointe de gourmandise. Les ronces qui la retinrent prisonnière sur la chaise étaient devenues un peu plus lâches, pas assez pour qu'il puisse y avoir une quelconque libération. Ils étaient tous en mauvaise posture, et chacun était aussi monstrueux que l'autre. On se serait cru dans un conte pour enfant avec une vieille sorcière qui s'amusait à transformer ses victimes en d'horribles créatures avant d'en faire ses esclaves.

La jeune femme se fit de faux espoirs lorsqu'Emeridienne les fit virevolter dans les airs, peu friande du sort dont elle avait été la victime. L'estomac noué, Sigrid ne se sentait pas très bien, et la sensation de nausée monta rapidement jusque dans sa gorge. Diable qu'elle avait envie d'étrangler cette garce. Si elle croyait les faire taire en agissant de la sorte, elle se fourrait le doigt dans l'œil. Elle aurait pu continuer à la maudire intérieurement si elle n'était pas entrée en collision avec une autre chaise qui vint cogner contre sa cheville blessée. Elle poussa un juron étouffé avant de prendre ses repères. Une envie de vomir l'assaillit, mais elle tint bon. Soudain, Sigrid sentit quelque chose de chaud sous ses pieds et c'est avec horreur qu'elle remarqua les flammes lécher le bout de ses pieds. Fort heureusement, sa chaise s'octroya quelques folies en allant à l'autre bout de la pièce. Alors qu'elle tentait de dénouer ses liens, elle sentit une nouvelle transformation mais n'arrivait pas à déterminer quoi. Ses yeux semblaient avoir tripler de taille et deux cornes de bouc étaient nées sur son front, elle espérait sincèrement ne pas avoir le même regard que ces vieux crapauds dans les marais. Une remontée de dégoût lui donna un haut-le-cœur et l'elfe ne put retenir le contenu de son estomac bien longtemps.

Morgane vint à sa rescousse et Sigrid atterrit bien vite sur ses fesses, rencontrant le sol dur avec fracas et douleur. « Bêêêêêêê! » AIE!/ Elle commençait à perdre patience, cette façon de s'exprimer devenait agaçante. Après s'être remise sur pieds, elle chassa la pièce d'un regard méticuleux et constata que chacun de ses compagnons était prêt à attaquer. Sa consœur invoquait, de quoi mettre en fâcheuse position Emeridienne. Quant aux garçons, ils avaient déjà dégainé leurs armes. Elle parvint à réveiller Nagini, une double chaine en argent qui mesurait approximativement quatre mètres, qui avait fait office d'accessoire à son costume durant la soirée. Ce dernier serpenta entre les différents meubles avant d'atteindre l'hôtesse, et grâce à la concentration de la jeune femme, il s'enroula autour des chevilles de Siderea afin de la déséquilibrer et lui ôter toute possibilité de mouvement, de quoi la déstabiliser un peu plus dans ses prouesses maladroites. Elle-même fut déconcentrée par les soupières et les mains qui se baladaient de gauche à droite. Une main baladeuse atterrit directement sur le visage de l'hôtesse qui tomba finalement au sol. Curieuse, Sigrid remarqua que Myrrh en était l'auteur et lui adresse un sourire complice. Emeridienne n'avait qu'à bien se tenir.

Dire que les choses avaient une tournure bien plus plaisante aux yeux des convives était peu dire. Bien que très peu des personnes ligotées et présentes dans la salle apprécient vraiment ce qu'il se passaient à cet instant, il y en avait au moins certaines qui semblaient. Et la druidesse en faisait partie, à son grand étonnement. Mais pour le coup, la Sidéréa avait vraiment poussé le bouchon trop loin. Non mais sérieusement, avec tout ce qu'elle leur avait fait subir, elle s'attendait vraiment à des félicitations ou des remerciements? Et puis encore.

Sentant qu'elle perdait le contrôles des évènements, et perdant aussi tout ce qui lui restait de sans froid et de raison, si elle en avait jamais eu, voilà leur hôtesse en train de beugler à pleins poumons avant d'invoquer des zombies. Eh bien, il ne manquait plus que ça. Mais déjà, deux hommes étaient dessus et vu le regard que leur lança Morgane, elle semblait les connaitre. Donc, pas de souci à se faire de ce côté là. Par contre, l'incendie qui se propageait et les milliers d'éclats de soupière volant en tout sens étaient loin de les aider.

Bien qu'elle parvint à éviter un grand de morceaux dont les plus dangereux, Myrrh écopa malgré tout d'une belle estafilade au cou et de plusieurs au bras tandis qu'elle tentait de diriger ses liens sur le trajet des fragments effilés. Résultat, elle se trouva enfin libérée de cette chaise et s'en sépara avec joie. Puis, le feu étant encore circonscrit dans une seule et unique zone, la jeune elfe tenta de ramener par télékinésie de l'autre côté de la salle les invités qui risquaient de les gêner pour parvenir à leur but final: faire la tête au carré à cette chère Emeridienne.

Bien que les paroles de Morgane soient incompréhensibles, comme celles de toutes les personnes présentes, l'idée et le ton étaient bien assez explicites pour être compris de tous les concernés. Leur hôtesse voulait leur offrir une fête, hein? Et bien eux, ils lui faire sa fête, et comme il se doit, bien entendu. Ils ne voudraient pas la décevoir.

L'air devenait lourd et épais à cause de la fumée, difficilement respirable. Il allait donc falloir faire vite. récupérant à son profit un maximum de ronces présentes dans les alentours, la druidesse leur ordonna de se rendre auprès de cette chère Emeridienne, l’enserrant de leurs épines avec d'autant plus de facilité que cette dernière était déjà paralysée par un pic de terre sortit de nulle part. Ainsi, leur hôtesse se retrouvait ligotée tout comme eux-mêmes l'avaient été, son propre sang se mêlant joyeusement à celui déjà répandu au sol. Maintenant, il n'y avait plus qu'à attendre que le coup de grâce soit donné ou que la Siderea ne cède définitivement à la folie, ce qui n'était pas à exclure.

Le plan laborieux qu'avait concocté Emeridienne se retournait peu à peu contre elle...Aucun de ses compagnons ne comptait l'épargner, il suffisait de voir leurs yeux s'enflammer, tant par la rage que par l'envie de meurtre. Il n'y avait rien de drôle dans toute cette histoire, et toute cette fantaisie n'amusait en rien la mage noire qui aurait préféré passer sa soirée à boire dans une taverne ou concocter des parfums dans sa petite chaumière. L'hôtesse se battait comme un beau diable, maudissant chacun de ses invités avec une haine réciproque. Elle ne semblait pas apprécier le retournement de situation auquel elle était sujette. Une grimace mécontente fendit son beau visage de cochon tandis qu'elle fit transforma la salle quelque chose qui se rapprochait fort du chaos. Elle voulut se venger de cet affront, faisant tourner en ribambelle les soupières, les mains, et tout ce qui pouvait lui passer sous la main. Sigrid évita tant bien que mal les objets flottants, peu désireuse de s'octroyer une mort aussi misérable.

Elle balaya d'un regard soucieux la pièce dont les entrailles se déchainaient contre les convives. La jeune femme créa des bourrasque de vent pour éviter une malencontreuse collision avec une soupière. Un soupir d'irritation s'échappa d'entre ses lèvres lorsqu'elle constata avec amertume qu'elle s'était éloignée de la si détestable Emeridienne. Ses autres compagnons étaient bien plus proches de la damnée, et auraient plus de chance de la massacrer avant elle. Elle pesta contre le monde et tenta de s'en rapprocher, évitant de justesse la danse frénétique des mains qui tentaient une subtile approche. Alors qu'elle se hâtait vers la misérable créature, une source de chaleur attira son regard, le feu se déchainait à quelques pas d'elle et de Morgane. Malgré la fatigue, Sigrid créa des rafales de vent pour repousser les flammes furibondes. Elle fut attirée par les propos incohérents de sa belle consœur, mais il ne lui fut pas difficile de comprendre ce qu'elle avait dans la tête. Hors de question de laisser le gros lot à ces messieurs! Un sourire complice étira ses lèvres et la Dame aux parfums hocha positivement de la tête avant de reporter son attention sur la diablesse. « Nagini! » La longue chaine magique obéit à sa maîtresse et s'enroula autour du cou d'Emeridienne, resserrant son étreinte en quête d'une potentielle asphyxie. Le visage de cochon de l'hôtesse vira brutalement au bleu violet. Elle aurait préféré utiliser ses parfums mortels, mais ce serait bien trop risqué avec tout le remue-ménage qui persistait dans cette enceinte gorgée de folie et de sang. Au même moment un pic de terre transperça la cuisse de Lady Thadea, et celle-ci fut soigneusement ligotée par des ronces. De quoi la mettre encore plus en mauvaise posture. Orphéus et Raos désiraient ardemment la tuer, eux et eux seuls...mais ils n'étaient pas les seuls. L'extrémité libre et pointue de la chaine magique s'amusa à charcuter la peau de la Dame noire, contrôlée par la mage qui dévorait le spectacle avec délice.