Lorsqu’on lui avait proposé de faire un bout de voyage, histoire qu’elle ne se perde pas trop et qu’elle puisse voir de nouveaux paysages, Neelahn avait, bien évidemment, répondu par un « oui » enthousiaste. L’elfe avait donc suivi des gens dont elle ne connaissait pas le nom avec une joie infinie. En fait, elle aurait pu le leur demander mais depuis qu’elle était sortie de sa forêt, elle avait réalisé une chose : elle n’avait pas beaucoup de mémoire. A Naturalia et à Bénécius, la druidesse avait eu l’occasion de rencontrer une multitude de personnes toutes aussi différentes les unes des autres et elle ne se rappelait déjà même plus de la moitié d’entre eux. Mais bon. Elle se disait aussi que la mémoire lui reviendrait si elle croisait à nouveau le chemin de ces personnes.
Jusqu’à présent, même si certaines d’entre elles étaient très désagréables (elle pensait notamment à Cirdan, par exemple…), elle n’avait pas fait de mauvaises rencontres, à croire que la vie était comme dans ses convictions ; à savoir, une continuité de bonnes rencontres et de belles choses à découvrir.

Cependant, pour une raison inconnue, lorsqu’elle se réveilla le matin dans la caravane, Neelahn se retrouva seule. Au début, elle pensa à une blague. Alors, comme d’habitude, elle avait sourit et était parti à la recherche de ses camarades, persuadées qu’ils s’étaient cachés derrière les buissons pour observer sa réaction. Mais voilà, elle ne trouva personne, à croire qu’ils étaient tous dotés de la faculté de devenir invisible ou de se fondre dans le décor.
Et alors qu’elle tendait naïvement les bras pour dénicher ses compagnons de route, Tigrou sortit sa tête de la caravane et rugit de mécontentement. Dans le même temps, l’elfe venait d’enfoncer ses pieds dans de la boue.
Enfin. La druidesse réalisa subitement où on l’avait embarqué. Il lui en avait fallu du temps…

« Oh la la ! »

Ce fût tout ce qu’elle avait de plus intéressant à dire. En même temps, lorsqu’on se réveille et qu’on se retrouve seul dans un endroit aussi moche et puant, il n’y avait pas grand-chose à dire, surtout lorsqu’on finit – enfin – par comprendre qu’on était paumé et qu’il n’y avait personne pour dire « la forêt, c’est dans cette direction ! ».
Balayant l’endroit du regard, Neelahn tenta alors de déceler quelque chose de joli. Après tous, peut-être qu’elle regardait mal. Ses yeux se posèrent sur chaque plantes, sur chaque tas de boue, … Son nez ne tarda pas à se rendre compte que l’odeur nauséabond qui flottait dans l’air menaçait de saturer son odorat. Et lorsqu’elle vît une toute petite chose nager (péniblement ?) vers sa botte, elle recula brusquement en arrière.

« Mais c’est quoi ce truc ? »

Ça ressemblait à un petit vers noir avec une grosse tête et ça avait l’air franchement dégoûtant (Neelahn était désolée de penser ainsi mais l’atmosphère n’aidait pas à enjoliver cette petite bête). Elle repensa alors à ce qu’on lui avait dit. Les personnes qui venaient de l’abandonnées dans cet endroit immonde l’avaient prévenu que là où ils allaient, des toutes petites créatures se nourrissaient de sang, un peu comme les moustiques, sauf que, une fois accrochées sur la peau, elles avaient du mal à décoller. Au début, l’elfe avait trouvé cela mignon mais à présent qu’elle était en face d’une sangsue, elle dut avouer que c’était vraiment (mais vraiment) répugnant.

« Tigrou, essaye de marcher là où tu vois tes pattes. »

Contrairement à son amie, le tigre blanc n’avait pas eu la stupide idée de sortir de la caravane sans avoir regardé au préalable l’endroit où il venait d’atterrir.

« Euh… je cherche un endroit où je pourrai faire pousser des champignons. »

Trop préoccupée à regarder où elle mettait les pieds, elle n’avait pas vu l’homme arriver. Et maintenant qu’elle avait trouvé quelqu’un pour lui montrer le chemin, elle se dit qu’elle avait bien envie de manger…