Le soleil venait de pointer el bout de son nez lorsque Neelahn se réveilla. Ses paupières battirent plusieurs fois, comme s’ils essayaient de se remémorer ce qui c’était passé la veille. Ça avait un petit côté frustrant lorsqu’on habitait dans la forêt et qu’on se réveillait dans un endroit tout à fait semblable mais avec une pointe de petit quelque chose différent.
L’elfe s’étira et regarda autour d’elle. Et la première chose qu’elle aperçu fût la non-présence de la guerrière. Pourtant, son ami était encore là, flemmardant dans son coin. Visiblement, il était parti pour faire la grasse matinée. La druidesse lui dit bonjour un faisant un petit signe de la main. Des fois, on ne savait pas vraiment si un animal dormait ou pas. C’étaient comme les bipèdes ; certains avaient les yeux ouverts et pourtant, ils dormaient bel et bien. Bref, c’était trompeur.

La druidesse ne lambina sous sa couverture et se dépêcha de se lever. Elle roula l’épais tissu et le rangea dans son sac vite fait bien fait.
Balayant encore une fois les alentours du regard, Neelahn cherchait Thad’. Elle aurait pu tout de même la réveiller au lieu de la laisser dormir comme une marmotte ! Bien sûr, l’elfe ne lui en voulait pas mais elle était un peu gênée de s’être réveillée après elle. La guerrière avait peut-être des choses à faire ; comme sa mission secrète, par exemple… M’enfin, peut-être que si c’était vraiment urgent, elle serait parti en lui laissant un mot.

« Peut-être qu’elle est partie faire une ronde… » pensa-t-elle

Neelahn se rappela alors que Thad’ ne s’était pas endormie en même temps qu’elle la veille, prétextant qu’il fallait qu’elle fasse la garde. Elle émit donc l’hypothèse que la guerrière était partie faire un tour, histoire de s’assurer que rien de dangereux ne rôdait autour d’elles. C’était une charmante attention mais Neelahn espéra que la guerrière avait tout de même dormi un peu et qu’elle n’avait pas nuit blanche ! Ce serait bien fâcheux si s’elle s’endormait pendant sa mission. L’elfe s’en voudrait péniblement. En même temps, était-il possible de s’assoupir durant un combat ? La druidesse en était perplexe. Non, on ne pouvait pas s’endormir comme ça, même si on était éreinté. Par contre, il pouvait être très facile de perdre son attention…

« Thad ? »

Clairement, ce qu’elle faisait ne servait strictement à rien. Neelahn était partie à la recherche de la guerrière mais n’osait pas crier trop fort, de peur de réveiller le cheval (au cas où il serait toujours en train de dormir). Évidemment, si Thad’ se trouvait à plus de vingt pas, elle n’entendrait sûrement pas les appels de l’elfe, sauf si elle avait une ouïe ultra développée. Mais bon, on ne pouvait pas non plus dire que Neelahn la cherchait vraiment puisqu’elle se contentait de rester assez près du camp. En même temps, elle ne voulait pas laisser les animaux tous seuls. Certes, Tigrou était assez fort pour se défendre mais elle ne savait pas ce qu’il en était du cheval. Et puis bon, on ne savait jamais ce qui pouvait arriver…

Lorsqu’elle entendit la voix de la guerrière, la druidesse tourna aussitôt la tête. Et elle sursauta.
Beurk. Mais c’était quoi cette chose ? Ah oui. L’espèce de gobelin aux longues oreilles sur lequel elle avait tiré sans réfléchir, la veille. Penchant un peu la tête sur le côté, Neelahn eût un pincement au cœur. Cette pauvre créature ne voulait peut-être pas leur faire du mal. Peut-être qu’elle s’était approchée de leur camp, intriguée par la lueur des flammes. Et l’elfe, elle, tous ce qu’elle avait trouvé de mieux à faire, c’était lui tirer dessus comme si ce n’était qu’un lapin.
Mais bon, Thad’ avait l’air de positiver sur la situation alors Neelahn décida d’en faire de même. La créature était morte désormais. Inutile d’en faire tout un drame. Ce n’était pas en se lamentant que cela allait arranger les choses. Dans sa tête, l’elfe pria pour que la déesse de la nature accueille cette pauvre petite bête dans l’au-delà et que son existence soit paisible parmi les morts.

A nouveau, Neelahn sursauta quand Thad’ jeta le gobelin bizarre aux pieds du cheval, comme si ce n’était qu’un vulgaire sac de carottes. Quelle étrange façon de se comporter avec les morts. Bien entendu, l’elfe aussi procédait un peu de la même manière avec le gibier mais bon, là, ce n’était pas pareil, à moins que la guerrière ait l’intention de faire rôtir le gobelin pour son prochain repas ?
Ah non. Elle voulait tout simplement ramener le cadavre à « ses cousins ». Jamais Neelahn aurait pensé à faire une chose pareille. Ramener un être vivant inconnu à ses amis pour l’étudier, c’était une idée qu’elle n’aurait jamais eu toute seule. Peut-être devrait-elle s’y mettre ? Ça agrandirait sa connaissance du monde. En même temps, cela ne lui plaisait pas spécialement de tuer des créatures, juste comme ça, pour pouvoir les « étudier ». En fait, ce n’était pas dans ses mœurs et coutumes. Là où elle vivait, on ne tuait pas une créature pour rien. Et abattre une pauvre bête pour l’étudier faisait partie de la catégorie « tuer pour rien ». Dans le temps, c’était considéré comme un outrage mais avec le temps (et à force de tuer des oiseaux et autres animaux lors des entrainements), le clan de Neelahn finit par devenir moins stricte sur cette règle. Mais bon, quand même, on évitait de tuer les créatures pour rien. Question de principe.

« Pourquoi pas. J’espère que tes cousins arriveront à résoudre l’énigme de cette créature. »

Thad’ était une guerrière. Elle devait penser sans doute penser différemment. Pour elle, quelqu’un qui approchait de son camp en mode furtif était nécessairement quelqu’un ayant de mauvaises intentions. Et quand on savait que Thad’ était une guerrière, on pouvait aisément comprendre son point de vue. Mais tout de même, Neelahn trouvait que c’était une façon bien rustre de voir les choses. Elle s’abstînt tout de même de le lui dire. Thad’ avait l’air tellement contente de ramener « un souvenir » à ses « cousins ».

« Tu comptes ramener d’autres trucs dans le genre ? Il doit y en avoir des centaines dans la forêt. »

Même si Neelahn avait décidé de ne rien dire, elle ne pouvait quand même pas laisser Thad’ dévaster la forêt, rien que pour sa curiosité personnelle…

« Euh… ok »

L’elfe dut admettre qu’elle se sentait un peu dépassée. Même son imagination débordante ne pouvait pas concevoir comment on pouvait étudier une créature « de l’épiderme aux organes ». En réalité, avec un peu de jugeote, elle aurait probablement trouvée mais quelque chose, au fond d’elle, lui disait qu’il ne valait mieux pas qu’elle comprenne. Et finalement, son esprit classa vite la réponse de Thad’ dans la catégorie « sans importance ».
En tout cas, la guerrière avait l’air bien réveillée ce matin. Toutes ses réponses avaient le don de déboussolée Neelahn. Décidemment, elle allait vraiment droit au but et ne ménageait personne. D’ailleurs, c’était ça que l’elfe appréciait chez elle. La guerrière parlait franchement sans aucun complexe. Elle disait ce qu’elle avait à dire et peu importe l’impact que cela pourrait avoir sur les autres. Elle était honnête mais un peu rustre. Neelahn se demandait si elle faisait quand même attention quand elle parlait aux enfants.

« Oui, c’est ça. »

« Gaspiller les morts… ». Thad’ avait quand même une drôle façon de parler. Elle avait dit cela comme si elle pensait qu’il ne fallait pas tuer trop de monde dans le but d’en garder pour plus tard, au cas où elle s’ennuierait. Est-ce que les vrais guerriers étaient comme ça ? Étaient-ils nés juste pour tuer ? Hum… Finalement, Neelahn balaya toutes ses sombres pensées de sa tête. Thad’ devait sûrement se battre pour une noble cause. Défendre les innocents devait sans doute être sa passion…
Et alors qu’elle se perdait dans ses pensées confuses, la guerrière lui demanda ce qu’elle fabriquait dans la forêt d’illusion, la veille, à une heure si tardive. L’elfe sursauta, ne s’attendant pas à se voir poser pareille question.

« Bah… »

Le faisait-elle exprès ou la vie en forêt lui était totalement inconnue ?

« Je recherche un peu de marchandise à vendre à Naturalia. Dans l’idéal, j’aimerais trouver une nouvelle plante rare. Mais pourquoi me poses-tu cette question ? Tu sais, moi, je vis dans la forêt alors que ce soit dans la forêt des illusions dans une autre forêt, pour moi, c’est à peu près pareil. Bon, j’avoue que dans la forêt d’illusion, il m’arrive souvent de me perdre un peu mais bon… C’est qu’elle est spéciale cette forêt, hein ? »

L’elfe regarda ensuite autour d’elle, afin de s’assurer qu’elle n’avait rien oublier par terre. Le jour s’était levé. Peut-être devrait-elle rentrer chez elle. Avec un peu de chance, elle trouverait peut-être une variété de fleur inconnue sur son chemin.

Neelahn haussa les épaules. Elle lui arrivait parfois de faire ce mouvement lorsqu’elle ne savait pas quoi répondre. Thad’ avait raison. Ce n’était pas prudent de venir se promener dans un endroit que l’on connaissait mal et il était d’autant plus dangereux de s’y aventurer lorsque la nuit tombait. Pourtant, ce n’était pas la première fois que l’elfe rendait visite à la forêt d’illusion et jusqu’à présent, elle s’en était toujours bien sortie, même s’il lui arrivait presque tout le temps de se perdre. Mais malgré cela, la guerrière avait raison, surtout à propos des plantes. Jusqu’à présent, la druidesse ne s’était pas inquiétée sur la valeur à laquelle elle revendait ses produits. En général, il suffisait que tous disparaisse de son étal pour qu’elle ne soit contente. Elle ne s’était jamais dit qu’elle bradait peut-être les prix. Mais quelle importance au fond ? Elle pouvait faire fleurir presque tous ce qu’elle vendait alors qu’elle vende ses produits pour une pièce d’argent ou une pièce d’or, pour elle, cela ne changeait rien, d’autant plus que pour vivre paisiblement dans la forêt, elle n’avait pas besoin de dépenser énormément d’argent. Mais tout de même. Thad’ n’avait pas tord et cela ne faisait jamais plaisir de se faire escroquer.

« Tu as raison. Les plantes que je trouverais dans la forêt d’illusion se vendront désormais beaucoup plus cher car il faut tenir compte de l’endroit où elles ont été cueillies. En ce qui concerne les propriétés, je tacherai de mieux me renseigner. »

Elle sourit lorsque Thad’ lui montra dans quelle direction elle allait.

« Ce n’est pas très judicieux de me dire où tu vas. Après tous, tu ne m’as jamais vu auparavant, peut-être que je suis une espionne ! »

Elle éclata de rire et pointa le doigt dans la direction opposée.

« Moi je vais par là. Et si les arbres ne bougent pas trop, je devrais être arrivée chez moi dans l’après-midi. »

Resserrant les sangles de son sac, elle attendit que Tigrou la rejoigne.

« J’ai été très contente de te rencontrer Thad’. J’espère qu’on se reverra un de ces jours. »

Neelahn aurait voulu retenir la guerrière un peu plus longtemps. Elle aimait bien discuter avec elle. Cependant, elle se dit que Thad’ devait avoir beaucoup de choses à faire et il valait mieux qu’elle ne tarde pas trop ici.
Après lui avoir souhaité bonne route, l’elfe tourna les talons et se dit que si elle se transformait en colibri, elle rentrerait peut-être chez elle avant que le soleil n’atteigne son zénith. En revanche, Tigrou devrait se débrouiller tout seul pour le chemin du retour…