C’était un grand jour pour Neelahn.
Jamais elle n’avait prétendu vouloir remplacer Owin, le chef actuel des druides. Elle se savait incapable d’assumer toute les responsabilités qui lui pèseraient sur le dos et puis, de toute façon, elle n’en possédait pas les aptitudes et il était sûrement encore tôt pour penser à ce genre de chose.
Et même si elle ne comptait pas prendre la place du chef, elle espérait tout de même qu’elle allait le rencontrer durant son rite de passage au grade suivant. Pour elle, c’était un rêve de petite fille que de voir à quoi ressembler Owin Tumenhtioren. On lui avait conté de nombreuses histoires fascinantes à propos de cet homme. On racontait que tous les animaux lui obéissaient au doigt et à l’œil et qu’ils lui témoignaient un profond respect. Capable de se rendre invisible et de se téléporter, il était quasiment impossible de le débusquer.

Marchant promptement vers le point de rendez-vous, Neelahn songeait au nouveau titre qu’elle allait peut-être obtenir. Actuellement, dans la hiérarchie des druides, elle était ce qu’on appelait une Pacifiste. Ce titre lui plaisait bien car il représentait tout à fait son état d’esprit et ce qu’elle était. En revanche, le titre qu’elle allait obtenir lui plaisait moins. Elle ne se voyait pas appeler « Neelahn l’Ermite ». Selon elle, il y avait quelque chose de péjoratif. Même si elle aimait profondément la nature, elle ne se considérait pas comme quelqu’un coupé du monde. Au contraire, dès qu’elle le pouvait, l’elfe partait voyager afin d’en apprendre plus sur le monde. Elle rencontrait des gens et s’initiaient à leur mode de vie (parfois bien étrange !).

« Bonjour ? »

Comme la fois précédente, il n’y avait personne pour l’accueillir. Cependant, comme lors de son dernier test, il devait sûrement y avoir quelqu’un qui avait dû remarquer son arrivée. Levant la tête, elle se dit que cette personne ne devait pas être très loin et tenta de la dénicher. Évidemment, elle ne trouva personne.
Pourvu que ce soit Owin qui lui fasse passer son test ! Elle avait entendu dire qu’il était capable de se transformer en loup et scruta donc les buissons, en quête d’un animal à fourrure. Mais mis à part des oiseaux, elle ne trouva nulle trace d’une bête à quatre pattes.

Réajustant son carquois sur son épaule, elle vérifia ensuite que sa dague étai bien accrochée à sa ceinture. Dans une main, elle tenait le bâton du schnock. Après lui avoir jeté un coup d’œil furtif, elle se dit qu’en fin de compte, il ne lui avait pas été d’un si grand utilité qu’elle ne se l’était imaginée. Il ne faisait aucun doute qu’il l’avait aidé lors de ses longues marches à travers les plaines mais elle n’avait pas beaucoup utilisé son pouvoir. Après tout, ce n’était qu’un bâton en bois, capable de se casser comme n’importe quelle branche d’arbre.

« Il y a quelqu’un ? Je suis là… »

Ces quelques mots étaient sans doute stupides et Neelahn le savait. Elle se doutait bien que quelqu’un devait l’observer quelque part mais elle n’appréciait pas beaucoup qu’on la lorgne, caché derrière des feuillages. Mais après tout, peut-être qu’elle se faisait des idées et qu’elle était vraiment toute seule au beau milieu de la forêt. Néanmoins, cela ne l’empêchait pas pour autant de tendre l’oreille et de se tenir sur ses gardes. Après tout, elle ne savait pas ce qu’elle allait devoir faire pour atteindre le grade supérieur.

Un grognement…
Neelahn tourna si vivement la tête qu’elle en eût un torticolis. Quelque chose approchait d’elle mais cela n’avait pas l’air d’être un loup. Songeant alors qu’elle était peut-être arrivée trop tôt au point de rendez-vous, elle s’assit en tailleur par terre et attendit sagement. La bête qui se dirigeait dans sa direction, elle ne s’en inquiéta pas. Ses mouvements nonchalants lui indiquèrent que l’animal ne lui voulait pas de mal.
Pourtant, elle fut bien surprise lorsqu’il pointa sa truffe contre son nez. Mais que lui voulait-il ce bon vieux gros ours ? Dans un premier temps, elle ne percuta rien. Pour elle, cet être qui se tenait face à elle n’était qu’un animal plus entreprenant que les autres. C’était la première fois qu’un ours s’approchait d’elle comme ça. D’habitude, les bêtes se montraient plus méfiantes et craintives.

« Moi c’est Neelahn. Et toi, c’est quoi ton petit nom ? »

… et ce fut seulement à cet instant qu’elle se rendit compte qu’elle n’était pas devant n’importe qui. Fronçant soudainement les yeux, elle s’aperçut qu’il n’était pas le genre d’ours que l’on trouvait couramment dans la forêt de Nel Beraid. Ce fut seulement à ce moment là qu’elle comprit que c’était un druide.

« Pardon. Je suis désolée. » bredouilla-t-elle.

Le druide fit lentement demi-tour et s’en alla à la même vitesse qu’une tortue. Après avoir effectué quelques mètres, il se retourna vers Neelahn. Immédiatement, celle-ci se releva et se précipita pour le rejoindre.
Elle fut alors grandement surprise de voir qu’elle ne connaissait pas aussi bien la forêt de Nel Beraid qu’elle ne le pensait. Arrivée dans un amas rocheux qui lui était totalement inconnu, elle se demanda comment elle avait pu faire pour ne pas remarquer cet endroit.
Puis, comme ça, l’ours s’assit, comme s’il était exténué d’avoir autant marché. Se postant face à lui, Neelahn inclina légèrement la tête sur le côté. Et maintenant, qu’allait-il se passer ?

« Bah… C’est-à-dire que…Beh… Je… Hé bien… Voilà…»

L’elfe ne s’était pas attendu à ça. D’un côté, elle était un peu déçue car ce n’était pas Owin qui allait lui faire passer son épreuve. D’un autre côté, elle était fascinée par la rapidité avec laquelle le druide avait reprit sa forme originelle et même s’il n’était pas le chef des druides, il avait de quoi forcer l’admiration, même si son apparence physique laissait à désirer.
Quant à la question qu’il venait de lui poser, Neelahn ne savait pas quoi répondre. Lorsqu’on lui avait dit qu’elle était en droit de passer son rite de passage, l’elfe n’avait pas réfléchi et y était allée comme ça, parce que la plupart des druides passaient par cette étape dans leur vie. A aucun moment, elle ne s’était demandée pourquoi elle voulait le faire. Pour elle, c’était normal, voilà tout.

« Hé bien… »

Neelahn était sur le point de dire qu’elle ne savait pas mais, bien consciente qu’il ne pouvait pas s’agir d’une réponse correcte, elle réfléchit calmement pendant quelques secondes.

« Je suis druide et comme la plupart de mes congénères, j’aspire à participer à la communauté du mieux que je peux. »

On raconte que si le druide réussissait son rite de passage, il obtenait un pouvoir supplémentaire. Ce petit cadeau séduisait Neelahn mais elle s’abstenu bien de le dire à voix haute. Néanmoins, elle ne put s’empêcher de penser qu’avec une capacité magique supplémentaire, il lui serait plus aisé de venir en aide à la nature.

« Peut-être est-ce un projet trop ambitieux mais j’aimerais pouvoir stopper l’avancée du désert. Peut-être bien que je n’aurais jamais les capacités pour mais j’aurais au moins essayé. Devenir Ermite me permettrait de devenir plus puissante et cela pourrait m’aider à réaliser mon projet. »

Lorsqu’il nota qu’elle avait été sincère, Neelahn se fendit d’un énorme sourire … qui se volatilisa aussitôt quand il lui fit remarquer que sa réponse n’avait rien à voir avec ce qu’il lui venait de lui demander. Elle redoutait déjà le pire.
Alors, quand il se pencha vers elle pour lui montrer ses poings fermés, l’elfe crut que son intention était d’abattre la foudre sur elle. Complètement paniqué, son esprit tentait de se calmer afin de réfléchir calmement. En vain.

« Oh ! »

Le moins qu’on puisse dire, ce fut qu’elle s’était attendu à tout, sauf à ça.
Émerveillée, ce fut avec des yeux d’enfant que Neelahn admira la chenille et le papillon. D’où les avait-il sortis ? Comme elle l’enviait… Ce qu’elle serait fière si seulement elle était capable de reproduire ne serait-ce que le tiers de ce qu’il savait faire !

« Pour grandir, bien sûr ! Tout le monde grandit ! C’est dans la nature des choses ! »

A nouveau, le druide lui avait posé la question avec cette fois-ci un peu d’aide accompagné d’un sourire encourageant. Spontanément, Neelahn avait répondu la première chose qui lui était passé par la tête mais maintenant qu’elle commençait à réfléchir, elle réalisa qu’elle venait de parler trop vite, comme la plupart du temps.
Bredouillant des mots sans queue ni tête, elle se hâtait de trouver une réponse convenable. Visiblement, elle ne comprenait pas ce qu’on lui demandait. A ses yeux, la question formulée par le druide ressemblait à une énigme et tout le monde savait que Neelahn n’était pas douée pour ce genre de chose. Finalement, certaines personnes avaient peut-être raison de croire qu’elle était écervelée.

« La chenille, c’est le jeune totémiste. Et même si elle est aussi courageuse et téméraire que le papillon, elle ne pourra jamais aller loin qu’elle parce qu’elle n’en a pas les moyens. Avec de la volonté, peut-être y arrivera-t-elle mais moins facilement que le papillon. Et puis, le papillon s’envole pour chercher un endroit où assurer sa descendance et trouver un endroit où ses progénitures pourront grandir en paix. La chenille, elle, n’en est pas capable. »

C’était comme cela que Neelahn percevait sa communauté. Mais même si elle avait une vision bien simpliste des choses, elle restait bien consciente qu’il existait des subtilités et des aspects plus complexes. Ses responsabilités iraient sans doute plus loin que d’explorer le monde afin de rechercher un endroit où il serait possible de vivre et prospérer. Et puis, la forêt était déjà un endroit très bien, même si certains de ses congénères préféraient résider dans des milieux plus sec ou moins vert. Et même si elle n’avait jamais eu l’occasion d’en rencontrer, Neelahn savait qu’il en existait plusieurs et qu’un certain nombre de druides avaient choisi d’habiter dans la pineraie carbonisée.

« Et puis, il faut bien que des personnes représentent notre communauté auprès des autres castes. Le chef des druides ne peut pas tout faire tout seul. Même si nous sommes moins nombreux que les autres, nous existons tout de même et il faut bien qu’il y ait quelqu’un pour défendre notre cause. La plupart des gens nous considère comme des animaux et par conséquent, comme des moins que rien alors que c’est faux. Et de plus, ce n’est pas parce que les bêtes ne possèdent pas la capacité de parler que cela signifie qu’ils sont stupides. »

Au bout du compte, Neelahn avait complètement oublié ce que le druide lui avait demandé. Une nouvelle fois, l’elfe s’égara dans son raisonnement pour parler de ses craintes et convictions.

Il ne se moquait pas d’elle. Malgré tout, pour une raison qu’elle ignorait, il riait à gorgée déployée. Ce fut déconcertant car, au final, rien de tout ceci n’indiquait si la réponse fournie au druide fut correcte ou pas.
Puis, lorsqu’il se fut calmé, il laissa échapper quelques mots et Neelahn prit aussitôt une mine déconfite. Certes, il lui avait simplement dit qu’elle lui plaisait bien mais il avait également ajouté le mot « gamine » à la fin du compliment. Pensait-il donc que sa vision du monde était-elle donc trop enfantine ? Est-ce son ignorance qui lui valu ce surnom ?
Le druide lui révéla ensuite ce qu’Owin aurait répondu à la question et l’elfe comprit toute seule qu’elle n’avait pas la même façon de voir les choses que lui. Cependant, on cru bon de le lui dire tout de même à voix haute, peut-être au cas où et Neelahn se sentit complètement ratatiner. Pourtant, le druide enchaina tout de suite après sa remarque, lui faisant ainsi comprendre qu’il ne s’agissait qu’en fin de compte qu’une question de point de vue…

« Et vous ? Qu’auriez-vous répondu à ma place ? »

Les propos du Vieux Ours laissaient à penser qu’il n’était pas d’accord avec le Vieux Loup. Et cela n’aurait pas étonné Neelahn de l’entendre dire qu’il fallait prendre la vie comme elle venait. Il ne semblait pas fataliste mais il avait l’air de se contenter des petits plaisirs de la vie et contrairement à Owin, tout en lui laissait à croire qu’il trouvait inutile de se torturer l’esprit avec des problèmes. A le voir progresser lentement à travers la forêt, cette réponse potentielle n’aurait pas surprise l’elfe. A vrai dire, elle trouvait même que cela aurait parfaitement correspondu avec son animal totem et eût un sourire en s’imaginant les débats que pouvaient parfois avoir les deux amis – car les propos du druide laissaient croire qu’ils étaient très proches-.

« De qui parlez-vous ? »

Sur son chemin, Neelahn rencontra un immense chêne inquiétant et la question du druide, arrivée au même moment que sa découverte, se percutèrent ensemble dans son esprit, si bien qu’elle ne pouvait dire s’il était en train de lui parler d’Owin ou de l’arbre. Mais, puisque le druide était là pour lui faire passer son rite de passage, elle songea qu’il devait s’agir du chêne.
N’attendant donc pas sa réponse, Neelahn avança droit vers l’arbre sans prendre garde à ce qu’il pouvait s’y trouver autour. A cet instant là, une meute de loups affamés ou une horde d’aigrefins auraient pu surgir, elle aurait été prise au piège comme un vulgaire petit lapin. Mais puisque rien de tout ceci ne se produit, elle put s’approcher du grand chêne. Effleurant son écorce du bout des doigts, elle tenta de diagnostiquer le mal qui le hantait. Son oreille vînt se coller au tronc mais n’y resta pas bien longtemps.

« Oh grand chêne, dis-moi ce qui t’arrives. »

Mais l’arbre, silencieux, ne lui répondit rien. Sans doute était-il trop agonisant et préférait garder ses dernières forces pour lutter contre le mal qui le rongeait. Une aura malsaine émanait de son être et le chêne ne pouvait pas simplement être malade. L’angoisse gagna la druidesse lorsqu’elle se mit à penser qu’il s’agissait peut-être d’une malédiction. Mais dans ce cas, qui donc pouvait avoir l’intention de nuire de cette façon ? Quel était son but ? Déjà, Neelahn imaginait le pire et se retourna vers le druide, le questionnant du regard mais, se disant qu’il ne l’aiderait pas beaucoup – il ne fallait pas oublier pourquoi il s’était présenté à elle ! – elle décida d’agir immédiatement et se concentra de toutes ses forces afin de guérir le chêne… Sans succès. Ne voulant pas baisser les bras aussi vite, elle fit une nouvelle tentative et chacun des échecs cuisants qu’elle reçut à chaque fois ne lui firent que redoubler d’acharnement. Elle n’en revenait pas de voir que son pouvoir ne suffisait pas à apaiser sa souffrance. Ne voulant pas admettre qu’elle était impuissante face à ces maux, elle utilisa d’autres techniques qu’on lui avait apprit.
A genoux, les esprits de la nature se virent implorer afin de venir en aide à ce pauvre arbre. L’elfe traça ensuite des signes sur le sol, murmura des incantations et fut consternée de voir que tout ce qu’elle s’appliquait à faire n’avait aucun effet sur le chêne. Son état, loin de s’améliorer continuait à se dégrader lentement.
Neelahn finit par s’emporter.

« Je n’y arrive pas ! »

Elle en vînt à penser que si Owin n’était pas venu lui faire passer son rite de passage, ce fut peut-être tout simplement parce qu’il n’y en avait. Peut-être avait-il envoyé son ami pour lui faire expliquer qu’elle ne pouvait pas devenir Ermite parce qu’elle n’en avait pas les capacités. Mais ça, Neelahn ne voulait pas l’accepter. Elle ne pouvait pas croire que sa destinée consistait seulement à rester dans sa forêt, les bras croisés, pendant que la nature agonisait sous ses yeux. Non ! C’était impossible ! Cela ne pouvait pas en être ainsi !

Résolue à prouver à elle-même et aux autres qu’elle était capable de soigner cet arbre, elle se métamorphosa en colibri après avoir balancé sa dague dans son sac. Ses vêtements et ses armes tombèrent à terre comme si les dieux les avaient balancés du haut de leurs nuages. Le sac qu’elle portait sur son dos, en revanche, s’ajusta à sa transformation. C’était la récompense qu’elle avait reçu lorsqu’elle était parvenue au rang de Pacifiste. Très pratique, ce sac lui permettait de se transformer quand l’envie lui prenait sans avoir à se soucier des détails pratiques qui auraient été susceptibles de l’encombrer par la suite.
Volant jusqu’à la cime du chêne, Neelahn regarda autour d’elle. Dans un premier temps, elle ne remarqua rien d’anormal et décida de s’éloigner du chêne. Peut-être que le jeteur de sort était toujours dans les parages car, pour la druidesse, il ne faisait aucun doute qu’i ne pouvait s’agir que de cela.
Tournant à droite, elle resta pendant un bon moment dans les airs à scruter ce qu’il y avait en bas. Mais mis à part des arbres en bonne santé, des oiseaux et quelques animaux, elle ne dénicha aucune piste susceptible de l’aider. Alors, elle finit par faire demi-tour, passa au-dessus du grand chêne et sonda les endroits qu’elle n’avait pas encore visité. Et ce fut alors un peu plus loin qu’elle aperçut d’autres arbres – mais également d’autres plantes – atteints des mêmes symptômes que l’immense chêne que lui druide lui avait montré. Volant plus bas afin de mieux y voir, la végétation malade semblait tracer une route dans la forêt que Neelahn s’appliqua à suivre. Plus elle avançait, moins les plantes contaminées semblaient atteintes que leurs confrères, laissant croire ainsi à la druidesse que le grand chêne était le premier à tomber malade.

L’elfe finit par atterrir près d’un épicéa. Beaucoup moins atteint que le grand chêne, les symptômes étaient pourtant bel et bien présents.
Après s’être assurée que personne ne trainait dans les parages, Neelahn reprit sa forme elfique et sortit de son sac une robe dont elle se revêtit rapidement.
Posant ensuite une main délicate sur le tronc de l’arbre, elle reposa la même question qu’elle avait posée au grand chêne. Moins atteint, peut-être que l’épicéa parviendrait à répondre à ses interrogations.

« Oh grand épicéa, dis-moi quel mal te ronge afin que je puisse aider tes confrères et toi de mon mieux. »

L’épicéa, dont le mal n’était pas encore parvenu à s’insinuer dans tout son être, parvînt tant que mal à fournir une réponse à Neelahn. La druidesse comprit alors pourquoi elle n’avait pas réussi à soigner le chêne à l’aide de son pouvoir. En effet, l’épicéa lui révéla qu’une substance en contact permanente avec les plantes était la source des maux. Mais de quoi pouvait-il s’agir ? Baissant les yeux sol, elle émit l’hypothèse qu’il s’agissait peut-être de la terre et fut tout d’un coup horrifiée par cette découverte. Si la terre était contaminée, tous les êtres de la forêt étaient potentiellement capables d’attraper la malédiction dont souffraient actuellement une partie de la végétation.
Pour remercier l’épicéa de l’avoir informée, la druidesse tenta de soulager son mal. Sachant que ses racines puisaient inlassablement dans le mal, il était impossible le guérir. Cela n’empêcha pas pour autant une tentative de la part de la druidesse pour apaiser ses maux et de retarder l’avancement de l’infection. Ce fut malheureusement peine perdue mais l’épicéa se montra tout de même reconnaissant et lui montra des images joyeuses dans lesquelles il serait guéri et où ses branches seraient vigoureuses. C’était un message d’espoir et d’encouragement qui apaisa quelque peu l’esprit tourmenté de Neelahn.

Sachant que la terre avait peut-être été ensorcelée, la druidesse n’osa même plus la frôler, de peur de finir comme ces pauvres arbres. Jamais elle ne s’était transformée aussi vite en colibri et ce fut d’un battement d’ailes nerveux qu’elle prit son envol pour venir se poser sur l’une des branches de l’épicéa.
Elle aperçut alors de la sève suintée comme une blessure sur son tronc. Sautillant un peu sur le côté pour la voir de plus près, elle s’aperçut alors avec horreur que la sève était complètement contaminée. Pire qu’une maladie, elle semblait maudite et véhiculait à travers l’arbre comme un poison perfide et mortel.
Complètement paniquée, Neelahn s’envola dans les airs. Il fallait trouver une solution au problème. Pourquoi ne lui en avait-on pas parlé plus tôt ? Ne voyant personne aux alentours, elle finit même par se demander si quelqu’un s’intéressait au sort de ces arbres maudits. Était-elle donc la seule à se soucier d’eux ?
Tournant furieusement au-dessus de l’épicéa, Neelahn donnait l’air de monter la garde autour de son territoire. En réalité, elle tentait de voir si le chemin des plantes maudites continuait mais après avoir vérifié et vérifié à nouveau, la druidesse comprit que l’épicéa était le dernier arbre à avoir été contaminé par la malédiction.

Ne sachant pas quoi faire, la druidesse tourna en rond pendant un long moment. Elle se sentait impuissante face à la situation mais ne parvenait pas à se résoudre à baisser les bras. Elle repensa au druide qui l’avait mené jusqu’ici. Si l’elfe n’était réellement pas capable de trouver une solution, sans doute n’aurait-il jamais pris la peine de l’emmener voir le grand chêne… Mais pourquoi elle ? Et que faisaient les autres ? Pourquoi n’avait-il convoqué qu’elle ? Il ne s’agissait pas là simplement de son test de passage, il s’agissait de la forêt ! De LEUR forêt !

« Je ne comprends pas ! J’étais censée passer mon rite de passage et vous me montrez ça ! Pourquoi les autres ne font-ils donc rien ? Pourquoi ai-je l’impression d’être la seule à m’en soucier ? Et pourquoi vous êtes assis là comme un fainéant ?! »

Elle venait de reprendre sa forme elfique sous les yeux du druide et se hâtait à enfiler une robe. Lorsque ce fut fait, elle dévisagea l’ours, les mains sur les hanches. Pourtant, ce n’était pas de la colère qu’on pouvait lire dans son regard mais simplement de la panique ainsi que de l’inquiétude. Neelahn se sentait complètement dépassée par la situation. Elle ne connaissait rien dans le domaine de la sorcellerie. Les enchantements, les malédictions, … mais pourquoi donc s’être adressé à elle qui ne savait presque rien de la magie !

« Il va mourir si on ne fait rien ! »

Oui, elle avait bien dit « on » parce que toute seule, Neelahn ne se sentait pas apte à soigner les plantes contaminées de la forêt sans aide.
Après avoir jeté un coup d’œil au chêne, l’elfe pensa qu’il était inadmissible de rester là les bras croisé. Et finalement, tant pis si elle devait finir contaminer comme les plantes. A genoux au pied du chêne, Neelahn creusa la terre à main nue. Désespérée, elle faisait ce qu’elle pouvait faire pour venir en aide au grand chêne. Si son épreuve de passage avait consisté à prouver sa ferveur pour la Nature, Neelahn aurait eu sans doute eu toute ses chances de réussir bien haut la main.

Finalement, après s’être écorchée la peau et arrachée un ongle, Neelahn trouva un cours d’eau inquiétant. Les racines du chêne y étaient immergées comme si elles avaient essayé de créer un barrage. Il ne fallu pas longtemps pour que la druidesse comprenne.

« Non non non ! Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi n’as-tu pas quémandé de l’aide ! Vite ! Il faut enlever cette eau ! Venez m’aider ! »

L’eau serpentait étrangement dans la terre et Neelahn n’avait pas manqué de remarquer qu’elle se dirigeait dans la direction des plantes infectées. Finalement, ce n’était pas la terre qui avait été la cause de tous ces maux. Non. C’était l’eau !
Faisant de grands gestes de la main, elle dépêcha le druide de venir l’aider à enlever cette eau maudite. Sortant de son sac tous les récipients qu’elle avait, Neelahn entreprit de tous les remplir. Cependant, elle s’aperçut bien vite que ce n’était pas avec une gourde et un verre qu’elle allait pouvoir ôter toute cette eau. Tournant alors la tête de gauche à droite, elle se mit en quête de pierres pour pouvoir faire un barrage…

Neelahn avait posé des questions mais, trop occupée à venir en aide à la flore, elle ne prêta qu’une oreille distraite aux réponses.
Courant à gauche puis, filant à droite, elle ramenait autant de pierres que ses mains pouvaient en contenir. Il fallait creuser suffisamment le sol pour atteindre le cours d’eau et apporter assez de roches pour créer une barrière. Et pendant qu’elle s’agitait dans tous les sens, l’angoisse la gagna peu à peu. La barrière serait-elle efficace ? Et si l’eau parvenait tout de même à s’infiltrer entre les pierres ?
Lâchant tout d’un coup tout ce qu’elle avait entre les mains, l’elfe s’écria :

« Et pourquoi ne pourrait-on pas faire appel à des personnes capables de contrôler l’eau ? A l’aide de la magie, on pourrait faire dévier le cours d’eau ! »

Intérieurement, Neelahn remercia la déesse de la Nature car elle était persuadée que c’était elle qui lui avait soufflé cette idée ingénieuse. Mais bien que le druide approuva cette manœuvre, il pressa l’elfe à aller voir ce qu’il y avait dans la grotte après lui avoir fourni quelques explications. A cet instant là, Neelahn se remémora son dernier test et eût la désagréable sensation qu’elle allait avoir besoin de ses armes. Or, pour atteindre ce petit point noir situé vers le haut de la falaise, il lui serait impossible d’emmener son bâton ou son arc qui étaient bien trop grands pour rentrer dans son sac.

Après avoir soupiré, Neelahn se changea en colibri et s’envola vers la grotte. Crochets et cordes indiquèrent à l’elfe que son instinct ne la trompait pas et que quelqu’un se terrait bien à l’intérieur de l’antre.
Lorsqu’elle arriva devant l’entrée, elle hésita à reprendre sa forme originelle. Battant nerveusement des ailes, la druidesse tenta d’apercevoir le fond de cette grotte mais ne parvînt à voir qu’un grand trou noir. Déglutissant face à cette obscurité totale, ses yeux baissèrent vers le druide qui, de là où elle se trouvait désormais, ressemblait à un petit point dans le paysage. Elle tentait de trouver un peu de réconfort. Comme elle aurait aimé que Tigrou soit à ses côtés ! Mais n’ayant ni la possibilité la voler, ni la possibilité de grimper à la corde, il n’aurait pu de toute façon pas l’accompagner.
Et, après avoir tergiversé pendant un petit moment, elle se décida enfin à entrer dans la grotte.

Comme le lui avait indiqué le druide, Neelahn dut au préalable emprunter un long tunnel sinueux. Elle avait préféré rester sous sa forme animale car l’endroit ne lui permettait pas de tenir confortablement debout. De plus, avoir pris l’apparence de son animal totem la rassurait et elle se disait qu’en cas de danger, il lui serait plus aisé de fuir sous cette forme.
Et puis, ce boyau étroit dans lequel elle circulait avait le don de la rendre claustrophobe. Elle n’aimait pas cette obscurité qui lui donnait l’impression d’être dans une tombe et avait la sensation de voler depuis une éternité. De plus, n’y voyant rien, l’elfe ne pouvait pas se déplacer aussi vite qu’elle ne l’aurait voulu. Il lui arrivait même quelquefois de heurter la paroi rocheuse mais comme elle n’avançait pas trop rapidement, il ne lui arriva rien de fâcheux sur le chemin.

L’impression de tourner en rond et de battre des ailes pour rien se fit de plus en plus grandissante. Neelahn songea même à faire demi-tour mais ne sachant pas si elle était plus près de la source ou de la sortie, elle continua à avancer tout en se disant que la cause pour laquelle elle luttait ne méritait pas d’être abandonnée simplement parce que l’obscurité totale lui faisait peur.
Et finalement, à force de persévérance, une lumière pointa au loin. L’espoir renaissant, Neelahn se dirigea vers elle comme un papillon de nuit. Sur son chemin, plusieurs pointes de calcaire l’obligèrent à faire attention à ses déplacements, ce qui ne fut pas trop compliqué étant donné sa petite taille.

Parsemée de stalactites et de stalagmites, la grotte aurait pu être un endroit merveilleux si le bassin qui trônait au centre ne dégageait pas des effluves étranges. L’eau, quant à elle, avait un teint verdâtre. Assis à côté, un homme s’affairait à mélanger des potions. Quelquefois, des explosions se firent entendre et des volutes de fumées venaient masquer son visage boutonneux.
Faisant du surplace dans l’air, Neelahn tentait de comprendre ce qu’il était en train de faire. Apparemment, l’homme tentait de créer quelque chose mais la druidesse ne parvenait pas à deviner de quoi il s’agissait. Après quelques tentatives, il jeta le contenu de ses fioles dans le bassin. Contrarié, il essaya d’autres combinaisons et murmura des formules dans une langue que Neelahn ne comprenait pas. Des gouttes de sueur perlèrent sur son front et il les essuya à l’aide du revers de sa main. L’elfe l’aperçu alors tremper sa gourde dans le bassin maudit. Pendant une fraction de seconde, elle failli reprendre sa forme elfique pour lui crier qu’il ne fallait pas boire cette eau. Pourtant, lorsqu’elle l’aperçu sortir une fiole de sa besace et verser quelques gouttes dans sa gourde, elle comprit immédiatement qu’il était au courant et qu’il avait sur lui un moyen pour purifier l’eau.

Un froissement de tissu attira subitement l’attention de l’homme. Neelahn, se voulant discrète, avait sorti tout doucement une robe de son sac car elle détestait se montrer nue. Malgré toutes ses précautions, les bruits qu’elle provoquait étaient amplifiés par la grotte, si bien qu’elle finit par sortir de sa cachette une fois habillée.
Vêtue d’une simple robe et portant sur ses épaules son sac, l’elfe ressemblait à un voyageuse. Toutefois, l’homme ne manqua pas de remarquer qu’elle avait les pieds nus.

« Qu’est-ce que vous faîtes ici ? »

Il dégageait une forte aura de supériorité contrastant avec son physique ingrat. Sa question, posée avec une voix autoritaire, laissait à croire qu’elle n’était pas la bienvenue. Pourtant, il s’agissait de sa forêt et l’elfe n’avait nullement l’intention de le laisser continuer ses expérimentations dangereuses.

« Êtes-vous au courant que vous contaminez l’eau ?
_ Et donc ?
_ Vous êtes en train de tuer de nombreuses plantes !
_ Des arbres, des fleurs, il y en a partout…
_ Si vous continuez, vous allez finir par dévaster toute la forêt !
_ Vas-tu donc arrêter de dire des bêtises, femme ?
_ Ce ne sont pas des bêtises !
_ Tu m’ennuies avec tes histoires de roses et de jasmins.
_ Vous ne comprenez donc rien ? Vous êtes sur le point de…
_ Tu me fais perdre mon temps ! »

Neelahn aurait mille fois mieux préféré discuter avec lui mais, apparemment, il n’avait pas le cœur à converser. A l’aide de son bâton magique, il lui lança une boule de feu qu’elle parvînt à éviter de justesse. Elle tenta de lui faire comprendre la situation mais il n’avait pas envie de l’écouter. Tout ce qu’il voulait, c’était continuer tranquillement ses expériences. Et plus Neelahn essayait de le convaincre d’arrêter, plus il s’énervait. Il la traita de bête sans cervelle et tenta de l’éliminer. Boules de feu, électricité, ombre, … La druidesse devina que l’homme devait être un mage noir. Aussitôt, elle comprit qu’elle ne parviendrait pas à le raisonner car son âme était aussi sombre que sa magie.

Des lianes sortirent sur sol et rampaient vers lui. Pourtant, arrivés à quelques pas de leur victime, elles se mirent à pourrir. Ne comprenant pas ce qui était en train de se produire, Neelahn recommença l’opération une seconde fois et se vit accordée le petit nom d’écervelée.
Des zombies apparurent ensuite de nulle part et coururent vers elle. La druidesse avait déjà eu l’occasion d’en voir mais ces horreurs lui flanquaient toujours la chair de poule. Et comme à chaque fois que quelque chose l’effrayait, elle finit par se transformer en colibri. Le mage noir invoqua de nouvelles boules de feu mais, sous sa forme animale, Neelahn était bien trop rapide pour qu’il ne puisse la viser et finalement, il renvoya ses monstres dans leur monde car ils lui brouillaient la vue.

Au final, les capacités magiques de la druidesse ne servirent à rien. Seule sa capacité à se transformer en un animal totem lui permit d’éviter les assauts de son adversaire. Celui-ci se révéla être un puissant mage car il parvînt à faire trembler suffisamment les stalactites pour qu’elles ne se décrochent, exceptées celles qui se trouvaient au-dessus de sa tête. Il jura lorsqu’il aperçu le colibri se faufiler à travers les pics et venir se réfugier… sur sa tête !
A deux mains, il tenta de l’attraper et la druidesse joua avec ses nerfs en prenant son envol à chaque fois qu’il était sur le point d’attraper son petit corps d’oiseau. Hors de lui, des étincelles d’électricité apparurent au bout de ses doigts et volèrent vers le haut. Ne pouvant plus chercher refuge sur ses cheveux blonds, elle prit son envol et tournoya autour du mage. Mais alors qu’il dépensait tout son mana pour l’éliminer, Neelahn, elle, était en train de s’épuiser physiquement à voler ainsi dans tous les sens. Ni l’un, ni l’autre n’était assez stupide pour ne pas s’en apercevoir. D’un commun accord, ils s’accordèrent donc une trêve.

« Si tu reprends ta forme elfique, on pourrait discuter… »

Malgré son sourire et sa voix mielleuse, une lueur malfaisante brillait dans ses yeux et la druidesse comprit aussitôt que dès qu’elle aurait baissé sa garde, il en profiterait pour en finir avec elle. Cependant, elle décida de jouer le jeu et espérait encore qu’il finirait par changer d’avis.
Sa façon de la lorgner pendant qu’elle passait sa robe au-dessus de la tête la mis très mal à l’aise. Tout en réajustant son sac sur ses épaules, Neelahn prit alors garde à garder une distance suffisante entre le mage et elle.

« On pourrait travailler ensemble, qu’en dis-tu ? Je pourrais t’apprendre tout ce que je sais faire et tu serais mon disciple.
_ Magie noire, nécromancie, … ?
_ Oui, tout ça ! Tu pourrais devenir très puissante, tu sais. Je pourrai même te montrer quelques petites autres choses qui, j’en suis sûr, te plairont.
_ Quoi donc ?
_ Pour cela, il faudrait que tu viennes avec moi… »

Il la prenait pour une idiote, tout ça parce qu’elle avait la capacité de se transformer en animal. Et apparemment, elle devait afficher un visage niais car le mage noir lui tendait la main et lui souriait de toutes ses dents. Neelahn tenta alors de lui rendre la pareille et supposa qu’elle y était parvenue lorsqu’elle entendit le mage noir lui promettre des pouvoirs qui dépassaient son imagination. Il tentait de la faire venir à lui comme s’il essayait d’attirer un petit oiseau dans sa main. Lentement, elle approcha de lui avec un sourire crétin sur le visage – mais qui dut paraître convainquant aux yeux du mage puisqu’il avait toujours la main tendue vers elle -.
Et tandis qu’elle n’était plus qu’à moins d’un mètre de lui, elle aperçut des volutes noires discrètes apparaître autour des doigts du mage. Faisant mine de ne rien voir, Neelahn continua à avancer et, lorsqu’elle sentit qu’il était sur le point de frapper, elle se métamorphosa en oiseau et vînt de suite reprendre sa forme elfique une fois qu’elle se fût poser derrière son dos. Il se retourna mais n’eût pas le temps de faire quoi que ce soit car l’elfe venait de lui abattre son poing à la figure. Il hurla comme une fillette pendant que Neelahn s’emparait d’une des stalactites qui était tombée au sol.
L’homme parvînt tout de même à saisir le bras de la druidesse qui lui donna un coup de pied bien placé et, finalement, le pic de calcaire finit par s’abattre là où il le devait.

« Imbécile. »

Alors qu’elle fouillait dans la besace du mage, celui-ci agonisait tout près et elle trouva dérangeant la façon dont il la regardait. Finalement, ayant pitié de lui, Neelahn décida d’abréger ses souffrances après avoir sorti sa dague de son sac. Mais même mort, il continuait à la fixer avec un regard qui lui déplu. Elle avait l’impression qu’il la maudissait et que bientôt, elle allait se retrouver avec des tentacules sur tout le corps.

Ne voulant pas traîner, l’elfe se dépêcha de prendre la fiole qui servait à purifier l’eau, elle se hâta ensuite de sortir de cette grotte dès qu’elle eût mit la main dessus.

Essoufflée, Neelahn parvînt tout de même à esquisser un sourire. Elle était contente d’avoir pu rendre service à la communauté. Si son père avait été là, il aurait été fier d’elle, l’elfe en était certaine.
Avant de la congédier, le druide lui fourra deux noisettes dans la main. Ne comprenant pas, elle ne put réprimer un haussement de sourcils. Pourquoi lui avoir donné ces fruits ? Elle n’était pas un écureuil !
Et tandis que les autres s’occupaient à endiguer la source, Neelahn s’était assise en tailleur sur le sol et entreprenait de casser la coque. S’emparant d’un caillou pointu, elle tenta de la casser. Ah ! Ce qu’elle avait horreur de ce genre de chose ! N’y parvenant pas, la druidesse finit par taper le noisette sur le sol, sous le regard des animaux, qui, elle en était certaine, devaient probablement se moquer d’elle. Elle, qui venait tout de juste d’être nommée Ermite, n’arrivait pas à manger une noisette !

A force de persévérance, la druidesse finit tout de même à fendre la coque et récupérer ce qu’il y avait dans les deux fruits. Dès que les morceaux tombèrent au creux de sa main, elle les balança dans sa bouche comme si elle n’avait pas mangé depuis trois jours. Et finalement, ce n’était pas si exceptionnel que cela. Neelahn s’était attendu à quelque chose de spécial et s’était ridiculisée devant les animaux de la forêt pour rien.
Vexée, elle croisa les bras et afficha une mine boudeuse. Ses yeux contemplèrent distraitement ses confrères travailler. Et finalement, après s’être reposée quelques minutes, la druidesse décida d’aider ses compagnons. Elle en avait déjà fait assez en trouvant une fiole permettant de purifier l’eau mais elle n’aimait pas beaucoup rester là à regarder les autres sans rien faire.

S’approchant d’une des personnes qui s’était assise au niveau de la source, la druidesse proposa son aide mais on lui dit de débarrasser le plancher. Après tout, elle ne savait pas contrôler l’eau et à ce stade de l’opération, elle était devenue inutile.
De nouveau vexée, Neelahn se changea en colibri et alla remplir des gourdes avec de jus de fruits et d’eau saine et les ramena aussitôt après ses camarades qui la remercièrent chaleureusement. Après avoir travaillé quelques heures, ils commençaient à avoir soif et les boissons que leur apportait l’Ermite étaient les bienvenues.

« Vous voyez bien que je pouvais faire quelque chose pour vous ! » s’exclama-t-elle alors.

Ils continuèrent à travailler tous ensemble jusqu’à la tombée de la nuit et, même si Neelahn ne faisait plus rien de très extraordinaire, elle restait tout de même bien contente de pouvoir venir en aide aux autres.