Croisière douteuse = Croisière dangereuse [Miranda]

Les rumeurs n'étaient donc pas fausses. Il n'était pas nécessaires d'examiner l'océan aux milles lumières plusieurs heures durant pour comprendre et constater les dégâts du tsunami de l'époque. Le volume d'eau avait diminué aux trois quarts. Il apparaissait donc, même s'il s'agissait d'eau, sec et pauvre aux yeux de l'ancienne Gardienne Sacrée, qui l'avait connu avant toutes les péripéties qui entraînèrent ce qu'est ce monde aujourd'hui. Triste constatation, mais néanmoins, elle voulait le voir de ses propres yeux. C'était chose faite, mais maintenant qu'elle était là, elle ne partirait pas de si tôt.

La belle elfe observa l'horizon pendant de longues minutes, apercevant des semblants de navires, minuscules par la distance qui les séparaient de la rive. Puis, elle localisa le port, en face, où les gens se bousculaient pour on ne sait quelles raisons. D'ailleurs, même si ce monde était devenu fou, ce n'était pas normal. Dans sa quête pour faire régner l'ordre, Luccia était obligée de s'approcher pour voir ce qu'il se passait, ce qui les rendait si agités, et pour agir si besoin. De toute façon, son instinct l'y poussait. Et, suivant le type d'affaire, sa simple présence pouvait apaiser les esprits. Et oui, car la pureté de son âme pouvait se ressentir à plusieurs dizaines de mètres. Les traits fins de son visage, la pâleur de sa peau, ses longs cheveux bleus ondulants avec le vents, et surtout la douceur de son regard, animé par ses yeux bleus translucides, ne pouvait qu'inspirer la paix. Et là était son objectif. Elle s'avança donc de sa démarche angélique vers le port.

Cependant, ce qui animait ces gens n'était pas comme les cas où elle avait l'habitude d'intervenir, comme les agressions, les duels etc... Non, elle comprit très vite la raison de ces bousculades. Une affiche, plutôt mal faite d'ailleurs, annonçait une croisière offerte, gratuite, pour qui voudrait s'aventurer sur l'océan et découvrir ses merveilles. De telles offres étaient rares, c'est pourquoi les gens s'empressaient tant de monter à bord du bateau, bateau qui ressemblait d'ailleurs plutôt à une longue barque. Mais bon, en même temps, étant gratuit, il ne fallait pas s'attendre à un navire luxueux avec service comprit.

~ Mesdame, Messieus !
Vené vite vous offrir une croisiaire gratuite ! Ces ojourd'hui unikement ! Profiter en !

Dépéché vou, bato presque conplé ! ~

La druide n'était rassurée. Méfiante, elle sentait une entourloupe dans cette affaire. En plus, un capitaine officiel qui effectuerait de tel ballades, et autorisé à recevoir des visiteurs sur son navire, ne commettrait pas de telles fautes d'orthographe ! Quelque chose n'allait pas rond. Et, malgré l' enthousiasme des personnes qui montaient à bord, ravis d'avoir l'opportunité de faire une croisière gratuite, elle ne les laisserait pas partir avant de s'être assurée que ce n'était pas un piège. D'ailleurs, ses craintes se confirmèrent plus ou moins lorsque qu'elle vit l'homme qui les accueillait à bord – le capitaine certainement – les regardant avec un sourire cachant un certain sadisme, satisfait de son coup et du nombre de personnes intéressées. De toute évidence, cet homme cachait quelque chose, et avait de mauvaises intentions en tête. C'est pourquoi Luccia ne pouvait pas les laisser partir comme ça. Quitte à mettre sa vie en danger, elle monta elle aussi sur le bateau, son arc dans le dos, et ses sens aux aguets. Elle observa ces pauvres gens si heureux de bénéficier de cette offre, qui certainement, n'en était pas une. Le navire n'allait pas tarder à partir. Elle s'assit donc à un endroit où elle pourrait observer tout ce qui se tramait sur le pont. Mais surtout, où elle pouvait surveiller le capitaine, car elle n'espérait pas que ces êtres soit condamnés à faire un baptême de plongée forcé.

La jeune femme resserra encore le haut de sa cape, masquant encore un peu plus son visage dans sa capuche. Elle regardait d'un oeil taciturne la foule de badauds qui s'agglutinait largement autour d'une affiche à l'orthographe plus que douteuse. Il suffisait d'un rapide coup d'oeil aux texte, ou à l'embarcation, pour comprendre que l'anguille qui se trouvait sous la roche avait la taille d'un léviathan... Elle ne pouvait pas non plus complètement blâmer les pauvres inconscients qui se précipitaient dans la gueule du loup. Par endroits, Nelberaid restait durement touché par les ravages de la dernière guerre. Certaines zones ne s'en étaient jamais vraiment relevées. Le port, proche de l'océan en faisait visiblement partie. Les lieux avaient du être complètement reconstruit suite au tsunami, en avançant largement vers l'horizon, là où avait fuit l'eau...

La forme presque intangible n'en finissait pas de tourner autour d'elle, se tordant les mains sous l'effet de l'angoisse. Peut-être espérait-elle ainsi faire avancer la shaman plus rapidement... Mais cela ne réussissait qu'à l'agacer et à la déconcentrer. L'esprit était venue la trouver alors qu'elle se promenait sur la plage, essayant vainement de trouver les dernières traces d'un aearion. Visiblement, même définitivement "morts" ces derniers préféraient hanter les hauts fonds plutôt que les rivages. Regrettable constats puisqu'elle aurait apprécié en apprendre un peu plus sur ce peuple... Tout comme sur le fait si elle aussi avait eut à côtoyer le fond des mers...

Elle l'avait vu arriver de loin, se précipitant vers elle comme la misère sur le peuple. En shaman responsable elle n'avait pas pu l'ignorer, même si elle aurait préféré conserver sa tranquillité. L'esprit se trouvait être celui d'une très vieille femme, une grand-mère... Elle avait quitté le monde des vivants depuis de nombreuses années mais continuait malgré tout à garder un oeil sur sa descendance. Sur ses arrières-petit-enfants notamment. Elle avait vu que le petit dernier, 15 printemps à peine, était tombé dans les filets de l'arnaque grossièrement montée. Bien plus futée que lui, elle avait senti les ennuis arriver mais n'avait pu prévenir qui que ce soit... Jusqu'à ce qu'elle sente la présence toute proche de la shaman. Elle l'avait donc suppliée de mettre en garde son petit...

Miranda, plus prosaïque et habituée de la chose, avait vite comprit qu'il serait vain d'essayer de convaincre la jeune victime. Il la prendrait pour folle ou penserait qu'elle cherchait à lui prendre sa place... Sans compter que ce n'était finalement pas l'histoire d'un simple jeune mais toute une masse de villageois et de voyageurs qui risquaient d'aller grossir les rangs des esprits qu'elle ne manquait jamais de rencontrer... Il était donc préférable de s'attaquer directement à la source du mal plutôt que de sauver une seule et unique personne. La jeune femme se rendit donc au port, suivant docilement l'esprit et subissant son angoisse grandissante.

Trouver une place sur le "bateau" ne fut pas particulièrement difficile, bien au contraire. Quoi que puisse avoir en tête le capitaine, il sembla préférer inviter à bord une frêle jeune femme à l'air distingué plutôt qu'un colosse de 2m. Peut-être voyait-il là une plus grande chance de dépouiller ou de tuer... Une fois à bord elle se contenta de hausser un sourcil, légèrement blasée, face à la vétusté évidente de l'embarcation. Au-delà d'un possible massacre elle trouvait que toute cette population pouvait fort bien faire le bonheur de quelque marchand d'esclave de Malificium...

Balayant la foule bigarrée du regard, elle chercha un moment un endroit où s'installer tranquillement en attendant la suite des opérations. C'est à ce moment là qu'elle remarqua une jeune demoiselle, d'apparence, au port altier et aux armes accessibles. Un hors-sujet dans cette copie rédigée de façon brouillonne... Probablement une personne qui voulait en savoir plus sur ce "cadeau" inespéré. Ce fut donc tout naturellement qu'elle se dirigea vers la demoiselle, devinant que s'il y avait un problème par la suite il serait certainement plus préférable de se retrouver à ses cotés qu'au milieu d'une foule de lourdauds. L'esprit, quant à lui, avait depuis longtemps rejoins le jeune écervelé qui semblait pleinement profiter de l'instant. Elle lui tournait autour, essayant désespérément de le faire descendre sur la terre ferme...

Sans chercher à surprendre la jeune femme, la shaman s'approcha d'elle, s'adossant sans pour autant s’asseoir et profitant elle aussi de ce point de vue stratégique que la druide avait si judicieusement choisi. Parlant à voix basse afin d'être certaine que seule la druide l'entendrait, elle laissa son regard dévier vers le capitaine qui ressemblait à un chat qui venait de pénétrer dans la cabane à oiseaux...

-Ne trouvez-vous pas le Capitaine tout à fait charmant? Nous pourrions lui donner le bon dieu sans confession, n'est-il pas?

Plus ou moins confortablement assise, Luccia observa une scène assez surprenante à ses yeux. Tous ces gens s’empressaient de monter sur la grande barque, sans aucune appréhension, sans aucune méfiance, soit une vigilance inexistante.

* Bande d'inconscients ! *

Le pire était de ne pas pouvoir leur dire de se méfier, leur dire que le monde dans lequel ils vivaient regorgeait de dangers à ne pas sous-estimer. Non, il était impossible de le leur dire aux risques d'éveiller les soupçons. Oui, parce qu'en plus de vouloir sauver ces gens, l'ancienne Gardienne Sacrée tenait bien à ce que l'éventuel malfaiteur soit attrapé et puni selon ce qu'il comptait faire. Peut-être était-ce trop en vouloir, peut-être qu'elle échouerait, mais elle était néanmoins bien décidée à se procurer des preuves. La justicière voulait faire le maximum en son possible, quitte à prendre de gros risques, qui pourraient être non payants. L'idéal serait de ne pas être seule dans cette quête, car il lui serait bien difficile de coincer l'individu et de sauver ces personnes toute seule... Mais voyant le peuple qui montait à bord, il y avait peu de chance que quelqu'un croit en ses soupçons... Quoi que.

En effet, une femme a l'allure distinguée vint s'asseoir à côté de la druide. Celle-ci, trop préoccupée par l'observation des moindres faits et gestes du capitaine, n'y avait pas fait attention. Mais les paroles de l'inconnu l'éveillèrent. Une évidence était qu'elle aussi avait des soupçons, manifestement. Voilà une bonne nouvelle, et de quoi se redonner de l'espoir, car même déterminée, Luccia avait un peu de mal à croire qu'elle s'en sortirait en accomplissant tout ce qu'elle désirait seule. Espérons simplement qu'elle accepterait de coopérer. Quand elle se tourna vers la femme, l'elfe capta dans son regard qu'il semblerait qu'elle soit favorable à éviter une catastrophe sur ce bateau. Elle affirma alors de sa voix douce, avec la même ironie que l'inconnue avait employé :

« Vous trouvez, vous aussi ? »

Luccia lui fit un sourire complice, puis entendit immédiatement la voix du capitaine, qui n'acceptait plus de passagers, au risque de faire couler le navire sous leur poids. Les voiles commencèrent alors à tirer doucement le bateau vers le large, en commençant par sortir du port. La capitaine prit alors la parole, d'un sourire encore plus sadique que précédemment :

« Mesdames, messieurs, prêts pour un merveilleux voyage ? Ahahah! »

Puis, il s'éloigne pour tenir la barre. Au découragement de Luccia, les passagers prirent l'attitude du capitaine pour de l'humour... Luccia put même capter certaine paroles comme « que cet homme est bon de nous offrir cette croisière » en le bénissant par tous les noms. La druide jeta alors une regard désespéré vers la femme à ses côtés, qui lui apparaissait bien plus intelligente que ces pauvres gens, et qui avait obligatoirement, à moins d'être sourde, entendu ces quelques paroles décourageantes.

« Bon, il semblerait qu'on ne pourra pas compter sur l'aide des passagers. »

Alors que sur le bateau, tout était, pour le moment, calme, la belle elfe se présenta à l'inconnue qui l'aiderait certainement beaucoup. Une fois que la situation dégénérerait, ce ne serait pas le moment d'opérer à ce genre de politesse.

« Au fait, je m'appelle Luccia. »

Comme elle l'avait escompté, la jeune femme ne manqua pas de relever le ton ironique de ses paroles et y répondit avec la même assurance. Elle aussi semblait garder le capitaine à l'oeil et avait du embarquer pour les mêmes raisons qu'elle... Du moins pour le principe car elle ne se souvenait pas de l'avoir vu parmi les rangs des shamans. L'arc qu'elle voyait dépasser de son dos la rassurait aussi sur un point, si jamais la situation devait basculer dans la violence, ce qui était fort à parier, elle aurait un allié de choix à ses cotés. Bien qu'elle sache se défendre, elle se savait facilement maîtrisable face à tout un équipage, potentiellement agrémenté de villageois à l'esprit lent... La sidhe eut un sourire en coin, signifiant que le message était passé. Mais elle n'en dit pas plus, le capitaine choisissant cet instant pour commencer officiellement la "croisière".

Les matelots s'activèrent rapidement afin de déployer la voile alors que ce dernier s'occupait de la barre. Il ne se donnait même pas la peine de jouer un quelconque rôle... Aveuglés comme ils l'étaient, les villageois ne sentait même pas l'ironie, ni la menace, dans ses propos... Au point de désoler la shaman qui se demandait s'ils n'allaient pas en plus poser problème par leur naïveté. Tout comme Luccia elle put entendre la joie et la reconnaissance éhontée que les passagers éprouvés envers l'escroc qui menait son embarcation. Son visage de marbre ne laissa rien transparaître de sa pensée mais elle était abasourdie par tant d'aveuglement. Pas un ne se posait une question... Pas un ne cherchait à écouter son instinct. Certes les temps étaient durs et tous avaient besoin d'espoir, et tout le monde n'avait pas de mauvaises intentions en ce bas monde, mais un minimum de prudence et de clarté d'esprit était nécessaire tout de même !

-C'en est presque désespérant. Espérons aussi qu'ils ne nous opposent pas une quelconque forme de résistance en voulant protéger leur "bienfaiteur"...

La façon dont elle appuya sur le dernier mot suffit à la druide pour comprendre l'immense estime qu'elle portait envers le capitaine. Eut-elle parlé d'une chose peu ragoutante qu'elle n'aurait pas utilisé d'autre ton... La sidhe salua l'elfe d'un mouvement de tête distingué.

-Quant à moi je me prénomme Miranda.

Pour l'instant tout se déroulait de façon "normale". Ils étaient probablement encore trop proche du Port et de la rive pour révéler toute la machination. Une fois qu'ils seraient en haute mer il serait bien plus difficile aux passager de chercher à s'échapper, ou d'appeler à l'aide... A moins que le capitaine ne les mène directement là où il voulait s'occuper d'eux, quelle que soit la signification de ce terme dans son esprit. Bien que bon nombre de passagers soient des habitants du cru et qu'ils connaissaient l'Océan, il y avait fort à parier qu'aucun d'entre eux n'éprouverait de soupçons quant à la route suivie par la "croisière". Après tout, rien n'avait été précisé à ce sujet...

-Je penche pour un trafic d'esclaves... Et vous?

Certains passagers commençaient déjà se diriger vers la cale pour y installer leur petit coin... L'agitation qui en résultait sur le pont pouvait leur être fort utile. Attaquer de front l'équipage et son meneur n'était certainement pas la chose à faire actuellement. Par contre fureter un peu sur le bateau pour trouver des preuves de leurs malversations pouvait leur être profitable. Au moins pour convaincre la partie la plus éclairée des passagers qu'il y avait bien quelque chose de louche derrière une telle offre. Ce qui en ferait des alliés potentiels. La "justice" au sens "politique" du terme n'intéressait pas spécialement la sidhe, seul escomptait le résultat. Que plus personne ne se fasse embobiné par une telle offre. S'il fallait qu'elle rende "justice" elle-même pour parvenir à ce résultat, cela ne la dérangerait pas outre mesure...

La dénommée Miranda était aussi désespérée que la druide d'entendre les paroles des passagers, et d'imaginer, surtout, une éventuelle opposition au fait qu'elles leur sauveraient peut-être la vie en agissant ainsi. Donc oui, elles seraient seules face au personnel du bateau. Le capitaine laisserait certainement les passagers se mettre à leur aise, être en confiance, avant de faire ce qu'il avait à faire. Luccia le vit même discuter avec une fillette, faisant un clin d’œil à sa mère pour lui montrer qu'elle était entre de bonnes mains. Que c'était pathétique !

Un trafic d'esclave... L'elfe n'y avait pas pensé une seconde, mais il était vrai que l'hypothèse était fortement probable. Mais étonnement, Luccia avait eu l'habitude de voir des gens faire certaines choses sans intérêt précis, pour le plaisir de faire du mal. Étrange dit comme ça, mais la population de sadiques augmentait considérablement avec les années. Quand on n' aime pas le genre humain, les homicides volontaires étaient malheureusement bien envisageables. Cette dernière hocha la tête quant à la proposition de Miranda, en poursuivant :

« … on pourrait aussi être le repas des animaux aquatiques. »

Mais quelle que soit la raison, il ne fallait absolument pas laisser faire ça.

« A mon avis, nous avons encore un peu de temps pour y réfléchir... »

Cependant, une fois qu'elle eut dit cela, elle vit le capitaine faire signe à la fillette, d'un sourire se voulant paternel, de l'accompagner dans la cale. Il se voulait d'être discret, et demanda à un marin de prendre la barre. La druide jeta un coup d’œil vers la mère de l'enfant, et comprit qu'elle ne s'en inquiétait nullement. Bon, là n'était pas le gros coup que le personnel s'apprêtait à faire subir aux passagers, mais elle ne pouvait pas laisser la fillette seule avec ce vile personnage. Miranda était attentive également à ce qu'il se passait sur le navire, et avait donc certainement vu la scène. Luccia lui chuchota alors :

« On ne peut pas le laisser faire ça ! »

Puis, elle se leva, en faisant attention de ne pas attirer les regards, se dirigeant doucement vers la cale.

Bien qu’elle concède qu’il existait de tristes sires dans ce monde, capables de faire le mal pour le mal, de tuer sans le moindre remords et ce au niveau du génocide, elle estimait tout de même que la plupart des gens qualifiés de malfaisants avaient tout de même une logique qui guidait leurs actions. C’était certes quelque chose de biaisé et de perverti, mais c’était une logique tout de même. Et cette logique était souvent bien peu originale comme la recherche du pouvoir, de l’argent ou la reconnaissance. Parfois certains avaient juste un esprit étrange, ne retirant du plaisir que de la souffrance d’autrui mais là encore c’était une logique somme toute classique. La recherche du plaisir… Seule la façon de l’obtenir était étrange. Non, à ses yeux, les plus dangereux et les plus difficiles à « côtoyer » restaient ceux qui agissaient sans raison évidente, qui ne montraient que froideur et dédain. Ceux-là étaient d’autant plus difficiles à cerner et à contrer… Ils lui faisaient le même effet que les catastrophes naturelles contre lesquelles on ne pouvait jamais vraiment totalement se prémunir…

A ses yeux, même si les passagers étaient destinés à servir de repas aux poissons, il devait forcément y avoir une raison sous-jacente. Trouver cette raison pouvait leur permettre de dénouer la situation, mettre à mal une logique qu’il leur serait néfaste. Le tout était de trouver des informations à temps, avant que la situation ne dégénère et se prête plus au combat qu’au dialogue construit…

Sauf que le destin, cet amant infidèle, en décida autrement. Visiblement le Capitaine avait des idées bien précises en tête, quelles qu’elles soient, et la fillette semblait bien partie pour en faire les frais avant tous les autres passagers. Faisant autant preuve d’un manque effrayant de discernement que ses compatriotes, la mère la laissa entre les mains du sombre personnage sans même se poser la moindre petite question… Les choses risquaient bien de se précipiter…

-Je crois que nous devrions nous aussi installer notre coin dans la cale…

Remettant de l’ordre dans sa tenue, la shaman emboîta le pas à la druide, non sans faire signe à l’esprit de la grand-mère avant. Si jamais elles avaient besoin de quelqu’un pour voir au travers des portes, elle serait un allié de choix. Ayant elle aussi remarqué le manège avec le capitaine, d’autant plus que son petit-fils ne l’entendait visiblement pas, elle semblait décidée à aider les passagers en mauvaise posture. Contrairement à Luccia, la jeune femme ne chercha pas spécialement à faire montre de discrétion. Ce n’était pas vraiment nécessaire et parfaitement hors de propos pour celle qu’elle était. Elle paraîtrait plus suspecte en cherchant à se montrer discrète avec ses atours… Accessoirement elle ne semblait vraiment pas représenter une menace quelconque, se dirigeant comme beaucoup d’autres avant elle vers la cale. Alors qu’elle arrivait calmement au niveau de la druide, elle lui souffla…

-Comment voulez-vous procéder ? Je ferai un agneau de choix…

Elle se proposait ainsi à y aller franchement, droit vers le capitaine, en jouant de son rôle de jeune demoiselle perdue. L’appât donc, la diversion pour éviter que la fillette soit seule avec lui pendant que Luccia lui servait de couverture. Au cas où les choses ne dégénèrent…

Luccia fit un signe de tête à Miranda avant de se diriger vers la cale. Le capitaine était tout de même doué... Réussir à amener une fillette dans cet endroit sombre sans qu'elle soit effrayée était 'professionnel'. Il devait avoir, malheureusement, l'habitude d'opérer ainsi. Cet homme était, et apparaissait de plus en plus aux yeux de la druide tel un être des plus répugnants qu'il existe, même s'il n'avait pas encore agit. Ses ambitions douteuses se sentaient à plusieurs kilomètres... Façon de parler. Bref, il fallait à tout prix réussir à l'arrêter pour ne pas qu'il mette encore d'autres vies en danger à l'avenir.

Cependant, comment intervenir sans mettre tout le personnel en alerte ? Comment le piéger dans son propre jeu, de manière à obtenir des preuves de ses mauvaises intentions ? Luccia eut beau retourner la question dans tous les sens, elle n'y trouva pas de réponse convenable. La seule qui lui effleura les pensées l'horrifia. Elle ne pouvait pas le laisser agir sur la fillette dans le simple but de le coincer. C'était inhumain, il fallait la sauver en priorité. Enfin... la proposition que vint lui faire la femme qui l'accompagnait dans cette 'quête' n'était pas sans intérêt. Elles avaient probablement beaucoup à gagner en agissant ainsi, et cela épargnerait la fillette. Mais c'était risqué, et, même si Miranda était certainement expérimentée, il était difficile de la lancer ainsi en appât. La druide hésita donc. Mais, en y réfléchissant, en cachant sa présence, elle pourrait la couvrir et intervenir au cas où ça tournerait mal. Après tout, vu la naïveté globale des passagers, le capitaine ne s'y attendrait pas. Et puis, il était seul dans cette cale. A deux, elles en sortiraient vives.

La druide observa les lieux. Le capitaine était maintenant dans un coin de la pièce avec la fillette. Il n'avait pas remarqué la présence des deux femmes, car elles étaient cachées par trois gros tonneaux de vin. Le malfaiteur prit la main de la fille, et Luccia eut un sursaut. Il fallait agir avant que ça ne tourne vraiment mal ! Elle chuchota alors :

« Bon, c'est d'accord. Je vais rester derrière le tonneau. Je te couvre, mais si tu as le moindre problème que je ne pourrais voir, où si tu penses qu'il est tant pour moi d'agir, fais moi signe.»

La situation était critique. A priori, l'elfe verrait s'il y avait un soucis, mais on ne sait jamais ce qu'il peut arriver. Mieux vaut être le plus prudent possible. Au passage, Luccia ne remarqua même pas qu'elle était passée du vouvoiement au tutoiement. La présente situation et la stratégie en cours des deux femmes imposaient à se qu'on mette les politesses de côté, pour plus de facilités. La druide glissa à l'oreille de Miranda, avant de la laisser s'avancer vers le capitaine :

« Reste avant tout sur tes gardes... Et ne prend pas de risques inutiles. »

De simples conseils qu'elle pouvait se donner elle-même, mais ce n'était pas de la salive perdue que de le répéter...

Il était regrettable que les jeunes femmes n’aient pas eut plus de temps pour s’organiser et repérer les lieux. Se battre sur un navire n’était jamais chose aisée. L’espace confiné était très vite limité à moins que l’on sache marcher sur l’eau. il en allait de même pour l’éventail des attaques possibles. Il serait fort mal avisé de chercher à déclencher la colère des éléments sur une structure en bois dépendantes de bouts de tissus et isolée au milieu d’une vaste étendue d’eau hostile… Dans la même veine, elles devaient aussi songer à leur retour sur la terre ferme. Personnellement, elle n’avait pas la moindre compétence de navigatrice. Et elle ne savait pas si, à bord, il y avait quelqu’un apte à se mettre à la barre si le Capitaine venait à se montrer trop agressif, au point où leur réponse devienne létale. En extrême recourt elle pouvait toujours faire appel à un esprit, bon nombre de pêcheurs finissaient leur jour noyés mais elle pouvait fort bien jouer de malchance et ne pas parvenir à trouver la personne dont elles avaient besoin avant un bon moment…

-Très bien…

Aussi monstrueux soit-il, le Capitaine leur était donc toujours nécessaire. Il fallait s’assurer de le garder en vie et conscient… Ses exigences s’arrêtaient là. Elles pouvaient très bien s’occuper des manœuvres si jamais la partie devenait trop « musclée » pour lui…

-Gardons le vivant autant que possible. Il doit pouvoir nous ramener à terre…

La jeune femme lissa sa jupe une dernière fois, se contentant de hocher la tête en réponse aux conseils avisés de l’elfe. Prudence et ruse. Il fallait qu’elle ait l’air aussi innocente et vulnérable que possible pour que le Capitaine n’ait pas une réaction malheureuse. L’idéal était qu’elles parviennent à désamorcer la situation sans qu’il ne se doute de quoi que ce soit. Etre prit sur le fait, ou presque, pouvait l’inciter à fuir pour remettre temporairement ses plans à plus tard. Avec de la chance. Beaucoup…

La shaman commença donc à s’avancer vers la zone où s’était retiré le Capitaine avec l’enfant captive. A moins qu’il ne soit particulièrement sourd ou occupé, il ne manquerait pas de noter son arrivée. C’était un signe de « bonne foi » qui accréditerait encore le coté vulnérable de sa personne. Lorsqu’elle atteignit enfin l’homme et l’enfant, elle afficha un grand sourire qui se voulait soulagé. Elle n’eut pas à beaucoup le feindre puisqu’elle constata que la petite fille allait encore bien pour l’instant. La sidhe porta alors une main à sa poitrine, comme si elle cherchait à apaiser un cœur un peu trop emballé, soulignant ainsi ses attributs mis en valeur.

-Seigneur, je suis soulagée de vous trouver ici. Je désespérais de vous trouver dans ce dédale de tonneaux Capitaine…

Elle fit un pas en avant, se montrant plus « agneau » qu’aguicheuse. C’était à elle de faire l’appât, elle n’allait pas non plus lui sauter dessus, c’était surestimer ses capacités d’actrice. Ce faisant elle dégageait aussi la voie, permettant ainsi à Luccia d’avoir une meilleure vue d’ensemble. et un possible axe de tir…

-Ne serait-il pas possible de s’entretenir avec vous … ? Seule à seul ?

Le garder vivant... Oui, c'était certes une très bonnes idée. Les deux femmes ne se seraient pas retrouvées malignes si elles avaient écarté un problème pour en entraîner un autre qui pourrait être aussi embêtant... Différent, mais aussi contraignant. Et puis, Luccia pensait le garder vivant également pour qu'il ne s'en sorte pas aussi 'facilement'... Il devrait payer pour l'entourloupe qu'il était en train de monter et le tuer ne serait pas faire du bon boulot. Enfin, parfois, la situation ne laisse pas le choix. Et, même si on aurait voulu mieux faire, il vaut mieux choisir la facilité pour sauver des innocents inconscients... Il fallait simplement espérer que la présente situation n'oblige pas la druide à agir ainsi, ou toutes les personnes présentes sur ce bateau se retrouveraient dans de beaux draps !

Miranda s'approcha du Capitaine, sans cacher son arrivée, mais en ne voulant pas apparaître brusquement non plus. Elle prit la parole, d'une voix innocente, qui fit presque sourire l'elfe. Elle était douée, il fallait maintenant que le plan fonctionne comme prévu. Luccia ne manqua pas de sortir son arc, de manière à être prête au moment venu, et si dérapage il y avait. Elle le pointa vers l'homme, et attendit, attentive au plus haut point. L'homme hésita un instant, suite à la proposition de Miranda. Certes, il était sensible à ses atouts, mais il trouvait bien dommage de laisser partir une proie déjà en poche. Mais après tout, il en conclut qu'il avait fait le plus dur, et qu'il lui suffirait de retourner la chercher pour qu'elle vienne à lui sans hésiter. Il demanda donc à la fillette :

« Je vais parler à la dame, retournes en haut, je reviens te voir dans pas longtemps. J'ai encore plein de choses à te montrer. »

* N'y compte pas ! * pensa Luccia.

Une petite marque affective sur le front de l'enfant, et cette dernière se dirigea vers l'escalier. La belle elfe prit la précaution de ne pas se faire remarquer, même si elle aurait bien voulut prévenir l'enfant, et lui demander d'être plus prudente. Ce n'était pas le moment, et il fallait qu'elle garde les yeux rivés sur l'interlocution entre les deux individus. Une fois que la fillette eut disparu, le capitaine se tourna vers 'l'agneau' de manière assez inquiétante. La jeune femme avait été courageuse d'affronter ce vile personnage de cette manière...

« Qu'est-ce que tu as à me dire ma jolie ? Ou à me montrer peut-être ? Je suis tout ouï... »

Puis, d'une sourire marqué, il se rapprocha dangereusement de la shaman.

La lueur qui habitait le regard du capitaine n’avait pas besoin d’être expliquée. D’expérience, Miranda comprit qu’elle était parvenue à ferrer son poisson… Au moins la petite fille pouvait s’en aller sauve, pour l’instant. a voir la façon dont il la regardait, elle préférait ne pas imaginer ce qui était passé par la tête de ce sale rat. Au moins son attention était-elle désormais focalisée sur elle. Elle avait certainement plus de moyens de se défendre que la petite proie qui venait de s’enfuir. La jeune offrit un délicieux sourire au capitaine, dépassant le dégoût qu’elle éprouvait pour ce genre de personnages.

-Je suis ravie que vous déniez m’accorder de votre précieux temps…

La sidhe laissa la petite fille, complètement inconsciente de ce à quoi elle venait d’échapper, la dépasser et rejoindre la sécurité relative du pont. Une fois qu’elle n’était plus entre eux, la jeune femme était plus libre de ses actes et mouvements. Tout comme le capitaine d’ailleurs, qui se rapprocha dangereusement d’elle sans vraiment la regarder dans les yeux. La shaman lutta contre son mouvement instinctif de rétablir une distance raisonnable entre eux, prenant sur elle et continuant d’afficher son sourire charmeur.

Il fallait maintenant qu’elle se dépêtre de cette situation sans ruiner les efforts de diplomatie qu’elle venait de déployer. Sans cela l’homme aurait la puce à l’oreille et pouvait fort bien précipiter leur chute. Comptant vraiment sur sa capacité à pouvoir repousser le sinistre individu si la situation lui échappait complètement, la jeune femme fit un pas de plus en avant, achevant de détruire le peu de distance qui les séparait encore. Elle vint caresser du bout du doigt la joue de l’homme, finissant son geste en posant sa main bien à plat sur son torse, un moyen comme un autre de se montrer aguicheuse tout en conservant la maîtrise de la situation.

-Je n’avais encore jamais prit la mer avant… Croyez-vous que vous seriez capable de m’apprendre à manier la barre ?

Le capitaine eut un ricanement gras soulevant parfaitement le double sens que pouvaient avoir ses propos. Retenant son haut le cœur, la jeune femme lui offrit un sourire amusé et complice.

-Oh mais je suis tout à toi ma jolie ! Tu vas voir, une fois que tu seras passée entre mes mains, tu seras une vraie spécialiste !

La sidhe eut un petit rire d’élégante devant l’empressement du Capitaine qui cherchait désormais à venir fourrager son visage peu avenant dans son cou.

-Voyons voyons Capitaine… Vous voilà bien pressé. N’avez-vous pas peur que l’on ait besoin de vous sur le pont ? Vous étiez déjà cherché lorsque je suis descendue ici… Sans compter que les lieux ne sont pas vraiment appropriés, ne trouvez-vous pas ?

Le tout maintenant était que son bluff marche. Que ce soit celui pour le faire partir, ce qui l’arrangerait, que celui pour le mener à sa cabine, ce qui pouvait les aider à découvrir le pot aux roses. Sinon elle avait tout intérêt à rapidement l’assommer…

Le capitaine montra son empressement à peine après que la fillette eut quitté la cale. Et ses sous-entendus firent frémir de dégoût Luccia qui, de sa cachette, pouvait tout entendre et tout voir. Mais alors, elle n'imagina même pas l'impact de ces paroles sur Miranda, si proche de ce vulgaire personnage. La druide aurait été incapable de jouer à cela contrairement à Miranda, qui cachait bien son angoisse. D'ailleurs, elle lui proposa de partir, ou de choisir un autre endroit plus approprié, proposition qui ne manqua pas d'inquiéter l'elfe.

* Mais, comment je vais pouvoir la couvrir s'ils vont dans un endroit fermé ! *

Et bien entendu, le capitaine ne se fit pas prier... Comme s'il attendait cette proposition, ne doutant pas de l’innocence fictive de la shaman.

« Oh t'inquiète pas va, les membres de l’équipage ont l'habitude d'être seuls sur le pont ! Ahah. »

Puis, il la traîna sans plus attendre vers une cabine, sans aucun doute la sienne. Il ouvrit la porte avec précipitation et la referma tout aussi vite sur eux.

* Et merde ! *

Luccia se précipita vers la cabine, où le hublot pouvait la laisser entrevoir ce qu'il se passait à l’intérieur, mais si elle persistait à regarder, elle se ferait bien vite repérer. Tan pis, elle n'avait plus le choix. L'elfe marcha vers la cabine, et laissa la shaman une petite minute avec l'homme, au cas où elle repérerait quelque chose pouvant l'accuser. En espérant que ce temps lui ait suffit, et qu'elle ait vu quelque chose, Luccia ne put pas rester plus longtemps ici à attendre, alors que la femme était potentiellement en danger. Elle regarda donc au hublot et, bien sur, il ne fallut pas longtemps au capitaine pour remarquer son intrusion. Il vint donc à elle, ouvrit la porte avec brutalité, et se raffermit bien vite...

« Et bien, deux pour le prix d'une ! C'est mon jour de chance aujourd'hui ! Viens donc te joindre à nous ma belle ! »

Il n'avait peur de rien celui-là ! Il faut dire que les deux donzelles paraissaient totalement inoffensives... Mais s'il savait qu'il fallait se méfier des apparences, il serait certainement plus prudent.

Prise sur le vif, Luccia regarda Miranda avec persistance, comme pour lui demander si elle avait de quoi l'accuser, et donc, si elles pouvaient le neutraliser ou s'il fallait encore 'jouer' le jeu ...

Ah… L’idée d’abandonner ses hommes sur le pont ne semblait pas le déranger. D’un autre coté Miranda aurait pu le prévoir, il ne semblait pas être homme à penser à autre chose qu’à son propre plaisir. Inutile de dire qu’il était probablement capable de pousser sa mère dans la gueule d’un leviathan si cela pouvait lui permettre de sauver sa pauvre carcasse… La sidhe se força a avoir un petit éclat de rire précieux en réponse à celui, plus gras, du capitaine. Elle en était quitte pour espérer qu’il la mènerait dans sa cabine. Sinon elle aurait tout perdu… Au moins, dans la cabine, elles avaient une chance de découvrir quelque chose d’important. Ainsi que de le maîtriser sans que ses hommes ne s’en aperçoivent…

Elle sentit la panique et le d’égout se loger au creux de son estomac alors que ses doigts s’enroulaient autour de son poignet avant qu’il ne l’entraîne à sa suite. Luccia allait probablement la maudire de briser ainsi leur avantage, il lui serait bien difficile de la couvrir une fois enfermée avec lui dans sa cabine… Mais la sidhe n’en laissa rien paraître, continuant à jouer avec lui comme si elle avait réellement l’intention de prendre un peu de bon temps avec cet immonde personnage. Son masque se fissura une fraction de seconde lorsqu’elle entendit la porte se refermer sur eux.

Heureusement la cabine était assez vaste et semblait bien être celle du capitaine. Elle remarqua rapidement un livre ouvert ainsi qu’une multitude de papiers étalés sur le bureau. Ainsi qu’une chopine, un pichet et une improbable boule en verre dont la base était plate et qui essayait, sans y parvenir, de maintenir en place certains feuillets. Sans compter deux coffres, un lit et un désordre assez peu conventionnel. La jeune femme évita les mains lestes du capitaine d’un élégant saut de coté, l’accompagnant d’un petit rire pour ne pas trop l’inquiéter.

-Pourquoi donc se presser ? N’avez-vous pas envie d’un peu en profiter ?

Alors que le capitaine se dirigeait vers la porte, elle en profita pour lui verser un verre d’alcool, fort à l’odeur désagréable qui vint lui chatouiller les narines. En même temps elle jeta un œil sur les papiers étalés sur la table. Des chiffres, des colonnes… Visiblement des comptes mais elle ne pouvait pas en dire plus en aussi peu de temps. Alors qu’elle relevait la tête, le capitaine faisait entrer Luccia dans la cabine, visiblement ravi de sa bonne fortune. Il y eut quelques secondes de flottement durant lesquelles la jeune femme essaya de voir comment agir. Elles avaient encore besoin de temps pour s’assurer que ces preuves suffisaient… La sidhe reposa le pichet en poussant ostensiblement quelques papiers pour que la druide les remarque avant de se diriger vers elle. La jeune femme caressa la joue de l’elfe de façon taquine…

-Voyons ma chérie, tu n’étais pas obligée de te joindre à nous… Le capitaine n’est peut-être pas aussi gourmand…

Du regard elle désigna le bureau avant de la dépasser et de tendre la chope au capitaine. Au moins pouvait-elle l’occuper le temps que la druide trouve les papiers. Ensuite elle avait une idée assez précise de ce qu’elle comptait faire au capitaine. Et il resterait vivant. Bien entendu…

-Oh mais ton amie est la bienvenue voyons…

Pour le coup, Luccia s'était faite piégée... Il serait évident de voir que l'elfe n'était pas à l'aise, et habituée à ce genre de plan séducteur. Elle comptait alors beaucoup sur Miranda, et se contenta d'ajouter un léger sourire pour marquer son consentement à se joindre à eux, même si le cœur n'y était pas forcément, bien entendu.

« Je... J'en serais ravie. »

Bon, d'accord, dit comme cela, ce n'était pas flagrant. Mais bon, il fallait espérer que ça passerait. La druide observa ensuite la shaman qui ne manqua pas de mettre un évidence un papier qui pourrait éventuellement être une information capitale. Les deux femmes n'avaient plus vraiment le choix... En tenant compte de leur talent, leur crédibilité serait plus fiable si Miranda continuait de faire 'l'agneau', de manière à faire diversion pour que Luccia puisse trifouiller dans les papiers du capitaine. Elle adopta donc sa voix douce habituelle en s'adressant au capitaine, ce qui ne manqua pas d'attiser le désir de ce dernier. Mais il attendrait pour faire durer le plaisir certainement.

« Me laisseriez-vous me servir un verre, avant ? »

Le capitaine de ce vieux navire fit alors un signe de tête autorisant sa demande, puis attrapa la shaman par la taille, ne pouvant pas attendre qu'ils soient tous les trois réunis. D'un côté, c'était tant mieux qu'il agisse comme ça, sauf pour Miranda peut-être. Mais la belle elfe se dépêcherait pour ne pas faire endurer ce calvaire trop longtemps à cette femme qu'elle venait de rencontrer, mais qui avait les mêmes bonnes intentions qu'elle.

Dans un premier temps, elle se servit comme prévu de l'alcool fort, puis monta le verre jusqu'à ses lèvres, sans en boire une goutte. Néanmoins, c'était suffisant pour faire remonter les vapeurs dégoûtantes de ce liquide infecte. En même temps, elle jeta un coup d’œil discret sur les papiers. Des noms, des chiffres, affichés sur un calendrier récent... En dessous, elle repéra un petit carnet d'adresse, et un nom lui parla. Elle entrouvrit davantage le carnet, voyant que le capitaine était bien trop occupé à sa tâche plaisante. Elgor Metfales. Ou avait-elle entendu ce nom ? Quelques retours en arrières par la pensée, et elle le vit affiché sur un journal. Et, ce n'était pas pour la médaille du mérite ! La druide ne se souvint plus des causes exactes de son apparition sur la gazette, mais il y avait une histoire louche, et, elle se rappela qu'il s'agissait d'un homme très riche. Bon, si le capitaine a ses coordonnées, c'est qu'il demeure, lui aussi, trempé dans une affaire délicate.

Les preuves résidaient donc certainement dans ces papiers... Soit la liste, le carnet d'adresse, et peut-être même le dossier qui en était recouvert. Luccia jugea donc qu'il était tant de les explorer en paix, et donc, de neutraliser le capitaine. Elle s'avança donc vers les deux individus si proches l'un de l'autre, et fit un sourire à Miranda, comme pour lui annoncer qu'elle pouvait cesser ce supplice.

La situation devenait de plus en plus compliquée, tant pour elle que pour Luccia. Elle ne connaissait pas encore suffisamment la jeune femme pour savoir comment elle pourrait se débrouiller avec le capitaine mais elle n'avait pas spécialement l'air "joueuse" pour ce domaine. Quoi qu'il lui en coûte, elle devait continuer à suffisamment distraire ce vil personnage pour que sa comparse puisse proprement compulser les documents. Et elle espérait vivement qu'ils étaient suffisant pour prouver sa culpabilité... Elle ne se sentait pas à même de jouer ainsi pendant des heures, du moins pas sans entreprendre quelque chose de plus poussé. Et le capitaine était tout sauf à son goût pour lui inspirer ce genre de choses. Il lui fut d'ailleurs très difficile de retenir sa grimace de dégoût lorsqu'elle sentit son bras autour de sa taille alors qu'il l'attirait franchement à lui.

Une odeur de sueur et d'alcools lui fouetta violemment le nez, lui coupant presque la respiration. Le rouge aux joues sa quasi pâmoison rendit son jeu encore plus crédible alors qu'elle se retrouvait obligée de respirer par la bouche pour ne pas complètement défaillir. Comment diable ce rufian pouvait-il avaler les couleuvres qu'elle lui servait depuis tout à l'heure? La dernière femme qu'il avait du avoir dans son lit avait probablement été payée par ses soins... A moins qu'elle n'ait pas été consentante. A cette idée une fine chaire de poule naquit sur sa peau alors qu'elle évitait consciencieusement que le capitaine ne l'embrasse goulûment. En lieu et place de ses lèvres il préféra donc partir dans son cou, descendant dangereusement vers sa poitrine. Certaine qu'il ne pourrait pas voir son visage, la sidhe ne put s'empêcher de lancer un regard de détresse à l'elfe...

Fort heureusement pour elle, c'est à ce moment là que la druide lui adressa un sourire teinté de victoire. Les papiers devaient être suffisant à leur cause... Et la mascarade pouvait prendre fin !!! Concentrant son regard sur la boule de cristal servant de presse document, la jeune femme la fit brusquement voler au travers de la pièce jusqu'à ce qu'elle puisse s'en emparer à deux mains, non sans avoir incité le rufian à rester à le peloter en attendant. Une fois ainsi armée elle asséna un grand coup de l'objet décoratif à l'arrière du crâne du capitaine qui se retrouva sonné pour le compte. Il glissa silencieusement à ses pieds alors que la jeune femme restait haletante, les mains toujours crispées sur la boule légèrement teintée de rouge. Elle le retourna du bout du pied avant de l'observer avec attention. Rien ne venait...

-Il n'est pas mort je crois. Je suis désolée... J'ai pas pu...

Malgré toutes ses belles promesses et ses mises en garde, la shaman n'avait pu s'empêcher de faire une telle démonstration de violence. Il l'avait poussée dans ses retranchements, elle avait atteint ses limites et son corps avait réclamé qu'il paye pour une telle attaque à sa personne... Ses doigts finirent par peu à peu se décrisper autour de la boule et elle la lança sur le lit afin qu'elle ne fasse pas de bruits en tombant au sol, ou qu'elle ne fasse d'autres dégâts. Sa respiration revenait peu à peu à la normale mais il n'était pas difficile de voir que l'exercice l'avait éprouvée malgré ce qu'elle avait laissé voir plus tôt. Elle ne cessait d'essayer de remettre de l'ordre dans sa mise de façon mono-maniaque...

-Alors? Qu'avez-vous trouvé?

Elles devaient verrouiller la porte et aussi mettre quelque chose pour obstruer le hublot afin que personne ne puisse voir ce qu'elles faisaient mais elle était encore incapable de bouger normalement, elle devait reprendre un minimum de contenance avant. Et elle mourrait d'envie de prendre un bain de cet alcool si fort dont elle ne doutait pas des vertues astringentes...

-Mieux, cela suffira-t-il à sauver ces pauvres gens de ces pirates et d'eux-mêmes ?

Luccia pouvait faire arrêter le supplice de Miranda, alors que celle-ci lui lançait un regard de détresse, comprit par la druide vu le dégoût que cet homme lui inspirait. Vouloir faire le bien nous obligeait à passer par des étapes des plus désagréables, mais cette fois-ci, ce n'était pas l'elfe qui en avait hérité, mais plutôt la demoiselle qui lui avait proposé son aide. Une collaboration qui n'était pas déplaisante, même si Luccia se voyait un peu gênée d'avoir donné ce calvaire à subir à cette femme qu'elle ne connaissait que depuis aujourd'hui, mais qui ne lui avait montré que de l’honnêteté dans ses actes, vis à vis d'elle bien sur et non du capitaine...

Manifestement, le dégoût semblait avoir atteint un seuil dans la tête de Miranda qui, dès le signal de la druide, ne perdit pas une seconde pour amener à elle un objet permettant d’assommer le capitaine de la brutalité de son bras. C'était compréhensible. Cette dernière, observant le corps inanimé, s'excusa... Luccia s'empressa alors de la rejoindre, captant une certaine détresse face aux derniers événements. Elle passa son bras derrière l'épaule de la jeune femme et adopta sa douce voix habituelle :

« T'en fais pas. Il a eu ce qu'il méritait. Je suis désolée de t'avoir fait subir ça. »

Enfin bon, maintenant, c'était fait, et les deux protagonistes avaient sûrement les preuves qu'elles convoitaient pour que sauver les pauvres gens naïfs à bord du bateau. Encore faudrait-il qu'ils les croient. Une annonce générale des faits en ferait rire plus d'un.

Luccia se dirigea ensuite vers les papiers qu'elle avait laissé. Elle s’empara du calendrier et du carnet d'adresse, et les tendit à Miranda.

« Il y a ceci... »

L'elfe lui montra le nom qui l'avait intrigué sur le carnet d'adresse.

« Cet homme, Elgor Metfales, est passé dans la gazette pour une histoire louche... »

Bon dieu, elle en avait mis du temps pour se souvenir de ce que disait l'article, mais voilà que ça lui revenait. Le globe posé sur la table du capitaine lui rappela celui qui était à côté d'elle dans la taverne où elle avait lu cet article, ce qui lui avait permis de retrouver ce qu'il s'y disait.

« Il s'agit d'être homme très riche, trempé dans différentes grosses affaires... mais, par ses connaissances un peu partout, il s'en sort toujours. On supposait qu'il voulait retrouver une famille vivant sur les côtes de Bénécius, à cause d'un certain trafic... Tu crois qu'il peut y avoir un lien avec cette croisière ? »

C'était une possibilité. Mais maintenant, il pouvait y en avoir des tas d'autres. Il faudrait enquêter pour être fixé.

« Il faudrait savoir si certaines personnes de ce navire sont connues du capitaine, et figurent dans ses registres, ou s'il s'agit de parfaits étrangers... Je peux aller en interroger quelques uns, vu leur naïveté, je pense que ce ne sera pas difficile de trouver un argument pour qu'ils me donnent leur noms. Tu pourrais peut-être trouver d'autres éléments dans ces papiers... ?»

Vu le fouillis sur le bureau de l'homme à terre, il y avait certainement d'autres informations, mais comment repérer celles qui leur seraient vraiment utiles ?

Inutile de se le cacher, la jeune femme avait encore un peu la chaire de poule... Et des idées assez sinistres pour faire payer le capitaine. Mais elle doutait que son alliée comprenne jusqu'à ce point. Luccia avait l'air de quelqu'un de bien qui ne devait distiller la violence que lorsque cela était strictement nécessaire. Une émasculation à la petite cuillère ne devait pas faire partie des spectacles qu'elle tolérait. En tous cas la voix et le bras de l'elfe passait autour de ses épaules lui permettaient de garder un minimum les idées claires. Même s'il lui fallait encore quelques instants pour retrouver des idées à peu près claires, elle parvenait ainsi à se contenir et évitait ainsi un bain de sang probablement inutile. Restait à savoir si le capitaine serait en état de naviguer...

-Ce n'est rien. Le principal est que nous ayons ce pour quoi nous avons fait cela...

Et puis la petite fille n'avait pas eut à subir les assauts de ce vieux pervers de marin, c'était déjà une consolation en soit. Il faudrait juste rappeler deux trois détails à son écervelée de mère... La jeune femme s'empara des papiers que la druide lui tendait, les observant avec plus de concentration que quelques instants auparavant. L'actualité des vivants n'était pas une chose qu'elle suivait avec beaucoup d'assiduité, il faudrait d'ailleurs qu'elle corrige cela, et le nom de Metfales ne lui disait strictement rien. Mais elle faisait confiance à Luccia qui semblait parfaitement savoir de qui il s'agissait...

Restait à tout relier... Le bonhomme pouvait très bien être lié à un classique trafic humain, bien qu'abolit sur certains territoires, l'esclavage florissait ailleurs, surtout chez les robes noires. Il pouvait aussi chercher quelqu'un de très précis pour une raison qui lui appartenant. Quand on était ce genre de personnage... Il pouvait aussi bien rechercher sa famille en fuite que des personnes ayant des informations compromettantes sur lui. Il y avait tellement de scénarii possibles pour une seule solution. Pour l'instant, le temps de la traversée finalement, elles avaient le temps de recouper un peu mieux les quelques informations qu'elles venaient de découvrir. En espérant qu'elles n'arriveraient pas trop rapidement à bon port.

-Très bien, essaye de savoir qui est sur ce bateau finalement. Il n'est pas non plus immense, cela devrait faciliter la tâche... Sois prudente par contre, il reste les hommes d'équipage...

Elle jeta un regard noir au capitaine, toujours au sol et inconscient. Elle n'y était vraiment pas allée de main morte...

-Je vais chercher ici mais fournir aussi un alibi à l'absence du capitaine. Il suffira de quelques bruitages si un marin vient frapper à sa porte...

Et en attendant elle n'allait pas courir le risque que sa mocheté aux bois dormant ne se réveille libre de ses mouvements. Elle attrapa la ceinture du capitaine et lui attacha les mains dans le dos, aussi solidement que possible, faute de corde directement accessible... Puis elle déchira un morceau de drap à la propreté douteuse pour lui enfourner dans la bouche. Tant pis s'il mourrait asphyxié, au moins ne ferait-il pas de bruit... Puis elle le hissa sur le lit, s'aidant de sa télékinésie avant de le saucissonner dans le reste de drap, tel un enfant emmailloté dans ses langes... Sauf que son visage n'était pas visible. Ne connaissant pas l’étendue de ses capacités, elle ne voulait pas lui faciliter la tache s'il venait à se réveiller. Et si jamais quelqu'un cherchait à jeter un oeil, il passerait pour flemmardant sous ses draps. Ou presque...

-Si jamais ça tourne mal, fais en sorte que je le sache que je puisse venir t'aider... Sois prudente...

L’ancienne gardienne sacrée allait donc interroger les personnes à bord du navire, personnes qui, semblerait-il, allaient se faire piéger par l’équipage. Luccia allait donc essayer d’obtenir des noms, pour voir s’ils apparaissent, ou non, dans les registres du capitaine, auquel cas on pourrait en tirer quelques conclusions. Notamment, si les noms n’étaient pas inconnus au capitaine, cela pourrait signifier qu’il visait donc des personnes précises, qui pourraient avoir un rapport avec l’affaire Metfales. Ensuite, si les noms étaient inconnus au capitaine, chose également tout à fait probable, ce pourrait être simplement un trafic d’esclave, ou quelque chose dans ce genre. Et, si on livrait les malfaiteurs, les noms du carnet d’adresse parleraient certainement d’eux même à la justice. A Bénécius, où le trafic d’esclave est illégal, on saurait certainement identifier les trafiquants.

« Très bien, j’y vais de ce pas. Fais attention à toi également. Théoriquement, ça ne devrait pas durer longtemps. »

Pour l’heure, la priorité était donc de trouver un prétexte pour obtenir les noms. Mais, ce ne serait pas très dur, naïfs comme étaient les personnes à bord du bateau. Elle opta donc pour une question assez simple.

La druide grimpa les escaliers et se hâta sur le pont. Il y avait au grand regret de cette dernière une bonne ambiance, des chamailleries, des touristes émerveillés devant le paysage et cette opportunité qu’ils avaient… Tout pour ne pas se préoccuper du mal qui se tramait sur cette embarcation bien particulière. Enfin bon, au moins, cela faciliterait les choses pour les interroger. Ils ne percevront aucune intention néfaste à ce que Luccia leur demande leur nom… Tout comme ils ne percevaient pas l’entourloupe qui siégeait ici…

La belle s’approcha d’une première personne avec un parchemin vierge qu’elle avait pris dans la cabine du capitaine. Avec un sourire radieux, elle s’adressa à celle-ci de sa voix doucereuse :

« Bonjour Monsieur. J’enquête pour la cité de Bénécius…. Me permettez-vous de vous interroger ? »
« Oui bien sur. »

« Je vous remercie. Hum, votre nom s’il vous plait ? »

« Igor Pedrali. »

« Préféreriez vous que le port de Bénécius reste traditionnel, ou opteriez vous pour une rénovation plus sophistiquée, et un aménagement plus intense des lieux ? Nous penserions ajouter des commerces divers etc… »

« Hum… Oui, ce peut être une bonne idée. Je serais donc pour l’aménagement et la rénovation des lieux. »

« Je note, merci beaucoup. »

Luccia fut soulagée d’une telle coopération, des réponses brèves, et finalement, d’obtenir un nom aussi facilement, et en un rien de temps. Car il n’y avait pas de temps à perdre… L’elfe se dirigea donc vers une seconde personne . Elle lui fit la même présentation. C’était une femme cette fois qui se présenta sous le nom de Louanne Dessange. Mais, quand vint la question, celle-ci s’emballa au regret de Luccia :

« Oh les traditions ! Ma mère, qui est morte il y a un bout de temps… Oh triste sort, je n’avais que quinze ans… C’était dur, le jour où elle n’est pas revenue. Oui, en fait, on ne savait pas vraiment si elle était morte. Mais elle a disparu. Enfin, nous avons fait comme si c’était le cas. De toute façon, elle m’a eue âgée, donc il y avait peu de chance qu’elle survive encore longtemps, surtout seule dans la nature. Dans tout les cas, une chose est sure, c’est qu’à ce jour, elle est bel et bien morte. Ce n’est pas une elfe, donc les chances ne sont même plus infimes, elle sont nulles. Oh ne vous en faites pas pour moi, je m’y suis habituée. Il faut bien. Arf… Mon père un peu moins… Ce fut plus dur pour lui, étrangement. Son premier et dernier amour qu’est ce que vous voulez ! Ça m’a peiné de le voir ainsi, mais bon, c’est la vie. Qu’est ce que je disais ? Ah oui, ma mère, morte à ce jour donc, me disait qu’il fallait préserver au mieux les traditions car elles ne reviendraient pas. On ne va pas en sens opposé à l’évolution. Elle disait qu’il fallait rester dans la simplicité. D’un coté je la comprend. Elle qui n’a vécu qu’avec ces traditions… Une brave femme, vraiment. C’est dommage. Enfin, moi, je pense que l’évolution n’est pas négligeable. On progresse, et c’en est très efficace. Après, est-ce que tout cela s’avère utile ? Je ne sais pas, mais si on le fait, je le suppose bien évidemment. Est-ce que c’est vital ? Non, les gens vivaient bien avec les anciennes contraintes. Alors s’il faut choisir entre le progrès ou non, il est bien difficile de tirer des conclusions. Personnellement, je suis encore jeune donc le changement ne me dérange pas et, s’il peut être bénéfique, je suis bien sur pour. Mais si je devais rendre hommage à ma mère, je dirais contre, vous voyez ? »

« Je vois très bien oui… Merci bien, au revoir. »

Et bien, si toutes les femmes qu’elle interrogerait seraient aussi bavardes que celle-ci, elle ne risquerait pas d’en arriver à bout de si tôt. Par respect et pour ne pas éveiller les soupçons, elle ne l’avait pas interrompue, mais si elle avait pu s’en aller dès l’annonce de son nom, elle l’aurait fait. Heureusement, les autres se montrèrent plus bref et, au final, elle parvint à soutirer une quinzaine de noms : Fael Gefred, Julian Dorgoth, Helen Dijin et sa fille Luna, la gamine qui avait été convoitée par le capitaine précédemment, Sorel Tunga, Jin Aelos, Yorek Nobalm, Gelenesbella Frevlis, Maïch Lesdal (un vrai pot de colle), Tao Hyiures, Fred Zalbek, Reda Enstren, Ariane d’Evlin, Jack Follen, Cameron Bolgue, Selena Hiespila, et Ben Rovej.

Pendant l’interrogatoire, elle avait pris le soin de paraitre la plus inoffensive et naïve possible aux yeux du personnel à bord du navire. Une fois ses noms en poche donc, elle retourna à la cabine où elle avait laissé Miranda, espérant la retrouver à ce même endroit. Elle ouvrit la porte en trombe, et annonça immédiatement :

« J’ai les noms ! Et toi, tu as trouvé quelque chose ? »

La jeune femme laissa Luccia partir, attendant tout de même quelques minutes avant de retourner à ses propres recherches. Elle guettait le moindre signe indiquant que l’elfe avait besoin d’aide… Mais tout semblait calme sur le navire. Elle jeta un regard noir et méprisant à la forme enroulée dans le draps avant de s’installer confortablement à son bureau… Si elle voulait s’en sortir avec toute cette paperasse, autant faire les choses bien. Elle s’empara aussi d’une longue plume et de parchemin vierge afin de pouvoir noter ses possibles découvertes, écrivant en premier lieu le nom de Metfales de son écriture déliée.

Mine de rien il y avait énormément de papiers à compulser, sans compter que le sens de l’organisation du capitaine semblait à désirer… Luccia mettrait aussi probablement un certain temps avant de parvenir à finir de récupérer tous les noms, si on la laissait bien faire. Gardant l’agenda ouvert devant elle, elle entreprit de lire chaque feuille, livre de compte et notes manuscrites qu’elle pouvait trouver. Il lui fallut un long moment pour noter qu’elle ne parvenait pas à trouver de nouvelles informations. L’ensemble paraissait bancal, certes, mais quelqu’un qui ne se doutait de rien pouvait fort bien mettre cela sur le sens de l’organisation du capitaine. Or elles avaient besoin de plus de preuves à charge…

Ayant finit de lire tous les documents qui étaient à da disposition sur le bureau, elle dut se résoudre à en chercher d’autre. Le contenu des tiroirs du bureau ne fut pas beaucoup plus satisfaisant jusqu’à ce qu’elle remarque une étrange fente sur l’arrière du meuble. Visiblement il devait y avoir un compartiment à cet endroit et l’absence de serrure ou de poignet laissait à penser qu’il existait un mécanisme secret afin de le débloquer… La sidhe s’arma d’un coupe papier en un premier temps afin d’essayer d’ouvrir, sans pour autant nourrir de grands espoirs sur cette technique. Sans surprise elle constata l’inutilité de son action, elle devait trouver le mécanisme si elle voulait l’ouvrir.

Tournant autour du bureau, la jeune femme se mit en quête de toutes les petites bizarreries d’ornementation se trouvant sur le pourtour du bureau. Par rapport au reste de la cabine, cet élément de mobilier était particulièrement raffiné pour le rustre qu’était le capitaine. Elle nota force de fioritures, petites fleurs finement ciselées dans un bois de rose des plus charmant. Si elle n’avait pas désormais charge d’âme, elle aurait bien fait en sorte que le meuble finisse entre de meilleures mains que celle d’un marin sans éducation…

La shaman finit par jeter son dévolu sur trois petites roses bien distinctes des autres. Aucune d’elle n’était dans le même sens que le reste de l’ornementation du bureau. C’était discret mais indéniable… Délicatement, elle testa les fleurs, cherchant à les faire tourner et constata avec satisfaction que c’était le cas. Avec douceur elle remit chacune d’entre elle dans la même position que toutes les autres. A la troisième rose elle entendit un discret cliquetis en provenance du compartiment secret. Elle devait avoir réussi…

Elle découvrit ainsi un fin cahier de cuir noir, un carnet racorni et une carte soigneusement roulée. Peu instruite de la cartographie maritime, ni vraiment de la géographie de Nelberaid, elle laissa cette dernière à l’appréciation de Luccia. Il lui semblait juste que plusieurs routes étaient clairement annotées… Le carnet racorni contenait plusieurs noms et adresses, ou moyens d’entrer en contact avec la personne. Metfales apparaissait à nouveau mais avec suffisamment d’informations pour bien lui mettre la main dessus.

Restait le cahier noir… Il s’agissait d’un livre de compte très précis pour des marchandises dont il n’était question qu’à travers un code alphabétique bien précis. Précis mais simple… Il ne lui fallut pas bien longtemps pour comprendre ce que voulait dire JF, JM, EF, EM, FM, MM, VF et VM. Jeune Femme, Jeune Mâle, Enfant Femme, Enfant Mâle, Femme Mûre, Mâle Mûr, Vieillard Femme, Vieillard Mâle… A chaque fois pour chaque lot, une certaine quantité de pièces d’or. Les références d’entrées semblaient aussi être les initiales des îles qu’elle avait vaguement vu sur la carte.

Parfois dans cet ignoble livre de compte une entrée se distinguait des autres. Ainsi, parmi le trafic d’humains « classiques », apparaissait une ligne intitulée « spécial ». Il s’agissait visiblement d’un seul individu dont la valeur était plus forte que celle des autres. Il y avait la codification pour identifier le sexe et la tranche d’âge de l’individu mais aussi d’autres détails. On pouvait ainsi savoir la couleur des cheveux, des yeux et les initiales complètes de l’individu. il y avait aussi un petit commentaire en marge destiné à affiner la chose comme « petit teigneux », « grande asperge » ou « mage, dangereux »…

A la date d’aujourd’hui les colonnes des gens « normaux » n’était pas encore remplie, avec l’arrivée de Miranda et Luccia, le capitaine n’en avait pas eut le temps. Mais la colonne « spécial » comportait tout de même deux entrées, deux probables commandes des esclavagistes ou d’un commanditaire plus haut placé. FZ et YN… Hormis qu’ils étaient classifiés en JM, elle n’avait pas d’autres informations, du moins pas assez pour savoir pourquoi ces deux là en particulier intéressaient le capitaine…

Elle finissait de coucher ses notes sur le parchemin lorsque Luccia revint de son enquête de proximité. Elle la laissa entrer, jetant tout de même un œil sur le capitaine pour qu’il n’en profite pas pour s’enfuir. Visiblement elle avait du frapper encore plus fort que ce qu’elle ne le pensait car il ne bougea pas d’un iota. La pêche avait été fructueuse du coté de l’elfe. elles commençaient à voir le bout du tunnel…

-J’ai trouvé des choses intéressantes dans un compartiment secret. Son livre de « comptes » pour ses marchandises humaines, son carnet d’adresses et, surtout, ses routes commerciales.

Elle jeta un coup d’œil à son parchemin.

-Aurais-tu trouvé deux jeunes hommes dont les initiales sont FZ et YN ?

Dans son élan, Luccia en aurait presque oublié le capitaine, allongé là, longeant le mur et le salissant de sa crasse nettement visible. Même l'expression 'dormir comme un bébé' ne l'aurait pas défini... Et pourtant, il ne semblait pas pouvoir se réveiller de si tôt. Miranda n'y était pas allée de main morte. Enfin, c'en était un soulagement, car il aurait pu fausser leurs opérations. Il valait mieux que les deux exploratrices règlent cette affaire avant son réveil. Se souviendrait-il de ce qu'il s'était passé ? Pourrait-il croire qu'il s'était simplement cogné si les deux jeunes femmes laissaient la cabine comme elle l'était à son état initial ? De toute façon, il saurait un jour ou l'autre que ces demoiselles avaient, dès le départ, pour but de le piéger. Et la druide était convaincue que ce serait aujourd'hui.

Fort heureusement, Miranda était là, des papiers en main. Elle avait donc probablement trouvé quelque chose, ce qui ne manqua pas de rassurer l'elfe qui songeait aux maigres preuves qu'elles détenaient pour le moment. Et, ceci allait à coup sûr changer. Des marchandises humaines... C'était donc ça. Des marchandises spéciales ou un 'simple' trafic d'esclaves inconnus ? Ou les deux ? Dans tous les cas, ici, à Bénécius, l'une ou l'autre de ces solutions étaient parfaitement illégales alors... Elles le tenaient.

Miranda avait fait du bon boulot, et Luccia demeurait stupéfaite des preuves qu'elle avait trouvé. En fait, elle n'était pas tout à fait soulagée, mais c'était un bon début. Oui, maintenant qu'elles avaient les preuves, il faudrait pouvoir se libérer du personnel et sauver les pauvres gens à bord du navire, et ce, avant d'être parmi les esclaves, et de ne plus pouvoir en sortir.

La shaman demanda si Luccia avait des noms dont les initiales étaient FZ et YN. Rapidement, la druide survola sa liste et repéra ce qu'elle cherchait. Elle chercha des yeux Miranda avec une certaine stupeur, lui demandant gestuellement ce que cela signifiait...

« Fred Zalbek et Yorek Nobalm... De ce que je me souviens, ces deux jeunes hommes étaient assez hautains... De parfaits nobles dirais-je. L'un d'entre eux, Yorek je crois, n'a prononcé que quelques mots. Il paraissait effrayé. Je parierais qu'il regrette de m'avoir avoué son nom spontanément. Tu crois qu'il sait quelque chose ? »

Visiblement Luccia n’était pas revenue bredouille de son enquête de proximité. Ce qui était une bonne chose en soit… Sans la possibilité de faire clairement le lien entre ce qu’elle avait trouvé et les passagers du bateau, elles ne pouvaient rien véritablement prouver. Encore moins si elles devaient faire en sorte que les victimes se rebiffent contre leurs kidnappeurs… Elle laissa la druide chercher dans ses notes alors qu’elle s’assurait encore que la porte était correctement fermée… Le Capitaine ne s’était pas réveillé et elle commençait à redouter d’avoir été un peu trop « vive » dans la défense de sa dignité.

-Peut-être… En tous cas ces deux personnes devaient être la marchandise « spéciale » du jour. Les autres passagers sont juste un bonus pour eux… De ce que je comprend en tous cas…

La sidhe lui montra le livre de comptes et entreprit de lui expliquer rapidement comment elle avait interprété les informations… Pour l’instant ces deux hommes, notamment le plus nerveux, étaient leur meilleure piste. Peut-être étaient-ils recherchés pour une raison bien particulière et qu’ils cherchaient à fuir les commanditaires. Dans ce cas Luccia et Miranda ne manqueraient pas d’en apprendre plus. Il fallait absolument les interroger… Sauf qu’il allait être difficile de le faire ici. Si jamais un marin voyait leur petit manège, il serait difficile d’expliquer que l’une des cibles principale du rapt allait prendre part à une partie fine dans la cabine du capitaine… Non, elles devaient « changer de roche ».

-Il faut que nous interrogions ce jeune homme…

Miranda lança un regard vers la masse constituée par le Capitaine… Il restait encore un problème… Difficile de le laisser ainsi sans plus de précautions, il fallait qu’elles songent à un plan de rechange, qu’elles prennent un minimum de précautions si elles ne voulaient pas finir dans ce livre de comptes…

-Tu as une idée de ce que nous pourrions faire de lui ? J’ai peur que continuer à occuper sa cabine ne commence à devenir dangereux pour nous…

Peut-être pouvaient-elles achever leur petite comédie en faisant en sorte qu’il se réveille et pense qu’il avait « admirablement » accomplit son devoir de mâle ? Mais avec la belle bosse qu’il devait avoir à l’arrière du crâne, elle avait peur que leur jeu soit rapidement percé à jour… Restait à faire en sorte qu’il ne sorte pas. Et que personne ne puisse le voir… Elle avisa un gros coffre au fin fond de la cabine, recouvert de divers oripeaux. Se tournant vers la druide elle lui désigna le contenant d’un regard malicieux.

-Qu’en penses-tu ?

Une fois débarrassées du capitaine elles seraient libre d’aller aborder le jeune noble. Et de l’interroger discrètement…

Bon... Si les deux hommes étaient bien « la marchandise spéciale » du jour, les deux enquêtrices avaient une piste non négligeable... Surtout avec la manière avec laquelle avait réagi l'un des deux hommes. Et, il était vrai qu'il était évident qu'il fallait interroger ce dernier... Luccia approuva donc d'un hochement de tête. Il était inutile de chercher multiples théories alors que la réponse se trouverait certainement dans la bouche de ce Yorek. Mais avant, il restait un problème... Le capitaine.

Il fallait prendre certaines précautions. Et celles-ci consistaient principalement à ne pas rester dans cette cabine, et s'assurer que le capitaine ne puisse sortir de cette dernière, et ne puisse être repéré par le membres du personnel du navire s'ils venaient ici également.

« Oui... Il faudrait l'enfermer quelque part... »

Luccia fit dans un premier temps un tour rapide, du regard, de la petite pièce. Mais Miranda la devança lorsqu'elle lui montra des yeux un coffre qui pourrait être l'objet de ce qu'elles désiraient. Avec en plus un cadenas non loin ! Elles n'auraient pas les clés pour le ré-ouvrir par la suite, mais tanpis... Cet homme n'avait que ce qu'il méritait.

« Parfait. Tu prends les pieds... »

La druide s'attela à le prendre par les bras. Et, c'est qu'il n'était pas léger ! Il fallait donc le transporter jusqu'au coffre, et le mettre à l'intérieur...

~

Cela fait, la druide fit signe à Miranda de l'accompagner sur le pont. Elle ferma la porte de la cabine derrière elle, de manière à la laisser comme elle l'était initialement, et donc sûrement comme le capitaine avait l'habitude de la laisser. Puis, elle put respirer à nouveau le grand air marin, ce qui lui fit le plus grand bien. Bon... Les deux femmes devaient maintenant s'occuper de Yorek Nobalm. L'elfe se tourna vers la shaman, et lui montra le jeune homme, avant de s'avancer vers lui... Mais l'effet escompté ne fut pas le bon.

« Non, ne m'emmenez pas ! Je n'ai rien fait ! »

« Chut, chut !!! On veut te sortir de là ! »

Luccia s'empressa de le faire taire, mais c'était trop tard... Le haussement de la voix du noble avait suffisamment attiré l'attention...

Visiblement l'idée n'était pas mauvaise. D'autant plus qu'elles avaient la chance d'avoir un cadenas à portée de main, cela ne faisait qu'accentuer leurs chances de réussite. Avant qu'elles n’entreprennent de le transporter, la sidhe s'assura que le coffre était bien vide mais, aussi, si elle n'avait pas tué le capitaine par mégarde... Non sans dégoût elle posa deux doigts sous son nez, en quête d'un souffle... Bien qu'il fut faible, il était bien présent et elle ne put s'empêcher de pousser un petit soupire de soulagement. Même si cet homme méritait le supplice de la planche au-dessus d'un troupeau de requins affamés, elle n'avait pas non plus envie d'être sa meurtrière. Elle s'empara gaillardement de ses pieds avant de réaliser que le bonhomme pesait son poids. Usant de sa télékinésie en guise d'assistance, elle aida à transporter le corps comme elle put jusqu'au coffre, où elle le lâcha sans la moindre précaution pour lui. Il serait perclus de bleus à son réveil...

Avant de refermer le couvercle, elle s'assura que son bâillon et ses liens improvisés étaient toujours en place et solidement installés... Satisfaite de ce contrôle, elle laissa retomber lourdement le couvercle avant qu'elles ne le verrouillent définitivement avec le cadenas. Elles n'avaient vu nulle trace d'une quelconque clé destinée à cette serrure... Mais elle ne doutait pas que les marins trouveraient une solution à ce petit problème s'ils désiraient libérer le prisonnier. En attendant, il était très bien où il était et son absence assurait, encore pour un temps, un minimum de sécurité aux passagers. Mais elle n'était pas dupe, d'ici peu le personnel de bord ne tarderait pas à se demander ce qu'il faisait et se mettrait à sa recherche. Le plus tard possible, de préférence...

Restait à découvrir le fin de mot de l'histoire. Suivant les directives de la druide, la jeune femme put enfin mettre un visage sur ces initiales désignant une marchandise "spéciale". S'il semblait d'ascendance noble, le jeune homme ne cassait pas trois pattes à un canard, du moins à ses yeux. Par contre il suintait presque l'anxiété et il ne serait certainement pas aisé de l'approcher en toute sérénité, encore moins de gagner sa confiance. Elle ne savait pas exactement ce qu'il fuyait mais, visiblement, l'océan ne serait pas suffisant entre ses soucis et lui... Mais elles n'avaient suffisamment de temps pour mettre sur pied une stratégie efficace pour l'interroger. Ne restait que le contact direct...

Et ce qu'elle craignait arriva... A peine eut-il comprit que les deux jeunes femmes se dirigeaient volontairement vers lui, il commença à paniquer et à dangereusement attirer l'attention sur lui. Le danger immédiat ne viendrait pas forcément des passagers mais plus des marins qui devaient s'assurer qu'aucun mouvement de panique ne naisse à bord. Et s'ils venaient à comprendre qu'elles savaient exactement ce qui se tramait ici... Leur sort en serait jeté. Elles devaient rapidement trouver quelque chose pour détourner l’attention de tous ces gens. Quelque chose de bien plus important que leur petite altercation, qui monopoliserait aussi bien les passagers que l’équipage…

En quelques instants elle visualisa la scène et repéra ce qu’elle cherchait, suffisamment éloigné d'elles pour qu'elles soient tranquilles. Restait à prier que tout ce beau monde serait suffisamment réactif pour éviter qu’elle n’ait un soucis de conscience par la suite. La poussée télékinésique qu’elle dut prodiguer au matelot qui était en train de grimper vers le mat ne fut pas énorme, dérisoire même à ses yeux… Mais le résultat fut celui escompté, il lâcha prise et tomba lourdement à la mer dans un plouf que peu de monde du entendre. Les personnes les plus proches de lui et qui le regardaient à ce moment là firent les yeux ronds mais ne réagirent pas avec suffisamment d’emphase à son goût. Aussi poussa-t-elle un cri tout féminin et terrorisé en pointant son ancienne position du doigt…

-Un homme à la mer !!!

Puis elle se précipita vers le bastingage pour se pencher et voir où en était sa diversion non consentante. Le pauvre nageait et s’époumonait pour signaler sa position. L’instant d’après il y avait une grande cohue entre ceux qui voulaient voir, ceux qui voulaient le sauver et les autres qui paniquaient purement et simplement. Mais le noble et les deux jeunes femmes venaient de complètement sortir de leur esprit. Se frayant un passage vers la druide, elle lui indiqua la cale.

-Allons-y maintenant…

L'affolement du jeune homme avait bien trop attiré l'attention. Il fallait y remédier à tout prix, et trouver quelque chose qui l'attire encore plus... et c'était exactement ce que fit la shaman. En effet, cette dernière fit en sorte qu'un matelot passe par dessus bord. Luccia ne savait nullement par quel miracle elle avait réussi cette prouesse, mais ce fut très efficace en tout cas. Une efficacité hors pair compte tenu de la situation qu'elles avaient créé. Impressionnée, Luccia lâcha un petit :

« Félicitations. »

Puis, elle attrapa le dénommé Yorek par le bras, et le tira dans la cale. Pour qu'il coopère au mieux, étant donné qu'il demeurait effrayé, la druide essaya de le rassurer sur leurs intentions, mais surtout, d'avoir un impact sur lui pour qu'il soit un peu plus réactif et dynamique.

« Si tu veux qu'on te libère des hommes qui te veulent du mal, dépêche toi !»

Puis, elles parvinrent à descendre l'escalier menant à la cale encore vide. Et, ce ne devrait pas changer vu l'agitation actuelle sur le pont. Enfin sauf si... Des bruits de pas se firent entendre. Luccia tira immédiatement l'homme derrière des gros tonneaux, faisant signe à Miranda d'en faire autant. Fort heureusement, il s'agissait simplement d'un homme qui s'occupa de prendre une corde pour récupérer l'homme à la mer. L'elfe poussa un soupir de soulagement en constatant qu'il remontait, et jugea préférable néanmoins de rester à peu près cachés. Enfin, elle se tourna vers la 'marchandise spéciale' du capitaine, et adopta un ton grave :

« Tu as une idée de ce que ces gens te veulent ? »

Voyant qu'il était dépassé par les événements, elle rajouta, pour clarifier la situation :

« Si je t'ai demandé ton nom tout à l'heure, c'était pour enquêter sur ce qu'il se passe d'étrange sur ce navire... Et tu figures sur les registres du capitaine. Alors, il faut nous dire tout ce que tu sais si tu veux réussir à te sortir de là sain et sauf. »

Il n'y avait maintenant plus de raisons pour que le jeune homme n'accepte pas de coopérer.

La jeune femme répondit au compliment de la druide par un sourire en coin. Elle ne savait pas si mettre une vie en danger pour assurer leur retraite était une chose si louable que cela… Mais tant qu’il ne mourrait pas, sa conscience devrait s’en sortir sans trop de difficultés. Après tout c’était bien les marins les méchants de l’histoire. Et puis… Elle aimait bien jouer ce genre de tous. Il y avait un petit coté jouissif, de follement amusant, de provoquer l’apparition d’une petite part de chaos ici bas et d’observer les gens essayer de remettre les choses en ordre.

En attendant, au delà de l’amusement et du plaisir qu’elle pouvait avoir pris en jetant le marin à la mer, cette action leur offrait une diversion de choix. Elles n’étaient plus du tout le centre de l’attention et le petit noble était maintenant une proie facile pour elles. A moins de cacher une force pantagruélique sous son apparence frêle, elle était presque sure que Luccia était capable de le pendre sous son bras pour le porter dans un endroit plus sûr et discret s’il se refusait encore à leur parler. Elle se contenta de l’entraîner à sa suite mais elle voyait bien que Yorek aurait été bien incapable de leur offrir la moindre résistance physique…

La sidhe leur emboîta le pas pour se rendre à la cale, profitant de fermer la marche pour tout de même s’assurer que personne ne les suivait et qu’ils étaient tous suffisamment occupés par sa victime involontaire. Mais le danger ne vint pas de derrière… Des bruits de pas se firent entendre et la shaman obéit à la druide, trouvant refuge derrière de gros ballots de tissus solidement amarrés. L’homme passa d’un pas rapide sans même prendre conscience de leur présence, visiblement pressé. Elle attendit encore quelques instants avant de sortir de sa cachette et de signifier à Luccia et sa prise que la zone semblait être sûre.

La druide semblait avoir l’interrogatoire bien en main, inutile qu’elle s’en mêle. Tout ce qu’elle parviendrait à faire ce serait d’embrouiller le malheureux déjà un peu perdu à cause de la panique. Les choses allaient trop vite pour lui, cela se voyait clairement à son regard. Elle se contenta de lui lancer un sourire rassurant avant de reporter son attention sur les accès à la cale. Si elle ne l’interrogeait pas, rien ne l’empêchait de faire le guet.

Seul le silence répondit à la question de Luccia. Du moins en un premier temps. Yorek baissa le regard, se tordant les doigts de façon nerveuse… Visiblement il devait bien avoir une petite idée sur la question pour réagir ainsi. Mais il n’osait pas encore leur parler… Et lui forcer la main de façon un peu trop brusque ne serait peut-être pas la meilleure solution, ce devait être pour cela que l’elfe restait aussi courtoise… Il finit par ouvrir la bouche, leur offrant une sorte de son entre le grognement, le borborygme et le murmure. Il fronça les sourcils et se racla la gorge pour retrouver un filet de voix à peu près « normal » malgré le coté chevrotant et mal assuré…

-Je… Il y a quelques mois un homme est venu me voir. Il voulait que je travaille pour lui… J’ai promis de ne jamais m’en servir pour quelqu’un qui ne m’inspirait pas loyauté alors j’ai refusé. Il est parti très énervé de chez moi en me promettant de ses nouvelles. Depuis je suis traqué, cela fait plusieurs fois que l’on essaye de m’enlever… De ce que j’ai comprit, il voulait que je me serve de mes pouvoirs pour déplacer un grand nombre d’hommes armés de ses casernes à un autre endroit.

Il y eut quelques instants de flottements…

-En fait je peux téléporter un grand nombre de personnes, ou de gros objets voire des bâtiments…

Yorek avait l’air gêné par son pouvoir… Miranda, elle, tourna la tête pour mieux le dévisager. Connaissant les limites de sa propre téléportation, elle comprenait parfaitement les implications d’un tel pouvoir… C’était redoutable pour mener une attaque éclaire. Au moment où elle pensait à cela, une main se referma sur sa gorge et la souleva en partie du sol. Son propriétaire, un colosse torse nu à l’air mauvais, rapprocha son visage du sien pour mieux l’observer…

-Qu’ce’vous foutez là bande de fouineurs ?

Suite

» Recensement. ( Miranda)
» Nuit d'enfer ( Miranda)
» Journée blanche ( Miranda)
» Toujours en vie! [Miranda]
» Un nouveau départ [PV Miranda]

Croisière douteuse = Croisière dangereuse [Miranda]

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